Le temps de la réflexion - Chambres d`Agriculture de Bretagne
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Le temps de la réflexion - Chambres d`Agriculture de Bretagne
/ 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 Traite des grands troupeaux Le temps de la réflexion Coordination du dossier Pierrick Eouzan (chambre 22), pour l'équipe régionale bâtiments laitiers des chambres d'agriculture de Bretagne avec Paul Jegat, Terra. Rédaction ● Chambres d'agriculture de Bretagne : Nicolas Debethune, Dominique Le Ruyet (chambre 56), Hervé Guillemot, Isabelle Goré (chambre 22), Sébastien Guiocheau, Mathieu Merlhe (pôle herbivore), Noël Pineau (chambre 29). ● GIE Elevages de Bretagne : Jacques Charlery. ● Terra : Claire Le Clève, Chantal Pape. Concernant la traite, y aurait-il une unique réponse à l'agrandissement du troupeau. "Non", répondent en cœur les techniciens de l'équipe régionale bâtiment des chambres d'agriculture de Bretagne. Un "non" tout en nuance qui ouvre la voie à la réflexion sur les différents systèmes envisageables pour traire les animaux dans les meilleures conditions. Car les réponses sont variables d'une ferme à l'autre, d'une situation à l'autre. Le robot est l'une des solutions envisageables, le roto en est une autre ou encore la TPA. Mais aucun système de traite ne réglera à lui seul tous les problèmes assurent les techniciens bâtiment. Tous plaident pour une réflexion globale intégrant la dimension économique de l'investissement mais aussi les questions d'organisation du travail, le logement des animaux, de gestion de l'alimentation et des déjections, d'agronomie... et de qualité du lait. Pas de précipitation donc, c'est aussi le message porté par les éleveurs ayant franchi l'étape de l'adaptation à l'agrandissement du troupeau. Réfléchir, se renseigner, prendre conseil et même visiter des bâtiments et des installations en fonctionnement sont les premiers réflexes à avoir comme en témoigne ce dossier. 27 28 / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 Agrandir son troupeau, peut-on se passer d En 10 ans, de 2002 à 2012, la production laitière bretonne est passée de 4,7 à 5,1 milliards de litres par an (+ 8%). Dans le même temps, le nombre de points de collecte a chuté de 30%, passant de 19 989 à 13 945. Pas besoin d’être grand mathématicien, ni même magicien pour comprendre que, globalement, les troupeaux se sont agrandis et, dans le même temps, la pression de travail s'est accrue. La traite représente plus de 50 % du travail d’astreinte sur les exploitations, et ce quelle que soit la taille du troupeau. Dans ce contexte, le modèle d’un seul trayeur spécialisé par exploitation ne pourra pas durer bien longtemps. F. Mechekour Dans les pistes d'action, face à l'agrandissement du troupeau, une première réponse peut être apportée en répartissant la traite sur plusieurs trayeurs. D'abord parce que l’augmentation du nombre de geste à réaliser par la même personne entraînerait -et entraîne déjà dans de nombreux casl’apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS) très préjudiciables. Selon l’observatoire des TMS de la MSA, ces troubles liés à la répétition de certains gestes ont connu une hausse de près de 45% chez les éleveurs laitiers alors qu’ils sont en baisse dans les autres secteurs agricoles. Ensuite, la maîtrise du temps de traite passe par une adéquation entre le nombre de vaches et le nombre de griffes. Plus le troupeau s'agrandit, plus le nombre de griffes augmente et plus la salle de traite s'étend. Mais, au-delà de 15/16 postes, il devient indispensable de traire à deux pour éviter les déplacements trop importants et minimiser les temps morts. L’équation fait donc entrer en compte quatre paramètres qu’il faut déterminer dans l’ordre : le temps dévolu à la traite, donc le dimensionnement de l’équipement (et son budget !), donc le nombre de trayeurs simultanés, donc l’organisation journalière ou hebdomadaire. Pour éviter les risques de TMS, on cherchera les organisations tournantes "un le matin/un le soir" ou "une semaine sur deux". L’organisation à plusieurs, qui répartit la fatigue et la lassitude, peut aussi permettre de reporter à plus tard la nécessité d’investir. En répartissant la tâche, on peut allonger le temps de traite et absorber une augmentation du troupeau sans changer d’équipement. Faire appel à l’innovation Quand la réponse par l’organisation du travail n’est pas envisageable ou qu'elle ne suf- / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 r de revoir l’organisation de la traite ? C. Reibel fit pas, les techniques d’automatisation sont notamment au cœur des innovations permettant de réduire la pénibilité du travail. Le robot n’est plus en soi une innovation tant il est rentré dans les mœurs. Si, aujourd’hui, 45% des nouvelles installations de traites sont robotisées, ces robots ne représentent qu'environ 5% des équipements de traite en place. Et le robot n’est pas la seule voie de recherche. La tâche la plus répétitive étant la pose des faisceaux trayeurs, les installateurs d'équipements s’orientent vers des bras de pose qui puissent s’adapter sur des salles de traite afin de limiter les effets de seuils qui sont le point faible des robots. On connaissait déjà le robot multi-stalles (1 bras pour deux ou trois stalles) mais les bras de pose devraient bientôt s’adapter sur les manèges de traite afin d’optimiser leur temps d’utilisation. On voit aussi des systèmes mixtes apparaître. Dans certains gros élevages, le troupeau est séparé en deux lots : le premier constitué des vaches à plus forte lactation du moment est robotisé, ce qui permet d’optimiser leur production et le temps d’utilisation du robot. Le deuxième lot est trait dans une salle de traite classique. Ce système a l’avantage de réduire le temps de traite manuelle tout en conservant une souplesse dans l’évolution du troupeau. Il permet en outre de tirer parti de l’équipement existant pour limiter l’investissement très lourd dans deux stalles par exemple. Ne pas oublier l’agencement de la salle de traite Enfin, toutes les solutions d’organisation doivent prendre en compte les bases de l’ergonomie pour que le travail soit le plus fluide possible : disposition des boutons d'ouvertures de portes ou de vide à hauteur d'homme, chariot central, asperseur pour les produits de trempage, gestion de l’aire d’attente et des portes de tri... Pour que le temps ressenti ne dépasse pas durablement le temps objectif, Il n'est pas inutile de solliciter les conseils de la MSA en ce domaine. Nicolas Debéthune Chambre d'agriculture du Morbihan Mathieu Merlhe Pôle herbivore des chambres d'agriculture de Bretagne 29 30 / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 ITALIE, UKRAINE, POLOGNE, PAYS DE GALLES, SUÈDE OU IRLANDE… Comment font-ils ? 1 Au Pays de Galles, cette salle de traite, ligne haute simple équipement épi 2x22, permet de traire 300 vaches dans un bâtiment simplifié au maximum. En Italie, dans cette salle de traite TPA 2x15, 2 trayeurs pour 300 vaches. La fosse de traite se rétrécit vers l’aire d’attente pour une meilleure vision des vaches. A part les faisceaux trayeurs, l’ensemble de l’installation de traite est en sous sol. Au Pays de Galles, cette salle de traite pour 200 vaches en position centrale dans le bâtiment permet la gestion de différents lots, en optimisant les différents couloirs de redistribution des animaux après la traite. En outre, il permet le tri par porte intelligente entre les parties stabulation et les espaces d’isolement et d’intervention. En Ukraine, dans ce complexe laitier, les 4 000 vaches sont réparties en 4 modules de 2x500 logettes. Des couloirs de circulation couverts permettent aux vaches de rejoindre les deux blocs traite. Dans d’autres pays Européens, l’approche de la traite est souvent différente de ce que l’on peut observer chez nous. Dans les grands troupeaux, c’est en premier lieu la gestion de la main d’œuvre qui marque, avec le recours quasi systématique à un salariat spécialisé. On retrouve les mêmes systèmes de traite qu’en Bretagne, mais avec une dimension et une implantation souvent liées à une gestion du troupeau par lots. Dans ces grands troupeaux, le stockage du lait devient conséquent et l’approche à l’étranger peut nous aider à imaginer des solutions innovantes. Retour sur quelques visites en Italie, Ukraine, Pologne, Pays de Galles, Suède ou Irlande… La main d’œuvre pour la traite est souvent très spécialisée. Dans certains pays, cette spécialisation est reconnue à travers une rémunération attractive. On observe des équipes tournantes avec une traite quasi continue. Pour cela, les éleveurs dimensionnent leur équipement pour gagner du temps au détriment parfois de l’ergonomie ou de l’hygiène. On est loin du ratio 5 vaches par poste : en Italie, par exemple, une salle de traite TPA 2x15 pour 300 vaches pour deux fois 2h30 de traite. Les grands élevages étrangers conduisent leurs troupeaux en lots dans le souci notamment de réduire le temps passé par les animaux dans l’aire d’attente et la surface de cet espace. Cette organisation conduit à un agencement des bâtiments en plusieurs modules. La traite est souvent dans un bâtiment indépendant, tout en restant central. De fait, on trouve de nombreux couloirs de circulation du troupeau, couverts ou non suivant les régions. Pour la gestion du troupeau on y trouve régulièrement des portes de tri et des équipements d’identification électronique. Il est rare de voir des aires d’attente dans les aires de vie des animaux. Les vaches attendent dans des aires spécifiques équipées de barrière poussante. On retrouve dans les grands troupeaux européens les systèmes de traite classiques avec des salles de traite rotatives, de grandes TPA, parfois des salles de traite épi simple équipement, plus rarement d e s ro b o t s . O n o b s e r ve d e s approches innovantes dans la forme des fosses de traite ou dans la position du matériel 1 . Les grandes quantités de lait à stocker conduisent à une réflexion sur la conception de la laiterie et de la position du tank à lait et des groupes froid. Ces derniers sont très souvent à l’extérieur, si ce n’est pas le tank lui-même. Bien que l’on retrouve dans les grands troupeaux à l’étranger les mêmes équipements, c’est l’organisation du travail et l’agencement des espaces qui font la différence. Hervé Guillemot Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor Jacques Charlery GIE Elevages de Bretagne Comité Régional Bâtiment / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 31 L’ergonomie transposée à la traite L’ergonomie en bloc de traite, c’est permettre aux éleveurs d’utiliser leur équipement avec le maximum de sécurité, d’efficacité et de confort (physique et mental). Les solutions d'équipement en grand troupeau se porteront soit sur une salle de traite TPA ou EPI 60°, soit sur une roto intérieure ou extérieure, soit sur des robots. Afin que les interventions (traite ou autre) soient réalisées dans les meilleures conditions, l’éleveur doit avoir l’esprit libre. Aucun problème particulier, de type sanitaires, de comportement des animaux ou de mauvais fonctionnement du matériel ne doit venir le contrarier. La traite est un tout intégrant le bâtiment, l’aire d’attente et le bloc de traite, formant la base pour un travail ergonomique et pour des économies de temps. Confort, sécurité et efficacité L’accès à la mamelle doit être de qualité. Il faut un espace optimal de travail de 70 cm autour de la mamelle. La hauteur des quais d’intervention ou de traite doit être adaptée à l’éleveur. La réflexion doit se faire avec l’installateur pour une bonne adéquation entre la contrainte technique (pompe à lait…) et la contrainte physique des éleveurs. Celle-ci sera différente si vous intervenez latéralement ou entre les pattes arrières de l’animal. La hauteur du quai varie de 0,80 m à 1,10 m en fonction de l’intervenant et du type de salle de traite. Les rives de quais peuvent être sinusoïdales permettant un accès plus proche du trayeur vis à vis de l’animal. La largeur de la fosse de traite doit être au minimum de 2 mètres. Elle doit permettre d’accueillir plusieurs personnes sur cette zone d’intervention. Des écrans de JC. Gutner contrôle peuvent être intégrés à l’installation et doivent être fixés à la bonne hauteur, en évitant une rotation du tronc, de la tête ou l’élévation de celle-ci avec un angle important (attaque cervicale). L’aire d’attente doit être au moins égale à 1, 20 m2/vache laitière, plutôt de forme rectangulaire avec une pente montante et régulière entre 5 à 7% sur un sol non glissant et facile à nettoyer, sans obstacle à la circulation des animaux (angle). La réalisation d’un accès de plain pieds (sans marche) entre la fosse de traite et le parc d’attente ou la mise place d’une barrière poussante facilite ou évite les déplacements du trayeur vers le parc d’attente. L’escalier plus dangereux, (glissant) devra être large, anti-dérapant et muni d’un garde-corps sans appui au sol. Des passages d’hommes judicieusement placés le long du parcours des animaux feront gagner en efficacité et en confort. La luminosité doit être au moins de 15 lux/ m2 (recommandation MSA). Par ailleurs, penser à l’installation de LED au niveau du quai, ainsi la mamelle ne serait plus dans l’ombre de l’éleveur. Des tubes fluorescents seront placés de façon à bien éclairer les faisceaux trayeurs, les compteurs à lait, les escaliers et les zones de circulations. La lumière naturelle est à privilégier dans la sensation de bien-être au travail. Celleci sera amenée par des fenêtres et/ou des translucides. D’un point de vue sonore, au-dessus de 75db, il y a une fatigue qui s’installe, voire des problèmes de santé. Ainsi, des bouchons d’oreilles sont nécessaires. Pensez à installer les équipements bruyants dans des emplacements adéquats, isolés ou les équiper de silencieux. La mise en place de plusieurs points d’eau chaude et froide dans la zone traite et des supports pour les tuyaux limiteront les chutes et faciliteront le lavage. Tous ces éléments réfléchis auparavant répondront à la notion de sécurité, d’efficacité et de confort de l‘éleveur et des animaux. Une dernière aide à l’éleveur, celle du chien de troupeau, permet d’amener les animaux, de les trier et d’être efficace sur son exploitation. Isabelle Gore Chapel Chambre d'agriculture des Côtes d'Armor avec la collaboration des préventeurs de la MSA Le chien de troupeau : une aide précieuse. F. D'Alteroche 32 / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 Pour traire un grand troupeau, roto ou r Comment traire un grand troupeau ? La question demande réflexion. Une salle de traite rotative, des robots ? Ces deux solutions sont possibles et présentes dans nos exploitations. Laquelle choisir et quelles questions se poser ? Une salle de traite rotative pour traire seul et efficacement En installant une salle de traite rotative de 24 postes ou plus, l’astreinte quotidienne sera présente mais l’intérêt est avant tout d’optimiser le travail du trayeur. Un trayeur pourra traire 100 vaches à l’heure. Pas de déplacement dans la fosse et des vaches qui viennent au trayeur sans temps mort pour une concentration à 100 % sur la traite. Efficacité du trayeur oui, mais il ne faut pas l’épuiser et négliger l’ergonomie du poste de travail, la recherche de cadences extrêmes n’est pas souhaitable, le trayeur reste maître de la cadence de rotation. La hauteur de quai adaptée, l’éclairage de la mamelle, le port de charge sont des points La salle de traite rotative permet une traite efficace dans un temps contenu ,mais le trayeur assure le travail de préparation et de pose. importants pour le confort de traite. L’alternance des trayeurs pourra également participer à l’amélioration des conditions de travail. Pour une bonne efficacité, la bonne circulation des vaches est indispensable. Une entrée en ligne droite et une sortie rapide des vaches sont nécessaires. Chien électrique, barrière poussante et portes automatiques sont des équipements à intégrer dans le projet pour une traite fluide. Côté évolution, cette solution permettra, moyennant une augmentation du temps de traite, d’absorber simplement une évolution de cheptel. Le robot, grâce à son haut niveau d’automatisation assure la traite et permet une souplesse d’organisation. Un suivi quotidien est cependant indispensable. Pas de trayeur, place au robot Le robot de traite résout la problématique de la pénibilité de la traite et de son astreinte en réalisant la préparation, la pose des gobelets et la pulvérisation de fin de traite. Il permettra également de trier du lait et, associé à des portes de tri, d’écarter des animaux. Mais il pose aussi de nouvelles questions. La mise en place d’un robot impacte très souvent le pâturage des vaches laitières pour laisser place à davantage de fourrages stockés. Il peut complètement modifier le système fourrager et diminuer la marge de l’exploitation. Concernant l’organisation du travail, de nouvelles tâches apparaissent avec un suivi indispensable des données informatiques, du paramétrage et une conduite individuelle des vaches laitières. Si l’astreinte physique disparaît, l’éleveur sera en permanence en lien avec l’équipement par l’intermédiaire du téléphone portable qui l’alertera. Cette pression sera d’autant plus forte que le nombre de vaches par robot est important. La robotique a un coût. L’automatisation demande un suivi et de la maintenance. Une enquête réalisé par la chambre régionale d’agriculture de Bretagne met en avant un coût Critères de comparaison des deux systèmes de traite Critères Pénibilité du travail Traite rotative Robot de traite Commentaires Etre vigilant sur la cadence et l’ergonomie du poste de traite en roto Astreinte physique Souplesse du robot Astreinte mentale Alarmes, fonctionnement continu du robot Emprise du bâtiment Suivant présence ou non d’une aire d’attente spécifique en roto Coût de maintenance 12 €/1000l en robot pour 5 €/1000 l en roto Facilité d’évolution 12 €/1000 l de coût alimentaire en plus en moyenne en passant en traite robotisée Effet de seuil en robot à 65 vaches par stalle environ Coût d’investissement Proche pour 120 vl, suivant options et intégration dans le bâtiment Incidence qualité du lait Problèmes de lipolyse et de cellules plus fréquents en robot Facilité de remplacement Recours à du personnel spécialisé ou aide d’un voisin équipé pour les remplacements en robot. Plus facile entre associé qu’en couple Coût alimentaire/marge / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 u robot ? moyen de 12 €/1000 l pour la maintenance. La majorité des installations en place aujourd’hui sont des installations monostalles trayant idéalement 60 à 65 vaches par stalle. Pour des gros troupeaux, une conduite en lot est une solution. Elle permet de faciliter la gestion du troupeau, en regroupant les vaches à surveiller, mais aussi de faciliter la circulation des animaux jusqu’au robot. Réflexion et anticipation indispensable Qu’il s’agisse de robots ou d’une salle de traite rotative, il sera indispensable dans les deux cas d’anticiper pour concevoir et réussir son projet : quelle organisation du travail en semaine et le week-end, quelle solution pour les remplacements lors de la prise de congés, quelle ration pour les laitières, son coût et le lien avec le pâturage, quelle circulation des animaux dans le bâtiment et à l’extérieur, quelles solutions pratiques pour les tâches quotidiennes (tri d’animaux, traitement, intégration des génisses, sortie de taries,…), quel coût d’entretien et de consommables, quel avenir de l’exploitation. Dans les deux cas, des visites en élevages, des échanges avec des exploitants équipés, le recours à des conseillers extérieurs et la consultation de références permettront d’alimenter la réflexion et de réussir son projet. Ils ont choisi ! Ils avaient le même problème : après agrandissements successifs du troupeau, la traite leur prenait 2h30, deux fois par jour. Il devenait donc urgent de changer d'équipement. Mais à Locmélar et Guipronvel, les éleveurs ont choisi des solutions différentes. Le Gaec familial des Alizés, à Guipronvel, a longtemps compté quatre associés, Nadine et Rémi Briant, Marie-Françoise et Jacques Le Bloas, et un salarié, pour mener deux ateliers, lait et porc. Le quota de 560 000 l est produit avec une salle de traite en épi 2x5, rallongée en 2x6 puis 2x7, au gré des augmentations du droit à produire. Mais en 2009, l'installation de Ludovic Briant se traduit par l'arrivée de 40 vaches supplémentaires. "La traite devenait très contraignante, se souvient Marie-Françoise. Traite et lavage prenaient 5h30 par jour". A 50 km de là, la problématique était la même : la salle de traite 2x6, qui a donné toute satisfaction pendant des années, est désormais bien trop petite pour accueillir les 100 vaches que compte le Gaec du Rohou depuis l'installation des deux fils en 2013, Stéphane en début d'année et Jérôme quelques mois plus tard. "Et le bâtiment était trop petit, avec seulement 64 logettes et 80 places au cornadis". S'affranchir de la contrainte de la traite A Locmélar comme à Guipronvel, les éleveurs se donnent le temps de la réflexion. Et n'hésitent pas à aller voir comment fonctionnent les différentes installations. "Les jeunes étaient plus branchés robot, indique Jacques Le Bloas. Car son fils et la fille de Rémi et Nadine souhaitent s'installer à leur tour et sont associés à la réflexion. "Et nos voisins trayaient au robot depuis des années". Arguments supplémentaires : les gestes répétitifs liés à la traite commençaient à provoquer des ennuis de santé chez Marie-Françoise (lumbago, tendinite...), qui souffre aussi d'une allergie aux produits de trempage. "Et le robot apporte de la souplesse dans l'organisation du travail". Un argument de poids dans un Gaec dont tous les associés ont des responsabilités à l'extérieur. Traire seul Les frères Guéguen, eux, recherchent un système simple, qui leur permettra d'effectuer le travail à deux, une fois leurs parents partis en retraite. Avec un impératif : pouvoir assurer seul l'astreinte le week-end. Et c'est la salle de traite rotative qui l'emporte. "La TPA ? Avec une 2x12 postes, il aurait fallu être deux". Un robot ? "La maintenance coûte cher. Et nous n'avions pas envie d'être dérangés toute la journée". Ils optent pour un roto extérieur de 28 postes. "Il nous permettra de traire seul 100 vaches à l'heure". Une traite à laquelle ils tiennent. "On a envie de voir les vaches deux fois par jour". Et demain ? Si Jérôme et Stéphane Guéguen ont opté pour une salle de traite rotative, c'est aussi parce qu'elle leur parait plus évolutive. "La fin des quotas est pour demain. Nous avons prévu 140 logettes dans notre nouveau bâtiment". Un effectif que leur nouvel équipement leur permettra facilement de traire. A Guipronvel, deux robots ont été mis en service en janvier 2013. Mais depuis, le troupeau a à nouveau grandi, suite à l'arrivée des deux associés. Et, pour produire leur référence de 1,6 million de l, un troisième robot a été installé. "Nous en avions déjà tenu compte en choisissant l'implantation des deux premiers". Ils en ont profité pour faire deux lots, l'un, d'une cinquantaine d'animaux, avec les fraîches vêlées et les vaches en fin de lactation ou à surveiller, qui ne sort, et l'autre, de 100-120 vaches, qui a accès au pâturage nuit et jour. Chantal Pape Sébastien Guiocheau Chambres d’agriculture de Bretagne Noël Pineau Chambres d’agriculture du Finistère PRATIQUE Retrouver sur le site de Synagri ou du GIE élevages de Bretagne les plaquettes : - choisir son installation de traite, - installer un robot de traite en stabulation libre, - concevoir et installer une salle de traite rotative, - de la salle de traite au robot : quel impact pour l’exploitation laitière. 33 Au Gaec des Alizés, à Guipronvel, les sept associés ont choisi de s'équiper de trois robots pour traire leurs 180 laitières (de gauche à droite : Gaël et Jacques Le Bloas, et Ludovic Briant). Au Gaec du Rohou, à Locmélar, plus que quelques jours à attendre avant que le roto de 28 places ne rentre en service. 34 / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 La traite par l'arrière au Gaec B signé, avec les éleveurs, le plan de la nouvelle salle de traite. Elle est opérationnelle depuis le printemps dernier. Alors pourquoi ce choix ? "Le roto, c'était trop grand, trop cher et puis ça tourne autour du trayeur", ont décliné les femmes. Les robots? "Il n'y avait plus besoin de 2 personnes pour la traite, quelqu'un aurait été évincé et puis il y a la maintenance", ont-elles réfuté. Alors ? 4 associés, 160 ha et 96 vaches, au Gaec Breuzent à Ploemeur (56), pour résoudre la traite d'un troupeau qui s'est agrandi au fil du temps, la solution TPA 2x12 a été adoptée. Une installation compacte, plus sûre mais qui comporte une surface importante à nettoyer. Les raisons d'un choix. Ici, ce sont les femmes qui traient, matin, soir et un week-end sur deux. Et petit à petit, le troupeau s'est agrandi... Le constat est là, partout le même. Les épaules et les dos souffrent, au Gaec Breuzent, à deux pas l'aéroport de Lann Bihoué, comme ailleurs. "Il faut faire du lait et puis il y a la perspective de l'après quota". Alors pour produire 861 000 litres de lait, à raison de plus de 4 heures de traite par jour dans une 2x6, trentenaire, "la situation n'était plus possible", reconnaissent de concert Christine Kermagoret et Anne-Thérèse Pogam, les deux belles sœurs. Que choisir ? "TPA, robot, et il en fallait 2, roto ? On a réfléchi pendant trois ans, on s'est déplacé pour voir des installations de traite", racontent les quatre associés. Et pour corser le tout, l'exploitation est au cœur "d'un village, à l'étroit Des griffes de 1,6 kg, plus légères de 1 kg, c'est près de 200 kg à soulever en moins par jour pour les trayeuses, 70 tonnes par an ! Investissement durable Les quais ont été réglés à la hauteur de Christine et Anne-Thérèse, les deux belles sœurs qui assument la traite, matin et soir. TPA, robot, et il en fallait 2, roto ? On a réfléchi pendant trois ans, on s'est déplacé pour voir des installations de traite entre maisons d'habitation, vieilles haies", relève Dominique Le Ruyet, conseiller bâtiment à la chambre d'agriculture du Morbihan. Il a "Nous avons opté pour la traite par l'arrière, une TPA de 12 places de chaque côté, on a moins de coups de pied, on garde le contact avec nos vaches, on les voit toutes" , apprécient ces éleveurs dans l'âme. Et pour ce faire, 2 silos ont été raccourcis, un hangar a été réduit d'une travée pour permettre la construction de la salle de traite avec parc d'attente dans le prolongement. La configuration compacte des bâtiments et les obligations réglementaires ne permettaient pas de faire autrement mais pour autant, "l'accès est plus facile pour le laitier". Une heure quinze, matin et soir sont désormais nécessaires pour effectuer la traite "dans de bonnes conditions" : avec des quais à hauteur adaptés aux trayeuses, de nouvelles griffes de 1.6 kg, 1 kg plus légères que les anciennes, des tapis sous les bottes pour Points forts/points faibles Dans ce dispositif, les éleveurs apprécient : la luminosité, le débit de traite, des animaux contenus qui "tapent moins" et donc le plus de sécurité. Et du silence en plus, "on n'entend plus la salle de traite ni la pompe". Les accès sont bien pensés. Volume plus important, brumisation et éloignement des veaux expliquent la moindre présence de mouches, très appréciée. Et "c'est plus confortable l'été". Quant aux épaules, "ce n'est pas pire"... Coté déception : l'informatique. "Christine est la seule à s'y mettre pour l'instant, car le logiciel est assez compliqué. Et quatre heures de formation par téléphone, à raison d'une heure à chaque fois, c'est insuffisant et pas très facile à utiliser car nous ne sommes pas des informaticiens dans l'âme", regrettent les éleveurs en pointant des codes bien peu adaptés au quotidien de l’exploitation.... / 28 novembre 2014 DOSSIER / 28 novembre 2014 / 28 novembre 2014 c Breuzent repousser le froid, idem sous les sabots des vaches pour éviter les glissades, une lisse rotative pour une sortie rapide des animaux, un chien électrique pour les y amener sans tarder, une pente régulière, des accès de part et d'autre et pas de marche... Reste la contrainte importante du lavage. "Elle pourrait-être réduite en optant pour des caillebotis", relève Dominique le Ruyet, ce qui n'a pas été possible chez les Kermagoret-Pogam. Alors, "le lavage est long et ça consomme de l'eau, elle est réutilisée au 2/3 mais c'est à stocker, transporter....". 250 000 euros d'investissements ont été consentis sur 12 ans. "Ça permet d'aller jusqu'à la retraite. Nous avions une installation vieille de 30 ans, il fallait faire quelque chose. Le jour où on arrêtera, un des enfants ou un tiers pourra rejoindre le Gaec avec une installation qui fonctionne au démarrage" . Et l'assurance d'une reprise et d'une continuité de l'élevage. Une perspective encourageante. Claire Le Clève Les associés, Anne Thérèse Pogam, Christine Kermagoret, Patrick Pogam et Eric Kermagoret et Dominique le Ruyet, conseiller bâtiment. L'avis d'expert La traite par l'arrière est très courante dans les pays à grands troupeaux laitiers, elle est réalisée par plusieurs trayeurs pour un travail de qualité avec main d’œuvre qualifiée. Dans notre région, ces installations auront leur place dans des exploitations avec différentes personnes intervenants en salle de traite. La répartition du travail permet de répartir le temps de traite et de le limiter ainsi que la charge mentale (et physique) de ce travail d'astreinte en sachant qu'une autre personne peut intervenir à la traite à tout moment. La salle en TPA est compacte, elle limite les déplacements, la contention des animaux est bonne. Le pare bouse épargne le trayeur qui devra souvent porter des manchettes sur les avants bras. Dominique Le Ruyet, conseiller bâtiment à la chambre d'agriculture du Morbihan 35