Bulletin CRC

Transcription

Bulletin CRC
Bulletin
Conférence religieuse canadienne
Canadian Religious Conference
Volume 10, numéro 2 — Été 2013
Dans ce numéro :
Mission de la CRC
La présence des contemplatives au sein de la CRC
La Conférence religieuse
Une grâce et une interpellation
canadienne est à la fois
Depuis quelques mois, les communautés de sœurs contemplatives font partie intégrante
de la CRC. Ce numéro du Bulletin leur est dédié. « Que ce soit une occasion de mieux
connaître ce qu’elles vivent et de nous laisser interpeller dans notre propre vocation. »
Michel Proulx, o. praem.
une voix et un service
pour les leaders des
instituts religieux et
des sociétés de vie
apostolique. La mission de
la CRC est d’encourager
ses membres à vivre
pleinement leur vocation
à la suite du Christ.
Nouveau regard sur la vie religieuse canadienne
« Devenir membres de la CRC prend un sens constructif de solidarité et d’entraide. La
confiance, les liens déjà créés par beaucoup de monastères avec les membres de la
CRC ont permis d’avancer en eau profonde. Une aventure spirituelle ! Une interpellation
réciproque à l’intériorité et à la mission ! Une expérience authentique de communion ! »
Sœur Gabrielle Audet, osc
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La CRC soutient ses
membres dans leur
Esquisse de l’histoire de l’UCRC
témoignage prophétique
Cet article fait mémoire de l’histoire de l’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives
(UCRC). Il donne un aperçu de son évolution et esquisse à grands traits la mise en œuvre
des buts de l’association. De quoi rendre grâces ! Sœur Denise Guénette, ocd
de justice et de paix au
sein de la société et de
l’Église. La CRC cherche
des manières audacieuses
La vie contemplative des Clarisses en terre canadienne
d’interpréter la foi et la
« Sans être nombreuses, soixante sœurs environ, nous avons profondément conscience du
charisme clarien, celui d’être racines au sein d’une société en perpétuelle recherche de
sens. Une vie et une prière qui soutiennent les plus pauvres. » Sœur Claire Bissonnette, osc
vie pour que la nouvelle
vision de l’univers
devienne réalité.
Septembre 2010
Le monastère Reine de la Paix
Les moniales dominicaines de Squamish, C.-B.
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En 1999, cinq moniales dominicaines de différents monastères des États-Unis se portent
volontaires pour former une nouvelle communauté en Colombie-Britannique. Dix ans plus
tard, elles érigent leur monastère à Squamish. « Nous sommes venues dans cette région
pour offrir notre présence et notre mode de vie monastique; en retour, notre vie s’en trouve
transformée. » Sœur Clare Rolf, op
Les Carmélites de Trois-Rivières
Un choix communautaire ou une heureuse « alliance »
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Depuis deux ans, les Carmélites habitent chez les Filles de Jésus. Comment se vit cette
« alliance » entre une communauté cloîtrée et une communauté de vie apostolique ? Un
témoignage inspirant. Sœur Cécile Arsenault, ocd
Vivre la vie monastique au cœur de la ville
Les Fraternités monastiques de Jérusalem ont pour vocation particulière de vivre au cœur
des villes. Comment se vit concrètement cette vocation monastique citadine ? Entrevue
avec le frère Antoine-Emmanuel, fmj
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Bulletin CRC - Été 2013
Nouvelles brèves
Comité de rédaction
Jean Bellefeuille
Joyce Murray, csj
Yvon Pomerleau, op
Lorraine St-Hilaire, snjm
Rédactrice en chef
Louise Stafford, fsp
Conception
et mise en page
Caron Communications
graphiques
Informations
Conférence religieuse
canadienne
2715, chemin de la
Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec)
H3T 1B6
Tél. : 514 259 0856
Télec. : 514 259 0857
[email protected]
www.crc-canada.org
La nouvelle évangélisation dans le contexte
de la nouvelle cosmologie
Depuis février 2013, Jean Bellefeuille et Lorraine St-Hilaire, snjm, du service MissionFormation de la CRC animent, en français et en anglais, une journée de réflexion et
de partage sur le thème suivant : La nouvelle évangélisation dans le contexte de la
nouvelle cosmologie. Cette journée de réflexion a déjà eu lieu en français à Ottawa,
Montréal, Chicoutimi et en anglais à Mississauga, Ontario et à Edmonton, Alberta.
Dans la foulée du Synode sur la nouvelle évangélisation, nous nous interrogeons sur
le rôle des personnes consacrées : Comment évangéliser dans le contexte contemporain ? Comment parler de Dieu et de Jésus-Christ dans le contexte de la nouvelle
cosmologie ?
Les personnes-ressources :
En français : André Beauchamp, théologien, expert en environnement.
En anglais : Donna Geerneart, sc, théologienne.
Calendrier de l’automne :
En français : Le 11 septembre à Rimouski; le 2 octobre à St-Boniface; le 16 octobre
à Québec; le 7 novembre à Moncton; le 13 novembre à Montréal en anglais avec
traduction simultanée.
En anglais : Le 3 octobre à Winnipeg; le 15 octobre à Antigonish; le 13 novembre à
Montréal avec traduction simultanée.
De plus amples informations et le formulaire d’inscription sont affichés sur la page
d’accueil du site Web de la CRC (www.crc-canada.org), sous la rubrique À ne pas
manquer.
Conseil CRC
Pour 2013-2014, les membres du Conseil d’administration ont décidé de tenir leur
réunion dans les régions afin de permettre d’être mieux au fait de ce qui s’y vit et
de pouvoir être davantage à l’écoute des défis et des besoins. Une première réunion
s’est tenue à Saskatoon. Les prochaines rencontres au calendrier sont : du 2 au 4
octobre à Toronto, du 8 au 10 janvier à Québec et du 19 au 21 mars en Atlantique.
Pour créer un espace de dialogue, une journée est ajoutée à laquelle seront invités
toutes les supérieures et tous les supérieurs majeurs de la région visitée ainsi que
les délégués régionaux JPIC. Voir le reportage de la rencontre à Saskatoon sur le site
Web de la CRC.
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Bulletin CRC - Été 2013
La présence des contemplatives
au sein de la CRC
Une grâce et une interpellation
Depuis quelques mois, nous vivons une heureuse
nouveauté à la CRC : les communautés de sœurs
contemplatives, qui avaient autrefois leur propre
association, font désormais partie de notre
Conférence religieuse canadienne. C’est une
grande joie de les accueillir parmi nous. Leur
présence est à la fois une grâce et une interpellation. En effet, elles sont pour nous un rappel
permanent de ce que toute religieuse et tout
religieux sont appelés à vivre.
Primauté de la prière
M ême si nous appartenons à un institut de
type plus apostolique, à la base de notre vie
consacrée, il y a une dimension contemplative
qui est le fondement de tous nos engagements.
Si nous ne nous nourrissions pas régulièrement
dans l’une ou l’autre forme de prière, si nous
ne cultivions pas notre relation d’intimité avec
le Seigneur Jésus, nos engagements apostoliques, nos engagements pour une plus grande
justice sociale risqueraient fort de n’être, selon
les mots de saint Paul, que « métal qui résonne »,
que « cymbale retentissante » (I Co 13, 1).
© Shutterstock
Cette primauté absolue de la prière, dans toute
forme de vie religieuse, a été soulignée par le
grand mouvement de retour aux sources qu’a
constitué le concile Vatican II et dont nous célébrons le 50e anniversaire. Elle est évoquée dans
un passage souvent oublié lorsqu’il est question
de la vie religieuse, peut-être parce qu’il se trouve
dans le décret Christus Dominus, un document
traitant de la charge des évêques. On y lit ceci :
« À tous les religieux [...] incombe le devoir de
travailler de toutes leurs forces et avec zèle à
l’édification et à la croissance de tout le Corps
mystique du Christ et au bien des Églises
particulières. [...] Ils sont tenus de poursuivre
ces fins d’abord par la prière, les œuvres de
pénitence et l’exemple de leur propre vie.
[...] Mais compte tenu du caractère propre
de chaque institut, que les religieux s’adonnent aussi largement aux œuvres extérieures
d’apostolat » (no 33).
Dans le fond, n’est-ce pas en nous assurant
d’avoir dans notre agenda une place centrale
pour la prière, le silence, l’oraison et la lectio
divina, que nous pouvons refaire nos forces pour
poursuivre la mission et contribuer à la santé du
Corps du Christ tout entier ?
D’ailleurs, l’automne dernier, dans leur Message
final, les évêques rassemblés pour le Synode sur
la nouvelle évangélisation, rappelaient l’importance de la contemplation : « C’est seulement avec
un regard d’adoration sur le mystère de Dieu, Père,
Fils et Saint-Esprit, c’est seulement de la profondeur du silence [...] que peut jaillir un témoignage
crédible pour le monde. Seul ce silence priant peut
empêcher que le message du salut se perde dans
les nombreux bruits du monde » (no 12).
En signe d’accueil
C’est donc dans ce contexte que le présent
numéro du Bulletin donne la parole à quelquesunes de nos sœurs contemplatives. Que ce
numéro soit un témoignage d’accueil fraternel
à leur égard; qu’il soit aussi occasion de mieux
connaître ce qu’elles vivent et de nous laisser
interpeller dans notre propre vocation.
Michel Proulx, o. praem.
Président
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Bulletin CRC - Été 2013
Nouveau regard sur la vie
religieuse canadienne
Vous avez la foi, au nom
du Fils de Dieu (1 Jn 5).
Être participante de la Conférence
religieuse canadienne
En abordant cette réflexion, un paysage différent de la vie religieuse canadienne se crée et
se révèle peu à peu. L’Union Canadienne des
Religieuses Contemplatives (UCRC) a demandé
d’être accueillie par la Conférence religieuse
canadienne (CRC). Celle-ci a proposé une insertion comme Comité des contemplatives.
Depuis maintenant plus d’un an, des démarches
ont été réalisées avec la Conférence religieuse
canadienne pour formuler des objectifs inhérents
à l’UCRC et les actualiser dans la poursuite de la
mission contemplative dans l’Église canadienne.
© Monastère Reine de la Paix
Devenir membres de la CRC prend un sens
constructif de solidarité et d’entraide. La
confiance, les liens déjà créés par beaucoup de
monastères avec les membres de la CRC ont
permis d’avancer en eau profonde sans trop
d’hésitation, sachant toutefois qu’à certains
moments les visions d’évangélisation se formuleraient dans la différence et la complémentarité
comme d’ailleurs en Église et en tout groupe
humain. Notre reconnaissance va au père Alain
Rodrigue, cmm, qui a été un intermédiaire et un
facilitateur entre les deux Conseils.
En janvier, une invitation à rencontrer le Conseil
de la CRC a permis une meilleure connaissance
réciproque et a suscité une collaboration dans
la simplicité et le respect. Comme le Petit Prince
avec le renard de Saint-Exupéry : s’apprivoiser de
jour en jour est au programme de part et d’autre.
Le mystère monastique
ne saurait être autre que
le mystère pascal.
La vie religieuse contemplative
au Canada et ses défis
La vocation contemplative présente, en notre pays,
différents visages si nous tenons compte des
spiritualités diverses. La finalité demeure unique :
vivre pour louer Dieu et intercéder pour nos frères
et sœurs ou en d’autres mots : présence d’adoration et mission au cœur du monde.
Fondée en 1966, l’UCRC regroupe bon nombre
de communautés contemplatives avec plus de
500 membres. Notre pays peut compter sur une
présence bien diversifiée grâce aux fondations
canadiennes, à l’immigration française et américaine ou à l’expansion nationale et internationale.
Les monastères se retrouvent d’un bout à l’autre
du Canada, mais c’est au Québec que nous
retrouvons une majorité de membres. Des lieux
d’accueil, de silence, de prière s’ouvrent ici et
là dans chaque province tout au long des 19e et
20e siècles.
La vie monastique tout en témoignant de l’existence de Dieu est destinée, selon sœur JeanMarie, ocso, de Rogersville, à guérir et sauver le
monde. Elle ajoute : sa réalisation demande un
saut dans la foi. La profondeur de l’être est la
clé de la vie contemplative. Il s’agit ici de l’être
spirituel à éveiller. Sa croissance lente transforme
la personne. Si cette profondeur existe, tous les
éléments de la vie monastique pourront devenir des canaux de grâce pour guérir et sauver le
monde. Ælred de Rievaulx dit à sa sœur recluse :
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Bulletin CRC - Été 2013
Tu n’as pas à te répandre, mais à t’approfondir.
C’est donc un mouvement descendant d’humilité
et une recherche d’intériorité. Je désire d’un grand
désir m’approcher de Dieu.
Comment demeurer fidèle au charisme ? Quel défi !
En pleine mutation, la vie monastique contemplative continue de chercher Dieu. Cette démarche
est une vraie aventure spirituelle, un trésor à
garder et à découvrir. Dans le Corps du Christ,
certains étendent le Royaume en hauteur, en
largeur, en longueur, le moine l’étend en profondeur (Raguin).
Une interpellation réciproque
Le dynamisme de la CRC à vivre la Mission et sa
vocation évangélique d’engagement, inciteront les
nouveaux membres du Comité des contemplatives à creuser leur propre charisme, à acquérir une
qualité d’être, une ouverture du cœur au monde.
Le témoignage de la vie religieuse canadienne
s’unifie donc et connaît une expérience authentique de communion.
Vivre la Sequela Christi dans la solidarité et
aussi dans la différence de vocation. S’interpeler
réciproquement à l’intériorité et à la mission.
L’apprentissage se réalise graduellement et les
ajustements suivent l’Aujourd’hui de Dieu. La
Parole de Dieu, les expériences de vie nourries
par l’Eucharistie et le dialogue demeurent une
source féconde d’unité.
FMJ – Dimanche des Rameaux au Sanctuaire du Saint-Sacrement / © Pierre Alarie
Une aventure spirituelle
Cette réalité de changements dans une société
sécularisée et dans un pays riche interpelle le
vécu des moniales et invite, de plus en plus, à
recevoir une formation adéquate pour acquérir et
transmettre les valeurs chrétiennes et monastiques. Plusieurs défis se présentent donc dans
les monastères pour garder une identité significative selon le charisme reçu.
Vu l’évolution de notre pays et la diminution des
vocations, un mouvement décroissant se réalise
et nous assistons à la fermeture de monastères,
au jumelage avec des communautés apostoliques. Les sœurs contemplatives expérimentent
ainsi la pauvreté, les remises en question, les
restructurations.
Comment être ouverts à la Présence de Dieu qui
œuvre en chacune et chacun de nous ? Comment
nous accueillir sans cesse avec un regard fraternel de compréhension et de compassion pour
percevoir le moindre souffle de l’Esprit ? Ces
interrogations se répondent dans le silence de
l’être, dans la chambre nuptiale, où l’intimité
se vit avec Jésus-Christ et dans la communion.
Fidèles à nos charismes spécifiques, nous nous
interpellerons non pour quitter notre identité,
mais pour nous stimuler à donner le meilleur de
nous-mêmes dans un humble service du Seigneur
et de nos frères et sœurs.
Sœur Gabrielle Audet, osc
Présidente du Comité des contemplatives
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Bulletin CRC - Été 2013
Esquisse de l’histoire de l’UCRC
Au moment de faire son passage à la CRC, pour en devenir le Comité des contemplatives, l’Union Canadienne des Religieuses Contemplatives (UCRC) comptait 532 sœurs,
tant de langue française que de langue anglaise, issues de 15 instituts contemplatifs
féminins différents provenant d’une quarantaine de monastères ou couvents situés
en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, au Québec et au
Nouveau-Brunswick.
Fondation
Sous la mouvance de l’Esprit, le besoin s’est
fait sentir de rassembler les forces vives des
communautés de vie contemplative dans la
perspective de l’aggiornamento et du renouveau voulu par le concile Vatican II. À l’initiative de Rose-Marie, op, les supérieures majeures
des Ordres monastiques de langue française
(Bénédictines, Carmélites, Cisterciennes,
Clarisses, Dominicaines, Rédemptoristines
et Visitandines) se sont réunies à Berthier, le
16 août 1966.
Très rapidement, les quatre instituts contemplatifs nés en terre québécoise (Adoratrices du
Précieux-Sang (1861) et son surgeon de langue
anglaise « Religious of the Precious Blood », les
Servantes de Jésus-Marie (1895), les Recluses
Missionnaires (1943) et les Petites Sœurs de
Notre-Dame-du-Sourire (1953) se sont jointes à
nous ainsi que quelques instituts contemplatifs
d’origine européenne : les Servantes du SaintSacrement, les Petites Sœurs de Jésus, puis
la branche contemplative des Religieuses du
Bon-Pasteur.
Revenons à cette première Assemblée à laquelle
est invité, le président de la Conférence religieuse
canadienne, le père Thomas-Marie Rondeau, op. Il
parle d’emblée des « avantages » de l’intégration
des moniales, en secteur séparé, au grand organisme de la CRC. « Mais, pour le moment, ajoutet-il, vous avez à vous occuper de votre propre
Union entre contemplatives. L’autre viendra en
son temps et cela se fera à la lumière de votre
propre développement ». Parole prophétique qui
se réalise aujourd’hui, 46 ans après.
Les idées élaborées à Berthier mènent à une
rencontre historique vécue chez les Dominicains
de Saint-Hyacinthe, du 26 au 31 août 1968. Les
Statuts y ont été approuvés et adoptés le 30 août.
Le mouvement amorcé par mère Rose-Marie
devient officiellement l’Union Canadienne des
Religieuses Contemplatives, premier organisme
du genre dans l'histoire de l'Église au Canada.
On se donne un conseil en bonne et due forme :
Lucille Rioux, ocd, est élue présidente alors que
Rose-Marie Fontaine, op, devient vice-présidente,
Monique Carrier, ocso, secrétaire et Christine
Lapointe, sss, ainsi que, sœur Alphonsus, ossr
(anglophone), conseillères.
Évolution et fonctionnement
Survolons à grands traits la mise en œuvre des
buts de l’UCRC.
A) P
romouvoir la vie contemplative
au Canada
Il s’agit avant tout « d’être » ce que sommes et de
le devenir de plus en plus et de mieux en mieux,
sans négliger cependant les occasions offertes
de le faire plus « visiblement ». À titre d’exemple,
mentionnons la participation à l’Interaméricaine
et l’apport au Synode sur la vie consacrée, ainsi
que la présence d’une déléguée aux réunions du
Conseil canadien francophone de la pastorale
des vocations (CCFPV).
© Monastère Reine de la Paix
Esquissons rapidement, à vol d’oiseau, l’histoire
de ces quelques 46 ans de vie de l’UCRC.
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Bulletin CRC - Été 2013
Rappelons aussi nos relations fraternelles avec
des Associations de contemplatives de France, de
Belgique, de Hollande et des États-Unis. Au-delà
des bulletins et informations, il y a eu occasionnellement une participation à nos assemblées
réciproques.
B) Assurer entre les contemplatives
canadiennes une collaboration efficace
Depuis 1966 à tous les deux ans, lors de leur
Assemblée générale, les supérieures, accompagnées d’une déléguée de leur monastère, se
réunissent pour traiter des affaires de l’UCRC.
C’est aussi l’occasion de vivre un moment de
ressourcement à travers une session. Le souci
d’un aggiornamento de qualité va faire appel
au cours des années à des instituts religieux et
contemplatifs d’ici et d’ailleurs.
Au fil des années, en harmonie avec la sensibilité
ecclésiale et religieuse de l’heure, des thèmes
variés sont abordés apportant un regard plus
ajusté aux « signes des temps » et appelant à
un vécu plus significatif et profond des réalités
humaines, chrétiennes, religieuses et contemplatives dans l’aujourd’hui de nos vies.
Regroupons quelque peu ces thèmes :
• Formation
Dans le cadre de l’aggiornamento de la vie
religieuse et de la formation : Le climat
communautaire face à la nouvelle génération (J.-M. Tillard, op); Le noviciat de l’aprèsconcile (Léonard Fisher, sj, Benoît Lacroix, op et
Dr Pierre Achille); Coordonnées de la formation
d’aujourd’hui (Vincent de Couesnongles, op).
• Vie spirituelle
L’expérience de Dieu en elle-même (Matura, ofm);
L’expérience de Dieu et ses différentes connotations : dans les grandes religions (Lucien
Coutu, csc et Raymond Bourgault, sj); dans le
christianisme (Fidèle Sauvageau, ocso et Julien
Harvey, sj); chez la femme consacrée (Claire
Dumouchel, scim et Gilles Bourdeau, ofm );
Expérience du Christ et vie contemplative, (Jean
Leclercq, osb et John Main, osb); L'expérience
spirituelle et le mystère pascal de Jésus (J.-P.
Lintanf, op).
• Vie consacrée
Son histoire : D’hier à demain, pèlerinage de
la vie religieuse (Daniel Cadrin, op); Les vœux :
Autorité et obéissance (Armand Veilleux, ocso,
Laurent Boisvert, ofm, Claire Dumouchel, scim et
Jacqueline Dazé, ssa); Obéissance, chemin de
liberté dans ses aspects théologique, psychologique et sociologique (Lorraine Caza, cnd,
Rachel Fréchette, snjm , Michel Beaudin et
Mgr Berthelet); Le vœu de chasteté (Denise
Amyot, snjm); Le vœu de pauvreté (Jacques
Bélanger ofm et Annette Parent, osc); l’interdépendance personne et communauté : L’être seul
et l’être ensemble (Jean Lévesque, ocd).
• Vie contemplative et ses divers éléments
La femme contemplative dans la société et
l’Église d’aujourd’hui (Jeannine Guindon,
Madeleine Ryan, dom Fidèle, Marguerite
Derome, osb, Alejandro del Corro, sj, Suzanne
Gaulin, osc et M. Gaétane, psj); La religieuse
contemplative dans l’Église d’aujourd’hui
(Alfred Ducharme, sj, Adrien Visscher et Vilma
Seelaus, ocd, des États-Unis); Maturité humaine
et spirituelle à travers les âges de la vie monastique (Jacques Laforest, Fernande Richard, cnd
et Jeannine Sauriol, ocd ); Contemplatives
aujourd’hui (Aline Éraly, ocd, Monique Béland, rm
et Denise Moffat, op); La prière dans notre vie
contemplative (Armand Veilleux, ocso et Claude
Perron, ocso); La lectio divina (Guy-M. Oury, osb,
Michel Gourgues, op et Bernard Lambert, op).
Le discernement spirituel (Alfred Ducharme, sj,
André-M.Roumagnac, ocd, Éloi Leclerc, ofm et
Armand Veilleux, ocso); L’accompagnement spirituel (André Louf, ocso).
Dans le cadre d’événements d’Église : Repartir
du Christ (Bernard Carrière, sj); Le mystère
eucharistique (Marie-Thérèse Nadeau, cnd);
Vatican II, boussole fiable pour la marche de
l’Église de notre temps et Le discernement selon
Vatican II (Gilles Routhier).
© Monastère Reine de la Paix
Dans un autre registre, soulignons la création, dès
1966, d’un « bulletin de liaison et d’information »
qui, en 1983, sous l’égide de Claire Bissonnette,
osc, deviendra la revue « Présence », informatisée
ces dernières années sur le site de l’UCRC dû à
l’apport de Gabrielle Audet, osc. Souvenons-nous
également du diaporama/vidéo, De Grand Matin,
largement diffusé dans les groupes avides de
connaître la vie contemplative.
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Bulletin CRC - Été 2013
C) Donner aux contemplatives
canadiennes une voix officielle dans
l’Église par leur filiation à la CRC
Puis est venu le besoin de sessions destinées
à l’ensemble des sœurs de nos communautés.
Elles ont donné naissance aux sessions intermédiaires parce que situées entre les assemblées,
aux années impaires. Plusieurs des thèmes ont
été repris dans une autre perspective. Quelques
sessions se sont ajoutées : La vie fraternelle en
communauté (Rachel Fréchette, snjm); Améliorer
nos relations avec les autres (Michelle Audet, rsr),
etc. Plusieurs communautés ont repris les
sessions pour leur formation permanente.
Depuis 2001, une équipe de trois responsables
s’est constituée en vue de planifier des sessions
intercommunautaires de formation à l’intention
des personnes qui cheminent en nos monastères. L’internoviciat monastique a offert en 2003,
une Initiation à la Bible (Guylain Prince, ofm); en
2004, une initiation à la christologie (Francine
Bigaouette, op ); en 2005, une initiation au
mystère de la liturgie (Claire Bissonnette, osc);
en 2006, une initiation à la philosophie (MarieBenoît Bastier, fjn); une initiation aux Psaumes,
(abbé Michel Talbot); en 2007, une session sur
les sacrements (M.T. Nadeau, cnd); en 2008,
sur les origines et les valeurs du monachisme
(Luc-Barbeau, ocso); en 2009 et 2010, sur la
chasteté et la pauvreté (Laurent Boisvert, ofm); en
2011, sur la foi (M.T. Nadeau, cnd); en 2012, sur
la foi de l’Église enfin, cette année, une approche
biblique : Devenir ce que nous sommes.
Tout au long de son histoire, d’une manière ou
d’une autre, les liens avec la CRC ont été omniprésents. Il y a eu des invitations à nos assemblées réciproques. La joie a toujours été grande
d’accueillir le président ou la présidente de la
CRC ou un membre du conseil ou de l’exécutif. Par ailleurs, les présidentes de l’UCRC ont
participé à plusieurs reprises aux Assemblées
de la CRC.
D) Assurer la liaison avec l’épiscopat
et les pouvoirs publics
Nous voulant « filles de l’Église », nous nous
sommes fait une joie d’accueillir un évêque à
chacune de nos assemblées pour mieux communier au vécu de son diocèse. Nous avons ainsi
fait le tour d’à peu près tous les diocèses où nos
monastères sont implantés. Quelques-unes de
nos présidentes ont eu ponctuellement la joie de
répondre à une invitation de la CECC.
Au terme de cet aperçu de l’histoire de l’UCRC,
nous pouvons constater que les contemplatives
canadiennes se sont prises en main. Au-delà
de cette formation commune que nous nous
sommes donnée, nous avons vécu une fraternité, une solidarité et une communion intenses
au service de Dieu, de l’Église et de l’humanité.
Nos couleurs respectives sont devenues couleurs
d’arc-en-ciel. Notre unité s’est manifestée de
façon toute particulière lors de notre récent
passage de l’UCRC au Comité des contemplatives de la CRC. C’est là l’œuvre de l’Esprit entre
nous et à travers nous, rendons-en grâce à Dieu !
Sœur Denise Guénette, ocd
© Monastère Reine de la Paix
Des sessions destinées aux supérieures et/
ou formatrices se sont greffées aux sessions
données dans le cadre des Assemblées générales. Une session sur le dialogue (Gaétane
Gareau); dans le cadre de la CRC, les sessions
de Robert Michel, omi, sur l’affectivité; celles de
Claire Hamel, osu, sur la formation intégrale et
la main dans la main pour la formation; avec
Pierrette Charbonneau, csc, une session sur la
relation d’aide, quelques sessions de Michelle
Audet, rsr, sur l’intelligence émotionnelle et l’autorité, une présence qui accompagne; une session
sur l’animation communautaire, avec Fernande
Richard, cnd, etc.
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Bulletin CRC - Été 2013
Depuis cent onze ans, la petite semence de notre communauté, venue de France et enracinée à
Salaberry-de-Valleyfield, continue d’entretenir avec amour sa vocation contemplative clarisse.
D’autres monastères issus de ce premier plant se sont établis à Rivière-du-Loup, à Sherbrooke et à
Québec. De même, sont arrivés des États-Unis, les monastères de Duncan et de Mission (ColombieBritannique). Notre pays, familier de l’hiver, accueille bien la chaleur de l’influence franciscaine
et nous donne la liberté de vivre la simplicité quotidienne très proche du charisme qu’avait désiré
vivre sainte Claire elle-même, il y a plus de huit cents ans, à Assise, dans l’Ombrie italienne 1.
La vie contemplative des
Clarisses en terre canadienne
Cultiver les racines
Il y a quelques mois, le ministre général des
Franciscains, prenant le relais de saint François
dans sa promesse permanente d’avoir souci de
ses sœurs clarisses, nous traçait une manière
bien franciscaine de vivre notre actualité. Voici
ces propos : Nombreux sont ceux qui affirment
que la vie religieuse, et aussi la vie franciscaineclarienne, vivent la saison d’hiver. L’expérience
de l’hiver me conduit à vous demander, chers
frères et sœurs, de cultiver les racines. Il nous faut
vivre la saison profondément féconde de l’hiver.
Accueillons-la comme telle, avec un sain réalisme,
mais aussi dans l’espérance certaine 2.
Ces paroles d’invitation, que notre frère José
Carballo nous adresse, décrivent bien notre situation de contemplatives clarisses au Canada. Sans
être nombreuses, soixante sœurs environ, nous
avons profondément conscience de ce charisme
d’une vocation d’Église toute particulière, celle
d’être racines au sein d’une société en perpétuelle recherche de sens. Connues ou oubliées,
nous demeurons près de la Source qu’est l’Évangile, et son trésor qu’est l’Eucharistie quotidienne
de l’Église. En lien d’unité avec tant de nos sœurs
et frères de l’Église canadienne, nous vivons les
grands mouvements de l’Église universelle qui
avance dans le Temps donné par Dieu.
Icône de Ste Claire, Monastère Ste-Colette, Assise, avec permission des Clarisses
françaises d’Assise / Source : www.clarissesdassise.com/spiritualite
1
Actuellement, l’Ordre des Clarisses est étendu dans les cinq continents, avec presque seize mille sœurs, dans plus de sept cents monastères.
2
Frère José Rodriguez Carballo, ofm : août 2012, Lettre aux Clarisses et aux Frères mineurs, no 8.
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Bulletin CRC - Été 2013
Comme un trésor caché
Depuis plusieurs années, surtout lors des Fêtes
du 8e centenaire de naissance de sainte Claire
(1992-1993) et lors des dernières festivités
entourant le 8e centenaire de la naissance de
l’Ordre (2011-2012), nous revisitons avec ferveur
le charisme clarien. En effet, la sainte d’Assise
a été et demeure encore un grand don de Dieu
à l’Église, à chacune de ses sœurs et aussi à
l’humanité. Elle est comme un trésor caché, une
vie tout entière évangélique qui rayonne toujours
en cette louange de Dieu, jaillie de son cœur, en
ses derniers moments sur terre : Béni sois-tu,
Seigneur, de m’avoir créée ! (Pr) 3.
Lors de l’Exhortation de notre pape émérite
Benoît XVI, en Verbum Domini, celui-ci affirmait :
Chaque saint représente comme un rayon de
lumière qui jaillit de la Parole de Dieu (no 48). En
écho, notre Ministre général nous invite particulièrement au sujet de sainte Claire d’Assise : Boire
de l’eau cristalline de la spiritualité clarienne.
En communion
avec les plus pauvres
La relation à Dieu rejoint aussi celle de « mère »,
dans un sens ecclésial, apostolique : « Et pour
utiliser les propres paroles de l'Apôtre même, je te
considère comme une auxiliatrice de Dieu même,
et celle qui soulève les membres défaillants de son
corps ineffable » (3L 8).
Cette expression très dense de Claire situe la
prière et la vie d'une Soeur Pauvre, comme au
point de jonction où l'Église contemporaine souffre davantage de sa faiblesse : une prière de
sœur pauvre qui soutient les plus pauvres ! Nos
monastères, souvent situés près des villes, partagent les soucis et les confidences des familles
et des gens les plus humbles, ainsi que les joies
et les épreuves de la cité qui nous accueillent 4.
L’élan de la prière de saint François nous aide
beaucoup en ce chemin de pauvreté, communion
profonde avec celui des pauvres de notre temps :
Dieu tout-puissant, éternel,
juste et miséricordieux,
donne-nous, à nous misérables,
Choisir et aimer la sainte pauvreté
Dans ses Lettres, sainte Claire insiste beaucoup
sur la réalité suivante : « Tu as choisi de tout ton
esprit et de tout l'élan de ton cœur la très sainte
pauvreté, prenant un époux, le Seigneur JésusChrist » (1L 6-7). Elle revient sans cesse sur cet
événement capital qui, à ses yeux, est décisif.
Pour Claire, choisir et aimer la très sainte pauvreté,
c'est choisir et aimer ce que le Seigneur JésusChrist a aimé, a épousé : notre humanité pauvre
et indigente (1L 19-20). La pauvreté inhérente
à notre nature humaine, dans sa vérité d'être,
l'a attirée : « Ô pieuse pauvreté que le Seigneur
Jésus-Christ qui régissait et régit le ciel et la terre,
et qui dit et les choses furent faites, a daigné pardessus tout embrasser ! » (1L 17). Notre pauvreté
quotidienne ici et maintenant, les limites et les
efforts d'une vie humaine offerte au Christ sont
le lieu sponsal où il nous convie à la plénitude
de son Amour.
à cause de toi-même,
de faire ce que nous savons que tu veux,
et de toujours vouloir ce qui te plaît,
afin qu’intérieurement purifiés,
intérieurement illuminés et embrasés
du feu de l’Esprit-Saint,
nous puissions suivre les traces
de ton Fils bien-aimé,
notre Seigneur Jésus-Christ,
et par ta seule grâce parvenir jusqu’à toi,
Très-Haut,
qui, en Trinité parfaite et en simple Unité,
vis et règnes et es glorifié,
Dieu tout-puissant, pour tous les siècles
des siècles.
Amen.
Sœur Claire Bissonnette, osc
Monastère Saint-Claire
Salaberry-de-Valleyfield, QC
3
Procès de canonisation de sainte Claire d’Assise. Documents, Éditions Franciscaines, Paris.
4
ar sa présence et sa prière, Sainte Claire a sauvé par deux fois la ville d’Assise d’envahisseurs étrangers. Encore aujourd’hui, chaque année
P
le 22 juin, la cité ombrienne lui rend hommage par une grande fête populaire.
- 11 -
Bulletin CRC - Été 2013
Le monastère Reine de la Paix
— Les Moniales dominicaines de Squamish, C.-B.
Une fondation
« La beauté est l’un des
plus grands besoins
de l’humanité »
La mission de l’Ordre dominicain l’appelle à
prêcher Jésus-Christ là où l’ordre n’est pas encore
pleinement implanté et, par ailleurs, l’Église est
convaincue que « l'avenir de la mission dépend en
grande partie de la contemplation » (Redemptoris
Missio, 91); c’est sur ces bases qu’une nouvelle
fondation dominicaine a été autorisée par le
Maître général, le frère Timothy Radcliffe, op,
et son conseil en 1996. Un monastère dominicain avait été établi au Québec en 1925, mais
à l’autre bout du vaste pays qu’est le Canada,
on attendait encore la présence des différentes
branches de la famille dominicaine.
Située à la frontière de la vie
sauvage, là où convergent les
amateurs de beauté, de santé
et d’aventure, Squamish a reçu
le titre de « capitale canadienne
des sports de plein air ». C’est
là que nous avons construit le
monastère, pour jeter un pont
entre la beauté du monde de
la nature et la beauté insondable de la vie éternelle, entre la
beauté des choses et Dieu qui
est la beauté même.
En novembre 1999, cinq moniales (dont l’une
allait célébrer son quatre-vingtième anniversaire) de différents monastères des ÉtatsUnis se portaient volontaires pour former une
nouvelle communauté, pas trop loin des Frères
dominicains qui venaient d’arriver en ColombieBritannique. L’Ordre s’établissait à Vancouver
parce qu’il s’agit d’un lieu de mission, d’une
porte sur l’Asie, et qu’une Église en croissance
rapide demandait à y être desservie.
Le chemin de la beauté est une
voie privilégiée pour approcher
le mystère de Dieu. Qu’est-ce
que la beauté des grands arbres,
des glaciers et des plaines sinon
le reflet de la splendeur du
Verbe éternel fait chair, véritable
Splendor Veritatis ?
Après avoir formé pendant dix ans une communauté de pierres vivantes, le temps était venu de
nous bâtir un monastère. Nous avons choisi de
« placer notre lampe » dans un milieu où ne se
trouvait aucun autre ordre ou congrégation religieuse. Une étude statistique réalisée en 2011 a
montré que Squamish est la collectivité la moins
religieuse au Canada. À notre grande surprise et
pour notre plus grande joie, les gens du voisinage
et de la collectivité nous ont accueillies chaleureusement et nous recevons un flot régulier de
visiteurs et de retraitants.
« La beauté est l’un des
plus grands besoins de
l’humanité, la racine d’où
surgissent les branches
de notre paix et les fruits
de notre espérance. La
beauté nous révèle Dieu
parce que, comme Lui,
l’œuvre de beauté est pure
gratuité; elle nous appelle à
la liberté et nous arrache à
l’égoïsme. » (Benoît XVI)
© Monastère Reine de la Paix
« La lumière dans les ténèbres »
(Mgr Michael Miller, csb,
archevêque de Vancouver)
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Bulletin CRC - Été 2013
Notre mission, en tant que membres de l’Ordre
des prêcheurs, c’est la sainte prédication.
Silencieuses quoique visibles, nous prêchons en
« faisant un d’esprit et de cœur dans le Seigneur »
et en formant une communauté « de la Parole ».
Notre vie quotidienne est structurée de manière
que la Parole de Dieu réside en abondance dans
nos cœurs : lecture, étude, prière, célébration,
rumination de la Parole.
La devise de l’ordre, contemplata aliis tradere,
décrit la passion qui nous anime : non seulement
contempler la Parole mais partager avec autrui le
fruit de cette contemplation. C’est pourquoi nous
offrons l’hospitalité monastique. Par l’offre d’un
tel espace sacré, c’est Dieu lui-même qui prêche
dans et par le silence et la beauté des cœurs de
toutes les personnes qui viennent chez nous. À
environ une heure et demie de Vancouver, nous
formons une oasis où qui a soif de Dieu vient
boire à la Source de la Vie.
Transformées par la mission
Nous sommes venues dans cette région offrir
notre présence et notre mode de vie monastique;
en retour, notre vie s’en trouve transformée. Nous
sommes façonnées par cette terre et son peuple
et par notre souci de bonne intendance. Notre
jardin biologique produit de bons produits maraîchers pour la collectivité et pour un restaurant
local qui propose un menu de proximité (100-mile
menu). La terre est cultivée en collaboration avec
des producteurs biologiques passionnés d’agriculture durable.
Le monastère lui-même a été construit avec l’aide
d’architectes et d’artisans locaux et avec des
matériaux de construction de la région. Coupés
et usinés sur place, les arbres qui ont été abattus pour ériger le monastère nous ont fourni nos
tables, nos bancs et les étagères de notre bibliothèque. Dès que possible, nous allons remettre
en opération la vieille centrale hydroélectrique qui
venait avec la propriété.
Des défis
Nous avons à relever le défi de composer avec
tout ce qui nous est donné. Notre site Web
attire des jeunes femmes de partout à travers le
monde. Nous réorientons les demandes d’information vers les monastères de la région d’où
proviennent nos correspondantes, mais nous
avons une postulante de Vancouver et des aspirantes des environs. Merci de prier pour elles.
Nous sollicitons également vos prières pour
un autre problème très concret; il nous faut
encore relever le défi de la croissance et finir de
payer notre monastère. Comment ne pas faire
confiance au Seigneur qui a promis de terminer
l’œuvre qu’il a entreprise ?
Vous trouverez de plus amples renseignements
ainsi que des photos et des vidéos à l’adresse
suivante : www.dominicannunsbc.ca
Sœur Clare Rolf, op
Pour la communauté du monastère
Reine de la Paix
© Monastère Reine de la Paix
« Contempler et partager le fruit
de notre contemplation »
Tout cela fait grandir notre vigilance, notre
gratitude et notre aptitude à étendre encore notre
souci et notre amour de la création. Nous n’avions
pas d’énoncé de mission ou de plan préétabli,
mais nous avons été amenées à prendre de
plus en plus conscience de nos responsabilités
en solidarité avec l’ensemble du peuple de
Dieu. Nous essayons seulement d’être dociles,
d’accep­ter ce qui nous est donné et ce qui nous
est demandé relativement à l’environnement
naturel et humain qui nous a été confié.
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Bulletin CRC - Été 2013
Les Carmélites de Trois-Rivières
Un choix communautaire ou une heureuse « alliance »
C e choix communautaire de vendre notre
monastère et de trouver un nouveau lieu
de résidence n’est pas sorti d’une boîte à
surprise ! Il est l’heureux fruit d’un long cheminement communautaire et de l’investissement de
chacune des membres de notre communauté.
Un cheminement qui comprend plusieurs étapes,
beaucoup de foi, de disponibilité, et de confiance.
D’abord le concret du quotidien nous a reflété
notre fragilité sur laquelle nous ne pouvions plus
fermer les yeux. De cette fragilité reconnue et
acceptée monta le désir de trouver une solution
pour mobiliser nos forces sur l’ESSENTIEL de
notre vie.
De discernement en discernement il émergea un
consensus communautaire qui fut accueilli dans
la sérénité : vendre notre monastère, demeurer
ensemble et trouver une communauté religieuse
qui accepterait de nous héberger. Le choix de
cette dernière se fit tout à fait providentiellement,
par un concours de circonstances !
Entente avec les Filles de Jésus
Notre demande d’hébergement adressée aux
Filles de Jésus trouva auprès de la provinciale,
de son conseil et de toutes les sœurs un accueil
plus que favorable. Aussitôt des rencontres entre
responsables des deux communautés permirent
d’approfondir notre communion, de voir nos
besoins et de trouver les conditions qui permettraient de faire une heureuse « alliance » entre les
Filles de Jésus et les Carmélites. Une « alliance »
basée sur le respect mutuel de notre identité
propre, de nos valeurs essentielles et de notre
manière de vivre chacune notre mission.
Une entente d’hébergement et de services nous
fut présentée par la vice-provinciale des Filles
de Jésus. Une fois acceptée, celles-ci poussèrent leur accueil jusqu’à nous inviter à choisir
nous-mêmes à l’Accueil Notre-Dame les locaux
qui répondraient le mieux à nos besoins. Elles
sacrifièrent leur salle
d’ordinateurs pour nous
donner un lieu de prière.
Elles sacrifièrent aussi
d’autres locaux pour
nous créer un espace
vital convenable.
Dans cette atmosphère
d’accueil et de respect
mutuel, nous vivons
déjà, depuis un an et
demi, sous le même toit
en réalisant chaque jour
un peu plus que notre
choix communautaire
nous a lancées dans
une heureuse aventure ! Une aventure qui
comprend bien des
avantages et, bien sûr,
des défis.
Monique Brûlé, fj , vice-provinciale des Filles de
Jésus et Sœur Huguette Boutin, ocd, prieure des
Carmélites.
Les défis
Le plus grand défi est sans aucun doute de garder
bien vivant le désir de vivre à fond nos valeurs
essentielles avec tout le dynamisme qu’il génère
dans le quotidien. Ne pas se replier sur soi !…
Continuer jour après jour de donner le meilleur
de nous-mêmes malgré les limites qu’imposent
le vieillissement. Continuer de s’entraider sur le
chemin de l’union à Dieu et de l’amour fraternel
dans notre vie érémitique et communautaire.
Le second défi : préserver coûte que coûte l’espace d’intériorité nécessaire à notre vie de prière,
de silence et de solitude. Les Filles de Jésus nous
sont d’une aide très précieuse par leur attitude
respectueuse et par leur discrétion. En plus, une
« portomatique » avec un code isole nos locaux du
reste de la maison. Nous pouvons donc continuer
notre vie de moniales en toute liberté.
- 14 -
Bulletin CRC - Été 2013
Présentement le défi de l’adaptation à un nouveau
milieu se situe dans le déjà fait, grâce à l’accueil
de nos hôtes, chacune se sentit assez vite chez
elle. L’horaire ajusté sans trop de tâtonnement
au rythme des âges comme au rythme de la
maison favorisa la détente et l’adaptation même
chez nos nonagénaires !
Le réajustement du travail selon les capacités
de chacune dans un carmel où la moyenne d’âge
atteint les 80 ans demeure un défi constant.
Garder nos aînées actives et autonomes autant
que faire se peut, répartir le travail d’entretien de
nos locaux, de buanderie, de lingerie, de secrétariat, d’économat, de bibliothèque entre celles
qui ont encore bon pied bon œil demande tout
un doigté.
Les avantages
Si notre choix communautaire comporte des
défis, il comporte aussi plusieurs avantages qui
permettent une continuité. Demeurer à TroisRivières nous garde enracinées dans notre
diocèse, impliquées dans notre Église locale et
favorise la vitalité de nos liens avec les personnes du milieu.
En ce qui allège notre vie : plus de soucis d’entretien, de réparation de bâtiments et de terrain,
plus de soucis d’embauchage et d’initiation du
personnel employé, plus de soucis de menus et
de préparation de repas, plus de soucis d’animation liturgique ni de sacristie, etc.
Toutes, nous apprécions beaucoup nos grandes
chambres insonorisées et fonctionnelles. Une
chambre idéale pour la prière, le travail et la
solitude. Un vrai « ermitage » !
Le service à la cafétéria donne à chacune l’opportunité de faire ses choix devant l’abondance et la
variété des mets avant de se retirer dans un petit
réfectoire réservé pour nous. Là, nous pouvons
selon la tradition monacale prendre nos repas en
silence en écoutant une lecture.
Les Carmélites de Trois-Rivières
L’infirmerie des Filles de Jésus étant ouverte à
nos sœurs qui en auraient besoin nous permet
de voir l’avenir sereinement du côté des soins de
santé. Quel avantage !
Ce qui nous rassemble
Rassemblées en un même mystère de communion, Filles de Jésus et Carmélites se retrouvent pour l’Eucharistie en un lieu commun : la
chapelle. Unies dans le Christ et avec le Christ
dans une unique offrande au Père pour la vie du
monde. Voilà le Centre de notre Alliance.
Nous découvrons chez les Filles de Jésus des
femmes d’une grande simplicité qui nous donnent
l’occasion de nous remettre en question; des
femmes de prière qui laissent transparaître dans
leur vie l’Humanité du Christ.
Abreuvées à la même Source, mues par un même
Esprit, nous allons par des missions différentes
témoigner du même AMOUR. Voilà pourquoi notre
choix communautaire se boucle en une heureuse
« ALLIANCE » !
Sœur Cécile Arsenault, ocd
Carmel de Trois-Rivières
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Bulletin CRC - Été 2013
F ondées en 1975 à Paris, les Fraternités
monastiques de Jérusalem s’implantent
à Montréal, le 26 septembre 2004. Le
cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque
du diocèse de Montréal, leur confie le sanctuaire Saint-Sacrement. Elles sont récemment
devenues membres de la CRC.
« Les frères et sœurs de Jérusalem ont pour
vocation particulière de vivre au cœur des
villes, au cœur de Dieu », lisons-nous sur leur
site Web (www.jerusalem-montreal.org/bienvenue.html). Comment se vit concrètement
cette vocation monastique citadine ? Le frère
Antoine-Emmanuel de la Fraternité monastique de Jérusalem répond à nos questions.
Le 20 mars 2013 : Vigile Pascale au Sanctuaire du Saint-Sacrement / © Pierre Alarie
Vivre la vie monastique
au cœur de la ville
Que signifie concrètement vivre la vie
monastique et contemplative au cœur de
la ville ?
Récemment il a été demandé à chaque membre
de la communauté une phrase qui résume le
sens de notre vie consacrée. En lisant ce que
mes frères ont écrit, j’ai été frappé de trouver une
sorte de convergence spontanée. L’un a écrit :
Quêter le visage de Dieu là où il est : au cœur du
monde, et y poursuivre le même combat que lui.
Un autre a mis ces mots : Chercher Dieu. Un troisième a écrit : Je suis à la recherche de Celui qui
m'a trouvé le premier. Chercher, quêter le visage
de Dieu : nous sommes en ville pour cela.
Notre Livre de Vie le dit ainsi : Tu n’as pas épousé
le monachisme citadin au titre de la solidarité, de
l’apostolat ou même du témoignage, mais d’abord
pour contempler Dieu gratuitement et incessamment, dans sa plus belle image qui est […] la cité
des hommes, visages du Visage de Dieu et reflets
de l’Icône du Christ (Livre de Vie de Jérusalem,
no 14). Je comprends notre vie comme une
patiente découverte de Dieu dans la ville. Une
découverte qui empoigne notre vie et en fait un
don à la cité.
Comment la vie monastique
traditionnelle vous a-t-elle influencés ?
Notre fondateur, frère Pierre-Marie, a beaucoup
écouté le témoignage séculaire de la vie bénédictine ou cistercienne. C’était indispensable
pour répondre à l’appel de l’Église qui demandait
« des moines pour l’an 2000 ». Nous avons ainsi
hérité d’une sagesse qui façonne le quotidien de
notre vie consacrée. Avec cette particularité que
frère Pierre-Marie n’a pas fait sien dans ce vécu
monastique ce qui, pour lui, ne s’enracinait pas
directement dans l’Évangile.
Il faut ajouter tout de suite que la vie bénédictine n’est pas la seule tradition dont nous nous
inspirons. J’en nommerais deux autres. D’abord
la voie tracée par Charles de Foucauld qui a
profondément réformé la vie consacrée en la
ramenant à la personne de Jésus, mais aussi une
tradition d’apologétique liturgique qui remonte
aux Pères de l’Église et qu’avait fait sienne le
cardinal Lustiger.
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Bulletin CRC - Été 2013
Quels sont les principaux défis ?
Je pense immédiatement au défi lié au décès de
frère Pierre-Marie, survenu le 21 février 2013.
Nous ne bénéficions plus de la présence physique
de notre fondateur. Il y a ici un défi d’humanité
qui est celui du deuil à vivre, à vivre ensemble
dans l’attention à chacun. À nous maintenant de
pousser de nouvelles racines dans le Seigneur
pour tenir bon et tenir ensemble.
Il nous faut en même temps nous mettre au
travail à la fois pour « déballer » l’héritage de frère
Pierre-Marie, et pour valoriser dans la confiance
la part du charisme que portent chaque frère et
chaque sœur de la communauté.
Il y a aussi les défis propres à notre époque.
Notre vie monastique n’est pas une vie figée,
nous ne sommes pas un musée Grévin de la
vie monastique. Notre prieur général nous a
récemment appelés à « nous laisser déplacer ».
Seigneur, à quel déplacement nous appelles-tu
pour que nous puissions te trouver dans la ville ?
Pour que notre vie soit « lisible » par les hommes
et les femmes de notre temps et qu’elle soit
contagieuse du goût de Dieu ? Je pense notamment à la nécessité d’apprendre le langage
des 20-30 ans d’aujourd’hui. Il nous faut une
nouvelle Pentecôte !
Qu’est-ce qui attire les jeunes qui
choisissent de rentrer chez vous ?
D’abord que des jeunes nous rejoignent, reste
pour moi un mystère. Comme mon propre appel
demeure pour moi un mystère ! C’est le mystère
de l’appel de Dieu. Au-delà de ce constat, je crois
que c’est la liturgie – le charisme liturgique que
le Seigneur nous a confié – qui attire les jeunes.
C’est aussi le fait que notre vie est franchement
et concrètement tournée vers Dieu sans pour
autant devoir nous en aller au fond d’un boisé. Je
suis convaincu que plus notre vie sera convertie,
donnée à Dieu, plus les jeunes accourront !
Comment se vit la relation avec les
Sœurs de la Fraternité monastique ?
Cette relation est constitutive de notre charisme.
Elle est, me disait un jour le père Raniero
Cantalamessa, ce que nous avons de plus
précieux et sur lequel nous devons beaucoup
Deux frères de la Fraternité monastique de Jérusalem / © Bertrand Ouellet
veiller. Cette relation se vit d’abord dans la célébration commune de la liturgie où s’exprime
notre différence sexuelle mise au service de la
louange de Dieu et du témoignage. Cette relation se traduit aussi par l’amitié entre frères et
sœurs, par la collaboration de la prieure et du
prieur, par notre collaboration au « rayonnement
évangélique » de nos fraternités. Nous sommes
clairement deux instituts religieux distincts avec
des logements distincts, mais nous ne sommes
pas séparables !
Quel lien faites-vous entre la nouvelle
évangélisation et la vie contemplative ?
Je vous avoue qu’au terme « évangélisation », je
préfère l’expression « annonce de l’Évangile »,
et il est clair que nous y sommes appelés ! Cet
appel, je le perçois d’abord comme un appel à la
conversion. J’annonce l’Évangile dans la mesure
où je me convertis. Cela étant dit, nous participons à l’annonce de l’Évangile par la liturgie
chantée en pleine ville et par le témoignage de la
prière silencieuse. Nous y participons en disant
Dieu humblement (j’espère !) et clairement dans
l’espace public, en témoignant de la vie fraternelle dans un monde occidental éclaté, mais
plus encore par la joie, et tout particulièrement
par la joie de savoir tous les humains appelés à
être demain citoyens de la Jérusalem céleste :
« Les yeux fixés sur cette heureuse fin, que ta vie
monastique cherche dès ici-bas à inaugurer l’éternité » (Livre de Vie de Jérusalem, no 65).
Frère Antoine-Emmanuel, fmj
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Bulletin CRC - Été 2013
Prière des Fraternités
monastiques de Jérusalem
Si le Seigneur t’en donne la grâce et si tu restes fidèle, la ville ne t’enlèvera pas
ta vocation monastique mais, au contraire, l’affirmera, l’épanouira.
Veux-tu connaître la solitude ? La ville n’est qu’une solitude.
Veux-tu vivre la communion ? Dans la ville, tout ensemble fait corps.
Tu veux être saint : la ville est sainte.
Sainte dès l’instant où elle est lavée par le sang du Christ sur la croix.
Sainte parce qu’un jour il fera d’elle son épouse belle.
Pour être un témoin, va dans la ville : elle est appelée Fidèle.
Pour être un juste, va vers elle : elle est dite Justice.
Si le moine est liturge, le temple où Dieu réside est au centre de la ville.
S’il est martyr, Jérusalem tue les prophètes et lapide les envoyés de Dieu.
Désires-tu anticiper le ciel ? Le ciel est une ville.
Te réjouir en Dieu ? Il crée pour toi la ville-joie.
Désires-tu voir Dieu ? L’ange te fait voir la Ville sainte venue de chez Dieu.
Rencontrer Dieu face à face ? Dieu demeure en la ville.
Veux-tu te fondre en Dieu ? Sois moine dans la Ville-Dieu.
© Fraternité Monastique de Jérusalem
C’est sur la ville qu’a été répandu le sang de l’Agneau :
le sang de la coupe, le sang de son front et le sang de son côté.
C’est sur la ville qu’est descendu le feu de l’Esprit Saint.
C’est sur la ville qu’a retenti la parole du Père.
Dans la ville, Jésus s’est battu contre le diable et l’a définitivement vaincu.
Dans la ville, Marie a vécu, Jésus a enseigné, les apôtres ont évangélisé,
prêchant le repentir, à commencer par Jérusalem.
Les prophètes ont prophétisé dans la ville, les prêtres y ont sacrifié,
les sages y ont parlé...
Les témoins ont témoigné dans la ville.
L’amante du Cantique cherche le Bien-Aimé en parcourant la ville.
Manquerait-il des veilleurs sur la ville ?
« Pour Sion je ne me tairai point...
Sur tes murailles, Jérusalem, je poste des veilleurs,
Ni de jour, ni de nuit, jamais ils ne doivent se taire ! »
Livre de vie de Jérusalem, no 134

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