Une expérience pédagogique en seconde : étude du roman Désert

Transcription

Une expérience pédagogique en seconde : étude du roman Désert
www.enseignement-et-religions.org/
_______________
Une expérience pédagogique en seconde : étude du roman Désert de J.M.G. Le Clézio,
Joël Arlin, juin 2006
Pour revenir à la séquence pédagogique, cliquer ici.
PERSONNAGES ET THEMES PRINCIPAUX DU ROMAN
QUESTIONS DONNEES AUX ELEVES
1) Quels sont les personnages principaux de l'ouvrage ?
2) Quels sont les thèmes principaux du roman ?
1 - LES PERSONNAGES PRINCIPAUX DE L'OUVRAGE
1.1) Lalla
C'est l'héroïne principale de la deuxième histoire de ce livre. Elle refuse toutes les compromissions dans
lesquelles on voudrait l'enfermer (mariage par intérêt, misère, célébrité, argent). Il y a en elle une grande
pureté et une fierté naturelle. Elle veut choisir elle-même son avenir, sa vie. Elle est à la fois volontaire et
rêveuse. Lalla décide de repartir de France pour mettre au monde son enfant chez elle : « C’est comme
cela qu'elle est partie un jour, sans prévenir. Elle s'est levée un matin, juste avant l'aurore, comme elle
avait l'habitude de le faire, là-bas, dans son pays, pour aller jusqu'à la mer, ou jusqu'aux portes du
désert. (...) Ensuite elle est partie à travers les rues de la ville pour ne plus jamais revenir. » (1)
1.2) Ma el Aïnine
II incarne la figure du marabout, du chef spirituel et temporel des tribus insoumises qui refusent
d'abdiquer devant les envahisseurs. Il représente la fidélité à la tradition, aux ancêtres, à la religion
musulmane. Il se bat jusqu'au bout comme Abdel Kader en Algérie. C’est aussi un thaumaturge
(guérison du guerrier aveugle), un mystique. « Quand Ma el Aïnine commença à réciter son dzikr (2), sa
voix résonna bizarrement dans le silence de la place, pareille à l'appel lointain d'une chèvre. Il chantait à
voix basse, en balançant le haut de son corps d'avant en arrière mais le silence sur la place, dans la
ville, et sur toute la vallée de la Saguiet el Hamra avait sa source dans le vide du vent du désert, et la
voix du vieil homme était claire et sûre comme celle d'un animal vivant. »(3)
1.3) Nour (prénom qui veut dire lumière en arabe)
C’est un jeune homme pieux et bon qui accompagnera un guerrier aveugle fort longtemps et qui
soutiendra Ma el Aïnine dans son agonie.
Dialogue entre Nour et Ma el Aïnine (4)
"Que fais-tu là ?" répéta le vieillard.
"Je - je priais", dit Nour ; il ajouta : "Je voulais prier."
Le cheik sourit.
"Et tu n'as pas pu prier ?"
"Non", dit simplement Nour. Il prit les mains du vieil homme ;
"S'il te plaît, donne-moi la bénédiction de Dieu."
Ma el Aïnine passa ses mains sur la tête de Nour, massa légèrement la
nuque. Puis il fit relever le jeune garçon et il l'embrassa."
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
1/3
1.4) Le Hartani
C'est un berger berbère un peu étrange (sourd-muet) qui aime Lalla et qui l'accompagnera dans sa fuite.
Ils vivront ensemble leur première nuit d'amour. Il connaît bien le désert et les secrets de la nature. "Le
Hartani n'est pas comme les autres garçons. Personne ne sait d'où il vient réellement. Un homme du
Sud avait laissé au bord du puits un tout petit enfant enveloppé dans un morceau de tissu bleu. L'enfant
était le Hartani, c'est le surnom qu'on lui a donné parce qu'il avait la peau noire comme les esclaves du
Sud." (5)
1.5) Radiez
Pur produit de la misère des grandes villes, gitan auquel on a appris à mendier, à voler, à fuir mais c'est
l'ami de Lalla. "Certains jours d'hiver, quand il y a beaucoup de soleil, Radiez le mendiant vient voir
Lalla. Il marche lentement le long des quais, mais Lalla le reconnaît de loin, elle sort de sa cachette
entre les bâches et elle siffle entre ses doigts, comme autrefois les bergers dans le pays du Hartani." (6)
1.6) Aamma
Tante de Lalla qui l'a recueillie mais qui n'a pas sa grandeur d'âme. Elle voudrait bien que Lalla lui
rapporte quelque chose et c'est pourquoi elle veut la marier à l'homme au complet veston gris-vert. "Ce
sera un bon mari pour toi", dit Aamma. "Il n'est plus très jeune, mais il est riche, il a une grande maison,
à la ville, et il connaît beaucoup de gens puissants. Tu dois l'épouser." "Je ne veux pas me marier,
jamais !" (7)
1.7) Naman le pêcheur
C'est un pêcheur, un homme profondément bon que Lalla aime bien parce qu'il lui raconte des histoires
merveilleuses (le dauphin, l'oiseau blanc). C'est une sorte de grand-père pour Lalla. "Naman le pêcheur
n'est pas comme tout le monde. C'est un homme assez grand, maigre, avec des épaules larges et un
visage osseux à la peau couleur de brique. (...) Mais ce sont surtout ses yeux qui sont d'une couleur
extraordinaire, un bleu-vert mêlé de gris, très clairs et transparents dans son visage brun, comme s'ils
avaient gardé la lumière et la transparence de la mer. C'est pour voir ses yeux que Lalla aime attendre
le pêcheur sur la plage...". (8)
1.8) Es Ser
Dans Désert, on entend Es Ser, le nom d'un personnage capital du livre. Lalla est proche du Hartani et
d'un personnage surnommé "Es Ser", "Le Secret", nom que Lalla a donné à l'homme bleu qu'elle
rencontre parfois à la frontière du désert. Si une équivalence s'établit entre Désert et Es Ser, nous
atteignons à une signification d'ordre mystique, le désert étant un autre "côté" du monde que les
nomades ont rejoint. Lalla partage ce secret avec ses ancêtres ; bien qu'elle ne vive pas au désert, elle
en a une connaissance mythique par les légendes, par les récits. Ce "secret", cette âme qui lui vient de
ses ancêtres, c'est cela qui lui donne la force de vivre son destin.
2 - LES THEMES IMPORTANTS DE L'OUVRAGE
Dans ce roman qui date de 1980, on voit apparaître des thèmes qui se retrouvent dans les autres
romans de Le Clézio.
2.1) Le thème du voyage, de l'itinérance.
2.2) Le thème de l'amour et de l'amitié. Pour Le Clézio, l'amour est toujours lié à une certaine pureté
des sentiments. Ce n'est pas seulement une attirance physique, c'est aussi une communion spirituelle
(Lalla et le Hartani).
2.3) Le thème de la bonté : la bonté de Lalla pour les pauvres, les mendiants, les clochards.
2.4) Le thème de la nature et de l'enfance : le thème de la nature est omniprésent dans l'œuvre de Le
Clézio, nature mouvante comme la mer (9) ou nature statique comme le désert. L'homme est heureux
dans la nature, il est malheureux dans la ville. Le Clézio est proche de Rousseau. La nature est liée à
l'enfance et à l'innocence (10). Mais la nature pour Le Clézio, c'est toujours l'ouvert (11), c'est-à-dire ce
qui n'est pas borné, ce qui est sans limites apparentes (la mer, le désert...)
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
2/3
2.5) Le thème de la ville : pour Le Clézio, la vie dans les grandes villes n'est pas possible. L'homme s'y
perd, y perd sa fierté, sa liberté, sa dignité. Dans Désert, la ville est un leurre, un miroir aux alouettes.
Lalla rêve des villes européennes. Elle découvre à Marseille la misère, la pauvreté, la prostitution,
l'avilissement. Ce qui abîme beaucoup les rapports humains en ville, c'est le rôle de l'argent.
2.6) Le thème du regard, de la poésie et du rêve : le thème du regard est très important chez Le
Clézio (regard d'Es Ser qui habite Lalla). Le regard est l'expression de la liberté, de la vie intérieure, du
désir d'infini qui habite l'homme. C'est le miroir de l'âme qui s'oppose au regard mesquin, perfide de
l'homme des villes.
A ce thème du regard, il faut rattacher celui du rêve. Dans certains passages, on ne sait plus si l'auteur
parle de la réalité ou du rêve (12). Le Clézio, comme Lalla, est un contemplatif qui aime regarder,
imaginer, rêver, laisser vagabonder sa sensibilité.
2.7) Le thème de la foi et de la liberté : Le Clézio présente la civilisation colonisatrice comme une
civilisation corrompue qui ne pense qu'à son intérêt. La prétention des nations européennes à imposer
leur civilisation, leur prétendue supériorité culturelle lui semblent tout à fait pernicieuses. Dans Le rêve
mexicain comme dans Désert, Le Clézio dénonce cette volonté d'hégémonie européenne qui va
conduire les Espagnols ou les Français à détruire des sociétés fondées sur de vraies valeurs : la
dignité de la personne, la communauté des biens, la solidarité, la foi religieuse, la liberté.
Ce qui fonde la dignité, la beauté de ces Touaregs, de ces hommes bleus du désert ou de Lalla, c'est
qu'ils ne vivent pas pour du périssable : or, argent, sexe, gloire ; ils vivent pour des valeurs qui les
dépassent : sens de l'honneur, de la liberté, de la solidarité, de la soumission à Allah. L'appât du gain
leur est étranger. A la pusillanimité, au mercantilisme des envahisseurs, Le Clézio oppose la fidélité de
Ma el Aïnine et de Lalla à leurs valeurs, à leurs traditions. Lalla qui a échappé à la corruption des villes
européennes revient chez elle pour mettre au monde son enfant, tout comme sa mère l'avait fait. Ma el
Aïnine meurt pour la liberté de son peuple et sa foi musulmane : "Mais le vieux cheikh ne savait pas
cela, parce que ses guerriers ne combattaient pas pour de l'or, mais seulement pour une bénédiction et
que la terre qu'ils défendaient ne leur appartenait pas ni à personne parce qu'elle était seulement
l'espace libre de leur regard, un don de Dieu." (13)
(1)
Désert, p. 408
(2)
Dzikr : pratique soufie (mystique musulmane) dont on reparlera plus loin
(3)
Désert, p. 57
(4)
Ibid, p. 53
(5)
Ibid, p. 111
(6)
Ibid, p. 295
(7)
Ibid, p. 193
(8)
Ibid, p 83
(9)
Le chercheur d'or
(10) Ibid, Lalla dans le désert, Laure et Alexis dans l'enfoncement du boucan
(11) Thème cher à Rainer Maria Rilke
(12) Cf. ce personnage mystérieux d'Es Ser, le secret
(13) Désert, p. 380
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
3/3