La question de la densité
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La question de la densité
Cahiers de la forme urbaine Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage La question de la densité Atelier 1 - Mardi 25 novembre 2008 MATP - 312 avenue René Gasnier - 49 100 Angers / www.matp-angers.eu SOMMAIRE - Blaison-Gohier, Clos de la Perchardière - Bruno DUQUOC, architecte........................................................ p.6 - Pellouailles-les-Vignes, Maison Neuve - Bruno DUQUOC, architecte......................................................... p.8 - Beaucouzé, La Picoterie, Didier ROISNE, Maire de Beaucouzé / Jean-Pierre LOGERAIS, architecte........... p.16 Les cahiers de la forme urbaine sont téléchargeables sur le site de la Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage www.matp-angers.eu Jean-Pierre DUCOS, adjoint au directeur du CAUE de Maine-et-Loire Bonjour à tous et à toutes, bienvenue à ce premier « Atelier de la Forme Urbaine ». Dans le cadre de la Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage, ces Ateliers sont une initiative de l’AUGO (Association des Urbanistes du Grand Ouest), l’Agence d’Urbanisme de la Région Angevine dont la nouvelle directrice Emmanuelle QUINIOU s’est excusée (le CAUE avait donc travaillé avec Christophe LESORT pour l’engagement de ces premiers ateliers), la SODEMEL représentée par son directeur Michel BALLARINI, le Conseil général qui sera représenté par Laurent COLOBERT, chef du Service Habitat et Cohésion Sociale, et le CAUE de Maine-et-Loire représenté par Bruno LETELLIER, directeur et moi-même Jean-Pierre DUCOS, adjoint au directeur et qui aurai le plaisir et la charge d’animer ces débats. Ces ateliers se présentent sous forme de rendez-vous thématiques avec l’objectif de laisser le plus de place possible au débat, à la discussion, aux questions autour d’un certain nombre de thèmes qui alimentent nos réflexions en tant qu’aménageurs publics ou privés ou en qualité de maîtres d’ouvrages. Le 1er thème aujourd’hui est « la question de la densité » et les prochains rendez-vous porteront sur : - La mixité sociale et urbaine en janvier - L’approche environnementale en février - Le contexte patrimonial et paysager en mars - La construction de la ville sur la ville en avril - La participation des habitants en mai et ce cycle d’ateliers se terminera par une proposition de visite sur l’agglomération rennaise en juin. L’objectif de ces ateliers, au-delà du débat et de l’échange autour de ces thèmes, est aussi de produire une trace de ces discussions. Nous avons l’intention de publier les échanges qui auront lieu au cours de ces ateliers sous forme de « Cahiers de la forme urbaine », c’est la raison pour laquelle les exposés de chacune de ces rencontres sont enregistrés. Une petite organisation pratique pour le bon déroulement de ce 1er atelier nécessite que les différents intervenants parlent bien dans le micro et se présentent afin de faciliter le travail de retranscription qui sera assuré par Catherine DADOUCHE, assistante de direction qui a déjà démarré la prise de notes. La question de la densité 3 Ile Feydeau, Nantes 4 La question de la densité Le Grand Clos, Nantes La Chabossière, Couëron Rue Félicien Thomazeau, Nantes Rue du Lutin, Angers Ce premier sujet sur la question de la densité sera abordé à travers quelques illustrations pour poser les termes du débat et de la discussion avec quelques images qui pourront susciter des réactions. L’idée est aussi d’illustrer ce débat à travers quelques réalisations dans le département et hors département. - Sans doute encore un peu moins dense mais toujours avec un travail de recherche sur l’optimisation de l’espace (pour ne pas parler de densité), une opération à Couëron qui a plutôt orienté la réflexion sur la mitoyenneté et qui, là encore, a produit des formes architecturales particulières. Pour cette première séance, nous avons retenu trois témoignages. Malheureusement une des opérations n’a pas pu être présentée, c’est la ville de Cholet qui devait nous présenter les Arcades Rougé mais les élus et le directeur de service n’ont pas pu se libérer aujourd’hui. Cette opération pourra toutefois être présentée lors de l’atelier d’avril qui portera sur la construction de la ville sur la ville. - La rue Félicien Thomazeau à Nantes où on traite plutôt de la maison de ville. La maison de ville, même si l’image ne le fait pas apparaître explicitement, ne signifie pas forcément absence d’espaces extérieurs privatifs ou d’espaces d’intimité. Pour aujourd’hui, deux témoignages vous seront présentés : - Bruno DUQUOC nous parlera du Clos de la Perchardière à Blaison-Gohier et de l’opération Maison Neuve à Pellouailles-les-Vignes - Didier ROISNE, Maire de Beaucouzé et Jean-Pierre LOGERAIS architecte, nous présenteront l’aménagement du secteur de La Picoterie, opération de renouvellement urbain en centre-ville de Beaucouzé pilotée par la SODEMEL. Pour lancer la réflexion, quelques éléments sur la densité : pourquoi avoir démarré cet atelier sur ce premier thème ? C’est vrai que dans nos préoccupations, nous mettons souvent en avant la nécessité de travailler sur des opérations denses et on s’aperçoit alors que ce mot renvoie à des images le plus souvent négatives associant la densité et une vision très urbaine. Le sujet est un peu tabou, c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu’il soit débattu dès ce premier atelier. On s’aperçoit en fait que, si on fait une petite rétrospective historique, la densité fait partie de la ville et que c’est l’une de ses principales qualités. Nous avons emprunté quelques images à nos collègues de Loire-Atlantique, quelques exemples de morceaux de ville hyper dense : - L’Ile Feydeau à Nantes : quartier très dense de Nantes et qui a su, malgré une hyper densité, produire un patrimoine urbain et architectural de grande qualité. - Autre forme, sans doute un peu singulière, une réinterprétation de l’habitat en bandes, qui est souvent aussi décriée, sur l’opération du Grand Clos à Nantes et qui, elle aussi, produit d’autres formes d’architectures sans doute moins denses mais dont la typologie n’est pas sans rappeler quelques rues d’Angers. J’ai oublié de dire que l’Ile Feydeau est construite au 18e siècle et que là, on est plutôt sur des quartiers des années 30 ; on retrouve un peu cette typologie urbaine sur Angers avec le quartier du Lutin : de la maison de ville en alignement sur voie avec des espaces privatifs à l’arrière, typique de cette même typologie des années 30. Mais le terme de densité n’est pas forcément une notion réservée aux espaces urbains de la ville, c’est une réflexion ou un regard que l’on peut porter sur un certain nombre de villages de notre territoire. Pour exemple ici, un village pris au hasard dans les Mauges où l’on voit bien qu’autour du cœur historique s’organise une forme que l’on peut appeler urbaine, avec un habitat relativement dense, mitoyen, aligné sur rue. On peut voir un petit début d’ersatz de pavillonnaire qui vient se glisser dans ce tissu historique. Même si la notion de densité, surtout en milieu rural, fait peur, on peut la dédramatiser en faisant quelques petites analyses simples comme cela, en prenant une photo aérienne de la partie du centre-bourg historique. C’est la partie la plus patrimoniale, celle pour laquelle le village met en avant son identité et la dimension de son attractivité et c’est souvent la partie la plus dense par rapport à des opérations plus récentes où, si on fait un petit calcul très simple, on s’aperçoit que l’on a moitié moins de densité certes mais production de nouvelles formes urbaines qui conduisent à un phénomène que l’on connaît bien maintenant, que l’on sait analyser : le phénomène d’étalement. Voilà rapidement quelques images. Nous allons passer maintenant à deux exemples de réalisations d’opérations urbaines, l’une en milieu rural à Blaison-Gohier et l’autre en deuxième couronne, à Pellouailles-les-Vignes. La question de la densité 5 6 La question de la densité Bruno DUQUOC, architecte Bonjour, je me présente, Bruno DUQUOC, architecte à Angers. On m’a demandé d’intervenir dans le cadre de ce débat sur la densité sur deux opérations très différentes. La première opération, qui a déjà plus d’une douzaine d’années, est une opération à Blaison-Gohier, petite commune de 950 habitants qui est à 20 kms d’Angers et dans laquelle on m’a demandé, avec Christian GRIMAUD, architecte, de réaliser une zone d’extension urbaine par le biais de la création de locatifs sociaux dont le maître d’ouvrage était Habitat 49. Au départ, ce terrain de 8 000 m2 avait été prévu pour faire 5 lots d’habitation à proximité du bourg, en lots libres. Par la suite, une nouvelle municipalité avait décidé de faire quelque chose de plus urbain, c’est-à-dire de plus lié avec le vieux centre de Blaison. On a donc réalisé cette opération que vous voyez en partie basse ici en extension du bourg. L’idée était de repartir simplement de la structure de Blaison qui s’est créée durant les cinq ou six derniers siècles et une grande partie au xixe siècle et qui était donc quelque chose d’extrêmement éclatée avec des orientations différentes et des maisons qui viennent s’adosser, se rajouter, s’agrandir etc. au cours des siècles. On est parti sur cette idée-là et pour la réaliser, en accord avec Habitat 49, on s’y est pris de la manière suivante. On va créer des maisons qui vont être toutes différentes, comme si on était avec des parcelles et des lots libres dans lesquels chacun a la liberté de faire sa maison. Puis, on va les lier en fonction des orientations, en fonction des jardins, en fonction des privatisations de petits espaces, pour essayer de créer un ensemble qui ne soit pas un ensemble avec une cohérence architecturale du type de ce que l’on voit souvent aujourd’hui mais une cohérence architecturale liée au bâti existant. Vous voyez en bas l’église de Blaison, l’ancien habitat et les lots que l’on a créés ici qui s’appuient sur une grande parcelle boisée qui se trouve derrière. Ici on a donc créé 12 logements, c’est une densité moyenne mais cela permet de créer 12 logements sur une parcelle de 8 000 m2, logements dans lesquels il y a une grande majorité de logements de grandes surfaces avec 70% de Type 4 et de Type 5. Par rapport à ce lotissement-là, il y avait à Blaison-Gohier une école où une fermeture de classe était envisagée pour la rentrée suivante. Cette fermeture de classe a été annulée par le fait qu’à l’intérieur bien entendu de ces logements, il y avait, je crois, 17 enfants en âge d’école maternelle et primaire donc renouvellement en même temps de la population de Blaison qui commençait à vieillir sérieusement. Cette opération vous est présentée simplement pour montrer comment on peut faire une greffe urbaine, c’est-à-dire de ne pas provoquer, par la création de ce que l’on fait aujourd’hui, une image totalement différente de ce qui existait avant. C’est une démarche qui peut être critiquée, ce n’est pas un exemple, c’est une opération qui fonctionne. Pour les gens qui y habitent, l’ambiance est bonne. Vous allez me dire : « Est-ce un critère ? ». Pour moi, oui, c’est un critère puisque dix ans après, l’ambiance à l’intérieur de ce lotissement est bonne, c’est-à-dire que les gens sont intégrés à Blaison, intégrés dans l’école et les relations de voisinage sont plus que correctes ; cela me paraît extrêmement important et c’est un critère dont il faut tenir compte bien qu’il ne puisse être analysé uniquement après. Voilà la première opération dont je voulais vous parler. La deuxième opération se trouve dans un secteur beaucoup plus dense de Pellouaillesles-Vignes. C’est une opération qui a été réalisée avec la SODEMEL ici présente, en relation avec la commune de Pellouailles. C’est une opération de plus grande envergure, puisque l’on travaille sur un secteur globalement de 7 hectares, un secteur d’entrée de Pellouailles avec la création d’une nouvelle voirie. La méthode de travail a été la suivante. Sur un ensemble de 7 hectares, il y a eu un nombre fantastique d’allers-retours et cette nouvelle voie a été créée pour une nouvelle entrée de Pellouailles, adossée à un parc, avec deux opérations totalement différentes. Cette opération est intéressante pour notre discussion car, bien entendu, elle reste critiquable. La première chose est que l’on avait à gérer le problème des eaux pluviales de l’ensemble des secteurs d’où la nécessité d’avoir un bassin de rétention de 8 000 m3, ce qui était assez impressionnant. On avait en fait deux solutions, soit la création d’un petit bassin avec des barrières autour, soit le traitement de cet espace comme un espace vert à l’entrée du bourg en liaison avec la partie boisée. C’est la deuxième solution qui a été décidée, mais à condition de créer, au-delà, une opération de densité importante. Cette opération est intéressante car il y a eu un aller-retour de deux ans à peu près sur l’opération et l’on est arrivé à ce plan qui prévoyait la création de petits immeubles et non pas d’habitat groupé, des petits immeubles en R+1 qui soient posés sur l’espace vert sans clôture individuelle. Le programme avec l’implantation des immeubles, des voiries, des stationnements a été proposé à un certain nombre de constructeurs, quatre ont répondu. Ce programme La question de la densité 7 8 La question de la densité leur proposait des règles : poser les bâtiments sur des espaces verts avec un maximum d’immeubles en R+1 et R+2, avec les espaces verts respectés, les zones d’extension, les périmètres, etc. tout était parfaitement défini. Il y a eu des réponses très intéressantes des constructeurs et c’est Logi-Ouest qui a été choisi pour faire cette opération, réalisée avec Pascal THOMASSON, architecte. On est arrivé à une opération qui répond parfaitement à cette nécessité de densité. D’un autre côté, nous avons fait une opération avec une extension sur une quinzaine de logements et au total on a 55 logements groupés sur une petite surface, si on ne compte pas, bien entendu, la surface de la parcelle de 8 000 m2 en partie basse qui permet de traiter le problème des eaux pluviales. J’aime bien cette opération par rapport au thème d’aujourd’hui qui est la densité. En effet, parfois on me dit « vous avez 40 logements, soit 20 logements à l’hectare », cela est vrai si on prend la totalité de la parcelle mais là on est en urbanisme, cela veut dire qu’une décision a été prise entre la Sodemel et la commune qui était de traiter ce grand espace en entrée de Pellouailles, donc pas de construction. Derrière, par contre, avec au total 85 logements, on a une opération qui est dense, dans sa partie haute. Ce que j’aime bien dans cette opération et dans le débat d’aujourd’hui, c’est que ce phénomène de densité permet aussi de créer des espaces publics de qualité. Il y a eu sur ce terrain avant la réalisation de cette opération, un projet d’un aménageur qui prévoyait 40 lots sur cette parcelle et qui prenait l’ensemble du terrain avec des lots de 500 m2, donc plus aucun espace collectif et plus aucun espace vert. Même Logi-Ouest, au départ, était un peu inquiet, en particulier sur le fait de n’avoir qu’un espace extérieur qui soit un espace collectif. Il y a eu quelques réticences et ça a été assez délicat au départ pour faire admettre cela, mais finalement ils ont accepté et ça s’est réalisé et, surtout, ça s’est vendu. Cette opération-là, maintenant, on la visite de temps en temps avec des maîtres d’ouvrage pour montrer que c’est possible en dehors d’un milieu purement urbain, comme Pellouailles-Les-Vignes. Je connais deux couples qui habitent dans ces immeubles-là et l’ambiance est plus que correcte, les espaces collectifs servent, comme le terrain en bas qui est en eau cinq jours par an et qui sert de terrain de foot qui, en plus, est un terrain de foot encastré. Sur la partie gauche de l’opération, nous avons un système de ventes de lots libres avec des surfaces relativement réduites et dans lesquelles on a mis des contraintes extrêmement importantes, en particulier sur le maintien et la création des espaces verts. Il y a des règles assez strictes sur tout ce qui est espace vert sur l’ensemble de l’opération. Cela a été un peu compliqué, mais un certain nombre d’arbres à l’intérieur des lots ont été définis avec François TAVERNIER, paysagiste, comme devant être conservés. Ainsi, chaque propriétaire de parcelle avait sur le document du géomètre une indication des arbres devant être conservés. La règle a été bien suivie et dans tout ce qui est architecture aussi, il y a eu une grande diversité dans les types d’habitats avec une espèce de mélange qui fait la ville, qui fait un lieu, un mélange entre des sensibilités différentes des propriétaires et qui se traduit architecturalement. Je pense que c’est très important qu’à l’intérieur d’une nouvelle structure urbaine on ait un peu de tout. Nous travaillons aussi avec la SODEMEL sur le centre-ville de Pellouailles. On essaie de faire de la haute couture en quelque sorte, c’est-à-dire de lier différentes époques. Dans les années 80, il s’est construit quelque chose d’extrêmement dense dans le centre-ville de Pellouailles, puis au fil des années on est rentré dans le système plus lotissement avec des parcelles relativement importantes ; les parcelles se sont agrandies dans les années 90 elles se sont rétrécies depuis 2000. Nous avons réalisé tout cet ensemble-là avec simplement l’oubli de « recouturer » tout cela dans un centre-ville qui soit un véritable centre-ville. C’est un peu le défi actuel qui n’est pas du tout évident, mais dans lequel nous essayons de ne pas simplement rajouter une autre époque mais d’essayer de retravailler avec tout ce qui s’est fait depuis 30 ans et ça c’est une grosse difficulté. Le thème d’aujourd’hui de la densité permet sans doute, comme on le fait souvent dans une ville, de travailler comme cela, car une ville s’est faite à coups justement de petites coutures de ce type-là dans lesquelles on vient remplir un lieu, on vient rajouter quelque chose, on vient retransformer, on vient réaménager à l’intérieur d’un même terrain une autre maison qui vient au fond du jardin, etc. Tout cela, ça fait la ville et on peut aujourd’hui, sur le thème de la densité, travailler ainsi et pas uniquement à grandes masses de m2 mais sur de la couture un peu plus fine. La question de la densité 9 10 La question de la densité La question de la densité 11 Jean-Pierre LOGERAIS, architecte On parle toujours de ce phénomène de densité, en fait, je crois que c’est un mot qui n’a pas de sens, on ferait bien de l’évacuer, parce que c’est le modèle urbain qui compte, c’est-à-dire : « Qu’est-ce que l’on fait, qu’est-ce que l’on fait dans un espace pour qu’il y ait une cohérence. » Sur un lotissement où l’on a 4 mètres tout autour de la parcelle où tout le monde voit tout le monde, on peut dire qu’il y a une folle densité de vie et si on a un village, très organisé, avec des parcelles cinq fois moins grandes mais où c’est totalement intime, on n’a pas la même sensation. Dans l’esprit du public en tout cas, ce mot densité est un peu synonyme d’entassement et donc de mal vivre. Je crois que c’est un vrai problème, il faudrait que l’on arrive à l’évacuer du langage et à trouver d’autres expressions pour mieux parler de la forme urbaine que ce mot-là. Bruno LETELLIER, directeur du CAUE C’est la raison pour laquelle nous avons voulu s’en « débarrasser » en consacrant le 1er atelier de la forme urbaine à ce thème-là. Jean-Pierre DUCOS J’ai une petite question à Bruno DUQUOC, je reviens sur l’opération de Blaison-Gohier qui a maintenant une quinzaine d’années : « Si c’était à refaire aujourd’hui ? » Bruno DUQUOC C’est une question très difficile : « Si c’était à refaire aujourd’hui ? » Quand nous avons fait cette proposition à Habitat 49, ça a toussé justement sur la densité et sur le fait que les gens pouvaient être les uns sur les autres, ce qui n’est pas vraiment le cas. Aujourd’hui on aurait un programme plus important sur le même terrain ; on aurait une vingtaine de logements à faire sur le même terrain et je pense que l’on pourrait y répondre. Cela peut être plus dense que cette opération dans laquelle chacun a des surfaces de terrains non négligeables. Bien sûr, nous sommes à Blaison-Gohier et à l’intérieur même du bourg, il y a pas mal de petites maisons dans des ruelles qui sont beaucoup plus denses, dans lesquelles les gens vivent très bien et ils ont aménagé leurs petits jardins en partie arrière. En partie avant, nous avons des espaces dans lesquels il y a à la fois des voitures, des gens, des piétons, des liaisons avec l’école ; il manque un petit espace commun dans lequel les gens puissent se retrouver en toute quiétude. 12 La question de la densité Une opération comme celle-là peut être possible aujourd’hui et je pense que c’est un exercice intéressant dans un esprit pareil de découpages ; on peut peut-être avoir plus de logements à l’intérieur mais est-ce que c’est un but ? Admettons que ce ne soit pas des logements locatifs, je pense que l’on peut faire des structures urbaines de ce type-là. Nous avons travaillé dans le cadre d’un PLU dans un secteur sur 9 communes entre Fontevraud et Chinon, un secteur très patrimonial, et à partir de formes urbaines de ce type-là, nous avons essayé de les mettre en forme sous formes de lots libres pour ensuite vendre les lots avec certaines contraintes d’orientation etc. mais c’est beaucoup plus compliqué. J’ai l’impression qu’aujourd’hui il est beaucoup plus facile de créer à l’intérieur des opérations, des îlots dans lesquels on puisse faire des ensembles de ce type-là et vendre clés en main. En plus financièrement, par rapport au budget des gens susceptibles d’aller dans ces opérations, c’est beaucoup plus facile d’arriver à leur budget. Voilà c’est aussi un débat, c’est plus une question que je lance Jean SOUMAGNE, professeur d’Université C’est une question : « Comment se trouve réglée la question de la présence et du stationnement en particulier des voitures, sachant que progressivement on tend à passer de une à deux voitures par ménage dans les classes moyennes et que c’est un élément qui contribue à l’impression de densité et de compacité ? En d’autres termes, est-ce que les gens ont eu tendance à transformer leur garage en atelier et laissent leur voiture sur l’espace semi-public ou y a-t-il d’autres pratiques ? » Bruno DUQUOC Dans cet espace, il y a eu des parkings de créés et des espaces de libérés, c’était une volonté. En effet, aujourd’hui il y a deux fois plus de voitures qu’il y a dix ans dans ce lotissement. Ce n’est pas un hasard car les gens qui viennent habiter en logement social à Blaison-Gohier, en général, travaillent sur Angers et quand ils peuvent, ont deux voitures. Ainsi un certain nombre d’espaces ont été libérés dans lesquels les gens stationnent. Il y a une espèce d’auto-réglementation qui marche très bien. Au départ, on avait un peu peur, mais ça marche très bien. Chacun se gare de manière à ce que les autres puissent soit rentrer dans leur garage, soit se stationner à proximité de chez eux. Il n’y a pas de dessinées au sol deux places de garage par logement. C’est un espace relativement libre dans lequel les enfants font du vélo, d’autres garent leur voiture, c’est un espace volontairement totalement privatif, ce n’est pas un espace dans lequel on passe. Mais, c’est un autre débat car j’ai un peu l’impression que là on est sur un système de petites raquettes avec six logements et le gros intérêt justement c’est qu’il y a une autorégulation à l’intérieur qui est très intéressante et qui fonctionne très bien. On n’a pas besoin de créer de parking, deux parkings par logement par exemple qui sont dessinés avec des raies blanches au sol, ce n’est pas indispensable. Ça peut aussi être un terrain vert, il y a une partie qui est en terrain vert dans lequel, quand il y a un problème de stationnement, quatre personne peuvent se garer mais uniquement quand il y a problème et là encore cela ne pose pas non plus de question particulière. Nathalie MONTOT, chargée d’étude à l’AURA Je voudrais revenir sur ce que vous disiez à propos de votre expérience entre Chinon et Fontevraud sur des lots libres où vous disiez que c’est plus difficile. Qu’est-ce qui est plus difficile ? Est-ce parce que la population est contrainte par les architectes ? Qu’est-ce qui fait que c’est plus difficile ? Bruno DUQUOC Ce qui est difficile, c’est que tout est dessiné, il y a une idée et après on essaie de la traduire réglementairement. Par exemple, il y a eu une fois un type de maison très intéressant dans la parcelle, je ne voyais pas très bien pourquoi on la refuserait et le règlement, qui était très contraignant pour obtenir ce que l’on voulait, a fait que la maison ne pouvait pas se faire. C’est très gênant quand on marche à coup de règlement comme cela. Nathalie MONTOT Pourquoi faire un règlement si contraignant ? Ce règlement était dans le PLU ? Bruno DUQUOC Oui, ce règlement était dans le PLU. C’est un secteur sur lequel il y avait aussi une zone de protection du patrimoine architectural avec un regard de l’architecte des Bâtiments de France. Tout ça, c’est pour lancer le débat sur le fait que l’on ne gère pas les choses uniquement réglementairement. S’il y en a qui ont des expériences autres, je suis preneur car tout cela est extrêmement difficile. Isabelle LEULIER, architecte à l’AURA L’expérience de Pellouailles est intéressante puisqu’elle est sortie sous un permis groupé, donc vous vous êtes affranchis d’un certain nombre de contraintes. Bruno DUQUOC Le permis groupé de Pellouailles est très intéressant car il a posé des problèmes énormes à l’administration. Il fallait définir des îlots, mais les espaces publics étaient déjà créés par l’aménageur, stationnement, etc., et les seuls lots qui étaient vendus et qui appartenaient en fait au constructeur, étaient des lots construits, uniquement les lots bâtis. Cela a permis aussi de gérer l’ensemble des espaces extérieurs et d’obtenir ce que l’on voulait, c’est-à-dire pas de petits jardinets clos devant, etc. En fait, il a fallu jongler avec un permis groupé qui était sur plusieurs îlots. Finalement ça a énormément intéressé la DDE car ils ont trouvé la preuve qu’administrativement cela était possible. C’est donc un bon signe. Michel BALLARINI, directeur de la SODEMEL C’est effectivement important parce que sortir de la densité c’est aussi sortir de la manière dont traditionnellement on morcelle le foncier. Bruno DUQUOC l’a dit, peut-être que s’il refaisait l’opération, même de Blaison-Gohier aujourd’hui, nous n’aurions peut-être plus ce parcellaire. On essaie aujourd’hui de produire un habitat dont la forme n’est pas forcément en relation avec la structure foncière. C’est comme cela que sont apparues dans les dix dernières années des manières d’habiter que l’on appelle intermédiaires, c’est-à-dire un habitat un peu plus diversifié avec des accès divers qui ne correspondent pas forcément avec une retombée au sol où chacun est sur son sol. Là, on passe en volumes, même si les volumes ne sont pas hauts (tout ce que l’on a vu c’est du R+1), mais l’opération de Pellouailles, c’est bien cela, c’est-à-dire que c’est de l’habitat intermédiaire, il n’y a pas de partie collective mais les groupes d’habitation sont posés sur le sol, pas forcément un par un. Là effectivement, on avait utilisé quelque chose d’assez original, une espèce de permis groupé multi-sites sur un lotissement. Le lotissement c’est la forme la plus contraignante de l’aménagement et le permis groupé nous avait permis de sortir de cette forme-là. La question de la densité 13 À part évidemment le travail de conception urbanistique et architectural, ne pas oublier le travail foncier parce que si chaque fois on essaie de retomber dans la procédure classique, on n’y arrive pas. C’était une petite diversion. Nathalie MONTOT Quels sont les autres projets aujourd’hui ? Qu’est-ce que ces exemples-là ont fait évoluer auprès d’autres élus avec lesquels vous êtes en contact ? Et est-ce qu’il y a d’autres projets intéressants comme cela sur notre territoire ? Bruno DUQUOC Oui, il y a d’autres projets et là je vais sûrement lancer le débat sur la densité. Tant que l’on en parlait pas en tant que phénomène nouveau, on arrivait à faire des opérations qui intègrent des bâtiments relativement groupés dans un site ; je fais exprès de ne pas l’utiliser. Depuis que l’on parle de densité, j’ai l’impression que l’on essaie de retraduire, avec les formes traditionnelles du lotissement par exemple, ce phénomène de densité. Cela veut dire par exemple, il y a dix ans, on nous demandait de faire tant de logements par hectare, aujourd’hui au lieu de faire 20 logements à l’hectare, on en fait 35. Et les formes, c’est ce que disait Monsieur BALLARINI, les formes, par exemple du lotissement traditionnel avec son règlement, ne me semblent pas fonctionner. L’exemple de Pellouailles est un excellent exemple et c’est vrai qu’avec l’administration, on a vu que l’histoire du permis groupé était résoluble et je pense qu’il est important par rapport à cette grande question de la densité de définir un mode opératoire qui soit autre que le lotissement traditionnel avec sa parcelle découpée et son règlement dans la parcelle. Il y a quelque chose qui ne va pas là ; cela reste à inventer, cela reste à discuter. Je sais qu’il y a déjà des pistes. Les opérations que l’on peut avoir dans différentes communes font que l’on est obligé de passer très souvent par des opérateurs. L’autre jour, j’étais dans une commune qui avait décidé de ne pas avoir plus de 70 logements en extension du bourg dans les dix ans qui viennent. Cette décision avait été mise dans le PADD du PLU depuis 7 ans et tenue par la commune depuis 7 ans. Il y a une opération qui se monte sur une surface de 6 ou 7 hectares et dans laquelle, bien entendu, par rapport à la nécessité et au programme d’îlots, de constructions groupées, etc. qui est proposé, on se retrouve avec plus de logements. Le maire refuse et veut que l’on revienne à la densité d’avant. Le débat que j’ai avec ce maire est que l’on ne revient pas à la densité que l’on avait avant car si ce maire décide de travailler comme 14 La question de la densité cela c’est simplement que le terrain d’assise de l’extension urbaine est trop important. Ce qu’il faut remettre en cause, c’est le terrain d’assise de l’opération. Ce débat-là, on doit l’avoir par rapport à ce phénomène de densité afin que cela ne devienne pas simplement la création d’une multitude de logements. Il faut donc définir les besoins, définir le mode opératoire et le type d’urbanisation que l’on veut et ensuite définir le terrain nécessaire. La loi SRU, pour cela, est fort intelligente puisque dans les PLU, on faisait le projet avant de le traduire juridiquement, c’est toute l’intelligence de la Loi SRU et des Plans Locaux d’Urbanisme, il suffirait de l’appliquer. Ainsi, logiquement (et certaines communes commencent à le faire), on doit faire les projets d’extension et d’aménagement urbain avant de faire les PLU. Cela a l’air compliqué mais beaucoup de communes commencent à travailler dans cet esprit-là. Jean-Pierre LOGERAIS Il me semble qu’il y a deux éléments qui sont très importants dans la densité, dans l’assemblage, c’est la façon dont les éléments sont organisés. Quand on parle d’habitat individuel, par exemple, c’est vrai que si l’on arrive à créer de l’intimité (et c’est pas forcément simple) aujourd’hui avec la dimension des maisons, ça marche bien. C’est-à-dire qu’en fait, si on a de toutes petites parcelles, il faut que l’on puisse créer avec des annexes, avec un aménagement, une vraie intimité. Je crois que c’est la vraie question en vérité quand on fait de la maison individuelle. C’est vrai qu’aujourd’hui, on a tendance à faire des maisons de plus en plus petites et des annexes de moins en moins grandes, si je puis dire, donc c’est assez difficile de se servir du bâti pour faire de l’autoprotection ; pourtant, c’est quand même le point fondamental. Et puis, je crois qu’il y a un élément dont on parle moins, mais qui me paraît extrêmement important et dont on verra les effets pervers dans un certain nombre d’années, c’est ce que vont devenir les bâtiments et leur état quand on arrive à des grands secteurs d’urbanisation, de regroupements de volumes construits. Ce qu’ils vont devenir ? Quel aspect vont-ils avoir ? Quelle image vont offrir ces bâtiments au bout d’un certain nombre d’années ? Ça, je crois, qu’en termes d’assemblage, en termes de densité, en termes de composition urbaine, c’est peut-être l’élément fondamental qu’il faut avoir en tête, sur lequel il faut développer de la recherche et de l’attention car ça va jouer terriblement sur les ambiances et sur la vie de ces quartiers sur leur devenir et sur leur classement social. Emmanuel DURET, géomètre-expert C’est en tant qu’élu de ma commune que j’interviens pour vous demander quels conseils vous nous donnez pour faire passer le message de la densité auprès des acquéreurs tout simplement, car la grande question, elle est là, il ne faut pas tourner autour du pot. Aujourd’hui, on a beau concevoir les plus beaux projets, on est tous d’accord là-dessus, au moment de la commercialisation, on va quand même discuter, peutêtre moins en milieu urbain ou proche en tout cas des agglomérations, mais un peu plus en milieu rural où je travaille et où, effectivement, il n’est pas facile de convaincre des gens de descendre en termes de superficie de terrain. Même si je rejoins Monsieur BALLARINI, même si je suis géomètre, même si je sais qu’il faut que ça change, je pense que c’est une question de culture. Je connais un petit peu les réponses, mais j’aimerais vous entendre les uns et les autres à ce sujet. Bruno DUQUOC C’est la question que l’on a en permanence à l’esprit aujourd’hui quand on travaille dans les communes rurales. Le problème est que l’on est toujours dans le même système. Par exemple, on nous dit que quand la façade fait moins de 16 mètres, on ne peut pas mettre une maison, on entend ça en permanence. Cela veut dire simplement que chacun va aller après chercher sa maison ou a déjà acheté sa maison, car le problème énorme c’est que souvent la maison est déjà achetée et qu’on cherche un terrain pour la poser. On s’aperçoit que le problème est principalement d’être chez soi, c’est l’intimité et ça, je suis désolé, mais c’est la conception même de départ et c’est la liaison entre l’urbanisme et l’architecture qui fait que l’on va traiter ça. Donc, ça veut dire maîtriser tout ce qui se passe dans les liaisons entre l’espace public et l’espace privé, il faut que ça soit créé, que ça soit réalisé. Puis ensuite, tout est dans la conception même des maisons. Je parlais tout à l’heure de Blaison mais c’est le cas, on a fait extrêmement attention à ce que quelqu’un qui est dans son séjour ne plonge pas directement dans le séjour du voisin et ce n’est pas à coups de maisons en milieu de terrain que l’on peut faire ça ! Quelle est la méthode ? Je ne sais pas et celui qui a la solution ici j’aimerais bien qu’il nous la donne. Quelle est la méthode pour qu’aujourd’hui on fasse accepter cela ? Je pense qu’il faut construire sa maison de manière différente. Il ne faut pas construire tout seul au milieu de son terrain. Cela existe quand même car je me suis promené un peu en Europe et même dans différents pays, cela existe et cela fonctionne. Cela veut dire que l’on accepte d’avoir des voisins. On est chez soi, mais on a des espaces communs. Chez nous, on a un mal fou pour avoir cela. Rien que par exemple la petite question des espaces extérieurs devant qui ne sont pas obligatoirement clôturés et dans lesquels moi j’ai vu dans de nombreux pays, un samedi matin, quelqu’un tondre cinq terrains devant, en ne se limitant pas uniquement au sien ; c’est un état d’esprit, mais j’ai l’impression que cela vient chez nous aussi. Des opérations comme Pellouailles sont intéressantes pour cela, car cela veut dire que ça peut exister et c’est louable. Mais ce n’est pas facile, c’est évident. Actuellement, on a la question de certaines communes qui nous disent qu’à moins de 1 500 m2 pourquoi voulez-vous que les gens viennent chez nous ? C’est une question qui est posée, mais que voulez-vous répondre à cela? Ce n’est pas possible aujourd’hui… C’est un temps révolu. Mais ces communes nous disent aussi que les communes au bord du Loir, pour ne pas les citer, ont des parcelles de 2 000 m2, donc pourquoi nous, nous n’avons pas le droit ? Ces questions sont posées en permanence et l’on doit y répondre par rapport à une certaine logique d’espaces, répondre en urbanisme et non pas en architecture. Nathalie MONTOT Pour qu’il y ait urbanisme, il faut que les communes s’investissent un peu plus aussi avec les aménageurs qui viennent acheter des terrains sur leur commune et qu’elles laissent faire. Il y a eu une période où les communes faisaient beaucoup de lotissements communaux et après elles ont laissé faire les aménageurs. Effectivement, il faut qu’elles retrouvent leur place dans la discussion auprès des aménageurs et des promoteurs, je ne sais pas s’il y en a dans la salle mais il faut aussi sensibiliser à cet aspect-là des choses. Jean-Pierre DUCOS Nous abordons maintenant le troisième exemple retenu en illustration de nos débats et laissons la parole à Didier ROISNE, maire de Beaucouzé et Jean-Pierre Logerais, architecte, qui nous présentent une opération d’extension du centre bourg de Beaucouzé, La Picoterie. La question de la densité 15 Didier ROISNE, Maire de Beaucouzé Dans un premier temps, ce qu’il faut bien préciser, c’est que ce n’était pas simplement une opération d’habitat mais la reconstruction et l’extension du centre-bourg. Nous avions sur Beaucouzé un centre-bourg qui se limitait à l’arrêt du bourg, donc on ne pouvait pas faire mieux, mais cela manquait de vie et notre idée était donc d’étendre le centre-ville. Ce qui est extraordinaire sur Beaucouzé, c’est que nous avions 2 hectares de disponibles, 1 hectare qui appartenait à la commune et 1 hectare à des particuliers. Nous avons donc confié cette pré-étude à la SODEMEL et au Cabinet RO.ME qui nous a défini le cahier des charges. Ce cahier des charges, nous l’avions aussi étayé par une étude commerciale qui nous a permis de déterminer qu’il nous fallait environ 1 000 m2 de commerces avec certains commerces qui étaient privilégiés. Ce qui avait été déterminé également, c’est la hauteur maximale qui ne devait pas dépasser le presbytère, ce qui n’est pas forcément une référence, mais cela limitait les bâtiments à R+2. Comment avons-nous travaillé? Nous avons travaillé en faisant un mini-concours; ce n’était pas un concours officiel mais une consultation, que ce soit sur la partie privative ou sur la partie bailleurs sociaux, là on a eu quelques réticences car ce n’était pas forcément dans leurs habitudes. On a eu des projets très différents qui allaient du domaine de luxe avec piscine jusqu’à des zones un peu plus pavillonnaires. Parmi les projets, nous avons retenu celui de Monsieur LOGERAIS pour deux raisons. D’une part, il était le même architecte, que ce soit sur la partie privative ou sur la partie bailleur social et il nous a donc donné un projet bien mieux structuré, bien mieux pensé sur les 2 hectares. D’autre part, c’est le seul architecte qui soit venu sur le terrain et qui s’est aperçu qu’il y avait une bonne pente, les autres architectes n’étant pas venus voir le terrain. Monsieur LOGERAIS s’est aperçu que notre demande de faire simplement des parkings en sous-sol, était plutôt un avantage pour lui car cela lui a permis de résoudre un certain nombre de problèmes. L’autre difficulté rencontrée c’était la notion de parking. Il y a une photo que l’on a vue tout à l’heure qui m’a fait très plaisir car quand on regarde et quand on voit le quartier, en fait, on voit une tache verte malgré les 118 logements sur 2 hectares soit presque 50 logements à l’hectare, on a quand même une tache verte et cela me fait plutôt plaisir. 16 La question de la densité Notre cahier des charges n’était pas de faire de la densification. Notre idée était que nous avions un centre-ville, que nous voulions des commerces et que cela soit bien intégré, le mieux intégré possible c’est-à-dire qu’à la limite, on ne s’aperçoive pas que ce quartier-là était un quartier neuf. On voulait que cela s’intègre; on voulait qu’il y ait une liaison avec l’existant. Sachant que tout autour c’est du pavillonnaire, on voulait une liaison un peu douce, ce qui a été fait avec des petits pavillons groupés et une montée en puissance au niveau de la hauteur. Voilà le cahier des charges et je vais passer la parole à Monsieur LOGERAIS, architecte, c’est lui qui a fait le projet. Jean-Pierre LOGERAIS En fait, il y a un certain de nombre de logements à l’hectare mais on est en plein cœur du centre de la ville de Beaucouzé. On bénéficiait, il faut le dire, d’un contexte très agréable, avec un environnement paysager de verdure et d’eau très bien structuré au cœur de la ville. Il y a également l’Hôtel de Ville qui est juste en face du quartier que l’on a créé et un certain nombre de bâtiments qui étaient assez harmonieux, assez homogènes et qui offraient un contexte global intéressant. C’est donc dans ce contexte-là que l’on s’est inscrit et c’était effectivement assez favorable au départ. Il s’agissait d’offrir des opérations où la notion de mixité était véritablement présente puisque nous avions à travailler du logement collectif en logement social avec insertion de commerces autour de la place. Nous avions à créer du logement collectif en accession et de l’habitat individuel. Tout cela dans un ensemble paysager qui était en partie une réintégration de plantation d’arbres existants et de nouvelles plantations. La place publique était également un élément très important, on voulait qu’elle soit gérée et totalement intégrée. En fait, le but était véritablement de faire en sorte que cet ensemble nouvellement construit apparaisse comme ayant pratiquement toujours été là dans son échelle, dans sa disposition et dans ses éléments de proximité. Sur cette vue de la place commerçante, on aperçoit tout à fait à droite le Crédit Mutuel, qui est un élément de l’ensemble commercial avec boulangerie, cordonnerie, coiffure et un certain nombre de commerces qui s’enroule. En face l’Hôtel de Ville, nous avons également travaillé en relation avec le paysagiste qui a traité l’ensemble devant la mairie, afin que tout cela soit homogène au niveau des matières et au niveau des traitements. L’idée était également d’avoir une architecture extrêmement simple, qui respecte aussi un certain nombre de données thermiques car à l’époque on cherchait à être dans les performances assez significatives. Il y a 3 niveaux seulement, R+2 . Les rez-de-chaussée sont entièrement traités en schiste avec les commerces composés dans cet ensemble-là, tout ce qui est enseigne est fait dans une même unité également pour traiter une cohérence d’ensemble. Au-dessus, on a un étage de logements, un étage au-dessus avec, en fait, comme matériaux le blanc, le bois et le schiste. Au niveau des sols, on le fait sur tous nos aménagements urbains, on n’utilise à peu près que 2 ou 3 matériaux globalement, c’est-à-dire le granit ou le grès et l’enrobé, de façon à ce qu’il n’y ait jamais de vieillissement au niveau des aménagements en rejetant systématiquement tout ce qui peut être pavé, béton coloré, etc., tout ce qui ne vieillit pas bien, car dans mes préoccupations, ce qu’il y a aujourd’hui d’extrêmement important c’est de dire : « Nos bâtiments, comment seront-ils dans dix ans ? Comment seront-ils dans quinze ans ? Auront-ils encore une place digne là où on les a implantés ? » C’est vrai dans un centre-bourg, c’est encore plus vrai dans des grandes zones d’habitation mais en tout cas dans des endroits significatifs comme ici, cela a aussi toute son importance. Après l’idée était de créer une harmonie qui soit à la fois basée sur l’homogénéité et sur la complémentarité. C’est-à-dire faire en sorte que, que ce soit les collectifs autour de la place ou que ce soit les collectifs en accession, on ait un travail qui soit homogène, toujours avec les mêmes matières. La question de la densité 17 finances locales. Le problème est que les bailleurs sociaux ont des parkings payants donc pour certaines familles gagner dix euros par mois, c’est toujours ça de pris, donc ils utilisent les parkings devant les commerces, pour un problème financier uniquement. Ainsi, il y a des parkings payants libres derrière, où personne ne stationne et plein de parkings devant qui sont utilisés à tort. Nous avions aussi dans le cahier des charges un certain nombre de liaisons douces car sur Beaucouzé il y a beaucoup de chemins piétonniers et nous voulions aussi en profiter pour faciliter l’accès jusqu’au centre ville. Il y a des chemins piétonniers qui traversent complètement la zone dont un qui traverse toute la partie privative et sur lequel on continue de travailler pour permettre l’accès au centre-ville. Jeanne ROBINSON, adjointe au Maire d’Avrillé chargée de l’Urbanisme L’exemple de Beaucouzé est intéressant et Monsieur le Maire, nous sommes allés visiter votre commune il n’y a pas très longtemps avec le groupe de pilotage que nous avons mis en place pour le centre-ville d’Avrillé. C’est vrai que l’expérience est intéressante parce que vous parliez d’intégration, Monsieur LOGERAIS, et c’est complètement réussi car on voit bien que lorsque l’on fait le tour, on a bien l’impression d’être dans un centre-ville où il y a de l’habitat et où tout semble effectivement avoir toujours existé et où tout pourra continuer d’exister de la même manière. Pour ce qui collectif sur l’accession, nous avons glissé deux bâtiments au milieu de grands arbres existants pour traiter des sortes de villas urbaines. La tache verte, dont parlait Monsieur le Maire, existe bien en effet, tous ces bâtiments sont réinsérés dans l’espace paysager avec beaucoup de soin et tout cela a maintenant sa place dans ce centre-ville. C’est vrai que la densité n’existe pas, on n’en a absolument pas la sensation. Le parking a été traité en sous-sol, pour la plus grande partie même si ce n’était pas tout simple car on avait des petites unités, mais on a réussi à mettre le nombre de places nécessaires pour les logements en sous-sol et la place devant les commerces est destinée uniquement aux usagers des commerces. Didier ROISNE Ce qui n’est pas toujours vrai et les commerces s’en plaignent, mais c’est pour un autre problème. En effet, les bailleurs sociaux ont un parking par logement, ce qui est un petit peu juste dans ces quartiers-là, donc nous avons fait des parkings municipaux avec les 18 La question de la densité Vous parliez de la durabilité des matériaux, on voit bien avec le schiste que le traitement est qualitatif et on a bien l’impression d’être dans un centre-ville avec des éléments qui ont des références et donc il y a vraiment cet aspect historique qui est complètement réussi. En tous cas, nous sommes revenus, nous étions une dizaine dont Didier ROGER de la SODEMEL, complètement emballés par l’expérience. J’espère que dans dix ans quand le centre-ville d’Avrillé sera refait, on pourra se dire également que ça a toujours existé. Mais il y aura le tramway en plus, ce sera aussi un autre enjeu. Ce qui est intéressant aussi c’est l’aspect des logements autour et derrière et moi j’ai bien aimé aussi ce que vous disiez tout à l’heure sur l’intimité. On voit bien dans une espèce de grande villa, que celui qui est au-dessus ne voit pas ce qui se passe en-dessous, celui qui est à côté ne voit pas non plus forcément ce qui se passe chez son voisin et pour autant, on a quand même un certain nombre de logements, on peut peut-être commencer à parler de densité mais sans pour autant avoir l’impression d’avoir des choses qui montent, qui peuvent effectivement faire peur et qui ne correspondent pas au tissu bâti existant. La dernière chose que je trouve intéressante et je retiens l’idée de Monsieur BALLARINI, c’est l’idée du concours, ce n’est pas mal aussi de voir comment plusieurs architectes peuvent envisager les choses sur un même espace. C’est là que l’on voit en fait que tout est à réinventer. Jean-Pierre LOGERAIS Cette notion d’intimité est fondamentale et peut se traduire de toutes sortes de manières mais c’est vrai que du coup, je le dis souvent, on s’auto-protège en se regroupant, c’est-à-dire en faisant en sorte que les choses puissent se combiner pour que chaque élément apporte de l’intimité à l’autre. C’est évidemment beaucoup d’attention, mais ça marche en fait bien quand on le met en place. Je parlais de villa urbaine car je pense qu’il y a des formes que l’on a encore assez peu exploré. C’est-à-dire que l’on a souvent utilisé la maison individuelle et le collectif. Le collectif, on l’a souvent traité pendant de très nombreuses années comme un grand bâtiment avec un certain nombre de cages d’escaliers et avec un certain nombre d’espaces collectifs. Moi, je crois beaucoup à une formule que l’on a assez peu expérimentée et qui est là présente sur cette petite opération de Beaucouzé, qui est la notion de villa urbaine. Je crois qu’en créant de toutes petites unités d’une dizaine ou d’une douzaine de logements avec un accès indépendant, avec un espace de protection autour, avec le fait qu’un enfant qui sort de ce petit immeuble, comme d’une grande maison, puisse être dans un lieu de proximité qui lui appartient, qu’il connaît et qui n’est pas un véritable lieu collectif. On aurait une sorte d’alternative entre le tout grand collectif et la maison individuelle à un moment où on ne peut pas forcément faire de la maison dite de ville partout. Je le disais tout à l’heure, la maison de ville, lorsqu’elle a une certaine dimension et qu’elle a ses annexes pour protéger les espaces qui vont être au sol parfaitement intimes et pouvant être utilisés, est souvent une petite maison et on arrive assez difficilement à faire cela. Parfois cela se caricature et on obtient des espèces de maisons de ville de poupée avec des terrains qui voudraient être protégés, mais qui ne le sont pas et qui se terminent avec un grillage; là ça devient plus dramatique qu’intéressant. La question de la densité 19 Je crois, à travers les difficultés que l’on retrouve aujourd’hui et en particulier la surface des logements, qu’il y a à retrouver une nouvelle forme de collectif qui est une forme plus inventive, utilisée dans un certain nombre de pays nordiques, qui peut se mettre en place et qui est une vraie alternative dans toutes ses problématiques. Je crois qu’elle peut apporter une nouvelle façon d’habiter ensemble dans une petite unité. Cela suppose un certain nombre de choses, un peu de subtilité au niveau de l’organisation du stationnement, un peu de subtilité au niveau du découpage foncier pour créer ces unités. Moi, j’y crois beaucoup, je l’ai proposé à Monsieur le Maire dans une opération à venir, je crois qu’il faut bien la percevoir cette notion, elle est importante, elle est innovante, elle est significative et elle apportera d’autres réponses. mais rentré par la clé densité ; c’est-à-dire que la densité est un outil au service d’autres choses. Ce que vous avez voulu réaliser, c’est d’abord une opération qui s’intègre et qui respecte ce qu’un urbaniste hollandais, je crois, appelle le génie du lieu ; j’aime beaucoup cette expression « le génie du lieu », le respect du génie du lieu. C’était très clair sur Blaison-Gohier ou ici sur le tissu urbain de Beaucouzé et la volonté d’améliorer la qualité de vie des habitants. Or, c’est vrai que dans les opérations qui étaient montrées tout à l’heure pour caricaturer un peu cet étalement urbain avec la banalisation de l’espace par les lotissements en tablettes de chocolat, ici, j’ai l’impression que l’on veut s’inscrire en rupture et c’est en cela que la densité peut aider. Didier ROISNE Ma position d’élu est assez simple, je voudrais offrir aux futurs habitants de Beaucouzé la qualité de vie que j’ai trouvé, moi, à Beaucouzé. J’ai 314 m2 de terrain donc ne suis pas un riche propriétaire terrien mais là où j’habite je n’ai pas de problème de voisinage car la rue au bout de chez moi est en contrebas donc je vois tout juste le haut des voitures et derrière ce sont des espaces verts. Donc, j’ai une très grande qualité de vie qui n’est pas liée à l’espace que j’ai en tant que privé. Ce que j’ai remarqué dans ma petite expérience d’élu, sans être un spécialiste d’urbanisme, c’est que les erreurs d’urbanisme sont très difficiles à corriger, voire impossibles quand il faut, par exemple, détruire un pavillon. Les problèmes que j’ai de voisinage sont souvent des erreurs d’urbanisme, c’est-à-dire quand je regarde là où ils s’engueulent ou se tapent dessus de temps en temps pour des problèmes de parkings ou des choses comme ça, c’est parce que c’est mal foutu là où ils habitent, tout simplement. Je suis donc très attentif à cela, je ne suis pas réputé pour être Monsieur densité dans mon équipe, je suis plutôt le contraire, je suis là pour essayer d’équilibrer et ce dont je voudrais être sûr c’est la qualité de la vie. Si on me propose quelque chose avec une densité, à la limite, je m’en fous si on me démontre qu’il y a une qualité de vie qui sera là, c’est tout. Le deuxième point, c’est la question de l’économie de ressources; ça c’est mon petit côté Ministère de l’Écologie, Grenelle de l’Environnement. On s’est aperçu que les ressources n’étaient pas inépuisables, à commencer par les questions foncières. Je regarde Michel BALLARINI droit dans les yeux parce que ces questions foncières nous occupent régulièrement. L’espace n’est pas infini et à chaque fois que l’on construit, on construit sur autre chose et souvent en Maine-et-Loire sur de l’agriculture. On s’est livré à quelques analyses : en Maine-et-Loire, pour le logement, c’est 1 hectare par jour que l’on consomme pour le logement depuis dix ans à peu près. Ce qui me frappe beaucoup c’est que, quand on analyse les permis de construire, le nombre de m2 par logement, dans la période récente, a plutôt augmenté, c’est-à-dire qu’aujourd’hui on fait le débat sur la densité mais sachez que l’on n’est pas en train de construire de plus en plus dense, malgré tous les efforts que font les agglomérations et un certain nombre d’aménageurs ou d’architectes. Jean-Luc MALGAT Chef Service Prospective Aménagement Durable DDE Maine-et-Loire Je voudrais réagir directement car j’ai le sentiment, en venant d’écouter Monsieur le Maire et en ayant écouté les exposés, qu’au fond, la densité, ce n’est pas une fin en soi, évidemment. Ce qui me frappe surtout, dans la manière dont vous avez présenté les opérations, c’est que vous n’êtes ja- 20 La question de la densité Je peux vous donner les chiffres en gros : Entre 90 et 97, c’était 774 m2 par logement ; aujourd’hui, dans la période très récente, 98 - 2007, on est plutôt à 850, parce qu’on construit beaucoup en diffus et l’on construit beaucoup en dehors des opérations dites groupées ou d’aménagement. Donc, il me semble qu’un des enjeux de la planification, ce sera aussi de faire en sorte que l’on construise probablement moins en diffus et davantage sur des opérations étudiées et d’aménagement. Dernier point et je terminerai là-dessus, ce qui m’interpelle également c’est la question des coûts, pas seulement la question du coût du foncier, qui est cher, mais également la question du coût de la construction. Au fond, ces opérations (vous n’êtes pas trop venus là-dessus d’ailleurs), il faut bien se le dire quand même, ces opérations coûtent cher et j’aimerais bien vous interroger d’ailleurs là-dessus. Par rapport à une maison individuelle, moi, je vois passer des permis de construire très simples où l’on met quatre murs, deux fenêtres et une porte. Je viens de voir passer un permis d’une maison de 65 m2 avec simplement un séjour commun, deux pièces et un garage accolé avec quatre murs et il y a juste un tuyau qui rentre et tous les sanitaires sont regroupés autour de ce tuyau qui rentre dans la maison, c’est vraiment la maison minimale avec un toit bac acier basique. Cela ne coûte pas cher du tout par rapport à ce que vous avez fait! Donc densité, oui, mais à quel prix ? Bruno DUQUOC Première réponse d’abord sur les prix, car il est vrai que nous n’en avons pas parlé. Sur Blaison-Gohier, c’est de l’habitat social, donc un coût d’habitat social avec Habitat 49. Il y a eu un petit coup de main de la municipalité sur le foncier mais ce n’est pas la seule opération, il y a des opérations beaucoup plus traditionnelles dans lesquelles de toute façon, il y a l’aide de la municipalité sur le foncier. C’est donc une opération d’habitat social et les loyers des logements sont des loyers d’habitat social, ainsi, aujourd’hui, un Type 4 est loué autour de 350 euros. Pour l’opération de Pellouailles, Monsieur BALLARINI pourra peut-être le dire car on en parlait l’autre jour, l’opération est équilibrée. Logi-Ouest a fait à la fois de l’accession à la propriété et du locatif social. Il y a une vingtaine de logements au total qui sont en locatif. Quand je dis que l’opération est équilibrée, cela veut dire sur l’ensemble de l’opération globale et que les lots, qui ont été bâtis et qui sont en libres mais intégrés à cette opération, ont permis cet équilibre. Mais globalement, c’est une opération équilibrée. Ainsi, cela ne coûte pas plus cher et je crois que l’on peut l’affirmer, ces opérations-là sont dans des bilans financiers équivalents à n’importe quelle opération. Jeanne ROBINSON Je dirais une chose par rapport à la densité parce que c’est là où finalement le débat va commencer. On est resté sur des choses plutôt intéressantes, plutôt qualitatives, qui finalement correspondent bien aux villes dans lesquelles nous sommes. Le projet de Beaucouzé, j’y adhère totalement, maintenant j’entends bien dans les discussions que nous avons en ce moment qu’on ne nous parle plus de la même densité. On nous parle d’économiser le foncier, évidemment, on ne peut que partager cet objectif-là. On nous parle de lutter contre l’habitat diffus, là on commence à être moins d’accord. Et puis ensuite, on nous dit qu’effectivement on est vraiment méchant parce qu’on prend sur les terres agricoles. Alors, on ne mange pas encore les agriculteurs, mais ça va peut-être venir ! Moi, je suis quand même inquiète par rapport à ce débat-là. L’autre jour, en allant vers Pouancé avec mon député-maire, il me rappelait que dans les vingt dernières années, on a beaucoup reboisé. Je pense qu’il y avait pas mal de terres agricoles qui n’avaient plus d’agriculteurs et dont les terres étaient abandonnées et donc il me rappelait que l’on a beaucoup reboisé et qu’aujourd’hui on est quand même revenu au niveau de boisement du Moyen Âge. Moi, je préfère plutôt revenir à ce que disait Monsieur le Maire de Beaucouzé, à savoir, quelle qualité de vie aujourd’hui est on en capacité d’offrir à ceux qui demain vont nous rejoindre dans toutes les communes dans lesquelles nous vivons et dont nous avons la responsabilité? Je pense que cette responsabilité-là, elle se fait aussi sur la durée, c’est-à-dire que ce n’est pas uniquement à l’occasion d’une opération qui va se faire à un moment ou à un autre où l’on aura bonne conscience en se disant que finalement on a plutôt bien fait les choses et que l’on respecte tel ou tel objectif. Moi, la durabilité, je la percevrais plus (et là je pense que c’est vraiment du développement durable) lorsque dans dix, quinze ans, et c’est tout à fait intéressant ce que disait Monsieur DUQUOC, que finalement ça marche plutôt bien, c’est que les gens s’entendent plutôt bien et qu’il n’y a pas de conflit. Je pense que là c’est intéressant et c’est là qu’on peut se dire en tant qu’élu, en tant qu’urbaniste ou en tant qu’aménageur, on a réussi notre boulot quand on voit que finalement les choses marchent plutôt bien. Tant pis, quitte à être un peu à contre-courant, moi, je préfère avoir des choses d’une densité qui corresponde un peu à ce qu’a fait Beaucouzé, plutôt que d’avoir des espèces de tours où l’on est vraiment les uns sur les autres et l’on a vu ce que donnait la concentration. C’est cela qui m’inquiète. Jean-Pierre LOGERAIS Je veux bien répondre à la question en ce qui concerne la notion du coût car sur l’opération de Beaucouzé, cela a plutôt été quelque chose d’extrêmement économique avec des budgets très serrés. La question de la densité 21 Le travail que l’on a fait à Beaucouzé, on l’a fait sur d’autres opérations, par exemple, on vient de terminer un quartier entier, à Nantes dans le même esprit de villas urbaines, dans des jardins, dans des cours fermées, etc. et l’on a travaillé tout cela sur des bases qui sont assez simples. À Beaucouzé, en particulier, pour des questions de haute qualité environnementale et pour des questions d’économie d’énergie, on a utilisé un matériau, le béton cellulaire, qui est un matériau assez difficile à utiliser pour que ce soit rentable. En fait, toute cette opération a été extrêmement détaillée y compris le calpinage des blocs, de façon à ce que l’on n’ait pas de coupes, pas de détails complexes et l’on est arrivé là à des prix de revient extrêmement bas. À l’époque, on était à 880 euros du m2 de surface habitable, ce qui était déjà très bas, aujourd’hui cela correspondrait à 1 200 euros du m2 sur le marché. Cela n’a pas été facile, c’était complexe, mais cela veut dire aussi que dès l’origine, il faut respecter deux choses, le rapport surface habitable, surface construite, là il y a un gros travail de base au départ. Mais cela va aussi avec le concept. Nous, on cherche à faire des unités dans lesquelles l’accès est facile, dans lesquelles il y a peu de circulation, dans lesquelles la convivialité est fondamentale. C’est vrai aussi dans tout ce qu’on peut réaliser en équipements publics, scolaires en particulier, on en fait énormément et je tiens beaucoup à ce que l’unité, l’accès, soient respectés. Ce sont des choses extrêmement importantes. Cela joue sur le prix évidemment et après les intérieurs sont extrêmement soignés, détaillés, avec un design très travaillé et tout cela dans des coûts tout à fait acceptables parce que sur la technique, il y a eu de gros efforts dès le départ du concept. Je voudrais juste dire un mot sur la hauteur car quand on parle de la notion de densité, il ne faut pas non plus arriver à une ville horizontale. Je n’y crois pas non plus à la ville horizontale. Ce qui a fait toujours et de tout temps la beauté des sites, c’est le jeu de la volumétrie dans l’espace. Je crois qu’il y a à travailler là-dessus car on peut avoir en effet des choses qui viennent s’insérer très basses, qui viennent se composer dans le paysage, se fondre avec la nature. Je crois que l’on n’ose pas assez. On est un peu timoré dans nos formes architecturales, dans notre culture de mise en place et l’on aurait beaucoup à évoluer là-dedans. On a 22 La question de la densité tous des efforts à faire pour pouvoir communiquer sur des formes totalement différentes et je pense qu’en même temps, on doit pouvoir jouer sur les volumes. C’est peut-être très bien de monter parfois à six niveaux puis après être à un niveau ou à deux niveaux, avec le jardin qui passe par-dessus etc. mais je pense qu’on est vraiment, vraiment trop coincés dans nos espèces de répétitions d’imageries, de reproduction traditionnelle. Je crois que la vie a changé, que la façon d’aborder le logement, la circulation, d’aborder les accès, d’aborder la convivialité, n’est plus la même. Je me demande si on n’est pas encore sur des schémas qui sont périmés. Je me demande si on n’a pas à réfléchir vraiment sur des réalités qui sont d’autres réalités que celles que l’on met en place. Il y a beaucoup de choses à ouvrir, beaucoup de choses à débattre, beaucoup de choses à développer dans ces thèmes quand on envisage un nouveau quartier, je crois que l’on a trop dans la tête des images toutes faites. C’est un peu comme quand un client vient nous voir pour faire une maison, il ne se rend pas compte qu’il est en train d’essayer de reproduire l’appartement dans lequel il a vécu. Or, si on a travaillé quatre ou cinq jours avec lui ou passé trois apéros avec lui, il a complètement oublié cela pour réinventer un nouvel espace de vie qui sera le sien et qui aura un sens par rapport à l’organisation de son existence. Je crois que l’on pourrait aussi retravailler comme cela car finalement ce qu’il y a de passionnant et ce qu’il y a d’absolument extraordinaire et toujours renouvelé avec un groupe de travail qui se donne cette volonté et l’envie de le faire, c’est la capacité de réinventer quelque chose et pas de reproduire des schémas. Isabelle LEULIER Moi, je pense que ce qui est important, c’est aussi la taille en fait de l’opération. C’est vrai, j’entends bien la réaction sur les quartiers où il y a une monotonie de l’architecture, mais c’est aussi la taille. Ce qui est intéressant sur Beaucouzé, c’est que vraiment c’est une greffe sur de l’existant et que par la trame de l’espace public, on peut se dire que l’on pourra aller au-delà, s’il le faut. Donc il y a une perméabilité. Je pense que c’est important et que justement à cette échelle-là existe déjà une diversité et que plus loin, si il y a une autre opération, il y aura une autre diversité. C’est bien çà la richesse de nos villes et ce n’est pas le tissu homogène sur des hectares. Vincent DEGROTTE, directeur du CAUE de Loire-Atlantique Je voudrais juste faire deux petites observations. Je pense que le mot densité est un mot qui peut à la fois faire peur à un certain niveau de collectivité où la notion de densité peut être apparentée à de l’entassement. Je pense que cela peut alors desservir le projet. Par contre cela peut être un projet politique à une autre échelle de collectivité. Je pense donc que l’utilisation du mot est très difficile à faire. L’autre observation, c’est de dire que la densité n’est pas une cause mais une conséquence et que c’est tout d’abord le projet urbain qui doit être à la base de tout en matière d’urbanisme et de développement urbain. Les mots forme urbaine, urbanité, mixité, intimité me paraissent essentiels parce que la forme urbaine définit le paysage urbain. L’urbanité organise le vivre ensemble, la mixité propose une diversité de formes et d’habitants et l’intimité qualifie le vivre en famille. Donc, la question de la densité découle après de tous ces paramètres-là et on fait de la forme urbaine, on fait de la densité suivant la définition des projets urbains. Jean-Pierre BASTIDE, architecte Je suis surpris par ce débat sur la densité car on vit dans une ville haussmannienne qui est l’exemple même de la densité et du mélange des fonctions. Les sous-sols, les caves dans les immeubles haussmanniens étaient occupés par le stockage des marchandises, le rez-de-chaussée par le commerce et le 1er étage par les gens les plus aisés. Et plus on montait, plus on avait les gens modestes. Est-ce que l’on va prendre le sous-sol pour le mettre en dehors de la ville et l’on va en faire une zone d’entrepôts ? Est-ce que l’on va prendre le commerce, le mettre en dehors de la ville pour en faire une zone commerciale et le 1er étage on en fait une zone résidentielle ? Etc. Je regrette le démontage de ces immeubles, qui était très intégratif. Aujourd’hui on a cette espèce d’envie de remonter des choses comme cela et c’est excessivement difficile et extrêmement complexe. On commence à y arriver, comme à Beaucouzé, mais quand on parle de villas urbaines, on a tout sous les yeux. Quand vous allez à Trélazé, les maisons ouvrières les unes à côté des autres ou les corons du Nord, ce sont des villas urbaines, c’est la forme qui change, c’est l’architecture qui change mais c’est le même principe. Je crois que l’exemple haussmannien nous donne une très bonne réponse d’une ville tout à fait adorable, tout à fait habitable et pas oppressante. Je crois qu’aujourd’hui on est en train de relire ce que l’on a fait avant, on va le relire d’une manière différente avec le regard que l’on a aujourd’hui sur notre société. Pierre JAHAN, architecte Pour compléter ce que dit mon confrère, je crois qu’il ne faut pas oublier qu’autrefois, avant les années 60-70, la ville se reconstruisait sur elle-même; il ne faut pas l’oublier ça. Peu importe la forme architecturale, et je rejoins mon confrère Jean-Pierre LOGERAIS, ce qui compte c’est le modèle urbain que l’on est en train de retrouver en fait. Pourquoi la ville se construisait sur elle-même ? C’est parce qu’avant on n’avait pas les moyens techniques que l’on a eus après guerre. On a toujours les moyens techniques que l’on a eus après guerre, mais on revient à un urbanisme différent, que l’on a connu au début du xxe siècle jusqu’à la dernière guerre mondiale. Jean-Pierre DUCOS Pour conclure ce premier atelier sur la densité, je voudrais donner la parole à Laurent COLOBERT, pour qu’il nous donne, juste en deux minutes, l’état d’esprit de la politique départementale qui aborde cette question-là, pour revenir dans l’actualité du moment. Laurent COLOBERT, chef du Service Habitat et Solidarité au Conseil général Je n’ai pas demandé la parole, tu me la donnes. Je dirais que ce que j’ai entendu aujourd’hui sur la densité correspond bien à ce que l’on pensait. En effet, quand on avait préparé un petit peu ce premier atelier, on s’est dit, et c’est un peu ce qu’a dit Bruno LETELLIER, que la densité est un gros mot et qu’il fallait plutôt parler de problématiques de formes urbaines, de diversification des formes pour répondre aux besoins diversifiés en logement des différentes populations. Aujourd’hui, le département dans sa nouvelle politique départementale de l’habitat a divers objectifs. Ma voisine parlait tout à l’heure du danger des tours, des formes urbaines qui génèrent la promiscuité ou qui peuvent générer de la promiscuité ou en tout cas du mal vivre. Je crois qu’il y a aussi un vrai problème dans ce département, qui n’a pas été abordé, c’est que l’on a eu un urbanisme sur les dix ou quinze dernières années, et (ça n’engage que moi et je le dis quand même), on a eu des champs de maisons, La question de la densité 23 des tablettes de chocolat, comme disait Monsieur MALGAT. Aujourd’hui, nous, dans la politique du département, à travers un certain nombre d’outils, on veut inciter les collectivités à produire des zones diversifiées à l’exemple de ce que l’on là à l’image, mais pas seulement dans les villes mais aussi dans les communes rurales, dans les centre-bourgs afin qu’il y ait vraiment une diversité des formes. Le discours que je tiens dans les communes que je rencontre aujourd’hui, c’est de leur dire que ce n’est pas avec la maison individuelle pavillonnaire sur 1 500 m2 que l’on répond à tous les besoins de toutes les populations, jeunes, personnes âgées ou familles. Et puis aujourd’hui, on me rétorque souvent que la demande majoritaire c’est la maison sur 1 500 m2, individuelle, pavillonnaire, or, je crois que la demande est formatée par l’offre que l’on fait. Aujourd’hui, il faut essayer de construire un nouveau modèle d’aménagement. On a mis en place un dispositif avec le CAUE et la SODEMEL et on va travailler avec les collectivités sous formes d’appels à projets. On va financer et accompagner les concours d’urbanisme dans les collectivités sur des zones à aménager. L’idée et la volonté de la collectivité départementale c’est d’être très en amont et d’essayer d’inscrire de nouveaux modes d’aménagement des zones d’habitat. Jean-Pierre DUCOS Nous avons débordé de vingt bonnes minutes, mais le sujet le nécessitait sans doute. Je remercie les intervenants, l’ensemble des participants et je vous donne rendez-vous le 27 janvier pour le prochain atelier. 24 La question de la densité Liste des participants BALLARINI Michel, directeur de la SODEMEL BANNÈS Christophe, architecte BASTIDE Jean-Pierre, architecte BELE Richard, urbaniste BOIREAU Sébastien, AURA BUDAIL Serge, conseiller municipal de Villevêque CAILLEAU Michel, adjoint au maire de Bouchemaine CAILLEAU Jean-Grégoire, architecte CHAPELET Claire, architecte CAUE 49 CHAZOT Jacques, adjoint Urbanisme Chalonnes-sur-Loire CHEVALIER Joël, urbaniste CHEVROLLIER Guillaume, directeur de programmes FRANCELOT CHOUTEAU Julien, service Urbanisme Ville de Cholet COLOBERT Laurent, service Habitat et Solidarité Conseil général COTTENCEAU Benoît, directeur FONCITER SAS DEGROTTE Vincent, directeur CAUE 44 DELOURMEL Géraldine, directrice adjointe dept Territoires Angers Loire Métropole DENIS-CALLIER Bernard, architecte DEVALENCE Coline, urbaniste Angers Loire Métropole DOUESNEAU Luc, architecte DUCOS Jean-Pierre, adjoint au directeur du CAUE DUQUOC Bruno, architecte DURAND Roselyne, adjointe Ville de Cholet DURET Emmanuel, géomètre-expert DUVERGER Nicolas, directeur du CAUE de la Sarthe DE FERRIERES Joseph, géomètre-expert - TOPLIGER Angers GAIGNARD Michel, architecte GAUTIER Pascal, architecte de la Ville d’Angers GOURNAY Yves, aménageur foncier GREGOIRE Bernard, architecte GUIHAIRE Vincent, géomètre-expert HADRY Jérémy, chargé d’opération CAC IZZO Jacques JAHAN Pierre, architecte JOULAIN Yves, adjoint Urbanisme Mairie Saint-Mathurin-sur-Loire LEULIER Isabelle, architecte à l’AURA LOGERAIS Jean-Pierre, architecte QUINIOU Emmanuelle, directrice de l’AURA LAIRE Pierre-Yves, prospecteur Foncier LETELLIER Bruno, directeur du CAUE LEON Dominique, gérant SARL Lotisseur MALGAT Jean-Luc, chef Service Prospective Amanegement Dévelopt Durable DDE 49 MANCEAU Denis, directeur Services Techniques Ville de Trélazé MARIA Jean-Charles, directeur général de la SARA MARTIN Guy, mairie de la Meignanne MENARD Philippe, gérant Urbanisme METIVIER Patrice, président de l’AUGO MICHEL Yannick, chargé d’opération NEXITY MICHEL Bernard, maire de Saint-Martin-du-Fouilloux MONTOT Nathalie, AURA OAKFORD Richard, architecte REBOUL Agnès, urbaniste Angers Loire Métropole ROBINSON-BEHRE Jeanne, adjointe Urbanisme-Aménagement Mairie Avrillé ROGER Jean-Luc, architecte ROGER Didier, SODEMEL ROISNARD Stéphane, architecte ROISNE Didier, maire de Beaucouzé SAMSON Emmanuel, architecte SOUMAGNE Jean, professeur d’Université SUREAU Karine, responsable Urbanisme Mairie Saint-Sylvain-d’Anjou TRÉNIT François, architecte CAUE 49 Maison de l’Architecture, des Territoires et du Paysage 312 avenue René Gasnier - 49 100 Angers Tél. 02 41 22 99 99 (CAUE de Maine-et-Loire) - [email protected] - www.matp-angers.eu 26 La question de la densité