Lenomdelarose - Arrêt sur images

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Lenomdelarose - Arrêt sur images
FRANÇOIS HOLLANDE, EN MEETING, JEUDI. PHOTO SEBASTIEN CALVET
• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9464
LUNDI 17 OCTOBRE 2011
WWW.LIBERATION.FR
Le nom de la rose
François Hollande sera le candidat du PS en 2012.
10 pages spéciales.
IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,
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2
•
EVENEMENT
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
Arrivé en tête hier du second tour de
la primaire, l’ancien premier secrétaire
devient le candidat du Parti socialiste
pour l’élection présidentielle de 2012.
Hollande,
haut la main
Par LAURE BRETTON
et MATTHIEU ECOIFFIER
L’ESSENTIEL
D
e François à François ?
Trente et un ans après la
victoire de François Mitterrand, François Hollande est depuis hier en situation de
succéder à l’unique président de
gauche de la Ve République. Le député de Corrèze a été plébiscité pour
être le candidat à la présidentielle
de 2012. Après dépouillement de
2,3 millions de bulletins de vote,
hier peu avant 22 heures, il était
plébiscité avec 56,38% des suffrages
contre 43,62% à Martine Aubry.
A 21 h 20, les deux compétiteurs
sont apparus main dans la main sur
le perron du siège du PS, s’embrassant, s’applaudissant mutuellement
avant de brandir les bras en signe de
victoire. Offrant aux militants qui
hurlaient «on va gagner !» l’image
attendue du rassemblement des socialistes. Sous les flashs, Hollande
claque la bise à Ségolène Royal, à
Manuel Valls qui lui tape dans le dos
et serre même la main à Laurent Fabius. «Cette victoire me confère la
force et la légitimité pour préparer le
REPÈRES
LE CONTEXTE
Hollande remporte la primaire
avec 56,38% des suffrages.
L’ENJEU
Cette large victoire
rassemblera­t­elle le PS et
toute la gauche pour 2012 ?
grand rendez-vous de l’élection présidentielle, déclare Hollande. Ce soir,
j’ai reçu le mandat impérieux, celui de
faire gagner la gauche.» Un discours
de mobilisation qu’il reprend à deux
autres reprises, devant les jeunes
socialistes puis ses partisans réunis
à la Maison de l’Amérique latine. Le
ton est solennel. A plus de 200 jours
du premier tour de la présidentielle,
«la vraie bataille» commence, celle
contre la droite. Dès 20 h 45, Martine Aubry avait reconnu sa défaite:
«Je mettrai toute mon énergie et toute
ma force pour que François Hollande
soit dans sept mois le nouveau président de la République.» Elle con-
firme qu’elle reprend son poste de
première secrétaire du PS dès aujourd’hui, se dit prête à intégrer
«l’équipe de France du changement»
et part illico dîner avec sa fille et
des amis, sans aller saluer ses partisans réunis non loin de là. Hollande
saluera sa «dignité» et soulignera
«son besoin d’un PS solidaire». Pour
qu’il n’y ait pas d’accroc à l’unité,
la soirée électorale avait été préparée de concert par les deux équipes
pendant la semaine.
GROGGY. A 57 ans, Hollande enfile
le costume du candidat à l’Elysée
qu’il s’est patiemment taillé depuis
qu’il a quitté la tête du PS, en 2008.
«Il est parti tôt et il a tenu jusqu’au
bout sa ligne, il a montré qu’il était
déterminé, solide et [il a montré]
aussi sa capacité à rassembler», saluait son bras droit de toujours, Stéphane Le Foll. Le candidat «normal» revient de loin. Longtemps
challenger, il s’est lancé en
juin 2009. Il devient «favori de
substitution», dixit lui-même,
quand Dominique Strauss-Kahn se
retrouve hors-jeu en mai et fait la
course en tête dans les sondages
PREMIER TOUR DE LA PRIMAIRE
Résultats définitifs
François
Hollande
Martine
Aubry
Arnaud
Montebourg
Ségolène
Royal
Manuel
Valls
Jean-Michel
Baylet
tout l’été. Face au «diesel» Aubry,
qui monte en puissance contre la
«gauche molle», il semble un peu
groggy dans la dernière ligne
droite. Mais, après Valls et Jean-Michel Baylet, le soutien «strictement
politique» de Royal puis celui «exclusivement personnel» de Montebourg renversent la dynamique.
«Ces ralliements ont contribué à ce
putée Aurélie Filippetti, proche de
Hollande. Ce qui a manqué à la
maire de Lille? «Un mois de retard,
c’est tout», assure la sénatrice Laurence Rossignol. La première secrétaire, qui s’est lancée fin juin, avait
une fenêtre de tir le 28 mai, après le
forfait de DSK, quand le PS a adopté
à l’unanimité son «projet 2012». A
ce moment-là, murmurait jeudi
son directeur de cabinet
«Je mettrai toute mon énergie et Jean-Marc Germain, «on
pu, on aurait peuttoute ma force pour que François aurait
être dû».
Hollande soit le nouveau
président de la République.»
Martine Aubry hier
que les électeurs, même idéologiquement plus proches d’Aubry, choisissent le critère de l’efficacité pour
battre Nicolas Sarkozy», juge Laurent Baumel, proche de DSK converti à Hollande. «C’est Royal qui le
sauve», assure Jean-Christophe
Cambadélis.
Seule contre tous, avec 9 points de
retard au premier tour, Aubry a
haussé le ton dans les dernières
quarante-huit heures. «Elle est apparue trop clivante», estime la déw Demain Bureau national du PS.
w 22 octobre Convention d’inves­
titure du candidat socialiste à
Paris.
w 22 avril 2012 Premier tour de
l’élection présidentielle.
w 6 mai 2012 Second tour.
w 10 et 17 juin 2012 Elections
législatives.
«APAISEMENT». Lundi
«ça va être la journée de
conciliabules», prédit un
ténor. Et demain, le PS, toutes écuries confondues, reprendra sa vie
de parti d’opposition à l’Assemblée
avant de réunir son bureau national. «Martine doit arriver sous les
applaudissements du vainqueur et
prononcer des paroles d’apaisement», prescrit un aubryste. «L’enjeu, pour nous, c’est la victoire de la
gauche en mai», confirme Christophe Borgel, proche de la maire de
Lille. Conclusion de Royal: «L’heure
est au rassemblement joyeux !» •
56,38%
C’est la part des suffrages
(résultats à 22h40) remportés
par François Hollande, hier, au
second tour de la primaire, con­
tre 43,62% pour Martine Aubry.
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
3
Par NICOLAS
DEMORAND
Indemne
A Solférino,
hier soir.
PHOTO THOMAS
SAMSON. AFP
Hollande devra rassembler son parti, unir la gauche et éviter tout triomphalisme.
Du marathon au saut d’obstacles
S
ouffler ? Oui, mais pas tout de suite. cas, se méfier de ses amis, ces fidèles qui l’acFrançois Hollande, désigné hier candidat compagnent depuis toujours et ne l’ont pas
du Parti socialiste pour la présidentielle lâché quand les temps étaient durs. Le candide 2012, aura sans doute besoin de prendre un dat devra les convaincre qu’ouvrir les portes
peu de champ dans les semaines qui viennent, et les fenêtres de l’atelier hollandais est une
après le marathon de la primaire qui s’achève nécessité. Et il devra montrer la voie pour que
et avant la campagne présidentielle,
les électeurs de Martine Aubry, Séla vraie, qui démarrera vraiment en
ANALYSE golène Royal, Arnaud Montebourg et
janvier et sera une tout autre
Manuel Valls se retrouvent derrière
épreuve. Mais François Hollande sait aussi lui. Car si son score de second tour est conforqu’il doit rapidement rassurer sur au moins table, les messages envoyés par les électeurs
trois fronts.
le 9 octobre restent valides. Tous les ténors du
Victoire généreuse. Le premier défi qui at- PS devront aussi avoir en mémoire les campatend le candidat du PS est de réunir les siens. gnes perdues de 2002 et 2007, désastreuses en
Dès hier soir, il a salué «la dignité» de Martine terme de coordination entre le candidat et le
Aubry qui venait d’appeler au rassemblement. parti. Ségolène Royal a, de ce point de vue,
Mais après des semaines de campagne cor- parlé d’or la semaine dernière.
diale, les derniers jours ont été rudes, les mots Le second défi tient aux relations avec les paréchangés âpres. Ils laisseront des traces si tenaires de gauche, dans une configuration
François Hollande ne prend pas les devants. inédite, avec l’installation du Front de gauche
Sa capacité, tant moquée, à faire pendant dix dans le paysage. Martine Aubry a, depuis son
ans des synthèses en tant que premier secré- arrivée rue de Solférino, cultivé de bonnes retaire laisse penser qu’il saura avoir la victoire lations avec les formations alliées, notamment
généreuse. Il devra, comme c’est souvent le les Verts. François Hollande, lui, a toujours
«Il y a une dynamique
incroyable, qui va changer
la façon de faire de la politique,
il y a un besoin des citoyens de
s’exprimer, de donner leur avis.
L’hyperprésidence, c’est fini.»
«Je constate ce soir
qu’aujourd’hui Martine Aubry,
première secrétaire du PS, est
désavouée par cette élection […].
Je pense qu’il faudrait qu’elle
démissionne, évidemment.»
Jean­Marc Ayrault patron des députés PS, hier
Nadine Morano (UMP) hier sur RTL
adopté sur ce sujet un discours volontariste.
En fidèle des enseignements de Mitterrand,
l’union est chez lui une matrice incontournable. Mais en dix ans à la tête du PS, il n’a jamais vraiment pu, ou su, passer aux actes
pour modifier les équilibres d’une union que
la déconfiture progressive du PCF rendait inéluctable. Entre 2000 et 2002, il a en vain cherché la bonne formule pour prolonger la gauche plurielle. Sa «gauche durable» est restée
une coquille vide. S’il veut changer les contours de la gauche, il devra, là encore, s’affranchir des réflexes hégémoniques des élus
PS en cas de victoire présidentielle.
Temps. Le dernier défi est d’éviter tout
triomphalisme. Oui, la primaire a été un succès. Oui, elle peut contribuer à donner un élan
au candidat PS. Mais le temps politique file
désormais à la vitesse du 2.0. Et le vrai rendez-vous avec les Français est dans six mois.
Une éternité. Ce qui laisse largement le temps
à la majorité, aujourd’hui éparpillée façon
puzzle, de se rassembler derrière son chef.
PAUL QUINIO
•
De manière nette et tranchée, ce sera
donc lui. Lui qui portera les couleurs
socialistes à la présidentielle. Lui
qui désormais devient comptable,
devant les Français, de la promesse
d’alternance en 2012. Pour
remporter cette primaire inédite,
François Hollande aura bénéficié de
ce mélange d’habileté, de baraka
et d’intuition qui font souvent les
victoires politiques. Parti le premier,
considéré comme un outsider par
trop… normal face à la rutilante
hypothèse DSK, n’ayant jamais varié
d’une ligne social-démocrate à
même de définir une «rigueur de
gauche», il aura finalement su
organiser le débat et le faire tourner
autour de lui. Proposer des synthèses
tactiques quand il était débordé sur
sa gauche, tout en refusant de laisser
monter les enchères. Sortir
relativement indemne de cette
primaire, menacée dès son origine
par les frasques de DSK, rendue
explosive par les haines recuites
des socialistes, incertaine jusqu’au
bout, fait partie de ces rudes
entraînements qui blindent une
armure. Et permettent de préparer
la suite. C’est-à-dire le plus dur. A
commencer par le rassemblement de
son propre camp, après les dérapages
des quarante-huit dernières heures
de la primaire, quand chaque camp
mit bas les masques et tira à balles
réelles. Le PS, qui va entrer dans une
semaine de tractations entre les
différents camps, devra être uni et au
service du candidat désigné par les
sympathisants de gauche. Sans quoi
2012 pourra être ajouté à la longue
liste des présidentielles perdues
depuis François Mitterrand. Ensuite,
la campagne qui s’annonce change
évidemment d’échelle et de nature
dès lors qu’il ne s’agit plus de
s’adresser uniquement à son propre
camp. Mais à un pays frappé par la
crise, vacciné contre les promesses
et les mirages du volontarisme
politique tapageur. Un pays
sceptique, qui au mieux doute, mais
plus certainement désespère. Auquel
il faudra savoir parler et offrir des
perspectives crédibles, des raisons
de ne pas considérer l’avenir comme
une menace, mais comme une
chance. De ce point de vue, François
Hollande doit élargir les horizons
et trouver la voie étroite entre le
réalisme, qu’il incarne depuis le
début, et la capacité à entraîner.
A tracer des perspectives.
Il reste six mois.
SUR LIBÉRATION.FR
Suivez toute la journée le fil de
l’actualité consacré à ce lendemain
d’élection à la primaire socialiste:
réactions, analyses, commentaires,
reportages…
Revivez la folle soirée d’hier soir
avec le live de Libération.
Et retrouvez tous nos articles dans notre
dossier Présidentielle 2012.
4
•
EVENEMENT
François Hollande
à Paris,
le 26 mai 1981.
Il s’apprête alors
à affronter
Jacques Chirac
en Corrèze,
aux législatives
des 14 et 21 juin.
PHOTO MICHEL
CLÉMENT. AFP
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
•
5
De son enfance rouennaise à la primaire
en passant par sa formation politique,
la Corrèze et Solférino, retour sur
l’ascension du candidat socialiste.
Hollande,
l’effort
tranquille
«I
l faut savoir d’où l’on est et avoir
le sens du parcours.» Ce 5 octobre à Rouen, quelques heures
avant de rentrer à Paris pour le
troisième débat télévisé de la primaire,
François Hollande se confie. Il revient
de Bois-Guillaume, faubourg cossu de
l’agglomération rouennaise pour
laquelle il garde «une affection particulière». Normal: il y est né le 12 août 1954
et y a été scolarisé jusqu’à la troisième,
chez les Frères catholiques de
Jean-Baptiste-de-La-Salle. Ce
jour-là, «après la rencontre avec la
presse, je me suis dit : “Il faut que j’aille
voir la maison où j’ai passé mon enfance.” J’ai eu de la chance, la personne qui y vit m’a fait rentrer»,
raconte celui qui est désormais
le candidat du PS à la présidentielle de 2012.
Pour moi, il n’existait que le général de
Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir
de nouveaux visages: Jean Lecanuet
et François Mitterrand.»
François Hollande
A l’extérieur de la maison, tout a
changé. «Il y avait des granges, il y avait
des vaches et des chevaux. Il ne reste plus
rien. La maison existe toujours, la même,
mais dans une autre géographie.» Disparu, le champ du voisin où François
jouait au foot avec son frère Philippe, de
deux ans son aîné. Disparu, le poulailler expérimental inventé par son
père. A l’intérieur, en revanche, les
murs changent moins vite que les hommes.
Ce qu’il a ressenti à 57 ans, ce 5 octobre,
François Hollande le garde pour lui. Des
souvenirs et des images. Celle de Nicole,
sa mère assistante sociale à TRT, une
entreprise d’électronique, femme vivante et aimante. Aussi lumineuse que
son père, médecin ORL, était ombrageux et autoritaire. Imposant, selon
Serge Raffy, son biographe, des «diktats
aussi martiaux qu’incompréhensibles» à
ses deux fils.
Georges Hollande était fils d’instituteurs, originaires d’une famille de paysans volaillers installée près de la frontière belge, à Plouvain, un village
martyr bombardé en 1917. La ferme n’y
échappera pas. Ils portent le patronyme
du pays que leurs ancêtres, des protes-
Avec sa compagne, Ségolène Royal, en septembre 1991 à Lorient. PHOTO ERICBEN. SIPA
tants venus de Hollande au XVIe siècle
pour échapper aux bûchers de l’Inquisition, avaient pris pour se reconnaître
entre eux. Les débuts du couple Hollande sont modestes. Le cabinet d’ORL
est aussi le domicile conjugal, et les patients opérés des végétations récupèrent parfois dans le salon ou sur le lit
des garçons. Le jeune François alterne
des années scolaires chez les frères, où
il est bon élève mais un peu turbulent.
Un premier communiant un peu
rebelle. Il lit Pif Gadget, publication
communiste, en cachette. Un jour qu’il
prend la défense d’un groupe de camarades pour atténuer une sanction, il se
retrouve collé comme les autres. Ce
sera sa première expérience de leader.
Les jeudis après-midi, le petit François
les passe avec Gustave, son grand-père
paternel. Directeur d’école et ancien
poilu, il l’initie aux ravages de la guerre
et aux mots du dictionnaire. Côté
maternel, on est plus chaleureux et
ouvert. Son grand-père, lui aussi gazé
dans les tranchées, est tailleur de métier, chante Tino Rossi et loue chaque
été des maisons pour sa tribu. «Mon
meilleur souvenir d’enfance, c’était les
vacances avec eux. On se retrouvait avec
les cousins et les cousines à Carnac, au
Canadel, au Chambon-sur-Lignon et à
La Franqui.»
Et puis, c’est la rupture. Brutale. Son
père, qui a réussi –il possède des parts
dans une clinique–, est convaincu que
Mai 68 est le prélude à l’invasion soviétique. Il vend tout et déménage sa famille à Neuilly-sur-Seine (Hauts-deSeine), où il se lance dans les affaires
immobilières. Il s’éloigne aussi. Et
quand il vide la maison familiale, il envoie à la décharge les petites voitures
Dinky Toys de François et les disques de
jazz de son frère. C’est la fin de l’enfance. «C’est douloureux, ces moments-là, confie François Hollande. Mon
père aimait changer de domicile. C’était
un nomade. Moi, je suis attaché aux lieux.
Enfin, je l’étais. Maintenant, c’est moins
vrai, il ne faut jamais vivre dans la nostalgie. La vie passe.»
Les racines
politiques
François Hollande ne vient pas d’une
famille de gauche. Chez les Hollande,
les hommes sont des gaullistes, des
«conservateurs modérés», jugera François Hollande. Son père admire l’avocat
Tixier-Vignancour et ne cache pas ses
sympathies pour l’OAS et l’Algérie
française. Anticoco viscéral, il sera,
en 1959 et 1965, candidat malheureux
sur une liste d’extrême droite aux municipales de Rouen. C’est le goût politique des femmes de la famille qui
impressionne le jeune François. L’hiver 1965, il remarque que sa mère
écoute attentivement François Mitterrand lorsqu’il apparaît sur l’écran en
noir et blanc du téléviseur. Sa grandmère Antoinette fait aussi partie des
fans du député de la Nièvre. Premier
déclic. «Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai
vu surgir de nouveaux visages: Jean Lecanuet et François Mitterrand, qui venaient de s’inviter comme opposants.»
Au lycée Pasteur de Neuilly, où il rencontre Thierry Lhermitte et Christian
Clavier, le jeune homme s’affiche SFIO,
tendance Union de la gauche. Reçu à
Sciences-Po, il milite pour l’Unef-Renouveau, proche du PCF. En 1972, il a
18 ans et assiste, Porte de Versailles, à
un grand meeting de Mitterrand. Le
voilà emporté par la geste tribunitienne
de celui qui soulève son auditoire par
ses évocations des hauts fourneaux et
du Front populaire. Mitterrand sera son
candidat. Tant pis pour Rocard, qu’il
juge idéologiquement moderne, mais
stratégiquement naïf. «Je n’étais pris ni
par la phraséologie révolutionnaire qui
avait cours à l’époque ni par le conformisme qui reconduisait la droite pour toujours au pouvoir.»
Hollande n’est pas PCF, mais c’est une
tête. La même année, en 1975, il est diplômé de Sciences-Po, de droit et
d’HEC. Réformé pour cause de myopie
sévère, il se bat pour être réintégré dans
l’armée. A l’ENA, il côtoie Dominique
de Villepin, se lie d’amitié avec Michel
Sapin, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Maurice Ripert. Et séduit Ségolène Royal. Il
propose au PS, en vain, de créer une
section du parti au sein de l’école.
«François a une capacité d’entraînement
que je lui ai toujours connue. Lorsqu’on
était à l’armée ou quand on a créé le comité d’action pour une réforme de l’ENA,
il s’est retrouvé naturellement leader. Pas
par autoritarisme, mais parce que le
charme de son intelligence donne envie de
le suivre», témoigne Michel Sapin.
Les premiers pas
Sorti huitième de la promotion Voltaire
de l’ENA, François Hollande choisit la
Cour des comptes. Il veut se dégager du
temps pour sa vocation, la politique.
Avec Royal, il rencontre à l’automne 1980 Jacques Attali, chargé par
François Mitterrand de monter une cellule secrète d’experts pour sa future
campagne. «Nous faisions des notes,
préparions des argumentaires. Nous ne
savions pas très bien ce que François Mitterrand en faisait.» Aux législatives
de 1981, Jacques Delors refuse d’être
candidat dans sa fédération de Corrèze.
Hollande y est parachuté. Il réussit à
évincer le rocardien local pour obtenir
l’investiture du PS, mais se heurte au
clientélisme chiraquien. Mitterrand élu,
Hollande devient un collaborateur de
Jean-Louis Bianco, conseiller politique
du Président. «Attali m’a dit : “On va
être une petite équipe de quatre, avec
Pierre Morel, le grand diplomate, et deux
jeunes qui sont formidables, François Hollande et Ségolène Royal”, raconte Bianco.
On était au 2, rue de l’Elysée, dans deux
bureaux dont on laissait les portes ouvertes. C’était heureux et inventif. On recevait plein de gens parfois un peu givrés
mais plein d’idées.» Bianco se souvient
que Hollande se focalisait sur l’économie, avec des idées qu’on retrouve
aujourd’hui au PS, mais qui n’étaient
guère en vogue à l’époque. Selon Serge
Raffy, Hollande se voit aussi confier la
mission de viser les comptes de l’association France Libertés de Danielle Mitterrand, puis de SOS Racisme. Et celle,
plus délicate, de contenir l’écrivain
Jean-Edern Hallier, qui menace de dévoiler l’existence de Mazarine, la fille
cachée du Président.
En 1983, les indicateurs économiques
virent au rouge, le gouvernement Mauroy est impopulaire. Pour redresser
l’image de la gauche et faire passer la rigueur, Mitterrand nomme l’historien
Max Gallo porte-parole du gouvernement. Hollande quitte l’Elysée pour devenir son directeur de cabinet. Il pousse
notamment son patron à alerter l’Elysée
sur la déferlante qui se prépare contre la
loi Savary et pour «l’école libre». Mais
trop tard. C’est aussi à cette époque que
François Hollande se constitue un solide
carnet d’adresses parmi Suite page 6
6
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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
En campagne pour les européennes, le 23 avril 1999, à Avignon. PHOTO BERNARD BISSON. SYGMA. CORBIS
les journalistes, notamment de Libération. Il est une source
vivante, précise et précieuse pour les
chroniqueurs du Palais. En 1984, lorsque
Laurent Fabius devient, à 38 ans, le plus
jeune Premier ministre de la Ve République, François Hollande suit Max Gallo
au Matin de Paris. Le voilà «éditorialiste
économique». Sans carte de presse, mais
aux côtés d’Alexandre Adler ou de
Christine Bravo…
Suite de la page 5
Delors pour sortir
de l’ombre
En 1984, François Hollande a 30 ans.
Ségolène Royal vient de donner naissance à leur premier fils, Thomas. Mais
il reste un techno, toujours pas
élu en Corrèze, pas encore dirigeant socialiste de premier plan. Il
ne roule ni pour Rocard ni pour Jospin
et encore moins pour Fabius. Lors d’un
dîner à quatre avec l’avocat JeanPierre Mignard, le député du
Morbihan Jean-Yves Le Drian
et Jean-Michel Gaillard, un
ami conseiller auprès d’Hubert
[Hollande] était mitterrandiste pour la
stratégie de conquête du pouvoir, tout en
étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard.
Il pensait que Delors était l’homme qui
pouvait […] aller vers la troisième gauche.»
Jean­Pierre Mignard
Védrine, ils inventent les «transcourants». Objectif: «Dépasser la vieille dichotomie entre mitterrandiens et rocardiens», rappelle Michel Sapin.
Jean-Louis Bianco les soutient. Ils publient une tribune dans le Monde en décembre 1984, «Pour être modernes,
soyons démocrates» et, un an plus tard,
un livre, La gauche bouge. De quoi sortir
de l’ombre et s’attirer les foudres de
Lionel Jospin, qui convoque les transcourants rue de Solférino : «Mon club,
c’est le parti.» Pour tenir face aux éléphants, il leur faut un poids lourd. JeanPierre Jouyet suggère le nom de Jacques
Delors, qui vient d’être désigné président de la Commission européenne et
dont il est le directeur de cabinet.
Le 22 août 1985, ce dernier accepte de
devenir la figure de ce mouvement,
dont le nom, Démocratie 2000, est tout
Le premier secrétaire avec Lionel Jospin, en 2001 à La Rochelle. DANIEL JOUBERT. REUTERS
un programme… «François Hollande est
très politique. Il était mitterrandiste pour
la stratégie de conquête du pouvoir, tout
en étant sensible à beaucoup d’idées de
Rocard. Il pensait que Delors était
l’homme qui pouvait dépasser ce clivage
entre la première et la deuxième gauche
pour aller vers la troisième gauche», relate Jean-Pierre Mignard. Martine
Aubry, la fille de Jacques Delors, rejoint
un court temps l’aventure. Mais elle
n’aurait pas supporté que Hollande, élu
en 1988 député sur les terres corréziennes de son père, soit très vite présenté
comme le fils spirituel du président de
la Commission européenne. «Peut-être
que Martine a estimé qu’il y avait une
opération de captation de son père au profit de quelques-uns. Le malentendu est né
de ces deux sincérités», analyse encore
Mignard. Le pari de François Hollande
est politique. Il le perd en quelques minutes en décembre 1994, lorsque Delors
renonce à se présenter à la présidentielle sur le plateau de 7 sur 7.
La Corrèze
et Chirac
Hollande-Chirac… Depuis trente ans,
ces deux-là se sont beaucoup reniflés,
affrontés et sans aucun doute respectés.
Dès 1981, le jeune socialiste s’en va défier le patron du RPR sur ses terres corréziennes aux législatives. Il prend une
veste, 26%, tandis que son adversaire
est élu dès le premier tour. Mais le petit
conseiller de François Mitterrand va
s’accrocher à ce département. En 1983,
Hollande décroche son premier mandat
à Ussel comme simple conseiller municipal. Cinq ans plus tard, il change de
circonscription et remporte un siège de
député. Début d’un partage du territoire avec Chirac. Au gré des résultats
de la gauche au plan national, Hollande
perd (1993) puis reconquiert (1997) son
fauteuil à l’Assemblée nationale. Sa
prise de la mairie de Tulle en 2001 marque le véritable début de sa conquête du
département. La Corrèze vient de se
trouver un nouveau champion, même
si la popularité du président Chirac
reste ici intacte.
Les deux hommes se croisent chaque
année en janvier, aux traditionnels
vœux du chef de l’Etat à ses chers Corréziens. La scène est immuable. Dans
un gymnase sur les hauteurs de Tulle,
le chef de l’Etat discourt avec Hollande
à ses côtés. A chaque fin de discours, le
socialiste applaudit par politesse quelques secondes. Puis, pendant que Chirac s’en va serrer des mains, celui qui
est alors patron du PS et donc opposant
en chef au président de la République
passe à la moulinette devant les micros
toute la politique du gouvernement. Ce
qui n’empêche pas les fans du couple
Chirac de venir le saluer chaleureusement. Chacun sait ici qu’il entretient les
meilleures relations avec la conseillère
générale Bernadette Chirac. L’Elysée, de
son côté, ne se montre jamais chiche
avec la ville de Tulle et la circonscription législative de son édile. En 2008,
Hollande est élu président du conseil
général. Son emprise sur la Corrèze devient totale. Seule Bernadette résiste
dans son canton, où Hollande ne cherche pas vraiment à la faire battre.
Avec l’âge, le vieux fond rad-soc de
Chirac, qui a quitté l’Elysée, finit par
ressortir. Jusqu’à cette fameuse visite
d’une exposition d’art chinois à Sarran,
en juin 2011, où l’ancien président déclare : «Je voterai Hollande [en 2012].»
Fureur de Sarkozy, qui contraindra la
famille Chirac à venir lui présenter des
excuses à l’Elysée en expliquant
que «Jacques n’a plus toute sa tête». Mais
politiquement, le mal est fait. Hollande
s’en tire par une pirouette en expliquant
qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Mais
il sait désormais que toute une frange de
la droite centriste, rurale et cocardière
peut se reporter sur lui.
Le premier
secrétaire
Hollande l’avoue lui-même : «Je suis
devenu premier secrétaire sans vraiment
l’avoir recherché.» Il le restera plus de
onze ans. Un record de longévité le
classant juste derrière Mitterrand. Ou
comment l’ancien transcourant, petit
à petit et aidé par les statuts du PS qui
l’obligent à composer en permanence
avec les rapports de force internes,
devient un homme de parti et un expert hors pair des courants et souscourants du PS. Il passe maître, congrès
après congrès, dans l’art de la synthèse. «Molle», comme disent rapidement ses détracteurs. Bureau national
après bureau national, il devient aussi
expert dans l’art du compromis. Le fes-
tival des sobriquets commence. De
«fraise des bois» (sous laquelle ne peut
sommeiller un éléphant) à «Flanby»…
Lui n’en a cure. Il répète inlassablement : «Ma cohérence, c’est l’unité des
socialistes.»
Au nom de cette cohérence-là, François
Hollande premier secrétaire est également celui qui, jour après jour, semaine
après semaine, mois après mois, année
après année, avale les kilomètres, tisse
sa toile dans le parti, mais sillonne aussi
la France. Pour honorer une Fête de la
rose, soutenir un candidat là le matin,
un autre ici le soir, ou pour rentrer à
Tulle. Ces déplacements, François Hollande les effectue en voiture, les pieds
parfois au-dessus de la boîte à gants. Les
journaux –à commencer par l’Equipe–
sont toujours à portée de main. Et le
sommeil jamais très loin.
Entre 1997 et 2002, le premier secrétaire
joue parfaitement son rôle de porte-parole de l’action gouvernementale et de
copilote de la gauche plurielle. Il est associé à tous les grands projets de la
dream team de Jospin, qu’il voit deux
fois par semaine, le mardi matin lors du
petit-déjeuner de la majorité et le mercredi en tête à tête : Pacs, 35 heures,
CMU, emplois-jeunes… Il a alors les
pleins pouvoirs sur le parti, mais pas
l’autorité. Et, au lieu de faire table rase
du passé, il réintègre dans les instances
les anciens ministres, qui n’auront alors
de cesse de lui contester son leadership.
Derrière l’homme du consensus, plus
accaparé par les alliances internes que
le travail programmatique, se profile un
général en chef électoral quand les victoires sont là, un apparatchik enfermé
dans des querelles qui lassent les Français quand l’ambiance vire à l’aigre.
Porté par une série de succès éclatants
(régionales et européennes), il est élu
homme politique de l’année fin 2004.
Tout lui sourit alors. Il fait voter le PS
sur la Constitution européenne: 60% de
«oui» en décembre 2004. Sur son
nuage –il pose en mars 2005 à la une de
Paris Match en alter ego de Nicolas
Sarkozy–, il ne voit pas venir le «non»
du 29 mai, qui brisera net son ascension. François Hollande récupère le
parti en lambeaux, divisé comme jamais sur un sujet, l’Europe, constitutif
de l’ADN hollandais.
Hollande raccommode à nouveau le PS
au congrès du Mans: «Sinon, on partait
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
A Tulle, en Corrèze, avec le couple présidentiel, en janvier 2004. PATRICK KOVARIK. AFP
à la présidentielle avec un parti coupé en
deux. J’ai décidé de me sacrifier dans l’intérêt du parti.» Sa compagne, Ségolène
Royal, s’engouffre dans la faille et marche sur la présidentielle. «Personne
alors ne s’est levé pour lui dire “François,
fais ton devoir”», déplore aujourd’hui un
de ses alliés. Et surtout pas Lionel Jospin, qui rêve alors secrètement de retour. «L’un attendait d’être appelé par
l’autre. Et l’autre d’être adoubé par l’un»,
résume Bernard Poignant, l’actuel
maire de Quimper, soutien de Hollande
et proche de Jospin. Résultat, Ségolène
Royal s’est imposée aux deux. Mais plusieurs témoins l’assurent: «Jospin, à ce
moment-là, en a voulu à François.»
Ses relations
avec Jospin
En 1997, quand Jospin passe de Solférino à Matignon, il laisse les clés du PS
à son ancien porte-parole. «Il cherchait
quelqu’un de confiance, se souvient Manuel Valls. Car même si les deux hommes ne sont pas faits du même bois,
Hollande, grâce à son «agilité politique», a séduit l’ancien ministre de
l’Education de Mitterrand. «Jospin avait
aussi repéré cette faculté qu’avait Hollande à parler sur les radios, avec cette
pointe d’humour et de cruauté qu’il sait
avoir», se souvient Bernard Poignant.
Une relation de confiance en tout cas est
née, même si l’humour hollandais
agace parfois l’austère, qui ne se marre
pas toujours de ses facéties…
Arrive le 21 avril 2002. Un traumatisme
pour tout le monde. François Hollande
se reprochera d’avoir craint le pire et de
ne pas l’avoir dit. Ou pas assez tôt. Pas
assez fort. Premier secrétaire, il aurait
pu peser davantage pour remettre la
campagne sur les rails. «Peut-être Jospin
aurait-il dû nommer Hollande directeur de
campagne», soupire un jospiniste en repensant à la cacophonie qui régnait à
l’Atelier. «François m’a confié récemment qu’il ne s’était jamais engueulé avec
Jospin, confie un proche. Peut-être
aurait-ce été mieux s’il l’avait fait…»
François,
Ségolène et Valérie
C’est au soir de la législative ratée dans
la foulée de l’échec à la présidentielle
de Ségolène Royal en 2007 que la nou-
velle tombe. Via une dépêche AFP, la
candidate défaite annonce qu’entre elle
et lui, c’est fini. «J’ai demandé à
François de quitter le domicile… Je lui ai
rendu sa liberté… Je lui souhaite d’être
heureux.» La phrase est reprise, commentée sur tous les plateaux télé de la
soirée électorale. Beaucoup d’électeurs
de gauche ont le sentiment désagréable
d’avoir été pris en otage par les problèmes de couple entre l’ex-candidate
à la présidentielle et son compagnon
premier secrétaire du PS. Lequel, d’une
nature réservée, voit sa vie privée
surexposée sur la scène nationale.
Après trente ans de vie commune,
quatre enfants et une ascension publique ininterrompue, la PME politico-familiale licencie le patron. En fait,
François Hollande est déjà parti.
Pendant l’été 2005, sa relation avec
Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match et Direct 8, a pris un
tour plus personnel. Les deux se
connaissent depuis longtemps, la quadragénaire à la chevelure de feu apprécie l’humour toxique et l’attention
pour autrui du patron du PS. Ils sont
tombés amoureux. A en croire Serge
Raffy, si François a laissé Ségolène lui
damer le pion en 2006, c’est en partie
parce qu’il avait la tête ailleurs. «La
plupart des proches utilisent une formule
sibylline pour expliquer ce flottement: “Il
était diverti.”»
Le désormais candidat et la journaliste
habitent dans le XVe arrondissement,
près du parc André-Citroën. «Un appart moderne, spacieux mais pas grand.
Avec une terrasse petite et sans vue sur la
Seine», précise l’entourage de Hollande. «Il y a eu des vies communes qui
ne le sont plus. La politique emporte
tout», disait François Hollande avant le
premier tour dans Libération à propos
de la concurrence inédite avec Ségolène
Royal. Une situation «pas ordinaire»,
reconnaissait la semaine dernière l’excandidate, défaite au premier tour, venue sur France 2 apporter son soutien
à François Hollande. «Mais je ne peux
pas renier ma vie, avouez d’ailleurs que
le bilan de ce couple n’est pas si mauvais
que ça, avec quatre enfants et deux candidats présidentiels. […] Je fais la différence entre le corps privé et le corps public. Aujourd’hui, c’est le corps public qui
parle.» La politique, décidément, emporte tout.
•
7
A Paris, le 12 juillet, Hollande officialise sa candidature à la primaire socialiste. JEAN­MICHEL SICOT
La mue
«Je m’y suis préparé.» Tel est le mantra
de François Hollande, la phrase qu’il
répète comme un sportif de haut niveau
suit un programme d’entraînement en
dix étapes. Etre candidat à l’Elysée puis
exercer la fonction de président de la
République –«normal»–, il s’y prépare
«physiquement, mentalement et politiquement» depuis longtemps,
dit-il. Depuis Lorient et le lancement de son pacte redistributif
en 2009.
En fait, la mue de l’ex-premier secrétaire en futur candidat socialiste a
commencé en 2008. Selon Michel Sapin, «le moment où il
crée les conditions pour être
président, c’est lorsqu’il décide
Quand t’as plus de boulot, que ta femme
a été candidate, que tes amis t’ont lâché
et que ta mère meurt, il y a un moment où
il ne reste plus rien. Il a montré une capacité
psychologique à faire face seul. C’est là que
je l’ai vu en homme d’Etat.»
Un proche de François Hollande
de quitter la tête du PS et de ne pas présenter sa motion au congrès de Reims.»
Eloigné des bisbilles qui culminent
avec l’affrontement entre Martine
Aubry et Ségolène Royal, le député de
Corrèze quitte sa peau de premier secrétaire des synthèses molles. Il change
d’image dans l’opinion. Celui qu’Arnaud Montebourg qualifiait de
«Flanby» maigrit. Fini les fondants au
chocolat et les frites. François Hollande
perd entre «huit et douze kilos», selon
sa capacité à résister aux tartelettes lors
des Fêtes de la rose qu’il sillonne depuis
deux ans. Un opticien de l’Odéon lui
pose des lunettes sans montures sur le
nez. Sa silhouette plus affûtée lui confère paradoxalement une gravité nouvelle. La sénatrice PS Frédérique Espagnac, qui fut longtemps sa
collaboratrice, précise que «François
n’a pas maigri pour montrer un changement. C’est parce qu’il a fait le travail de
se confronter à lui-même qu’il a réussi.
Pendant des années, on lui a dit : “Ne
bouffe pas de gâteaux au chocolat” et ça
ne servait à rien !»
Le Hollande 2.0 a aussi mis un bémol à
son humour pour se sortir de la caricature de «monsieur petites blagues». C’est
également parce qu’il a pris du plomb
dans l’aile. Lorsque Lepoint.fr lui demande pendant la campagne quel est
son plus grand regret, il répond: ne pas
avoir pu être au côté de sa mère lorsqu’elle est morte. Nicole Hollande, qui
l’adorait et qu’il adorait. Octogénaire,
elle avait pris la carte du PS en 2005
pour le soutenir et croyait en son ambition présidentielle. Son décès, en 2009,
intervient après la séparation d’avec Ségolène Royal et son départ de la rue de
Solférino. «Quand t’as plus de boulot,
que ta femme a été candidate, que tes amis
t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un
moment où il ne reste plus rien. Il a montré
une capacité psychologique à faire face
seul. C’est là que je l’ai vu en homme
d’Etat», raconte un proche. Michel Sapin, son vieux pote depuis l’ENA et le
service militaire, confirme: «Sa personnalité, sa sensibilité d’aujourd’hui sont
celles qu’il avait il y a dix, vingt ou trente
ans. Mais dans un itinéraire, il y a des choses qui changent un homme dans sa relation aux autres. François déteste faire de
la peine, du mal. Il sait désormais qu’arrivé à un certain niveau, cette question ne
se pose plus. Il faut faire ce qu’il y a à faire.
Et là-dessus, il a changé.» Comme le déclarait un patron de PME après l’avoir
écouté à la foire de Châlons-en-Champagne, François Hollande aurait donc
«la moelle» pour l’Elysée.
Il lui reste désormais à en convaincre
les Français. «Il faut que tu parles aux
Français et que tu leur parles de la
France, lui conseille Bernard Poignant.
Un président, ce n’est pas un Premier ministre. Il doit montrer qu’il a écouté les
Français, qu’il connaît bien leurs problèmes et peut les résoudre, mais aussi et
surtout qu’il a embrassé leur histoire et
leur géographie.»
MATTHIEU ÉCOIFFIER,
LAURE BRETTON, ANTOINE GUIRAL
et PAUL QUINIO
Sources: «François Hollande, itinéraire
secret», de Serge Raffy, éd. Fayard, 2011;
«le Figaro» du 25 août 2010; «Droit
d’inventaires», entretiens avec Pierre
Favier, éd. du Seuil, 2009; «PS, les coulisses
d’un jeu de massacre», de Nicolas Barotte
et Sandrine Rigaud, éd. Plon, 2008;
«Devoirs de vérité», dialogue avec Edwy
Plenel, de François Hollande, éd. Stock,
2006.
8
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
Pudeur des hollandais,
légère déception des
aubrystes, l’heure était
déjà au rassemblement hier.
DanslesQG,
l’union
secrée
urieuse ambiance, hier soir, au quartier général
de chacun des candidats et au siège du Parti socialiste. Chez les fidèles de François Hollande,
réunis comme au premier tour à la Maison de l’Amérique latine, boulevard Saint-Germain à Paris, quand
parviennent les premiers résultats, on comprend que
l’affaire est bien engagée. Mais on ne veut pas céder
au triomphalisme. Déception chez les supporteurs de
Martine Aubry, dans la péniche amarrée face au quai
d’Orsay. Et même réaction de pudeur: l’heure est au
rassemblement.
19 heures. Une confiante incertitude règne à la Maison de l’Amérique latine. Cet hôtel particulier du
VIIe arrondissement de Paris à quelques encablures
du siège du PS, rue de Solférino, bruisse de scores favorables au député de Corrèze. «Ça fera entre 55%
et 58%», glisse un militant d’un air entendu.
19h30. Sur la péniche de Martine Aubry, les premières tendances en faveur de Hollande assomment la
poignée de militants présents. «Ça va être très dur,
reconnaît Thibault, 23 ans, venu de Malakoff (Hautsde-Seine). On boit des bières à 5 euros en gardant un
œil sur l’écran géant qui retransmet iTélé. «On est serein, assure Nobel, 48 ans, arrivé de Trappes (Yvelines). On peut gagner avec les écolos, avec le soutien de
Djamel ou de Sandrine Bonnaire.»
20 heures. La large avance confirmée de Hollande
finit de plomber l’ambiance. Quand le son de la télé
tombe en panne, plus personne n’ose parler. Pendant
quelques secondes, un étrange silence qui en dit long
sur l’état des troupes. Iront-ils faire la fête ce soir avec
les hollandais? «Je vais peut-être attendre un peu, reconnaît Thibault. Mais je ferai ensuite la campagne pour
François, c’est sûr.» Delphine Mayrargue, secrétaire
nationale du PS en charge de l’emploi, veut positiver:
«S’il doit gagner, autant qu’il l’emporte franchement.»
20h30. Chez les hollandais, quand Pierre Moscovici,
coordinateur de la campagne, prend la parole pour
«appeler au rassemblement» et pour demander à ce
que Martine Aubry ne se sente pas «humiliée», la victoire de Hollande ne fait plus de doute. Un photographe déjà présent en 2006 pour la désignation de Ségolène Royal au premier tour de la primaire s’amuse de
se retrouver au même endroit: «Le lieu doit être portebonheur. Il y a cinq ans, c’était maman, là c’est papa.»
C
«La pression a été forte dans l’entre deux
tours, il était temps que ça s’arrête avant
que ça devienne trop destructeur.»
Anissa 22 ans, soutien de Hollande
20 h 55. Quand Martine Aubry prend la parole pour
acter sa défaite et appeler au rassemblement, les militants hollandais l’applaudissent chaleureusement.
«Maintenant, on va aller bouter Sarkozy hors de l’Elysée», lance un vieux militant qui a connu d’autres
joutes présidentielles.
Au fil des résultats qui tombent, les applaudissements
reprennent. «La pression a été forte pendant cet entre
deux tours, il était temps que ça s’arrête avant que ça
devienne trop destructeur», explique Annissa, militante socialiste de 22 ans. «Dès demain, il faudra se
rassembler et préparer la vraie bataille de 2012», glisse
Pierre Moscovici.
A Solférino, l’opération réconciliation a commencé.
Les aubrystes présents savent que «c’est râpé».
«Quand vous avez tous les ralliements pour un candidat,
il y a un effet d’amplification», avance MarieNoëlle Lienemann. Dans l’entourage de la maire
de Lille, on avait fait ce calcul: il fallait «un million de votants supplémentaires à 60% pour Aubry
pour inverser la tendance».
21 heures. Venant de l’Assemblée nationale,
Martine Aubry, précédée de quelques minutes
par son équipe de campagne –Anne Hidalgo, Olivier
Dussopt, Bertrand Delanoë–, arrive rue de Solférino.
S’adressant aux «Françaises, Français», elle «salue
chaleureusement» la victoire de son rival : «Ce soir il
est notre candidat à la présidentielle.»
Lundi, elle retrouvera sa casquette de première secrétaire et promet de mettre «toutes [ses] forces et [son]
énergie» au service de Hollande. Une page se tourne,
insiste-t-elle : «Jusqu’à samedi, c’était le débat ;
aujourd’hui, c’était le vote; ce soir, le rassemblement. Et
demain, ce sera l’équipe de France du changement.»
«Loyauté, fermeté, engagement», enchaîne Arnaud
Montebourg au pupitre, qui déclare solennellement
ouverte «la campagne pour la présidentielle de 2012».
Les proches d’Aubry martèlent le message d’un «rassemblement absolu et sans ambiguïté» et prêchant
l’anosognosie sur la fin de campagne tendue: «Les petites phrases, je ne m’en souviens même pas», lance le
secrétaire national Razzy Hammadi.
Ça finit par une bise sur le perron de Solférino entre
Aubry et le vainqueur. Sous la clameur des militants
entrés dans la cour et le regard de Manuel Valls, Ségolène Royal et le premier secrétaire par intérim, Harlem
Désir. «Ce résultat est la première étape d’un long cheminement», lance Hollande. La page de la primaire –«un
succès démocratique» – tournée, le programme de la
semaine est tout tracé: «Demain à Solférino, mardi au
bureau national et samedi pour une grande convention où
tout le monde applaudira comme un seul homme ou une
seule femme François Hollande», décrit Jean-Christophe
Cambadélis, pro-Aubry. «Enfin les difficultés commencent !» savoure Jean-Marc Ayrault, pro-Hollande.
JONATHAN BOUCHET-PETERSEN,
LAURE EQUY et LUC PEILLON
Sur la péniche
le Quai, QG de
Aubry (Paris VIIe,
en haut), et au
siège du PS,
dans la rue de
Solférino voisine,
hier. PHOTOS
NGUYEN. RIVA PRESS­
LAURENT TROUDE
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
Inquiète de la capacité de Hollande à capter les voix du centre, l’UMP est
convaincue que Sarkozy ne fera qu’une bouchée de la «gauche molle».
La droite lance la riposte
contre le candidat «normal»
S
s’était promis que l’on ne
parlerait pas de la primaire.
Promis juré. Mais hier, Henri
Guaino, le conseiller spécial
de Sarkozy, n’a pas pu s’empêcher de remettre le sujet
sur la table. Il a jugé «un peu
consternant que la primaire PS
écrase toute l’actualité»,
ajoutant que «c’est un peu limite, du point de vue journa-
listique». Et plus tôt, le ministre du Travail, Xavier
Bertrand, n’avait pu résister
à l’envie de balancer une pique à son ennemi Jean-François Copé, en assurant que la
primaire «est un processus en
train de trouver sa place».
Même hier soir, la droite
était incorrigible.
GRÉGOIRE BISEAU.
Drôles de retrouvailles… Quinze ans après l’avoir
affronté pour briguer le premier secrétariat du PS au
congrès de Brest de 1997, Jean­Luc Mélenchon et sa
nouvelle casaque Front de gauche retrouvera François
Hollande dans la course présidentielle. «Il y a
maintenant la place pour un débat de confrontation
de deux lignes à gauche», se réjouit François
Delapierre, directeur de campagne de Mélenchon.
Chez les communistes, on ironise sur la politique à
«pâte molle» de Hollande. Porte­parole du PCF,
Patrice Bessac prévient: «La gauche ne peut pas
réussir si elle n’affronte pas les banques.» Côté
écologiste, malgré le faible des militants et de leur
chef, Cécile Duflot, pour Martine Aubry, on jure que la
désignation de François Hollande ne change «pas
grand­chose». On le met tout de même en garde
contre un «détricotage» des négociations en cours:
«Ce serait un premier mauvais signe envoyé, dit Jean­
Vincent Placé, bras droit de Duflot. Il devra démontrer
qu’il a les capacités de laisser les partis travailler.» L.A.
Crédit Photo : Digital Vision / gettyimages FNMF - Organisme régi par le Code de la mutualité - RNM 304 426 240
chef de l’Etat. Et, surtout, il
ne la comprend pas. Autant on
peut douter que Hollande soit
capable d’envoyer les Rafale
sur Benghazi, autant, avec
Aubry, ce n’est pas le cas.»
Un élu de l’UMP: «La France
en crise n’a pas besoin du représentant de la gauche molle.
En devenant le candidat des
socialistes, on a l’impression
qu’il est arrivé le plus haut
possible.»
«Coriace». Mardi, lors du
petit-déjeuner de la majorité, Nicolas Sarkozy avait
pris la peine de ne surtout
pas marquer sa préférence
pour l’un ou l’autre : «Celui
qui sortira de la primaire sera
un candidat forcément coriace», a-t-il déclaré. Et
d’ajouter pour calmer les ardeurs: «La campagne sera un
marathon…» En clair, il n’y a
aucune urgence à se presser
et donc à précipiter la déclaration de sa propre candidature. Le lendemain, au siège
de l’UMP, la «cellule riposte» de la majorité moulinait ses argumentaires pour
dimanche.
«Dans ce contexte, on ne voit D’abord contre
le futur candipas comment le chef de l’Etat
dat socialiste.
pourra faire l’impasse sur un
Sur le mode :
rapprochement avec Bayrou.» «Hollande n’a
pas de passé,
Un visiteur du soir de l’Elysée
mais déjà un
«responsable», François Hol- passif». Les élus de l’UMP
lande devrait en effet pou- étaient appelés à cogner sur
voir séduire plus facilement son bilan à la tête du Parti
que Martine Aubry l’électo- socialiste et de son départerat du centre. C’est en tout ment de la Corrèze.
cas ce que craint la majorité. L’autre angle d’attaque était
«Dans ce contexte, on ne voit d’ouvrir le débat contre le
pas comment le chef de l’Etat programme du PS, synthèse
pourra faire l’impasse sur un «d’une gauche molle et d’une
rapprochement avec François gauche archaïque». «Il faudra
Bayrou. Y compris en matière expliquer que la propagande
de programmatique», veut du PS, c’est fini. Maintenant,
croire un visiteur du soir de on va entrer dans le vrai dél’Elysée. Ce qui va s’avérer bat», expliquait à Libération
très compliqué.
un participant de la cellule.
«Pyrrhus». En revanche, en Hier soir, Christian Jacob, le
matière de personnalité, les patron du groupe UMP à
proches du chef de l’Etat es- l’Assemblée nationale, a
péraient tous tomber sur donc récité la leçon sur les
Hollande. Pour eux, il ne fait plateaux de télé. Il a d’abord
guère de doute que Sarkozy déclaré que «le monologue du
ne fera qu’une bouchée de la PS est maintenant terminé».
«normalité» de Hollande. Et Puis il a égrené les proposide sa supposée «mollesse». tions socialistes sur le nuHier, Laurent Wauquiez, mi- cléaire, l’embauche de
nistre de la Recherche, dé- 60 000 fonctionnaires dans
clarait: «Ce soir, c’est la vic- l’éducation nationale, les
toire de la gauche molle qui emplois-jeunes… Et de poser
risque d’être une victoire à la la question qui se veut fatale:
Pyrrhus.» «Sarkozy craignait «M. Hollande a-t-il fait ses
Aubry car il ne la connaît pas additions ?»
bien, soutient un proche du Enfin, la cellule riposte
9
LE FRONT DE GAUCHE RAVI,
LES ÉCOLOGISTES PRUDENTS
June,TwentyFirst
itôt les premières estimations connues, JeanFrançois Copé, fidèle au
front, sortait, sur le plateau
de France 2 la grosse artillerie: «C’est une pseudo-soirée
électorale. Je pensais que
François Hollande serait élu
avec 65% ou 70% des votes. Il
avait tout le monde avec lui et
Martine Aubry avait tout le
monde contre elle.» La majorité souhaitait secrètement
un score le plus serré possible entre les deux candidats,
pour contester demain la légitimité du leader socialiste.
Puisque la droite n’a pas obtenu ce qu’elle espérait, il
faut donc minorer l’avance
de Hollande. Rien de plus logique, donc.
Pour la majorité, la victoire
de l’ex-premier secrétaire
n’est pas une très bonne
nouvelle. «L’élection de Martine Aubry pourrait nous libérer un espace politique au centre», confiait il y a quelques
jours un proche collaborateur du Président. En donnant l’image d’une gauche
•
“Un impôt sur notre santé ?
C’est non !”
Non à la dégradation de l’accès aux soins.
Le gouvernement a décidé de doubler la taxe sur les contrats santé solidaires
et responsables ! Les mutuelles sont des organismes à but non lucratif.
Elles ne versent pas de dividendes à des actionnaires.
Taxer les mutuelles, c’est créer un nouvel impôt sur la santé.
C’est dangereux : de plus en plus de nos concitoyens renoncent aux soins
pour des raisons financières.
C’est injuste : avoir une mutuelle est aujourd’hui essentiel pour chaque foyer.
Bénéficier d’une mutuelle n’est ni un privilège, ni un signe extérieur de richesse.
Votre santé mérite mieux qu’une taxe,
la santé doit être au cœur du débat électoral de 2012 !
Contactez votre mutuelle et rejoignez nous sur www.mutualite.fr/petition
pour signer la pétition contre l’impôt sur votre santé.
sur www.mutualite.fr/petition
10
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
Dans la banlieue de Lille, dans le Tarn, à Lyon, Marseille ou Paris,
les électeurs ont choisi leur favori pour l’emporter en 2012.
«N’importe lequel pourvu
qu’il batte Sarkozy»
D
ans les grandes villes, les
bourgs ou les quartiers, ils
sont venus, ou revenus, voter.
Comme lors du premier tour,
Libération, a repris son tour de France
des bureaux de vote de la primaire.
PARIS XVIIIE
«Nous, on vote le plus
rouge possible»
Hier, Bentou, 35 ans, sans emploi, a
changé de vote. Elle avait choisi Aubry.
Elle a glissé un bulletin Hollande. «Je
n’ai pas du tout aimé sa façon de parler
ces derniers jours. Elle a eu des mots blessants». Nans, 39 ans, employé dans
l’industrie musicale, a hésité à voter
Aubry une deuxième fois : lui aussi à
cause de son «agressivité». «Hollande,
ce n’est quand même pas Sarkozy», désapprouve-t-il. Lucas, cariste de 44 ans,
ne croit pas au programme d’Aubry.
«Avec la crise économique, c’est impossible d’appliquer ses idées.» Il a voté deux
fois Hollande, dont la posture de «rassembleur» continue à payer.
A la Goutte-d’Or, rue Saint-Mathieu,
dans le XVIIIe arrondissement de Paris,
Aubry était pourtant arrivée en tête
avec 44% des suffrages, devant Hollande à plus de 23%. Beaucoup viennent d’ailleurs confirmer leur choix du
premier tour. Aurélie et Delphine, 42 et
41 ans, consultante et enseignante, venues avec leurs deux enfants, ont choisi
Aubry car «plus moderne, plus pêchue,
et parce que c’est une femme». Paul et
Carole, eux, ne savaient pas qui choisir.
Ils n’ont pas la télé, n’ont pas suivi les
débats, et abhorrent «la langue de
bois». «Nous, on vote le plus rouge possible. On vote tout le temps contre.» Cette
fois contre Hollande, trop associé à Jospin, pas assez «socialiste». «On soutient
toujours le plus faible», sourit Paul.
Frédéric, 37 ans, ingénieur, électeur du
Front de gauche, avait choisi Montebourg pour «changer le système». Il
pense qu’Aubry sera «plus ouverte» ;
sur l’économie et les banques, «c’est
elle à qui on pourra arracher des choses».
Le ralliement d’Arnaud Montebourg à
François Hollande n’a eu aucun impact
sur lui. «Les sondages nous bassinent,
en disant : “C’est Hollande, c’est plié.”
Non, les gens votent encore», voulait-il
encore croire.
LYON
«J’ai longuement
hésité»
Dans le bureau de vote de la maison de
quartier de Cuire-le-Haut et de la salle
de la Ficelle à Lyon (4e), l’élection d’hier
a attiré de nouveaux électeurs. Ici, par
rapport au premier tour, l’ambiance est
beaucoup plus détendue. Les présidents
des bureaux et les assesseurs sont rodés,
les votants aussi, et les opérations prennent beaucoup moins de temps. Yacine,
38 ans, n’a pas pu voter le 9 octobre, car
il travaillait. En 2007, il avait soutenu
Royal parce qu’elle apportait «un vent
nouveau en politique». Là, il a donné son
suffrage à Hollande : «C’est lui qui a les
plus grandes capacités de rassemblement
face à Sarkozy.» Nadia, 60 ans, ne
s’était pas déplacée non plus, parce
qu’elle en a «ras le bol des politiques
qu’ils soient de droite ou de gauche».
En 2007, elle avait choisi Sarkozy «pour
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
sa capacité à agir». Une amie «très socialiste» l’a convaincue de participer au
second tour de la primaire. «J’ai voté
Martine, je me suis dit que les mecs vont
pas trop aimer qu’il y ait une nana qui
l’emporte.» D’autres ont participé aux
deux tours, comme Jeannie, 81 ans.
«J’ai choisi Montebourg au premier tour
parce qu’il est jeune, et qu’il a de l’avenir.» Et au second ? «J’ai longuement
hésité.» Et, à Aubry jugée «un peu trop
revancharde», elle a préféré Hollande.
CARMAUX (TARN)
«Tout le monde
n’avait pas suivi
Ségolène en 2007»
Depuis bientôt dix ans que l’exploitation du charbon a cessé, il n’y a plus
beaucoup d’ouvriers à Carmaux (Tarn).
Mais le «vote ouvrier» y persiste. Et si
la section carmausine du PS est très majoritairement aubryste, c’est le candidat
«utile» Hollande qui l’a emporté au
premier tour avec 50% des suffrages devant Aubry à plus de 20%. Montebourg
a obtenu près de 15% dans un corps
électoral où les jeunes sont devenus
aussi rares que les ouvriers actifs.
«J’ai voté Montebourg dimanche dernier,
je voterai Aubry ce coup-ci. Pour la remercier d’avoir fait les 35 heures, explique
François, 56 ans. Pour une fois qu’un politique ose mettre une claque aux patrons…» Le retraité mineur qui l’a précédé devant les urnes a hésité mais a
finalement voté Hollande. «N’importe
lequel des deux pourvu qu’il batte
Sarkozy, qui n’a rien fait pour les
ouvriers», explique Lucienne, 74 ans,
«fille et petite-fille de mineur».
Jean-Baptiste, 54 ans, ex-électricien de
la mine, aurait pu voter «pour le pape au
premier tour», mais en 2012 il sera «derrière le vainqueur de cette primaire, quel
qu’il soit». «Tout le monde n’avait pas
suivi Ségolène en 2007, vient dire la première secrétaire de la section, Sylvie Bibal-Diolo. On ne se refera pas avoir…»
LILLE ET HEM (NORD)
Dans un bureau
de la Goutte­d’Or
(Paris XVIIIe), hier.
PHOTO JULIEN
MIGNOT. ÉTÉ 80
«Un euro, c’est deux
baguettes»
A Hem, salle André-Diligent, dans le
quartier populaire des Hauts-Champs,
l’analyse n’est guère différente. Farouk,
diplômé de Sciences-Po, sympathisant
PS, explique qu’«il y a des gens qui
n’avaient jamais voté de leur vie» et qui
sont venus parce qu’ils «ne veulent plus
de Sarkozy». Mais, dans cette ville du
Nord, les faveurs vont plutôt vers Martine Aubry. Reynald Bonnier, éducateur
spécialisé, dit avoir voté pour celle qui
a «mis de l’ordre dans le parti», mais
aussi parce qu’elle «est de chez nous».
Certains n’ont pas voté, parce qu’«un
euro, c’est deux baguettes. Ça paraît
affolant, mais c’est la réalité». Et l’éducateur assure qu’il n’y a pas eu de consigne de vote dans les sections, «contrairement à ce qui peut se faire dans le
Pas-de-Calais». Un étudiant a voté
Royal au premier tour, et Aubry hier. Il
voit Hollande en apparatchik, «habitué
aux négociations de couloirs». A la mairie de Lille, on se bouscule au portillon
aussi. A 18 heures, il y a autant de participants qu’à la clôture des bureaux, au
premier tour. «On peut espérer que les
gens voteront pour quelqu’un de connu
ici», sourit une vieille dame. Une secré-
EVENEMENT
taire vacataire qui avait voté Montebourg au premier n’a pas voté comme
son favori : «Je ne vois pas Hollande représenter la France dans les négociations
internationales. [Aubry] a plus de présence.» En fin de journée, un étudiant
croit encore à la victoire de la maire de
Lille : «Hollande, j’ai l’impression que
c’est un gros soufflé au fromage qui va se
dégonfler.»
MARSEILLE
«On s’est réveillés
un peu tard»
Thomas et Gaëlle, 38 et 36 ans, ont eu
chaud. Le scrutin vient de fermer à
Marseille, ils ont juste eu le temps de
glisser leur bulletin. «On bricolait à la
maison, on s’est réveillés un peu tard»,
s’excuse Gaëlle. Ils ont couru car ils tenaient à voter. «Ce n’est pas tous les jours
qu’on nous donne le choix, qu’on nous
laisse choisir notre candidat», dit-elle.
•
11
Thomas acquiesce, puis il ajoute: «C’est fois, les bureaux les plus surveillés se
un tour de chauffe. Ça fait cinq ans que ça trouvaient dans les quartiers Nord. C’est
nous tarde de voter.» Dans les Bouches- là que Rafik et Lamia (29 et 26 ans) ont
du-Rhône, la participation est en légère voté. Pour Martine Aubry, comme le dihausse, avec de fortes disparités d’un dimanche à l’autre. «Les sondages nous bassinent, en
Quelque «10% à 20%» des
disant: “C’est Hollande, c’est plié.”
votants du premier tour ne
seraient pas revenus, pen- Non, les gens votent encore.»
dant que d’autres décou- Frédéric électeur du Front de gauche
vraient la primaire. Les nombreux bugs de la dernière fois (listes manche précédent, parce que François
incomplètes ou inversées notamment) Hollande les avait inquiétés, dit Rafik,
ont à peu près disparu. «Dans certains en «changeant d’avis» sur le nucléaire.
bureaux, on sentait un peu plus de tension, En sortant, ils croisent Christian, 53 ans
mais rien de méchant, confie Jean-Pierre et plein de tatouages, qui travaille à la
Deschamps, ancien magistrat à qui le PS sucrerie voisine. Lui a voté deux dimana confié le contrôle du scrutin dans les ches de suite Hollande. «Mais, dit-il,
Bouches-du-Rhône. Il y avait plutôt un l’important, c’est dans six mois !»
climat bon élève. Les militants avaient enOLIVIER BERTRAND (à Marseille),
vie de montrer qu’ils ne sont pas ce que
CATHERINE COROLLER (à Lyon),
l’on dit qu’ils sont.» Avec ses assesseurs,
GILBERT LAVAL (à Carmaux),
ils ont mené une soixantaine d’inspecCHARLOTTE ROTMAN
tions, sans rien noter de grave. Cette
et HAYDÉE SABÉRAN (à Hem)
12
•
MONDE
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
Avant le scrutin de dimanche, les intégristes s’attaquent
à des symboles laïcs et tentent de noyauter les mosquées.
EnTunisie,desislamistes
agitateurscultuels
Par ÉLODIE AUFFRAY
Correspondante à Tunis
«A
entendre. «Je suis là pour dire que ceux
qui ont protesté contre Nessma ne représentent pas toute la société tunisienne»,
insiste Amel Elmayel, enseignante
d’arts plastiques. «Il ne faut pas laisser
la rue à ceux qui appellent à un retour en
arrière», ajoute Fayçal Abroug, ancien
responsable syndical. «On a un nouveau
tabou: la sensibilité des musulmans. C’est
une notion très floue, où est-ce que ça
s’arrête ?» interroge-t-il.
atakni» («Lâche-moi») :
2 000 à 3 000 personnes
ont défilé sous ce slogan,
hier à Tunis. Une marche
pour la défense de la liberté d’expression, en réplique à la mobilisation des
islamistes contre la chaîne de télé
Nessma, qui agite le pays depuis une semaine. Cette télévision privée avait suscité la polémique en diffusant le film «INFILTRÉS». A quelques jours du scrud’animation Persepolis, qui contient une tin de dimanche qui doit désigner une
représentation de Dieu –ce que l’islam Assemblée constituante (lire ci-contre),
proscrit– et choqué bon nombre de Tu- le débat sur la place de la religion, qui
nisiens. Les intégristes ont
s’était calmé ces dernières
donc ouvert les hostilités, le
REPORTAGE semaines, fait un retour en
9 octobre, en tentant d’asforce dans la campagne. Les
saillir les locaux de la chaîne. Toute la deux principales formations de centre
semaine, des petites manifestations gauche, le Forum démocratique pour les
avaient ensuite eu lieu. Vendredi, la libertés et le travail (FDTL) et le Parti
mobilisation a atteint son apogée lors- démocrate progressiste, évitent de s’y
que quelques milliers de personnes, is- engouffrer. Ennahda, parti islamiste qui
lamistes radicaux et citoyens ordinaires, se dit modéré, a condamné à la fois Nesont défilé sans grands heurts, après la sma et la violence des manifestants.
prière. Devant le tollé, Nabil Karoui, le Mais, la formation, donnée gagnante,
patron de Nessma, a été contraint de dénonce aussi une campagne de discréprésenter ses excuses aux Tunisiens. Il dit à son encontre. «Les cadres du parti
fait aussi l’objet d’une procédure judi- ne sont probablement pas des salafistes,
ciaire, de même que ceux qui ont tra- mais parmi ceux qui votent pour eux, on
duit le dessin animé en arabe.
trouve des salafistes. Il y a toute une classe
Hier, c’était au tour du «peuple [qui] sociale qui est prête à adhérer à un islam
veut la liberté d’expression» de se faire très conservateur», avertit l’islamologue
Mohamed Talbi. Depuis la révolution, les
intégristes occupent le terrain, s’attaquant à des symboles comme les maisons closes ou un cinéma qui diffusait le
documentaire Ni Allah ni maître…
«Avec la nouvelle liberté, ils veulent se
montrer comme un groupe de pression.
Mais ce n’est pas un milieu très organisé.
Ils n’ont ni chef de file ni vision stratégique», souligne l’historien contemporain Alaya Allani, qui chiffre le nombre
de salafistes «entre 5000 et 7000, avec
un noyau dur de vrais jihadistes qui ne dépasse pas une trentaine de personnes».
Pour cet universitaire, ces violences
règles. Un peu à l’écart de l’université
El-Manar à Tunis, la mosquée du campus a repris vie depuis neuf mois. Considérée comme un foyer islamiste par
l’ancien pouvoir, elle avait été fermée
en 2002, mais rouverte le 15 janvier, au
lendemain de la fuite de Ben Ali.
Les jeunes «barbus» y côtoient les étudiants en jean et les habitants du quartier. A l’heure du déjeuner, une demidouzaine de ces barbus devisent devant
l’édifice. Aucun ne se dit salafiste.
«C’est un mot de l’ancien régime pour
nous discréditer auprès des Tunisiens et
nous réprimer, rejette Fahd. Je suis tout
simplement musulman.» Houssem se dit
«proche des salafistes» pour la fidélité au
Coran et à la sunna, l’enseignement du
prophète, mais «prend aussi aux Frères
musulmans leur sens de l’organisation des
manifestations». Il rejette la démocratie,
car «les lois viennent de Dieu et pas du
peuple». Ali, lui, participera au scrutin,
mais sans voter pour Ennahda «qui a un
discours d’ouverture envers les laïcs».
«On ne cherche pas la violence. Mais
quand on attaque notre Dieu, nous avons
le droit de le défendre», poursuit Fahd.
NIQAB. Sur le campus, le débat religieux s’est aussi incrusté. Auparavant,
le port du voile ou de la barbe pouvait
être source de problèmes pour les intégristes. En février, malgré l’opposition
de l’administration, des étudiants islamistes ont améAprès la diffusion de «Persepolis»,
nagé une salle de prière à
qui contient une représentation
l’entrée d’un amphi. Une
de Dieu, les intégristes ont tenté
vingtaine de filles ont revêtu
le 9 octobre d’assaillir les locaux
le niqab. Les enseignants ont
de la chaîne de télévision Nessma.
dû gérer seuls. Le problème
s’est transformé en crise
préélectorales peuvent être le fait d’une lorsqu’une centaine d’intégristes a en«instrumentalisation» de ces groupes vahi la faculté de Sousse, il y a deux separ les forces de l’ancien régime «qui les maines, pour protester contre le refus
avaient infiltrés».
d’inscrire une étudiante en niqab. Le
Les islamistes profitent aussi de la pé- ministère de l’Enseignement supérieur
riode de transition pour pousser leurs considère «que c’est un épiphénomène,
pions dans les mosquées ou les univer- que la situation politique est sensible et
sités. Dans les premières, ils ont parfois qu’il ne faut pas mettre d’huile sur le feu,
placé leurs imams, après avoir chassé explique Monia Cheikh. Même si on nous
ceux à la solde de l’ancien régime. Dans accuse de créer une perturbation, on ne
les secondes, ils tentent d’imposer leurs doit pas avoir peur de cela». •
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
MONDE
•
13
Dimanche, le pays doit se doter d’une Assemblée constituante.
1600 listes, 12000 candidats…
les citoyens découvrent la démocratie
es bulletins sont imprimés. Les comportant au total près de 12000 canurnes, les tampons, les isoloirs ont didats. «On ne connaît rien aux partis»,
été disséminés dans les régions. reconnaissent encore de nombreux ciDimanche, les Tunisiens participeront toyens. Abdelhamid, lui, n’en a «plus
à leur première élection libre. La future que deux» en tête. Encore indécise,
Assemblée, qui aura pour mission de ré- Omelkhir «compte sur les enfants» pour
diger une nouvelle Constitution, comp- l’aider à faire son choix.
tera 217 membres. Les Tunisiens sont Les islamistes d’Ennahda sont donnés
encore nombreux à s’arrêter devant les grands favoris. Derrière eux, arrivemurs qui servent à l’affichage de la pro- raient deux formations de centre gaupagande des partis politiques. La lecture che, le Parti démocrate progressiste
est longue, elle s’étend sur des dizaines (PDP) et le Forum démocratique pour
de mètres. Et pour cause: selon les cir- les libertés et le travail (FDTL). On
conscriptions, les électeurs doivent trouve ensuite le Congrès pour la RépuAP 164x219
Youssry
Mouawad
Bashir.ai
1 de
15/09/11
trancher parmi
26 à 95
listes.
Sur l’enblique
l’ancien 13:36
opposant Moncef
semble du pays, 1600 listes sont en lice, Marzouki, le Pôle démocrate moder-
L
niste (alliance créée autour des ex-communistes d’Ettajdid) ou encore les formations qui se réclament de l’héritage
de l’ancien président Habib Bourguiba,
Al-Watan et l’Initiative. De même que
les indépendants, qui représentent près
de la moitié des candidats. Le taux de
participation est l’une des grandes inconnues de ce scrutin. L’instance indépendante chargée d’organiser le scrutin
a finalement décidé qu’il suffira d’avoir
une carte d’identité pour voter. La raison? Seulement un peu plus d’un Tunisien sur deux avait répondu à l’appel
pour s’inscrire sur les listes électorales.
É.Au. (à Tunis)
L’EGYPTE VOUS SOURIT
SOURIEZ-LUI EN RETOUR SUR
Des manifestants en faveur
de la démocratie, hier
à Tunis (à gauche).
Une démonstration de force
dans la capitale de la part
des islamistes, vendredi
après la prière (à droite).
www.facebook.com/sourires.egypte
PHOTOS HASSENE DRIDI. AP
ࡒ
Quand vous serez sur la barque du retour
de Philæ, je vous présenterai mes bracelets
et colliers nubiens. Plus tard, ils vous
rappelleront la lumière de mon pays
REPÈRES
Youssry Mouawad Bashir, 31 ans,
vendeur de souvenirs, Philæ
122
ࡖ
C’est le nombre de partis en lice dimanche
dans le cadre de l’élection de la nouvelle
Assemblée constituante qui comptera
217 membres.
Rached Ghannouchi chef du parti islamiste
Ennahda
Sans surprise le parti islamiste Ennahda
(Renaissance) de Rached Ghannouchi est
donné très large vainqueur par les sondages
des élections de dimanche. Son leader évo­
quait même un score entre 40 et 50% des
suffrages. Loin derrière, on retrouverait les
partis «laïcs», dont le Parti démocrate progres­
siste, suivi du Forum démocratique pour les
libertés et le travail (FDTL) puis le Pôle démo­
cratique moderniste (Al­Qotb) et enfin
le Congrès pour la République.
515 012 185 RCS Paris - Photo © Vincent Bourdon.
«Ces manifestations n’ont pas été
organisées par un parti déterminé
mais par tout le peuple tunisien en
colère contre cette provocation
de la chaîne Nessma visant
à entraver les élections.»
là où tout commence
14
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
MONDEXPRESSO
VU D’AMSTERDAM
RETOUR SUR L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN AFRIQUE CENTRALE
Par SABINE CESSOU
Le flirt osé d’un ancien
mannequin avec
les Kadhafi
ue faisait donc en Libye la Néerlandaise
Talitha Van Zon, ancien mannequin de
39 ans, pendant l’assaut
donné par les rebelles sur la
capitale libyenne? Le fait divers passionne aux Pays-Bas,
depuis que la belle blonde a
sauté, le 23 août, du balcon
du Corinthia, un hôtel cinq
étoiles de Tripoli. Elle s’est
d’ailleurs cassé un bras en
tentant de fuir des rebelles
qui voulaient la brûler au pétrole, a-t-elle raconté plus
tard au journal britannique
The Telegraph, en raison de
son appartenance au clan
Kadhafi. Le personnel de
l’hôtel l’a conduite à l’hôpital, non sans risques, les
combats faisant rage dans la
ville. C’est là, à l’hôpital,
qu’un reporter néerlandais
l’a ensuite trouvée, morte de
peur. La présentant comme
son assitante, Arnold Karskens l’a aidée à quitter la Libye. A son retour aux PaysBas, le 26 septembre, Talitha
Van Zon a été arrêtée à l’aéroport de Schiphol. Soupçonnée de trafic d’êtres humains, elle a été interrogée
pendant deux jours, puis assignée à résidence.
Q
L’ex-mannequin, qui a
autrefois posé pour Playboy,
va devoir s’expliquer sur sa
relation avec Moutassim
Billah Kadhafi, l’un des sept
fils du Guide. Elle l’a rencontré en 2004 dans une boîte de
LIBÉRIA L’opposition a rejeté
samedi les résultats du premier tour de la présidentielle, dénonçant des fraudes. Ces résultats donnaient
en tête la présidente sortante
Ellen Sirleaf Johnson, récent
prix Nobel de la paix. Les
deux camps iront malgré
tout au second tour.
YÉMEN Des manifestations
contre le pouvoir ont été
violemment réprimées samedi et dimanche, faisant au
moins 15 morts.
CÔTE­D’IVOIRE Le procureur
de la Cour pénale internationale était samedi à Abidjan
où il a rencontré des responsables, dont le président
Ouattara. Il a promis une enquête «impartiale» centrée
sur «ceux qui ont les plus
grandes responsabilités».
nuit en Italie et eu une liaison
de trois mois avec lui. Quand
elle a su qu’il y avait
«d’autres femmes» dans sa
vie, elle a rompu, ce qui ne
les a pas empêchés de rester
bons amis. Officier de l’armée libyenne, en charge du
Conseil de sécurité national,
Moutassim l’a couverte de
cadeaux: une panoplie complète de sacs Vuitton, des dîners à Monaco et des voyages
en Boeing privé, a-t-elle
confié au Telegraph. Elle a
aussi expliqué avoir fait
«l’erreur de sa vie» en allant
début août en Libye pour y
chercher de l’argent afin de
payer le traitement de son
père atteint d’Alzheimer… A
Amsterdam, de mauvaises
langues se demandent si elle
n’est pas plutôt allée distraire
Moutassim pendant le ramadan. Voire une espionne à la
solde des services secrets de
son pays…
La réalité est moins rose.
L’émission de télé EenVandaag a révélé que la belle Talitha était occupée à monter
un réseau de prostituées de
luxe à Tripoli. A preuve, une
Néerlandaise, dont l’identité
n’a pas été dévoilée, vient de
porter plainte. Elle affirme
avoir suivi Talitha en Libye
au printemps et y avoir été
violée par Moutassim.
Comme elle est l’amie d’un
avocat néerlandais de renom,
on pourrait bientôt connaître
le fin mot de l’histoire. •
LIBYE Les combats ont repris
à Bani Walid, un des derniers
bastions kadhafistes, après
une semaine de trêve.
AFGHANISTAN Un attentat a
eu lieu samedi dans le Panchir, une zone jusqu’ici réputée à l’abri. Les talibans
veulent montrer qu’aucune
partie du pays n’est sûre.
KENYA L’armée a lancé hier
une opération en Somalie
contre les shebab soupçonnés d’avoir enlevé récemment deux Espagnoles et la
Française Marie Dedieu.
GABON L’opposant Pierre
Mamboundou, 65 ans, est
mort samedi. Il était candidat contre Omar Bongo
en 1998 et 2005, revendiquant la victoire, puis contre
son fils Ali Bongo en 2009.
A Ouganda: Obama traque le «messie sanglant»
Après Ben Laden et Al-Awlaki, l’imam
d’Al-Qaeda récemment tué au Yémen, Barack Obama ajoutera-t-il à
son tableau de chasse Joseph Kony, le
«messie sanglant» d’Afrique centrale ? Tel est l’objectif des 100 militaires qui, a annoncé le président
américain, se déploient actuellement
en Ouganda, en république démocratique du Congo, au Soudan du Sud et
en République centrafricaine pour
traquer ce qui reste de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), les tueurs
de Joseph Kony. L’annonce a surpris,
tant les Etats-Unis redoutent l’Afrique
(le commandement américain pour ce
continent reste basé en Allemagne) et
tant ils peinent en Afghanistan. Mais
quelques militaires américains pourraient «faire une différence» essen-
tielle, plaident des organisations
comme Human Rights Watch ou l’International Crisis Group. Ce geste relève aussi de l’échange de bons procédés : Washington n’a sans doute pas
d’intérêt direct à affronter Kony, mais
cela conforte l’armée ougandaise qui
se bat sur un terrain où les Américains
n’osent plus s’aventurer: la Somalie.
L.M. (à Washington)
477
C’est le nombre de pri­
sonniers palestiniens qui
devraient être libérés dès
demain en échange du sol­
dat israélien Gilad Shalit.
La liste, qui comprend
27 femmes, a été publiée
hier par le gouvernement.
Elle permet à des particu­
liers de faire appel devant
la Cour suprême israé­
lienne contre les libéra­
tions.
«Je crois que tout
le monde a échoué
à gérer [la transition
égyptienne], que
ce soit le conseil
militaire, le
gouvernement
ou les
révolutionnaires.»
L’opposant Mohamed
el­Baradei qui a demandé
au conseil militaire une
«feuille de route claire» pour
la transition
L’HISTOIRE
LES V(I)OLEUSES
DE SPERME
ARRÊTÉES
Au Zimbabwe, la police a
peut­être mis à jour un
réseau qui faisait trembler
le pays: celui des violeuses
d’hommes. Depuis deux
ans, de nombreux mâles
étaient kidnappés et violés
par des femmes. Leur but:
«voler» du sperme, un sym­
bole de vie couramment
utilisé par les guérisseurs.
Trois suspectes, dont deux
sœurs de 24 et 26 ans, ont
été déférées samedi
devant la justice. Elles ont
été arrêtées avec
33 préservatifs remplis de
sperme qui se trouvaient
dans le coffre de leur
voiture, puis identifiées par
17 de leurs victimes. Parmi
elles, un militaire et un offi­
cier de police.
Hommage, mardi au Népal, aux Tibétains qui se sont immolés par le feu. NIRANJAN SHRESTHA. AP
Unhuitièmemoine
sacrifiépourleTibet
CHINE Un bonze s’est immolé par le feu à Aba dans le
Sichuan en réaction à la politique répressive de Pékin.
our la huitième fois depuis mars, un jeune
moine s’est transformé
samedi en torche humaine
en signe de protestation dans
une région tibétaine de la
province chinoise du Sichuan. «Il courait le corps en
feu en criant “liberté pour le
Tibet” et “laissez revenir le
dalaï-lama”», a raconté un
témoin à Radio Free Asia, en
précisant que l’incident s’est
déroulé sur le marché de la
ville d’Aba. «Les policiers
l’ont frappé pour le jeter à terre
et éteindre les flammes avec
des seaux d’eau, puis l’ont
embarqué dans une voiture.»
Inaccessible. Selon le gouvernement tibétain en exil, le
bonze Norbu Dathul, âgé de
19 ans, dépend du monastère
de Kirti. Cette grande lamaserie est la cible d’une répression brutale des autorités
chinoises depuis une première immolation par le feu
survenue le 16 mars, qui a
P
provoqué des heurts entre la
police et la population tibétaine. Environ 300 moines,
sur les 2 500 que compte ce
monastère, ont été ensuite
emmenés dans un lieu inconnu par les autorités chinoises. Depuis, Pékin refuse
de s’expliquer sur leur sort,
en dépit des demandes du
Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’ONU et des EtatsUnis. Washington estimait,
déjà en 2010, le nombre de
prisonniers tibétains d’opinions à 824.
La zone d’Aba, qui fait partie
de l’ancienne province tibétaine du Kham, est inaccessible aux étrangers depuis
cette époque. Quant à la région dite autonome du Tibet,
elle est pratiquement interdite d’accès depuis les violentes émeutes antichinoises
de 2008. Selon le tibétologue
Robert Barnett, la région et
ses zones voisines avaient
alors été le théâtre de
150 manifestations. Rien
qu’à Aba, la police avait tué
une dizaine de manifestants.
Symptôme. Cette dernière
vague sans précédent d’immolations paraît être le
symptôme d’une répression
accrue de Pékin, qui proscrit
le culte du dalaï-lama. «Les
Tibétains estiment n’avoir à
présent d’autre recours que de
s’immoler par le feu», commente Stéphanie Brigden, de
l’organisation Free Tibet. Pékin, en revanche, accuse le
chef spirituel tibétain d’encourager ces sacrifices dans
un but politique. «Le dalaïlama s’est plusieurs fois élevé
contre les suicides de protestation, analyse Barnett, mais il
ne peut pas non plus critiquer
le droit des Tibétains à protester, ni récuser le fait qu’ils sont
soumis à des pressions intolérables.»
De notre correspondant à Pékin
PHILIPPE GRANGEREAU
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
Justice:Mercier
laissesamarque
surleparquet
FRANCE
•
15
La proposition du ministre de la Justice
de nommer deux personnalités
étiquetées à droite à des postes
sensibles inquiète les syndicats.
Par SONYA FAURE
che). Sa nomination à Paris posera un
problème d’impartialité. Dans un tel
e plus proche conseiller du poste, non seulement il faut être impartial
garde des Sceaux va-t-il pren- mais encore faut-il en avoir l’air : qui
dre la tête du parquet de Paris, pourra le croire venant de l’ancien conle plus sensible de France? Mi- seiller d’un ministre?» La semaine derchel Mercier a en effet proposé le nom nière, alors que les bruits du palais donde François Molins, son directeur du naient déjà Molins à Paris, Christophe
cabinet, au poste délicat de procureur Régnard, de l’Union syndicale des made Paris –la capitale réunit les pôles fi- gistrats (majoritaire) confiait : «Pernancier et antiterroriste. Dès son arri- sonne ne remettra en cause son profesvée, François Molins devrait
sionnalisme, mais quel signal
ainsi plonger dans l’affaire RoRÉCIT désastreux dans le climat d’affaibert Bourgi, qui a accusé Chirac
res actuel…» François Molins,
et Villepin d’avoir perçu des valises de 58 ans, a fait toute sa carrière au parla part de présidents africains… Le Con- quet et dans l’administration. En 2005,
seil supérieur de la magistrature (CSM) à Bobigny où il était procureur, il avait
devra donner un avis –«favorable» ou dans un premier temps refusé d’ouvrir
«défavorable»– sur cette nomination. une information judiciaire sur la mort
Purement consultatif, il ne lie pas l’exé- de Bouna et Zyed, deux garçons pourcutif, mais Michel Mercier avait lui- suivis par la police et retrouvés morts
même promis qu’il ne passerait pas après s’être réfugiés dans un transforoutre les avis du Conseil…
mateur EDF. Quand en juillet 2009, Mi«Le poste de directeur de cabinet est un chèle Alliot-Marie, alors garde des
poste politique, note Mathieu Bonduelle, Sceaux, fait de lui son «dircab» (Michel
du Syndicat de la magistrature (gau- Mercier le gardera), «ses substituts l’ont
pleuré comme s’ils perdaient leur père»,
s’amuse un juge de Bobigny. Molins est
REPÈRES
reconnu pour être un bon juriste et chef
d’équipe. Mais à Bobigny, «il a mené une
Les procureurs généraux (PG)
politique pénale répressive, multipliant les
sont les patrons des parquets
comparutions immédiates, en tout point
auprès de la Cour de cassation et
conforme aux attentes du gouvernement»,
des 35 cours d’appels de France.
estime le juge.
L
Les procureurs sont les responsa­
bles des parquets des tribunaux
de grande instance. Ils ont sous
leurs ordres des vice­procureurs
et des substituts. Tous sont soumis
au garde des Sceaux.
«Je suis de ceux qui
pensent qu’il faut faire
évoluer ce statut
vers un avis [du CSM]
qui s’imposerait.»
Jean­Claude Marin procureur
général près la Cour de cassation
LE CSM
Conséquence de la réforme cons­
titutionnelle de 2008 appliquée
depuis janvier, le Conseil supé­
rieur de la magistrature est chargé
de donner un avis purement con­
sultatif sur les nominations des
procureurs généraux.
«PARCOURS ATYPIQUE». «Quand on
rapproche ce projet de nomination de celui
de Martine Valdès-Boulouque au poste de
procureur général de Bordeaux – où l’affaire Bettencourt est désormais instruite–
on voit une volonté manifeste de verrouillage du parquet», poursuit Matthieu
Bonduelle. Martine Valdès-Boulouque
est procureure générale (PG) près la
cour d’appel de Grenoble. Le mois dernier, Michel Mercier a proposé son nom
au CSM pour le poste, plus stratégique,
de PG de Bordeaux. Le CSM doit bientôt
rendre son avis sur cette nomination.
Valdès-Boulouque faisait partie de celles
qu’on appelle, avec une pointe de machisme parmi les magistrats, les «Dati
girls». Ces procureures propulsées plus
vite que de coutume à de hauts postes
pour féminiser la hiérarchie. «Rien que
la lecture de sa notice dans l’annuaire de
la magistrature dénote un parcours atypique», glisse Emmanuel Poinas, de FO
Magistrats. Substitut à Paris, membre de
l’inspection des services judiciaires,
avocate générale à Versailles… En 2004,
elle travaille au secrétariat d’Etat aux
Projets immobiliers de la Justice, avec
Nicole Guedj, qui raconte: «J’avais partagé un certain nombre de combats avec
elle au sein de la CNCDH [Commission
nationale consultative des droits de
l’homme, ndlr]. Nous étions notamment
en phase pour réclamer une plus grande
sévérité envers les délinquants sexuels.
C’est une perfectionniste, avec un vrai
sens du devoir.» Elle est nommée à Nantes en avril 2007… et propulsée sept
mois plus tard PG de Grenoble par Rachida Dati. Du jamais-vu en si peu de
temps. «Une véritable nomination politique», dit Poinas. Politique, mais pas volée, estiment ses parquetiers. Femme
«de caractère», «agréable au quotidien»,
Valdès-Boulouque est «en général humainement appréciée de ses collaborateurs», dit-on dans son entourage. Un
parquetier : «Elle avait les compétences
pour ce poste.»
«AFFAIRES MÉDIATIQUES». Mais Valdès-Boulouque s’est bien coulée dans
le moule des «nouveaux» procureurs de
l’ère Sarkozy: «Un culte de la statistique
dément, selon un magistrat. Pour elle, il
y a les affaires médiatiques et suivies par
la chancellerie et les autres. Elle est
comme tous les PG: le doigt sur la couture
du pantalon, une courroie de transmission
qui n’a aucun état d’âme à faire ce qu’on
lui demande, anticipant même les désirs
des hauts placés…» Lors des violences de
La Villeneuve, en 2010, les enquêteurs
n’avaient aucune marge de manœuvre:
le moindre acte était élaboré au plus
haut niveau. Les procureurs avaient
pour consigne de réveiller leur PG à
5 heures du matin pour la tenir informée des voitures brûlées… «Elle se vivait
en concurrence avec le préfet», juge un
magistrat. En septembre 2010, un juge
des libertés et de la détention (JLD) grenoblois place sous contrôle judiciaire un
homme suspecté de braquage: selon lui,
les preuves manquent pour le placer en
détention. Valdès-Boulouque juge la
décision «absolument inacceptable». Un
procureur taclant un juge: posture inédite, tollé dans les milieux judiciaires.
Le CSM donnera-t-il des avis positifs
aux transferts de Molins et Valdès-Boulouque ? «Ses membres pourraient bien
aussi montrer leur volonté d’exister en cas
d’alternance en 2012…», dit un magistrat. Et dans ce cas, Michel Mercier
tiendra-t-il sa promesse de ne pas passer en force ? •
François Molins,
directeur de
cabinet du garde
des Sceaux, est
proposé au poste
de procureur
de Paris par
Michel Mercier.
PHOTO LUDOVIC. RÉA
16
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
FRANCE
consulté. Et EDF se couvre en décidant de sanctionner deux cadres
indélicats (simple mutation avec
maintien de salaire). Le juge Cassuto a renvoyé en correctionnelle
EDF, en tant que personne morale,
en insistant sur ce contrat avec
Kargus. Lohro, de plus en plus explicite en fin d’instruction: «C’est
évident qu’on allait faire du hacking
et c’est pour ça que le contrat a été
remodelé pour le rendre le plus discret
possible.» EDF se raccroche aux
branches : antérieur à la signature
du contrat, le piratage ne peut en
découler juridiquement… Là encore, Lohro enfonce le clou: «Avant
la signature, EDF nous a demandé si
on était capable de rentrer dans le
système. On a fait la démonstration
qu’on était capable, puis ce contrat a
servi à régulariser l’intrusion et à la
rémunérer.» Le juge Cassuto ironise: «Le contenu des rapports officiels de Lohro sont d’une vacuité
absolue. Comment justifier l’externalisation d’une mission de veille qu’un
stagiaire interne aurait pu effectuer
avec traduction automatique des pages disponibles gratuitement sur Internet ?» Pour lui, pas de doute :
EDF a «habillé une opération d’intrusion par un contrat fictif». Le tribunal tranchera.
Les protagonistes
ont été renvoyés
en correctionnelle
en 2010.
PHOTO GILLES COULON.
TENDANCE FLOUE
EDF,lecoureuretlehacker:
fabledel’espionnagemoderne
Une affaire de piratages informatiques impliquant des grands groupes français
et l’ex-vainqueur déchu du Tour de France, Floyd Landis, est jugée à Nanterre.
Par RENAUD LECADRE
ment, qui a nié puis avoué face aux
évidences informatiques: «J’ai efe tribunal de Nanterre fectué ces piratages bêtement sans
va baigner pendant deux envisager toutes les conséquences.»
semaines dans la barbou- Il était mandaté par Thierry Lohro,
zerie. A la barre, un hac- ancien para, passé dix ans à la
ker, d’ex-militaires reconDGSE, aujourd’hui à son
vertis détectives, poursuivis
RÉCIT compte via la société Kargus
pour piratage informatique,
Consultants: «Tous les cabiet symboles de l’espionnite qui nets d’intelligence économique peugangrène la vie des affaires. vent à un moment dépasser les limiAu programme : EDF traquant tes», concède ce dernier.
Greenpeace, Vivendi surveillant ses
petits porteurs, Floyd Landis (vain- DÉTAIL. On a une idée des comqueur déchu du Tour de France) en manditaires, dans ce secteur maguerre contre le labo antidopage de lade de la sous-traitance. Le volet
Châtenay-Malabry (LNLD). Un
Landis-LNLD est le plus simple :
procès en suspens, EDF prévoit de son entraîneur, Arnie Baker, s’y
déposer ce matin une question étant pris comme un manche, les
prioritaire de constitutionnalité enquêteurs ont facilement retrouvé
(permettant de gagner du temps en son adresse IP. En septembre 2006,
reportant les audiences).
trois mois après la déchéance de son
Point commun aux trois dossiers, poulain, Baker faisait circuler anocentrés sur l’année 2006 : Alain nymement des courriers confidenQuiros, électron libre du renseigne- tiels du laboratoire, rectifiant des
L
REPÈRES
w Novembre 2006 Plainte du
labo LNLD suite à une intrusion
dans son système informatique.
L’entourage de Floyd Landis
est très vite suspecté.
w Juillet 2008 Mandat d’arrêt
international contre Alain Quiros,
un hacker réfugié au Maroc.
w Février 2009 Perquisition chez
analyses antidopage de plusieurs
sportifs. Preuve d’une désorganisation interne du labo ou de l’efficacité de ses contre-expertises ?
Après avoir arrosé anonymement
les médias, les instances sportives
mais aussi l’avocat de… Landis, Ba-
Landis pouvait connaître ce numéro.»
Baker et Landis n’ont jamais répondu aux enquêteurs et font l’objet d’un mandat d’arrêt. Ils seront
jugés par défaut.
Le cas EDF est plus emblématique.
L’électricien jure qu’il n’a pas commandité le hacking de
Greenpeace et s’en
«J’ai effectué ces piratages
tient au libellé du conbêtement sans envisager toutes
trat passé avec Karles conséquences.»
gus: «Veille stratégique
sur les organisations
Alain Quiros électron libre du renseignement
antinucléaires.» Mais
ker a affirmé que ces courriers pira- Lohro admet que l’objet réel du
tés étaient devenus «publics» et contrat était de «pénétrer les réqu’il les avait donc utilisés officiel- seaux informatiques de Greenpeace
lement pour discréditer le LNLD. afin d’anticiper les actions menées
Un détail tue: la demande adressée contre EDF». Un cédérom conteà Quiros était accompagnée d’un nant des comptes-rendus de réunuméro censé affiner le piratage, nions internes de l’organisation a
celui de l’échantillon des urines de été retrouvé dans le coffre-fort du
Landis. «C’est la signature de l’in- responsable de la sécurité d’EDF.
trusion, relève le juge d’instruction, Ce dernier prétend, au risque de
Thomas Cassuto. Seul l’entourage de déclencher l’hilarité, ne l’avoir pas
EDF, visé par extension
de l’enquête pénale.
w Avril 2009 Les enquêteurs
tombent sur un troisième
piratage, celui de Me Canoy.
w Octobre 2010 Le juge Cassuto
renvoi les protagonistes
en correctionnelle.
w Octobre 2011 Procès à Nanterre.
22
C’est, en millions d’octets, le
volume du cédérom retrouvé
chez EDF contenant
des documents piratés sur
un ordinateur de Greenpeace.
PSEUDOS. Dernier volet avec Vivendi. L’ordinateur visé est celui de
Me Frédérik-Karel Canoy, avocat de
la remuante Association des petits
porteurs actifs (Appac). Quiros l’a
piraté afin de vérifier si Me Canoy
était l’utilisateur de pseudos lors de
débats enflammés sur le site Boursorama. A la demande de qui? Dans
le bureau de Jean-François Dubos,
secrétaire général de Vivendi (et
ancien du cabinet Hernu, pendant
l’affaire du Rainbow Warrior), on a
retrouvé un cédérom contenant des
éléments sur l’Appac, recueillis par
le cabinet Atlantic Intelligence,
fondé par l’ancien patron du GIGN,
Philippe Legorjus. Encore de la
«veille stratégique», mais rien ne
démontre que les détectives
auraient bénéficié de ce piratage.
D’autant qu’Atlantic semble avoir
usé de bonnes vieilles méthodes :
l’un de ses limiers s’est infiltré au
sein de l’Appac pour en devenir le
secrétaire! «Démarche plus que douteuse et révélatrice de méthodes critiquables sur le plan éthique sinon légal», observe le juge. Mais difficile
de remonter au commanditaire du
piratage : en plus des fariboles des
intermédiaires soucieux de «cloisonner», Me Canoy a égaré son ordinateur de l’époque. Impasse informatique et humaine. Faute de
prévenus en face de lui, il a déposé
une citation directe contre Vivendi.
Pour que ses dirigeants viennent au
moins s’expliquer à la barre. •
«On n’est pas dans une
simple veille mais dans
l’introduction d’un
cheval de Troie dans
mon ordinateur.»
Yannick Jadot ancien militant de
Greenpeace, eurodéputé vert
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
FRANCEXPRESSO
RETOUR SUR LES HOMMAGES AUX MANIFESTANTS ALGÉRIENS TUÉS
A Un boulevard du 17-Octobre-1961 à Nanterre
Environ 600 personnes, pour la plupart issues de la communauté algérienne, se sont rassemblées, hier, à
Nanterre (Hauts-de-Seine) pour
inaugurer un boulevard du 17-Octobre-1961 et réclamer la reconnaissance de la répression sanglante des
manifestants algériens à Paris comme
un «crime d’Etat». «Ces Algériens sont
morts pour la liberté, l’égalité et la jus-
tice. Aujourd’hui nous questionnons cinquante ans de silence […] entretenu par
l’Etat pour enterrer la mémoire de nos
parents, qui ont participé à la construction de la France», a déclaré, au nom
des associations, Mohamed Kaki, sur
la place des Droits-de-l’homme, où
des gerbes de fleurs ont été déposées.
C’est de cette artère que partirent les
manifestants il y a cinquante ans. La
L’HISTOIRE
UN CASSE ENTRE
VITTEL ET
CONTREXÉVILLE
Plusieurs malfaiteurs
ont brièvement enlevé
une employée de bijoute­
rie à son domicile, samedi
dans les Vosges, et l’ont
emmenée en pleine nuit
sur son lieu de travail
pour l’obliger à leur ouvrir
le coffre, avant de la relâ­
cher saine et sauve. Le
conjoint de l’employée
et son fils de 14 ans ont été
réveillés en même temps
qu’elle par l’irruption
des voleurs, vers 2heures
du matin dans la nuit de
vendredi à samedi, à leur
domicile de Contrexéville.
Ils ont ensuite été mainte­
nus sous bonne garde
par les intrus pendant que
la salariée était emmenée
de force à la bijouterie,
a précisé une source pro­
che de l’enquête. Sur
place, à la bijouterie située
à Vittel, à environ 5km
du domicile de la famille,
les voleurs se sont fait
ouvrir le coffre. Ils ont
emporté un butin estimé
entre 140000 et
150000 euros, puis ont
ramené la salariée chez
elle et ont pris la fuite.
Le mari de l’employée
a reçu un violent coup
de poing au visage, mais
les autres membres de la
famille n’ont pas subi
de violence. Indemnes,
ils sont très choqués.
PROSTITUTION Dominique Strauss-Kahn a demandé,
hier, à être entendu dans l’affaire du Carlton.
ominique StraussKahn s’est retrouvé,
hier, en pleine primaire socialiste, sous les feux
de l’actualité dans le cadre
de l’affaire de proxénétisme
du Carlton de Lille. Alors
même que la menace d’une
nouvelle procédure dans le
dossier Tristane Banon semble s’éloigner, il a annoncé
qu’il demandait à être entendu «le plus rapidement
possible par les juges» dans
l’enquête mettant en cause
des responsables hôteliers
lillois, un avocat et un chef
d’entreprise, afin de mettre
fin à des «insinuations malveillantes».
«Extrapolations». Plusieurs médias ont mentionné
le nom de l’ex-patron du
Fonds monétaire international (FMI) comme possible
nir», a affirmé une source
proche du dossier. Selon le
Journal du dimanche, l’enquête porte aussi sur des déplacements à New York de
prostituées du réseau lillois,
fin 2010. Les enquêteurs
cherchent à savoir si DSK
aurait bénéficié de ces déplacements, affirme l’hebdomadaire. En l’état actuel des
investigations menées par
deux juges d’instruction lillois, DSK apparaît de manière «largement secondaire». «On est loin du cœur
du dossier», selon une
source.
Cinq personnes ont déjà été
mises en examen : le propriétaire du Carlton, le directeur de l’établissement et
son chargé des relations publiques, ainsi qu’un entrepreneur et l’avocat lillois
Emmanuel Riglaire –le seul qui
L’enquête porte également
n’a pas été
sur des déplacements
écroué. Des liens
à New York de prostituées
avec des persondu réseau lillois, fin 2010.
nes gérant plusieurs établisseclient de prostituées enten- ments de prostitution et bars
dues dans le cadre de l’infor- en Belgique ont également
mation judiciaire ouverte en été mis en évidence.
mars par le parquet de Lille Fermeture. Au moins quapour des faits de proxéné- tre ou cinq policiers lillois,
tisme aggravé en bande or- dont un commissaire diviganisée, association de mal- sionnaire et deux retraités,
faiteurs et blanchiment. seraient aussi concernés, seDans une déclaration faite à lon une source policière. A ce
l’AFP juste après avoir voté à jour, ils n’ont pas été entenla mairie de Sarcelles dus, ni par la PJ locale ni par
(Val-d’Oise), DSK a expliqué l’IGPN (la «police des poliqu’il voulait «mettre un terme ces»). Vendredi, les juges
aux insinuations et extrapola- d’instruction ont pris une ortions hasardeuses et encore donnance de fermeture temune fois malveillantes».
poraire de trois mois frappant
Son audition en tant que té- les trois hôtels de la ville immoin par les enquêteurs est pliqués dans ce dossier.
envisagée, «comme des tas Toujours hier, on a appris
d’autres personnes», mais que l’avocat de Tristane Baune convocation n’est pas non, Me David Koubbi, conprévue «dans un proche ave- seillait à sa cliente de ne pas
D
17
LES GENS
demande de reconnaissance «est
d’abord une exigence de justice pour les
victimes et pour leurs familles, une demande de vérité et de morale pour nousmêmes», mais aussi «une nécessité que
se construisent enfin des relations nouvelles de part et d’autre de la Méditerranée», a lancé le maire de Nanterre,
Patrick Jarry (Gauche citoyenne), en
dévoilant la plaque du boulevard.
6,9% Lille:DSKveutprendre
lesrumeursdecourt
C’est la hausse en un an
du nombre d’étudiants
français partis à l’étranger
pour un stage, de trois
mois en moyenne, ou des
études, de sept mois en
moyenne. Les plus mobiles
sont les étudiants en scien­
ces sociales, commerce
et droit. Les pays d’accueil
préférés sont l’Espagne,
le Royaume­Uni et l’Alle­
magne.
•
engager une nouvelle procédure contre Dominique
Strauss-Kahn après le classement sans suite de sa
plainte pour tentative de
viol. Mais il réclame toujours
des excuses de DSK.
D’après AFP
LILIANE BETTENCOURT FERA­T­ELLE
SES VALISES ?
Liliane Bettencourt a brandi la menace de partir «à
l’étranger» si la décision qui doit être rendue aujourd’hui
par la juge des tutelles de Courbevoie (Hauts­de­Seine)
devait la placer sous l’autorité de sa fille Françoise. «Si
c’est cela, je pars à l’étranger. Si ma fille s’occupe de moi,
j’étoufferai», a déclaré l’héritière de L’Oréal au Journal
du dimanche. Et quand on lui a demandé si elle comptait
partir en Suisse, elle a répondu: «Non, je ne fais plus
beaucoup de ski!» Liliane Bettencourt, c’est la franchise
tout schuss. PHOTO REUTERS
VIOLENCES Un conducteur
de bus a été agressé samedi à
Gennevilliers (Hauts-deSeine) par deux hommes qui
l’ont aspergé d’essence et
ont tenté d’enflammer le liquide sans y parvenir.
FADETTES Le directeur central du renseignement, Bernard Squarcini, est convoqué
aujourd’hui comme témoin
assisté dans l’affaire d’espionnage téléphonique de
journalistes du Monde.
APPEL À PROJETS 2011
NOUS VOULONS FACILITER
L’ACCÈS À L’EMPLOI DES JEUNES
EN SITUATION DIFFICILE
La Fondation ManpowerGroup pour l'emploi
apporte son soutien à des organismes d’intérêt
général qui développent des initiatives pour faciliter
l’accès à l’emploi des jeunes en difficulté.
LANCEMENT DE L’APPEL À PROJETS
17 octobre 2011
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DATE LIMITE DES CANDIDATURES : 30 NOVEMBRE 2011
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18
•
ECONOMIE
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
Chine:pas
d’eurobonds,
maisun
petitpas
A l’issue de la réunion du G20,
samedi, Pékin aurait indiqué
être disposé à investir dans
des infrastructures de la zone euro.
Par PHILIPPE GRANGEREAU
Correspondant à Pékin
Photo JEAN­MICHEL SICOT
L
a Chine et son coffre-fort de
3000 milliards de dollars de réserves
en devises veut-elle et peut-elle
aider l’Europe à sortir de la crise ?
Des signaux positifs semblent être sortis de
la réunion du G20 qui s’est tenue samedi à
Paris. Les représentants chinois auraient indiqué que Pékin était prêt à investir des dizaines de milliards dans la zone euro à travers
des achats d’infrastructures dans les pays endettés. «Pékin s’est engagé, dans les coulisses,
à soutenir la zone euro en
ANALYSE échange de politiques de réduction du déficit et de coupes budgétaires draconiennes», assurait hier
le quotidien britannique Sunday Times en citant une source proche des discussions. Selon
cette même source, les banques chinoises
pourraient également augmenter leurs achats
de dette souveraine de la zone euro, «mais la
Chine veut s’assurer que l’Europe connaît l’ampleur du trou et qu’il ne va pas se creuser avant
de commencer à le remplir».
CHASSE. Ces belles promesses assorties de
conditions paraissent plus constructives que
les quasi-rebuffades décochées, quelques semaines auparavant, au sommet du FMI de
Washington. Le gouverneur de la Banque
centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, avait fait
savoir que c’est «aux économies [européennes]
concernées de régler leur problème». Le président de la China Investment Corp (CIC, le
fonds souverain chinois) avait expliqué que
la Chine n’achèterait de futures obligations
européennes (eurobonds) que si celles-ci
«présentent un risque convenable». «Mais,
avait-il averti, ne vous attendez pas à ce qu’on
achète des quantités allant au-delà des risques
ordinaires.» Selon nos informations, le CIC,
qui pèse 409 milliards de dollars (295 milliards d’euros), prendra bientôt pied en
France avec l’achat, pour 3 milliards de dollars, de 30% de la branche exploration de
GDF Suez. Ce contrat, qui se situe dans le cadre de la chasse chinoise aux sources d’énergie, doit être conclu le 30 octobre à Pékin.
Bien que cet accord soit significatif, il demeure que, pour l’instant, les investissements chinois en Europe restent maigres.
«Volvo, TLC, port du Pirée… les Chinois font
certes leur marché, mais c’est très marginal, et
ce n’est pas ça, loin de là, qui sortira l’Europe
de l’ornière», commente l’économiste JeanFrançois Huchet du Centre français d’études
sur la Chine contemporaine (CFEC), basé à
Hongkong. Qu’a fait concrètement la Chine
depuis le début de la crise? «Il semble qu’elle
Lors de la réunion du G20, samedi, à Paris. Pékin se serait engagé à soutenir les Vingt­Sept si l’Union
d’euros en 2011. Plusieurs experts pensent
même que la Chine a continué d’acheter du
dollar. «Certes, la Chine est convaincue qu’il
faut diversifier ses avoirs et rendre le système
monétaire international plus multilatéral en faisant baisser l’importance relative du dollar,
note Jean-François Huchet. Dans la pratique,
toutefois, les Chinois ne peuvent pas lâcher trop
le dollar car un effondrement de
la monnaie américaine provo«Les sommes nécessaires pour sortir l’UE
querait, d’une part, une chute
de la crise sont colossales, et Pékin n’est
de la demande américaine en
pas habituée à octroyer de tels prêts.»
biens made in China, et,
d’autre part, une baisse de
Jean­François Huchet du Centre français d’études
20% à 30% de leurs avoirs
sur la Chine contemporaine
en dette américaine.» Bien
soit intervenue sur le marché des changes pour qu’elle dispose des plus grandes réserves en
empêcher l’euro de chuter, explique Huchet, devises du monde, la Chine est de toute façon
mais personne n’en est sûr car Pékin garde ces bien incapable, même si elle le voulait, de
chiffres secrets.»
jouer au chevalier blanc, assure l’économiste.
L’Union européenne est le premier partenaire «Les sommes nécessaires pour sortir l’UE de
économique de la Chine, et Pékin dispose la crise sont colossales, et Pékin n’est pas habientre 22% et 25% (500 à 600 milliards tuée à octroyer de tels prêts.»
d’euros) de ses réserves libellées en euros.
Selon le Conseil européen des relations exté- PACTOLE. La Chine aurait une autre raison
rieures, la Chine posséderait, entre autres, de rester en retrait: elle a elle-même un pro13% de la dette espagnole. Il n’est toutefois blème lancinant de dette publique. De l’ordre
pas certain que Pékin ait acheté davantage de 17% du produit intérieur brut fin 2010, se-
lon le gouvernement, cette dette atteindrait
en réalité les 89%, selon Dragonomics, un
cabinet d’études basé à Pékin. La Standard
Chartered Bank avance, elle, le chiffre
de 77% du PIB. Ces experts prennent en
compte des créances qui n’apparaissent pas
dans les calculs officiels, entre autre la dette
considérable des gouvernements locaux et
régionaux, et les emprunts non performants
accordés aux entreprises d’Etat dans le cadre
du colossal plan de relance de 2008
(400 milliards d’euros) injecté pour aider le
pays à passer le cap de la crise mondiale. Elles ont permis de maintenir artificiellement
la croissance pour palier la baisse de la demande mondiale en produits chinois. Ce pactole a encouragé une frénésie de construction
d’infrastructures et alimenté une bulle immobilière qui menace d’éclater.
Les conséquences d’un tel scénario seraient
dramatiques car les emprunts publics des
pouvoirs locaux sont en grande partie garantis par l’immobilier. Certains y voient une
crise des subprimes à la chinoise. «Si la bulle
éclate, juge Yi Xianrong, économiste à l’Académie des sciences sociales de Pékin, on
pourrait alors se retrouver nous-mêmes en
pleine crise financière.» •
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
ECONOMIE
•
19
La vulnérabilité des banques fait craindre le pire.
Le G20 met la pression
sur l’Europe
U
n air de déjà-vu. Réunis vendredi et
samedi à Paris dans le cadre du G20,
les ministres des Finances assurent
avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Mais, une fois de plus, l’adoption d’une
solution «globale et durable» devra attendre.
Au moins jusqu’au prochain sommet des
chefs d’Etat et de gouvernement du G20,
prévu les 3 et 4 novembre à Cannes. De fait,
tous les protagonistes se disent soucieux de
«soutenir et rééquilibrer l’économie mondiale
européenne réduit ses déficits et effectue de nouvelles coupes budgétaires.
REPÈRES
«L’évolution de l’économie
mondiale ces dernières
semaines est négative.
La crise est en train de toucher
également les pays
émergents.»
Christine Lagarde la directrice générale
du FMI, samedi à l’issue du G20
25%
C’est la part des réserves monétaires
chinoises qui sont libellées en euros,
soit quelque 600 milliards d’euros.
La Chine est le premier détenteur de
réserves de change au monde devant le
Japon et la Russie. L’Union européenne
est son premier partenaire commercial.
«La crise de la zone euro,
c’est d’avantage un problème
politique que financier. Je ne
pense pas que les Brics [Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique
du Sud, ndlr] aient un rôle
à jouer à ce sujet.»
Vladimir Poutine mercredi, en Chine
LE G20
C’est un groupe de 19 pays, plus l’UE,
dont les ministres, les patrons de banque
centrale et les chefs d’Etat, se réunissent
régulièrement. Créé en 1999, après les
crises financières des années 90, il vise à
favoriser la concertation internationale,
en tenant compte du poids économique
croissant pris par les pays émergents.
Le G20 représente 85% du commerce
mondial, les deux tiers de la population
et plus de 90% du PIB de la planète.
tate chaude : la régulation des flux de capitaux spéculatifs, dont les allers et retours
violents déstabilisent les économies des pays
émergents depuis 2008. «C’est une évolution
fondamentale, s’est félicité le ministre français
des Finances, François Baroin. Auparavant
cette question était marquée par une doctrine
qui récusait toute restriction à la libre circulation
des capitaux.» Depuis le début de la crise, les
pays émergents dénoncent les effets néfastes
des politiques monétaires pratiquées aux
Etats-Unis ou en Europe. «De plus en
plus d’investisseurs empruntent à bas
Pour la quasi-totalité des membres
taux aux Etats-Unis et placent les
du G20, le mal se trouve en Europe.
fonds obtenus sur les places financières
Le Conseil européen de dimanche
des pays émergents, comme le Brésil,
prochain est donc un préalable pour
explique un analyste financier. Du
coup, ces derniers craignent à la fois
que se dessine un début de solution.
un ralentissement des économies riches
face aux risques importants de détérioration». et la forte appréciation de leur monnaie, qui renMais pour la quasi-totalité, le mal se trouve chérit leurs exportations.»
en Europe. Le Conseil européen de dimanche Explicite. C’est ouvrir là un dossier non
prochain à Bruxelles est donc un préalable moins épineux, celui des déséquilibres
indispensable pour que se dessine un début macroéconomiques mondiaux. Les regards
de solution à cette crise désormais mondiale. se sont cette fois tournés vers l’ogre chinois,
A bras­le­corps. Les réponses à la crise sont sans qu’il soit explicitement nommé. En lan«dans les mains des Européens», a déclaré le gage G20, cela donne : «Les pays émergents
ministre brésilien des Finances, Guido Man- en situation d’excédent accéléreront la mise en
tega. Selon lui, «la principale vulnérabilité vient œuvre des réformes structurelles visant à réédes banques, car elles peuvent déclencher une quilibrer la demande pour donner une plus large
crise systémique». Et c’est pour éviter ce scé- place à la consommation intérieure, tout en
nario du pire que les ministres des Finances poursuivant leurs efforts pour se diriger vers
du G20 ont rappelé que les banquiers centraux des systèmes de taux de change davantage décontinueront à faire le maximum pour assurer terminés par les marchés et parvenir à une
la liquidité des banques. Au nombre des gran- flexibilité accrue des taux de change.» Une dédes résolutions à venir, le G20 Finances épin- claration relativement explicite, mais qui ne
gle désormais ouvertement les banques systé- dit pas quand, ni comment, pourrait s’opérer
miques, celles dont la taille est telle que leur un tel mouvement de bascule. De son côté,
naufrage emporterait pléthore d’autres éta- la Chine fait valoir que l’UE est le premier
blissements financiers ou d’entreprises. Leurs débouché de ses exportations, pour environ
identités devraient être communiquées lors 380 milliards de dollars (275 milliards
du sommet de Cannes.
d’euros) par an. Façon de rappeler que pour
A défaut de proposer déjà une solution glo- elle aussi, l’effondrement de la zone euro
bale, le G20 a tout de même pris à bras-le- coûterait fort cher.
corps un dossier qui tenait jusque-là de la paVITTORIO DE FILIPPIS
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•
FISCALITÉ Xavier Bertrand
s’oppose à l’extension de la
taxe sur les boissons sucrées
à celles contenant des édulcorants. «Il existe une différence entre consommer des
boissons light et des boissons
avec sucre ajouté», explique
le très pointilleux ministre de
la Santé. Coca-Cola (et son
Coca zéro) passera à travers
les gouttes, pas Danone et ses
Fanta, très fâché de cette
distorsion de concurrence.
AFFAIRES L’avocat d’Eric
Woerth, Me Jean-Yves Le
Borgne, a réaffirmé hier que
la privatisation de l’hippodrome de Compiègne, diligentée par l’ex-ministre du
Budget, aurait été «conforme
avec les exigences légales». Il
répliquait au Snui (syndicat
des agents des impôts) pour
qui la vente aurait été «illicite
et appauvrissante» pour
l’Etat français, car «complaisamment consentie».
LES GENS
JEAN­MICHEL GERMA DANS LE VENT
Jean­Michel Germa va réintégrer ce matin son bureau de
président de la Compagnie du vent (LCV), PME de pro­
duction d’électricité éolienne qu’il a fondée en 1989. La
cour d’appel de Montpellier a infirmé, jeudi, une décision
du tribunal de commerce qui avait eu pour conséquence
sa révocation fin mai par GDF­Suez, actionnaire majori­
taire de LCV. S’il juge «trop tard» pour faire revenir le pro­
jet éolien en mer des Deux Côtes au sein de LCV, Germa
espère éviter les suppressions de postes qu’il soupçonne
GDF­Suez d’avoir programmées. Trente salariés pour­
raient être poussés à partir sur trois ans. «GDF­Suez a
vidé tous les actifs de LCV et ils ont le cynisme de consta­
ter qu’il faut réduire les coûts», s’insurge celui qui reste
actionnaire minoritaire de LCV. Il n’a que quinze jours
pour agir. GDF­Suez a déjà convoqué une nouvelle
assemblée générale le 31 octobre, pour le révoquer
dans les formes. C. Rp (à Montpellier) PHOTO GILLES FAVIER. VU
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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
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L’ÉTUDE
LA SANTÉ EST
DANS LE PRÉ, LA
MALADIE DANS
LES PESTICIDES
Les agriculteurs français,
fumant moins et se dépen­
sant physiquement plus
que les autres, meurent
moins du cancer que leurs
compatriotes. «Ça n’a rien
à voir avec leur travail mais
avec leur mode de vie»,
nuance Pierre Lebailly,
épidémiologiste effectuant
un suivi auprès de
180000 paysans. Toute­
fois, selon plusieurs études
récentes, la santé des agri­
culteurs reste problémati­
quement liée à l’usage des
pesticides. Chez les viticul­
teurs en Poitou­Charentes,
une enquête fait état d’une
«surmortalité significative»,
de l’ordre de 19%, en cor­
relation à l’intoxication de
produits chimiques. La
veuve d’un agriculteur
décédé d’une leucémie,
reconnue comme maladie
professionnelle, a créé une
association de victimes des
pesticides.
«Samsung, malgré
les disputes
judiciaires, a gardé
des liens étroits avec
Apple en tant que
fournisseur de
coques et puces.»
Jay Lee héritier du PDG
de Samsung, qui assistera
aux obsèques de Steve
Jobs, en dépit de la rivalité
entre les deux fabricants de
téléphones mobiles
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Titre certifié par l’État Niveau I
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Institut Supérieur Européen de Gestion. Établissement privé
d’enseignement supérieur. Cette école est membre de
A Rome, la manifestation de samedi a fait 135 blessés. PHOTO GREGORIO BORGIA.AP
INDIGNÉS Christophe Aguiton, d’Attac, revient sur les
mobilisations de ce week-end à travers le monde:
«Ilyaunbruitdefond
trèsantisystème»
e mouvement des Indignés a mobilisé ce
week-end 950 manifestations dans 82 pays. Issu
des pays hispaniques, il s’est
fortement internationalisé. A
Rome, des affrontements se
sont soldés par 135 blessés
(dont 105 policiers), le maire
employant un ton martial :
«Nous devons agir avec la fermeté appropriée à l’encontre
de ces brutes»… A Chicago,
175 manifestants anti-Wall
Street ont été arrêtés hier
matin, évacués d’un parc ou
ils comptaient prendre racine. A Londres, les Indignés
de la City ont installé leurs
70 tentes sur le parvis de la
cathédrale Saint-Paul. A
Francfort, 200 militants ont
dressé une trentaine de tentes devant le siège de la Banque centrale européenne, vu
comme l’épicentre de la crise
au sein de la zone euro.
Christophe Aguiton, ex-AC!
ou SUD, aujourd’hui actif au
sein d’Attac, analyse le mouvement.
Existe-t-il une mondialisation des revendications ?
Je ne parlerais pas de revendications mais de racines
communes, liées à une multiplicité de systèmes qui reproduisent les mêmes effets
et les mêmes victimes : jeunes privés d’emploi, de débouchés, d’avenir. Autre
point commun, issu des révolutions arabes, la méthode
revendicative : l’occupation
de longue durée de l’espace
public. La place Tahrir hier,
Wall Street aujourd’hui. Et à
L
chaque fois, le
mouvement est pacifique dans ses
méthodes mais radical dans ses revendications.
C’est aussi en rupture avec les organisations traditionnelles, politiques ou syndicales.
Cela varie d’un pays à
l’autre, mais globalement,
on y parle du moi, du je,
mais jamais au nom des
autres. Dans les cas grec ou
américain, on trouve ponctuellement des passerelles
avec le mouvement syndical
et les banderoles qui vont
avec. Mais les Indignés n’ont
pas de véritables revendications, du type retraite à
60 ans ou revalorisation du
Smic. Le mouvement renvoie
à l’individualité tout en mettant en avant des demandes
fédératrices, comme un toit
et un travail pour tous en Espagne. Au Mexique, il a été
initié par un poète pointant
la police et les trafiquants de
drogue sur le thème: ras-lebol de la corruption. Qui
pourrait être contre ?
Frustration individuelle ou
collective ?
Le point de vue est davantage moral que politique. Dès
lors, il déclenche plus facilement l’unanimité. Personne
ne s’oppose au contrôle accru des banques, ce qui va de
soi. Mais il y a derrière un
bruit de fond très antisystème. Derrière l’aspect consensuel, voire Bisounours, le
discours est beaucoup plus
AFP
20
radical.
Au risque de débordements ?
Finalement, cela
nous ramène
aux révolutions
a ra b e s .
Un
mouvement
non-violent mais basant le
rapport de force par la masse
et la force de l’occupation de
l’espace public. Après, la police peut toujours essayer
d’évacuer une place, au Caire
ou à New York…
Le gouverneur de la banque
centrale d’Italie, Mario Draghi, ex de chez Goldman
Sachs, vient d’apporter son
soutien aux Indignés…
C’est le signe que le système
est à bout de souffle. Des responsables comme JeanClaude Trichet, le président
de la Banque centrale européenne, disent comprendre
les Indignés sans pour autant
les soutenir. Le mouvement,
qui se caractérisait par la vitesse de diffusion entre ses
membres, va devoir gérer sa
relation aux autres, ou l’on
retrouvera les ONG, les partis
politiques et les syndicats.
Reste à savoir comment gérer ces alliances sans transformer l’âme et l’originalité
du mouvement. Il a démarré
le 15 mai et nous sommes le
15 octobre : en cinq mois, la
mobilisation a traversé le
monde! Mais quand un mouvement s’inscrit dans la durée, il ne peut pas se contenter de vivre sur lui-même.
Recueilli par
RENAUD LECADRE
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JEUX­METEO
H. I. Souhaitons que sa voie mène vers la victoire.II. Jolies nymphes aquatiques. - III. Bien circonscrit.
Une façon de faire plutôt meilleure qu’une autre.
- IV. Pas le dessus du panier, c’est même tout le
contraire. Bien dans le coeur. - V. Toujours très grave.
Invitait naguère à meHre un tigre dans son moteur.
- VI. Article. Mélange épicé à Cochin. - VII. Etroit
passage entre deux mers. Personnel. - VIII. Simple
compétition hippique parfois. - IX. Jadis célèbre
pour ses chevaux et sa cavalerie, comme en témoigne
la légende des Centaures ou des Lapithes. - X. Au
coeur de la ficelle après demi tour. Lieux de divins
séjours. - XI. Evidemment pas un colosse.
V. 1. Ont passé avec mention leur certificat d’études
primaires. - 2. Taches sur plumes. Fait un malheur
au palmarès académique. - 3. Va bientôt s’arrêter
de ronger pour aller dormir. Oblige à remeHre les
points sur les i. - 4. De vrais pantins. - 5. Epousa la
fille du roi de Troie en premières noces. Fait rire
sans fin. - 6. Premiers fans de Valéry. Beau tapage
parfois. - 7. Pâris y rendit jugement en Asie Mineure.
Note. Petit trou du côté de Gros-Morne. - 8. On s’y
baigne dans l’Allier. Joli pétard. - 9. Indispensable
à la construction d’une solide charpente.
LIBÉRATION
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Tél. : 01 42 76 17 89
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Membre de OJDDiffusion Contrôle.
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0335-1793.
MATIN Un peu de grisaille est aendue sur un tiers nord. Pour le reste,
temps parfois brumeux puis larges
trouées.
L’APRÈS-MIDI Temps plus nuageux
dans le nord-ouest. Ailleurs, larges
éclaircies et températures plutôt agréables.
0,3 m/17º
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V.
Hersa. Ale.
Inclina. VIII.
Tant. Eton.
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LES MOTS D’OISEAU G DECE
IX. Egâ. Osent. X. Aigris. Né. XI. Urétrites.
V:1. Eléphanteau. 2. Lamier. Agir. 3. Libertinage. 4. Ecossant. nt. 5. Oïl. ABC. Oir. 6. Usés. Alessi. 7. La. Vanité. 8.
Untel. Nonne. 9. Itinérantes.
A
B
C
D
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F
G
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1.Cd2!! C’est une jolie illusion d’optique qui prévaut
dans notre solution du jour. Les noirs possèdent
une figure de plus, mais la tour d6 et le Ce8 sont
cloués. Le sacrifice d’un cavalier permet de remporter la qualité: 1... Rg8 (1... Cxd2 2.Fxd6+ Rg8 3.Txe8+
Rh7 4.Fxe5 etc.) 2.Txe8+ Rh7 3.Fxd6 Cxd6 4.Td8 Cb5
5.Td7 et 1-0 45 (!) coups plus tard. J-P Mercier
w ECHECS 7589
NIVEAU 6
Open de Dieren, Pays-Bas 2011
Les Blancs jouent et gagnent
B. Fier
N. Deepan
Après Étienne, Maxime ?
Après son succès à Poikovsky (Russie), Étienne
Bacrot n’est plus qu’à deux points élo de Maxime
Vachier-Lagrave (2711 pour 2713) au moment précis où nous écrivons ces lignes. La place de n° 1 tricolore est de nouveau en balloOage, pour notre
plus grand plaisir. Maxime entre en scène ceOe
semaine à Hoogeven (Pays-Bas) dans un tournoi
quadrangulaire en double ronde face à Kramnik,
Giri, Judit Polgar, le tout en parties longues. Si ces
noms ne vous disent rien, sachez qu’il s’agit d’un
ancien Champion du Monde, d’un Champion des
Pays-Bas et de la meilleure joueuse de tous les
temps. Inutile de dire que l’exercice de style est à
risques, et que Maxime a intérêt d’être en forme.
Morozevich revient (suite). Comme Morozevich
par exemple. Dans la « Coupe du Gouverneur »
qui se dispute à Saratov (Rus), la star russe de 34
ans semble parvenue à l’apogée de sa carrière,
après deux années de floOement. Ce tournoi fermé de 12 joueurs en comporte 8 au-dessus de la
barre des 2700 élo, soit des super-GMI. Malgré
cela, Alexander enchaîne victoire sur victoire et,
avec 6 points acquis en 7 rondes, en possède deux
d’avance sur Peter Leko. Sa performance à 3000
élo lui vaudra, s’il maintient la cadence, un remarquable retour en trombe dans le top 10 mondial,
comme une boule dans un jeu de quilles.
Nous informons nos lecteurs
que la responsabilité du journal ne saurait être engagée en
cas de non-restitution de
documents
11/23
9/17
MARDI
MERCREDI
La perturbation affaiblie gagne les
régions centrales. Gris au nord, soleil
au sud-est.
Quelques pluies éparses des Pyrénées aux Alpes. Ciel variable ailleurs,
rares averses. Frais.
0,6 m/17º
0,6 m/17º
Lille
1 m/16º
Lille
1,5 m/16º
Caen
Caen
Paris
Paris
Strasbourg
Brest
Strasbourg
Brest
Orléans
Orléans
Dijon
Nantes
Dijon
Nantes
0,3 m/18º
0,3 m/18º
Lyon
Lyon
Bordeaux
Bordeaux
1 m/21º
0,6 m/21º
Toulouse
Nice
Montpellier
Toulouse
Marseille
Marseille
0,3 m/19º
0,6 m/19º
Soleil
Éclaircies
Nuageux
Couvert
Averses
Pluie
Orage
Neige
-10°/0°
1°/5°
6°/10°
Nice
Montpellier
11°/15°
16°/20°
21°/25°
Faible
Modéré
fort
26°/30°
31°/35°
Calme
Peu agitée
Agitée
36°/40°
22
•
SPORTS
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
XVdeFrance:unevictoireen
Servis par les
circonstances,
les Bleus ont
petitement battu
les Gallois (9-8):
les voilà en finale.
Par FRANÇOIS MAZET
ET SYLVAIN MOUILLARD
Envoyés spéciaux à Auckland
L
es rugbymen français s’en
sont remis au win ugly pour
rejoindre la finale de la
Coupe du monde, dimanche face à la Nouvelle-Zélande. Gagner mochement. Mais gagner,
comme des générations d’Anglais
avant eux. Cette fois, les Bleus se
contenteront d’être du bon côté de
l’histoire. Le sélectionneur, Marc
Lièvremont, qui avait eu le triomphe modeste après le quart de
finale remporté face au XV de la
rose (19-12), n’a cette fois pu s’empêcher de régler quelques comptes
à l’issue de la victoire de samedi en
demie contre le pays de Galles (9-8). «Cachez votre enthousiasme», lança-t-il aux journalistes, sourire vengeur en coin, à
peine assis pour la conférence de
presse d’après-match.
S’il se défend de toute
RÉCIT rancœur, on sent chez
cet homme-là une
profonde envie de revanche. «Personne ne croit en nous, on est le vilain
petit canard de la compétition. On ne
va pas reprendre les propos de Diego
Maradona. Ils sont assez célèbres
[après la qualification de l’Argentine pour le Mondial 2010, celui qui
était alors sélectionneur avait déclaré: “A ceux qui ne m’ont pas cru,
pardon aux dames, qu’ils me la sucent et qu’ils continuent de me la sucer. Vous, qui m’avez traité de cette
manière, continuez à vous masturber”, ndlr]. On ne va pas avoir cette
grossièreté-là mais d’une certaine
manière, sur le fond, on le pense un
petit peu.»
LÉGENDE URBAINE. Lui, labélisé
«entraîneur de Pro D2 arrivé là par
hasard» par une partie de la presse
sportive, a mené ses hommes en finale. «Je vais vous dire un truc : je
m’en fous que le match n’ait pas été
beau, qu’on ait eu de la réussite et que
les Gallois méritaient plus que nous.
Si on doit être champions du monde
en jouant le même rugby, on jouera le
même rugby !» Voilà une chose de
faite : la légende urbaine du french
Imanol Harinordoquy (à gauche) et Leigh Halfpenny lors de la demi­finale du Mondial de rugby, samedi à l’Eden Park d’Auckland. PHOTO THEMBA HADEBE.AP
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
SPORTS
dable, c’est bien la France et son
èthos autodestructeur. Les Diables
rouges, eux, peuvent s’en vouloir.
Trois pénalités, deux drops et une
transformation ratés, et des regrets
qu’on ressassera encore dans quarante ans dans les pubs de Cardiff.
A l’image de l’ancien international
Eddie Butler, dépité dans le bus le
ramenant dans le centre-ville, et
tentant de relativiser : «C’est juste
un match de rugby.»
«BANDE D’ÉCLOPÉS». Sous les vivats de la foule de l’Eden Park, les
hommes de Warren Gatland ont
tout tenté malgré l’infériorité numérique. Et les Français sont sortis
de la pelouse sous les huées d’une
partie du public. «On a joué comme
une équipe de Fédérale [la troisième
division française, ndlr], lâchait
dans un sourire le pilier Fabien Bar-
cella. On s’est jeté sur tous les ballons, sans fond de jeu, sans rien. Mais
il y a nos défaites en Italie, en Argentine, en Afrique du Sud. On a pris des
corrections, des bouffes. Peut-être
que mentalement, ça nous a rendus
plus forts. Si on s’en est sorti, c’est
parce qu’on avait une paire bien accrochée.» Le champ lexical de la virilité est la ligne de vie des Bleus
depuis deux semaines, depuis cette
défaite infamante contre les Tongiens, dans le sillage d’un entraîneur à forte personnalité qui a pu
tester l’efficacité de la méthode
comme joueur lors du Mondial 1999. Cette fois, Lièvremont
compte pousser le raisonnement
encore plus loin, en jouant un peu
sur la provoc et sur la seule vérité
du sport : le vainqueur a toujours
raison. «Pour ceux qui ont la mémoire courte, je vous rappelle qu’on
REPÈRES
«Le pays ne s’y trompe
pas. Je crois qu’il y a
un gros engouement
derrière cette équipe,
derrière ce parcours
chaotique et quelque
part très français.»
Marc Lièvremont hier
Finale: Nouvelle­Zélande­
France, dimanche à Auckland
(10 heures, en direct sur TF1)
Match pour la 3e place: Aus­
tralie­Pays de Galles, vendredi
à Auckland (9h30, TF1)
Résultat des demi­finales:
France­Pays de Galles 9­8,
Nouvelle­Zélande­
Australie 20­6
23
Hier, la NouvelleZélande a battu
l’Australie 20 à 6.
contreplaqué
flair est bel et bien enterrée. Le plus
étonnant, finalement, c’est que
Lièvremont ait embringué avec lui
son capitaine Thierry Dusautoir
dans sa croisade contre des suiveurs jugés pas assez chauvins par
le coach. D’habitude atone, le troisième-ligne a eu ces mots : «Il y a
beaucoup de personnes que ça ennuie
qu’on soit en finale. On n’a peut-être
pas beaucoup de talent, mais le cœur
peut suffire.»
Une sortie révélatrice. Déjà, elle
tord le cou à l’idée selon laquelle les
joueurs auraient pris le pouvoir ou
lâché le coach pour écrire leur destin. Comme pas mal de ses devancières, cette équipe de France fonctionne mieux en vase clos. Ou du
moins, elle veut le croire. Car en
zone mixte, là où les joueurs viennent répondre aux questions des
journalistes après-match, c’est une
autre chanson. Il y a des carrières
à gérer, pas question de flinguer à
tout-va. On en revient alors à des
analyses plus factuelles. Cette
équipe a joué «la peur au ventre»,
dixit Vincent Clerc. «On était crispés, on était tendus, on avait un peu
la pression parce qu’on avait déjà
battu les Gallois trois fois, expliquait
le demi d’ouverture Morgan Parra,
14 plaquages réussis sur 14 tentés
samedi. En plus, avec ce carton
rouge, on se disait qu’on ne pouvait
pas perdre ce match.»
Pour ce XV de France, seule la victoire compte. On le comprend. Pour
le reste, il n’y a pas de quoi plastronner. Les Bleus ont joué avec le
feu et auraient mérité de se brûler.
A partir de la 17e minute et l’exclusion définitive du capitaine gallois
Sam Warburton pour un plaquage
dangereux sur Vincent Clerc, ils ont
donné l’impression de gérer. C’était
imperdable. Mais s’il y a une équipe
capable de foirer un match imper-
•
2
finales de Coupe du monde
disputées par les Bleus:
deux défaites, contre la Nou­
velle­Zélande (9­29) en 1987
et l’Australie (12­35) en 1999.
2
finales de Coupe du monde
disputées par les All Blacks:
outre leur succès de 1987, ils
ont perdu celle de 1995 contre
l’Afrique du Sud (15­12 a.p.).
est parti il y a quatre mois avec une
bande d’éclopés, qu’ils étaient tous
sur le terrain, et qu’on est en finale de
la Coupe du monde en NouvelleZélande. Je ne vais pas bouder mon
plaisir. Ce match montre que cette
équipe a beaucoup de caractère et
qu’on va certainement être champions du monde.»
ÉGOÏSTES. Drôle de coach. Hier, il
a avoué s’être couché «énervé»
après la victoire de ses hommes :
«J’ai appris que certains joueurs
étaient sortis malgré mon interdiction. C’est une bande de sales gosses
égoïstes et indisciplinés, toujours à se
plaindre et à râler. Depuis quatre ans
que je suis avec eux, ils me les cassent
toujours autant.» Lièvremont a
cette croyance chevillée au corps
que son groupe peut gagner dimanche contre les Blacks. Pas question
de laisser se répéter les erreurs qu’il
a commises comme joueur.
«En 1999, on avait fait la bringue
pendant quatre jours après notre demi-finale victorieuse contre les
Blacks, explique-t-il. A l’époque, je
faisais partie de ces sales gosses dissipés qui ne savent pas toujours prendre la mesure des choses.»
Douze ans plus tard, on ne sait trop
comment, les Bleus sont dans la
même position. Sur le plan du jeu,
la France est certainement le finaliste le plus faible d’un Mondial depuis l’Angleterre en 1991. Mais les
joueurs, déjà battus deux fois dans
la compétition, veulent survivre.
Limités offensivement, ils s’accrochent à l’envie dans des fins de
match étouffantes. La semaine passée contre les Anglais. Ce weekend contre les Gallois. C’est le
rugby du Top 14, rarement brillant,
toujours âpre. Le legs de Marc Lièvremont sera le suivant: une Coupe
du monde ou le néant. •
All Blacks
à l’aise
à l’Eden
ingt-quatre ans après
leur victoire en Coupe du
monde, les All Blacks ont
empoché hier leur billet pour la
finale aux dépens de l’Australie
(20-6). A l’Eden Park d’Auckland, le lieu même de leur titre
de 1987. Un stade où ils sont invaincus depuis 1994 et la tournée victorieuse de Tricolores
cornaqués par Pierre Berbizier.
Il fallait bien la venue des cousins de la mer de Tasmanie pour
que les supporteurs des Blacks
donnent un peu de vie à l’enceinte, habituellement bien
sage. Cible des quolibets, le
demi d’ouverture australien
Quade Cooper, désigné comme
traître à la nation kiwie depuis
des semaines. Après la rencontre, on entendait les «Four more
years» («quatre ans de plus»)
résonner dans les travées, allusion chambreuse à la sortie du
demi de mêlée mythique George
Gregan en 2003, quand les Wallabies avaient éliminé leurs rivaux. Les Blacks ont développé
leur nouveau rugby : au large
quand il le faut, au près quand il
le faut, au pied quand il le faut.
Un équilibre mis en place pour
empêcher les hommes en noir
de subir les mêmes désillusions
que par le passé. Et puis de la
puissance, de la rage, de l’abnégation. Les Blacks ne cuisent
plus leurs adversaires au gril,
mais à l’étouffée. Prochaine
proie en vue: un coq gaulois à la
crête fière mais pas très vive.
V
F. M. et S. M. (à Auckland)
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AP0029
24
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
SPORTS
3
L’HISTOIRE
C’est le nombre de médailles remportées par l’équipe
de France d’escrime à l’issue des Mondiaux qui se sont
achevés hier à Catane (Italie). Les épéistes français ont
décroché samedi leur 8e titre consécutif par équipe. Hier,
les fleurettistes hommes disputaient la finale par équipe
face aux Chinois (résultat non parvenu). Seule médaille
individuelle: le bronze pour Victor Sintes au fleuret.
10e journée. Samedi. BrestCaen 1-1, Evian-TG-SaintEtienne 1-2, Nice-Bordeaux
3-0, Toulouse-Marseille 0-0,
Montpellier-Dijon 5-3,
Auxerre-Lille 1-3, LyonNancy 3-1. Dimanche. Valenciennes-Sochaux 3-0, AC
Ajaccio-Paris-SG 1-3, Rennes-Lorient non parvenu.
FOOT Bordeaux coule à pic.
La 10e journée de Ligue 1 disputée ce week-end aura circonscrit les ambitions du
club girondin d’Henri Saivet
(photo), écrasé (0-3) à Nice
et désormais relégable (18e).
PHOTO AFP
MOTOGP Second titre pour
Casey Stoner. Déjà titré
en 2007 chez Ducati, le pilote
australien de l’écurie Honda
est redevenu champion du
monde en remportant hier le
Grand Prix d’Australie.
GYMNASTIQUE Cyril Tommasone a pris l’argent au
cheval d’arçon samedi aux
Mondiaux de Tokyo : la
3e médaille mondiale française à cet agrès depuis 1907.
BOXE : LA VIDÉO
SONNE LA
REVANCHE
Quand la boxe utilise la
vidéo pour appuyer ses
verdicts, elle ne fait pas
semblant: détenteur de la
ceinture IBF des lourds­lé­
gers depuis sa victoire
contre l’Américain Cunnin­
gham le 1er octobre, le
Cubain Yoan Pablo Her­
nandez devra accorder une
revanche dans les 120 jours
à son adversaire: après
examen des images, l’IBF a
décidé que les coupures
faciales subies par Hernan­
dez sur coups de tête invo­
lontaires aux 3e et
6e reprises n’étaient pas un
obstacle à la poursuite du
combat. Le 1er octobre,
l’arbitre avait estimé le
contraire et arrêté le
combat à l’appel de la
7e reprise. On avait alors
regardé les pointages: le
Cubain de 26 ans en avait
deux pour lui (58­55 et
59­55) alors que Cunnin­
gham, 35 ans, avait le troi­
sième (57­56). Le vainqueur
de la revanche défendra le
titre le 11 mai face au Cana­
dien Troy Ross.
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Sebastian Vettel, remercie, hier en Corée, les mécaniciens Red Bull. PHOTO LEE JAE­WON. REUTERS
RedBulletRenault
sacrésenCoréeduSud
F1 Vainqueur hier, Sebastian Vettel, champion du monde
des pilotes, a apporté le titre des constructeurs à son équipe.
U
ne semaine après
s’être offert le
titre mondial des
pilotes, l’Allemand Sebastian Vettel a apporté celui des constructeurs
à l’écurie Red Bull et à son
motoriste, Renault, en l’emportant hier en Corée du Sud
devant l’Anglais Lewis Hamilton et l’Australien Mark
Webber. Un deuxième titre
consécutif qui permet à
l’écurie autrichienne d’afficher des statistiques qui en
font une des équipes les plus
titrées du peloton.
L’homme : Dietrich
Mateschitz
L’homme d’affaires autrichien, à la tête de la société
Red Bull dont il détient 49%
des parts, est le patron
d’écurie le plus discret du
paddock. Il se contente de
trois ou quatre visites par
saison sur les Grand Prix,
n’arrivant que le matin de la
course, pour s’échapper
aussi furtivement une fois
celle-ci terminée. Passionné
d’aviation, le milliardaire
autrichien est aussi un visionnaire dans le domaine du
marketing.
Ignorant les sports traditionnels, c’est via les sports extrêmes les plus prisés par les
jeunes –autant de consommateurs potentiels de la boisson énergétique dont les canettes sont décorées d’un
taureau rouge – que Mateschitz a développé la notoriété
de sa marque avant de s’intéresser aux sports essentielle-
ment mécaniques (Red Bull
sponsorise également Citroën
en rallye), afin de profiter de
leur plus forte exposition médiatique.
Ainsi, son implication en F1
s’est avérée incontournable et
la marque Red Bull y est apparue, d’abord comme simple sponsor à partir de 1995
(Sauber puis Arrows), avant
que l’Autrichien décide de racheter l’écurie Jaguar moribonde, fin 2004. Puis, un an
plus tard, la modeste formation italienne Minardi, pour
Après avoir reconstruit
l’écurie sous la houlette d’un
jeune manager, Christian
Horner, Red Bull s’est doté
des outils techniques les plus
performants et surtout d’un
technicien de génie avec le
Britannique Adrian Newey.
Red Bull a également eu la
bonne idée de construire un
partenariat de longue durée
avec le motoriste français
Renault. Depuis 2007, c’est
associé à la firme au losange
que Red Bull a gagné
ses 25 victoires (dont 10 cette
saison), décroché
35 poles positions
Depuis 2007, Red Bull
depuis 2009, siet Renault ont décroché
gné 10 doublés et
25 victoires, 35 poles
enchaîné 62 de ses
positions et signé 10 doublés. 63 podiums. La
mauvaise nouen faire son équipe bis, après velle pour la concurrence :
l’avoir rebaptisée Toro Rosso, cette association de choc a
(traduction italienne de Red été prolongée au moins jusBull). Comme Mateschitz voit qu’à la fin de la saison 2014.
loin, il a fait de cette petite
équipe le «centre de forma- La phrase : «J’ai juste
tion» de la pépinière de jeu- pensé qu’il serait erroné
nes pilotes que la marque de ne pas en avoir un»
Red Bull finance en marge de De Sebastian Vettel au sujet
son activité en F1. Sebastian du meilleur tour obtenu
Vettel en est à ce jour le pro- juste avant de passer la ligne
duit le plus abouti.
d’arrivée en vainqueur.
«C’est idiot, car il n’y a pas de
Le tandem gagnant :
point pour cela, mais nous
Red Bull­Renault
avons eu tant de victoires cette
Un marchand de boisson au saison sans aucun meilleur
goût étrange qui débarque tour…» a déclaré un Sebasd’une manière assez tapa- tian Vettel enjoué et joueur.
geuse en F1 et parvient à L’Allemand a donné des
tailler des croupières aux sueurs froides à son chef
équipes historiques, Ferrari, motoriste qui venait justeWilliams et autre McLaren : ment de lui demander de
voilà qui a fait se tordre quel- ménager sa mécanique.
ques nez dans le paddock.
LIONEL FROISSART
REBONDS
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
•
25
A Tomas Tranströmer,
une lettre suédoise
Par HENNING
MANKELL
Ecrivain suédois
Q
ue le prix Nobel ait enfin été attribué au poète suédois Tomas
Tranströmer, ce n’est pas franchement une surprise. Il figurait
depuis de nombreuses années
parmi les lauréats potentiels. Et
ceux qui militaient pour sa candidature venaient pratiquement
du monde entier.
Il a donc reçu le Nobel. Cela ne change rien au fait
scandaleux qu’il n’ait jamais été élu à l’Académie suédoise. Là-bas, il est
aussi maltraité que le
Un compagnon fiable qui marche à
nos côtés. Il nous invite à participer, fut, par exemple,
August Strindberg
il nous invite à nous asseoir avec lui – qui, lui, d’ailleurs,
à la table de la poésie.
n’a jamais reçu le prix
Nobel.
Quoi qu’il en soit, cette académie vermoulue s’est enfin décidée à lui attribuer son prix, et c’est une bonne
chose. Non que Tomas Tranströmer ait grand besoin
de l’argent qui l’accompagne. Pas plus que d’un public, car il n’est certes pas en manque de lecteurs.
Dans le meilleur des cas, ce prix servira à lui en gagner
encore davantage.
Moi qui vis une grande partie du temps en Afrique,
surtout au Mozambique ces vingt-cinq dernières années, il m’est parfois arrivé, en compagnie de lecteurs
ou d’amis intellectuels, d’improviser une traduction
portugaise de l’une ou l’autre strophe tirée d’un
poème de Tranströmer. Je n’ai pas mentionné son
nom. J’ai lu ma traduction, et ensuite j’ai interrogé
l’auditoire : «Qui, selon vous, a écrit ces vers ?»
Tous s’accordaient à trouver la strophe émouvante,
suggestive, belle. Mais la question de sa possible origine donnait lieu aux hypothèses les plus échevelées.
Pour l’un, il s’agissait d’un poème d’Afrique de
l’Ouest relativement récent, remontant tout au plus
aux années 50. Un autre croyait être en présence d’un
poème perse très ancien. Chaque fois, la discussion
se prolongeait jusqu’à ce que je leur révèle la vérité :
les vers dont je venais d’improviser la traduction
avaient été écrits par un monsieur suédois d’âge
moyen habitant une ville suédoise de taille moyenne
appelée Västerås. (Ce n’est plus le cas, Tomas Tranströmer vit aujourd’hui à Stockholm.)
La Suède, d’un seul coup, devenait à la fois plus et
moins exotique. Car voilà que dans cette ville de province vivait un poète dont la poésie était compréhensible par tous. Par les nomades du désert aussi bien
que par des comédiens amateurs de livres vivant à
Maputo. Ou par un auteur de prose tel que moi.
Tomas Tranströmer est un grand narrateur. Il me semble parfois que ses poèmes, aussi courts soient-ils,
sont remplis d’histoires dont l’envergure et la profondeur n’ont rien à envier aux romans de Thomas
Mann et de Dostoïevski. C’est un poète riche en récits.
Il y a dans sa poésie une dimension épique qui, étonnamment, a besoin de très peu de mots pour se déployer. De la même façon, je vois dans ses poèmes
l’esquisse d’une dramaturgie très particulière.
«Il y a, au milieu de la forêt, une clairière insoupçonnée
que ne découvre que celui qui s’égare (1).»
Cette phrase contient l’amorce d’un drame fascinant.
Au milieu des années 80, alors que je dirigeais un
théâtre, j’ai pris contact avec Tomas et lui ai demandé
s’il accepterait de tenter l’aventure. Il a répondu qu’il
ne se croyait pas capable d’écrire pour le théâtre. J’ai
naturellement respecté sa décision. Mais j’ai donné
la strophe ci-dessus à une jeune dramaturge, qui a ensuite écrit une très belle pièce à laquelle elle a donné
le titre Egarés.
Tomas Tranströmer est un maître des images. Ses
métaphores, inattendues, sont de celles qu’on
n’oublie pas. Aucun auteur, vivant ou mort, ne m’a
donné autant de citations à ruminer. Pas même la
Bible.
Mais son importance se mesure surtout pour moi à la
faculté qu’il a de se mouvoir entre le très grand et le
très petit. D’aborder un accident de la route de la
même façon que les plus épineuses questions existentielles. Par là, il nous devient très proche. Un compagnon fiable qui marche à nos côtés. Il nous invite à
participer, il nous invite à nous asseoir avec lui à la
table de la poésie.
L’un des plus grands poètes de notre temps vient de
recevoir une consécration légitime. Mon souhait est
qu’elle conduise des lecteurs toujours plus nombreux
à vivre l’expérience de son œuvre.
Traduit du suédois par Anna Gibson.
(1) «La Clairière», in «la Barrière de vérité» (1978). Traduction
de Jacques Oudin.
Dernier ouvrage paru : «le Chinois» (Seuil).
Haïti:au-delà de la compassion et de l’offrande
Par JEAN­
CLAUDE
FIGNOLÉ
Ecrivain et maire
de la commune
les Abricots
(Haïti)
«M
ourir est beau.» Ces mots
de la dernière strophe de
notre hymne national
exaltent les vertus guerrières d’un peuple qui, le seul dans
l’histoire de l’humanité, sut convertir
une révolte d’esclaves en épopée de la
liberté. Une exaltation passionnée de la
mort comme sacrifice, telle une quête
esthétique pour transcender les
malheurs à l’origine de son existence.
C’était voilà cent huit ans.
Depuis, nous traînons l’angoisse de la
mort entre catastrophes naturelles et
calamités politiques. Ce que nous
avions pris pour la sublimation d’un
vœu d’homme est devenu misères au
quotidien. Misères du quotidien. De
séismes en cyclones, de sécheresse en
inondations et en épidémies, nous voilà
seuls avec nous-mêmes, nus et désarmés devant l’histoire, condamnés à subir la vie parce qu’incapables de nous
créer un destin de nation. Un constat
d’échec dont malheureusement nous
n’avons pas appris à tirer les multiples
leçons. Peuple amnésique! Nation sans
mémoire autre que celle d’une guerre
de libération que nous nous sommes
évertués à ne pas mériter. Mourir ne
saurait être beau.
Sous les décombres des maisons le
12 janvier 2010, ballottés par des ouragans en séries, décimés par toutes sortes d’épidémies la même année, mourir
n’était pas beau. Mourir n’est plus
beau. Il fut même franchement laid car
il n’est plus une exhortation à l’héroïsme pour nous obliger à forger l’avenir. Il s’impose comme une fatalité du
présent qui nous met face à une évi-
du monde. L’aide internationale, celle
qui jongle avec la sécheresse ici et là au
bénéfice de famines à répétition, faute
de s’ingénier à réinventer l’irrigation,
celle qui force à la guerre pour expérimenter de terrifiants et meurtriers joujoux au profit de marchands hilares,
faute par eux de connaître et de mesurer à sa juste valeur le prix de la vie, est
moins un marché de
dupes qu’une vaste enDe séismes en inondations, nous voilà
treprise de spoliation
seuls avec nous-mêmes, nus et
peuples. Ceux qui
désarmés devant l’histoire, condamnés des
donnent autant que
à subir la vie parce qu’incapables
ceux qui reçoivent. Il
faudrait parler d’une
de nous créer un destin de nation.
mondialisation du vice
dence : être un peuple en sursis sous sinon du crime pour rendre l’exacte
perfusion de l’aide internationale.
étendue d’un fléau desservant des intéL’aide internationale ! Parlons en jus- rêts très particuliers. Ruinant du même
tement. Entre menterie des mots et hy- coup toute conscience que les peuples
pocrisie des nations et des institutions, devraient avoir de la notion d’entraide
ceux qui dans le monde font métier et de solidarité entre les hommes.
d’avoir bonne conscience en auront dé- Vous voici en ce lieu avec bien en tête
noncé les méfaits. De la corruption aux des intentions sinon la volonté d’aider.
intentions d’asservissement. Pratiques Un peuple à un autre ? Un Etat à un
érigées en système, elles finissent par autre? Non point! Des gens simples, des
sacraliser toutes les formes de perver- gens ordinaires qui ont appris, quelque
sion. Au bénéfice d’intérêts qui de plus part, que dans un ailleurs inclément
en plus cessent d’être occultés parce d’autres gens simples, d’autres gens orqu’ils arrivent à la limite ou ne font que dinaires eux aussi, fouettés par l’injusbafouer ostensiblement l’ordre moral tice du sort, sont en quête d’une solida-
rité agissante pour résoudre des
problèmes premiers. Solidarité agissante parce qu’elle devra aller au-delà
de la commisération, de la compassion,
de l’élan de générosité, de l’offrande,
du don pour s’inscrire dans la permanence d’un choix. Celui d’accompagner
des efforts et de créer des espérances.
D’un côté, un besoin de dépassement
de ses propres soucis, des réactions
émotionnelles à des détresses multiformes et récurrentes pour construire
une action dans la durée. Autant dire
une promesse à soi-même d’engagement à aller au-delà de ses simples tentations d’altruisme, à les ordonner pour
qu’ils cessent d’être pulsions afin de
cautionner des appels, même limites,
à partenariat.
De l’autre une volonté d’être, de sortir
de ce ghetto à la fois physique et psychologique qui enferme dans des certitudes de pauvreté, pour s’ouvrir aux
autres, être présent au monde par la récupération de soi (illusions et rêves
mêlés) par besoin de reconstruction de
soi au mitan même des malheurs pour
la reconquête d’un destin… Un destin
de grandeur parce qu’il interpellait
d’abord et par-dessus tout un idéal de
liberté qui magnifiait un besoin profond
de dignité.
26
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
REBONDS
France-Rwanda: une «mémoire empêchée»?
Par WILLIAM BOURDON Avocat
D
epuis plusieurs années, une vague
douloureuse a fait irruption dans le
débat national et international : la
concurrence des victimes et ses
conséquences, la rivalité mémorielle et les
exhortations de certains pays à la repentance. La «mémoire empêchée» – pour reprendre une belle expression de Paul
Ricœur – provoque son corollaire : la manipulation de la mémoire et son utilisation politique à des fins intérieures. Pensons à tout
ce que les logiques de déni, ou d’idéalisation
de notre récit national, ont apporté comme
dénaturation de notre histoire et comme instrumentalisations politiques. Les relations
franco-rwandaises comme les relations franco-algériennes sont remplies de fantômes.
C’est ce refus forcené de la France d’admettre
une forme de responsabilité fût-elle morale
dans le génocide au Rwanda qui a conduit
aux excès de la commission mise en place par
Paul Kagame fustigeant de façon excessive
les complicités françaises. De même que le
refus d’ouvrir en France un grand débat,
après la loi d’amnistie de 1966 sur la responsabilité française dans l’utilisation massive
de la torture en Algérie et l’idéalisation de la
colonisation permit au pouvoir algérien tant
de cyniques manipulations. Les excès des uns
nourrissent les outrances des autres dans un
cercle vicieux infernal. Les conséquences en
sont innombrables : l’historien se dispute
parfois avec le juge à qui l’on demande trop
et les passions s’exacerbent. Edouard Balladur, qui qualifiait l’opération Turquoise d’entreprise «coloniale», apparaît, par un clin
d’œil ironique et étrange de l’histoire,
comme un homme de mesure et de sagesse,
c’est dire… Or, la France a plus de responsabilités et donc de devoirs –c’est ce qu’elle revendique – que les autres pays d’Europe à
l’égard de l’Afrique.
On devrait publiquement aller jusqu’au bout
de la réflexion pour comprendre ce qui a
conduit la France à s’aveugler sur le régime
hutu au pouvoir à Kigali et ce qui était à l’origine d’une coopération militaire soutenue
jusqu’à la dernière minute, alors que les actes
préparatoires du génocide étaient de plus en
plus voyants – plus personne ne le conteste
sérieusement – dans les années 1993-1994.
On sait que le complexe de Fachoda – soit
l’obsession de voir la perfide Albion bouter
la France hors d’Afrique – imprime encore
la carte ADN de certains de nos militaires.
Les exaspérations à Kigali depuis tant d’années ne sont pas fondées sur rien, bien au
contraire. On sait par de nombreux témoignages recueillis par la commission d’enquête mise en place par différentes ONG
françaises (outre ceux du journaliste insoupçonnable Patrick de Saint-Exupéry, des historiens, les travaux de Human Rights
Watch, etc.) que certains officiers – en petit
nombre certes–ont manqué à tous leurs devoirs et, de fait, ont précipité certaines victimes tutsies entre les mains de leurs bourreaux et en tout cas a minima ne leur ont pas
portés secours. On sait que des livraisons
d’armes se sont poursuivies en plein génocide et qu’un soutien financier se perpétuait
sur lequel personne n’ose encore aujourd’hui
s’expliquer sérieusement. On sait que l’ins-
truction ouverte depuis maintenant cinq ans
au tribunal aux Armées à Paris sur la plainte
que nous avons déposée pour complicité de
génocide visant des faits limités et incontestables est totalement asthénique. Certains
hauts gradés et politiques français se sont efforcés d’utiliser les outrances de Kagame
pour disqualifier cette plainte comme si elle
était –lecture de mauvaise foi– une mise en
cause de toute l’armée française. Des politiques nous serinent que cette mise en cause
disqualifierait toute action visant à porter secours à des populations en danger demain en
Afrique. Monsieur Paul Quilès, dans son article publié dans Libération le 30 septembre,
n’a pas tort de dire que la commission d’enquête qu’il a présidée était une première,
puisque touchant au domaine réservé du président de la République. Avant de tourner une
page, dit un proverbe cambodgien, encore
faut-il la relire complètement, condition sine
qua non, pour qu’elle ne se réécrive pas. Or,
il n’y a pas eu de véritable interaction ou de
dynamique entre les témoins entendus et les
rapporteurs. Le huis clos était trop systématiquement ordonné dans certaines auditions
et les documents clés continuent à être couverts par le secret-défense. Reste ainsi un
parfum d’inachevé et d’ambiguïté qui a
nourri les manipulations rwandaises. On le
voit, au-delà de ces épisodes, il y a une difficulté ontologique en France à explorer les pages sombres de notre histoire.
On oublie trop souvent que c’est grâce au travail inlassable et courageux de Serge Klarsfeld
que le mythe d’une résistance massive et
spontanée des Français pendant l’Occupation
est tombé. On oublie également que c’est
grâce au travail courageux d’intellectuels, tels
que Pierre Vidal-Naquet ou Benjamin Stora,
qu’ont continué à être explorées les dérives
atroces de notre armée dans les villes algériennes jusqu’en 1962. L’adhésion de beaucoup de Français à ce récit national idéalisé
n’est pas sans lien avec la crise d’identité que
connaît notre pays. Elle n’est pas sans lien
non plus avec la nostalgie d’un empire perdu.
L’obsession de maintenir envers et contre tout
une place centrale de la France en Afrique a
été ruinée aussi par les dégâts de l’action de
la Françafrique qui, au lieu de servir la France,
en ont gravement disqualifié l’image.
Paul Kagame, astucieusement, n’a pas de-
au pire. Il eût fallu aussi s’expliquer sur les
raisons de la complaisance de la France qui
pendant des années a accueilli, quand elle ne
les a pas exfiltrés, parfois en connaissance de
cause, des suspects de génocide qui n’ont été
arrêtés que par l’action inlassable de certaines ONG et d’avocats.
L’image de la France auprès du tribunal pour
le Rwanda, mais aussi de l’ex-Yougoslavie
par ricochet, en a pâti. Hubert Védrine, dans
un article du 15 juin 2004 publié dans la
Lettre numéro 8, Institut François-Mitterrand,
s’interrogeait : «Quant aux sommations
d’avoir à demander pardon, brandies par beaucoup d’inquisiteurs autodésignés, on s’interroge. Qui devrait demander
pardon? A qui? De quoi? Dans
Pensons à tout ce que les logiques de déni,
l’espoir de résoudre quel proou d’idéalisation de notre récit national,
blème ? Laissons-là ce méliont amené comme instrumentalisations
mélo.»
politiques. Les relations franco-rwandaises La contrepartie politique de
l’imprescriptibilité des crimes
sont remplies de fantômes.
contre l’humanité est nécesmandé des excuses à la France. Il n’est pas sairement le refus de l’oubli sur tout ce qui
exempt de critique. Loin s’en faut. Notre ca- a accompagné la commission des crimes
pacité à l’oubli sur la responsabilité morale contre l’humanité. Le gouvernement belge,
de la France a pour corollaires la thèse aber- Bill Clinton, Kofi Annan ont su trouver des
rante du double génocide d’un côté et, de mots, chacun avec ses nuances, pour dire
l’autre, la manipulation du génocide par leurs regrets d’une action coupable des régiKagame pour diriger le Rwanda d’une main ments belges de la communauté internade fer. Raison de plus pour considérer qu’il tionale qui a précipité dans la mort
eût fallu trouver des mots justes, modérés 800000 personnes. Si «l’Holocauste n’a pas
bien sûr, pour dire que la France regrettait commencé dans les chambres à gaz mais par
ses aveuglements, sa myopie, son empathie des mots», il ne fait aucun doute que les
excessive pour le régime hutu, alors que les plaies de ce génocide ne pourront se refermer
sillons du génocide commençaient à se creu- qu’après une reconnaissance par tous les
ser, mais aussi qu’elle regrettait que son em- auteurs de leurs actes. Les mots de la France
pathie ait conduit quelques officiers ici ou là se font toujours attendre.
Aucun pays ne s’est mobilisé autant
Par BERNARD VALERO Porte­parole
du ministère des Affaires étrangères et
européennes
J
e réagis à l’article de Dominique Franche que vous avez publié le 30 septembre sur l’honneur de la France au
Rwanda et je veux dire mon indignation. Cet article à charge cherche en quelques
lignes à démonter le travail considérable
d’enquête conduit par la mission Quilès
de 1998, et dont le rapport compte plusieurs
milliers de pages et les auditions de tous les
responsables et autorités concernés. Aucun
rapport, ni aucune étude n’ont depuis lors
interrogé et entendu autant de témoins. La
mission d’enquête a conclu sans ambiguïté
à l’absence de responsabilités de la France
dans le génocide.
Bien sûr, on peut toujours dire que notre pays
aurait pu faire mieux, mais ce serait aussi
intéressant d’avoir l’honnêteté de rappeler
certains faits.
Que c’est la France, la première, qui a décidé
un embargo sur les armes, le 8 mai 1994. Que
c’est aussi la France par la voix de son ministre des Affaires étrangères de l’époque, Alain
Juppé, le 15 mai 1994, qui a parlé la première
de «génocide». Que c’est encore et enfin la
France qui est le seul Etat au monde à avoir
risqué la vie de ses soldats pour sauver des
Rwandais et pour mener la seule opération
humanitaire d’ampleur au Rwanda. Le gouvernement français a obtenu le feu vert du
Conseil de sécurité par la résolution
numéro 929 en date du 22 juin 1994.
L’opération Turquoise s’est exactement
déroulée dans les conditions fixées par la résolution des Nations unies. Elle a permis de
sauver des centaines de milliers de vies. Turquoise a également protégé des dizaines de
qu’aucun autre pays ne s’était mobilisé
comme nous l’avions fait à l’époque.
Devant la carence de la communauté internationale et les obstacles mis par certaines
grandes puissances aux demandes du secrétaire général de l’ONU, la France a été la seule
à avoir un sursaut de courage.
Qu’a fait le reste de la communauté internationale? Avant de mettre en cause la France
et ses responsables publics, civils et militaires, il serait bon que l’on s’interroge sur
l’attitude de ceux qui n’ont rien dit, qui
Avant de mettre en cause la France, n’ont rien fait, qui n’ont rien tenté.
n’en parlez-vous jamais et
il serait bon de s’interroger sur ceux Pourquoi
pourquoi ne posez-vous pas aussi ces
qui n’ont rien fait. Pourquoi ne
questions ?
posez-vous pas aussi ces questions? Non content de ressortir des accusations sans fondement, l’article pousse
sites de regroupement de civils tutsis et per- l’outrance à avancer des hypothèses totalemis aux ONG d’accéder en toute sécurité à ment absurdes (la France qui aurait décidé de
ces populations. Son mandat n’était en tirer sur l’avion du Président). Trop c’est
aucune manière de faire la guerre, mais de trop.
mener une opération humanitaire, nettement Finalement, la personne qui a le mieux rédéfinie dans le temps et dans l’espace. Elle pondu à la question que posait Libération à sa
l’a remplie dans des conditions qui font hon- une du 12 septembre («Génocide rwandais:
neur à l’armée française et à notre pays, jus- la France s’excusera-t-elle?»), c’est le présiqu’à ce qu’enfin arrivent sur place les Cas- dent Kagame lui-même lorsqu’il a dit, sur le
ques bleus de la Minuar II, fin août 1994.
perron de l’Elysée, officiellement et comme
Il faudrait quand même avoir l’honnêteté de pour clore ce débat inutilement prolongé :
rappeler tout cela et de souligner aussi «Je n’attends pas d’excuses de la France.»
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
REBONDS
27
L'ŒIL DE WILLEM
Café ou
chocolat:
la bataille
Par DANIEL
SCHNEIDERMANN
•
du dessert
Arrivés à la pâtisserie, le débat s’était festement inamical. Des chocolistes fidécanté après plusieurs semaines d’ef- rent une razzia sur les tartes à la crème.
fervescence. Ne restaient plus en lice On s’échauffait. L’entartage général
que les partisans du gâteau au café ou menaçait-il? Le groupe comptait queldu gâteau au chocolat. Tous les autres ques transfuges, passés dans les der(fans du baba, gourmands de fraisiers, nières années du chocolat au café, ou
dingues de la charlotte, ascètes du inversement. On les montra du doigt.
sablé) s’étaient ralliés.
On ressortit des citations. «L’an derCe serait donc café ou chocolat. Mais nier, que mangiez-vous?» ricana un fiComment
choisir
?
dèle du café à l’adresse d’un converti
HORS:Mise justement.
en page 1 14/10/11
14:06
Page1
Café et chocolat avaient chacun ses au chocolat.
partisans, qui n’en démordaient pas. A Quand les sondages internes indides sourires furtifs, à un tutoiement quèrent que le chocolat prenait l’avanmalgré tout fraternel, on sentait que les tage, les deux camps, portés à ébuldeux camps se respectaient –et même lition, en tirèrent argument. Pour les
se ménageaient. On était entre gens qui chocolistes, c’était entendu, il fallait
sont d’accord sur l’essentiel. Il eût été désormais creuser l’écart, viser le
trop bête que les choses dégénèrent. consensus le plus large qui souderait la
Mais tout de même, la question devait famille. Les caféistes rétorquèrent
être traitée comme elle le méritait. qu’ils ne se laisseraient jamais déposChocolat ou café, le débat s’installa. séder de leur choix par les sondages. Si
C’était une question de principe. Ça re- l’on avait enfin arraché aux grands anmontait loin. Aux siècles passés sans ciens, aux barons, aux duègnes, à
doute, peut-être même aux traites l’élite, qui l’exerçaient naguère dans
négrières, même si perune totale opacité, le droit
sonne n’abordait frontaMÉDIATIQUES de choisir le dessert, ce
lement le sujet. Des conn’était pas pour se laisser
tentieux immémoriaux opposaient les imposer ses goûts! Et par qui donc? Par
uns aux autres, manifestement indé- des sondages manipulés par des puischiffrables aux étrangers, à la famille. sances occultes, par la grande indusOn s’échauffait, sous le regard des trie, ou par la mondialisation néolibéautres clients, perplexes.
rale ! En outre, ces sondages étaient
La petite bande s’empara du trottoir. éloquents : ils démontraient parfaiChacun prenait la parole à tour de rôle. tement que le système, par réflexe
Des arbitres s’instaurèrent : il fallait d’autoprotection conservateur, se mébaliser, fixer des règles à la discussion, fiait de la puissance subversive du café.
qui ne favorisent pas l’un ou l’autre. C’était bien la preuve que leur goût
«Le chocolat, c’est trop sucré», lança un était politiquement incorrect, trop
amateur de café. Révolté, documents dérangeant pour le consensus mou. Du
à l’appui, le clan chocolat démontra reste, ces sondages n’avaient-ils pas
que le dosage de sucre était exactement toujours été démentis, dans le passé ?
identique dans les deux préparations. Le café, c’était l’antisystème. C’était
Et puis, il fallait avant tout plaire au l’avenir.
plus grand nombre, séduire toute la fa- Au-dessus de la mêlée, flottaient pourmille, et au-delà. Avec le chocolat, on tant, étrangement, des effluves réconne courait aucun risque. Le chocolat, fortants. Si la joute se prolongeait, chac’était le consensus. Le chocolat ratis- cun sentait néanmoins que l’essentiel
sait large. Pas du tout, rétorquaient les n’était pas en cause. L’essentiel, c’était
amateurs du café. Les temps avaient que ce débat puisse enfin avoir lieu,
changé. L’époque n’était plus au con- donnant une magnifique leçon
sensus mou, mais à la remise en ques- citoyenne au quartier, à la cité entière.
tion des certitudes les mieux ancrées, Tous communiaient dans la satisfaction
aux tentatives hardies, aux solutions grisante de pouvoir enfin exercer, sur
nouvelles. On était acculé à l’innova- un enjeu essentiel, leurs droits démotion. Le système habituel ayant fait la cratiques inaliénables. Jamais plus on
preuve de son inefficacité, il fallait se ne reviendrait en arrière.
lancer, ne rien craindre. L’arrière-goût
corsé du café pouvait avoir un effet
hautement mobilisateur. Corsé? RepriSUR LIBÉRATION.FR
rent en chœur les chocolistes, dédaigneux. Amer, tout au plus. Amer ? On
avait dit amer ? Cette fois, les bornes
Retrouvez nos chroniques sur:
étaient dépassées. Un caféiste se munit
http://www.liberation.fr/
d’une provision de choux à la crème,
chroniques
dans un dessein peu clair, mais mani-
•
invitation
Libération vous invite à découvrir le film Hors Satan,
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28
•
VOUS
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
L’enfance de l’art du
LONG NEZ A quel âge commence-t-on
à baratiner? Les chercheurs Olivier
Mascaro et Olivier Morin remontent
le fil des bobards infantiles.
Recueilli par EMMANUÈLE PEYRET
Dessin SÉVERIN MILLET
O
n aurait pu faire le journal
d’un menteur, qui commence dès l’aube: «Tu as très
bonne mine ce matin, ma
chérie», un lendemain de cuite phénoménale. «Ça va aller, ton contrôle de
maths», à l’élève de cinquième manifestement plus doué en PSP qu’en
algèbre. En arrivant au bureau, on brodera sur le magnifique week-end qu’on
vient de passer, en fait deux jours
sinistres dans la baraque rurale de copains, tout en fleurissant de compliments son chef de service. Continuer
l’après-midi à baratiner les collègues
avec le vieux coup du pull sur la chaise,
style «je suis dans la maison» (en fait,
au bistrot). Et se finir sur le mensonge
à soi-même («Demain, c’est gym,
aujourd’hui je suis trop charrette»).
Le mensonge (les mensonges, en fait,
tant les formes sont nombreuses), s’il
est essentiellement intention de
tromper, c’est-à-dire de dissimuler sa
pensée, est partie intégrante de nos
vies. La preuve, l’excellente revue
sociologique Terrains consacre son dernier numéro au «mentir». Entre deux
articles érudits de confrères sur «Pourquoi est-il si grave de mentir ?» ou
«L’Etat ment-il ?», deux chercheurs,
Olivier Mascaro et Olivier Morin, postdoctorants en psychologie et philosophie à l’université d’Europe centrale, à
Budapest (Hongrie), se sont penchés
sur la naissance du mensonge chez
l’humain. Eh bien, ça commence tôt.
Quand situez-vous la naissance de
l’«homo fabulator»?
Il y a un éveil du mensonge autour de
4 ans. Plus tôt, les enfants peuvent faire
croire des choses fausses à leur entourage tout en étant assez maladroits pour
se dénoncer. Un enfant, par exemple,
casse une lampe, sa mère n’a rien vu. Il
va la prévenir immédiatement: «Je n’ai
pas cassé la lampe.»
A cet âge-là, les histoires de tromperies
comme le Petit Chaperon rouge (où le
loup se travestit) ne sont pas comprises.
Pas plus que certains jeux. Notre article
raconte l’histoire du petit Théo, qui joue
à cache-cache. Son camarade lui
demande : «Où es-tu ?» Et Théo de
répondre: «Dans le garde-manger!» Ce
sont des menteurs d’occasion: l’intérêt
qu’ils auraient à tromper leur monde
leur échappe le plus souvent, là où il
semble évident à de plus âgés. A 4 ans,
leur pratique occasionnelle du mensonge fait place à un art de tromper bien
plus maîtrisé.
Dans quels cas l’enfant ment-il?
Rousseau pensait que les adultes forcent
les enfants à mentir en posant des interdits impossibles à respecter. Ce n’est
sans doute pas la seule source du mensonge, mais c’est dans des situations
comme celles-là qu’on observe les
mensonges les plus précoces : on les
met au pied du mur et ils nient leur
faute pour éviter d’être punis. Le plus
souvent, l’enfant choisit l’honnêteté, et
il faut des circonstances inhabituelles
pour l’en sortir.
Quelle est la première forme de mensonge?
Le mensonge de politesse. Les tout-petits sont des communicants remarquables, et ils se familiarisent vite avec les
règles du savoir-vivre, qui ont des frontières très poreuses avec le mensonge.
«Tu trouves que maman est jolie,
aujourd’hui ?» Maman a beau être en
vieux pyjama, le petit dira : «Oh oui,
maman, tu es très jolie !» Les enfants
manifestent plus d’émotions positives,
de joie, devant un cadeau quand
l’auteur du cadeau est là que quand il
est absent: «Super, un pull vert», etc.
A quel moment les petits peuvent-ils se
représenter le mensonge chez autrui?
Les très jeunes enfants ont les capacités
qu’il faut pour comprendre ce qu’est un
mensonge: ils savent ce qu’est une information fausse, et ce que c’est que la
malveillance (et ils s’attendent à la rencontrer chez certains personnages imaginaires ou réels plus souvent que chez
d’autres). Tout le problème est de passer
de la théorie à la pratique. Le plus souvent, les enfants de 3 ans et moins sont
trop confiants pour utiliser le mensonge
dans leur vie.
Alors, le mensonge est une composante
indissociable de la vie sociale? Partant,
nous sommes dans un monde de menteurs?
Oui, et ça ne se limite pas aux humains.
Si une grenouille rouge vif à la peau
toxique fait fuir les prédateurs grâce à
sa couleur, d’autres espèces de grenouille, non toxiques, revêtiront la
même couleur rouge pour tromper
l’ennemi. Et elles continueront tant que
les prédateurs se fieront à ce signal.
En somme, le mensonge est partie
intégrante de tout système de communication. •
Par vice, stratégie ou provocation…
Revue de détail des différentes raisons de mentir.
«On ira voir Johnny H.
au théâtre, c’est promis»
O
n ment par amour, par politesse,
parfois pour rien, parfois pour
raison d’Etat. Parce que, évidemment, mentir ne consiste pas seulement à dire ce qu’on sait être faux.
Petite typologie des mensonges. Non
exhaustive.
Pour faire plaisir
En tête, le mensonge de politesse, qui
apparaît donc très tôt (lire ci-contre). Il
s’agit de dire le faux pour ne pas embarrasser quelqu’un, pour sauver les apparences. Ce mensonge est distinct de la
tromperie. Typique: «Oui, Johnny H. est
un vrai rockeur», alors qu’on n’en pense
pas un traître mot. Encore qu’en la matière, les gens se donnent peu souvent
la peine de ce mensonge-là.
Pour faire son malin
Parfois, en inventant un détail dans une
histoire ou un événement banal, on
ment pour rien, comme ça. Genre: «J’ai
croisé Johnny H.» Est-ce une forme de
tromperie? Oui, car on exploite l’attention et la crédulité de notre interlocuteur d’une façon qui peut lui nuire (par
exemple, s’il est pris à répéter notre
mensonge). Ça permet de se rendre un
peu plus intéressant qu’on ne l’est. Vu
qu’on n’a jamais croisé Johnny H. (enfin si, mais il y a vingt-cinq ans, dans
une boîte de Saint-Tropez).
Par vice
On peut le définir de deux façons : par
l’intention de tromper, ou bien par
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
VOUS
AU BOULOT
•
29
CARNET
Par DIDIER ARNAUD
naissanCe
mensonge
l’inexactitude de ce qui est dit. On s’est
beaucoup battu dans l’histoire de la
philosophie pour savoir s’il était juste
de tromper autrui en lui disant quelque
chose de littéralement vrai. Exemple :
«Johnny H. est un acteur formidablement
immense.» Vrai ou faux ?
Par omission
Il consiste à diffuser ce qui, parmi le
réel ou le probable, convient aux fins
poursuivies, tout en omettant ce qui
nuit à ces fins. Certains mensonges par
omission passent pour pardonnables,
et sont même recommandés. «Je sais un
truc sur Johnny H. que je ne dirai jamais.»
Pour se défendre
On ment pour échapper à une sanction
ou à un péril immédiat. «Non, je n’ai pas
tiré le dernier Johnny H. à la Fnac, il a
sauté dans mon sac, tu vois.» Mensonge
très précoce, rarement prémédité, souvent contraint par les circonstances.
Pour tenir sur la durée un mensonge de
défense, on doit souvent s’enferrer dans
des mensonges plus créatifs et plus
complexes.
Pour se faire pardonner
Faute avouée, pas toujours à moitié pardonnée, au contraire. «C’est moi qui ai
pris le puzzle collector Johnny H. pour le
revendre sur le Boncoin.fr.» Ça, ça ne
passera jamais.
Par stratégie
C’est la manipulation préméditée et active des croyances d’autrui pour l’exploiter ou lui nuire. Prendre l’initiative
d’une promesse qu’on sait pertinemment fausse, par exemple: «On ira voir
Johnny H. au théâtre, c’est promis», dans
le cas pas grave ; l’affaire des fausses
armes de destruction massive de
Saddam Hussein dans un cas plus dramatique. Même si le mensonge manipulateur reste le plus célèbre, il est relativement rare.
Par provocation
Très courant en politique, il ne trompe
personne. Il consiste à prendre les gens
pour des imbéciles en leur racontant ce
que tout le monde sait être faux. Exemple : «Johnny H. est un niais analphabète.» Tout le monde sait que c’est faux,
ça n’empêche. On en veut souvent davantage aux menteurs effrontés qu’aux
manipulateurs. On peut considérer que
Berlusconi, au hasard, ment effrontément à une bonne partie de l’opinion
italienne. Il n’est sans doute pas le seul.
E.P.
Sous la haute protection
du sain siège
ls ont toutes les tailles,
toutes les formes, fonctionnent avec des roulettes. Il ne fallait pas s’asseoir sur cet important sujet.
Nous voilà donc au stand
«mobilier de bureau» au milieu d’un salon professionnel
de la région lyonnaise. Facile
à repérer, ce stand : un
énorme fauteuil –deux mètres dix de hauteur, un mètre
de large– trône, surélevé sur
un podium. Un client passe.
Il demande: «Est-ce que vous
faites des sièges pour des gens
qui ont du mal à se lever?» Le
vendeur répond, présente un
modèle avec frein électrique
et vérin, spécial pour ceux
qui pèsent plus de 200 kilogrammes. Coût: 2000 euros.
I
En France, c’est le vendeur
du stand qui le dit, les améliorations qualitatives sur les
sièges concernent uniquement les personnes en situation de handicap. Pas de
préventif, donc. Le marché
français est coincé entre
l’italien et l’espagnol. «On
est sur un marché bas de
gamme», regrette notre spécialiste. Pour les innovations,
il faut se tourner du côté des
pays scandinaves. Là-bas, ils
portent davantage d’intérêt
aux conditions de travail
quotidiennes, et réfléchissent à les améliorer. «On a
habitué le marché français à
acheter de la merde», lâche
sans concession notre vendeur. Seule amélioration, au
fil des ans, le diamètre des
roues s’est considérablement
agrandi pour faciliter le déplacement des sièges. Ce qui
est recherché par tous (cons-
tructeurs, spécialistes d’ergonomie), c’est la mobilité.
A côté des sièges, voilà les
bureaux réglables en hauteur, de façon à habituer les
cadres à travailler alternativement debout ou assis. Tout
le temps en mouvement.
«Quand quelqu’un est debout,
il capte davantage l’attention», sourit notre vendeur.
Cette visite nous avait laissés
sur notre faim, alors nous
avons googlisé «mobilier»,
découvrant la subtile distinction entre les «fauteuils
de bureau» et ceux «de la direction». Au-dessus, car il
existe un au-dessus, voilà les
fauteuils «Présidents». Sur
un des sites, il a fallu se rendre à l’évidence: «Parce que
votre fonction nécessite que
vous ayez les meilleurs des
fauteuils de direction, nous
disposons d’une gamme de
modèles en cuir de qualité…»
Plus loin : «Profitez-en pour
commander les fauteuils “Présidents” indispensables pour
vos assemblées générales! Alliant confort inégalable et originalité, ils apportent une touche d’originalité dans votre
bureau par leurs lignes modernes ou rétro.» Un autre site
détaille ainsi les bureaux de
directeurs. Avec «mécanisme
basculant blocable au niveau
des genoux, réglage de la hauteur d’assise par vérin de sécurité à gaz, soutien lombaire
individualisé […], la personne
qui y prend place a également
aussitôt belle allure.» Ceux-là
valent plus de 1 400 euros.
Apparemment, les améliorations ne concernent pas que
les handicapés. •
Jean qui rit, grogne ou pleure,
Petit, Grand ou Jean Jean,
Jeannot, Pepito ou kikirocker...
Jean, tout simplement,
est né le 2 septembre 2011
Il sourit à la fée Zélie, née en
Bretagne le 13 octobre 2011 !
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des Victoires
Samedi 15/10 à 11h,
mardi 18/10 à 12h30
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L’HISTOIRE
SUCE, C’EST
UNE FEUILLE
DE CANNABIS
Est­ce que ça vaut le coup de
s’énerver autant? Aux Etats­
Unis, des associations de
parents voient rouge: ils ont
découvert dans des rayons
de supermarchés des confiseries en forme de feuilles
de cannabis. Pas de THC (la substance psychoactive
du cannabis) là­dedans, ni même un vague goût d’orties
séchées: les bonbecs en question sont parfumés à la
pomme. N’empêche, des parents anticipent une escalade
vers la drogue. Bien sûr, on peut discuter du choix
marketing du fabricant des sachets Pothead Ring Pots et
Pothead Lollipops, estampillés «Legalize», et parier que
des ados se sont laissés tenter par le côté provoc­gag de
ces bonbons­là. Mais c’est un peu comme les cigarettes
en chocolat. On les retire du marché? PHOTO DR
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CULTURE
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
BLIND TEST La chanteuse Camille a réécouté dans le noir les quinze titres
de son nouvel album, «ilo veyou», et les commente pour «Libération».
«C’est un pet,
je répète, c’est un pet»
Par GRÉGOIRE BISEAU
S
ix ans après le Fil, qui l’avait révélée
au grand public, et trois ans après
Music Hole, qui en avait laissé plus
d’un sur le bord de la route, Camille
était attendue au tournant, avec son quatrième opus. Son titre, ilo veyou (déplacez
les syllabes et vous retomberez sur I Love
You), laissait présager le pire. Celui d’un
maniérisme un peu content de lui. Heureusement, il n’en est rien. Et c’est même
tout l’inverse. Camille a réussi la prouesse
de trousser un album d’une ambition
presque écrasante pour la concurrence et
d’une simplicité tout enfantine (lire page
suivante). Enceinte de son premier enfant,
Camille a enregistré ses quinze nouvelles
chansons aux quatre coins de la France,
dans des salles de danse, une abbaye du
Cher, une chapelle, des églises… A 33 ans,
elle est devenue une très grande dame de
la chanson française. A la fois horriblement talentueuse et toujours aussi joliment givrée.
On la rencontre dans les locaux de sa maison de disques. Mais en lieu et place de la
traditionnelle interview, on lui propose
d’écouter ses quinze nouvelles chansons
dans le désordre. Et de parler dès que cela
lui chante, et surtout comme ça vient. Elle
se plie de bonne grâce, se love dans un
fauteuil et recouvre son nez d’un mouchoir imbibé d’essences essentielles
d’eucalyptus (elle a la gorge qui pique). Il
est 10 heures du soir. Tout est silencieux.
Les lumières du bâtiment se coupent d’un
seul coup. Nous sommes plongés dans le
noir. Seul le faisceau d’une lampe de poche nous permet de lire le lecteur CD. A
travers la verrière du plafond se reflète une
lune et passent quelques avions de lignes
pressés de rentrer à la maison.
Mars Is No Fun. «Là, j’entends d’abord
la respiration que je prends au début de la
chanson. Cela fait pour moi partie intégrante de l’identité de l’enregistrement.
Je ne la fais pas à chaque fois. Mais là, c’est
resté.»
Message. «Je vais vous poser une question. Vous devez trouver le truc très particulier qui se passe à la fin de cette chanson. C’est la première fois que cela
m’arrive. Je pense même que c’est historique pour la pop music. En tout cas, pour
moi, c’est un moment charnière. Mais je il y a dix ans, ça partait vraiment dans tous
ne vous dirai pas ce que c’est. Vous avez les sens. Sinon, je revois là aussi le motrois jours pour trouver [l’entretien s’est ment de l’enregistrement. On entend une
déroulé jeudi soir, ndlr]. On va lancer un petite voix quelque part. Une toute petite
grand jeu concours dans Libé pour que les voix. Enfin, moi, je l’entends. Mais je ne
gens trouvent ce qui se passe à la fin de sais pas si vous pouvez l’entendre. On n’a
cette chanson. Et puis vous donnerez la jamais su ce que c’était. C’était à la charéponse en bas de la page (1).»
pelle de l’Hermitière, un très joli village en
Wet Boy. (La chanson s’écoule en entier. Basse-Normandie. Il y a une chapelle, un
On l’entend pleurer. Long silence.) «Pour château et une mairie. Et juste à côté, une
moi c’est l’émotion qui… J’écoute ça et je maison où, sur les murs, était écrit :
ne comprends pas pourquoi on me pose «Maire gros trou du cul». Un mec, un peu
autant de questions sur la musique. Voilà.» anar, a transformé sa propre maison en
Le Berger. «Là, je revois le lieu où j’ai mur à graffitis. Et il passe l’année à insulenregistré. C’est dans une salle de danse ter le maire sur son portail. C’était ça,
à Paris, un sous-sol. Un endroit très l’animation du village.»
personnel que je n’ai pas
forcement envie de révé- «J’entends le souffle de la bande car
ler. Je réentends les bruits
la chanson a été mixée sur une bande
du lieu. On m’a beaucoup
dit qu’il fallait les suppri- analogique. La voix me fait marrer.
mer, mais j’ai tenu à les Certains m’ont dit que j’avais pris
garder. Sur ce disque, je la voix d’Edith Piaf sur cette chanson,
ne fais pas un travail sur
mais pas du tout.»
les ambiances sonores
pour comprendre où l’on Camille écoutant son titre la France
est. Par contre, s’il y a des
choses qui arrivent pendant l’enregistre- Pleasure. «C’est la même église. Je l’ai
ment, cela ne me dérange pas de les chanté comme ça en une fois, toute seule.
garder. Ici, on entend des bruits de pas Et ça a atterri sur le disque. (Silence.) Je
au-dessus de nous. Sur nos têtes. Mais je l’aime bien.»
ne sais pas qui marchait. Et on ne le saura Aujourd’hui. «En une demi-seconde, je
jamais.»
la reconnais. Au début, ce ne sont que des
My Man Is Married But Not to Me. «Je sons. Pour moi, la prise de son, c’est un
trouve que l’arrangement des cordes qu’a véritable instrument de musique. Ici, c’est
réalisé Clément Ducol sur cette chanson presque un son de reportage radio, un peu
est vraiment génial. Ça a fini par détermi- saturé. C’est une chanson à l’arrache,
ner toute la couleur du disque. (Silence.) chantée en marchant. Même si je me souJ’aime bien cette chanson.»
viens du moment où je l’ai écrite et d’où
Tout dit. «Il existe une autre version de ça vient, par pudeur je ne vais pas en parcette chanson où l’on entend mieux le lieu ler spontanément. La chose que je montre,
de l’enregistrement. Cette version-là, je que je donne, c’est la chanson, ce n’est pas
la trouve un peu trop compressée. Je crois là d’où elle vient. Souvent, dans les interque je préfère le mix qui n’a pas été retenu. views, on vous demande d’expliquer cette
Il donnait une image plus réelle de ce que genèse, d’expliquer l’inexplicable. J’en arj’avais pu ressentir à ce moment-là. On rive à raconter des histoires de chansons
entendait vraiment les oiseaux et la réso- dont je ne suis pas sûre qu’elles corresnance de l’abbaye de Noirlac.»
pondent à une quelconque réalité. Et au
Le Banquet. «Je trouve le tempo de la bout d’un moment, j’y crois moi-même.
chanson un peu lent. Je la chante Vous allez me dire que pour cette interaujourd’hui un peu plus vite. Je devais être view, il n’y a pas assez de tripes, c’est ça?
tranquille, posée à l’époque. Là, en ce mo- (Elle rigole.) Vous n’avez qu’à dire que j’ai
ment, je suis fatiguée. Mais cet état de fa- pleuré. J’ai pleuré, mais vous n’avez pas pu
tigue me donne une certaine acuité. m’entendre pleurer.»
Quand je me rappelle comment j’étais Allez Allez Allez. «Cette chanson a été
la plus difficile, en termes de production,
pour trouver exactement ce que je voulais.
Enfin, “ce que je voulais”, c’est pas la
bonne expression, car je ne sais jamais à
l’avance ce que je veux. Disons, quelque
chose qui me satisfasse.»
Bubble Lady. «Aujourd’hui, je la chante
un peu plus timbrée, plus jazz. Evidemment, il y a un petit clin d’œil à Bobby
McFerrin. J’ai eu l’occasion de le croiser
à deux reprises. Et je l’ai beaucoup regardé
travailler. Ferrin est un musicien totalement dédié à la musique. Surtout, il en a
fait un chemin spirituel. C’est très touchant. En ce moment, il est dans une
phase de sa vie où il veut transmettre son
art du chant et de la musique. C’est courageux, car je pense que la transmission,
c’est la chose la plus difficile.»
Ilo Veyou. « A l’origine, j’avais pensé à un
petit format de comptine de cour d’école.
Mais sur un rythme de transe, qui par définition peut durer très très longtemps.
D’où le côté révolutionnaire de la chanson.
Si bien qu’on en parlera peut-être dans
cent cinquante ans (elle rigole). Peut-être
qu’on est passé pas très loin d’un tube de
r’n’b mondial.»
La France. «J’adore le son. Un bon son de
cordes, de pièce, un peu vieillot. J’entends
le souffle de la bande car la chanson a été
mixée sur une bande analogique. La voix
me fait marrer. Certains m’ont dit que
j’avais pris la voix d’Edith Piaf sur cette
chanson, mais pas du tout. (Elle se met
chanter avec la voix de Piaf.) L’idée, c’était
une voix des années 40, l’Appel du
18 juin… un peu la France (elle le chante
comme sur la chanson).»
(Juste avant que l’attaché de presse ne vienne
interrompre la séance, Camille, hilare, décide
de se cacher dans le coin de la pièce sous une
table. On est toujours dans le noir. L’entretien
est en train de nous échapper.)
L’Etourderie. «Ben ça, c’est le tube…»
She Was. (Après trois secondes d’écoute,
Camille se lève et, toujours hilare, coupe le
son.) «C’est très beau, merci. Mais celle-là, soit je l’écoute vraiment, soit je ne
l’écoute pas.» •
(1) En réécoutant l’enregistrement de
l’entretien , on découvre que Camille a
chuchoté une réponse presque inaudible
à son jeu concours. Elle susurre: «C’est un pet,
je répète, c’est un pet.»
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
CULTURE
•
33
Camille a enregistré
ses quinze nouvelles
chansons aux quatre
coins de la France.
PHOTO ARMELLE BOURET
Un quatrième opus
sensuel et cohérent,
en forme d’anthologie
de la chanson française.
Camille
touchée
par la grâce
CAMILLE
CD: ILO VEYOU (EMI/Virgin).
Sortie aujourd’hui. En tournée: le 24 octobre à
Bordeaux, le 26 à Nice, les 28 et 29 à Marseille…
Du 12 au 18 décembre au Café de la danse, 75011.
i vous faites partie de ceux qui se sentent ou se disent résolument hostiles
à Camille, et dont le quatrième opus,
Ilo Veyou, tombe malgré tout entre vos
mains, un seul conseil : sauter la plage 1.
Cette note explicative («Camille est une
jeune maman, Camille est heureuse et le
monde est beau») risque de vous agacer
pour rien. Et, surtout, de vous gâcher la
vraie porte d’entrée de l’album: la splendide chanson titrée l’Etourderie. Une petite
perle, d’une simplicité presque timide, qui
annonce la couleur des quinze chansons à
venir : chaude, fragile et sensuelle.
A parcourir ce Ilo Veyou dans tous les sens,
il n’est pas interdit d’être pris d’un début
de vertige. Comme si la chanteuse Camille
s’était mis en tête d’écrire son anthologie
de la chanson française, elle va passer tout
en revue : la comptine enfantine (le Message), la ballade médiévale (le Berger ou le
Banquet), un pastiche loufoque et désopilant de la chanson réaliste d’après-guerre
(La France). Ici ou là, il n’est pas interdit
d’entendre des échos de Maxime Le Forestier, Anne Sylvestre, Edith Piaf, Claude
Nougaro ou Brigitte Fontaine… Et, comme
si cela ne suffisait pas, Camille s’offre une
échappée du côté de la transe, qui manque
de se transformer en énorme tube de dance
(Ilo Veyou). Puis claque la bise à Bobby
McFerrin, dans un babil d’une affolante
maîtrise (Bubble Lady).
De ce millefeuille, on aurait pu craindre
l’indigestion, et surtout l’exercice virtuose
du chien savant. C’est tout le contraire. Il
se dégage de la brocante de formes une impressionnante cohérence. Grâce d’abord
aux arrangements de Clément Ducol, qui
donne aux instruments (notamment les
cordes) une profonde résonance acoustique finissant par infuser tous les titres de
l’album. Puis, il y a la voix de Camille. Evidemment impressionnante. Mais cette fois,
elle a choisi le chemin, non pas d’une virtuosité à tout prix, mais de la mise au service des mélodies de ses chansons. Comme
si ce Ilo Veyou avait été habité par une mystérieuse grâce. Illuminée et joyeuse.
S
G.Bs.
•
34
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
CULTURE
CINÉMA Une cour iranienne aurait confirmé la condamnation du cinéaste. Peut-être pour l’obliger à fuir.
Jafar Panahi, six ans en suspens
a mobilisation internationale en sa faveur
n’aura pas suffi : une
cour d’appel iranienne pourrait avoir confirmé la condamnation du cinéaste Jafar
Panahi à six ans de prison et
vingt ans d’interdiction de
filmer, de voyager ou de
s’exprimer, y compris en
interview. Pour le moment,
l’information, donnée par un
membre de la famille à l’AFP,
n’est pas officielle, et son
avocate, Farideh Gairat, a indiqué ne pas avoir reçu notification du jugement. Reste
que le quotidien gouvernemental Iran y a fait allusion,
samedi, en indiquant que la
sentence avait été confirmée
avec les mêmes accusations
d’«action contre la sécurité
nationale et propagande contre
le régime». Cette nouvelle
condamnation remonterait à
deux semaines.
Hommages. Samedi,
l’auteur du Cercle, qui avait
obtenu le lion d’or au festival
de Venise en 2000, était tou-
L
jours en liberté à son domicile. A l’évidence, le cinéaste, trop populaire à
l’étranger, embarrasse le
pouvoir, qui préférerait le
voir quitter l’Iran. Son arrestation, en mars 2010, sa détention pendant trois mois,
puis sa condamnation en décembre, avaient provoqué la
réprobation des milieux
artistiques et politiques occidentaux, qui se sont mobilisés pour demander l’abandon des poursuites contre
lui. Les festivals les plus
prestigieux, dont Cannes, la
Mostra de Venise ou la Berlinale, ont fait de Jafar Panahi
leur invité d’honneur, lui
dédiant une chaise vide,
organisant hommages et
rétrospectives de soutien.
En fait, Panahi aurait pu
quitter l’Iran et, sans doute,
le peut-il encore. Mais il s’y
refuse, estimant que sa place
demeure sur place. L’annonce par voie de presse de
sa nouvelle condamnation
pourrait être un moyen de le
Jafar Panahi à Téhéran, en avril 2008. PHOTO BEHROUZ MEHRI. AFP
pousser à fuir. Lui-même est
l’objet d’une polémique au
sein du pouvoir, à l’heure où
les rivalités entre factions
s’intensifient. Le lourd jugement de décembre avait ainsi
été critiqué à mi-voix par la
présidence iranienne, à couteaux tirés depuis plusieurs
mois avec l’autorité judiciaire, contrôlée par le Guide
suprême, l’ayatollah Ali
Khamenei, sur de nombreux
dossiers sensibles. «Le gou-
“ DARROUSSIN EXTRAORDINAIRE
★ ★ ★ ” LE FIGARO
“ BIEN JOUÉ ! ”
LIBÉRATION
“ FORMIDABLE ”
LE PARISIEN
“ DARROUSSIN IMPRESSIONNANT ”
20 MINUTES
“ SAISISSANT ”
LE JDD
“ PROFONDÉMENT HUMAIN ”
mais séparément, ce soir à Paris-Bercy.
Knopfler et Dylan, le
retour du «Slow Train»
MARK KNOPFLER
et BOB DYLAN
Palais omnisports Paris­Bercy,
8, bd de Bercy, 75012.
Ce soir, 20 heures,
Rens.: 0140026060.
ELLE
sthète collectionneur
de Norton, moto reine
des années 60, le guitar
hero écossais Mark Knopfler,
tombeur du punk avec son
groupe racé de Sultans du
swing 1978 Dire Straits de
Glasgow, qui fit les ventes
des Beatles, tenait, en 1979,
la guitare pulpeuse de Slow
Train Coming, l’un des derniers LP majeurs du profus
Bob Dylan, star américaine
légendaire, entre autre, pour
un accident de moto – anglaise, Triumph Bonneville…
A la croisée des influences du
guitariste Charlie Christian,
pour le toucher de cordes, du
«troubadour» intouchable
J.J. Cale pour l’inspiration, et
pour le chant, en quasi talkover, de Lou Reed et… Bob
Dylan (l’auteur de Communiqué ou Telegraph Road, aussi
E
“ POIGNANT ”
TÉLÉRAMA
“ PUISSANT ”
PARIS MATCH
JEAN-PIERRE DARROUSSIN
Debon matin
JEAN-MARC MOUTOUT
JEAN-PIERRE PERRIN
ROCK Le tandem country-folk magique ressuscité,
LES FILMS DU LOSANGE PRÉSENTENT
UN FILM DE
vernement et le Président
n’approuvent pas la condamnation» de Panahi, avait
déclaré, en janvier, le conseiller occulte de Mahmoud
Ahmadinejad, Rahim Esfandiar Machaie, directeur de
son cabinet. Néanmoins,
c’est une vraie guerre que
tout le régime islamique,
soutenu par des réalisateurs
dits «hezbollahis», a engagée
contre le cinéma indépendant. Dans ce conflit des
deux cinémas, le second
prend tous les coups. Plus
d’une dizaine de réalisateurs
ou acteurs ont été arrêtés et,
parfois, durement condamnés depuis l’été, pour «propagande contre le régime», et
plusieurs documentaristes
accusés d’avoir donné «une
image négative» du pays.
Fouet. Début octobre, l’actrice Marzieh Vafamehr a été
condamnée à un an de prison et 90 coups de fouet pour
avoir joué dans un film évoquant les difficultés faites
aux artistes. Ces dix derniers
jours, une quarantaine de
réalisateurs et documentaristes ont été convoqués au
ministère des Renseignements pour des interrogatoires de plusieurs heures.
VALéRIE DRéVILLE XAVIER BEAUVOIS YANNICK RENIER
ACTUELLEMENT
doué à cet égard que le créateur de Highway 61 Revisited
ou Tarentula), Mark Knopfler, 62 ans chauves évasés,
s’est recentré ces dernières
décennies, en solo, sur le patrimoine folk migrant, notamment gaélique. Tout
comme Bob Dylan du Min-
duction d’Infidels en 1983, les
choses ne s’étaient pas si
bien passées entre le pirate
poète de Duluth et le calibre
arrangeur de Glasgow… Bob
Dylan ne s’était pas gêné
pour saboter le boulot de
Mark Knopfler, n’hésitant
pas à squeezer ses mixages
pendant
que
l’autre tournait
L’heure est à l’accord
avec Dire Straits.
affiché. Entente de pure
Comme Willy
façade contractuelle,
DeVille devait le
manifestement.
faire, grossièrement, sur Miracle,
nesota, 70 ans arthritiques autre production Knopfler à
acérés et frisotés, s’est hauts risques caractériels.
occupé à revisiter le réper- Aujourd’hui, l’heure est à
toire boogie-blues New Or- l’accord affiché. Entente de
leans cadencé Vieille Europe pure façade contractuelle,
du Nouveau Monde.
manifestement: soit soixanLes deux Raminagrobis en- te-quinze minutes de Knopnemis, ressortis de leur fler en vedette américaine,
semi-retraite dorée et assor- pareil de Dylan aléatoire au
tis en tournée mammouth, piano, point. A la limite de la
font une affiche rock-FM de tromperie sur la marchanstades à goût estival dise… Ceux qui rêvent d’end’automne réchauffé…
tendre Dylan et Knopfler
A l’époque de la coopération duettiser Calling Elvis en
du tandem sur Slow Train seront pour leurs frais.
Coming puis, surtout, la proB.
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
MALOUF Un coffret et une biographie rendent
CULTURE
DISPARITION
eu avant de mourir du
sida à 34 ans, en novembre 1988, le journaliste télé de Libération Philippe Hoummous confiait :
«Avec mes articles sur Reinette
l’Oranaise ou Cheikh Raymond, je peux partir content.»
Deux ans plus tôt, le 14 novembre 1986, ce passionné
des cultures orientales (de
son vrai nom MourrasseMorlacq) avait publié dans ce
journal une pleine page sur
«Raymond le Sépharade». Et
fait découvrir à un public
profane l’existence de ce
chanteur et joueur de oud
(luth) assassiné en 1961, en
pleine guerre d’Algérie.
Un quart de siècle plus tard
paraissent simultanément
une biographie érudite du
musicien (1) et un coffret de
3 CD d’œuvres inédites (2).
Jusqu’ici, le seul enregistrement disponible était le
concert donné au printemps
1954 à l’Université populaire
de Constantine, paru en 1994
sur le défunt label Al Sur.
Art savant. Le nom de Raymond Leyris, dit «cheikh»
(«maître»), a pourtant été
souvent prononcé par Enrico
Macias, qui est à la fois le fils
de Sylvain Ghrenassia, inséparable violoniste du maître,
son disciple (il débuta en
jouant de la guitare dans son
orchestre), et son gendre,
puisqu’il épousa la fille du
cheikh, Suzy. En 1999,
Enrico rendait un émouvant
hommage à son beau-père
sur scène et sur CD, prolongé
par le Voyage d’une mélodie,
en 2011.
Le malouf, art savant à la fois
poétique et musical, est la
variante constantinoise de la
musique dite andalouse, car
apportée au Maghreb par les
juifs et musulmans chassés
d’Espagne au XVe siècle. Le
raffinement musical des
cours des califes de Séville,
Cordoue ou Grenade a ainsi
survécu à Alger, Fès, Tlemcen, Tunis ou Constantine.
La musique andalouse est
constituée de noubas, ces
longues suites transmises
oralement au fil des siècles.
A Constantine, ces orchestres rassemblent musiciens
juifs et musulmans.
Le livre de Bertrand Dicale
excelle à décrire les rapports
entre ces communautés partageant une langue, l’arabe,
et une musique, mais où les
tensions affleurent parfois de
Raymond Leyris, dit Cheikh Raymond (non datée). PHOTO DR
L’écrivain algérien Boualem Sansal recevant dimanche le
prix (25000 euros) de la paix de la Foire du livre de Francfort
L’ACTEUR
HEINZ BENNENT
Prix des Antipodes de Saint-Tropez…
QUITTE LA SCÈNE Le film australien Lou, de la réalisatrice Belinda Chayko (sur
Le comédien de cinéma et
de théâtre Heinz Bennent
est mort mercredi en
Suisse à l’âge de 90 ans. Il
est connu en France pour
avoir interprété le metteur
en scène de théâtre juif,
mari de Catherine
Deneuve dans le Dernier
Métro de François Truffaut
(1980), ou pour sa presta­
tion dans Possession,
d’Andrzej Zulawski (1981),
face à Isabelle Adjani. Né
en 1921 à Aix­la­Chapelle,
en Allemagne, il a tourné
avec Volker Schlöndorff
(l’Honneur perdu de
Katharina Blum) et Ingmar
Bergman (l’Œuf du
serpent). Il est le père
de David Bennent,
le gamin du Tambour,
de Schlöndorff, palme d’or
en 1979. PHOTO AFP
une adolescente et Alzheimer), a remporté, samedi à SaintTropez (Var), le grand prix des Antipodes, décerné lors des
treizièmes rencontres du même nom, consacrées aux cinémas
australien et néo-zélandais.
… et chistera de Saint-Jean-de-Luz
Une bouteille à la mer, de Thierry Binisti (sur une adolescente
et un attentat à Jérusalem), a reçu, samedi soir, la chistera
du film au festival international des jeunes réalisateurs de
Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). La chistera de
la réalisation est allée au Belge Michael R. Roskam pour Bullhead (film vétérinaire sur un trafic d’hormone).
MÉMENTO
John Cale En tournée avec son nouvel EP, Extra Playful, l’ex­pilier du
Velvet Underground fait halte à Paris. A la Maroquinerie, 23, rue
Boyer, 75020. Ce soir, 19h30. Complet. Egalement le 2 novembre au
centre Pompidou, 75004.
Concert du prix Constantin Dix postulants en lice pour la palme de
cette promo 2011 –dont Bertrand Belin, Alex Beaupain, Selah Sue ou
les Shoes. Olympia, 28, bd des Capucines. 75009. Ce soir, 19h30.
«MAGNIFIQUEMENT INTERPRÉTÉ PAR MARIE-JOSÉE CROZE»
NEXT LIBÉRATION
façon violente, comme lors
du pogrom du 5 août 1934.
Raymond Leyris, fils illégitime d’une Française et du
fils d’un commerçant juif
mort dans les tranchées
en 1915, est élevé par une
nourrice juive, dans l’observance hébraïque.
Adolescent, il se glisse dans
les foundouks, ces auberges
où, le vendredi soir, les
hommes se réunissent pour
écouter du malouf. Pour en-
la voix ou la subtilité du jeu
de la risha (plume d’oie qui
sert de plectre) sur les cordes
du oud.
Témoignage. A la fin des
années 50, entre les attentats
du FLN et la répression aveugle du colonisateur français,
les Juifs d’Algérie commencent à songer au départ.
Raymond Leyris s’y refuse.
Le 22 juin 1961, à 49 ans, il
est abattu d’une balle dans la
nuque. Le message est clair:
en tuant le Juif le
plus aimé des
Le malouf est une variante
Arabes, le FLN afde la musique andalouse,
que l’Algéapportée au Maghreb par les firme
rie indépendante
juifs et musulmans chassés
se fera sans Juifs
d’Espagne au XVe siècle.
ni Français.
En un demi-siètrer dans le monde fermé des cle, aucun témoignage oral
musiciens, il faut commen- ou écrit, direct ou indirect,
cer par s’asseoir dans un n’a éclairé les circonstances
coin et s’imprégner des tex- de son assassinat. Pour Bertes et musiques de ces suites trand Dicale, seule l’ouverparfois longues d’une heure. ture des archives du FLN,
Que l’élève finit par mémo- parti au pouvoir depuis l’inriser dans leurs moindres dépendance, pourrait élucinuances.
der cet épisode. C’est inenGrâce à la radio, puis à la té- visageable pour le moment,
lévision, le malouf quitte le à moins d’un hypothétique
foundouk pour séduire un pu- printemps algérien.
blic plus vaste, qui voue un
FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ
culte à l’orchestre de Raymond Leyris et à son chant (1) «Cheikh Raymond,
une histoire algérienne»,
très sobre, comme l’exige le de Bertrand Dicale, éditions
genre. Art austère, il requiert First, 19,90€.
une écoute concentrée pour (2) «Anthologie 1937­1961»,
apprécier les modulations de Universal Jazz.
35
«Les gens veulent une démocratie
universelle, authentique, sans frontières
ni tabous. Ils rejettent les dictateurs,
l’extrémisme, le pouvoir des marchés,
l’emprise étouffante de la religion.»
hommage au maître juif algérien, assassiné en 1961.
Cheikh Raymond,
Constantine noble
P
•
«UN THRILLER INTIME, ADULTE ET CHAUFFÉ À BLANC»
LE MOUV’
LAURENT LAVOLÉ
PRÉSENTE
MARIE-JOSÉE CROZE
UN FILM DE
SANTIAGO AMIGORENA
www.rezofilms.com
LE 19 OCTOBRE AU CINÉMA
36
•
ECRANS&MEDIAS
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
secteur qui offre des perspectives de
croissance.» Objectif : retour à
l’équilibre en 2015.
Salarié du quotidien depuis 1998,
Franck Cartelet, SNJ-CGT, a connu
la rue Réaumur de l’époque Chaisemartin (Hersant), le déménagement à Aubervilliers, la valse des
propriétaires… Transformer le titre
en pure-player lui paraît incongru.
«France-Soir est un quotidien papier
indissociable de son site», affirme le
journaliste, qui travaille pour le
Web. L’audience démultipliée – à
3,2 millions de visiteurs uniques,
selon Google Analytics, 1,6 million
selon Médiamétrie Netratings– est
brandie comme une arme par la direction. «Qui peut croire au pureplayer ? Pourquoi ne pas fermer tout
de suite?» s’interroge Loïc TorinoGilles, 31 ans, embauché à l’ère
Pougatchev et qui arbore sur sa
veste un autocollant «I love FranceSoir». Relique d’une époque où le
credo était à une renaissance.
Personnels de France­Soir, vendredi devant le siège du quotidien sur les Champs­Elysées, à Paris, avant le vote de la grève.
PRESSE Salariés et syndicats ont manifesté vendredi devant le journal,
alors que la direction confirmait le passage au tout-numérique.
«France-Soir»: veillée
funèbre pour le papier
Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
Photo LAURENT TROUDE
L
a masse humaine mord un
peu sur l’avenue des
Champs-Elysées. Un fourgon de CRS s’est garé de
guingois près de l’entrée de FranceSoir, et deux policiers en filtrent
l’entrée. Qui rêvait de voir arriver
une berline noire avec le jeune
propriétaire russe à son bord, bardé
de ses gardes du corps, en est pour
ses frais. Alexandre Pougatchev est
entré dans les locaux ce vendredi
matin bien avant l’arrivée sur le
trottoir des premiers manifestants.
Façon d’éviter, sans doute, une
échauffourée à l’issue incertaine.
Le contraste des parties en présence laisse rêveur. Le rejeton de
26 ans d’un oligarque russe, aux
mains percées de millions prodigues, face à trois ou quatre cents
manifestants, majoritairement la
fine fleur des syndicalistes CGT : plois sur 140, pigistes compris, et
beaucoup de gros bras vêtus de l’arrêt des rotatives pour passer au
noir arborant l’autocollant rouge. tout-numérique, a mis par terre le
Deux mondes dans le même instant personnel. «C’est une catastrophe,
historique, carpe et lapin pris dans c’est inimaginable, c’est une stratél’inéluctable déclin de la presse pa- gie purement comptable, réagit un
pier. Pour l’occasion, la base de journaliste frigorifié. Et il y a un tel
l’attirail de la lutte a été déployée : décalage entre le projet de relance
une voiture avec son
gros ballon labellisé «Qui peut croire au pure-player?
sur le toit, un portePourquoi ne pas fermer
voix et des slogans apposés sur les pan- tout de suite?»
neaux du coin de la Loïc Torino­Gilles salarié du journal
rue, qui promettent
l’ouverture prochaine d’un de 2009 et celui-ci.» Devenu patron
Marks&Spencer. Et l’assurance de d’un titre qui a connu son âge d’or
discours musclés.
sous Pierre Lazareff à la Libération,
Alexandre Pougatchev a eu les yeux
CADORS. Dans une demi-heure, à plus gros que le ventre: l’ambition
10 heures, un comité d’entreprise de vendre 200000 exemplaires par
va officialiser un plan, secret de po- jour, quand le titre plafonnait à
lichinelle depuis quatre jours et 22000, s’installer sur les Champsdéjà déclencheur d’une grève. Son Elysées pour 900000 euros annuels
énormité, 89 suppressions d’em- de loyer, bien loin du mauvais sou-
venir des locaux d’Aubervilliers, et
embaucher des cadors. N’est pas
Citizen Kane qui veut, l’économie
ignore les miracles.
Deux relances plus tard, la vente au
numéro plafonne à 35 000 exemplaires, le titre devrait «perdre
19 millions d’euros cette année, après
31 millions l’an dernier», dixit, au
Figaro.fr, un Pougatchev qui a vu
partir 70 millions en fumée. Après
avoir fait fantasmer une profession
dubitative, la direction de FranceSoir fait marche arrière toute, brûlant le papier adoré hier, adoptant
dès décembre, à la fin de la clause
de sauvegarde, «un projet de passage de l’intégralité de ses contenus
sur Internet et les réseaux mobiles».
Le communiqué de la direction,
vendredi, se targue même d’avantgardisme : «En devançant une
évolution qui est désormais inéluctable […], France-Soir se donne les
moyens de se développer dans un
ÉMOTION. «Nous ne sommes pas à
l’enterrement de la presse quotidienne
nationale, ni de la presse imprimée,
ni de la presse de l’après-guerre»,
rugit dans le porte-voix Jean Gersin, de la Filpac-CGT. «Cote
d’amour», «danseuse», «voyous»,
«pirates», «résistance», «solidarité», les mots s’égrènent. L’assemblée, qui bat le pavé d’un morceau
de trottoir des Champs-Elysées,
semble être l’acteur d’une étrange
veillée tandis qu’à l’intérieur Pougatchev, souriant, explique aux
représentants du personnel la lumineuse stratégie, inspirée d’expériences américaine et brésilienne,
qui fait qu’un jour on bascule un
journal sur un écran.
Sorti à une interruption de séance,
Stéphane Paturey, secrétaire du CE,
prend la parole, l’émotion dans la
voix: «Ce projet s’appuie sur des éléments fantaisistes et infondés. Une
audience internet qui, par magie, serait multipliée par deux en quatre ans
pendant que le chiffre d’affaires publicitaire s’envolerait de façon exponentielle…» Des applaudissements
ponctuent son intervention, mais
ce matin est si glacial. A terme, plus
de papier et une rédaction web de
32 journalistes. L’assemblée générale votera la grève à midi.
Au-delà de France-Soir, une profession vacille, dit-on chez les syndicats, qui pointent les plans au Parisien et à la Tribune, la menace sur
des métiers comme l’édition. Olivier Blandin, secrétaire général
d’Info’Com-CGT, annonce «une
campagne visant à défendre un cadre
pour la négociation d’un accord de
branche sur le plurimédia». Au milieu de la troupe, trois femmes,
salariées du Journal officiel, qui disent n’être pas venues pour l’arrêt
du papier. Elles n’y croient pas,
d’ailleurs, encore que la question
amorce un mini-débat dans le trio.
«C’est bien plus grave ce qui se passe
ici. Pougatchev veut dénoncer les conventions collectives de la presse parisienne pour réembaucher sur le Net à
vil prix. Ce sera un précédent.» •
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
VU SUR LE WWW
ECRANS&MEDIAS
Par OLIVIER SÉGURET
La tombe «Dark Souls»
LA GUEULE
DES EMPLOYÉS
Le 6 octobre, France 2
diffusait la Gueule de
l’emploi, un docu sur les
méthodes humiliantes d’un
cabinet de recrutement
opérant pour Gan. Le film
a beaucoup choqué et a
été très commenté,
notamment sur Internet.
Point culminant, la
création, jeudi, du site
Lagueuledelemploi.net,
qui listait carrément les
adresses et téléphones
professionnels et person­
nels des recruteurs du
docu. «Nous pensons que
des gens qui habitent le
même quartier que ces
personnes doivent être en
mesure de leur dire leurs
quatre vérités, en face»,
expliquait le site (indépen­
dant de l’auteur du docu).
Depuis sa mise en
demeure par les avocats
de Gan, le créateur du site,
un jeune directeur artisti­
que dans la pub, a dû reti­
rer photos et coordonnées.
«Dormez tranquilles, leur
dit­il en conclusion, le futur
jugera.» I.H.
www.lagueuledelemploi.net
LE WEBDOC
«OL LAND»,
TERRE DE FEU
C’était une gageure: réali­
ser un documentaire radio
sur le projet pharaonique
d’«OL Land». Après de
multiples retards, ce com­
plexe sportif à la gloire de
l’Olympique lyonnais, avec
un stade de 58000 places,
une boutique et un centre
de loisirs est censé être
livré au deuxième trimes­
tre 2014. Les réalisateurs,
Jean­Baptiste Fribourg et
Olivier Minot, ont relevé le
défi pour Arte Radio.
Résultat, un 58 minutes
jubilatoire mais ardu. Le
montage mêle habilement
les interviews des pour et
des contre, qui exposent
leur point de vue sans
jamais perdre l’auditeur.
Les auteurs s’amusent
aussi, commentant certains
témoignages à la manière
d’un match. A l’arrivée, une
enquête potache et impla­
cable sur Jean­Michel
Aulas, président de l’OL,
et sur ses soutiens. C.C.
«A ce stade, Lyon ne répond
plus», sur Arteradio.com
N
L’aventure est mutique, ou
quasiment. De très rares informations sont distillées au
compte-gouttes, selon une
formule presque inverse à
celle en vogue partout
ailleurs, où le travail du
joueur est prémâché, sa réflexion ignorée, son libre arbitre vitrifié. La rétention
dont fait preuve Dark Souls
est générale : pas de cartes,
pas de quêtes, pas de coffres.
Le design audio à lui seul
vaut métaphore de la très
haute dignité du jeu : pratiquement jamais de musique,
mais un bruitage d’un réalisme absolu, en écho direct
au moindre geste proche ou
mouvement lointain. Et cette
partition sonore accuse
superbement l’immersion.
Pour peu que les rideaux
soient tirés, n’importe quel
37
A LA TELE CE SOIR
MOI JEUX
on, ceci n’est pas une
critique de Dark Souls,
puisque je n’y ai pas
joué. J’ai essayé, j’ai regardé,
j’ai avancé autant que j’ai pu,
frissonné, combattu les premiers ennemis, de loin les
plus faciles, et puis, au premier boss, je suis mort. Plein
de fois. Je le savais d’avance:
Dark Souls est le successeur
de Demon’s Souls, le RPG le
plus fracassant de ces dernières années. Ces deux jeux,
développés par les grands
malades japonais de From
Software, fondent leur
doctrine et leur gloire sur la
dureté. Celle-ci concerne
non seulement la difficulté
du jeu mais aussi son mental
tenace, revêche et glacé.
•
joueur sincère et vaillant
sentira dans son corps, dans
ses sens et dans sa chair (de
poule) combien cet univers
ténébreux, morbide, plaintif
et résonnant l’enveloppe,
l’isole et le transporte.
Mais où ? On est bien obligé
de se poser la question de
cette étrange région du plaisir où nous fait voyager Dark
Souls. A ce degré de perversité (élégante) et de sadisme
(consenti), l’expérience relève-t-elle encore du jeu ? Si
elle nous plaît intensément,
si elle fascine et accroche,
appartient-elle encore aux
dômes de la distraction et de
l’amusement? Dark Souls est
sans doute le vrai rendezvous gamer élitiste d’un
automne surchargé, mais ce
serait donner une fausse impression que de le déclarer
inabordable et ingrat : nul
mieux que ce jeu ne récompense l’effort. Il est la
loyauté même, mais n’est
dupe de rien. De ce point de
vue, c’est un jeu tombeau,
qui réclame le plus total
abandon. Son vrai moteur
n’est pas de faire souffrir,
mais de refonder le rapport
qui unit joueur et jeu. Le seul
mot qui puisse rendre
compte de ce rapport est le
plus rare du secteur, mais il
désigne exactement le travail
accompli par les développeurs comme le goût
que prend celui du gamer :
passion. •
Développé par From Software,
distribué par Namco Bandai,
pour Xbox et PS3, 60€ environ.
Inacceptables
C’est ainsi que les éditeurs de presse français quali­
fient les conditions commerciales fixées par Apple
pour vendre leurs titres sur NewsStand. Du coup, ils
refusent de voir leurs journaux vendus sur le nouveau
kiosque numérique, ont annoncé vendredi les quatre
principaux syndicats d’éditeurs représentant la presse
nationale, régionale et magazine. Ils regrettent notam­
ment qu’Apple empoche un tiers des recettes et refuse
de partager les données personnelles des lecteurs. Pour
les éditeurs, «le développement de la lecture numérique
de presse ne se fera que dans un environnement équilibré
entre platesformes technologiques et contenus».
Réseaux sociaux: l’AFP fixe ses règles
L’Agence France-Presse a rendu public son guide qui fixe les
modalités de participation de ses journalistes aux réseaux
sociaux. Sur Twitter, ils devront notamment utiliser le hashtag #AFP pour distinguer les informations d’intérêt professionnel de celles ayant trait à leur vie privée. Les journalistes
peuvent publier des infos concernant leur domaine de
couverture, des notations personnelles, des anecdotes, mais
doivent réserver la primeur de leurs scoops aux fils et aux
services commercialisés par l’AFP.
TF1
FRANCE 2
FRANCE 3
CANAL +
20h50. Panique aux
Edelweiss.
Téléfilm de Philippe
Proteau.
Avec Claire Keim,
Marie-Anne Chazel,
Wladimir Yordanoff.
22h40. Esprits
criminels.
Série américaine :
Les proies,
Morts anonymes,
Le retour de Frank.
Avec Shemar Moore.
1h10. Au Field de la nuit.
20h35. Castle.
Série américaine :
L’ombre du passé,
L’auteur qui m’aimait,
Rire et châtiment.
Avec Nathan Fillion.
22h45. Mots croisés.
Des primaires pour
tout le monde ?
Magazine présenté par
Yves Calvi.
0h10. Journal de la
nuit.
0h25. Au clair de la
lune.
20h35. 300 chœurs
pour + de vie.
Divertissement
présenté par
Michel Drucker.
22h40. Soir 3.
23h05.Docs interdits.
12 balles dans la peau
pour Pierre Laval.
Documentaire.
0h05. La case de
l’oncle Doc.
Documentaire.
1h00. Chabada.
Musique.
20h50. Borgia.
Série franco-allemande :
Épisodes 3 & 4.
Avec John Doman,
Isolda Dychauk,
Mark Ryder.
22h40. Primaire au PS :
l’improbable scénario.
Documentaire.
0h20. L’œil de links.
Magazine présenté
par Elliot Lepers.
0h50. Simon Werner
a disparu.
Film.
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
20h40. Le convoi.
Comédie dramatique
de Sam Peckinpah,
105 mn, 1978.
Avec Kris Kristofferson,
Ali MacGraw.
22h30. Le procès
Céline.
Documentaire.
23h25. Les percussions
de Strasbourg.
Documentaire.
0h20. Montparnasse.
1h20. Ma vie est un
livre.
20h45. Indiana Jones
et le temple maudit.
Film d’aventures
américain de Steven
Spielberg, 118 mn, 1984.
Avec Harrison Ford,
Kate Capshaw.
23h00. Recherche
appartement ou
maison.
Magazine présenté par
Stéphane Plaza.
23h50. Recherche
appartement ou
maison.
20h35. Wasabi.
Comédie française de
Gérard Krawczyk,
95 mn, 2001.
Avec Jean Reno.
22h15. Ça va mieux
en le disant.
Magazine présenté par
Elodie Gossuin et
Enora Malagré.
23h30. Touche pas à
mon poste.
Divertissement
présenté par
Cyril Hanouna.
20h35. Les beaux
jours.
Téléfilm de Jean-Pierre
Sinapi.
Avec Clotilde Courau,
Bruno Lochet.
22h25. C dans l’air.
Magazine.
23h30. Dr CAC.
23h35. Avis de sorties.
23h45. À dos de cheval.
Islande.
Documentaire.
0h35. L’île nickel.
Documentaire.
LES CHOIX
Ça tue
Ça déchire
Ça instruit
Paris Première, 20h35
The Killing est la bonne
Canal+, 20h50
Arte, 22h30
Les deux épisodes des
Borgia de ce soir sont
parmi les meilleurs de la
saison: c’est le conclave
qui aboutit à l’élection de…
Bon, alors, Céline, on jette
tout à la poubelle ou bien?
Dans le Procès Céline,
Antoine de Meaux et
Alain Moreau instruisent.
adaptation américaine
d’une bonne série
policière danoise.
Résultat: c’est bon.
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
20h35.The killing.
Série américaine :
Rosie Larsen, La cage,
El diablo.
Avec Joel Kinnaman,
Billy Campbell,
Michelle Forbes.
23h10. Zemmour
et Naulleau.
Invité : Jack Lang.
Magazine présenté
par Éric Zemmour et
Éric Naulleau.
0h15. Programmes
de la nuit.
20h40. La mémoire
dans la peau.
Thriller de Doug Liman,
118 mn, 2002.
Avec Matt Damon,
Franka Potente.
22h45. Les dents
de la mer.
Film d’épouvante
américain de Steven
Spielberg, 124 mn, 1975.
Avec Roy Scheider.
1h00. Dinocrocodile :
la créature du lac.
Téléfilm.
20h40. Enquêtes
criminelles :
Le magazine des faits
divers.
Magazine présenté par
Sidonie Bonnec et
Paul Lefèvre.
22h40. Enquêtes
criminelles :
Le magazine des faits
divers.
Magazine.
0h50. Enquêtes
criminelles.
Magazine.
20h35. Au suivant !
Comédie française de
Jeanne Biras, 90 mn,
2004.
Avec Alexandra Lamy,
Clovis Cornillac.
22h05. Les misérables.
Drame de Jean-Paul
Le Chanois, 1957.
Avec Jean Gabin,
Danièle Delorme,
Bernard Blier.
23h55. Loïs & Clark : les
nouvelles aventures
de Superman.
NRJ12
DIRECT8
NT1
DIRECT STAR
20h35. Starship
troopers.
Film fantastique de
Paul Verhoeven, 135 mn,
1997.
Avec Casper Van Dien,
Jake Busey,
Dina Meyer.
23h00. Les anges de la
télé réalité.
Magazine présenté par
Matthieu Delormeau.
23h30. La maison du
bluff - l’hebdo.
20h40. Quartier
général.
Les gares
sous haute tension.
Documentaire
présenté par
Adrienne de Malleray.
22h30. Quartier
général.
Derrière les banderoles,
la haute-tension.
Documentaire.
0h10. Quartier
général.
20h40. Tous différents.
Je suis naturiste
et j’assume.
Magazine présenté par
Émilie Mazoyer.
22h20. Tous différents.
Vous ne le savez pas
encore, mais je suis
une star !
Magazine.
0h10. Obsessed.
Télé-réalité.
1h45. Mon frigo m’a dit.
Série.
20h35. Le zap Direct
Star.
Divertissement.
22h30. Star report.
Le vrai visage des stars.
Magazine présenté par
Claire Arnoux.
23h30.
Enquête très spéciale.
Magazine.
23h55.
Nuit de charme.
Téléfilm.
0h55. Star story.
38
•
GRAND ANGLE
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
Cuba
Les champs de
ladésillusion
Au bord de la faillite, l’Etat castriste pousse
ses fonctionnaires au retour à la terre. Une reconversion difficile
en l’absence d’aides financières et d’encadrement.
•
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
39
40% des terres arables sont en friche,
infestées notamment de marabú,
un arbuste arrivé dans l’île au XIXe siècle.
fuegos (ouest) a été congédié dans le cadre
d’un vaste dégraissage de la fonction publique, à laquelle appartiennent 90% des actifs
du pays. Asphyxié, l’Etat s’est résolu à annoncer le départ de 1,2 million d’entre eux
d’ici à 2012. Né à la campagne dans une famille de guajiros, Leonardo a décidé de s’installer avec sa femme et ses deux fils sur ce
bout de terre, où se dresse une modeste
masure en brique. Il n’a rien reçu de l’Etat :
ni aide, ni prêt, ni machine-outil. Il a même
dû débourser les 5 pesos cubains convertibles
(les CUC, environ 3,80 euros) nécessaires
pour acheter une machette. Soit le tiers de
son ancien salaire de gardien ! La machette
est l’instrument indispensable avec lequel,
pendant des mois, il va s’échiner à arracher
«ce maudit marabú» qui recouvre presque
tout son lopin. A la sueur de son front, Leonardo est finalement parvenu à semer des tomates, du manioc et des haricots. Tout juste
de quoi survivre, précise-t-il.
Texte et photos
de JEAN­ARNAUD MISTRAL
Envoyé spécial à Santa Clara et Cienfuegos
R
etournez aux champs, qu’ils
disaient!» Leonardo (1) a le
sentiment d’avoir été
floué. La silhouette mince,
rehaussée d’un chapeau de
feutre de guajiro («paysan
cubain»), ce quadragénaire ne décolère pas.
«Je me suis fait avoir par ce fichu décret 259»,
qui permet d’obtenir un lopin de terre depuis
la réforme agraire de 2008.
Leonardo a récemment hérité de 1,5 hectare,
près du village de Cartagena, le long de la
autovía nacional qui relie La Havane à Santiago. Son terrain légèrement en pente est
couvert de mauvaises herbes et d’arbustes
épineux. «Tout ce que vous voyez là, cette saloperie, c’est du marabú [un arbuste arrivé dans
l’île au XIXe siècle en provenance d’Afrique,
ndlr]. Toute l’île en est infestée. Je n’arrive pas
à m’en débarrasser.»
En février, ce gardien d’une banque de Cien-
mutisme sur le sujet. Si des membres des Milices de troupes territoriales (MTT) les surprenaient, font-ils comprendre, ils risqueraient de se voir aussitôt confisquer leurs
terres.
Ezequiel Enrique Lopez, lui, n’a pas peur. En
signe de défi et de révolte contre le régime,
il brandit sa machette. A 43 ans, déjà deux
fois balsero (terme qui désigne ceux qui ont
tenté de fuir l’île par la mer), ostracisé dès sa
jeunesse car ses oncles ont pu rejoindre la
Floride, il dit ne plus avoir grand-chose à
perdre. «Sauf quatre balles dans la tête, à moi
et à mes deux fils», lâche-t-il avec une moue
ironique. En 2009, lassé de vivoter à Santa
Clara, il a demandé et reçu une concession
de l’Etat: deux hectares de terres proches de
Hatillo, son hameau de naissance. En vertu
du décret 259, Ezequiel se met au travail pour
tenter d’extirper l’inévitable marabú. Pour
disposer du matériel de base – machette,
gants, fils de fer et outillage divers –, il doit
emprunter 3500 pesos cubains (2600 euros).
Une fortune.
L’œil mauvais, Ezequiel enrage contre l’administration : «Ils te livrent la terre mais rien
de plus. Ils t’obligent à t’associer à une coopé-
n’est pas mauvaise en soi mais elle arrive bien
trop tard.»
Depuis les années 60-70, encouragés par les
autorités de La Havane, des milliers de
ruraux ont pu faire des études supérieures,
décrochant des diplômes de professeur,
médecin, ingénieur, etc. Autant de métiers
urbains. Les campagnes se sont progressivement vidées, laissant la place au marabú.
«Au départ, la politique officielle du retour aux
champs ne convainquait pas grand monde,
poursuit Guillermo. Mais la situation économique est devenue tellement grave que nombre
de familles ont fini par s’y résoudre. Les gens
se disent qu’ici, au moins, ils auront assez à
manger.»
«Ni tracteur ni ciment»
Outre les réductions d’effectifs d’une administration pléthorique, les Cubains font face
à la disparition progressive de la libreta, la
carte de rationnement qui, jadis, faisait des
miracles. Sans oublier l’augmentation du
Des terres en usufruit
prix des produits de première nécessité, dont
A Cuba, l’heure du retour aux champs a
la plupart sont désormais vendus dans les
sonné. Le 16 avril, le VIe Congrès du Parti
shoppy en monnaie convertible. «Les couches
communiste cubain (PCC), admettant que
pour mes enfants me prenaient un sixième de
l’Etat était au bord de la faillite, prônait la
mon salaire. Ce n’était plus tenamise en place d’une «économie mixte». Raúl «En moyenne, on bosse à 20% pour
ble», confie Omar, un exCastro, qui a succédé à son frère Fidel il y a
chauffeur de taxi de La Havane,
l’Etat,
et
à
80%
pour
le
marché
noir;
deux ans, a pris la mesure de l’immense
qui a opté pour un lopin de terre
je
parle
bien
sûr
de
ceux
qui
travaillent
échec agraire : 40% des terres arables
au printemps.
(plus de la moitié, selon certains opposants dur.»
Dans les campagnes, on compte
politiques) sont en friche, livrées notam- Ismael paysan installé près de Cienfuegos
toutefois une frange de «priviment au marabú.
légiés» : ceux qui disposent de
Ancienne puissance agricole, Cuba importe rative et tu dois leur vendre au rabais tout ce que terres que l’Etat n’a pas confisquées après la
80 % des vivres consommés par ses habi- tu produis. Puis il faut verser un bakchich au révolution castriste de 1959. Ces paysans-là
tants. Alors que le pays peine à faire face à ses type d’Acopio [l’entité qui commercialise les peuvent librement vendre leurs produits à
dépenses courantes, il doit ainsi débourser produits agricoles]. Et, par-dessus le marché, des «coopératives parallèles» qui sont aussi
1,5 milliard de dollars par an (1,1 milliard ils te paient quand ils veulent! C’est de la rapine contrôlées par l’Etat mais qui paient en CUC,
d’euros) pour satisfaire les besoins de la po- organisée.» En outre, Ezequiel, comme tous en pesos convertibles. Ces produits sont le
pulation. Une aberration. Le régime castriste les paysans cubains, vit dans l’angoisse : si plus souvent destinés aux touristes des plages
n’hésite plus désormais à reconnaître offi- une de ses cinq vaches venait à disparaître, de Varadero (nord) ou à l’exportation. Pourciellement son erreur : la terre a été totale- il pourrait être soupçonné de vol et serait tant, même ces agriculteurs «privés» vont
ment délaissée. A tort. Dans les années 70, alors passible de prison.
mal. Dans sa propriété proche de Santa Clara,
les Cubains enseignaient aux Vietnamiens
Hector ne se plaignait pas jusqu’ici. Pour
«Un sac de farine ou de café»
comment planter le café. Aujourd’hui, le
100 quintaux de melons, il empoche
Vietnam –principale référence économique Ses productions d’agrumes, de blé ou de maïs 700 CUC. Au fil des années, il a engrangé un
de Raúl Castro– est devenu le deuxième ex- ne lui rapportent pas assez et il doit, comme «avoir» de 16000 dollars. «Le problème, c’est
portateur au monde, notamment vers l’île presque tous ses compatriotes, travailler au que je ne peux dépenser cet argent que dans le
caraïbe, dont la production a chuté.
noir. Dans la région de Santa Clara, tous re- magasin de la coopérative, déplore Hector. Or,
C’est en 2008 que les autorités ont com- courent au même stratagème pour survivre: depuis 2007, il n’y a plus rien: pas de tracteur,
mencé à rectifier le tir. Un vaste programme on produit le strict nécessaire – qu’importe pas de machine-outil, pas de ciment, que des
de répartition des terres sous le régime la qualité!– pour les magasins d’Etat; le reste bottes, des salopettes et des machettes. Avec
d’usufruit est alors lancé : le «néopaysan» est soigneusement dissimulé pour alimenter quoi voulez-vous que j’augmente ma producjouit du bien dont l’Etat garde la propriété. la bolsa negra, le «marché noir».
tion ?»
Ce plan vise à créer de la richesse, tout en Ismael, un guajiro installé près de Cienfuegos, Avec cinq autres agriculteurs de la région, il
augmentant les (maigres) recettes fiscales de confie : «En moyenne, on bosse à 20% pour a comparu en 2008 devant un tribunal de
l’Etat et en freinant l’exode
l’Etat, et à 80% pour la bolsa Santa Clara pour «enrichissement illicite».
200 km
rural dans un pays aux trois
negra ; je parle bien sûr de Pour éviter une condamnation, il a dû trouÉTATS-UNIS
quarts urbanisé. Trois ans
ceux qui travaillent dur. ver un «arrangement» avec les autorités, sur
Océan
Océan
La
Havane
Atlantique
plus tard, le bilan n’est guère
Les autres, tous ceux qui peu- lequel il ne souhaite pas s’étendre. Hector
Atlantique
probant, comme a dû l’advent vivre d’un autre salaire, s’indigne : «J’avais vendu une partie de mes
Santa Clara
mettre le Parti lors de son
ne foutent rien… Dans mon ananas au marché noir, c’est vrai, mais comme
Cienfuegos
CUBA
dernier congrès. Sur 1,1 milcas, écouler en ville un sac de tout le monde! Le problème de fond, c’est qu’on
Mer des Caraïbes Guantánamo
lion d’hectares de terres disfarine, de poivrons ou de café coupe la tête à l’agriculteur qui prospère un
tribuées, 30% seraient touest la seule manière de nourrir peu. Dans un pays normal, je réussirais : j’ai
JAMAÏQUE
jours en friche et 70% «en
mes deux gamines.»
une formation d’agronome, je m’y connais en
activité». Parmi ces dernièA Cuba, le retour à la terre semences et je suis issu d’une famille de payres, nombreuses sont celles qui demeurent est souvent synonyme d’un retour aux origi- sans. Mais on est à Cuba.» Récemment, Hec«en préparation». Une litote pour signifier nes. «La plupart des nouveaux paysans sont tor a demandé son «avoir» de 16000 dollars
que le processus est lent, très lent.
originaires de la campagne, eux ou leurs pères, en cash. A sa grande surprise, on lui a
Un voyage dans l’intérieur du pays révèle souligne Guillermo, un agronome de Cien- répondu par l’affirmative. Mais à une
l’omniprésence d’une brousse épineuse fuegos. Mais ils n’ont plus aucun savoir-faire condition : toucher cette somme en pesos
enserrant des îlots de cultures de subsis- et les autorités ne proposent aucune formation. cubains, dont la valeur est vingt-cinq fois
tance. Par peur de représailles administrati- Ils se heurtent à une terre, certes souvent de moindre. •
ves, la plupart des vieux guajiros ou des néo- bonne qualité, mais en friche depuis longtemps. (1) La plupart des prénoms ont été modifiés pour
ruraux s’emmurent dans un prudent Il faut tout recommencer à zéro. Cette initiative des raisons de sécurité.
LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011
PORTRAIT L
L’enfantine trentenaire, louangée pour un premier album
ciselé, est en lice pour le prix Constantin décerné ce jour.
En voie d’envol
Par ARNAUD VAULERIN
Photo JÉRÔME BONNET
C’
est Peter Pan au féminin qui a débarqué ce matin.
Les épaules ivoirines sont nues et surmontées d’un
chignon tendu. Trois ridules strient le front audessus de deux billes sombres qui roulent d’interrogations dans un visage oblong. A intervalles réguliers, les
mains viennent se ranger de chaque côté de la tasse à café
comme la ponctuation polie d’un échange convenu. Une miniature de petite fille sage. L s’est vite échappée de la caricature de la midinette qui minaude. Certes, la nouvelle trentenaire de la chanson française fait encore trop sa sucrée, et pas
seulement sur scène où elle use et abuse de poses juvéniles.
Quand elle n’égrène pas de ses rires enfantins des réponses
parfois attendues.
Mais dans une chanson française heureusement chahutée
et féminisée depuis quelques années par Jeanne Cherhal,
Camille, Olivia Ruiz, etc. L étonne et désarçonne par sa fraîcheur radicale. «Vous savez, la chanson, ça ne pouvait être que
ça», dégaine-t-elle au débotté pour justifier ce qui d’évidence l’anime et la mène en professionnelle depuis bientôt
douze ans. Comme si l’heure était déjà au bilan vérité d’une
carrière bien remplie. L n’a pourtant pour seul viatique qu’un
album d’une audace élégante et précieuse –salué par des cascades de superlatifs – et des dizaines de concerts.
L’évidence revendiquée cache en fait une impatience. «C’est
tard de commencer à 19-20 ans et de voir qu’après un disque
autoproduit, il ne se passe plus rien. J’ai passé deux années à
attendre que ça démarre.» C’était en 2008, avant les louanges
prononcées par Higelin, M ou Brigitte Fontaine et les coups
de cœur de la station FIP. La traversée du bac à sable a laissé
des traces. «Elle est passée par des phases supercompliquées
avec des doutes et de la peur», dit Babx, le chanteur-arrangeur
qui a aussi œuvré aux albums de Camélia Jordana et de Julien
Doré. Il campe sa compagne en «émotive à fleur de peau».
L se fait une haute idée de la chanson: «L’investissement intellectuel et personnel que l’on met dans un disque et sur scène,
c’est pas pour rigoler. On n’est pas des batraciens, c’est mieux
de penser un poil, non ?» L’auto-ironie qui la sauve de l’emphase ne tarde pas: «Bon d’accord, ce n’est que de la chanson,
on se calme.»
Ça ne manque pas d’intriguer, L oscille entre le joyeux et le
sérieux. Sans être de prime abord «extrêmement drôle»
comme le soutiennent ses amis, ni l’égérie élégiaque de nuits
enfiévrées comme pourrait le laisser croire l’écoute trop ap-
puyée d’Initiale. Elle retourne aux sources de l’enfance pour
éclairer l’alternance. Côté paternel, elle évoque le grand-père
juif polonais survivant de la Shoah. «Il était content d’avoir
de beaux costards pour montrer qu’il s’en était sorti. Il voulait
s’amuser et profiter de la vie en allant rire dans les cabarets.»
Côté maternel, elle convoque une grand-mère «catho très
fervente, humble et ascétique». Qui, malgré l’austérité, lui a
laissé en mémoire la «douceur des îles flottantes et leur petit
goût de brûlé». La petite-fille a fait la synthèse. Sans être
croyante, elle dit «prier une idée de Dieu» de temps à autre.
Elle vote «évidemment à gauche», trouve «Eva Joly intelligente
et pétillante» et renvoie dos-à-dos Le Pen et Sarkozy, «aussi
populistes et xénophobes l’un que l’autre».
Enfant, L s’appelait Raphaële Lannadère. Elle chante depuis
qu’elle parle. Mais c’est à 6 ans qu’elle se rend compte qu’«il
se passe quelque chose chez [elle] et les autres» quand elle apparaît en petite reine lors des fêtes familiales. «J’invente des
histoires et je traverse des émotions fortes. C’est un moment précieux.» Elle se découvre, s’évalue, s’estime.
Dès 4 ans, elle a appris des comptines chez la grand-mère
établie à Montmédy dans la Meuse. Autre rituel, dix minutes
avant le départ pour l’école:
un tube des Beatles chan- EN 7 DATES
tonné en duo avec son père,
grand fan des «Fab Four». La 3 février 1981 Naissance
mère vibre à Brel, Billie Holi- à Paris de Raphaële
day et Barbara dont L a été Lannadère. 2000 Début
très hâtivement bombardée en solo en reprenant Piaf,
Ferré, Barbara. Prépa
l’héritière.
à Sciences­Po. 2002
«C’est aussi une famille de
Commence un job de
lecteurs», remarque Babx. La serveuse. 2008 Minialbum
mère de L s’est même fait Premières Lettres remarqué
plaisir en suivant une année par FIP. 2010 Signe chez
en fac de lettres. C’était Tôt ou Tard. Avril 2011
avant de se lancer dans la Sortie de Initiale, tournée,
restauration avec les indem- prix Barbara et Félix­
nités du mari licencié d’une Leclerc de la chanson.
grosse entreprise d’infor- 17 octobre Nominée
matique. Ils ont aujourd’hui au prix Constantin.
deux établissements dans les
très sélects VIe et VIIIe arrondissements de Paris. Leur fille
vit dans le XIe bobo et se dit issue d’une «famille nouvelle
riche».
Elle n’a pas franchement vécu dans le besoin, mais elle s’est
donné les moyens de sa passion. Après trois mois en fac d’économie où elle se sentait «extraterrestre» et une prépa pour
Sciences-Po qu’elle a ratée, elle est devenue «apprentie chanteuse». Et d’abord serveuse pour financer sa nouvelle vie.
«C’est une grosse bosseuse qui sait très bien où elle veut aller,
qui peut être tête de mule», juge Martina A. Catella, l’ethnomusicologue à la tête de l’école de chant les Glotte-Trotters.
Elle se souvient avoir vu arriver dans sa salle de travail une
«libellule, avec un côté très Guerlain, élégant». Raphaële Lannadère a alors 18 ans et une «voix phénoménale, capable de
chanter des trucs énormes dans des registres fados, tziganes,
tangos», dixit Martina A. Catella. Elle croisera d’ailleurs la
route du chanteur brésilien Ricardo Teté et du Capverdien
Teofilo Chantre. Avec un bémol de regret, la professeur note
que «L a toujours fait le choix des textes en restant dans la retenue par rapport à la voix».
Dans le panthéon littéraire et sophistiqué de L, on croise Michaud, Artaud, Genet, Aragon, Duras. Du sérieux et du sûr.
Babx lui a dédié la chanson Lady L, clin d’œil subtil au clan
Lannadère et au roman de Roman Gary, dont elle a tiré son
nom de scène. Fausse modestie ou fausse innocence, elle se
défend de faire de la chanson intello. Et redoute que l’on
«ressorte miné» de ses concerts: «Ce n’est pas pour ça qu’on
transpire !» Qu’elle se rassure. En quête d’absolu, L vénère
en fait l’artiste total et insaisissable qui séduit et échappe.
Elle «adore» Bashung, Nina Hagen, et Brigitte Fontaine pour
sa «liberté et sa jeunesse éternelle».
Aujourd’hui, la chanteuse vit «bien» de ses droits d’auteurs
et de ses 130 euros net par concert, le même montant que ses
musiciens. Elle a vendu 40000 exemplaires d’Initiale, ce qui
est «merveilleux» en pleine crise du CD. Elle s’est acheté un
synthé, mais elle ne flambe pas: «Il n’y a rien qui m’emmerde
plus que faire les boutiques.» Pas plus voyageuse dans l’âme,
elle est rentrée avant la fin d’une excursion en Thaïlande,
«détestant être dans une attitude de consommateur», sans pouvoir rencontrer les gens. L ajoute qu’elle adorerait être «peinarde». Cette fois, ça sonne faux. •

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