La loi Malraux au secours du magasin La Samaritaine

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La loi Malraux au secours du magasin La Samaritaine
pelerin.info (14/02/11)
NOTRE PATRIMOINE
La loi Malraux au secours du magasin La Samaritaine
Trois associations de défense du patrimoine viennent de déposer un recours
contre le projet de rénovation de La Samaritaine. Administrateur de
l'association SOS Paris, Rémi Koltirine souhaite sauvegarder les secteurs
protégés dans la continuité de la loi Malraux de 1962.
Le projet de surélévation de La Samaritaine, le grand magasin parisien fermé en
2005 pour des motifs de sécurité, remet sur le devant de la scène la loi Malraux de
1962, dont on fêtera l'an prochain les 50 ans, qui vise la conservation du patrimoine
dans les villes.
Pèlerin : Trois associations Accomplir, SOS Paris, dont vous êtes
administrateur, et Ensemble rue Baillet ont déposé un recours juridictionnel fin
janvier contre le projet d'élévation de La Samaritaine. Qu'est-ce qui vous
choque le plus dans ce dossier ? Rémi Koltirine : Il y a eu une dérogation sur
les hauteurs pour transformer la Samaritaine, grand magasin en bord de Seine situé
rue de Rivoli à Paris, en incluant une corniche. La façade s’est agrandie, passant de
18 à 25 mètres de hauteur. La rue de Rivoli possède une certaine unité. De façon
systématique, la corniche reste à 18 mètres sur l’ensemble de la rue. Cette unité
était voulue par Napoléon 1er, confirmée sous la Restauration puis par Napoléon III,
puis sous la 3ème République… Il y a 6 mois, cette unité a été annulée pour
l’immeuble de la Samaritaine.
Cette dérogation risque de détruire tous les ensembles cohérents des voies
parisiennes. Je ne critique pas l’architecture en soi mais plutôt le fait que l’on change
l’aspect urbain de la rue. Aujourd’hui, on estime qu’un élément historique disparaît
chaque jour : églises en ruine, vitrines de magasins…
Vous êtes un défenseur de la loi Malraux de 1962 qui vise la conservation du
patrimoine architectural et historique dans les villes. Quelles avancées a-t-elle
permis ? Avant 1962, la loi du 31 décembre 1913 protégeait les immeubles au titre
de monuments historiques. Elle s’appliquait aux immeubles monumentaux, aux
éléments du patrimoine industriel et rural, aux ensembles paysagers. La loi de
1962 complète cette loi et instaure des secteurs sauvegardés autour du patrimoine
bâti. On est passé de la protection du monument à la protection du patrimoine de
proximité.
Architecte moderniste et ministre des affaires culturelles de l’époque, André Malraux
a su défendre devant le parlement un plan de protection patrimoniale en pleine
rénovation urbaine. Il a réussi à prendre conscience de la nécessité de protéger le
patrimoine non monumental. Désormais, les hôtels particuliers sont considérés
comme des monuments alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant.
Aujourd’hui, une centaine de centres urbains sont protégés en France. La mairie
détermine les secteurs à sauvegarder et décident des règlements, conjointement
avec les architectes des bâtiments de France. Plus de 600 villes françaises sont
concernées par ces règlements.
Pensez-vous que ce système actuel de protection est suffisamment adapté ?
La loi de 1962 est trop rigide. L’inconvénient de cette loi est que cette protection
porte uniquement sur la protection des façades et non la sauvegarde des éléments
intérieurs comme les escaliers, les plafonds… Je pense que des améliorations sont
possibles.
Il faut prendre en compte le côté humain. Un monument n’a de valeur que s’il est
habité. Si vous achetez une toile de maître pour la laisser dans un coffre, elle perd
de son intérêt. En revanche, si elle est accrochée avec des gens qui la regardent,
elle devient réellement une œuvre. Il en va de même pour le patrimoine architectural,
urbain ou paysager.
Comment peut-on éviter cette disparition du patrimoine ? Par la réglementation.
Les constructions modernes peuvent s’intégrer au patrimoine existant. Le Corbusier,
urbaniste et ami d’André Malraux, avait pu le faire.
Ses constructions les plus connues sont l’Armée du Salut rue Cantagrel dans le
13ème et son immeuble de la rue Nungesser et Coli dans le 16ème à Paris.
L’architecture était beaucoup plus moderne que ce que l’on trouve aujourd’hui.
Pour éviter cette disparition du patrimoine, la première solution serait de mieux
contraindre la réglementation urbaine pour que tout type d’architecture puisse
intégrer le patrimoine. La deuxième proposition serait que chaque projet puisse être
discuté par une commission pluridisciplinaire composé d’architectes, d’urbanistes…
Il s’agit de retrouver l’esprit Malraux des années 60. Il est essentiel d’observer ce qui
a été construit auparavant et de voir dans quel sens on peut évoluer. Aujourd’hui, on
ne peut pas construire sans connaître ce qui a été fait hier.
► Rémi Koltirine, 52 ans a démarré dans l’univers du patrimoine à l’âge de 22 ans
comme étudiant. Durant sa formation, il a réalisé à pied un inventaire d’architectures
parisiennes et rédigé la critique de quelques milliers de façades. Aujourd’hui, il
poursuit dans cette voie : il est rédacteur en chef de la revue Paris Patrimoine et
président de l’association Culture et Patrimoine.
► Administrateur au sein de l'association SOS Paris, Rémi Koltirine a aussi écrit un
recours en septembre 2010 contre la surélévation de la Samaritaine.
Auteur(s) : Marine Bisch , Photo © Remy Overkempe
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