Les naturalistes voyageurs à la fin du XVIIIème siècle

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Les naturalistes voyageurs à la fin du XVIIIème siècle
Les naturalistes voyageurs à la fin du XVIIIème siècle
Résumé de la conférence-diaporama de Françoise Drouard
Groupe Nature de Faverges (74) et Société d’Histoire Naturelle du Pays Rochois (74)
Les 29 et 30 mars 2011
En 1492 Christophe Colomb, à la recherche d’une voie
maritime vers les Indes, débarque sur une île d’Amérique
(San Salvador). Il s’appuyait sur une carte très ancienne,
celle de Ptolémée du IIème siècle ; cette carte laissait
croire que la traversée vers les Indes serait plus courte
en partant vers l’Ouest.
Pourquoi Saint-Dié dans les Vosges est-elle considérée
depuis 1507 comme la marraine de l’Amérique ? C’est à
cause d’un habitant de St Dié embauché pour compléter
la carte de Ptolémée et qui donna le nom d’Amérique aux
îles et au morceau de continent découverts par C.
Colomb, reprenant le prénom d’Amerigo Vespucci qui le premier avait parlé de « Nouveau
Monde » à propos de cette région du globe.
Au XVIème siècle, les voyages se multiplient et le premier tour du monde est bouclé par
Magellan qui passe le Cap de Bonne-Espérance découvert par Vasco de Gama en 1497. Le
pirate anglais Francis Drake réédite l’exploit. À l’époque, il fallait entre 3 et 4 ans de
navigation pour faire le tour du monde…
Au XVIIème siècle, les voyages entrepris ne font que reprendre les voies déjà tracées et on
s’intéresse surtout au commerce et aux matières premières : c’est ainsi que de nombreuses
plantes sont rapportées d’Amérique. Pour le cacao, c’est le nom de Hans Sloane qui a été
retenu car il a été l’inventeur du chocolat au lait.
Le XVIIIème siècle marque un tournant dans les grands voyages.
De nombreux progrès techniques ont vu le jour :
- on sait maintenant faire des bateaux plus solides (renforts métalliques) et plus
rapides ;
- la première horloge marine date de 1735 et elle permet de faire le point plus
rapidement, plus surement et même s’il n’y a pas d’étoiles visibles ;
- on sait maintenant éviter le scorbut, qui tuait une grande partie des équipages
auparavant, en emportant des légumes dans le vinaigre et en se ravitaillant en
agrumes pour compenser le manque de produits frais dans l’alimentation.
D’autre part, un idéal anime le siècle des Lumières, celui de la
connaissance et, faisant le point des voyages déjà réalisés, dans
l’énorme compilation de l’abbé Prévost, on constate qu’il reste de
grands enjeux concernant la connaissance du globe :
- trouver le passage du Nord-Ouest qui devrait se situer au
Nord du Pacifique et permettrait de rejoindre l’Europe ;
- vérifier qu’il existe réellement un continent austral.
1. Les grands tours du monde
De grands tours du monde vont caractériser le XVIIIème siècle et ils
rendront célèbres les capitaines qui les ont dirigés :
Louis-Antoine de BOUGAINVILLE (1766-1769)
James COOK (1768-1771 ; 1772-1775 ; 1776-1779)
Jean-François de LA PÉROUSE (1785-1788)
Louis-Antoine de
BOUGAINVILLE
(1766-1769)
En 2011, on célèbre
le bicentenaire de la
mort de Bougainville,
enterré au Panthéon,
qui a réalisé un tour
du monde avec la
Boudeuse et l’Étoile,
périple relaté dans un
livre « Le voyage
autour du monde »
paru en 1771.
On retiendra qu’il a assisté au départ des jésuites, chassés de l’Uruguay (épisode relaté par
un film grand public « Mission »), qu’il a découvert Tahiti, une nouvelle Cythère pour ces
marins qui naviguaient depuis plusieurs mois.
Dans le personnel scientifique de l’expédition, il y
avait Philippe COMMERSON, médecin botaniste de
Montpellier, qui a découvert de nombreuses plantes
aux escales et a baptisé le bougainvillier en hommage
à Bougainville. Il a permis l’enrichissement du jardin
du roi (on est sous le règne de Louis XV) avec, par
exemple, l’importation de l’hortensia originaire de
Chine et qui était cultivé à l’ile Maurice.
À l’ile Maurice, Commerson
rencontra Pierre POIVRE
qui avait introduit la culture de plusieurs plantes très recherchées
comme le poivrier, le giroflier, le muscadier, le camphrier, en se les
procurant de manière illégale en Indonésie, à la barbe des
Hollandais qui voulaient garder le monopole des épices. Pierre
Poivre est également célèbre parce que son épouse servit de
modèle au personnage de Virginie dans le roman de Bernardin de
St Pierre Paul et Virginie.
Le passage à La Réunion est l’occasion d’un épisode comique où
l’on découvrit que le secrétaire de Bougainville était en fait une
femme, Jeanne BARRET, qui fut donc la première femme à faire
un tour du monde, même si c’est en fraude, les femmes étant à
l’époque interdites sur les bateaux.
De retour à St Malo, l’accueil fut triomphal et le Tahitien, monté à une escale et qui n’avait
jamais voulu redescendre, eu sa part de succès.
James COOK
Il va enchainer trois tours du monde (1768-1771 ; 1772-1775 ; 1776-1779). Le premier a
pour but, en principe, des observations astronomiques à mener dans l’hémisphère Sud.
Mais l’équipe de scientifiques comprend de nombreux spécialistes dans diverses disciplines
et ceux qui vont le mieux profiter des escales (3 mois à Tahiti ; 6 mois en NouvelleZélande…), ce sont les botanistes, Joseph BANKS et Daniel SOLANDER qui est un élève
de Linné : à eux deux ils vont nommer et rapporter plus de 1000 espèces nouvelles.
Sur le plan géographique, c’est la découverte de la Nouvelle-Zélande et la cartographie de la
côte nord-est de l’Australie qui sont les faits marquants, ces territoires devenant des colonies
anglaises. S’étant abimés contre la grande barrière de corail, ils sont obligés de rester sept
semaines pour radouber, dans un petit port qui deviendra plus tard Cooktown. Les
naturalistes explorent l’arrière pays et découvre les Marsupiaux.
Le deuxième voyage a comme objectif la
mythique terre australe et part vers l’est.
Cook fait le tour du continent Antarctique. Il
a cette fois-ci comme naturalistes les
FOSTER, père et fils. On garde surout en
mémoire les dessins d’oiseaux jusque là
inconnus, comme le Manchot empereur
(Aptenodytes forsteri). Au retour, dans la
traversée du Pacifique, le second vaisseau
se trouve séparé du Resolution où se
trouve Cook.
Tobias Furneaux, qui le commande, prend
l’initiative d’explorer la Tasmanie et Cook en confirmera la cartographie lors de son troisième
voyage. Cook rentre aussi avec un indigène de Tahiti,
mais il le ramènera lors du voyage suivant.
Le troisième voyage vise à trouver le passage du NordOuest entre Pacifique et Atlantique. Cook part vers l’est,
fait escale à Tahiti et découvre les iles Sandwich (qui
deviendront Hawaï). Au passage, le mythe du bon
sauvage, porté par Jean-Jacques Rousseau, tombe, les
explorateurs assitant à des sacrifices humains dans ces
iles, considérées auparavant comme idylliques.
Il fonce vers le Nord, fait escale sur l’ile de Vancouver
mais, plus au nord, il se heurte aux glaces et redescend
sur Hawaï où il meurt, tué dans une révolte indigène. Son
second , Charles Clerke, ramène les navires à bon port.
Jean-François de LA PÉROUSE
C’est Louis XVI et ses ministres qui mandatent
La Pérouse et une douzaine de savants qui
partent sur l’Astrolabe et la Boussole pour un
tout du monde vers l’Ouest.
Tous périront sauf Louis Monge, le frère du
savant connu, débarqué à Ténériffe parce qu’il
avait le mal de mer (!) et Barthélémy de
Lesseps, l’oncle de Ferdinand de Lesseps,
débarqué pour ramener par la voie terrestre
documents et échantillons.
Ils découvrent l’ile de Pâques puis se dirigent vers l’Alaska ;
ils redescendent en Californie puis, cap à l’Ouest, ils
atteignent la Chine et longent les côtes asiatiques,
découvrant ce qui s’appelle maintenant le détroit de La
Pérouse entre deux iles japonaises. Lesseps est débarqué
au Kamtchatka et l’expédition continue : on découvre les iles
Samoa et on atteint l’Australie où séjourne une garnison
anglaise. Les équipages français assistent à l’arrivée de la
première colonie pénitentiaire anglaise en Australie. Puis ils
appareillent le 8 mars 1788 et disparaissent. En France, on espère
toujours les retrouver et Louis XVI aurait dit en montant sur
l’échafaud le 21 janvier 1793 : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de
La Pérouse ? ». On avait en effet envoyé, tardivement, une
expédition rechercher les traces de La Pérouse (expédition
d’Entrecasteaux,1791-1793) .
D’Entrecasteaux ne retrouva pas la trace de La Pérouse et mourut
lui-même au cours de l’expédition. Des savants étaient du voyage et
l’exploration des côtes sud-ouest de l’Australie fut très fructueuse. Le
botaniste La Billardière rapporta environ 4 000 espèces dont 3 000
inconnues ; il fut fait prisonnier par les hollandais à Java et ses
collections furent saisies : c’est l’intervention de Josef Banks qui lui permit de les récupérer.
Le journal de bord, parvenu à Paris grâce à Lesseps, servit pour faire le récit du voyage en
1797. Finalement, ce sont des mutins, débarqués en 1817 aux iles Salomon, qui
découvrirent un pommeau d’épé de La Pérouse au cou d’un chef de village. Puis Dumont
d’Urville localisa, le 26 février 1828, l’une des épaves. 0n retrouva, en 1999, les restes du
camp établi à terre par les survivants du naufrage et on identifia formellement les deux
épaves en 2005, grâce à un sextant portant l'inscription : "Fait par le Sieur Mercier", et qui
faisait partie de l'inventaire des instruments embarqués sur la Boussole.
Les voyages d’exploration de botanistes français
Nicolas BAUDIN, connu surtout pour son exploration de l’Australie (il
mourut au cours du voyage de retour) a fait un gros travail aux Antilles
(1796-1798). Pour accueillir tout ce qu’il rapportait, Jussieu fit
construire les grandes serres au Muséum à Paris.
Le nom d’Aimé BONPLAND est peu connu, mais
il accompagna Alexander von HUMBOLDT,
surnommé le second découvreur de l’Amérique,
dans un périple qui s’étala de 1799 à 1804. Ils
explorèrent le bassin de l’Orénoque, Cuba - un parc national porte le
nom de Humboldt -, les côtes du Pérou où Humboldt mesura le courant
marin qui porte son nom…Ils gravirent des montagnes et atteignirent la
plus haute altitude jamais atteinte par l’homme
(sauf dans les vols en ballon)… Bonpland publia 14
volumes de planches sur quelques 3 600 espèces
nouvelles de plantes !
Un mot sur Michel ADANSON : il est connu par le nom latin du baobab,
Adansonia digitata, qui rend hommage à ce botaniste qui fit une
exploration du Sénégal de 1748 à 1754 et
rapporta plus de 1 000 échantillons et quelques
300 plantes vivantes qui enrichirent le Jardin du
roi, devenu Jardin des plantes après la
Révolution.
Enfin, un botaniste plus célèbre aux USA
qu’en France, André MICHAUX, qui, avec son fils, parcourut les
États-Unis de 1785 à 1796 et envoya 90 caisses de graines et 60 000
arbres en pied au Jardin du roi et à l’arboretum de Chèvreloup.
La seconde moitié du XVIIIème siècle est marquée par la fin de l’exploration des océans,
l’accumulation d’un savoir encyclopédique sur le monde vivant et des importations massives
de nouvelles plantes cultivées. Le XVème et le XVIème siècles avaient été marqués plutôt par
la course à la possession de nouveaux territoires par les puissances qui dominaient les
mers : l’Angleterre et la France, après l’Espagne et le Portugal ; le XIXème sera caractérisé
par la colonisation systématique des nouveaux territoires : le XVIIIème est donc bien une
parenthèse. Quant à la connaissance du vivant, toutes les données accumulées permettront
de magnifiques travaux de synthèse qui vont de la systématique développée par Linné, à
l’anatomie comparée lancée par Cuvier jusqu’à la théorie de l’évolution de Darwin.
Gloire à ces naturalistes « savanturiers » du siècle des Lumières
et vive ceux qui perpétuent cet esprit de découverte de la nature !
Une bibliographie pour retrouver ces informations et en découvrir plein d’autres :
 En format de poche, dans la collection Découvertes Gallimard, le
numéro 21 : « Les découvreurs du Pacifique » d’Etienne Taillemite
(1987, réédition 2007).
Un bel album relié 
avec beaucoup d’anecdotes
intéressantes sur Tournefort, Linné,
Adanson, Commerson, Parmentier,
Michaux, Bonpland… :
« Botanistes voyageurs »
de Lucienne Deschamps, aux
éditions Aubanel (Suisse) en 2008.
Un très bel album relié, de grand format, avec de
magnifiques reproductions de planches illustrées anciennes
(Sloane, Bartram, Cooks, Darwin…), traduit de l’anglais :
« Trois siècles d’explorations naturalistes » de Tony
Rice, chez Delachaux et Niestlé (1999).
Un livre broché de 727
pages, parfois un peu
touffu et pauvre en
illustrations, mais très
bien documenté : « La
fabuleuse odyssée des
plantes » de Lucile
Allorge, aux éditions J-C
Lattès (2003) 
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