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Bulletin Conférence religieuse canadienne Canadian Religious Conference Volume 10, numéro 2 — Été 2013 Dans ce numéro : Mission de la CRC La présence des contemplatives au sein de la CRC La Conférence religieuse Une grâce et une interpellation canadienne est à la fois Depuis quelques mois, les communautés de sœurs contemplatives font partie intégrante de la CRC. Ce numéro du Bulletin leur est dédié. « Que ce soit une occasion de mieux connaître ce qu’elles vivent et de nous laisser interpeller dans notre propre vocation. » Michel Proulx, o. praem. une voix et un service pour les leaders des instituts religieux et des sociétés de vie apostolique. La mission de la CRC est d’encourager ses membres à vivre pleinement leur vocation à la suite du Christ. Nouveau regard sur la vie religieuse canadienne « Devenir membres de la CRC prend un sens constructif de solidarité et d’entraide. La confiance, les liens déjà créés par beaucoup de monastères avec les membres de la CRC ont permis d’avancer en eau profonde. Une aventure spirituelle ! Une interpellation réciproque à l’intériorité et à la mission ! Une expérience authentique de communion ! » Sœur Gabrielle Audet, osc 3 4 La CRC soutient ses membres dans leur Esquisse de l’histoire de l’UCRC témoignage prophétique Cet article fait mémoire de l’histoire de l’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives (UCRC). Il donne un aperçu de son évolution et esquisse à grands traits la mise en œuvre des buts de l’association. De quoi rendre grâces ! Sœur Denise Guénette, ocd de justice et de paix au sein de la société et de l’Église. La CRC cherche des manières audacieuses La vie contemplative des Clarisses en terre canadienne d’interpréter la foi et la « Sans être nombreuses, soixante sœurs environ, nous avons profondément conscience du charisme clarien, celui d’être racines au sein d’une société en perpétuelle recherche de sens. Une vie et une prière qui soutiennent les plus pauvres. » Sœur Claire Bissonnette, osc vie pour que la nouvelle vision de l’univers devienne réalité. Septembre 2010 Le monastère Reine de la Paix Les moniales dominicaines de Squamish, C.-B. 6 9 11 En 1999, cinq moniales dominicaines de différents monastères des États-Unis se portent volontaires pour former une nouvelle communauté en Colombie-Britannique. Dix ans plus tard, elles érigent leur monastère à Squamish. « Nous sommes venues dans cette région pour offrir notre présence et notre mode de vie monastique; en retour, notre vie s’en trouve transformée. » Sœur Clare Rolf, op Les Carmélites de Trois-Rivières Un choix communautaire ou une heureuse « alliance » 13 Depuis deux ans, les Carmélites habitent chez les Filles de Jésus. Comment se vit cette « alliance » entre une communauté cloîtrée et une communauté de vie apostolique ? Un témoignage inspirant. Sœur Cécile Arsenault, ocd Vivre la vie monastique au cœur de la ville Les Fraternités monastiques de Jérusalem ont pour vocation particulière de vivre au cœur des villes. Comment se vit concrètement cette vocation monastique citadine ? Entrevue avec le frère Antoine-Emmanuel, fmj 15 -2- Bulletin CRC - Été 2013 Nouvelles brèves Comité de rédaction Jean Bellefeuille Joyce Murray, csj Yvon Pomerleau, op Lorraine St-Hilaire, snjm Rédactrice en chef Louise Stafford, fsp Conception et mise en page Caron Communications graphiques Informations Conférence religieuse canadienne 2715, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 1B6 Tél. : 514 259 0856 Télec. : 514 259 0857 [email protected] www.crc-canada.org La nouvelle évangélisation dans le contexte de la nouvelle cosmologie Depuis février 2013, Jean Bellefeuille et Lorraine St-Hilaire, snjm, du service MissionFormation de la CRC animent, en français et en anglais, une journée de réflexion et de partage sur le thème suivant : La nouvelle évangélisation dans le contexte de la nouvelle cosmologie. Cette journée de réflexion a déjà eu lieu en français à Ottawa, Montréal, Chicoutimi et en anglais à Mississauga, Ontario et à Edmonton, Alberta. Dans la foulée du Synode sur la nouvelle évangélisation, nous nous interrogeons sur le rôle des personnes consacrées : Comment évangéliser dans le contexte contemporain ? Comment parler de Dieu et de Jésus-Christ dans le contexte de la nouvelle cosmologie ? Les personnes-ressources : En français : André Beauchamp, théologien, expert en environnement. En anglais : Donna Geerneart, sc, théologienne. Calendrier de l’automne : En français : Le 11 septembre à Rimouski; le 2 octobre à St-Boniface; le 16 octobre à Québec; le 7 novembre à Moncton; le 13 novembre à Montréal en anglais avec traduction simultanée. En anglais : Le 3 octobre à Winnipeg; le 15 octobre à Antigonish; le 13 novembre à Montréal avec traduction simultanée. De plus amples informations et le formulaire d’inscription sont affichés sur la page d’accueil du site Web de la CRC (www.crc-canada.org), sous la rubrique À ne pas manquer. Conseil CRC Pour 2013-2014, les membres du Conseil d’administration ont décidé de tenir leur réunion dans les régions afin de permettre d’être mieux au fait de ce qui s’y vit et de pouvoir être davantage à l’écoute des défis et des besoins. Une première réunion s’est tenue à Saskatoon. Les prochaines rencontres au calendrier sont : du 2 au 4 octobre à Toronto, du 8 au 10 janvier à Québec et du 19 au 21 mars en Atlantique. Pour créer un espace de dialogue, une journée est ajoutée à laquelle seront invités toutes les supérieures et tous les supérieurs majeurs de la région visitée ainsi que les délégués régionaux JPIC. Voir le reportage de la rencontre à Saskatoon sur le site Web de la CRC. -3- Bulletin CRC - Été 2013 La présence des contemplatives au sein de la CRC Une grâce et une interpellation Depuis quelques mois, nous vivons une heureuse nouveauté à la CRC : les communautés de sœurs contemplatives, qui avaient autrefois leur propre association, font désormais partie de notre Conférence religieuse canadienne. C’est une grande joie de les accueillir parmi nous. Leur présence est à la fois une grâce et une interpellation. En effet, elles sont pour nous un rappel permanent de ce que toute religieuse et tout religieux sont appelés à vivre. Primauté de la prière M ême si nous appartenons à un institut de type plus apostolique, à la base de notre vie consacrée, il y a une dimension contemplative qui est le fondement de tous nos engagements. Si nous ne nous nourrissions pas régulièrement dans l’une ou l’autre forme de prière, si nous ne cultivions pas notre relation d’intimité avec le Seigneur Jésus, nos engagements apostoliques, nos engagements pour une plus grande justice sociale risqueraient fort de n’être, selon les mots de saint Paul, que « métal qui résonne », que « cymbale retentissante » (I Co 13, 1). © Shutterstock Cette primauté absolue de la prière, dans toute forme de vie religieuse, a été soulignée par le grand mouvement de retour aux sources qu’a constitué le concile Vatican II et dont nous célébrons le 50e anniversaire. Elle est évoquée dans un passage souvent oublié lorsqu’il est question de la vie religieuse, peut-être parce qu’il se trouve dans le décret Christus Dominus, un document traitant de la charge des évêques. On y lit ceci : « À tous les religieux [...] incombe le devoir de travailler de toutes leurs forces et avec zèle à l’édification et à la croissance de tout le Corps mystique du Christ et au bien des Églises particulières. [...] Ils sont tenus de poursuivre ces fins d’abord par la prière, les œuvres de pénitence et l’exemple de leur propre vie. [...] Mais compte tenu du caractère propre de chaque institut, que les religieux s’adonnent aussi largement aux œuvres extérieures d’apostolat » (no 33). Dans le fond, n’est-ce pas en nous assurant d’avoir dans notre agenda une place centrale pour la prière, le silence, l’oraison et la lectio divina, que nous pouvons refaire nos forces pour poursuivre la mission et contribuer à la santé du Corps du Christ tout entier ? D’ailleurs, l’automne dernier, dans leur Message final, les évêques rassemblés pour le Synode sur la nouvelle évangélisation, rappelaient l’importance de la contemplation : « C’est seulement avec un regard d’adoration sur le mystère de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, c’est seulement de la profondeur du silence [...] que peut jaillir un témoignage crédible pour le monde. Seul ce silence priant peut empêcher que le message du salut se perde dans les nombreux bruits du monde » (no 12). En signe d’accueil C’est donc dans ce contexte que le présent numéro du Bulletin donne la parole à quelquesunes de nos sœurs contemplatives. Que ce numéro soit un témoignage d’accueil fraternel à leur égard; qu’il soit aussi occasion de mieux connaître ce qu’elles vivent et de nous laisser interpeller dans notre propre vocation. Michel Proulx, o. praem. Président -4- Bulletin CRC - Été 2013 Nouveau regard sur la vie religieuse canadienne Vous avez la foi, au nom du Fils de Dieu (1 Jn 5). Être participante de la Conférence religieuse canadienne En abordant cette réflexion, un paysage différent de la vie religieuse canadienne se crée et se révèle peu à peu. L’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives (UCRC) a demandé d’être accueillie par la Conférence religieuse canadienne (CRC). Celle-ci a proposé une insertion comme Comité des contemplatives. Depuis maintenant plus d’un an, des démarches ont été réalisées avec la Conférence religieuse canadienne pour formuler des objectifs inhérents à l’UCRC et les actualiser dans la poursuite de la mission contemplative dans l’Église canadienne. © Monastère Reine de la Paix Devenir membres de la CRC prend un sens constructif de solidarité et d’entraide. La confiance, les liens déjà créés par beaucoup de monastères avec les membres de la CRC ont permis d’avancer en eau profonde sans trop d’hésitation, sachant toutefois qu’à certains moments les visions d’évangélisation se formuleraient dans la différence et la complémentarité comme d’ailleurs en Église et en tout groupe humain. Notre reconnaissance va au père Alain Rodrigue, cmm, qui a été un intermédiaire et un facilitateur entre les deux Conseils. En janvier, une invitation à rencontrer le Conseil de la CRC a permis une meilleure connaissance réciproque et a suscité une collaboration dans la simplicité et le respect. Comme le Petit Prince avec le renard de Saint-Exupéry : s’apprivoiser de jour en jour est au programme de part et d’autre. Le mystère monastique ne saurait être autre que le mystère pascal. La vie religieuse contemplative au Canada et ses défis La vocation contemplative présente, en notre pays, différents visages si nous tenons compte des spiritualités diverses. La finalité demeure unique : vivre pour louer Dieu et intercéder pour nos frères et sœurs ou en d’autres mots : présence d’adoration et mission au cœur du monde. Fondée en 1966, l’UCRC regroupe bon nombre de communautés contemplatives avec plus de 500 membres. Notre pays peut compter sur une présence bien diversifiée grâce aux fondations canadiennes, à l’immigration française et américaine ou à l’expansion nationale et internationale. Les monastères se retrouvent d’un bout à l’autre du Canada, mais c’est au Québec que nous retrouvons une majorité de membres. Des lieux d’accueil, de silence, de prière s’ouvrent ici et là dans chaque province tout au long des 19e et 20e siècles. La vie monastique tout en témoignant de l’existence de Dieu est destinée, selon sœur JeanMarie, ocso, de Rogersville, à guérir et sauver le monde. Elle ajoute : sa réalisation demande un saut dans la foi. La profondeur de l’être est la clé de la vie contemplative. Il s’agit ici de l’être spirituel à éveiller. Sa croissance lente transforme la personne. Si cette profondeur existe, tous les éléments de la vie monastique pourront devenir des canaux de grâce pour guérir et sauver le monde. Ælred de Rievaulx dit à sa sœur recluse : -5- Bulletin CRC - Été 2013 Tu n’as pas à te répandre, mais à t’approfondir. C’est donc un mouvement descendant d’humilité et une recherche d’intériorité. Je désire d’un grand désir m’approcher de Dieu. Comment demeurer fidèle au charisme ? Quel défi ! En pleine mutation, la vie monastique contemplative continue de chercher Dieu. Cette démarche est une vraie aventure spirituelle, un trésor à garder et à découvrir. Dans le Corps du Christ, certains étendent le Royaume en hauteur, en largeur, en longueur, le moine l’étend en profondeur (Raguin). Une interpellation réciproque Le dynamisme de la CRC à vivre la Mission et sa vocation évangélique d’engagement, inciteront les nouveaux membres du Comité des contemplatives à creuser leur propre charisme, à acquérir une qualité d’être, une ouverture du cœur au monde. Le témoignage de la vie religieuse canadienne s’unifie donc et connaît une expérience authentique de communion. Vivre la Sequela Christi dans la solidarité et aussi dans la différence de vocation. S’interpeler réciproquement à l’intériorité et à la mission. L’apprentissage se réalise graduellement et les ajustements suivent l’Aujourd’hui de Dieu. La Parole de Dieu, les expériences de vie nourries par l’Eucharistie et le dialogue demeurent une source féconde d’unité. FMJ – Dimanche des Rameaux au Sanctuaire du Saint-Sacrement / © Pierre Alarie Une aventure spirituelle Cette réalité de changements dans une société sécularisée et dans un pays riche interpelle le vécu des moniales et invite, de plus en plus, à recevoir une formation adéquate pour acquérir et transmettre les valeurs chrétiennes et monastiques. Plusieurs défis se présentent donc dans les monastères pour garder une identité significative selon le charisme reçu. Vu l’évolution de notre pays et la diminution des vocations, un mouvement décroissant se réalise et nous assistons à la fermeture de monastères, au jumelage avec des communautés apostoliques. Les sœurs contemplatives expérimentent ainsi la pauvreté, les remises en question, les restructurations. Comment être ouverts à la Présence de Dieu qui œuvre en chacune et chacun de nous ? Comment nous accueillir sans cesse avec un regard fraternel de compréhension et de compassion pour percevoir le moindre souffle de l’Esprit ? Ces interrogations se répondent dans le silence de l’être, dans la chambre nuptiale, où l’intimité se vit avec Jésus-Christ et dans la communion. Fidèles à nos charismes spécifiques, nous nous interpellerons non pour quitter notre identité, mais pour nous stimuler à donner le meilleur de nous-mêmes dans un humble service du Seigneur et de nos frères et sœurs. Sœur Gabrielle Audet, osc Présidente du Comité des contemplatives -6- Bulletin CRC - Été 2013 Esquisse de l’histoire de l’UCRC Au moment de faire son passage à la CRC, pour en devenir le Comité des contemplatives, l’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives (UCRC) comptait 532 sœurs, tant de langue française que de langue anglaise, issues de 15 instituts contemplatifs féminins différents provenant d’une quarantaine de monastères ou couvents situés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Fondation Sous la mouvance de l’Esprit, le besoin s’est fait sentir de rassembler les forces vives des communautés de vie contemplative dans la perspective de l’aggiornamento et du renouveau voulu par le concile Vatican II. À l’initiative de Rose-Marie, op, les supérieures majeures des Ordres monastiques de langue française (Bénédictines, Carmélites, Cisterciennes, Clarisses, Dominicaines, Rédemptoristines et Visitandines) se sont réunies à Berthier, le 16 août 1966. Très rapidement, les quatre instituts contemplatifs nés en terre québécoise (Adoratrices du Précieux-Sang (1861) et son surgeon de langue anglaise « Religious of the Precious Blood », les Servantes de Jésus-Marie (1895), les Recluses Missionnaires (1943) et les Petites Sœurs de Notre-Dame-du-Sourire (1953) se sont jointes à nous ainsi que quelques instituts contemplatifs d’origine européenne : les Servantes du SaintSacrement, les Petites Sœurs de Jésus, puis la branche contemplative des Religieuses du Bon-Pasteur. Revenons à cette première Assemblée à laquelle est invité, le président de la Conférence religieuse canadienne, le père Thomas-Marie Rondeau, op. Il parle d’emblée des « avantages » de l’intégration des moniales, en secteur séparé, au grand organisme de la CRC. « Mais, pour le moment, ajoutet-il, vous avez à vous occuper de votre propre Union entre contemplatives. L’autre viendra en son temps et cela se fera à la lumière de votre propre développement ». Parole prophétique qui se réalise aujourd’hui, 46 ans après. Les idées élaborées à Berthier mènent à une rencontre historique vécue chez les Dominicains de Saint-Hyacinthe, du 26 au 31 août 1968. Les Statuts y ont été approuvés et adoptés le 30 août. Le mouvement amorcé par mère Rose-Marie devient officiellement l’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives, premier organisme du genre dans l'histoire de l'Église au Canada. On se donne un conseil en bonne et due forme : Lucille Rioux, ocd, est élue présidente alors que Rose-Marie Fontaine, op, devient vice-présidente, Monique Carrier, ocso, secrétaire et Christine Lapointe, sss, ainsi que, sœur Alphonsus, ossr (anglophone), conseillères. Évolution et fonctionnement Survolons à grands traits la mise en œuvre des buts de l’UCRC. A) P romouvoir la vie contemplative au Canada Il s’agit avant tout « d’être » ce que sommes et de le devenir de plus en plus et de mieux en mieux, sans négliger cependant les occasions offertes de le faire plus « visiblement ». À titre d’exemple, mentionnons la participation à l’Interaméricaine et l’apport au Synode sur la vie consacrée, ainsi que la présence d’une déléguée aux réunions du Conseil canadien francophone de la pastorale des vocations (CCFPV). © Monastère Reine de la Paix Esquissons rapidement, à vol d’oiseau, l’histoire de ces quelques 46 ans de vie de l’UCRC. -7- Bulletin CRC - Été 2013 Rappelons aussi nos relations fraternelles avec des Associations de contemplatives de France, de Belgique, de Hollande et des États-Unis. Au-delà des bulletins et informations, il y a eu occasionnellement une participation à nos assemblées réciproques. B) Assurer entre les contemplatives canadiennes une collaboration efficace Depuis 1966 à tous les deux ans, lors de leur Assemblée générale, les supérieures, accompagnées d’une déléguée de leur monastère, se réunissent pour traiter des affaires de l’UCRC. C’est aussi l’occasion de vivre un moment de ressourcement à travers une session. Le souci d’un aggiornamento de qualité va faire appel au cours des années à des instituts religieux et contemplatifs d’ici et d’ailleurs. Au fil des années, en harmonie avec la sensibilité ecclésiale et religieuse de l’heure, des thèmes variés sont abordés apportant un regard plus ajusté aux « signes des temps » et appelant à un vécu plus significatif et profond des réalités humaines, chrétiennes, religieuses et contemplatives dans l’aujourd’hui de nos vies. Regroupons quelque peu ces thèmes : • Formation Dans le cadre de l’aggiornamento de la vie religieuse et de la formation : Le climat communautaire face à la nouvelle génération (J.-M. Tillard, op); Le noviciat de l’aprèsconcile (Léonard Fisher, sj, Benoît Lacroix, op et Dr Pierre Achille); Coordonnées de la formation d’aujourd’hui (Vincent de Couesnongles, op). • Vie spirituelle L’expérience de Dieu en elle-même (Matura, ofm); L’expérience de Dieu et ses différentes connotations : dans les grandes religions (Lucien Coutu, csc et Raymond Bourgault, sj); dans le christianisme (Fidèle Sauvageau, ocso et Julien Harvey, sj); chez la femme consacrée (Claire Dumouchel, scim et Gilles Bourdeau, ofm ); Expérience du Christ et vie contemplative, (Jean Leclercq, osb et John Main, osb); L'expérience spirituelle et le mystère pascal de Jésus (J.-P. Lintanf, op). • Vie consacrée Son histoire : D’hier à demain, pèlerinage de la vie religieuse (Daniel Cadrin, op); Les vœux : Autorité et obéissance (Armand Veilleux, ocso, Laurent Boisvert, ofm, Claire Dumouchel, scim et Jacqueline Dazé, ssa); Obéissance, chemin de liberté dans ses aspects théologique, psychologique et sociologique (Lorraine Caza, cnd, Rachel Fréchette, snjm , Michel Beaudin et Mgr Berthelet); Le vœu de chasteté (Denise Amyot, snjm); Le vœu de pauvreté (Jacques Bélanger ofm et Annette Parent, osc); l’interdépendance personne et communauté : L’être seul et l’être ensemble (Jean Lévesque, ocd). • Vie contemplative et ses divers éléments La femme contemplative dans la société et l’Église d’aujourd’hui (Jeannine Guindon, Madeleine Ryan, dom Fidèle, Marguerite Derome, osb, Alejandro del Corro, sj, Suzanne Gaulin, osc et M. Gaétane, psj); La religieuse contemplative dans l’Église d’aujourd’hui (Alfred Ducharme, sj, Adrien Visscher et Vilma Seelaus, ocd, des États-Unis); Maturité humaine et spirituelle à travers les âges de la vie monastique (Jacques Laforest, Fernande Richard, cnd et Jeannine Sauriol, ocd ); Contemplatives aujourd’hui (Aline Éraly, ocd, Monique Béland, rm et Denise Moffat, op); La prière dans notre vie contemplative (Armand Veilleux, ocso et Claude Perron, ocso); La lectio divina (Guy-M. Oury, osb, Michel Gourgues, op et Bernard Lambert, op). Le discernement spirituel (Alfred Ducharme, sj, André-M.Roumagnac, ocd, Éloi Leclerc, ofm et Armand Veilleux, ocso); L’accompagnement spirituel (André Louf, ocso). Dans le cadre d’événements d’Église : Repartir du Christ (Bernard Carrière, sj); Le mystère eucharistique (Marie-Thérèse Nadeau, cnd); Vatican II, boussole fiable pour la marche de l’Église de notre temps et Le discernement selon Vatican II (Gilles Routhier). © Monastère Reine de la Paix Dans un autre registre, soulignons la création, dès 1966, d’un « bulletin de liaison et d’information » qui, en 1983, sous l’égide de Claire Bissonnette, osc, deviendra la revue « Présence », informatisée ces dernières années sur le site de l’UCRC dû à l’apport de Gabrielle Audet, osc. Souvenons-nous également du diaporama/vidéo, De Grand Matin, largement diffusé dans les groupes avides de connaître la vie contemplative. -8- Bulletin CRC - Été 2013 C) Donner aux contemplatives canadiennes une voix officielle dans l’Église par leur filiation à la CRC Puis est venu le besoin de sessions destinées à l’ensemble des sœurs de nos communautés. Elles ont donné naissance aux sessions intermédiaires parce que situées entre les assemblées, aux années impaires. Plusieurs des thèmes ont été repris dans une autre perspective. Quelques sessions se sont ajoutées : La vie fraternelle en communauté (Rachel Fréchette, snjm); Améliorer nos relations avec les autres (Michelle Audet, rsr), etc. Plusieurs communautés ont repris les sessions pour leur formation permanente. Depuis 2001, une équipe de trois responsables s’est constituée en vue de planifier des sessions intercommunautaires de formation à l’intention des personnes qui cheminent en nos monastères. L’internoviciat monastique a offert en 2003, une Initiation à la Bible (Guylain Prince, ofm); en 2004, une initiation à la christologie (Francine Bigaouette, op ); en 2005, une initiation au mystère de la liturgie (Claire Bissonnette, osc); en 2006, une initiation à la philosophie (MarieBenoît Bastier, fjn); une initiation aux Psaumes, (abbé Michel Talbot); en 2007, une session sur les sacrements (M.T. Nadeau, cnd); en 2008, sur les origines et les valeurs du monachisme (Luc-Barbeau, ocso); en 2009 et 2010, sur la chasteté et la pauvreté (Laurent Boisvert, ofm); en 2011, sur la foi (M.T. Nadeau, cnd); en 2012, sur la foi de l’Église enfin, cette année, une approche biblique : Devenir ce que nous sommes. Tout au long de son histoire, d’une manière ou d’une autre, les liens avec la CRC ont été omniprésents. Il y a eu des invitations à nos assemblées réciproques. La joie a toujours été grande d’accueillir le président ou la présidente de la CRC ou un membre du conseil ou de l’exécutif. Par ailleurs, les présidentes de l’UCRC ont participé à plusieurs reprises aux Assemblées de la CRC. D) Assurer la liaison avec l’épiscopat et les pouvoirs publics Nous voulant « filles de l’Église », nous nous sommes fait une joie d’accueillir un évêque à chacune de nos assemblées pour mieux communier au vécu de son diocèse. Nous avons ainsi fait le tour d’à peu près tous les diocèses où nos monastères sont implantés. Quelques-unes de nos présidentes ont eu ponctuellement la joie de répondre à une invitation de la CECC. Au terme de cet aperçu de l’histoire de l’UCRC, nous pouvons constater que les contemplatives canadiennes se sont prises en main. Au-delà de cette formation commune que nous nous sommes donnée, nous avons vécu une fraternité, une solidarité et une communion intenses au service de Dieu, de l’Église et de l’humanité. Nos couleurs respectives sont devenues couleurs d’arc-en-ciel. Notre unité s’est manifestée de façon toute particulière lors de notre récent passage de l’UCRC au Comité des contemplatives de la CRC. C’est là l’œuvre de l’Esprit entre nous et à travers nous, rendons-en grâce à Dieu ! Sœur Denise Guénette, ocd © Monastère Reine de la Paix Des sessions destinées aux supérieures et/ ou formatrices se sont greffées aux sessions données dans le cadre des Assemblées générales. Une session sur le dialogue (Gaétane Gareau); dans le cadre de la CRC, les sessions de Robert Michel, omi, sur l’affectivité; celles de Claire Hamel, osu, sur la formation intégrale et la main dans la main pour la formation; avec Pierrette Charbonneau, csc, une session sur la relation d’aide, quelques sessions de Michelle Audet, rsr, sur l’intelligence émotionnelle et l’autorité, une présence qui accompagne; une session sur l’animation communautaire, avec Fernande Richard, cnd, etc. -9- Bulletin CRC - Été 2013 Depuis cent onze ans, la petite semence de notre communauté, venue de France et enracinée à Salaberry-de-Valleyfield, continue d’entretenir avec amour sa vocation contemplative clarisse. D’autres monastères issus de ce premier plant se sont établis à Rivière-du-Loup, à Sherbrooke et à Québec. De même, sont arrivés des États-Unis, les monastères de Duncan et de Mission (ColombieBritannique). Notre pays, familier de l’hiver, accueille bien la chaleur de l’influence franciscaine et nous donne la liberté de vivre la simplicité quotidienne très proche du charisme qu’avait désiré vivre sainte Claire elle-même, il y a plus de huit cents ans, à Assise, dans l’Ombrie italienne 1. La vie contemplative des Clarisses en terre canadienne Cultiver les racines Il y a quelques mois, le ministre général des Franciscains, prenant le relais de saint François dans sa promesse permanente d’avoir souci de ses sœurs clarisses, nous traçait une manière bien franciscaine de vivre notre actualité. Voici ces propos : Nombreux sont ceux qui affirment que la vie religieuse, et aussi la vie franciscaineclarienne, vivent la saison d’hiver. L’expérience de l’hiver me conduit à vous demander, chers frères et sœurs, de cultiver les racines. Il nous faut vivre la saison profondément féconde de l’hiver. Accueillons-la comme telle, avec un sain réalisme, mais aussi dans l’espérance certaine 2. Ces paroles d’invitation, que notre frère José Carballo nous adresse, décrivent bien notre situation de contemplatives clarisses au Canada. Sans être nombreuses, soixante sœurs environ, nous avons profondément conscience de ce charisme d’une vocation d’Église toute particulière, celle d’être racines au sein d’une société en perpétuelle recherche de sens. Connues ou oubliées, nous demeurons près de la Source qu’est l’Évangile, et son trésor qu’est l’Eucharistie quotidienne de l’Église. En lien d’unité avec tant de nos sœurs et frères de l’Église canadienne, nous vivons les grands mouvements de l’Église universelle qui avance dans le Temps donné par Dieu. Icône de Ste Claire, Monastère Ste-Colette, Assise, avec permission des Clarisses françaises d’Assise / Source : www.clarissesdassise.com/spiritualite 1 Actuellement, l’Ordre des Clarisses est étendu dans les cinq continents, avec presque seize mille sœurs, dans plus de sept cents monastères. 2 Frère José Rodriguez Carballo, ofm : août 2012, Lettre aux Clarisses et aux Frères mineurs, no 8. - 10 - Bulletin CRC - Été 2013 Comme un trésor caché Depuis plusieurs années, surtout lors des Fêtes du 8e centenaire de naissance de sainte Claire (1992-1993) et lors des dernières festivités entourant le 8e centenaire de la naissance de l’Ordre (2011-2012), nous revisitons avec ferveur le charisme clarien. En effet, la sainte d’Assise a été et demeure encore un grand don de Dieu à l’Église, à chacune de ses sœurs et aussi à l’humanité. Elle est comme un trésor caché, une vie tout entière évangélique qui rayonne toujours en cette louange de Dieu, jaillie de son cœur, en ses derniers moments sur terre : Béni sois-tu, Seigneur, de m’avoir créée ! (Pr) 3. Lors de l’Exhortation de notre pape émérite Benoît XVI, en Verbum Domini, celui-ci affirmait : Chaque saint représente comme un rayon de lumière qui jaillit de la Parole de Dieu (no 48). En écho, notre Ministre général nous invite particulièrement au sujet de sainte Claire d’Assise : Boire de l’eau cristalline de la spiritualité clarienne. En communion avec les plus pauvres La relation à Dieu rejoint aussi celle de « mère », dans un sens ecclésial, apostolique : « Et pour utiliser les propres paroles de l'Apôtre même, je te considère comme une auxiliatrice de Dieu même, et celle qui soulève les membres défaillants de son corps ineffable » (3L 8). Cette expression très dense de Claire situe la prière et la vie d'une Soeur Pauvre, comme au point de jonction où l'Église contemporaine souffre davantage de sa faiblesse : une prière de sœur pauvre qui soutient les plus pauvres ! Nos monastères, souvent situés près des villes, partagent les soucis et les confidences des familles et des gens les plus humbles, ainsi que les joies et les épreuves de la cité qui nous accueillent 4. L’élan de la prière de saint François nous aide beaucoup en ce chemin de pauvreté, communion profonde avec celui des pauvres de notre temps : Dieu tout-puissant, éternel, juste et miséricordieux, donne-nous, à nous misérables, Choisir et aimer la sainte pauvreté Dans ses Lettres, sainte Claire insiste beaucoup sur la réalité suivante : « Tu as choisi de tout ton esprit et de tout l'élan de ton cœur la très sainte pauvreté, prenant un époux, le Seigneur JésusChrist » (1L 6-7). Elle revient sans cesse sur cet événement capital qui, à ses yeux, est décisif. Pour Claire, choisir et aimer la très sainte pauvreté, c'est choisir et aimer ce que le Seigneur JésusChrist a aimé, a épousé : notre humanité pauvre et indigente (1L 19-20). La pauvreté inhérente à notre nature humaine, dans sa vérité d'être, l'a attirée : « Ô pieuse pauvreté que le Seigneur Jésus-Christ qui régissait et régit le ciel et la terre, et qui dit et les choses furent faites, a daigné pardessus tout embrasser ! » (1L 17). Notre pauvreté quotidienne ici et maintenant, les limites et les efforts d'une vie humaine offerte au Christ sont le lieu sponsal où il nous convie à la plénitude de son Amour. à cause de toi-même, de faire ce que nous savons que tu veux, et de toujours vouloir ce qui te plaît, afin qu’intérieurement purifiés, intérieurement illuminés et embrasés du feu de l’Esprit-Saint, nous puissions suivre les traces de ton Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, et par ta seule grâce parvenir jusqu’à toi, Très-Haut, qui, en Trinité parfaite et en simple Unité, vis et règnes et es glorifié, Dieu tout-puissant, pour tous les siècles des siècles. Amen. Sœur Claire Bissonnette, osc Monastère Saint-Claire Salaberry-de-Valleyfield, QC 3 Procès de canonisation de sainte Claire d’Assise. Documents, Éditions Franciscaines, Paris. 4 ar sa présence et sa prière, Sainte Claire a sauvé par deux fois la ville d’Assise d’envahisseurs étrangers. Encore aujourd’hui, chaque année P le 22 juin, la cité ombrienne lui rend hommage par une grande fête populaire. - 11 - Bulletin CRC - Été 2013 Le monastère Reine de la Paix — Les Moniales dominicaines de Squamish, C.-B. Une fondation « La beauté est l’un des plus grands besoins de l’humanité » La mission de l’Ordre dominicain l’appelle à prêcher Jésus-Christ là où l’ordre n’est pas encore pleinement implanté et, par ailleurs, l’Église est convaincue que « l'avenir de la mission dépend en grande partie de la contemplation » (Redemptoris Missio, 91); c’est sur ces bases qu’une nouvelle fondation dominicaine a été autorisée par le Maître général, le frère Timothy Radcliffe, op, et son conseil en 1996. Un monastère dominicain avait été établi au Québec en 1925, mais à l’autre bout du vaste pays qu’est le Canada, on attendait encore la présence des différentes branches de la famille dominicaine. Située à la frontière de la vie sauvage, là où convergent les amateurs de beauté, de santé et d’aventure, Squamish a reçu le titre de « capitale canadienne des sports de plein air ». C’est là que nous avons construit le monastère, pour jeter un pont entre la beauté du monde de la nature et la beauté insondable de la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la beauté même. En novembre 1999, cinq moniales (dont l’une allait célébrer son quatre-vingtième anniversaire) de différents monastères des ÉtatsUnis se portaient volontaires pour former une nouvelle communauté, pas trop loin des Frères dominicains qui venaient d’arriver en ColombieBritannique. L’Ordre s’établissait à Vancouver parce qu’il s’agit d’un lieu de mission, d’une porte sur l’Asie, et qu’une Église en croissance rapide demandait à y être desservie. Le chemin de la beauté est une voie privilégiée pour approcher le mystère de Dieu. Qu’est-ce que la beauté des grands arbres, des glaciers et des plaines sinon le reflet de la splendeur du Verbe éternel fait chair, véritable Splendor Veritatis ? Après avoir formé pendant dix ans une communauté de pierres vivantes, le temps était venu de nous bâtir un monastère. Nous avons choisi de « placer notre lampe » dans un milieu où ne se trouvait aucun autre ordre ou congrégation religieuse. Une étude statistique réalisée en 2011 a montré que Squamish est la collectivité la moins religieuse au Canada. À notre grande surprise et pour notre plus grande joie, les gens du voisinage et de la collectivité nous ont accueillies chaleureusement et nous recevons un flot régulier de visiteurs et de retraitants. « La beauté est l’un des plus grands besoins de l’humanité, la racine d’où surgissent les branches de notre paix et les fruits de notre espérance. La beauté nous révèle Dieu parce que, comme Lui, l’œuvre de beauté est pure gratuité; elle nous appelle à la liberté et nous arrache à l’égoïsme. » (Benoît XVI) © Monastère Reine de la Paix « La lumière dans les ténèbres » (Mgr Michael Miller, csb, archevêque de Vancouver) - 12 - Bulletin CRC - Été 2013 Notre mission, en tant que membres de l’Ordre des prêcheurs, c’est la sainte prédication. Silencieuses quoique visibles, nous prêchons en « faisant un d’esprit et de cœur dans le Seigneur » et en formant une communauté « de la Parole ». Notre vie quotidienne est structurée de manière que la Parole de Dieu réside en abondance dans nos cœurs : lecture, étude, prière, célébration, rumination de la Parole. La devise de l’ordre, contemplata aliis tradere, décrit la passion qui nous anime : non seulement contempler la Parole mais partager avec autrui le fruit de cette contemplation. C’est pourquoi nous offrons l’hospitalité monastique. Par l’offre d’un tel espace sacré, c’est Dieu lui-même qui prêche dans et par le silence et la beauté des cœurs de toutes les personnes qui viennent chez nous. À environ une heure et demie de Vancouver, nous formons une oasis où qui a soif de Dieu vient boire à la Source de la Vie. Transformées par la mission Nous sommes venues dans cette région offrir notre présence et notre mode de vie monastique; en retour, notre vie s’en trouve transformée. Nous sommes façonnées par cette terre et son peuple et par notre souci de bonne intendance. Notre jardin biologique produit de bons produits maraîchers pour la collectivité et pour un restaurant local qui propose un menu de proximité (100-mile menu). La terre est cultivée en collaboration avec des producteurs biologiques passionnés d’agriculture durable. Le monastère lui-même a été construit avec l’aide d’architectes et d’artisans locaux et avec des matériaux de construction de la région. Coupés et usinés sur place, les arbres qui ont été abattus pour ériger le monastère nous ont fourni nos tables, nos bancs et les étagères de notre bibliothèque. Dès que possible, nous allons remettre en opération la vieille centrale hydroélectrique qui venait avec la propriété. Des défis Nous avons à relever le défi de composer avec tout ce qui nous est donné. Notre site Web attire des jeunes femmes de partout à travers le monde. Nous réorientons les demandes d’information vers les monastères de la région d’où proviennent nos correspondantes, mais nous avons une postulante de Vancouver et des aspirantes des environs. Merci de prier pour elles. Nous sollicitons également vos prières pour un autre problème très concret; il nous faut encore relever le défi de la croissance et finir de payer notre monastère. Comment ne pas faire confiance au Seigneur qui a promis de terminer l’œuvre qu’il a entreprise ? Vous trouverez de plus amples renseignements ainsi que des photos et des vidéos à l’adresse suivante : www.dominicannunsbc.ca Sœur Clare Rolf, op Pour la communauté du monastère Reine de la Paix © Monastère Reine de la Paix « Contempler et partager le fruit de notre contemplation » Tout cela fait grandir notre vigilance, notre gratitude et notre aptitude à étendre encore notre souci et notre amour de la création. Nous n’avions pas d’énoncé de mission ou de plan préétabli, mais nous avons été amenées à prendre de plus en plus conscience de nos responsabilités en solidarité avec l’ensemble du peuple de Dieu. Nous essayons seulement d’être dociles, d’accepter ce qui nous est donné et ce qui nous est demandé relativement à l’environnement naturel et humain qui nous a été confié. - 13 - Bulletin CRC - Été 2013 Les Carmélites de Trois-Rivières Un choix communautaire ou une heureuse « alliance » C e choix communautaire de vendre notre monastère et de trouver un nouveau lieu de résidence n’est pas sorti d’une boîte à surprise ! Il est l’heureux fruit d’un long cheminement communautaire et de l’investissement de chacune des membres de notre communauté. Un cheminement qui comprend plusieurs étapes, beaucoup de foi, de disponibilité, et de confiance. D’abord le concret du quotidien nous a reflété notre fragilité sur laquelle nous ne pouvions plus fermer les yeux. De cette fragilité reconnue et acceptée monta le désir de trouver une solution pour mobiliser nos forces sur l’ESSENTIEL de notre vie. De discernement en discernement il émergea un consensus communautaire qui fut accueilli dans la sérénité : vendre notre monastère, demeurer ensemble et trouver une communauté religieuse qui accepterait de nous héberger. Le choix de cette dernière se fit tout à fait providentiellement, par un concours de circonstances ! Entente avec les Filles de Jésus Notre demande d’hébergement adressée aux Filles de Jésus trouva auprès de la provinciale, de son conseil et de toutes les sœurs un accueil plus que favorable. Aussitôt des rencontres entre responsables des deux communautés permirent d’approfondir notre communion, de voir nos besoins et de trouver les conditions qui permettraient de faire une heureuse « alliance » entre les Filles de Jésus et les Carmélites. Une « alliance » basée sur le respect mutuel de notre identité propre, de nos valeurs essentielles et de notre manière de vivre chacune notre mission. Une entente d’hébergement et de services nous fut présentée par la vice-provinciale des Filles de Jésus. Une fois acceptée, celles-ci poussèrent leur accueil jusqu’à nous inviter à choisir nous-mêmes à l’Accueil Notre-Dame les locaux qui répondraient le mieux à nos besoins. Elles sacrifièrent leur salle d’ordinateurs pour nous donner un lieu de prière. Elles sacrifièrent aussi d’autres locaux pour nous créer un espace vital convenable. Dans cette atmosphère d’accueil et de respect mutuel, nous vivons déjà, depuis un an et demi, sous le même toit en réalisant chaque jour un peu plus que notre choix communautaire nous a lancées dans une heureuse aventure ! Une aventure qui comprend bien des avantages et, bien sûr, des défis. Monique Brûlé, fj , vice-provinciale des Filles de Jésus et Sœur Huguette Boutin, ocd, prieure des Carmélites. Les défis Le plus grand défi est sans aucun doute de garder bien vivant le désir de vivre à fond nos valeurs essentielles avec tout le dynamisme qu’il génère dans le quotidien. Ne pas se replier sur soi !… Continuer jour après jour de donner le meilleur de nous-mêmes malgré les limites qu’imposent le vieillissement. Continuer de s’entraider sur le chemin de l’union à Dieu et de l’amour fraternel dans notre vie érémitique et communautaire. Le second défi : préserver coûte que coûte l’espace d’intériorité nécessaire à notre vie de prière, de silence et de solitude. Les Filles de Jésus nous sont d’une aide très précieuse par leur attitude respectueuse et par leur discrétion. En plus, une « portomatique » avec un code isole nos locaux du reste de la maison. Nous pouvons donc continuer notre vie de moniales en toute liberté. - 14 - Bulletin CRC - Été 2013 Présentement le défi de l’adaptation à un nouveau milieu se situe dans le déjà fait, grâce à l’accueil de nos hôtes, chacune se sentit assez vite chez elle. L’horaire ajusté sans trop de tâtonnement au rythme des âges comme au rythme de la maison favorisa la détente et l’adaptation même chez nos nonagénaires ! Le réajustement du travail selon les capacités de chacune dans un carmel où la moyenne d’âge atteint les 80 ans demeure un défi constant. Garder nos aînées actives et autonomes autant que faire se peut, répartir le travail d’entretien de nos locaux, de buanderie, de lingerie, de secrétariat, d’économat, de bibliothèque entre celles qui ont encore bon pied bon œil demande tout un doigté. Les avantages Si notre choix communautaire comporte des défis, il comporte aussi plusieurs avantages qui permettent une continuité. Demeurer à TroisRivières nous garde enracinées dans notre diocèse, impliquées dans notre Église locale et favorise la vitalité de nos liens avec les personnes du milieu. En ce qui allège notre vie : plus de soucis d’entretien, de réparation de bâtiments et de terrain, plus de soucis d’embauchage et d’initiation du personnel employé, plus de soucis de menus et de préparation de repas, plus de soucis d’animation liturgique ni de sacristie, etc. Toutes, nous apprécions beaucoup nos grandes chambres insonorisées et fonctionnelles. Une chambre idéale pour la prière, le travail et la solitude. Un vrai « ermitage » ! Le service à la cafétéria donne à chacune l’opportunité de faire ses choix devant l’abondance et la variété des mets avant de se retirer dans un petit réfectoire réservé pour nous. Là, nous pouvons selon la tradition monacale prendre nos repas en silence en écoutant une lecture. Les Carmélites de Trois-Rivières L’infirmerie des Filles de Jésus étant ouverte à nos sœurs qui en auraient besoin nous permet de voir l’avenir sereinement du côté des soins de santé. Quel avantage ! Ce qui nous rassemble Rassemblées en un même mystère de communion, Filles de Jésus et Carmélites se retrouvent pour l’Eucharistie en un lieu commun : la chapelle. Unies dans le Christ et avec le Christ dans une unique offrande au Père pour la vie du monde. Voilà le Centre de notre Alliance. Nous découvrons chez les Filles de Jésus des femmes d’une grande simplicité qui nous donnent l’occasion de nous remettre en question; des femmes de prière qui laissent transparaître dans leur vie l’Humanité du Christ. Abreuvées à la même Source, mues par un même Esprit, nous allons par des missions différentes témoigner du même AMOUR. Voilà pourquoi notre choix communautaire se boucle en une heureuse « ALLIANCE » ! Sœur Cécile Arsenault, ocd Carmel de Trois-Rivières - 15 - Bulletin CRC - Été 2013 F ondées en 1975 à Paris, les Fraternités monastiques de Jérusalem s’implantent à Montréal, le 26 septembre 2004. Le cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque du diocèse de Montréal, leur confie le sanctuaire Saint-Sacrement. Elles sont récemment devenues membres de la CRC. « Les frères et sœurs de Jérusalem ont pour vocation particulière de vivre au cœur des villes, au cœur de Dieu », lisons-nous sur leur site Web (www.jerusalem-montreal.org/bienvenue.html). Comment se vit concrètement cette vocation monastique citadine ? Le frère Antoine-Emmanuel de la Fraternité monastique de Jérusalem répond à nos questions. Le 20 mars 2013 : Vigile Pascale au Sanctuaire du Saint-Sacrement / © Pierre Alarie Vivre la vie monastique au cœur de la ville Que signifie concrètement vivre la vie monastique et contemplative au cœur de la ville ? Récemment il a été demandé à chaque membre de la communauté une phrase qui résume le sens de notre vie consacrée. En lisant ce que mes frères ont écrit, j’ai été frappé de trouver une sorte de convergence spontanée. L’un a écrit : Quêter le visage de Dieu là où il est : au cœur du monde, et y poursuivre le même combat que lui. Un autre a mis ces mots : Chercher Dieu. Un troisième a écrit : Je suis à la recherche de Celui qui m'a trouvé le premier. Chercher, quêter le visage de Dieu : nous sommes en ville pour cela. Notre Livre de Vie le dit ainsi : Tu n’as pas épousé le monachisme citadin au titre de la solidarité, de l’apostolat ou même du témoignage, mais d’abord pour contempler Dieu gratuitement et incessamment, dans sa plus belle image qui est […] la cité des hommes, visages du Visage de Dieu et reflets de l’Icône du Christ (Livre de Vie de Jérusalem, no 14). Je comprends notre vie comme une patiente découverte de Dieu dans la ville. Une découverte qui empoigne notre vie et en fait un don à la cité. Comment la vie monastique traditionnelle vous a-t-elle influencés ? Notre fondateur, frère Pierre-Marie, a beaucoup écouté le témoignage séculaire de la vie bénédictine ou cistercienne. C’était indispensable pour répondre à l’appel de l’Église qui demandait « des moines pour l’an 2000 ». Nous avons ainsi hérité d’une sagesse qui façonne le quotidien de notre vie consacrée. Avec cette particularité que frère Pierre-Marie n’a pas fait sien dans ce vécu monastique ce qui, pour lui, ne s’enracinait pas directement dans l’Évangile. Il faut ajouter tout de suite que la vie bénédictine n’est pas la seule tradition dont nous nous inspirons. J’en nommerais deux autres. D’abord la voie tracée par Charles de Foucauld qui a profondément réformé la vie consacrée en la ramenant à la personne de Jésus, mais aussi une tradition d’apologétique liturgique qui remonte aux Pères de l’Église et qu’avait fait sienne le cardinal Lustiger. - 16 - Bulletin CRC - Été 2013 Quels sont les principaux défis ? Je pense immédiatement au défi lié au décès de frère Pierre-Marie, survenu le 21 février 2013. Nous ne bénéficions plus de la présence physique de notre fondateur. Il y a ici un défi d’humanité qui est celui du deuil à vivre, à vivre ensemble dans l’attention à chacun. À nous maintenant de pousser de nouvelles racines dans le Seigneur pour tenir bon et tenir ensemble. Il nous faut en même temps nous mettre au travail à la fois pour « déballer » l’héritage de frère Pierre-Marie, et pour valoriser dans la confiance la part du charisme que portent chaque frère et chaque sœur de la communauté. Il y a aussi les défis propres à notre époque. Notre vie monastique n’est pas une vie figée, nous ne sommes pas un musée Grévin de la vie monastique. Notre prieur général nous a récemment appelés à « nous laisser déplacer ». Seigneur, à quel déplacement nous appelles-tu pour que nous puissions te trouver dans la ville ? Pour que notre vie soit « lisible » par les hommes et les femmes de notre temps et qu’elle soit contagieuse du goût de Dieu ? Je pense notamment à la nécessité d’apprendre le langage des 20-30 ans d’aujourd’hui. Il nous faut une nouvelle Pentecôte ! Qu’est-ce qui attire les jeunes qui choisissent de rentrer chez vous ? D’abord que des jeunes nous rejoignent, reste pour moi un mystère. Comme mon propre appel demeure pour moi un mystère ! C’est le mystère de l’appel de Dieu. Au-delà de ce constat, je crois que c’est la liturgie – le charisme liturgique que le Seigneur nous a confié – qui attire les jeunes. C’est aussi le fait que notre vie est franchement et concrètement tournée vers Dieu sans pour autant devoir nous en aller au fond d’un boisé. Je suis convaincu que plus notre vie sera convertie, donnée à Dieu, plus les jeunes accourront ! Comment se vit la relation avec les Sœurs de la Fraternité monastique ? Cette relation est constitutive de notre charisme. Elle est, me disait un jour le père Raniero Cantalamessa, ce que nous avons de plus précieux et sur lequel nous devons beaucoup Deux frères de la Fraternité monastique de Jérusalem / © Bertrand Ouellet veiller. Cette relation se vit d’abord dans la célébration commune de la liturgie où s’exprime notre différence sexuelle mise au service de la louange de Dieu et du témoignage. Cette relation se traduit aussi par l’amitié entre frères et sœurs, par la collaboration de la prieure et du prieur, par notre collaboration au « rayonnement évangélique » de nos fraternités. Nous sommes clairement deux instituts religieux distincts avec des logements distincts, mais nous ne sommes pas séparables ! Quel lien faites-vous entre la nouvelle évangélisation et la vie contemplative ? Je vous avoue qu’au terme « évangélisation », je préfère l’expression « annonce de l’Évangile », et il est clair que nous y sommes appelés ! Cet appel, je le perçois d’abord comme un appel à la conversion. J’annonce l’Évangile dans la mesure où je me convertis. Cela étant dit, nous participons à l’annonce de l’Évangile par la liturgie chantée en pleine ville et par le témoignage de la prière silencieuse. Nous y participons en disant Dieu humblement (j’espère !) et clairement dans l’espace public, en témoignant de la vie fraternelle dans un monde occidental éclaté, mais plus encore par la joie, et tout particulièrement par la joie de savoir tous les humains appelés à être demain citoyens de la Jérusalem céleste : « Les yeux fixés sur cette heureuse fin, que ta vie monastique cherche dès ici-bas à inaugurer l’éternité » (Livre de Vie de Jérusalem, no 65). Frère Antoine-Emmanuel, fmj - 17 - Bulletin CRC - Été 2013 Prière des Fraternités monastiques de Jérusalem Si le Seigneur t’en donne la grâce et si tu restes fidèle, la ville ne t’enlèvera pas ta vocation monastique mais, au contraire, l’affirmera, l’épanouira. Veux-tu connaître la solitude ? La ville n’est qu’une solitude. Veux-tu vivre la communion ? Dans la ville, tout ensemble fait corps. Tu veux être saint : la ville est sainte. Sainte dès l’instant où elle est lavée par le sang du Christ sur la croix. Sainte parce qu’un jour il fera d’elle son épouse belle. Pour être un témoin, va dans la ville : elle est appelée Fidèle. Pour être un juste, va vers elle : elle est dite Justice. Si le moine est liturge, le temple où Dieu réside est au centre de la ville. S’il est martyr, Jérusalem tue les prophètes et lapide les envoyés de Dieu. Désires-tu anticiper le ciel ? Le ciel est une ville. Te réjouir en Dieu ? Il crée pour toi la ville-joie. Désires-tu voir Dieu ? L’ange te fait voir la Ville sainte venue de chez Dieu. Rencontrer Dieu face à face ? Dieu demeure en la ville. Veux-tu te fondre en Dieu ? Sois moine dans la Ville-Dieu. © Fraternité Monastique de Jérusalem C’est sur la ville qu’a été répandu le sang de l’Agneau : le sang de la coupe, le sang de son front et le sang de son côté. C’est sur la ville qu’est descendu le feu de l’Esprit Saint. C’est sur la ville qu’a retenti la parole du Père. Dans la ville, Jésus s’est battu contre le diable et l’a définitivement vaincu. Dans la ville, Marie a vécu, Jésus a enseigné, les apôtres ont évangélisé, prêchant le repentir, à commencer par Jérusalem. Les prophètes ont prophétisé dans la ville, les prêtres y ont sacrifié, les sages y ont parlé... Les témoins ont témoigné dans la ville. L’amante du Cantique cherche le Bien-Aimé en parcourant la ville. Manquerait-il des veilleurs sur la ville ? « Pour Sion je ne me tairai point... Sur tes murailles, Jérusalem, je poste des veilleurs, Ni de jour, ni de nuit, jamais ils ne doivent se taire ! » Livre de vie de Jérusalem, no 134