Pages de jurisprudence sociale n°28

Transcription

Pages de jurisprudence sociale n°28
Les
Pages
de
Jurisprudence Sociale
Novembre 2009 - n°28
Le motif économique du licenciement dans le secteur
non marchand : une jurisprudence inadaptée ?
Cour d’Appel de Grenoble Chambre sociale, 5 novembre 2008
Cour d’Appel de Grenoble, Chambre sociale, 7 avril 2008
Cour d’Appel de Lyon, Chambre sociale, 23 mai 2008
Cour d’Appel de Lyon, Chambre sociale, 4 février 2009
L
’est la loi du 2 août 1989 qui a introduit pour la première
C
fois en droit français la définition du licenciement
économique, par un article L. 321-1 libellé comme suit
e droit du licenciement économique s’applique à toutes les
entreprises, quel que soit leur secteur d’activité ou leur
forme juridique, qu’elles soient à but lucratif ou non (seuls
sont exclus les employeurs qui ne sont pas des entreprises,
comme les particuliers employeurs).
« constitue un licenciement pour motif économique le
licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs
motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une
suppression ou transformation d’emploi ou d’une
modification substantielle du contrat de travail, consécutives
notamment à des difficultés économiques ou à des mutations
technologiques ».
Il n’en demeure pas moins que cette matière s’est construite
essentiellement dans un contexte de mutations majeures de
l’économie au sens marchand du terme : désindustrialisation,
mutations
technologiques,
crises,
mondialisation/
délocalisation ou encore dématérialisation.
A cette occasion, le législateur a fait preuve d’une certaine
originalité en adoptant une rédaction « ouverte » puisque la
présence de l’adverbe « notamment » a eu pour conséquence
de transférer aux juges la mission de définir plus précisément
les limites de cette notion.
C’est ainsi que les dernières lois adoptées en matière de
licenciement économique l’ont été sous la pression des
restructurations, soit pour tenter d’en ralentir le rythme effréné
et d’en limiter les conséquences néfastes pour les salariés, soit
pour les faciliter et « sécuriser » les entreprises : loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2002, partiellement
suspendue par la loi Fillon du 3 janvier 2003, puis loi de
cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Cette « imprécision » était de toute façon nécessaire comme l’a
prouvé la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier
2002 qui a censuré la loi de 2001 modifiant l’article L. 321-1,
qui abandonnait le principe de la rédaction ouverte et
réservait le licenciement économique aux seules situations où
la pérennité de l’entreprise était en cause.
Bénéficiant de la sorte d’un espace de liberté, la
jurisprudence n’a pas limité le domaine du licenciement
La production jurisprudentielle tout aussi abondante, a été
Georges MEYER
Christian BROCHARD
SOMMAIRE
DÉBAT CONTRADICTOIRE
Le motif économique du licenciement
dans le secteur non marchand : une
jurisprudence inadaptée ?
Cour d’appel de Grenoble, 7/04/08
Cour d’appel de Lyon, 23/05/08
Cour d’appel de Grenoble, 5/11/08
Cour d’appel de Lyon, 4/02/09
RELATIONS INDIVIDUELLES
Congé de présence parentale
Cour d’appel de Grenoble, 25/03/09
Personnel de maison Temps de travail - Statut
Problème de la preuve
Cour d’appel de Lyon, 18/09/08
Vêtement de travail
Prise en charge de l’entretien des vêtements
de travail
Conseil des prud’hommes d’Annecy,
13/03/09
Rupture du contrat de travail
Auteur du licenciement
Cour d’appel de Lyon, 23/03/07
RELATIONS COLLECTIVES
Modification du contrat de travail
Modification des attributions - Résiliation
judiciaire du contrat de travail
Cour d’appel de Lyon, 12/12/08
Action en justice du comité d’entreprise
Désignation d’un mandataire - Absence de
délibération sur l’action à engager
Tribunal de grande instance de Lyon, référé,
28/01/09
Accident de service
Suicide
Tribunal administratif, 12/02/08
UES
UES et droits individuels à la participation
Cour d’appel de Grenoble, 31/03/09
Formation professionnelle
Le formalisme dans la gestion et la mise en
oeuvre du DIF
Conseil des prud’hommes de Lyon, 31/03/09
Licenciement
Accusation de faits de harcèlement moral et
sexuel non caractérisés - Abus de la liberté
d’expression
Cour d’appel de Chambéry, 7/07/08
Connexion Internet
Surveillance des salariés - Liberté de la
preuve
Cour d’appel de Grenoble, 8/12/08
1
Réintégration du salarié protégé
Le sursis à statuer
Cour d’appel de Lyon, 4/11/08
Grève
Nullité du licenciement pour faute grave
Cour d’appel de Lyon, 14/11/08
Contentieux Urssaf
Formalisme des mises en demeure
Cour d’appel de Grenoble, 26/11/08
élaborée dans ce contexte.
économique aux seules situations de difficultés
économiques ou de mutations technologiques mais y a
rajouté :
Le secteur non marchand (secteur au demeurant très
disparate) est composé de 150.000 entreprises et emploie
environ 1,8 millions de salariés.
Ses entreprises et ses salariés n’échappent plus aux fusions,
filialisations, absorptions et autres « optimisations de
l’organisation ». Cela touche notamment le secteur social et
médico-social, principalement sous la pression de ses
financeurs publics.
- la cessation d’activité de l’entreprise,
- la réorganisation de l’entreprise effectuée pour
sauvegarder la compétitivité de son secteur d’activités.
A ce jour, la Cour de cassation a fait le choix de ne pas
étendre plus avant la notion de motif économique.
Les quatre décisions des Cours d’appel de Grenoble et de
Lyon nous fournissent un prétexte pour évoquer les
licenciements économiques dans ce secteur. A l’image de la
jurisprudence de la Cour de cassation, ces arrêts ne
permettent pas de dégager des principes clairs.
Or, à la lecture des quatre arrêts, objet du présent débat
contradictoire, il semble que les magistrats qui ont retenu, à
tout le moins, l’existence d’une cause économique originelle
suffisante, ont éprouvé des difficultés pour motiver leurs
décisions et les rendre compatibles avec l’état de la
jurisprudence.
1. Chacun le sait, l’article L.1233 du code du travail (notre
ancien L. 321-1) définit l’élément causal du licenciement
économique par les difficultés économiques et les mutations
technologiques. L’emploi par le texte de l’adverbe «
notamment » a permis à la jurisprudence d’en créer deux
autres : la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de
l'entreprise ou du secteur d'activité et la cessation d'activité.
Dans ces conditions, il n’est pas sans intérêt de se demander
si celle-ci est adaptée au secteur non marchand ou s’il
convient de créer un nouveau motif de licenciement
économique.
1) Sur la notion de difficultés économiques
La jurisprudence est bien établie même si elle évolue par
sédimentation successive et par petites touches.
Cette notion n’est pas incompatible avec le secteur non
marchand dès lors qu’une association peut se trouver placée
dans une situation financière gravement obérée comme le
serait une société.
Ainsi, la notion de difficultés économiques renvoie
généralement à une baisse importante de chiffre d’affaires,
(Cass. soc., 11 juillet 1994, n° 93-40506), un déficit important
(Cass. soc., 6 juillet 1994, n° 93-40497) ou encore la
diminution conséquente de la rentabilité (Cass. soc., 3 mai
2001, n° 99-41558).
Ainsi, tant la Cour d’appel de Lyon dans son arrêt du 23 mai
2008 que la Cour d’appel de Grenoble dans celui du 7 avril
2008, ont mis en exergue, les pertes importantes des
associations mises en cause.
Mais il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence
constante que ne constituent pas un motif de licenciement
économique les difficultés financières passagère s
rencontrées par un employeur (Cass. Soc., 8 décembre 2004,
n°02.46-293, SA SOCOFRENC c/ LEONHARDT).
Quant à la compétitivité qui est sauvegardée par la nécessaire
réorganisation, elle désigne, par définition, la capacité de
l’entreprise ou du groupe à rester présent et sur un marché
donné en situation de concurrence (Cass. soc.
4 juillet
2006, RJS 11/06, n° 1043 et J-Y. FROUIN, retour sur la notion
de sauvegarde de la compétitivité, RJS 3/06, n° 187).
Quid alors de la situation d’une association dont le
financement résulte uniquement de subventions publiques,
et qui est aussi assurée que l’organisme de tutelle
interviendra pour assurer la poursuite de son activité ?
Le secteur associatif, en particulier le secteur social et médicosocial objet des arrêts commentés, est dépendant
financièrement (subventions, prix de journée) et
stratégiquement (par exemple dans le cadre des politiques
territoriales dites de « rationalisation » de l’offre de soins) des
administrations de tutelle : Conseils généraux, DDASS,
agences régionales de l’hospitalisation.
Dans ces circonstances, il semble difficile de considérer
qu’elle se trouve soumise à des difficultés financières de
nature durable.
Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 23 mai 2008, les
magistrats ont pris acte que le Conseil Général avait accepté
de « reprendre » le déficit de l’association mise en cause sous
réserve qu’elle se restructure.
La référence à la notion de difficultés économiques ou de
sauvegarde de la compétitivité peut alors paraître inadaptée.
Faut-il, sous l’égide de l’adverbe faire naître une nouvelle
cause résidant dans les exigences des financeurs qui
conditionnent l’octroi de ressources ?
Dans ces conditions, il n’existait plus de menace pour la
pérennité de l’association, à la date de notification de la
rupture, ce qui aurait pu amener la Cour d’appel à
considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A la lecture de ce seul arrêt, il est difficile de dire si les
magistrats ont entendu réserver un sort particulier à
l’appréciation des difficultés économiques dans le secteur
non marchand, ou si tout simplement, ils ont considéré
qu’ils pouvaient faire abstraction de la possibilité de
refinancement publique pour déterminer si les conditions
d’application de l’article L. 1233-3 étaient remplies.
Telle n’est pas la tendance de la jurisprudence.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du
17 octobre 2006 qu’une réorganisation de l'entreprise liée aux
prescriptions d'une autorité de tutelle ne constituait pas, en
soi, une cause économique de licenciement.
Il est intéressant de noter qu’un des moyens du pourvoi
soutenait que le caractère légitime de la réorganisation mise
en oeuvre par un organisme à but non lucratif devait
s'apprécier au regard des exigences de service public et des
décisions de l'organe de tutelle et non au regard de la
compétitivité de l'entreprise.
En tout cas, il y a manifestement deux poids deux mesures
dans l’appréciation des difficultés économiques, dès lors
qu’on imagine mal en l’état de la jurisprudence de la Cour
de cassation, qu’un licenciement économique au sein d’une
filiale puisse être validé dans le secteur marchand alors
même que la maison-mère aurait annoncé par avance
qu’elle assurerait le refinancement de ladite filiale.
Un positionnement clair de la Cour de cassation sur ce point
est donc souhaitable.
Cela pouvait s’analyser comme une tentative de création d’un
motif causal autonome, par ailleurs non défini, qui serait
propre au service non marchand : les exigences du financeur
public.
2) Sur la réorganisation
La Cour de cassation n’a pas accueilli cette proposition,
Georges MEYER
Christian BROCHARD
II
préférant s’en tenir à une solution classique en approuvant
la Cour d’appel qui « a fait ressortir que la réorganisation
invoquée (…) n'était justifiée ni par des difficultés
économiques, ni par les nécessités de la sauvegarde de la
compétitivité de l'entreprise » (Cass. soc. 17 octobre 2006 n°
04-43201, RJS 12/06, n°1265).
Le problème est encore plus aigu s’agissant de la
question de la réorganisation pour assurer la sauvegarde
de la compétitivité.
Dans son sens économique, la compétitivité est la
capacité à faire face à la concurrence, tant sur les
marchés externes que sur les marchés internes.
Ainsi, la Cour de cassation ne semble pas confirmer la
solution esquissée dans sa décision du 11 décembre 2001
citée par notre contradicteur. Elle avait alors considéré que
le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat
de travail « rendue nécessaire par l'intérêt du service offert au
public, par l'affluence des élèves en soirée et par l'obligation
de se conformer aux exigences du service public, constituait
une réorganisation » au sens de l’article L 1233 du code du
travail (Cass. soc., 11 décembre 2001, n° 99-42906)
Or, cette notion de concurrence est généralement absente
dans le secteur non marchand, ce qui rend la notion de
compétitivité totalement inadaptée.
Par ailleurs, les restructurations mises en place dans ce
secteur ne résultent généralement pas d’une décision de
l’employeur mais sont imposées par la tutelle.
Il faut cependant noter que le débat portait exclusivement
sur la qualification du licenciement, l’employeur soutenait
qu’il s’agissait d’un motif inhérent au salarié, et non sur sa
justification.
Ainsi dans l’arrêt du 23 mai 2008, celle-ci avait exigé une
réorganisation pour faire face aux difficultés financières
rencontrées et dans l’arrêt du 5 novembre 2008, aux fins
de rationnaliser l’offre de soin et réaliser des économies
de gestion.
En tout état de cause, la prudence s’impose dans la mesure
où les décisions rendues sont peu nombreuses.
Or, ce dernier motif va à l’encontre de la jurisprudence
constante de la Cour de cassation qui considère que le
fait pour une entreprise de vouloir faire des économies
ou rationnaliser sa production est en soi insuffisant pour
pouvoir invoquer les dispositions de l’article L. 1233-3 du
code du travail.
Il n’en demeure pas moins que l’on perçoit une difficulté à
appliquer les mêmes solutions au secteur dit non marchand
même s’il peut exister une certaine concurrence et si
certaines associations coexistent sur un « marché » avec des
entreprises à but lucratif.
Il semble d’ailleurs que la Chambre sociale de la Cour
d’appel de Grenoble ait « senti » que sa motivation était
un peu « juste », puisqu’elle a cru devoir faire référence,
de manière surabondante, au risque nature l
d’éboulements qui menaçait l’établissement de santé
considéré, situation qui au demeurant ne rentre pas plus
dans le périmètre de l’article L. 1233-3 du code du travail.
Il convient donc d’en déduire que l’état actuel de la
jurisprudence n’est pas adapté à la situation du secteur
non marchand qui a pourtant besoin, dans certains cas,
de se restructurer.
2. Cela est probablement plus aisé s’agissant du motif
tiré des difficultés économiques.
Ainsi dans sa décision du 23 mai 2008, la Cour d’appel de
Lyon a relevé l’existence d’un déficit cumulé depuis 2 ans de
près de 300 000 euros et l’acceptation de sa reprise par le
Conseil général, à condition de se conformer au cadre
budgétaire imposé, ce qui supposait une compression des
effectifs. Il est vrai que le motif économique n’était pas
discuté par les parties dans ce dossier.
La cause réelle et sérieuse est également retenue dans l’arrêt
du 4 février 2009, les juges de Lyon retenant que la fermeture
temporaire pour reconstruction d’un foyer allait entraîner
pour l’association une baisse significative de son activité et
une perte incontestable de revenus.
3) Sur la solution proposée
Or, la Cour de cassation a, par le passé, donné aux juges
du fond le moyen de résoudre ces problèmes.
Il en est de même dans la décision de la Cour d’appel de
Grenoble du 7 avril 2008 ; en l’espèce le commissaire aux
comptes avait alerté, à quatre reprises, le président de
l’association sur la situation compromettante de l’entreprise
et la situation financière était gravement obérée,
accompagnée d’une diminution de l’activité. Cela justifiait la
suppression du poste.
En effet, dans une décision du 11 décembre 2001,
concernant une association de type loi 1901 gérant un
conservatoire de musique, elle a retenu la motivation
suivante :
“... La Cour d’appel qui a constaté que l’employeur avait
invoqué, comme motif de licenciement, le refus du salarié
d’accepter une modification de son contrat de travail
rendu nécessaire par l’intérêt du service rendu au
public, a exactement décidé que cet objectif revendiqué
par l’association constituait une réorganisation au sens de
l’article L.321-1 du code du travail … »
3. Lorsque le licenciement est motivé par la nécessité de
sauvegarder la compétitivité, la transposition de la
jurisprudence apparait plus difficile.
Ainsi, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel qui
énonce que la sauvegarde de la compétitivité d'une
association pouvait se résumer à assurer sa pérennité au
regard du strict équilibre entre les recettes et les dépenses.
En l’espèce, elle avait relevé que la réorganisation avait
conduit au versement des subventions dont l'association
avait besoin pour survivre (Cass. soc., 2 avril 2008,
n° 07-40640).
Ce faisant, la juridiction suprême a donc créé à cette
occasion un équivalent à la sauvegarde de la
compétitivité à savoir, l’intérêt du service offert au public.
Certes, cette terminologie n’est pas totalement
satisfaisante car il peut être soutenu que de nombreuses
entreprises du secteur marchand rendent un service à
leurs clients.
Ce que semble également illustrer l’arrêt de la Cour d’appel
de Grenoble du 5 novembre 2008. Cette affaire aurait pu
permettre un débat sur la sauvegarde de la compétitivité
mais cet argument ne semble pas avoir été discuté en tant
que tel par les parties.
Dans ces conditions il serait préférable de se référer à la
notion « d’intérêts du service public » particulièrement
adaptée au domaine hospitalier ou au milieu socioéducatif.
Pourtant aucune difficulté n’était réellement invoquée ; la
lettre de licenciement faisait référence à une « injonction de
la tutelle relative à une rationalisation de l’offre de soins et de
réaliser des économies de gestion », et les juges ont également
Georges MEYER
Christian BROCHARD
III
Le principe serait alors le suivant :
« Lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés
économiques ou des mutations technologiques, une
réorganisation ne peut constituer un motif
économique que si elle est effectuée pour sauvegarder
la compétitivité du secteur d’activité d’un employeur
du secteur marchand ou est prise dans l’intérêt du
service public (ou du service au public) pour le secteur
non marchand ».
Le licenciement pour difficultés économiques stricto sensu
serait alors réservé au seul cas de perte de financement
public.
Christian BROCHARD
Avocat au Barreau de Lyon
SCP Joseph AGUERA & Associés
[email protected]
retenu un ratio d’encadrement du double de celui des
établissements situés aux alentours.
Et la Cour d’en déduire l’existence d’un motif de licenciement
sans réellement qualifier l’élément causal.
4. Il est possible de déduire de ces décisions que l’appréhension
de la sauvegarde de la compétitivité reposerait alors plus
directement (exclusivement ?) sur la notion de menace sur
l’avenir de l’entreprise que sur la nécessité de rester
compétitif dans un environnement concurrentiel (Philippe
WAQUET : La cause économique du licenciement, Dr. soc. 2000,
p. 168). La menace serait la suivante : à défaut de
réorganisation, l’entreprise n’obtiendra pas le financement, ce
qui la conduirait à d’inévitables difficultés économiques.
Dans cette hypothèse, il appartiendra néanmoins à l’entreprise
de démontrer l’existence des menaces (inadaptation de
l ’ o rg anisation existante, risque de ne pas obtenir le
financement, adéquation entre la situation de l’entreprise et les
mesures affectant l’emploi).
Dès lors il ne paraît pas nécessaire de créer un motif
économique spécifique au secteur non marchand et tiré de
« l’intérêt du service public » car son contenu n’est pas défini et
il est à géométrie très variable en raison
de son caractère éminemment politique.
Georges MEYER
Avocat au Barreau de Lyon
SELARL DELGADO & MEYER
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
Cour d’appel de Grenoble
C h a m b re sociale
5 novembre 2008,
« La Cour d’appel a retenu l’existence
d’une cause économique réelle et
sérieuse en retenant que l’ARH (Agence
Régionale de l’Hospitalisation) était bien
l’organisme qui pouvait imposer une
contrainte économique à une fondation,
en l’espèce la fusion de deux de ses
établissements.
Que le C. a été informé par les autorités
de tutelles de la nécessité de rationnaliser
son offre de soins et de réaliser des
économies de gestion, notamment au
regard du ratio d’encadrement des
patients qui est le double de celui des
établissements situés aux alentours et de
la baisse régulière, depuis plusieurs
années, de l’activité face à des moyens
en personnel en augmentation.
Que le PSE établi en février 2007 précise
au paragraphe relatif aux raisons de la
fusion qu’en 2000, le CEMAGREF mettait
en exergue les risques naturels
(avalanches, éboulements, glissements
de terrain) qui menacent le plateau des
Petites Roches (où est situé le C.) et que
le Préfet incitait les établissements de
santé à se délocaliser dans la vallée ;
qu’en 2004, la mission d’appui « Soins de
suites et de Réadaptation de l’ARH »
insistait sur la nécessité absolue pour
l’établissement de mettre en place une
organisation hospitalière visant à une
réduction des coûts de fonctionnement
(notamment
des
charges
de
personnel)» .
Cour d’appel de Grenoble
C h a m b re sociale
7 avril 2008,
« A quatre reprises, Monsieur L,
commissaire
aux
comptes
de
l’association DS, a écrit au président de
cette association en application
de la loi du 1er mars 1984 relative à la
prévention des difficultés des entreprises,
pour attirer son attention sur la situation
de
l’association
de
nature
à
compromettre
la
continuité
de
l’exploitation.
La situation, gravement obérée de
l’association, l’a conduite fin 2004 à
l’élaboration d’un projet d’établissement
destiné à rétablir, sur cinq années à venir,
un équilibre financier.
L’Agence Régionale de l’Hospitalisation
de Rhône-Alpes a approuvé le 18 mai
2005 ce projet.
A l’effet de diminuer ses coûts de
fonctionnement, l’association a été
amenée en concertation avec l’Agence
nommée ci-dessus, à envisager le
regroupement de ses activités dans un
seul site au lieu des trois sites existants.
S’il n’est pas douteux que la construction
et
l’aménagement
d’un
nouvel
établissement avait un coût, ce dernier
était largement financé par la vente du
patrimoine immobilier de l’association.
L’association a décidé, en raison de la
diminution de l’activité concernant les
enfants et les adolescents constatés
depuis 1999, la suppression de deux
postes éducatifs et de convertir un poste
d’auxiliaire de puéricultrice en aidesoignante.
La situation financière, gravement
obérée de l’association, et la diminution
importante de l’activité concernant les
enfants et les adolescents, justifiait la
suppression de son poste ».
Cour d’appel de Lyon,
C h a m b re sociale,
arrêt 23 mai 2008
« La lettre de licenciement du 10 avril
2006 retrace les difficultés économiques
de la résidence A. qui a enregistré un
déficit cumulé depuis 2003 de près de
IV
300 000 euros et
pour laquelle le Conseil Général a fait
procédé à un audit qui a mis en
évidence une charge de frais de
personnel administratif trop élevé ; la
lettre ajoute que le Conseil Général a
accepté la reprise du déficit sur trois ans
à condition de se conformer au cadre
budgétaire qui suppose une compression
des effectifs ; la suppression du poste de
directrice y est précisé.
Les parties ne remettent pas en question
les difficultés financières de l’association
A, lesquelles ont été précédemment
résumées. »
Cour d’appel de Lyon
C h a m b re sociale,
4 février 2009
« Monsieur S a été licencié motif pris de la
suppression de son poste consécutif au
projet de fermeture temporaire pour
reconstruction du foyer V devant
entraîner pour l’association une baisse
significative de son activité et une perte
incontestable de revenus.
Il n’est pas contesté qu’en conformité
avec les énonciations des pièces
communiquées aux délégués du
personnel,
la
démolition
et
la
reconstruction de l’un des deux foyers
gérés par l’association a eu pour
conséquence d’entraîner une cessation
partielle de l’activité pendant une durée
d’environ trois ans et de générer du
même coup une perte de revenus pour
l’association qui ne pouvait, sans
rencontrer
de
graves
difficultés
économiques, continuer à verser
pendant plusieurs années des salaires à
des personnes ne travaillant plus.
La réalité du motif économique devait
s’apprécier au niveau de l’entreprise,
l’existence de difficultés économiques
doit être retenue comme établie ».
Relations Individuelles
Congé de présence parentale
Cour d’appel de Grenoble, 25 mars 2009
EXPOSE DES FAITS
Une salariée de retour d’un
congé de présence parentale
ayant refusé les propositions de
réintégration de l’employeur
considérant que ce dernier
aurait agi de mauvaise foi, se
trouve licenciée pour faute
grave en raison de son insubordination.
La Cour d’appel de Grenoble
retient que la salariée a refusé à
tort la proposition loyale de
réintégration formulée par
l’employeur et juge que le
licenciement est fondé sur une
faute grave de la salariée.
OBSERVATIONS
L’arrêt rendu par la Chambre
sociale de la Cour d’appel de
Grenoble le 25 mars 2009 illustre, une fois n’est pas coutume,
l’attitude abusive d’une salariée
qui au retour d’un congé de présence parentale s’était vue proposer de réintégrer son ancien
emploi.
Le congé de présence parentale
est régi par les dispositions des
articles L. 1225-62 à L. 122565 du code du travail, qui prévoient notamment qu’«à l’issue
du congé de présence parentale,
le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération
au moins équivalente ».
Bien que la tendance commence à s’inverser, il est
constant que le congé de présence parentale est très majoritairement pris par les femmes.
Nombre sont celles qui à l’issue
de cette parenthèse que la loi
leur permet dans leur carrière
professionnelle, tout en leur
assurant une réintégration à
l’issue, subissent du fait de leur
retour une mise à l’écart.
Ce frein net et brutal apporté au
déroulement de leur carrière
sanctionnant à l’évidence la
période d’indisponibilité pour
parentalité, perçue par l’employeur comme un défaut de
motivation voire une déloyauté,
se manifeste soit par la proposition d’un poste assorti d’une
perte de responsabilité, soit (et
cela va quelque fois de pair) par
une absence de toute évolution
ultérieure.
Si le législateur a imposé l’obligation de réintégration dans
l’emploi précédent ou un
emploi similaire assorti d’une
rémunération au moins équivalente, il n’existe de fait aucun
moyen d’empêcher eff e c t i v ement un employeur de sanctionner le salarié ayant bénéficié d’un congé de présence
parentale.
La preuve du lien entre le gel du
déroulement de carrière et le
congé de présence parentale est
éminemment difficile à rapporter dès lors que l’employeur
pourra toujours démontrer avoir
scrupuleusement respecté son
obligation de réintégration dans
un emploi similaire.
Dans la majorité des cas, les
salariés de retour d’un congé
parental acceptent le nouveau
poste proposé en dépit de la
rétrogradation de fait qu’il
constitue (dans l’espoir de faire
à nouveau ses preuves et de
pouvoir progresser à l’avenir,
tout en conservant son emploi)
ou démissionnent (espérant
ainsi faire carrière auprès d’une
autre entreprise, auprès de
laquelle ils se présentent sans
être marqués du sceau de la
parentalité).
Il arrive toutefois que l’em-
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu qu’il est incontestable que
Laurence A. ne pouvait imposer ses choix
à son employeur en vue de la reprise de
son travail au lieu et aux conditions qu’elle
avait fixées ;
Que dès lors qu’elle refusait la proposition
loyale
de
réintégration
qui
lui
ployeur propose loyalement au
salarié de réintégrer son emploi
précédant et de tenter de répondre aux demandes du salarié
revenant du congé de présence
parentale et qui souhaite tant un
aménagement de son temps de
travail qu’un changement d’affectation géographique.
Tel est le cas qui a été soumis à
l’examen de la Cour d’appel de
Grenoble qui a pu constater que
la salariée qui avait déménagé
dans un département limitrophe
pendant son congé de présence
parentale avait sollicité d’être
réintégrée dans un poste plus
proche de son nouveau domicile.
Son employeur a alors proposé
un poste répondant aux critères
professionnels de la salariée,
mais sur une autre affectation
géographique, refusée par la
salariée.
Face à ce refus, l’employeur a
mis en demeure la salariée de
réintégrer son ancien emploi,
puis l’a licenciée pour faute
grave.
Après avoir constaté que
contrairement aux allégations
de la salariée, celle-ci n’avait
pas accepté la proposition de
poste à Saint-Priest, dans la
mesure où elle avait maintenu
un refus de toute période de formation et de toute mobilité ultérieure, la Cour retient qu’en ne
se présentant pas pour réintégrer son ancien emploi, la salariée a fait preuve d’une insubordination justifiant son licenciement immédiat.
La Cour sanctionne ici la résistance abusive de la salariée qui
outre le fait qu’elle n’a avisé
l’employeur de ses désidératas
et notamment de son changement de domiciliation que deux
mois avant le terme du congé
parental, a refusé toutes les pro-
était faite selon les critères souhaités, elle
n’avait d’autre possibilité que de réintégrer son ancien emploi ;
Attendu qu’en se refusant à le faire et en
persistant dans son refus pour tenter de
faire prévaloir ses desiderata, Laurence A.
a fait preuve d’une
insubordination
justifiant son licenciement immédiat… »
V
positions de l’employeur, y
compris celles de réintégrer son
précédent emploi.
La Cour de cassation a toutefois
eu l’occasion de censurer une
Cour qui avait rejeté une
demande d’indemnité de rupture et de dommages intérêts
d’une salariée qui à l’issue de
son congé de présence parentale avait sollicité sa réintégration dans une autre agence, du
fait d’un changement de domicile pour des raisons familiales
sérieuses, sans expliquer les raisons objectives qui s’opposaient à ce que l’un des postes
disponibles lui soit proposé,
considérant que l’employeur
informé depuis plusieurs mois
de cette situation, en décidant
de maintenir la salariée dans
son agence d’origine, portait
atteinte de façon disproportionnée à la liberté de choix du
domicile de l’intéressée et violait son obligation d’exécution
de bonne foi du contrat de travail (Soc., 24 juillet 2007, n°0540.639).
La Cour de cassation impose
par ailleurs que lorsque l’emploi précédent est disponible,
celui-ci soit obligatoirement
proposé au salarié (Soc., 27
octobre 1993, Bull Civ., n°253).
La jurisprudence, on le voit,
tente de rendre effective la protection voulue par le législateur
et pourtant tellement difficile à
imposer dans les faits.
Mélanie CHABANOL
Avocat au Barreau de Lyon
SCP D’AVOCATS MASANOVIC, PICOT, DUMOULIN,
THIEBAULT & CHABANOL
[email protected]
Cour d’appel de Grenoble,
Chambre sociale,
25 mars 2009
Laurence A. / C. Agricole Rhône Alpes
Personnel de maison
Temps de travail - Statut - Problèmes de preuve
Cour d’appel de Lyon, 18 septembre 2008
EXPOSE DES FAITS
Madame E. est entrée au service de
Monsieur L., propriétaire à SAINT-JULIEN
SOUS MONMELAS du « Château de la
Combière », à compter du 1er février 2004
et en qualité de gardienne d’immeuble selon
elle, à temps complet, comme employée de
maison à temps – très – partiel selon
l’employeur, sans qu’aucun contrat de
travail ne soit établi, mais avec mise à
disposition d’un logement, d’abord de façon
informelle, puis dans le cadre d’un bail à
usage d’habitation.
Madame E. a été licenciée par lettre du
22 juillet 2006, faisant état d’un motif
économique inconsistant (« strictes raisons
financières »), avant que l’employeur
n’invoque, également par écrit et avant tout
contentieux, des « dérives de comportement
inacceptables » de la part de l’intéressée.
De cet aimable embrouillamini, la salariée a
su tirer des prétentions percutantes,
aboutissant, dans un premier temps et par
jugement du Conseil de prud’hommes de
Villefranche-sur-Saône du 27 septembre
2007, d’une part à la requalification de son
emploi en « gardienne de propriété privée »
à temps plein et la condamnation
subséquente de Monsieur L. à lui verser plus
de 28 000 euros à titre de rappel de salaires
outre congés payés, et d’autre part à
l’allocation de dommages-intérêts pour
licenciement injustifié, le tout assorti d’une
exécution provisoire (dont la liquidation
donnera d’ailleurs lieu à un contentieux
connexe).
Par arrêt du 18 septembre 2008 dont il y a
lieu de relever le caractère exclusivement
factuel de la motivation, la Cour d’appel de
Lyon a confirmé cette décision concernant le
caractère injustifié du licenciement (tout en
minorant le montant des dommages-intérêts)
mais, l’infirmant pour le reste, débouté
Madame E. de l’intégralité de ses demandes
de salaires.
OBSERVATIONS
Le prononcé de cet arrêt, que l’on devine
rendu dans un contexte particulier et en tout
cas marqué par le flou juridique entourant la
relation contractuelle, est l’occasion de
rappeler quelques règles de preuve
concernant la teneur et l’exécution du
contrat de travail (la question du
licenciement n’appelant pas en l’espèce de
commentaire particulier).
Rappelons d’abord que tout travail salarié à
temps partiel doit faire l’objet d’un contrat
écrit (même si, dans certaines hypothèses
marginales non concernées par la présente
espèce, le Chèque Emploi Service peut en
tenir lieu), conformément à l’article
L. 3123-14 du code du travail.
A défaut, il sera présumé être à temps
complet ; mais il s’agit d’une présomption
simple, dont la preuve contraire est
admissible (jurisprudence ancienne et
constante, cf. cass. soc., 26 janvier 2005,
n°02-46-146, Bull. Civ. V n°27).
En l’espèce la Cour, s’appuyant sur des
attestations et surtout sur les indications de
la salariée elle-même, retenant ainsi et sans
l’exprimer une sorte d’aveu judiciaire, a
considéré que cette preuve était rapportée.
Rappelons également que la preuve du
nombre d’heures de travail effectuées (dont
le régime ne diffère pas pour le personnel
de maison, cf cass. soc, 19 mars 2003,
n° 00-46-686, Bull. Civ, V, n°103), qu’il
s’agisse d’heures complémentaires ou
supplémentaires, n’incombe spécialement à
aucune des parties, conformément aux
dispositions de l’article L. 3171-4 du code
du travail, qui déroge au droit commun de la
preuve issu du code civil, dont chacun sait
qu’il impose au demandeur de démontrer le
bien fondé de ses prétentions.
Signalons à cet égard que la Cour de
cassation, par un arrêt du 10 mai 2007
(n° 05-45-932, Gomes c/ EDF-GDF),
cassant une décision de la Cour de
Versailles, a entendu mettre un terme à
certains atermoiements des juridictions du
fond (qui avaient tendance à débouter les
salariés étayant leurs demandes sans
toutefois parvenir à rapporter la preuve
formelle de leur bien fondé, faisant in fine
ressurgir le droit commun proscrit par le
texte précité), en affirmant que « le juge ne
peut rejeter
une demande en paiement
d’heures complémentaires aux motifs que
les éléments produits par le salarié ne
prouvent pas le bien fondé de sa demande».
Manifestement en présence d’attestations
contradictoires et peu probantes par ellesmêmes, la Cour d’appel de Lyon,
empruntant la même démarche que
précédemment, s’agissant de la nature du
contrat, s’est appuyée sur les propres
affirmations de la salariée.
Celle-ci indiquait (« après avoir pris
conseil », précise la Cour avec un soin
presque ironique), n’avoir été réellement
disponible à temps complet que durant 18
jours en août 2006 (alors que le licenciement
avait déjà été notifié), et se prévalait par
ailleurs du travail fourni par des membres de
sa famille pour l’aider, durant les weekends, à l’entretien du parc, et dont elle
demandait le paiement.
Il n’en fallait pas davantage à la Cour : des
18 jours à temps complet invoqués, elle
déduit qu’en dehors de cette période, la
salariée travaillait nécessairement à temps
partiel ; et elle rappelle, s’agissant de l’aide
familiale, que nul n’est fondé à réclamer le
paiement d’heures de travail effectuées par
autrui, ce qui relève d’une évidence qu’il
n’était peut-être pas inutile de rappeler dans
une telle affaire.
De ces constats, la Cour conclut qu’il y a
lieu de débouter la salariée de l’intégralité
de ses demandes de rappels de salaire, non
VI
sans relever par ailleurs (dans un
considérant qui mériterait à lui seul un
commentaire approfondi), que « les tâches
confiées (à Madame E.) n’étaient pas l’objet
principal de la convention liant les parties »,
qui serait en réalité le logement de la
salariée.
Cette décision se révèle doublement cruelle
pour cette dernière : non seulement elle
infirme avec rudesse un jugement très
(trop ?) favorable à ses intérêts et de surcroît
assorti de l’exécution provisoire, mais elle
s’appuie sur la propre argumentation de la
salariée, qu’elle semble tenir pour
globalement non crédible, se permettant dès
lors de ne pas entrer dans le détail chiffré de
ses demandes.
La motivation – n’échappant pas à une
certaine confusion – de cet arrêt, qui illustre
la difficulté qu’il peut y avoir à statuer
uniquement sur la base d’attestations (dont
chacun sait qu’elles ne sont jamais
totalement neutres dans ce genre d’affaire),
n’est pas entièrement satisfaisante sur le
plan du droit.
Ainsi qu’il a été dit, l’absence de contrat
écrit fait présumer une collaboration à temps
complet : si la preuve contraire est
recevable, c’est à la condition que celle-ci
permette d’établir non seulement le principe
d’une activité à temps partiel, mais aussi ses
caractéristiques essentielles, et au premier
chef le temps de travail.
Force est de constater qu’en l’espèce,
l’employeur n’avait pas réellement satisfait
à cette exigence et qu’en droit, l’arrêt
rapporté ne peut être totalement approuvé.
En statuant en équité et en exploitant autant
qu’il lui était possible les éléments de pur
fait soumis à son appréciation, la Cour
rappelle à chacun, et dans l’intérêt bien
compris de tous, la nécessité de consacrer
par écrit l’existence d’un contrat de travail,
y compris entre un châtelain et une personne
ayant besoin d’un logement…
Karine THIEBAULT
Avocat au Barreau de LYON
SCP D’AVOCATS MASANOVIC, PICOT,
DUMOULIN, THIEBAULT &
CHABANOL
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Aucun contrat de travail n’a été établi
par les parties ( …)
« Monsieur L. produit de nombreuses
attestations aux termes desquelles
Madame E. n’exerçait ni fonction de
gardiennage ni travaux de gros
entretien du parc, certains témoins
indiquant l’avoir vue entretenir les
massifs de fleurs (…)
« Il convient de relever que la demande
de Madame E. établit qu’elle n’était
pas employée à temps plein et
que quelle que soit la réalité et
l’ampleur des tâches effectuées par les
membres de sa famille au service de
Monsieur L., elle ne peut obtenir
paiement à son profit des heures de
travail effectuées le cas échéant par
ces derniers. (…)
Par ailleurs il résulte de l’attestation de
Madame B. qu’elle a mis en relation
Monsieur L. et Madame E. qui était à la
recherche non pas d’un travail mais
d’un logement et que les tâches
confiées n’étaient pas l’objet principal
de la convention liant les parties. (…) »
« Ainsi, si l’absence de contrat écrit fait
présumer que l’emploi est à temps
complet, il résulte des réclamations
effectuées par la salariées elle-même
qu’elle travaillait à temps partiel. (…)
Cour d’appel de Lyon,
Chambre sociale B,
18 septembre 2008,
LECHERE c/ EPINAT
Modification du contrat de travail
Modification des attributions - Résiliation judiciaire du contrat de travail
Cour d’appel de Lyon, 12 décembre 2008
EXPOSE DES FAITS
Le salarié M. S. est entré au service de la
société C.L. le 19 janvier 1999 pour
occuper des fonctions de magasiniercariste.
Il a été victime d’un accident du travail le
1er avril 2001 et n’a jamais repris son
activité dans l’entreprise.
Le 14 janvier 2005, le salarié a saisi le
Conseil de prud’hommes de Lyon afin
d’obtenir la résiliation judiciaire de son
contrat de travail en raison d’une exécution
déloyale de ce dernier par son employeur.
En novembre 2006, il était déclaré inapte à
tout poste par le médecin du travail.
Par lettre recommandée du 12 décembre
2006, la société procédait au licenciement
du salarié en raison de son inaptitude et de
l’impossibilité de procéder à son
reclassement.
Le Conseil de prud’hommes a retenu
l’existence d’une exécution déloyale du
contrat de travail par l’employeur mais
n’en a pas tiré les conséquences s’agissant
de la rupture du contrat de travail puisqu’il
n’a pas prononcé la résiliation sollicitée
par M. S.
Il s’est contenté de condamner la société
C.L. à verser à son ancien salarié,
différentes sommes à titre de dommages et
intérêts.
La société a interjeté à titre principal appel
de cette décision, le salarié a, quant à lui,
formé un appel incident.
La Cour d’appel de Lyon a confirmé la
décision de première instance en ce qu’elle
a caractérisé une exécution déloyale du
contrat de travail par l’employeur
considérant que ce dernier avait procédé à
une modification des fonctions du salarié,
laquelle devait être qualifiée de
modification unilatérale du contrat de
travail.
La Cour a également relevé différents
manquements de l’employeur, notamment
en matière de sécurité, ce qui l’a conduite à
considérer que la société avait commis des
fautes d’une gravité telle qu’elles
pouvaient justifier la résiliation judiciaire
du contrat de travail à ses torts.
OBSERVATIONS
Il convient d’abord de relever que
nonobstant le licenciement du salarié en
raison de son inaptitude et de
l’impossibilité de reclassement, la Cour a
accueilli favorablement la demande de
résiliation
judiciaire
présentée
antérieurement à ce licenciement. Elle a
fait là application d’une jurisprudence
parfaitement établie selon laquelle le juge
prud’homal, saisi d’une demande de
résiliation judiciaire, et ce, alors même que
le salarié est licencié ultérieurement, se
doit de rechercher d’abord si la demande
de résiliation est fondée, en cas de réponse
négative, il doit alors se prononcer sur le
bien fondé de la mesure de licenciement
(Cass. soc., 21 mars 2007, n°06-40.650).
En d’autres termes, la rupture du contrat de
travail n’annihile pas la demande préalable
qui est faite au juge de prononcer la
résiliation du contrat.
A l’appui de sa demande de résiliation
judiciaire, le salarié évoquait diff é r e n t s
manquements de son employeur mais
l’essentiel de la discussion portait sur le
fait de savoir si ce dernier avait modifié de
façon unilatérale le contrat de travail du
salarié.
M. S. initialement embauché en qualité de
magasinier-cariste s’est vu confier des
tâches de livraison.
L’employeur soutenait qu’elles étaient
occasionnelles, le salarié, quant à lui,
considérait qu’elles étaient fréquentes,
voire permanentes.
La Cour a tranché et, s’appuyant sur les
attestations versées aux débats par le
VII
salarié, lui a donné raison. Elle a considéré
que ses interventions comme livreur étaient
récurrentes et qu’en conséquence
l’employeur avait modifié son contrat de
travail.
Il est possible, néanmoins, de se demander
si le débat relatif à la fréquence des
livraisons réalisées par Mr S. avait
vraiment lieu d’être.
En effet, la nature même des tâches
confiées au salarié, et ce quelle que soit
leur importance, aurait, nous semble-t-il,
permis à la Cour de se prononcer sur
l’existence ou non d’une modification du
contrat de travail.
En vertu d’une jurisprudence constante, le
principe est aujourd’hui acquis qu’une
simple modification des attributions du
salarié ne constitue pas en soi une
modification du contrat de travail mais une
modification de ses conditions de travail
qui peut lui être imposée (Cass. soc., 29
novembre 2007, n°06-43.979).
Est ici visée l’hypothèse dans laquelle
seules les modalités d’exercice de la
fonction sont modifiées (pour exemple : un
agent d’entretien passant du nettoyage des
appartements à celui des parties communes
d’une copropriété (Cass. soc., 24 avril
2001, n°98-44.873).
En revanche, si les nouvelles attributions
ont pour conséquence un changement de
qualification, la modification du contrat de
travail, qui elle suppose l’accord du salarié,
sera caractérisée (Cass. soc., 2 février
1999, n°96-44.340).
En l’espèce, il est flagrant, que n’entrent
pas dans la qualification d’un magasiniercariste, salarié par définition sédentaire,
des tâches de chauffeur-livreur.
Il semble donc possible de soutenir que
même ponctuelles, les opérations de
livraison réalisées par le salarié, sortaient
du cadre contractuel et pouvaient
s’analyser non pas en une simple
modification des conditions de travail mais
en une véritable modification du contrat de
travail.
Pour autant, si comme le soutenait l’employeur, le salarié
n’effectuait des tâches de livraison que de façon très épisodique il
n’est pas certain que la Cour en serait arrivée aux mêmes
conclusions.
En effet, pour être prononcée, la résiliation judicaire du contrat de
travail aux torts de l’employeur suppose que soit établi un
manquement d’une gravité suffisante (Cass. soc., 15 mars 2005,
n°03-41.555).
Or, si la société C.L. s’était contentée de demander au salarié
d’assurer quelques « dépannages » comme chauffeur livreur, la
Cour n’aurait certainement pas caractérisé un manquement d’une
gravité telle qu’il justifiait la résiliation judiciaire du contrat de
travail.
Philippe GAUTIER
Avocat au Barreau de Lyon
SELARL CAPSTAN RHONE ALPES
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Il est ainsi établi que loin d’être occasionnelles, les tâches
de chauffeur livreur étaient accomplies tous les jours et
plusieurs fois par jour par Lamine S.;
cette nouvelle tâche, l’appelante n’a pas exécuté
loyalement le contrat de travail. La décision des premiers
juges doit être confirmée sur ce point ; »
Cette tâche ne correspondait pas à la qualification du
salarié. En la lui confiant, la SARL C. L. a procédé à une
modification du contrat de travail de Lamine S.. En ne
requérant pas l’accord de l’intéressé avant de lui adjoindre
Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale,
12 décembre 2008
Société Cartaix Logistique c/ Semakdji
Vêtements de travail
Prise en charge de l’entretien des vêtements de travail
Conseil de prud’hommes d’Annecy, 13 mars 2009
EXPOSE DES FAITS
Des agents, salariés de la SA ELECTRICITE RESEAU
DISTRIBUTION FRANCE (ERDF) et la SA GAZ RESEAU
DISTRIBUTION FRANCE (GRDF) ont saisi la juridiction
prud’homale afin de solliciter la prise en charge du nettoyage de
leurs vêtements de travail, par leurs employeurs.
Les agents ont fait valoir, à l’appui de leur action, que la
règlementation relative à l’hygiène et à la sécurité visée par le code
du travail ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation en la
matière leur était applicable.
Ils réclamaient la prise en charge du nettoyage au coût réel de
l’entretien.
Les entreprises ont conclu au débouté en exposant notamment que le
statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières,
qui prévoit que l’entretien des vêtements incombe exclusivement
aux agents, devait s’appliquer.
Le Conseil de prud'hommes d’Annecy, statuant en départage, écarte
l’argumentation développée par ERDF et GRDF et condamne les
entreprises à la prise en charge des frais de nettoyage des vêtements
de travail.
OBSERVATIONS
Cette décision qui s’inscrit dans la récente ligne jurisprudentielle de
la chambre sociale de le Cour de cassation en matière de prise en
charge des frais d’entretien des tenues de travail, revient en premier
lieu sur l’applicabilité des dispositions du droit commun au
personnel des entreprises à statut.
- Sur le concours entre les textes légaux et le statut national du
personnel ERDF et GRDF :
La décision rendue par le Conseil de prud'hommes rappelle par
principe qu’en cas de concours entre le régime légal et le statut
national, seules les dispositions plus favorables aux agents trouvent
à s’appliquer.
Cette position est à rapprocher de la jurisprudence de la Cour de
cassation et du Conseil d’Etat en ce qu’elle retient le principe de
l’applicabilité du droit commun au personnel des entreprises à statut
(notamment : Cass. soc., 11 mai 1993).
Le débat portait en revanche sur la méthode de comparaison des
avantages.
Pour prétendre à l’application du statut national, les employeurs
soutenaient que l’appréciation devait s’opérer globalement et non
disposition par disposition.
Or, si les textes du statut national relatifs aux vêtements de travail
précisent que l’entretien des tenues de travail incombe effectivement
aux agents et pourraient ainsi paraître moins favorables que les
dispositions du régime légal, ils prévoient en revanche un rythme de
renouvellement des tenues de travail soutenu et la possibilité de
conserver les vêtements à des fins personnelles, ce qui pourrait en
retenant l’ensemble de ces avantages inverser l’analyse et rendre le
statut national plus attractif.
Les juges du fond ont tranché en considérant que la comparaison
devait s’effectuer «avantage par avantage et non par ensemble
d’avantages», de sorte que les dispositions légales et règlementaires
relatives à la prise en charge de l’entretien des vêtements de travail
par l’employeur devait trouver à s’appliquer.
Cette affaire illustre les difficultés pour les juridictions qui doivent
définir en cas de concours de normes les textes les plus avantageux
pour les salariés.
La Cour de cassation a tendance à considérer que dans une telle
situation il faut raisonner par avantages se rapportant à un même
objet ou à une même cause (notamment : Cass. Ass., 24 octobre
2008).
Ainsi dans un arrêt du 7 mai 2003 relatif au régime des congés payés
des agents EDF et GDF, la haute juridiction avait indiqué que
l’appréciation des dispositions relatives aux congés payés devait
« être globale à raison du caractère indivisible du régime de congés
payés ».
VIII
Le Conseil de prud’hommes adopte en l’espèce une position plus
restrictive dans la mesure où il ne raisonne pas par ensemble
d’avantages se rapportant à un même objet, à savoir la tenue de
travail, mais avantage par avantage.
contrats et notamment sur le principe d’équité tirés du code civil.
La question de la prise en charge de l’entretien des tenues de
travail étant encore largement débattue devant les juridictions
nationales, une évolution de la jurisprudence sur ce point n’est
certainement pas à exclure !
Au delà du principe sur lequel nous restons donc réservés, le
Conseil de prud’hommes d’Annecy précise également les
modalités pratiques de prise en charge de l’entretien par
l’employeur.
Il distingue à ce titre les dispositions relatives à la prise en charge
de l’entretien des vêtements et celles relatives à la dotation en
tenues ou au rythme de renouvellement de ces mêmes vêtements.
On peut regretter que les juges aient adopté une approche
purement analytique en comparant des éléments ayant strictement
la même identité sans aborder la question de savoir si les différents
avantages en question n’avaient pas finalement le même objet ou
la même cause.
Au cas d’espèce, les agents réclamaient une prise en charge « au
coût réel » et produisaient à l’appui de leurs demandes des devis
de pressings professionnels.
Une telle rigueur d’analyse peut manifestement revenir à scinder
artificiellement des dispositions interdépendantes qui ne peuvent que
s’apprécier globalement du fait de leur finalité commune.
La juridiction n’exclut pas la possibilité de remboursement sur la
base des frais « effectivement engagés » mais retient en l’espèce
que les agents ne justifiaient pas de frais effectivement engagés à
ce titre.
- Sur la prise en charge du nettoyage des vêtements imposé par
l’employeur.
Après avoir rappelé les dispositions légales et règlementaires selon
lesquelles « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au
travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les
travailleurs », les juges ont décidé que les dispositions du statut
national imposant la prise en charge du nettoyage par les salariés,
n’étaient pas opposables aux agents requérants.
Les juges ont alors procédé à une estimation du prix de revient
d’une lessive qu’ils ont fixé à 1,33 euros TTC.
Le Conseil de prud’hommes reprend donc la jurisprudence récente
de la chambre sociale de la Cour de cassation précisant que
l’employeur doit assurer les frais d’entretien de la tenue de travail
qu’il impose aux salariés de porter, que ce soit en raison du
caractère salissant des travaux ou de la simple stratégie
commerciale (Cass. soc., 27 mai 2008).
On ne peut que louer sur ce point la démarche du Conseil de
prud’hommes qui s’est efforcé de définir une méthode de calcul.
C’est sur cette base et en fonction de la fréquence des lavages
appréciée au regard des fonctions des salariés que le Conseil de
prud’hommes a condamné la société.
C’est en effet à notre connaissance la première fois que les juges
du fond ont retenu une méthode d’évaluation du coût d’entretien
des vêtements de travail, qui pourra servir d’exemple pour les
entreprises souhaitant évaluer ou négocier sur ce thème.
L’analyse du Conseil de prud’hommes reste toutefois critiquable à
la lecture des dispositions du code du travail.
Enfin, au regard de la teneur du jugement on peut s’interroger sur
le traitement social de ces frais d’entretien.
En effet, la juridiction prud’homale invoque à l’appui de sa
décision les dispositions de l’article L. 4122-2 du code du travail
précisant que « les mesures prises en matière de santé et de sécurité
au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les
travailleurs ».
En effet, l’administration précise notamment dans sa circulaire
DSS n°2003-07 du 7 janvier 2003 que seuls les frais d’entretien
des « vêtements professionnels » peuvent être considérés comme
des frais d’entreprise, échappant ainsi à l’assiette des cotisations de
sécurité sociale.
Pourtant ces dispositions n’ont manifestement aucune portée
générale puisqu’elles ne concernent que les mesures relatives à
l’hygiène et à la sécurité.
Elle définit alors les « vêtements professionnels » comme ceux qui
répondent aux critères de protection individuelle au sens du code
du travail ou ceux imposés aux salariés dont la coupe et la couleur
sont fixés par l’entreprise (uniforme notamment) et qui répondent
à un objectif de salubrité, de sécurité ou concourent à une
démarche commerciale de l’entreprise.
Or, concernant la tenue de travail, la notion d’hygiène et de
sécurité au sens du code du travail ne vise que les vêtements ayant
vocation à assurer une « protection individuelle » au salarié.
D’ailleurs, les seules dispositions du code du travail imposant
l’entretien des vêtements de travail par l’employeur concernent les
tenues mises à disposition des salariés du fait du caractère
particulièrement insalubre ou salissant des travaux à réaliser
(art. R. 4323-95 et R. 4321-4 du code du travail).
Au regard de la position de l’administration (circulaire susvisée et
circulaire ministérielle du 22 octobre 2004), il nous paraîtrait
surprenant que puissent être assujettis aux cotisations de sécurité
sociale des frais d’entretien mis à la charge de l’employeur par le
juge sur le fondement de la législation en matière de santé et de
sécurité au travail et concernant des vêtements de travail imposés
dans l’entreprise du fait de la nature des fonctions des salariés. La
question reste toutefois ouverte…
En d’autres termes, aucune disposition légale ou règlementaire
n’impose aujourd’hui à l’employeur la charge de l’entretien des
vêtements mis à la disposition des salariés pour des raisons autres
que des impératifs d’hygiène et de sécurité.
Seule la négociation collective pourrait, à notre sens, étendre une
telle obligation à l’ensemble des vêtements remis aux salariés.
Sébastien ARDILLIER
SCP FROMONT BRIENS & ASSOCIES
Avocat au Barreau de Lyon
[email protected]
Dans ces conditions, il est pour le moins étonnant que le Conseil
de prud’hommes d’Annecy puisse considérer que dans la mesure
où l’employeur impose un équipement aux salariés, il doit
obligatoirement en assurer le nettoyage et l’entretien en soulignant
qu’« il importe peu que les salariés n’accomplissent pas de travaux
particulièrement salissant ».
Il est bien évident que ce jugement a été prononcé à la lumière de
la récente jurisprudence de la haute juridiction, qui à ce jour ne
s’est prononcée en la matière que par une seule décision du 27 mai
2008.
On peut néanmoins s’interroger sur le fait de savoir si la Cour de
cassation maintiendra sa position dans l’avenir.
En effet, l’arrêt du 27 mai 2008 reste surprenant puisque pour faire
obligation à l’employeur d’assurer l’entretien des tenues remises
aux salariés, la Cour de cassation ne se fonde pas directement sur
les dispositions du code du travail mais sur le droit commun des
IX
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu qu’en droit du travail, les
conventions et accords collectifs et les
dispositions du Statut national des
salariés par rapport aux dispositions
prévues par la loi et les règlements ;
Que dès lors, il y a concours entre la Loi,
le Règlement et la Circulaire PERS 633,
de sorte que seules les dispositions plus
favorables
aux
agents
doivent
s’appliquer ;
Que le comparatif des avantages
s’effectue avantage par avantage et
non par ensemble d’avantages, de
sorte que les dispositions légales et
règlementaires qui prévoient la prise en
charge de l’entretien des vêtements
de travail de chaque agent est
manifestement plus avantageux que la
circulaire PERS précitée qui impose à
chaque agent la prise en charge du
nettoyage de ses vêtements de
travail ;
Qu’à cet égard, il importe peu de
savoir que les dotations en vêtements
sont importantes, que le rythme de
renouvellement est soutenu et que les
agents conservent la possibilité de
conserver les vêtements au terme des
périodes déterminées par la PERS dès
lors qu’en cas de conflit entre la Loi (et
le Règlement) et la circulaire PERS
précitée,
la
comparaison
des
avantages s’effectue avantage par
avantage ;
aux agents de nettoyer et d’entretenir
les vêtements qui leur sont attribués »
sont moins favorables que celles
édictées par la loi et le règlement et ne
sont donc pas opposables aux agents
requérants ;
Qu’en outre, les parties s’accordent
pour dire que la fourniture et le port des
vêtements constituent un équipement
imposé par l’employeur à l’ensemble
des agents requérants, de sorte que le
port des vêtements de travail étant
obligatoire pour chaque agent des
catégories (…), il importe peu que les
salariés n’accomplissent pas des
travaux particulièrement salissant ;
Sur le montant de la prise en charge
des frais de nettoyage(…)
Qu’en conséquence, l’avantage
prévu par la loi et le règlement, selon
lequel « les mesures prises en matière
de santé et de sécurité au travail ne
doivent entrainer aucune charge
financière pour les travailleurs » prévu
aux article L 4122-2 et R 4323-95 du
code du travail est manifestement plus
avantageux que celui prévu par
l’article 3 al. J de la circulaire PERS 633
précitée ;
Qu’il résulte de ce qui précède que les
dispositions de l’article 3 alinéa J de la
circulaire 633 qui dispose « il appartient
Que dès lors, les agents requérants ne
justifient
pas
de
leurs
frais
respectivement engagés à ce titre ;
Que la méthode de calcul devant être
retenue est celle qui a pour fondement
la revue Accueillir Magazine mars 2007
qui estime le prix de revient d’une
lessive à 1.33 € TTC, sur la base de 10
mois pendant 5 années est de :
- 18 lavages pour les releveurs
techniciens d’intervention ;
- 21 lavages pour les monteurs
électriciens réseaux ;
- 14 lavages pour les agents techniques ;
- 23 lavages pour les câbliers monteurs. »
Conseil de prud'hommes d’Annecy,
13 mars 2009
Section Industrie
ALIGROT et 41 autres salariés / EDF, GDF,
ERDF, GRDF
Accident de service
Suicide
Tribunal administratif de Lyon, 12 février 2008
EXPOSE DES FAITS
Un sapeur-pompier professionnel a mis fin à
ses jours dans les locaux de sa caserne dans
la nuit pendant sa garde opérationnelle ; le
comité départemental siégeant en formation
de commission de réforme a reconnu
l’imputabilité au service de ce décès et l’avis
de la commission de réforme a été suivi par
le service départemental d’incendie et de
secours.
La caisse des dépôts et consignations a
refusé d’accorder à sa veuve le bénéfice
d’une rente viagère d’invalidité, et celle-ci a
contesté cette décision.
Le tribunal a annulé la décision de refus de
verser à l’épouse une rente d’invalidité en
retenant qu’il résultait de l’instruction que la
cause déterminante du décès de l’intéressé
est imputable à une angoisse irrésistible
générée par un sentiment d’incapacité à
assumer les responsabilités liées au grade de
sergent auquel il avait été promu et que le
lien direct du décès avec le service est ainsi
établi.
OBSERVATIONS
L’article L. 411-1 du code de la sécurité
sociale selon lequel « est considéré comme
un accident du travail, quelle qu’en soit la
cause, l’accident survenu par le fait ou à
l’occasion du travail à toute personne
salariée ou travaillant, à quelque titre ou en
quelque lieu que ce soit, pour un ou
plusieurs
employeurs
ou
chefs
d’entreprises » n’a pas d’équivalent dans le
secteur public.
Le droit de la fonction publique ne comporte
pas de définition textuelle de l’accident de
service, mais le principe du risque
professionnel est pris en compte dans le
statut général de la fonction publique qui
mentionne l’accident de service sans le
définir pour s’attacher seulement à ses
conséquences.
Les trois textes statutaires (fonction
publique de l’Etat, fonction publique
territoriale, fonction publique hospitalière)
comportent une disposition rédigée en
termes identiques : « Toutefois, si la maladie
provient (…) d’un accident survenu dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
ses fonctions, le fonctionnaire conserve
l’intégralité de son traitement jusqu’à ce
qu’il soit en état de reprendre son service ou
jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en
outre, au remboursement des honoraires
médicaux et des frais directement entraînés
par la maladie ou l’accident. »
Il n’existe cependant pas, dans la
jurisprudence administrative, de mécanisme
de présomption de responsabilité au profit
du fonctionnaire qui doit prouver
l’imputabilité de l’accident au service.
Le contentieux des accidents de service
relève la plupart du temps du contentieux de
l’excès de pouvoir, et le juge exerce un
contrôle normal sur la qualification
d’accident de service, en fonction des
éléments du dossier.
X
Ainsi il a été jugé que ne constitue pas un
accident de service le saut d’un pompier par
la fenêtre d’un local professionnel où il se
trouvait, pourtant justifié par l’attitude
agressive de plusieurs de ses collègues (CE,
13 juin, 1986, n° 56576, Bressy).
En
revanche,
la
jurisprudence
administrative a déjà qualifié d’accident de
service le suicide lié aux circonstances de
l’exercice des fonctions (CAA Paris
31 décembre 2001, n° 00PA03827, Min. des
Finances/ Mme G, pour le suicide d’un
trésorier principal) ou au surmenage et à
l’exercice de fonctions exercées dans des
conditions exceptionnellement pénibles (CE
26 février 1971, Dame Veuve Grange,
Lebon, page 171).
La décision du tribunal administratif de
Lyon s’inscrit dans ce courant.
Michel RIVA
SCP Marie-Aline MAURICE, Michel RIVA
et Frédéric VACHERON
Avocat au Barrreau de Lyon
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Considérant qu’aux termes de
l’article 37 du décret du 26 décembre
2003 (relatif au régime de retraite des
fonctionnaires affiliés à la caisse
nationale de retraite des agents des
collectivités
locales)
:
«
Les
fonctionnaires qui ont été mis à la
retraite dans les conditions prévues à
l’article 36 ci-dessus bénéficient d’une
rente viagère d’invalidité cumulable
avec la pension rémunérant les
services prévus à l’article précédent.
Le bénéfice de cette rente viagère
d’invalidité est attribuable si la
radiation des cadres ou le décès en
activité interviennent avant que le
fonctionnaire ait atteint la limite d’âge
et sont imputables à des blessures ou
des
maladies
survenues
dans
l’exercice des fonctions (…) ;
Qu’il résulte de ces dispositions que,
pour bénéficier d’une rente viagère
d’invalidité, hormis les cas de blessures
ou de maladies contractées ou
aggravées en accomplissant un acte
de dévouement dans un intérêt public
ou en exposant ses jours pour sauver la
vie d’une ou de plusieurs personnes, la
preuve d’un lien direct de causalité
entre l’exécution du service assumé
par le fonctionnaire et l’accident ou la
maladie dont il a été victime doit être
apportée ;
Que, bien que le suicide soit un acte
volontaire, il peut ouvrir droit à la rente,
s’il est établi que cet acte a eu pour
cause déterminante un état maladif
se rattachant au service ».
Tribunal administratif de Lyon,
12 février 2008,
M. Durand
Formation professionnelle
Le formalisme dans la gestion et la mise en oeuvre du DIF
Conseil des prud’hommes de Lyon, 31 mars 2009
EXPOSE DES FAITS
Le droit individuel à la formation (DIF) a
été institué par la loi n° 2004-391 du 4 mai
2004 relative à la formation professionnelle
et au dialogue social. Il est aujourd’hui
codifié aux articles L. 6323-1 et suivants du
code du travail. Le DIF permet à tout
salarié disposant d’une ancienneté d’un an
d’acquérir un droit personnel à la formation
de 20 heures par an, qu’il peut utiliser pour
suivre une action de formation dont il est
l’initiateur. Ce droit annuel, proratisé pour
les salariés à temps partiel, peut être cumulé
sur six ans et demeure donc plafonné à 120
heures à défaut d’être utilisé. Toutefois, des
conventions ou accords collectifs peuvent
prévoir des dispositions plus favorables que
ce dispositif légal, notamment en ce qui
concerne le volume du DIF et les priorités
en matière d’action de formation.
Sur le terrain des formalités, l’employeur
est tenu d’informer le salarié par écrit et
chaque année des droits qu’il a acquis au
titre du DIF (article L. 6223-7 du code du
travail). Au regard des droits ainsi
disponibles, le salarié peut utiliser son DIF
durant l’exécution de son contrat de travail
mais aussi en cas de rupture de ce contrat, à
condition qu’il en fasse la demande à son
employeur selon une procédure spécifique,
notamment en cas de licenciement, de
départ à la retraite et de démission.
Dans ce dernier cas, l’article L. 6323-19 du
code du travail dispose qu’en cas de
démission le salarié peut demander à
bénéficier de son DIF sous réserve que
l’action de bilan de compétence, de
validation des acquis de l’expérience ou de
formation, soit engagée avant la fin du
préavis.
C’est précisément au sujet de la validité
d’une demande de DIF formulée à
l’occasion d’une démission que le Conseil
de prud’hommes de Lyon à eu l’occasion
de se prononcer dans le jugement objet de
la présente note. Cette décision est d’autant
plus intéressante que la jurisprudence en
matière de DIF est pour le moins restreinte.
Une employée de banque démissionne de
son emploi et indique dans son courrier de
démission qu’elle souhaite utiliser son
capital d’heures disponibles au titre du DIF
afin de suivre une formation d’assistant
ressources humaines. L’entreprise accuse
réception de cette demande et précise à la
salariée qu’il n’est pas donné suite à sa
demande d’utilisation du DIF.
L’employée décide alors de saisir le Conseil
de prud’hommes de Lyon afin de déclarer
abusif le refus de son employeur et
demande à cet effet des dommages et
intérêt au titre du préjudice subi. La salariée
estime en effet que son employeur a violé
son obligation d’information annuelle en ne
lui adressant pas les informations prévues
au titre du DIF (1), n’a pas la possibilité de
rejeter la demande (2) et n’a pas motivé son
refus (3).
OBSERVATIONS
1. Sur la violation par l’employeur de son
obligation d’information.
Le Conseil de prud’hommes fait droit à la
salariée en se basant sur les dispositions
tant légales (L. 6323-7 du code du travail)
que conventionnelles. Les juges rappellent
en effet que cette information annuelle, à la
charge de l’employeur, doit être faite par
écrit individuellement auprès de chaque
salarié et qu’elle est portable et non
quérable. En l’espèce, l’employeur ne
justifie pas de cet envoi qui ne saurait se
limiter à une information éventuellement
disponible sur réseau intranet de
l’entreprise.
En conséquence, le salarié est bien fondé à
demander des dommages et intérêts dès lors
que cette information ne lui a pas été
communiquée.
2. Sur l’impossibilité pour l’employeur de
rejeter la demande.
Les juges rappellent opportunément que
XI
rien dans le code du travail ne prévoit que
l’employeur est tenu d’accepter la
formation et que le DIF s’inscrit dans une
démarche de codécision entre le salarié et
l’employeur, y compris en cas de
démission.
Les juges font ainsi application des
dispositions des articles L. 6323-10 et
D. 6323-2 du code du travail qui prévoient
que lorsque le salarié prend l’initiative de
faire valoir ses droits dans le cadre du DIF,
l’employeur lui notifie sa réponse dans un
délai d’un mois, l’absence de réponse de
l’employeur valant acceptation du choix de
l’action de formation. En tout état de cause,
il convient d’apprécier si le refus de
l’employeur est ou non abusif.
3. Sur le caractère ou non abusif du refus de
la société.
Sur ce point, le Conseil de prud’hommes
estime que le refus de la société n’est pas
abusif. En effet, les juges relèvent que la
réponse de la société a bien été adressée
dans le délai légal applicable d’un mois et
que l’absence de motivation n’est pas
critiquable puisqu’elle n’est nullement
exigée par les textes. En fait, le
raisonnement des juges conduit à penser
que ce n’est pas chez l’employeur qu’il faut
chercher l’erreur mais chez la salariée. En
effet, il apparaît que cette dernière n’a pas
mentionné dans sa demande la date à
laquelle la formation devait débuter et que
l’absence de cette mention essentielle
justifiait le refus de l’employeur. Les juges
estiment donc, même si rien n’est prévu
dans la loi concernant la forme de la
demande, que la décision de l’employeur
doit être prise au regard d’éléments précis
qui doivent être renseignés par le salarié
dans sa demande. Dès lors, le refus de
l’employeur, même non motivé, ne saurait
être considéré comme abusif si le salarié ne
l’a pas mis en mesure de prendre une
décision éclairée.
En définitive, faute de précisions dans le
code du travail et dans l’accord de branche,
ce jugement apporte deux enseignements
intéressants sur les droits et obligations des
employeurs et salariés dans la gestion et la
mise en oeuvre du DIF :
- d’un côté les employeurs doivent être particulièrement vigilants
dans la manière dont ils traitent l’obligation d’information annuelle
du salarié sur ses droits acquis au titre du DIF, cette information
devant être écrite et remise individuellement à chaque salarié, ce qui
suppose de se ménager un mode de preuve efficace. Le salarié
n’ayant pas été informé peut prétendre à des dommages et intérêts.
- De l’autre côté, les salariés qui souhaitent faire valoir leurs droits
au titre du DIF doivent donner suffisamment d’éléments pour que
l’employeur puisse valablement prendre une décision, faute de quoi,
un refus de l’employeur même non
motivé, ne saurait être considéré
comme abusif.
Florent DOUSSET
Avocat au Barreau de Lyon
SCP JACQUES BARTHELEMY ET
ASSOCIES
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
"Il résulte de l’ensemble des dispositions légales (…) que la
Société(…) avait une obligation d’information annuelle par
écrit de chaque salarié concernant ses droits acquis au titre
du DIF ;
Cette obligation ne peut s’entendre que comme une
information spécifique concernant chaque salarié et donc
une information individuelle des droits acquis par chacun
d’eux ;
Il s’agit d’une information portable et non pas quérable (…)
Elle (nb : la société) ne justifie pas de cet envoi (…)
« Le régime du DIF applicable en cas de rupture du contrat
de travail et notamment de démission, ne prévoit pas que
l’employeur serait tenu d’accepter la formation (…)
légales et conventionnelles applicables, ni par son absence
de motivation non stipulée par les textes.
Si Madame (...) a bien formulé sa demande pendant le
préavis, elle devait également engager la formation avant
la fin du délai congé.
Or, elle n’a pas mentionné dans sa demande la date à
laquelle devait débuter la formation souhaitée et cette
absence de mention essentielle pour la validité de la
demande effectuée dans le cadre d’une démission justifie le
refus opposé par la société (…)
Le préjudice causé à Madame (…) parle manquement de la
société (…) à son obligation d’information annuelle de la
salariée sera réparé par l’octroi (…) de dommages et
intérêts ».
Il convient uniquement d’apprécier si le refus de la société
(…) est abusif ou non.
Conseil de prud’hommes de Lyon,
Section commerce ,
31 mars 2009
La réponse négative de la société (…) n’est pas critiquable
en ce qu’elle a été adressé à Madame (…) le 21 novembre
2006, soit dans le délai d’un mois prévu par les dispositions
Licenciement
Accusation de faits de harcèlement moral et sexuel non caractérisés Abus de la liberté d’expression
Cour d’appel de Chambéry, 7 juillet 2008
EXPOSE DES FAITS
Une salariée, embauchée en 1997 par une
société mutualiste en qualité de téléactrice, a
dénoncé en 2003, auprès de son président,
des faits de harcèlement moral et de
harcèlement sexuel imputés à deux de ses
supérieurs hiérarchiques.
Après que l’employeur ait diligenté une
enquête interne, en liaison avec les délégués
du personnel, l’inspecteur du travail et le
médecin du travail, pendant laquelle la
victime déclarée s’est vue aménager des
conditions de travail excluant tout contact
avec les harceleurs prétendus, il s’est avéré
que les faits de harcèlement dénoncés
n’étaient pas caractérisés.
Après l’avoir régulièrement convoquée à un
entretien préalable assorti d’une mise à pied
à titre conservatoire, l’employeur a alors
licencié la salariée plaignante pour faute
grave, motif pris des fausses accusations
portées contre ses supérieurs hiérarchiques.
La salariée a alors saisi le Conseil de
prud’hommes d’Annecy d’une demande
tendant à voir condamner la Société
Mutualiste à lui payer les indemnités de
rupture et des dommages et intérêts pour
licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Par arrêt infirmatif du 4 juillet 2008, la
Chambre sociale de la Cour d’appel de
Chambéry a jugé le licenciement fondé sur
une faute grave aux motifs suivants :
« …Attendu, en premier lieu, qu’il ne
peut être sérieusement contesté que
la mutuelle a rempli ses obligations
légales
et
réglementaires
de
prévention en matière de harcèlement
en prenant, dès qu’elle a eu
connaissance des doléances de
Mme M…, les initiatives rappelées dans
la lettre de licenciement et dont les
justificatifs sont produits dans le litige
prud’homal ; qu’en tout cas, les
mesures prises ne peuvent constituer
une preuve de la réalité des faits
allégués ;
XII
Attendu, en deuxième lieu, qu’il
appartient au salarié prétendument
victime d’établir des faits permettant
de
présumer
l’existence
d’un
harcèlement,
à
charge
pour
l’employeur ou le salarié mis en cause
de prouver que ces agissements ne
sont
pas
constitutifs
d’un
tel
comportement ; qu’après avoir
procédé à l’audition de Mme M…, des
deux cadres incriminés et de
l’employeur, le contrôleur du travail a
entendu
une
délégation
de
représentants du personnel, ainsi que
des salariés de l’entreprise, dont deux
personnes au choix de l’intéressée
pouvant attester de ses déclarations ;
que, contrairement à ce qui est
allégué par celle-ci, les conclusions de
l’enquête, dont les lignes directrices
ont été approuvées par le médecin du
travail, ne sont pas empreintes de
doute, dès lors qu’il est constaté que
les accusations de Mme M… contre M.
V… et Mme B… n’ont pas été
confirmées par les entretiens que le
contrôleur du travail a eus avec les
personnes interrogées, y compris
celles désignées par la salariée pour
accréditer
ses
dires
et
que,
notamment,
s’agissant
du
harcèlement moral, le rapport indique
« rien ne montre dans l’enquête que
les demandes faites à Madame M…
soient des pressions illégitimes ou un
détournement
de
pouvoir
d’organisation de l’employeur » ; que
l’affirmation du contrôleur du travail,
« nous n’avons pas assez d’éléments
pour caractériser le délit de
harcèlement moral » doit être
interprétée, au vu des éléments de
l’enquête, comme signifiant en réalité
qu’il n’en possédait aucun ; qu’il n’est
pas démontré que ses préconisations
et conseils dont la teneur n’a pas été
reproduite pour des raisons de
confidentialité à l’égard de chacun
de ses interlocuteurs, aient été
prodigués dans un autre but que celui
d’une simple prévention de tout
harcèlement moral dans l’entreprise ;
que les difficultés relationnelles entre
Mme
M…
et
ses
supérieurs
hiérarchiques, auxquels elle a
reproché de « vouloir lui imposer une
façon de travailler contraire à sa
pratique », ne sont pas constitutives
d’un tel comportement ;
Qu’il s’en déduit que Mme M… n’a
pas établi de faits permettant de
caractériser
une
situation
de
harcèlement, alors que pour sa part,
l’employeur
a
produit
les
témoignages de huit salariés (…) qui
attestent à l’unanimité d’une activité
professionnelle exercée « dans la
bonne humeur, le respect de chacun
et la convivialité », confortant ainsi
les
conclusions
de
l’enquête
administrative ;
Attendu, en troisième lieu, que le
salarié ne peut abuser de sa liberté
d’expression par des propos injurieux,
diffamatoires ou excessifs ; que Mme
M… a été licenciée pour avoir porté
des accusations graves et non
fondées à l’égard de ses supérieurs
hiérarchiques, après qu’ils eurent
attiré l’attention de la salariée sur son
travail, ainsi par la lettre de Mme B…
en date du 18 avril 2003 ; que les
accusations portées sans fondement
contre les deux cadres concernés,
dans le but d’amoindrir leur autorité
sur les autres salariés et au risque de
les voir confrontés à des poursuites
pénales, caractérisent un abus dans
l’exercice de la liberté d’expression,
constitutif d’une faute grave rendant
comme telle impossible le maintien de
l’intéressée dans l’entreprise… ».
OBSERVATIONS
L’arrêt ainsi rendu est l’occasion de rappeler
les mesures à prendre quand est dénoncée
une situation de harcèlement dans
l’entreprise mais, également, de préciser
l’évolution jurisprudentielle dans laquelle il
ne s’inscrit pas forcément.
I – Un arrêt prescrivant à l’employeur les
mesures à prendre face à un harcèlement
dénoncé…
1°/ Le harcèlement moral et/ou sexuel n’a sa
place ni dans l’entreprise, ni ailleurs.
C’est pourquoi, il est sévèrement civilement
et pénalement sanctionné, sous les articles
L. 1151-1 et suivants du code du travail.
Tenu par ces dispositions et par son
obligation de sécurité de résultat,
l’employeur, en matière de harcèlement
moral et/ou sexuel, n’a guère d’alternative :
- s’il se trouve en présence d’une situation
de harcèlement moral et/ou sexuel avéré, sa
réponse, à juste titre, sera quasi
systématiquement celle du licenciement
pour faute grave du harceleur.
- Si l’accusation de harcèlement s’avère
fausse, le dénonciateur sera susceptible
d’être sanctionné disciplinairement, fût-ce
par la notification d’un licenciement, en
raison de la fausseté de son accusation et de
l’atteinte portée à celui qui a été à tort
accusé, à charge pour l’employeur
« d’établir la fausseté des faits dénoncés »
(Cass. soc. 17 décembre 2008, n° 07-44830
– Semaine Sociale LAMY – 12 janvier
2009).
L. 4122-1 du code du travail, de prendre
soin de sa santé et de sa sécurité et de celles
de ses collègues de travail.
Si, dès lors, le (la) harceleur (se) moral et/ou
sexuel
mérite
d’évidence
d’être
immédiatement licencié, celui ou celle qui
profère une fausse accusation de
harcèlement moral et/ou sexuel à l’endroit
d’un collègue de travail et qui, ce faisant,
attente à la dignité, à l’honneur et à la santé
mentale de ce dernier, le mérite tout autant.
Jurisprudentiellement, il a d’ailleurs déjà été
jugé que cette forme de « …dénonciation
calomnieuse… » est justifiable du
licenciement pour faute grave (Conseil de
prud’hommes de Lyon, départage, 7 avril
2000, RG n° F 98/04515 ; Cass. Soc.,
17 décembre 2008 précité).
2°/ Cela étant, on observera que les
dispositions législatives du code du travail
relatives au harcèlement moral et au
harcèlement sexuel sont protectrices du
salarié relatant des faits de harcèlement.
L’article L. 1152-2 dispose :
2°/ Saisi d’une dénonciation d’un
harcèlement moral et/ou sexuel imputé à un
collègue salarié, l’employeur, débiteur
d’une obligation de sécurité de résultat lui
imposant, aux termes de l’article L. 4121-1
du code du travail, de prendre les
« mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé physique et
mentale des travailleurs » doit, à peine
d’engager sa responsabilité, faire cesser la
situation de harcèlement alléguée et faire en
sorte qu’elle ne se reproduise pas, peu
important qu’il ne soit pas personnellement
le harceleur (Cass. Soc. 21 juin 2006,
n° 1733, RJS 8-9/06,
n° 916).
« Aucun salarié ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l’objet d’une mesure
discriminatoire, directe ou indirecte, … pour
avoir subi ou refusé de subir des
agissements répétés de harcèlement moral
ou pour avoir témoigné de tels agissements
ou les avoir relatés. »
La meilleure façon de le faire est d’établir
l’existence d’un harcèlement moral et/ou
sexuel, de déterminer le (la) harceleur (se)
responsable et de sanctionner ce dernier.
C’est précisément au visa des dispositions
combinées de l’article L. 1152-2 et de
l’article L.1152-3, qui frappe de nullité
« …toute rupture du contrat de travail
intervenue en méconnaissance des
dispositions des articles L. 1152-1 et
L. 1152-2… », que la Chambre sociale de la
Cour de cassation a récemment jugé nul un
licenciement disciplinaire motivé par
l’accusation de faits de harcèlement
proférée à l’endroit du supérieur
hiérarchique sans les prouver :
C’est là un travail d’enquête qui peut
théoriquement être réalisé par l’employeur
seul mais, parce qu’il concerne des faits
graves relevant de l’hygiène et de la
sécurité, peut utilement, pratiquement, être
réalisé de concert avec les acteurs de
l’hygiène et de la sécurité que sont les
représentants du personnel (CHSCT ou DP),
l’inspecteur du travail et le médecin du
travail.
Si l’enquête ainsi collectivement et
contradictoirement diligentée permet
d’établir des faits «…précis, objectifs et
vérifiables… » (Cour d’appel de Grenoble,
8 octobre 2007 – RJS 7/08, n° 779), sa
conclusion et, corrélativement la décision
subséquente de l’employeur, seront
difficilement contestables.
Quoiqu’ayant en l’espèce statué sur un
licenciement motivé par de fausses
accusations de harcèlement, la Chambre
sociale de la Cour d’appel de Chambery a
clairement tracé la voie que l’employeur
doit emprunter lorsqu’il est confronté à une
situation de harcèlement moral et/ou sexuel.
L’article L. 1153-3 ajoute :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l’objet d’une mesure
discriminatoire pour avoir témoigné des
agissements de harcèlement sexuel ou pour
les avoir relatés. »
« …Attendu que pour décider que le
licenciement de Monsieur B. reposait
sur une cause réelle et sérieuse et le
débouter de sa demande de
dommages et intérêts pour rupture
abusive, l’arrêt retient que le fait pour
un salarié d’imputer à son employeur,
après en avoir averti l’inspection du
travail, des irrégularités graves dont la
réalité n’est pas établie, et de
reprocher des faits de harcèlement à
un supérieur hiérarchique sans les
prouver, caractérise un abus dans
l’exercice de la liberté d’expression et
constitue une cause réelle et sérieuse
de licenciement ;
II - … dont la solution, moralement
justifiée, ne s’impose pourtant pas
juridiquement à l’aune de l’évolution
jurisprudentielle ultérieure.
Qu’en statuant ainsi, alors que le grief
tiré de la relation des agissements de
harcèlement moral par le salarié, dont
la mauvaise foi n’était pas alléguée,
emportait à lui seul la nullité de plein
droit du licenciement, la Cour d’appel
a violé les textes susvisés… »
1°/ A l’instar de l’employeur, il incombe à
chaque travailleur, aux termes de l’article
(Cass. Soc. 10 mars 2009 n° 07-44092,
FP-PBR - RJS 6/09, n° 496).
XIII
3°/ Même si l’enjeu est l’honneur, la dignité
ou la santé de celui qui est faussement
accusé, le fait de dénoncer calomnieusement
et d’abuser de sa liberté d’expression ne
suffit donc plus.
Si, comme on peut le penser, la «…mauvaise
foi…» s’entend de la conscience qu’a celui
qui ment de mentir, cette « mauvaise foi »
devrait s’induire de la démonstration du
caractère mensonger de la dénonciation de
faits de harcèlement moral et/ou sexuel.
On imagine, dès lors, que l’arrêt de la
Chambre Sociale de la Cour d’Appel de
Chambéry, considéré définitif, n’aurait le cas
échéant pas échappé à la cassation.
L’aléa judiciaire, à cet égard, est cependant
total.
Dans ces conditions, l’employeur, confronté
à une accusation mensongère de faits de
harcèlement moral et/ou sexuel, sera
désormais avisé de caractériser la « mauvaise
foi » du dénonciateur dans le cadre de
Certes, la Cour de cassation a édicté la limite
de la « mauvaise foi » de celui qui dénonce
faussement.
l’enquête, puis de la mentionner dans la lettre
de licenciement.
Préservant ainsi le faux harceleur, il sera au
surplus protégé contre la turpitude du faux
harcelé.
Christophe BIDAL
Avocat au Barreau de Lyon
SCP Joseph AGUERA & Associés
[email protected]
Connexion Internet
Surveillance des salariés - Licéité de la preuve
Cour d’appel de Grenoble, 8 décembre 2008
EXPOSE DES FAITS
Lors d’un contrôle sur le serveur de
l’entreprise des « log files » (journaux de bord
des connexions Internet) dans le cadre d’une
opération de maintenance, un employeur
découvre incidemment de la part d’un
employé, un usage excessif d’Internet à des
fins non professionnelles et ce depuis
l’ordinateur de son bureau.
Le salarié licencié pour faute grave pour ces
faits conteste son licenciement devant le
Conseil de prud’hommes de Vienne qui le
déboute de ses demandes.
La Cour d’appel de Grenoble réforme le
jugement et décide que le licenciement ne
repose sur aucune cause réelle et sérieuse
considérant, principalement, que le moyen de
preuve utilisé par l’employeur pour démontrer
les agissements du salarié était illicite ; si le
logiciel permettant le suivi des connexions à
des fins de sécurité du matériel informatique
ne pose pas de difficulté en tant que tel, il n’en
est pas de même lorsque associé à un
traitement
informatisé
d’informations
nominatives, il permet de contrôler
l’utilisation
que
font
les
salariés
individuellement d’Internet.
En application de l’article L. 2323-32 du code
du travail, le comité d’entreprise doit être
informé et consulté préalablement à la
décision de mise en oeuvre de ce système. De
plus, le salarié doit être informé de l’existence
de ce dispositif, conformément à l’article L.
1222-4 du code du travail. A défaut, le moyen
de preuve utilisé est illicite et le licenciement
sans cause réelle et sérieuse.
présumées avoir un caractère professionnel
de sorte que l’employeur peut les rechercher
aux fins de les identifier hors de sa
présence ».
Ces décisions ne sont toutefois pas
contradictoires. En effet, si l’employeur est
fondé à licencier un salarié, y compris pour
faute grave, pour avoir utilisé l’outil
informatique de l’entreprise pour un usage
inapproprié et illicite, il doit prendre garde
au moyen de preuve utilisé. S’il peut
constater des connexions illicites sur
l’ordinateur du salarié, y compris en son
absence, il ne saurait le faire, même en
utilisant un procédé dont la finalité
originelle n’est pas le contrôle des salariés
mais qui peut en avoir les potentiels effets.
Nous pouvons penser que si ces connexions
avaient été trouvées en explorant
physiquement le fonctionnement de
l’ordinateur du salarié il en eut été tout
autrement, et le résultat dans cette affaire eut
été tout autre.
Notons que la Cour d’appel dans cette
affaire ne semble pas elle-même persuadée
par son a rg umentation car elle prend soin,
subsidiairement, de préciser que les listings
produits ne démontrent pas, d’une manière
certaine, l’utilisation d’Internet par le salarié
incriminé, tant au regard de l’auteur des
connexions (problème de code d’accès),
qu’au regard de leur durée, le temps de
connexion n’étant pas forcément le temps
équivalent à celui surfé par le salarié.
Ainsi, la preuve du comportement du salarié
sur la toile est à manier avec subtilité et
précaution.
OBSERVATIONS
Cet arrêt peut paraître surprenant car la
Chambre sociale de la Cour de cassation par
une décision du 9 juillet 2008 (Laneque c/
Société Entreprise Martin), a décidé : « mais
attendu que les connexions établies par un
salarié sur le site Internet pendant son temps
de travail grâce à l’outil informatique mis à sa
disposition par son employeur pour
l’exécution de son contrat de travail, sont
Philippe GROS
SELARL CEFIDES
Avocat Au Barreau de Lyon
[email protected]
XIV
PRINCIPAUX ATTENDUS
… « Attendu que les dispositions
des articles L. 1222-4 et L 2323-32
ne font pas échec au pouvoir de
contrôle et de surveillance par
l’employeur de l’activité des
salariés durant le temps de travail,
mais l’encadrent afin qu’il soit
exercé dans la transparence et la
loyauté ; ...
Attendu que dès lors les fichiers de
journalisation conçus pour assurer
la sécurité des données définies
par l’entreprise permettent de
recueillir des données personnelles
et de contrôler l’utilisation que
font les salariés individuellement
de l’outil Internet, leur utilisation
doit en application des textes
précités être portée à la
connaissance des salariés après
information et consultation du
comité
d’entreprise ; …
…Attendu qu’en l’espèce, la
société Medi Math a mis en
oeuvre un procédé dont la finalité
première de surveillance générale
du système, peut être détournée
au
profit
d’un
contrôle
individualisé des salariés, ce qui lui
impose d’assurer leur information
préalable ; »…
Cour d’appel de Grenoble,
Chambre sociale,
8 décembre 2008,
Dairi c/ Sarl MEDI MATH
Relations Collectives
Action en justice du comité d’entreprise
Désignation d’un mandataire - Absence de délibération sur l’action à engager
Tribunal de grande instance de Lyon, 28 janvier 2009
EXPOSE DES FAITS
La société X a été placée en redressement
judiciaire et l’administrateur de solliciter la
conversion du redressement en liquidation
judiciaire lors d’une audience à intervenir, à
bref délai, du Tribunal de commerce.
Le comité d’entreprise saisit la juridiction
des référés du Tribunal de grande instance de
Lyon aux fins de voir faire défense à
l’administrateur de solliciter la conversion
tant qu’il n’aura pas été convoqué, informé
et consulté dans les conditions légales.
Après avoir relevé sa compétence matérielle
pour la seule demande tendant à la
consultation du comité, le juge des référés
constate la nullité de l’assignation du fait de
l’absence de délibération du comité
d’entreprise ayant décidé l’engagement de
l’instance.
OBSERVATIONS
Suivant l’article L. 2325-1 du code du
travail : « Le comité d’entreprise est doté de
la personnalité civile et gère son
patrimoine … ».
A ce titre, il a qualité, suivant les
prescriptions des articles 30 et 31 du
nouveau code de procédure civile, pour
engager certaines actions en justice. Sa
qualité pour agir n’est en effet pas générale,
la jurisprudence, encore semble-t-il en
construction, considérant qu’il n’a « pas
pour mission de représenter les différentes
catégories du personnel, ni les intérêts
généraux de la profession et qu’il ne tient
d’aucune disposition de la loi le droit
d’exercer les pouvoirs de la partie civile
sans avoir à justifier d’un préjudice
personnel (Cass. crim., 28 mai 1991, Bull.
Crim., n° 226) ».
La question de la recevabilité de l’action
n’était cependant pas en débat dans le
présent litige car nul ne saurait contester la
qualité pour agir du comité d’entreprise pour
garantir le respect de ses prérogatives de
consultation.
Le débat touchait aux modalités de mise en
oeuvre de l’action en justice.
Antérieurement à la recodification, le code
du travail contenait à ce titre une disposition,
l’article R. 432-1 indiquant : « pour
l’application des dispositions de l’alinéa 1er
de l’article L. 431-6, le comité est
valablement représenté par un de ses
membres délégués à cet effet ».
Comme l’illustre l’ordonnance du 28 janvier
2009, la jurisprudence reste ferme à
considérer que la validité de l’action est
conditionnée à l’existence d’une double
décision du comité d’entreprise :
- la désignation d’un mandataire pour sa
représentation en justice : cela est conforme
à une règle commune à l’ensemble des
personnes morales. Cette condition était en
l’espèce respectée par la désignation de
Monsieur P ;
- la définition de l’action à engager : cette
définition ne peut résulter que d’une
décision du comité d’entreprise et non de
celle du mandataire. Celui-ci n’a en effet pas
qualité pour décider de l’action mais
seulement pour exécuter la délibération du
comité.
Il peut être rappelé à cet égard que la Cour
de cassation exige que la décision du comité
soit prise dans le cadre formelle d’une
réunion de l’instance, régulièrement
composée et convoquée.
La décision du 28 janvier 2009 est donc
classique. Elle est conforme à ce que
mentionne la « Bible » des comités
d’entreprise (Maurice Cohen « Le droit des
comités d’entreprise, 8ème éd. page 462 ») :
« pour les actions judiciaires en demande, le
mandat général risque cependant d’être
insuffisant car la nature de la demande ne
peut pas être prévue à l’avance. Un mandat
spécial devra alors être voté avant l’action
particulière en justice. En effet le mandat ne
confère pas à son titulaire le pouvoir de
décider seul d’engager un procès. Ce
pouvoir n’appartient qu’au comité
d’entreprise, personne morale, prenant sa
décision par vote majoritaire, décision qui
précise la nature du procès à engager ».
Elle est également conforme à la
jurisprudence particulière de la juridiction
lyonnaise (ordonnances des 19 février 2001,
AFPI Rhodanienne, et du 14 septembre
2009, AKKA Technologies).
Elle doit être approuvée dès lors qu’il
apparaît logique que « l’expression
collective des salariés » (article L. 2323-1
du code du travail sur les attributions du CE)
ne soit pas assurée par la décision d’un
seul...
Philippe de LA BROSSE
SCP Joseph AGUERA & Associés
Avocat au Barreau de Lyon
[email protected]
Cette disposition a désormais disparu.
XV
PRINCIPAUX ATTENDUS
"Attendu qu’il résulte du procès-verbal
du comité d’entreprise extraordinaire
du 16 janvier 2009 que Monsieur P. a
été
désigné
en
qualité
de
représentant des salariés dans le
cadre de la procédure collective de
la SAS … et que ce représentant a
« pouvoir par le comité d’entreprise
d’ester en justice » ;
que
si
cette
délibération
a
valablement désigné Monsieur P.
comme représentant du comité
d’entreprise en justice, ce mandat ne
lui confère toutefois pas le pouvoir de
prendre
seul
l’initiative
d’une
procédure, qui ne peut relever que
d’une
délibération
du
comité
définissant la nature de l’action à
engager ;
qu’en conséquence en l’absence de
délibération du comité d’entreprise
ayant décidé l’engagement de la
présente
instance,
l’assignation
délivrée en son nom par Monsieur P.
est également entachée d’une nullité
de fond pour défaut de pouvoir de
son représentant, conformément aux
dispositions de l’article 117 du code
de procédure Civile … »
Tribunal de grande instance de Lyon,
28 janvier 2009,
CE de la Sté VMT c/ Bauland et autres
UES
UES et droits individuels à la participation
Cour d’appel de Grenoble, 31 mars 2009
EXPOSE DES FAITS
Trois salariés assignent en mai 2007 leurs
employeurs respectifs ainsi que deux
autres sociétés devant le Tribunal
d’instance de Bourgoin-Jallieu afin de faire
constater judiciairement l’existence d’une
unité économique et sociale entre ces trois
structures au sens de la mise en place de la
participation,
et
demandent
en
conséquence le paiement d’un rappel de
participation au titre des années 2002 à
2006. Le Tribunal d’instance rejette leur
demande au motif de l’irrecevabilité de
celle-ci.
OBSERVATIONS
1. Déclaration prétorienne d’autonomie du
Droit du travail par rapport au Droit des
sociétés, la notion d’unité économique et
sociale eut pour premier objet de
considérer comme une seule et même
entreprise différentes structures juridiques
distinctes
présentant
des
liens
s u ffisamment étroits sur les plans
économique et social, au regard de la
constitution des institutions représentatives
du personnel et du droit syndical.
Le législateur de 1982 la consacrait
d’ailleurs partiellement, sans toutefois la
définir, dans une disposition aujourd’hui
codifiée sous l’article L. 2322-4 du code du
travail (« lorsqu’une unité économique et
sociale regroupant 50 salariés ou plus est
reconnue par convention ou par décision
de justice entre plusieurs entreprises
juridiquement distinctes, la mise en place
d’un comité d’entreprise commun est
obligatoire »), qui ne mit nullement un
terme à la jurisprudence antérieure en ce
qui concerne la mise en place des délégués
du personnel ou la désignation des
délégués syndicaux.
Sans davantage définir la notion que ne
l’avait fait la loi de 1982, une loi du
19 février 2001 étendait, à compter des
exercices non clos à la date de sa
publication, l’obligation de mise en place
de la participation, qui concernait
auparavant
les seules
entreprises
employant habituellement cinquante
salariés et plus, aux « entreprises
constituant une unité économique et
sociale de 50 salariés et plus reconnue
dans les conditions prévues…» à l’actuel
article L. 322-4 du code du travail (article
L. 3322-2 du code du travail).
2. C’est précisément sur la notion d’unité
économique et sociale au regard de la mise
en place de la participation qu’a été rendu
l’arrêt de la première chambre civile de la
Cour d’appel de Grenoble le 31 mars 2009
qui confirme le jugement du Tribunal
d’instance de Bourgoin-Jallieu.
Des données factuelles de cette espèce, on
retiendra avec intérêt différents éléments :
alors que leur assignation date du 30 mai
2007, les trois appelants ne font plus partie
du personnel depuis le 1er juillet 2007 ;
depuis 2005 deux des trois sociétés
concernées n’ont plus de personnel ; au
cours de cette même année, une fusion
absorption est intervenue entre deux de ces
structures ce dont il semble résulter que
depuis la fin de l’année 2005 une seule des
trois sociétés rassemble la totalité de
l’effectif des trois précédentes (eff e c t i f
supérieur à 50 salariés) ; enfin un accord de
participation a été mis en place au sein de
celle-ci au cours du mois de juin 2006.
C’est dans ce contexte que doit être analysé
l’arrêt de Grenoble.
3. Préalablement la Cour rappelle fort
opportunément « qu’indépendamment de
la mise en place des institutions
représentatives du personnel, l’existence
d’une unité économique et sociale ouvre
droit au régime obligatoire de
participation des salariés aux résultats de
l’entreprise, … étant précisé que la
reconnaissance de l’existence d’une unité
économique et sociale ne préjuge en
aucune
manière
du
périmètre
d’application
d’un
accord
de
participation ».
La formulation ainsi adoptée est non
seulement conforme à l’esprit de l’actuel
article L. 3322-2 du code du travail, mais
bien plus, elle est respectueuse des termes
clairs de l’article R. 3322-2 selon lequel
« les entreprises constituant une unité
économique et sociale mettent en place la
participation, soit par un accord unique
couvrant l’unité économique et sociale,
soit par des accords distincts couvrant
l’ensemble des salariés de ces entreprises
», de telle sorte que les salariés de chacune
des structures
constituant l’unité
économique et sociale soient ainsi
couverts.
La Cour rappelle ainsi que quand bien
même elle reconnaitrait l’existence d’une
unité économique et sociale, ce qu’elle ne
fera pas en l’espèce, la question du
périmètre de l’accord de participation
n’était nullement réglée et qu’il ne relevait
vraisemblablement pas au juge de fixer
celui-ci.
La double motivation de l’arrêt est
ailleurs :
4. D’une part les appelants n’ont pas
qualité à engager une telle action à titre
personnel et à leur seul bénéfice » :
La formule lapidaire si elle recueille
spontanément la compréhension du
commentateur le laisse néanmoins en
partie songeur.
XVI
Compréhension : la participation est
évidemment un mode de rémunération
collective du personnel. La rédaction
particulièrement claire de l’article
L. 3322-1 selon lequel « la participation a
pour objet de garantir collectivement aux
salariés le droit de participer aux résultats
de l’entreprise » ne laisse pas place au
doute alors qu’ au surplus les dispositions
légales en matière de participation sont
contenues dans la troisième partie du
nouveau code du travail qui intègre tout à
la fois la durée du travail, le salaire,
l’intéressement, la participation et
l’épargne salariale. On voit mal dès lors
comment il serait possible à un salarié (ou
trois comme en l’espèce) d’exercer une
action
qui
relève
de
garanties
intrinsèquement collectives.
Songe : et si la question n’allait pas aussi
définitivement de soi ? En témoigne une
décision rendue pratiquement à la même
période que l’arrêt de la Cour de Grenoble,
par la Cour d’appel de Paris le 5 février
2009 (CA Paris 5 février 2009, n°0715961, 18ème chambre civile, Poujol / SA
Rochebobois International et autres), en
présence
d’une
semblable action
individuelle.
En effet, la Cour de Paris relève que « s’il
ne résulte d’aucun texte que l’action en
reconnaissance d’une unité économique et
sociale est réservée aux seules institutions
représentatives du personnel et que cette
action peut être exercée hors de tout
contentieux électoral, il n’en demeure pas
moins que toute personne sollicitant une
telle reconnaissance doit justifier d’une
qualité et d’un intérêt à agir : que
notamment pour agir, le requérant doit
démontrer qu’il est salarié d’une des
entreprises en cause et que l’existence
d’une unité économique et sociale présente
un intérêt pour lui ». Malheureusement
pour le commentateur, la Cour de Paris n’a
pas eu à se prononcer sur la question de
principe de ce fameux intérêt qui rend
songeur celui-ci puisqu’elle déboutera
l’appelant au motif qu’il avait introduit sa
requête alors qu’il n’était plus salarié de la
société !
Et s’il l’avait été ?
5.« D’autre part …. L’unité économique et
sociale étant reconnue par jugement
déclaratif à la date de la requête
introductive d’instance soit le 30 mai 2007,
ils n’ont pas d’intérêt à agir en l’état d’un
accord de participation existant dans les
entreprises concernées depuis le 25 juin
2006 ».
La Cour de Grenoble fait ici application
d’une jurisprudence constante de la Cour
de cassation en matière de reconnaissance
d’une unité économique et sociale au
regard
des institutions représentatives du personnel et
syndicales selon laquelle l’existence d’une unité
économique et sociale doit s’apprécier en fonction
de la situation existante à la date de la requête
introductive d’instance.
Cela ne met pas un terme au songe…
André DERUE
SELAS JACQUES BARTHELEMY ET
ASSOCIES
Avocat au Barreau de Lyon
[email protected]
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu qu’indépendamment de
la mise en place des institutions
représentatives du personnel ,
l’existence d’une unité économique
et sociale ouvre droit au régime
obligatoire de participation des
salariés aux résultats de l’entreprise
institué par l’article L. 442-1 alinéa 4
du code du travail , étant précisé
que
la
reconnaissance
de
l’existence d’une UES ne préjuge en
aucune manière du périmètre
d’application d’un accord de
participation ;
personnel et à leur seul bénéfice ,
d’autre part et comme l’a relevé à
bon droit le premier juge , l’UES
étant reconnue par jugement
déclaratif , à la date de la requête
introductive d’instance soit le 30 mai
2007 , ils n’ont pas d’intérêt à agir en
l’état d’un accord de participation
existant
dans
les
entreprises
concernées depuis le 25 juin 2006 ».
Cour d’appel de Grenoble,
1°Chambre Civile,
31 mars 2009,
Valérie Tengo et autres/sas
Mécanique A pplication Tissus
Mecatiss( MECATISS) et autres
Or attendu que d’une part les
appelants n’ont pas qualité à
engager une telle action à titre
Réintégration du salarié protégé
Le sursis à statuer
Cour d’appel de Lyon, 4 novembre 2008
EXPOSE DES FAITS
Un employeur voit le Tribunal administratif
annuler la décision d’autorisation de
licenciement prise par le ministre.
Il décide de faire appel de cette décision
devant la Cour administrative d’appel.
Parallèlement le salarié saisi le Conseil de
prud’hommes
d’une
demande
de
réintégration, en référé, alors qu’un sursis à
exécution a été sollicité, devant la
juridiction administrative, par l’employeur.
Le juge judiciaire des référés peut-il
ordonner la réintégration ?
Telle est la question résolue par cet arrêt de
la Cour d’appel.
OBSERVATIONS
Le licenciement d’un salarié protégé attire
depuis toujours la vigilance du législateur.
Un double enjeu contradictoire se manifeste
en effet :
- éviter que les salariés dont les mandats les
conduisent à pouvoir s’opposer à leur
employeur, ne fassent l’objet des foudres de
celui-ci ;
- sans pour autant créer par cette protection
une situation interdisant à l’employeur
d’appliquer
disciplinaire.
son
légitime
pouvoir
Cette double problématique trouve son point
culminant lors des demandes d’autorisation
de licenciement qui, s’agissant d’actes de
l’autorité administrative qu’est l’inspection
du travail, imposent d’utiliser pour les
contester les voies de recours administratif
classiques, recours hiérarchique et/ou
recours contentieux devant le Tribunal
administratif.
Plus spécialement dans l’arrêt opposant
l’OPAC DU RHONE à l’un de ses salariés
protégés, la position prise par le Tribunal
administratif, ayant annulé la décision du
ministre
et
vraisemblablement
de
l’inspection du travail autorisant le
licenciement, a légitimement conduit le
salarié à vouloir faire application de l’article
L. 2422-1, pour faire valoir son droit
immédiat à réintégration.
Tout aussi légitimement, l’employeur a
entendu contester devant la Cour
administrative d’appel la décision du
Tribunal.
Pour autant, et c’est ce qu’avait à trancher
une autre juridiction du second degré,
judiciaire celle-là, à savoir la Chambre
sociale de la Cour d’appel de Lyon, il y a
lieu de déterminer l’incidence d’un appel,
doublé d’une demande de sursis à statuer
présentée devant la même Cour d’appel
administrative, sur le droit à réintégration du
salarié.
XVII
Il faut ici rappeler que dès lors qu’un
licenciement a été autorisé par l’inspection
du travail, qu’il a été prononcé par
l’employeur sur ce fondement et que le
salarié a été contraint de quitter l’entreprise,
le recours, qu’il soit administratif ou formé
devant le Tribunal administratif, peut
conduire à une décision venant purement et
simplement annuler l’autorisation, et rendre
ainsi le licenciement dépourvu tout à la fois
de validité, et d’efficacité.
Ce qui permet au salarié, non seulement de
demander, dans les deux mois, sa
réintégration, mais également d’obtenir une
indemnisation correspondant à la perte
subie, depuis le prononcé du licenciement,
jusqu’à la réintégration effective, ou à
défaut pour la période s’étendant du
licenciement à l’échéance des deux mois
ultérieurs à la décision administrative
concernée.
Or, concernant son droit à réintégration,
puisque l’organe administratif (Ministre du
travail ou Tribunal administratif) a estimé
que l’autorisation n’existait pas, le
licenciement est dépourvu de toute légalité,
et il y a lieu de replacer le salarié dans sa
situation antérieure, c’est à dire de le
réintégrer.
Il n’est pas utile d’évoquer ici les difficultés,
voire les réticences qui peuvent alors se
manifester, mais dont chacun saura se faire
une idée précise.
Pour ce qui est de sa réintégration, le salarié
n’a pas besoin d’attendre que la décision soit
définitive : dès lors que le Tr i b u n a l
administratif estime qu’il n’y a pas
d’autorisation au licenciement, son droit à réintégration naît.
Il en va différemment du droit à indemnisation, qui impose que la
décision soit définitive, en clair que le recours hiérarchique n’ait pas
été contesté auprès de la Cour administrative ou que la Cour
administrative d’appel ait confirmé le premier jugement.
Pour autant, et pour ce qui de la réintégration, il est bien évident que
l’appel qui est formé contre la décision du Tribunal administratif,
dès lors qu’il est initié par l’employeur qui croit en ses chances de
succès, pose une difficulté majeure.
En effet, et sauf démarche foncièrement dilatoire ou plutôt
empreinte d’acharnement procédural, si l’employeur saisi la Cour
d’appel c’est qu’il estime qu’il a des éléments sérieux pour obtenir
réformation de la décision du Tribunal administratif, et donc de voir
le licenciement qu’il a effectivement prononcé, autorisé.
Dès lors devient cruciale la question de savoir s’il lui est possible
d’éviter de réintégrer un salarié, dont la Cour viendra dire, de très
nombreux mois ultérieurement, qu’il a été finalement valablement
licencié.
La solution procédurale qui s’offre à lui est alors simple, ce que vient
confirmer la Cour d’appel de Lyon : il y a lieu d’obtenir de la Cour
administrative d’appel à laquelle il soumet le jugement rendu par le
Tribunal administratif, un sursis à statuer, lui permettant d’éviter
d’avoir à procéder à la réintégration du salarié.
Par le sursis à statuer rendu par la Cour d’appel administrative contre
la décision du Tribunal administratif, ce jugement voit sa force
exécutoire suspendue.
De sorte que, jusqu’à ce que la Cour d’appel administrative se
prononce, il y a lieu de considérer que l’autorisation de licenciement,
sur laquelle avait été fondé le licenciement effectivement prononcé,
reste efficace.
Même si cette décision de la Cour d’appel de Lyon, simplement mais
efficacement motivée, semble implacable, elle ouvre deux sources
de réflexion :
Or, ce faisant, il ne créé pas un droit, dont l’exécution pourrait être
suspendue. Il en annule un, constitué par l’autorisation de
licenciement préalablement donnée. A proprement parler, la Cour
administrative d’appel saisie du sursis à statuer, lorsqu’elle
l’ordonne, suspend non pas un droit qui vient d’être créé, mais
l’annulation d’un droit antérieurement créé de façon injustifiée.
Ce qui revient, pour la Cour administrative d’appel, statuant en
référé sur sursis à exécution, à prendre une décision dont l’effet n’est
pas de suspendre un droit, mais de suspendre la disparition de celuici.
- Un danger se manifeste pour les finances de l’employeur.
Si celui-ci forme une demande de sursis à statuer sur le jugement du
Tribunal administratif qui annule l’autorisation, la période
d’indemnisation qu’il devra octroyer à son salarié, et qui
habituellement court depuis le licenciement jusqu’à la réintégration,
ou si elle n’est pas demandée, jusqu’à deux mois après le jugement
du Tribunal administratif, va s’élargir jusqu’au prononcé de l’arrêt
de la Cour administrative d’appel.
Ce qui peut constituer un surcoût complémentaire de près de deux
années.
En tout état de cause, le sursis à statuer décidée par la Cour
administrative d’appel sur une décision du Tribunal administratif
annulant une autorisation de licenciement, impose au Juge
judiciaire, même saisi en référé sur la notion du trouble
manifestement illicite, de ne pas ordonner la réintégration du salarié,
tant que la juridiction administrative du second degré n’ait pas pris
son arrêt.
C’est l’enseignement, implacable, de la Chambre sociale de la Cour
d’appel de Lyon, dans son arrêt du 4 novembre 2008.
Frédéric RENAUD
SELARL RENAUD AVOCATS
Avocat au Barreau de Lyon
[email protected]
- Le Tribunal administratif dit qu’il n’y a pas d’autorisation à
licencier.
PRINCIPAUX ATTENDUS
Qu’en l’état de la procédure administrative, le refus de
l’OPAC du RHONE de réintégrer Monsieur GALLO ne constitue
pas un trouble manifestement illicite »
"Attendu que ce jugement (du Tribunal administratif) n’est pas
définitif puisqu’il a fait l’objet d’un recours devant la Cour
administrative d’appel, recours sur lequel il n’a pas été encore
statué ;
Cour d’appel de Lyon,
4 novembre 2008
Chambre Sociale
OPAC DU RHONE / GALLO
Attendu qu’il n’est pas exécutoire puique par décision en
date du 18 septembre 2007, la Cour administrative d’appel a
ordonné qu’il soit sursis à son exécution ;
Grève
Nullité du licenciement pour faute grave
Cour d’appel de Lyon, 14 novembre 2008
EXPOSE DES FAITS
Les salariés du casino de MB. présentaient à
leur employeur, le 17 décembre 2007, des
revendications portant sur la distribution des
pourboires.
L’absence de réponse amenait les
organisations syndicales, CFDT et CGT, le
29 décembre 2007, à informer l’employeur
de ce qu’elles appelaient à la grève, le même
jour, après la fermeture des jeux jusqu’au
5 janvier 2008 inclus.
Plusieurs salariés ont participé à cette grève ;
cessation collective et concertée du travail en
vue
d’appuyer
des
revendications
professionnelles.
Trois d’entre eux étaient licenciés pour faute
grave pour avoir participé à un mouvement
illicite, faute de préavis déposé dans un délai
de cinq jours conformément à l’article
L. 2512-2 du code du travail.
Le Conseil de prud’hommes de Montbrison
était saisi en référé afin de constater la nullité
du licenciement sur la base de l’article
XVIII
L. 2511-1 du code du travail et ordonner la
réintégration.
Un débat s’instaurait sur la nature de mission
de service public de l’établissement de jeux
en question, et donc de l’application de la
réglementation particulière du droit de grève
dans les services publics issue de l’article
L. 2512-2 du code du travail puis, sur
l’information préalable des salariés, par
l’employeur, de déposer un préavis et des
conséquences disciplinaires en cas de
violation de cette obligation.
Le 10 mars 2008, le Conseil des prud’hommes renvoyait la première
question aux débats au fond mais prononçait la nullité du
licenciement au visa de l’article L. 2511-1, ordonnant la
réintégration du salarié, sous astreinte ; seule une faute lourde
pouvant justifier un licenciement, qualification non visée dans la
lettre de rupture.
La Cour d’appel de Lyon par un arrêt du 14 novembre 2008 a
confirmé l’ordonnance querellée.
OBSERVATIONS
L’intérêt de cet arrêt réside dans la position de la Cour qui considère
que l’employeur qui se place sur le terrain du licenciement ne peut
méconnaître les dispositions de l’article
L. 2511-1 du code du
travail. Seule une faute lourde peut donc être invoquée « peu
important le point de savoir si la grève était ou non soumise à un
préavis et dans l’affirmative, si Monsieur B. a participé à cette grève
en connaissance de son
illégalité ».
Ainsi, la Cour de cassation a considéré le 11 janvier 2007, que la
grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du
préavis est illégale ; les salariés qui s’y associent même après ce
délai, en dépit d’une notification de l’employeur attirant leur
attention sur l’obligation de préavis, commettent une faute
disciplinaire que l’employeur peut sanctionner (Soc., 11 janvier
2007, n°05-406663).
Au regard de ces jurisprudences, le débat sur la nature de service
public d’un établissement de jeu et l’information préalable des
salariés par l’employeur sur l’obligation de préavis présentait un
intérêt majeur sur la possible disqualification du mouvement
collectif.
Ces questions sont d’autant plus centrales qu’il est loin d’être établi
qu’un établissement de jeu relève de l’intérêt général tenu à
l’obligation de continuité des services publics ; enfermant par la
même le droit de grève dans des conditions d’exercice spécifiques.
Cette discussion a été écartée par les juges du fond.
Le droit de grève est garanti par la Constitution et à ce titre est très
protégé.
La Cour fait prévaloir les dispositions générales de l’article
L. 2511-1 du code du travail, qui s’appliquent à l’exercice du droit
de grève quelle que soit l’activité exercée par l’entreprise.
Cependant, cette protection ne s’applique qu’en cas d’exercice
normal du droit de grève.
La lettre de licenciement ne visait pas une faute lourde ; la rupture
encourait, selon les juges lyonnais, nécessairement l’annulation.
La disqualification d’un mouvement collectif en « mouvement
illicite » est particulièrement grave de conséquences pour le salarié
qui y participe.
La Cour d’appel de Lyon se montre par la même protectrice du droit
de grève, il n’est pas certain que la Cour de cassation saisie du
pourvoi élude ces questions.
La Cour de cassation juge que les dispositions du code du travail
relatives à la grève ne lui sont pas applicables, l’employeur peut
prendre toutes les sanctions disciplinaires à son encontre et
sanctionner certains salariés plutôt que d’autres (Soc.,
17
décembre 1996, n° 95-41858, Bull. Civ. V, n°445).
Les mêmes règles s’appliquent à la grève dans les services publics
laquelle fait l’objet de dispositions particulières justifiées par la
nécessité d’assurer la continuité du service.
Eladia DELGADO
SELARL DELGADO & MEYER
Avocat au Barreau de LYON
[email protected]
L’article L. 2512-2 du code du travail impose des conditions strictes
relatives notamment au préavis qui doit être déposé cinq jours francs
avant le déclenchement de la grève.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Le non respect du délai de préavis ne transforme pas la grève en mouvement illicite auquel ne s’applique pas l’article
L. 2511-1 du code du travail et seule une faute lourde peut être invoquée à l’appui du licenciement d’un salarié gréviste.
En l’espèce, dès lors qu’une telle faute n’a pas été reprochée à Frédéric B…, son licenciement est nul, peu important le point
de savoir si la grève était ou non soumise à préavis et dans l’affirmative, si Frédéric B… a participé à cette grève en
connaissance de son illégalité ».
Cour d’appel de Lyon,
14 novembre 2008
SAS Casino De Montrond Les Bains C/ M. Bringer
Contentieux Urssaf
Formalisme des mises en demeure URSSAF
Cour d’appel de Grenoble, 26 novembre 2008
EXPOSE DES FAITS
OBSERVATIONS
L’Urssaf, après que les musiciens de l’Association CHOEUR ET
ORCHESTRE XIX ont été déclarés salariés à l’occasion d’une
procédure antérieure, a réintégré les allocations forfaitaires de frais
qu’ils percevaient à l’occasion de concerts et de répétitions.
1/ L’association a renoncé au moyen tiré de l’article 4 de la loi du 12
avril 2000, selon lequel toute personne a le droit de connaître les
nom, prénom et qualité de l’agent chargé d’instruire sa demande, ce
moyen ayant été censuré par la Cour de cassation.
A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation a précisé les limites du
formalisme des mises en demeure (1).
Cependant, ce point mérite d’être commenté dans la mesure où il
apporte une précision sur les limites du formalisme exigé pour les
mises en demeure.
XIX
Depuis un arrêt du 19 mars 1992, la Cour de cassation exige
que les mises en demeure délivrées par les Urssaf indiquent la
nature, le montant des cotisations réclamées ainsi que la
période à laquelle celles-ci se rapportent, à peine de nullité.
La Cour de cassation a cependant infléchi sa position à dater
d’un arrêt du 23 octobre 1997 (Cass. soc., 23 octobre 1997,
n° 3785 – Urssaf de Lille c/ Sté T.F.M.) et rappelé que la
nullité des mises en demeure ne pouvait être invoquée que
pour des motifs sérieux et non pour des raisons tenant à un
formalisme excessif.
Il était permis de se demander si la mention des nom, prénom
et qualité du signataire de la mise en demeure devait être
exigée en application de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000
qui dispose :
initiée le 23 octobre 1997 et illustre l’avis rendu le 22 mars
2004.
2 / L’Urssaf avait procédé à la réintégration dans l’assiette des
cotisations des allocations forfaitaires allouées aux musiciens
au motif pris de la présomption de salariat, après que la qualité
de salarié a été judiciairement reconnue à ces musiciens.
- L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale soumet à
cotisations les sommes versées en contre-partie ou à l’occasion
d’une prestation de travail ; les remboursements de frais, dès
lors qu’ils sont justifiés, ne sont pas la contrepartie d’une
prestation de travail.
« …dans ses relations avec l’une des autorités administratives
mentionnées à l’article 1er, toute personne a le droit de
connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse
administrative de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de
traiter l’affaire qui la concerne , …
L’arrêté du 26 mai 1975, appliqué à ce litige, puis l’arrêté du
20 décembre 2002 autorisent l’exonération de cotisations des
allocations forfaitaires de remboursement de frais dès lors
qu’elles sont « conformes à leur objet », c'est-à-dire qu’elles
remboursent des frais réellement engagés et à hauteur des
dépens engagés.
On ne saurait s’écarter de ces principes au motif pris d’une
qualité de salarié judiciairement reconnue.
Toute décision prise par l’une des autorités administratives
mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son
auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom
et de la qualité de celui-ci ».
C’est précisément ce qu’avait retenu le Tribunal des affaires de
sécurité sociale et ce qu’a confirmé la Cour d’appel de
Grenoble, la reconnaissance judiciaire de salariat ne fait pas
obstacle à l’exonération des frais.
La Cour de cassation, saisie d’une demande d’avis sur les
conséquences du défaut de la mention des nom, prénom et
qualité du signataire, avait considéré que l’omission de ces
mentions ne justifiait pas l’annulation des mises en demeure,
aux motifs suivants : (Cass. soc., 22 mars 2004 – Avis) :
- Il restait, ce principe rappelé, à établir ensuite que lesdites
allocations forfaitaires étaient effectivement conformes à leur
objet.
- En raison de l’autonomie du droit de la sécurité sociale au
regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat, la jurisprudence
administrative relative à l’article 4 de la loi du 12 avril 2000
ne s’impose donc pas au juge judiciaire qui doit faire une
application du droit commun de la procédure civile et
apprécier les conséquences de l’omission des mentions
requises par la loi du 12 avril 2000 au regard de ce droit
commun.
- La loi du 12 avril 2000 ne prévoit aucune sanction de ces
omissions ; or l’article 114 du nouveau code de procédure
civile ne permet au juge de prononcer une annulation que si
elle est expressément prévue par un texte.
- L’exigence de l’indication du représentant légal de la
personne morale ne concerne que les actes d’huissiers (article
648 du nouveau code de procédure civile).
- Les dispositions du code de la sécurité sociale n’exigent pas
de mentionner la qualité du signataire de la mise en demeure,
confirmant ainsi que cette identification ne revêt pas de
caractère substantiel et est indifférente à la fonction de la mise
en demeure.
L’arrêt de la Cour de cassation sanctionnant la Cour d’appel
de Lyon pour un formalisme excessif reprend la jurisprudence
Cet arrêt est intéressant en ce qu’il montre le cheminement
suivi par la Cour pour parvenir à la conviction de la conformité
de ces allocations à leur objet.
L’association CHOEUR & ORCHESTRE a dû procéder à des
investigations approfondies pour présenter un chiffrage
cohérent et raisonnable susceptible d’emporter la conviction
de la Cour.
Dès lors que des frais sont réellement engagés par les
musiciens et sont raisonnablement évalués, l’allocation
forfaitaire est conforme à son objet.
Il est opportun de mettre en place un dispositif probatoire des
allocations forfaitaires dès le contrôle entrepris par l’Urssaf
dans la mesure où des explications pertinentes en la matière
sont de nature à faire renoncer l’inspecteur du recouvrement
au redressement envisagé et éviter un contentieux inutile.
Enfin, le bon sens demeure la règle d’évaluation des
allocations forfaitaires autres que les frais de repas et de
déplacement soumis à des barèmes spéciaux, de sorte que cette
évaluation ne doit en aucun cas laisser suspecter une volonté
d’éluder les dispositions réglementaires.
Alain RIBET
Avocat Honoraire Lyon
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu que les sommes versées aux musiciens, nonobstant leur qualité de salarié », ne sont pas ipso facto des salaires au
sens de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ».
Cour d’appel de GRENOBLE,
26 novembre 2008
XX

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