Alvéolites allergiques extrinsèques

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Alvéolites allergiques extrinsèques
Alvéolites allergiques
extrinsèques
Les alvéolites allergiques extrinsèques (AAE) sont des
pneumopathies immunoallergiques, dues le plus souvent à l’inhalation répétée de particules organiques de
l’environnement. La maladie peut devenir chronique et
entraîner une insuffisance respiratoire. Les pneumopathies par hypersensibilité les plus connues sont le poumon d’éleveur d’oiseaux, dû à l’inhalation de protéines
aviaires, et le poumon de fermier, lié à l’inhalation de
spores d’actinomycètes thermophiles et/ou de moisissures.
Physiopathologie
Les deux principaux mécanismes immunologiques de la
classification de Gell et Coombs impliqués dans la survenue d’une alvéolite allergique extrinsèque sont
l’hypersensibilité semi-retardée à complexes immuns de
type III et l’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire de type IV. Après un premier contact sensibilisant,
des complexes immuns vont se former et précipiter au
sein du parenchyme pulmonaire et des bronchioles terminales. Ils vont activer les cellules inflammatoires et
induire la sécrétion de cytokines responsables des
lésions tissulaires. Le mécanisme allergique à médiation
cellulaire intervient pour sa part en activant de façon
spécifique les macrophages alvéolaires et les lymphocytes T.
L’hypersensibilité immédiate de type I pourrait aussi
intervenir en provoquant un bronchospasme qui permettrait la persistance prolongée des antigènes dans les
voies aériennes ; les IgE interviendraient par la libération des médiateurs mastocytaires et en favorisant le
dépôt des complexes immuns.
Seule une fraction (5 à 10 %) des personnes exposées à
des quantités élevées de micro-organismes est susceptible de présenter une AAE. En revanche, un pourcentage beaucoup plus élevé de sujets exposés, jusqu’à
50 %, va présenter une réaction immunologique humorale et cellulaire sans développer la maladie. Ces différences dans la réponse immunitaire seraient dues à
l’existence de facteurs de « promotion » ou de « protection » qui influencent les réponses individuelles aux
agents inhalés, déterminant ainsi l’évolution de la réaction inflammatoire granulomateuse.
Épidémiologie
La maladie du poumon de fermier est probablement
l’AAE la plus fréquemment rencontrée en France. Chez
les fermiers en milieu de production laitière, la prévalence se situe entre 0,2 et 1,5 % ; chez les sujets ayant
une exposition aviaire, en particulier aux pigeons, le
risque apparaît plus élevé, avec une prévalence variant
de 6 à 7,5 %. Enfin, des valeurs de l’ordre de 20 % ont
été publiées chez des ouvriers d’usines de nacre et des
ouvriers mécaniciens exposés aux liquides d’usinage de
métaux.
Agents pathogènes
Dans la grande majorité des cas, il s’agit de substances
antigéniques provenant de micro-organismes : les actinomycètes thermophiles, qui sont des bactéries filamenteuses longtemps assimilées à des champignons. Parfois
ce sont de véritables champignons filamenteux : Aspergillus, Penicillium, Absidia, les mucorales et les levures.
Des protéines animales, notamment aviaires, et des
arthropodes sont également impliqués.
Des médicaments administrés soit par inhalation, soit
par voie systémique peuvent entraîner des bronchopneumopathies (tableau 37).
Clinique
— Maladie du poumon de fermier
La maladie se déclenche souvent après la manipulation
de foin moisi, qui provoque la mobilisation de nombreuses spores allergènes. La forme aiguë se traduit par
un syndrome pseudo-grippal apparaissant 4 à 10 heures
après l’exposition à l’allergène, avec fièvre, myalgies,
arthralgies, céphalées ou malaise général accompagné
de toux, dyspnée et parfois crachats hémoptoïques et
râles crépitants bronchiques. Cet épisode peut durer 2
à 3 jours et régresser. De nouvelles poussées aiguës
peuvent survenir si le contact avec l’allergène est renouvelé. Puis progressivement, par répétition des accès,
s’installe une fibrose pulmonaire interstitielle ou une
bronchopneumopathie chronique obstructive, aboutissant à une insuffisance respiratoire chronique. La radiographie peut être normale ou montrer des images non
spécifiques réticulo-nodulaires.
— Maladie des éleveurs d’oiseaux
La symptomatologie est similaire à celle du poumon de
fermier, la différence provenant de l’antigène : soit des
protéines de sérum, soit des déjections de pigeon, perruche, tourterelle et parfois poulet.
Tableau 37. Les principales alvéolites allergiques extrinsèques
Dénomination
Source antigénique
Alvéolites en milieu agricole ou apparenté
Maladie du poumon de fermier
Foin, fourrages, paille, céréales, fumier, substances végétales moisies
Alvéolite aux engrais
Poumon des minotiers (ou maladie des grainetiers)
Engrais et débris végétaux contaminés
Blé contaminé par les charançons
Poumon de compost
Compost (fabrication ou utilisation, notamment horticulture et maraîchage)
Suberose
Moisissures de liège (bûcherons ou entreprises de fabrication de bouchons)
Bagassose
Maladie des éleveurs d’oiseaux
Maladie des fromagers
Résidus moisis de cannes à sucre
Déjections, sérums d’oiseaux (pigeons, poules, dindons, oies, hiboux, rapaces,
oiseaux sauvages)
Moisissures des fromages : gruyères (surtout emmental), bleu d’Auvergne,
cantal, fourme d’Ambert, roquefort…
Maladie des champignonnistes
Compost des champignons et champignons eux-mêmes (vesse-de-loup,
pholiotes, shiitake, pleurotes)
Alvéolite liée au travail du bois
Moisissures sous les écorces d’arbre, moisissures dans la sciure
Poumon des ouvriers du malt
Orge moisie, houblon germé
Alvéolites professionnelles non agricoles
Maladie des climatiseurs ou des humidificateurs
Système de climatisation et (ou) d’humidification à usage professionnel
(industrie photographique par exemple)
Alvéolite au saucisson
Fabrique de saucissons secs et de salamis
Maladie des ouvriers du tabac
Manufacture de tabac
Alvéolite des ouvriers de l’industrie chimique ou de secteurs
Industries (et utilisation) de plastiques, laques, vernis, peintures, mousses
industriels utilisateurs (dues essentiellement aux
polyuréthanes, moulage en fonderie
isocyanates)
Stipatose (décrite surtout en Espagne)
Sparte (herbe de la famille des graminées) entrant dans la composition de
paniers, cordes, ficelles, plâtre, produits et fibres de nettoyage (décrite surtout
chez les plâtriers)
Alvéolite des pêcheurs de perles, de coquillages ou de
mollusques
Huîtres perlières, coquillages
Alvéolite aux métaux
Poumon des mécaniciens
Cobalt, fumée de zinc, zirconium
Aérosols de liquide d’usinage des métaux (refroidissement, lubrification)
Alvéolites non professionnelles
Alvéolite aviaire domestique
Tourterelles, perruches, inséparables, perroquets, colombes, canaris
Maladie des climatiseurs ou des humidificateurs
domestiques
Système de climatisation et (ou) d’humidification, ou système de ventilation ou
de chauffage par air pulsé ; humidificateurs
Fièvre d’été (Japon)
Moisissures domestiques provenant des toits ou des sols
Moisissures se développant dans les habitats humides, mal ventilés, riches en
matières organiques (boiseries notamment)
Alvéolites dues à diverses moisissures
Poumon des « bains japonais » ou « jacuzzi d’intérieur » ou
des utilisateurs de saunas
Moisissures dans les salles de bains, jacuzzi ou saunas mal ventilés
Maladie des toits de chaume
Moisissures dans les toits de chaume
Alvéolite aux plumes d’oie
Alvéolite liée à l’utilisation de bois
Duvet (de lit) ou oreiller en plumes d’oie
Utilisation domestique de bois (copeaux) de chauffage (décrite en Finlande)
In : Dalphin JC – Pneumopathies infiltrantes diffuses d’hypersensibilité et iatrogéniques. – Rev Prat 2000 ; 50 : p. 1895.
Diagnostic biologique
— Examen du lavage bronchoalvéolaire
Cet examen permet de montrer la présence d’une hyperlymphocytose (supérieure à 50 %) à prédominance
CD8. Cependant, cette lymphocytose n’est pas spécifique, puisqu’on peut la retrouver chez des sujets exposés mais qui sont asymptomatiques.
— Recherche des anticorps circulants
La mise en évidence des précipitines se fait à l’aide de
techniques de précipitation en gélose et utilise des antigènes extraits de M. faeni et T. vulgaris (poumon de
fermier), de sérum ou de déjections de pigeon (poumon
d’éleveurs d’oiseaux) :
• la méthode d’Outcherlony ou double diffusion en
gélose présente l’avantage d’étudier le sérum du
patient simultanément face à plusieurs allergènes.
Mais sa sensibilité faible expose à ne pas détecter des
titres faibles d’anticorps. De plus, cette technique est
longue (48 heures) ;
• l’électrosynérèse, plus sensible et plus rapide
(3 heures), permet de détecter des titres faibles de précipitines ;
• la technique ELISA consiste à capter les immunoglobulines spécifiques par des antigènes fixés sur un
puits et à les révéler par une immunoglobuline anti-Ig
humaine. Cette technique automatisée nécessite de
multiplier les puits pour tester tous les antigènes et
les différentes classes et sous-classes d’immunoglobulines. La difficulté majeure réside dans la nécessité de fixer un seuil de positivité, rendu difficile par
la présence d’IgG chez des sujets asymptomatiques
exposés aux antigènes.
La réglementation rend obligatoire la confirmation
des résultats positifs ou douteux par immunoélectrophorèse. Les mêmes extraits antigéniques sont
employés. En cas d’alvéolite allergique extrinsèque, la
réaction sérologique se traduit par l’apparition d’arcs
de précipitation nets avec l’allergène en cause. Des réactions croisées peuvent exister avec plusieurs allergènes :
déjections de pigeon et sérum de pigeon, par exemple.
La présence de précipitines sériques à des taux élevés
n’affirme qu’un certain contact antigénique. Seule la
confrontation des éléments épidémiologiques, cliniques,
radiologiques et fonctionnels permet de les rattacher à
une infection évolutive.
De même, leur présence chez un sujet asymptomatique
n’exclut pas l’apparition ultérieure de la maladie.
La valeur diagnostique des précipitines a été réévaluée
dans une étude multicentrique internationale : 78 %
des patients atteints d’AAE présentaient une sérologie
positive, contre 31 % des sujets contrôles.
Des sérodiagnostics négatifs peuvent être compatibles
avec l’existence d’une pneumopathie immunoallergique, soit parce que le patient est soumis à une
corticothérapie qui réduit la production de ces précipitines, soit parce que l’allergène n’a pas été identifié. Il
est donc souvent indispensable d’utiliser un large éventail antigénique pour compléter la recherche. Dans certains cas, la réalisation d’antigènes personnalisés, issus
de l’environnement du malade, est nécessaire et peut
apporter la preuve sérologique qui faisait défaut avec
les antigènes standardisés.
Traitement
L’arrêt de l’exposition constitue le moyen thérapeutique
le plus efficace des alvéolites allergiques extrinsèques.
Aucun traitement de désensibilisation n’est envisageable.
Au stade aigu, la corticothérapie accélère la guérison,
mais n’évite pas les récidives.
☞
(
Aspergilloses
Dalphin JC, Reboux G.
Pneumopathies d’hypersensibilité en milieu professionnel.
EMC – Toxicologie-Pathologie professionnelle 2005 ; 16-535-G-10, 12 p.
Roussel S, Reboux G, Dalphin JC, Piarroux R.
Alvéolites allergiques extrinsèques et exposition aux moisissures.
Rev Fr Lab 2005 ; 373 : 51-60.