la comédie italienne

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la comédie italienne
la comédie italienne
La comédie italienne naît à
la fin des années 50
questionnant l'engagement
politique, le progrès et les
bienfaits de la société de
consommation. Elle
disparaît au cours des
années 70, avec la prise de
pouvoir dans les médias de
M. Berlusconi, l'explosion
du nombre de chaînes de
télévision privées, et
l'avènement de la publicité.
Le Pigeon de Mario Monicelli (1958)
Jusqu'aux années 1920, l'Italie compte l'une des cinématographies les
plus novatrices au monde. L'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini
enferme son cinéma dans un lourd clacissisme, le dotant de studios
encore en activité de nos jours : Cinecittá. Ce n'est qu'après la Deuxième
Guerre mondiale que renaît le cinéma transalpin, avec un courant que l'on
dénommera le néoréalisme. Le pays est en ruines et les studios, squattés
par un grand nombre de réfugiés, ne peuvent accueillir aucun tournage.
Les cinéastes sortent dans la rue. Le peuple et son quotidien désastreux
se retrouvent au centre des films. Acteurs non professionnels, plus vrais
que nature, côtoient les futurs stars comme Anna Magnani ou Vittorio De
Sica. Les drames se succèdent et rendent au cinéma italien ses lettres de
noblesse. Mais alors que l'Italie se reconstruit, une nouvelle génération
de réalisateurs surgit, bousculant le
sérieux du néoréalisme.
« Nous allions dans les mêmes cafés, les
mêmes restaurants, vivions proches les
uns des autres, et échangions sans cesse
Le Voleur de bicyclette
de Vittorio De Sica (1948),
film symbole du néoréalisme
des idées et des commentaires.Tous nous
avions les mêmes envies… » se souvenait
Mario Monicelli dans un entretien récent pour le journal El País. Epaulés
par des auteurs dotés d'un humour noir féroce - Sergio Amidei, Age et
Scarpelli, Ettore Scola... -, les films mettent en doute le discours officiel
sur le progrès et les bienfaits de la consommation. Sans oublier la
politique. Les personnages sont à la fois petits, déçus, trompés, futés,
veules, lâches, ratés..., en un mot, non héroïques. Dino Risi, Mario Monicelli
ou Luigi Comencini confient ces rôles aux débutants Alberto Sordi,
Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Nino
Manfredi, Ugo Tognazzi, ou au vétéran Totó,
venu du music hall ; quand, du côté des
femmes, nous arrivent Stefania Sandrelli,
Sophia Loren, Claudia Cardinale - ou encore
Silvana Pampanini, ancienne Miss Italie
rapidement engagée par les néoréalistes,
récupérée par la comédie et injustement
oubliée aujourd'hui...
Pain, amour et fantaisie et Pain, amour et jalousie sont des comédies
populaires, signées Luigi Comencini en 1953 et 1954. Vittorio De Sica et
Gina Lollobrigida y symbolisent le contraste social du nord et du sud.
Ces films rencontrent le succès et Dino Risi réalise une suite en 1955 -
Pain, amour, ainsi soit-il -, remplaçant Lollobrigida par Sophia Loren.
Mais l'Age d'or de la comédie italienne
débute véritablement en 1958, avec
Le Pigeon de Mario Monicelli. Co-signé
par les inséparables Age et Scarpelli, et
la scénariste attitrée de Visconti, Suso
Cecchi d'Amico, et convoquant
notamment Gassman, Mastroianni,
Salvatori, Totó et la toute jeune
Cardinale, ce hold-up raté fait exploser
le box-office et lance le mouvement.
Les réalisateurs n'oublient cependant pas leurs préoccupations politiques,
sociales et historiques. Avec le brillant Une vie difficile (1961), signé
Rodolfo Sonego - futur scénariste de l'Argent de la vieille (1972) -,
Dino Risi trace le parcours
chaotique d'un ancien résistant
dans l'Italie d'après-guerre,
fidèle indéfectible à ses idées
malgré les nombreux déboires
qui ne cessent de l'accabler...
Alberto Sordi, époustouflant
Une vie difficile de Dino Risi (1961)
et Lea Massari, splendide, y forment un couple inoubliable...
Ainsi, la Marche sur Rome (1962) du même Risi revient sur l'arrivée au
pouvoir de Mussolini et Les Camarades (1963) voit Monicelli s'intéresser
aux premiers militants socialistes italiens.
Le Fanfaron de Dino Risi (1962)
Si on lui doit les scénarios de quelques chefs-d'oeuvre de Dino Risi comme
le Fanfaron ou les Monstres, Ettore Scola métamorphose
progressivement le genre en passant à la réalisation, n'hésitant pas à
pousser la caricature (Affreux, sales et méchants) ou à teinter ses
films de nostalgie comme dans
Nous nous sommes tant aimés.
De même, faut-il redécouvrir le
cinéma de Pietro Germi qui, sous
couvert de comédie grinçante,
dénonce l'archaïsme de la société
Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola
(1976)
italienne, la condition déplorable de la femme, la cruauté de la petite
bourgeoisie, la corruption des politiques : Mademoiselle la présidente,
Divorce à l'italienne ou encore le sublime Séduite et abandonnée.
Deux films de Pietro Germi.
Ci-dessus : Ces messieurs dames (1966)
Ci-contre : Séduite et abandonnée (1964)
Et que dire de Signori e signori ? Pour ce film de 1966, Pietro Germi
doit partager la Palme d'or avec notre Claude Lelouch national et son Un
homme et une femme. L'histoire du cinéma, vue de chez nous, a
« naturellement » éclipsé le film de Pietri. Pourtant, grâce à une ressortie
l'an passé sous le titre de Ces messieurs dames, on mesure pleinement
l'injustice dont fit preuve le jury cannois tant cette oeuvre brillante est
à mille lieues de celle de Lelouch...
Issue de la tradition de la Comedia dell'Arte, la comédie italienne, était
selon Monicelli, « l’art de traiter sous forme de comédie de thèmes
fondamentalement tragiques. En tâchant de terminer sur un échec, une
faillite individuelle ou collective plutôt qu’un happy end, tout en restant
drôle. » On comprend combien l'entreprise était exigente.
A cette époque, le cinéma italien totalisait 75% des entrées dans les
salles du pays. La tendance s'est depuis totalement inversée, le cinéma
national ne représentant aujourd'hui qu'à peine 30% des billets vendus.
La télévision est passée par là. L'arrivée dans ce domaine de M. Silvio
Berlusconi et la déréglementation qui y était de mise ont fait exploser le
nombre de chaînes privées. Ces chaînes, soumises à aucun cahier des
charges, ont dynamité le cinéma, secteur en Italie peu protégé
contrairement à ce qui se pratique en France où, d'un autre côté, nous
Les Nouveaux monstres
de Mario Monicelli, Dino Risi et Ettore Scola (1977)
n'avons jamais connu un tel cinéma...