L`identité du Juif messianique

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L`identité du Juif messianique
Publications du Berger d’Israël
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L’IDENTITE DU JUIF MESSIANIQUE
Guy ATHIA
Dans l’histoire du peuple d’Israël, ancienne ou contemporaine, il n’est pas difficile de se
rendre compte que ce qui caractérise le peuple juif, comme du reste les Juifs messianiques,
c’est cette disposition à discuter de tout, à palabrer de longs moments sur de nombreux
sujets. Chacun croit avoir raison plus que l’autre et trouve des arguments plus pertinents que
son voisin. C’est ainsi que se multiplient les opinions et les partis en tout genre. Chez les
Juifs messianiques, d’où viennent donc toutes ces discussions de mots, d’interprétations des
textes bibliques, etc. ?…
Pour de nombreux Juifs messianiques, les choix essentiels tournent autour de la pratique de
tel ou tel rite ou alors d’un démarquage radical par rapport à la synagogue traditionnelle.
D’autres veulent surtout éviter l’amalgame avec les « chrétiens » rendus responsables de
tous les maux du peuple juif depuis des siècles. Certains redoutent de perdre leur identité de
Juif s’ils ne suivent pas scrupuleusement les rites et traditions orthodoxes. Qu’en est-il
vraiment ?… L’identité du Juif messianique repose-t-elle fondamentalement sur l’observation
plus ou moins rigoureuse de telle ou telle loi biblique ou non ?… La défense d’une identité
personnelle est-elle plus importante que l’affirmation de l’identité du Messie luimême ?…Quelle est donc la racine de notre identité ?…
Comment aller plus loin encore et permettre à de nombreux Juifs messianiques de vivre une
foi équilibrée, mûrement construite, forgée par l’Esprit Saint ?…
La maturité d’un homme prend du temps ; dans certains domaines des décennies. Celui qui
est jeune dans la foi a besoin de grandir dans un cadre édifiant au milieu de frères et de
sœurs qui contribuent à son développement spirituel. Comment donc mettre en place les
moyens nécessaires à ce que chacun puisse grandir vers une « maturité spirituelle », une
stature « d’adulte dans la foi » ?…
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil…
Cette parole célèbre du roi Chlomo (Salomon), fils de David, s’applique bien à la situation
des Juifs en général, et des Juifs messianiques en particulier. Depuis toujours, l’attention se
porte d’abord aux formes de la piété plutôt qu’aux motifs de son expression. Le Seigneur ne
dénonce-t-il pas, par la bouche du prophète Esaïe, une adoration formelle du bout des
lèvres tandis que le cœur est éloigné de la foi [Esaïe 58 sur le jeûne etc.] ?… Combien
d’hommes et de femmes, chez les Juifs, comme du reste chez les chrétiens, attachent une
importance excessive au rituel « extérieur », aux formes, et en oublient ce qui devrait être au
cœur de leur pensée.
La Loi énonce elle-même le besoin de motiver dans son cœur l’obéissance aux
commandements. La circoncision dans la chair ne sert de rien si elle n’a pas eu lieu aussi
dans le cœur, comme nous le rappelle le Lévitique : 26:41 : « Moi aussi je leur résisterai et
les mènerai dans le pays de leurs ennemis. Alors leur cœur incirconcis s'humiliera, et ils
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paieront la dette de leur faute. » (voir aussi Ezéchiel 44.9 et de nombreux passages dans la
Brith Hadacha – Nouveau Testament).
En effet, nous pouvons lire en Deutéronome les paroles suivantes « Maintenant, Israël, que
demande de toi l'Éternel, ton Dieu, si ce n'est que tu craignes l'Éternel, ton Dieu, afin de
marcher dans toutes ses voies, d'aimer et de servir l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et
de toute ton âme. » (Deut. 10 :12). D’autres passages parlent dans le même sens (Lév.
19.17, Deut. 4.9, 5.29, 15.7-10 ; etc.).
En conséquence, pour le croyant, le « fondement » de sa piété est plus important que la
forme de sa piété. Ce qui est essentiel prime sur ce qui est secondaire. L’attention sur ce
qui nous unit est plus importante que le regard sur ce qui nous divise. Et dans ce
domaine, il n’est pas facile de faire la part des choses. Les premiers croyants en Yéchoua’
(Jésus) n’étaient pas à l’abri de ce débat. Toutefois, leurs conclusions ont pour nous valeur
d’exemple.
Ce que nous croyons essentiel…
Yéchoua’, notre Messie, est bien sûr celui qui est au cœur de notre foi. Son enseignement et
sa vie sont à la base de notre vie.
Nous croyons fermement qu’il est le Messie envoyé par Dieu, à la fois « pleinement
Homme » (de nature pleinement humaine) et « pleinement Dieu » (c’est à dire de nature
divine), qu’il est celui annoncé par les prophètes, qu’il est « l’Agneau de Dieu qui ôte le
péché du Monde ». Nous affirmons, selon l’Ecriture, qu’il est mort à Jérusalem sur le bois
pour nos péchés ; qu’il a expié nos fautes ; qu’il s’est chargé de nos maladies et de notre
culpabilité (Esaïe 53) ; qu’il a pris sur Lui le jugement qui nous était destiné. Il est venu une
première fois, vivant comme Juif parmi ses frères Juifs. Il a pratiqué la Loi, mais non pas
comme ses contemporains qui pour plusieurs avaient détourné la Loi à leur profit, mais
avec un cœur juste au service de la gloire du Père. Nous disons avec foi qu’il reviendra avec
gloire et puissance (non comme la première fois) pour juger les vivants et les morts et pour
établir son règne. Pour nous qui avons cru en Lui, nous sommes assurés de régner avec Lui
selon ses promesses.
Si nous croyons ces choses et les proclamons sans réserve, nous sommes donc d’accord
sur l’essentiel. Réjouissons-nous alors de pouvoir partager la coupe de joie que le Seigneur
nous tend.
Les disciples de Yéchoua’, dans le livre des Actes, comme dans les épîtres, n’ont pas,
semble-t-il, fait mention d’éléments précis supplémentaires essentiels à notre Salut. Au
contraire, les débats sur la circoncision ou l’observance de rituels particuliers aboutissent à
beaucoup de liberté dans ces domaines pour les croyants non Juifs. Pour les croyants Juifs,
il n’est fait mention d’aucune consigne particulière au sujet des rituels, des coutumes ou de
l’observation de la Loi. Cependant, en ce qui les concerne, le principal danger dénoncé est
de placer le rituel, les coutumes ou les traditions comme moyen « essentiel » pour accéder
auprès du Père. Certains souhaitaient même l’imposer aux croyants non Juifs. Les choses
n’ont guère changé aujourd’hui dans la plupart des religions.
Plutôt juif,… plutôt messianique… ?
L’identité du Juif messianique est donc fondamentalement attachée au Messie Yéchoua’
(Jésus) et à son œuvre.
« Être Juif » ne dépend pas d’une pratique plus ou moins rigoureuse de rites ou de lois
dictées par la bouche des hommes. Le caractère Juif de l’individu ne dépend de rien d’autre
que de ses ascendants (n’en déplaise à certains). L’histoire nous montre malheureusement
à travers les siècles que la persécution des Juifs a touché même ceux qui avaient « oublié »
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qu’ils étaient Juifs et qui étaient loin de connaître rites et coutumes traditionnels. De ce point
de vue, être Juif n’est certainement pas un privilège. Un récent sondage (en 2000 ?) en
France indiquait que 21% des français estiment qu’il y a encore « trop » de Juifs en France.
Je n’évoquerais pas ici le regain d’antisémitisme en Europe et en France en particulier.
Humainement parlant, « être Juif » n’est certainement pas un avantage.
Par ailleurs, il n’y a pas de Juif qui puisse perdre sa judéité de quelque façon que ce soit. Un
fils perd-il son statut de fils parce qu’il se détourne de son père ?… L’histoire du « fils
prodigue » dans l’Evangile affirme au contraire le caractère inaliénable des relations entre
parents. Israël reste un « fils » pour Dieu, même si celui-ci s’est souvent rebellé. A la fin du
19ième siècle, un responsable juif, dans son enthousiasme et surtout son exaspération face à
l’antisémitisme croissant suggérait d’aller proposer au pape de l’époque que tous les Juifs se
convertissent au catholicisme contre un arrêt de la haine contre les Juifs. On lui répondit que
cela ne changerait sans doute pas grand chose. Il y aurait peut-être un peu plus de
catholiques dans le monde, mais il n’y aurait pas moins de Juifs. On ne peut renier ses
origines ou son sang.
Les règles de la Halaha (loi rabbinique), tout comme les déclarations « chrétiennes » depuis
des siècles, affirment avec force que le Juif qui accepte Jésus n’est plus Juif. Nous ne
partageons pas ce point de vue qui n’a fait qu’accentuer le clivage entre Juifs et
Chrétiens et empêcher nombre de Juifs de recevoir Yéchoua’ comme le Messie
d’Israël.
« Être messianique », si je peux me permettre cette expression, est en revanche la
traduction d’une adhésion à Yéchoua’, une déclaration de foi dans le Messie Sauveur et
Seigneur. Dans ce cas, il est évident que tous les hommes, Juifs comme non Juifs, peuvent
prétendre à cette foi en Yéchoua’. « Être messianique » ne s’oppose pas à « Être Juif », ni
inversement. Il est regrettable que dans l’esprit de bien des Juifs et de bien des Chrétiens,
ces expressions soient inconciliables. Pourtant, historiquement et théologiquement, il n’y a
rien de plus vrai que d’associer « le Juif » à « son Messie ».
« Être juif messianique » désigne donc les Juifs qui ont reconnu en Yéchoua’ leur Messie.
N’y ajoutons rien ! Ce qu’on pourrait y ajouter n’a rien à voir avec une définition identitaire.
L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible…
Quand on parle de l’identité du Juif messianique, il n’est pas facile de rester simple. Nous
avons tendance à juger de l’identité des individus aux apparences, au folklore, aux émotions
exprimées ou non, aux pratiques plus ou moins observées, etc. Ce qui frappe les yeux est
souvent ce qui retient notre attention et marque notre esprit. Pourtant…
La foi en Yéchoua’ peut revêtir bien des formes différentes de piété, avec et sans coutumes
et traditions juives. Qui sommes-nous pour juger de la pertinence de ceci ou de cela ?… Les
uns estiment qu’il faut observer le Chabbat, d’autres non. Certains s’abstiennent de manger
certains aliments, d’autres mangent de tout sans se poser de questions. Les uns portent une
Kippa, d’autres s’en passent totalement. Les uns auraient-ils raison et les autres torts ?… La
spiritualité des uns ou des autres peut-elle se mesurer au degré de « rigueur » dans
l’observation de coutumes, traditions ou rites ?... Ne suis-je pas tenté de juger moi-même de
ce qui est juste pour les autres ?…
Que dit le Seigneur sur toutes ces choses ?… En fait, il ne se proclame pas juge pour
arbitrer sur toutes ces questions. L’essentiel n’est pas là. L’apôtre Paul reprend cependant
quelques principes importants énoncés par le Seigneur. (Romains 14)
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•
Il ne juge personne, ni ceux qui s’imposent des règles particulières, ni ceux qui s’en
affranchissent. Il invite ses lecteurs à en faire de même. Paul était lui-même un homme
qui savait en toutes circonstances avoir les bonnes attitudes.
•
Être animé d’une profonde conviction. Dans le chapitre 14 de l’épître aux Romains, Paul
dénonce les jugements entre frères sur ces questions de vie courante et de rapports
entre rituels juifs et liberté évangélique. Ce qui importe c’est la conviction que ce que
nous faisons ou vivons est une bonne chose pour « nous ». En faire une « règle » pour
les autres, c’est déjà porter un jugement, « ouvertement » ou dans le secret de son
cœur.
•
Ne pas être une « pierre d’achoppement » pour les autres (et pour les frères en
particulier). Voilà une règle essentielle qui doit nous conduire à la fois dans une réelle
liberté et en même temps nous amener à restreindre quelques fois notre « liberté » pour
ne pas heurter la sensibilité de l’un ou de l’autre. Le plus difficile est bien souvent de faire
la part des choses entre « ma liberté personnelle » et la nécessité de ne pas être une
« pierre d’achoppement » pour les autres. Que Dieu nous conduise avec sagesse sur ce
chemin.
C’est l’amour qui est le lien le plus fort…
L’exhortation de Yéchoua’ est très simple. Faire passer nos motivations au tamis de l’amour
fraternel. Il en resterait parfois bien peu de choses. Que le Seigneur nous pardonne tous ces
écarts de langage et ces jugements précipités pour cataloguer les frères et les sœurs qui ne
vivent pas leur foi comme nous.
Que dire en conclusion ?…
Il n’y a qu’une Loi qui prévaut et qui régit à elle seule tous nos rapports mutuels. « Aime ton
prochain comme toi-même ». Si ma piété personnelle me conduit à m’en écarter un seul
instant, je rate le but.
Il existe diverses formes d’expressions de la foi en Yéchoua’. Chez les Juifs comme chez les
chrétiens. Pourtant, il n’y a qu’UN SEUL Messie et qu’UN SEUL Chemin pour être sauvé. Ne
jugeons pas les autres sur les apparences, même sur ces « points de détails » qui nous
divisent si facilement. Sachons au contraire mettre en valeur ce qui est « essentiel » et qui
nous unit. Les Juifs messianiques semblent animés parfois d’une gêne quand à leur identité.
Certains craignent de la perdre en affirmant leur « affiliation » au Messie Yéchoua’. La
défense de LEUR identité – notamment à travers rites et coutumes - devient un objectif
majeur. N’est-il pas plus essentiel de rechercher à affirmer L’IDENTITE du Messie
Yéchoua’ ?… C’est de LUI dont nous devons parler, plus que de nous-mêmes, sans pour
autant que cela s’oppose en soi à « l’expression juive » de la foi personnelle. La question
que Yéchoua’ pose à ses disciples (qu’ils soient Juifs ou non Juifs) nous est posé
également : « Qui dites-vous que JE SUIS ?… ». De la réponse que nous donnons à cette
question dépend notre identité.
Guy ATHIA
Pour tout renseignement, vous pouvez vous adresser à la rédaction du journal du Berger d’Israël :
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Tél. 03 88 08 38 26 -- E-mail : [email protected]
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