Discours de commémoration du 19 mars 2013

Transcription

Discours de commémoration du 19 mars 2013
Allocution de M. Pascal CHERKI
Cérémonie du 19 MARS 1962
« Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des
victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en
Tunisie et au Maroc »
Mardi 19 Mars 2013
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Comité d’entente des Associations d’Anciens
combattants et victimes de guerre,
Monsieur le Président de la FNACA du 14ème,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs les anciens combattants,
Mes chers concitoyens,
C’est avec beaucoup d’émotion et de gravité que j’ai l’honneur de prononcer
cette allocution en ce jour du 19 mars 2013.
Le 19 mars 1962, à midi, sur ordre du Président de la République, le Général
AILLERET proclamait le Cessez le feu qui mettait fin à la Guerre d’Algérie.
La veille étaient signés les accords d’Evian entre les représentants du
gouvernement français et ceux du Front de Libération nationale algérien.
Ces accords, qui prévoyaient le Cessez le feu, constituaient un compromis
politique entre les représentants des deux peuples, et non une défaite militaire
comme les revanchards de tous bords le soutiennent.
Ils furent approuvés par le peuple français à plus de 90 % lors du référendum du
8 avril 1962.
Cette date du 19 mars marquait de fait la volonté politique des deux peuples de
mettre fin au conflit et d’en sortir par l’acceptation mutuelle.
51 ans après le Cessez le feu, la Nation commémore officiellement aujourd’hui
pour la première fois la « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la
mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats
en Tunisie et au Maroc ».
1
Ainsi, dans l’année du cinquantenaire, la loi promulguée le 6 décembre 2012 a
proclamé officiellement le 19 mars comme journée dédiée à la mémoire de
toutes les victimes, militaires comme civiles, Algériennes comme Françaises, de
ce conflit meurtrier et fratricide.
Je voudrais saluer ici le combat sans relâche mené depuis plusieurs décennies
par la Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et
Tunisie pour que le 19 mars devienne une date officielle dans le calendrier des
commémorations de la République.
La FNACA, avec ses 353 000 adhérents, dont 270 dans notre arrondissement, se
bat depuis 51 ans pour défendre les droits matériels et moraux de tous ceux
ayant pris part à la guerre.
Que de chemin parcouru par nos anciens combattants depuis les lendemains du
Cessez le feu !
Dès 1963 la FNACA avait pris l’initiative de commémorer chaque année
l’anniversaire du 19 mars, soutenue par un nombre toujours plus important de
municipalités, dont la nôtre depuis de nombreuses années.
Ce n’est qu’en 1974 que fut obtenue la carte du combattant pour les hommes qui
avaient du prendre part aux combats en Algérie, Tunisie et Maroc.
Ce n’est que le 18 octobre 1999 que le déni mémoriel avait commencé à prendre
fin, avec la reconnaissance du statut de guerre à ce qu’on qualifiait jusqu’à alors
d’« évènements » d’Algérie.
Une proposition de loi du 22 janvier 2002 avait voulu faire du 19 mars journée
nationale du souvenir, mais il aura fallu le changement de majorité
parlementaire et ce vote du Sénat du 8 novembre 2012 pour qu’un pas décisif
puisse être franchi vers cette reconnaissance.
Je sais que cette sale guerre d’Algérie vous marqua pour de très nombreuses
décennies, vous simples appelés du contingent, regroupés pour la plupart dans la
principale organisation d’anciens combattants, la FNACA.
Je sais que vous n’avez pas approuvés des actes que certains d’entre vous eurent
le courage d’enfreindre, souvent silencieusement, souvent anonymement.
Je sais que cette guerre, tragiquement inutile, vous a volé vos plus belles années.
2
La France a enfin compris combien il était devenu plus que jamais nécessaire de
vous restituer votre honneur en permettant à notre communauté nationale de se
réapproprier l’histoire troublante de ces années troublées.
Commémorer la date du 19 mars, c’est se battre en faveur de la Paix et de la
réconciliation, c’est dépasser les rancœurs et divisions par un travail d’Histoire à
même de définir une mémoire apaisée, c’est construire un pont entre les deux
peuples.
Ce cessez le feu marqua la fin d’une guerre d’Algérie meurtrière et dont l’issue
était inéluctable, 132 ans après le début d’un système colonial condamné
d’avance par son essence inégalitaire.
Le bilan fut très lourd. S’en souvenir est indispensable.
5 000 civils français y perdirent la vie.
30 000 de nos soldats furent tués, dont 48 jeunes hommes du 14ème
arrondissement, 60 000 autres soldats furent gravement blessés.
Des dizaines de milliers de harkis furent massacrés, lâchement abandonnés à
leur tragique destin fait de ressentiment, d’humiliation et de répression en raison
de leur choix aux côtés de la France dans ce conflit.
800 000 Européens d’Algérie durent quitter en 1962 et dans les années suivantes
une terre où ils avaient construit leur existence pour retrouver une France qui les
accueillit de manière bien peu acceptable.
Il faut également se rappeler que la colonisation fut faite d’expéditions
sanglantes et de spoliations de terres, de législations inégalitaires et
d’humiliations pour ce qu’on appelait alors les indigènes, et cela en
contradiction constantes avec les valeurs de la République.
Face à une colonisation qui ne pouvait être égalitaire, la voie de l’Indépendance
a été choisie par le peuple algérien, mais les Algériens durent endurer de lourds
sacrifices pour l’obtenir.
Entre 1954 et 1962, environ 400 000 Algériens furent tués, simples civils pour
une grande partie ou combattants de leur liberté, alors qu’un million et demi de
paysans perdirent leurs terres, déplacés vers des camps de regroupement.
51 ans après, la France emprunte enfin la voie de la reconnaissance.
3
Courageusement et solennellement, à Alger, lors de sa visite d’Etat, le président
de la République a reconnu le caractère intrinsèquement injuste, inégalitaire et
violent du système colonial, et cela durant l’année du cinquantenaire du Cessez
le feu pour la France et de l’Indépendance pour l’Algérie.
Reconnaître cela est indispensable pour pouvoir apprécier l’apport également
important de la culture universaliste, laïque et républicaine de la France à la
culture algérienne.
Avec la reconnaissance du 19 mars comme date officielle dans notre calendrier
républicain, il s’agit là d’un pas très important dans le chemin de la
réconciliation entre les deux peuples.
Le 14e, modestement, contribue constamment à tracer ce chemin, par des
conférences, à l’instar de celles de l’Université populaire durant le
cinquantenaire, par des expositions, à l’instar de celle qu’organisera la FNACA
en octobre prochain.
Mesdames, messieurs,
51 ans après les accords d’Evian, 51 ans après la naissance de la République
algérienne, une réconciliation pleine et assumée est en train de voir le jour.
Cette réconciliation est la garantie d’un avenir pour chacun des deux peuples,
français et algérien, pour leur avenir propre et pour leur indispensable avenir
commun.
Sur le sol de France, plusieurs millions de citoyens français, anciens rapatriés,
harkis, juifs et immigrés, ainsi que leurs enfants et petits-enfants, partagent
l’amour de cette terre d’Algérie.
Sur le sol de l’Algérie, plusieurs millions d’Algériens parlent, écrivent, pensent,
étudient et travaillent en utilisant tous les jours la langue française.
Regardons ensemble et lucidement cette page d’Histoire commune, mais
tournons là aujourd’hui pour construire un avenir fait d’amitié, de respect et de
partage.
Vive la République !
Vive la France !
Et vive l’amitié entre le peuple français et le peuple algérien !
4