Antanaclase - WordPress.com
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Antanaclase (et diaphore) BASE Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. (Pascal) L’auteur utilise plusieurs fois le même mot (dans un segment assez court), dans des sens différents. C’est une antanaclase. RÉFLÉCHISSONS-Y Le même exemple va nous servir de point d’appui pour raisonner – c’est le cas de le dire – car il faut être un peu plus précis pour s’assurer qu’on pourra reconnaître une antanaclase : Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. Deux mots forment une répétition, avec une variation de sens : le premier peut se traduire par « explication », tandis que le second se traduirait plutôt par « intelligence », capacité de raisonnement. Ces deux mots sont des homophones (ils se prononcent de la même façon) mais s’agit-il du mot même mot – pris dans deux sens différents – ou de deux mots différents ? Les raisons qu’on trouve à faire ou ne pas faire quelque chose, ça se passe dans la tête. L’intelligence aussi. C’est le même mot, mais il est polysémique, c’est-à-dire qu’il revêt des sens différents. L’antanaclase est bien la reprise d’un même mot dans un sens différent. Ce procédé joue sur la polysémie d’un mot, ce qu’il ne faut pas confondre avec : - l’homophonie qui joue sur l’identité phonétique de deux mots différents : « Ver », « vers », « vert », « verre » et « vair » sont des homophones : des mots différents (hétéronymes) qui se prononcent de la même façon. - la paronymie, proximité phonétique de deux ou plusieurs mots différents (hétéronymes dont les prononciations sont proches), comme dans l’expression : Qui vivra verra 1 . Un peu différente, l’antanaclase elliptique consiste à passer sous silence le deuxième terme du procédé. Il n’y a donc pas de répétition explicite mais plutôt sous-entendue (d’où l’appellation « antanaclase elliptique ») : Les gardiens de la paix, au lieu de la garder, ils feraient mieux de nous la foutre. (Coluche) Sous-entendu : « ils feraient bien de nous foutre la paix ». Le deuxième « paix » n’est pas donné – et c’est aussi ce qui nous amuse et fait d’ailleurs notre fierté : nous savons décoder l’implicite. 1 Voir éventuellement « Paronomase et paronymie », menu « Mieux connaître les procédés ». Catherine CHAHNAZARIAN – www.chahnazarian.wordpress.com – antanaclase (et diaphore) ANTANACLASE ET COMMENTAIRE COMPOSÉ On trouve dans Veiller tard de Jean-Jacques Goldman une variation de l’antanaclase célèbre de Pascal (dans le refrain de la chanson) et dans Juste quelques hommes de jolis effets que nous allons analyser quand vous aurez lu la chanson une première fois. VEILLER TARD JUSTE QUELQUES HOMMES Les lueurs immobiles d'un jour qui s'achève La plainte douloureuse d'un chien qui aboie Le silence inquiétant qui précède les rêves Quand le monde disparu l'on est face à soi Les frissons où l'amour et l'automne s'emmêlent Le noir où s'engloutissent notre foi nos lois Cette inquiétude sourde qui coule en nos veines Qui nous saisit même après les plus grandes joies Ces visages oubliés qui reviennent à la charge Ces étreintes qu'en rêve on peut vivre cent fois Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard Ces paroles enfermées que l'on n'a pas su dire Ces regards insistants que l'on n'a pas compris Ces appels évidents ces lueurs tardives Ces morsures aux regrets qui se livrent à la nuit Ces solitudes dignes au milieu des silences Ces larmes si paisibles qui coulent inexpliquées Ces ambitions passées mais auxquelles on repense Comme un vieux coffre plein de vieux jouets cassés Ces liens que l'on sécrète et qui joignent les êtres Ces désirs évadés qui nous feront aimer Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard Après les brumes, où commence le ciel Où les aigles reculent, où manque l’oxygène Où les grands froids règnent même au soleil Aux neiges éternelles Où rien ne pousse, où les âmes s’éteignent Où plus rien ne frisonne Plus rien ni personne Juste quelques hommes Quelques hommes Au fond des fonds, aux entrailles des mers Où les sirènes sombrent en leurs sombres repaires Plus loin que loin, aux extrêmes extrêmes Où plus un être n’ose Des astres éteints au sein des volcans même Où les laves fusionnent Ni rien, ni personne Juste quelques hommes Quelques hommes Au plus sauvage, où renoncent les fauves Dans les grands marécages où les humains pataugent Au bout du mal, où tous les dieux nous quittent Et nous abandonnent Dans ces boues noires où même les diables hésitent A genoux pardonnent Juste quelques hommes Quelques hommes justes Quelques hommes justes Jean-Jacques GOLDMAN, BMG, 1982 Jean-Jacques GOLDMAN, BMG, 1982 Examinons d’un peu plus près le travail réalisé dans Juste quelques hommes. « Juste quelques hommes » / « Quelques hommes justes » L’effet repose sur l’homophonie des deux mots – mots différents puisque l’un est un adverbe qui signifie « seulement », « à peine », et l’autre un adjectif qui signifie « en accord avec la justice ». Cette homophonie est d’autant plus intéressante qu’elle intervient dans la reprise d’un refrain que Goldman déforme à la fin de la chanson : il ajoute l’adjectif « justes », qui pourrait d’abord passer inaperçu étant donné l’alternance des trois mots « juste(s) », « quelques » et « hommes ». C’est la répétition du vers « quelques hommes justes » qui permet à l’auditeur de rapporter « justes » à « hommes » comme qualificatif, ce qui apporte un sens nouveau au refrain. La chute de la chanson n’est donc pas brutale, l’auditeur ne réalise pas brutalement que ces hommes sont justes, il est obligé de rapprocher les « hommes justes » des « quelques hommes » précédemment cités et de réfléchir, même brièvement, au Catherine CHAHNAZARIAN – www.chahnazarian.wordpress.com – antanaclase (et diaphore) fait que ces « quelques hommes » qui apparaissaient comme de survivants sont comme sélectionnés par la nature pour leur sens de la justice. C’est là que réside la portée morale du texte. Plus loin que loin, aux extrêmes extrêmes Ici, la signification des deux mots est fondamentalement la même, mais l’un est le nom tandis que l’autre est l’adjectif de la même famille, ce qui produit un effet plénonastique, sauf qu’un pléonasme est une erreur (car le deuxième terme, la reprise n’apporte rien) tandis qu’ici, le procédé est non seulement volontaire mais chargé de sens. Le deuxième « extrêmes » est porteur d’une insistance ou d’une emphase, d’un sens plus fort que le premier : des extrêmes extrêmes ! Ça, pour les puristes, ce n’est pas une antanaclase. C’est une diaphore. La diaphore se caractérise par cette différence d’intensité entre les deux mots, le sens du deuxième étant accentué. ATTENTION Répétition Même mot répété Même sens Antanaclase Même mot répété Sans différent Diaphore Même mot répété Homophonie Des mots différents sont rapprochés. Ils sont homophones mais… Des mots différents sont rapprochés. Ils se ressemblent phonétiquement… Le deuxième étant porteur d’un sens plus intense … pas homonymes, évidemment. Paronymie … mais n’ont bien sûr pas le même sens. Je t’aime, je t’aime, je t’aime Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines Aux extrêmes extrêmes Juste quelques hommes, quelques hommes justes Qui vivra verra Catherine CHAHNAZARIAN – www.chahnazarian.wordpress.com – antanaclase (et diaphore)