Une clientèle de plus en plus internationale sur Art Dubai

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Une clientèle de plus en plus internationale sur Art Dubai
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numéro 566 / mercredi 19 mars 2014 / www.lequotidiendelart.com / 2 euros
Une clientèle
de plus en plus
internationale
sur Art Dubai
l’exposition du jour
Grand Palais :
Rendre à Auguste
ce qui appartient à Auguste
Par Roxana Azimi
À quoi reconnaît-on
la maturité
Dubai ? À sa
THE ART
DAILY d’ArtNEWS
capacité à se dérober aux clichés. L’émirat n’aurait de goût
que pour le clinquant ? Allez sur le stand de la Galerie
Schleicher+Lange (Berlin), tout de rigueur et de camaïeu
gris. Rien de décoratif, rien de chamarré, rien de ce qui
est supposé amadouer le goût local. Pourtant, la galerie a
très bien tiré son épingle du jeu, en cédant d’emblée une
installation de Chris Cornish à un collectionneur turc
et une sculpture de Timo Nasseri. Des pièces bigrement
conceptuelles, comme le solo show de l’artiste d’origine
saoudienne Hajra Waheed montrée par Experimenter
(Calcutta), dont trois installations ont vite trouvé
preneur. Les Orientaux auraient les yeux rivés sur les
cotes des artistes, jonglant entre Artprice et Artnet ? Pas
tout le monde. Du moins pas le beau monde qui s’est
pressé au vernissage hier soir à Dubaï. « C’est la première
fois de ma vie que l’on ne me demande pas de prix et que l’on
m’interroge uniquement sur l’œuvre », s’étonne encore
Bernard Utudjian (Galerie Polaris, Paris), présent pour
la première fois avec un solo show de Bouchra Khalili.
Autre lieu commun, le Moyen-Orient ne serait intéressé
que par les artistes du cru. Pourtant, des galeries comme
Hussenot (Paris) ou Rodolphe Janssen (Bruxelles), qui
étaient venues les premières années, qui avec un appât
marocain (Mounir Fatmi), qui avec une amorce iranienne
(Farhad Moshiri), ont accroché cette année que les
artistes occidentaux de leur écurie. Insensé ? Pas du tout.
Rodolphe Janssen a cédé le premier jour une grande toile
de Gert & Uwe Tobias à un acheteur saoudien qui lui
avait acheté l’an dernier un collage des duettistes, ainsi
qu’une pièce de Sam Moyer à un amateur de Bahreïn.
« Les gens étaient contents que j’aie le même stand que celui
que je ferais à Frieze New York et que je ne vienne pas à Dubaï
pour jouer couleur locale », confie le galeriste bruxellois. Il
avait d’autant moins à se plier aux pseudo Suite PAGE 2
Lire PAGE 7
sommaire
ventes publiques_ page 8
Délassement royal
pour le Bouddha
*
architecture_ page 5
La tour Choukhov menacée
de disparaître à Moscou
actualité spécial dubaï
Une clientèle plus
internationale à Dubaï
le quotidien de l’art / numéro 566 / mercredi 19 mars 2014
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02
codes locaux que cette année la
fréquentation du salon est encore plus internationale
qu’avant, bien que l’édition ne coïncide pas avec la
Biennale de Sharjah. Le démarrage s’est d’ailleurs fait
sur les chapeaux de roue pour certains exposants, comme
Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles) qui a vendu en un
tournemain une sculpture de Joana Vasconcelos et une
photo de Valérie Belin.
La maturité se mesure aussi à la création de la
section moderne, où tout n’est pas renversant, mais qui
recèle de petites pépites. Qui se souvient de Baya, artiste
algérienne qui figure dans la collection d’art brut de
Lausanne et que la galerie Maeght a exposée en 1947
alors qu’elle était tout juste âgée de 16 ans ? Pas grand
monde. Aussi sommes-nous reconnaissants à El Marsa
(Tunis) de la présenter à Dubaï. Tout comme il est bon
de revoir à la galerie Shirin (Téhéran) la verve grinçante
du dessinateur satirique iranien Ardeshir Mohasses et
une vivacité que même la maladie de Parkinson n’a pu
entamer à la fin de sa vie. « On a tellement focalisé sur le
contemporain qu’on en a oublié le passé, les pères, insiste
Lilia Ben Salah, codirectrice d’El Marsa. C’est important
de voir d’où viennent les jeunes gens d’aujourd’hui. Ces
artistes que l’on voit ici étaient peut-être moins modernes
dans leur technique, mais intellectuellement, ils étaient
d’avant-garde. Ils se sont démarqués par une identité
singulière ». L’identité, et ses prolongements linguistiques
- traduction et translitération -, voilà ce qui traverse le
travail de nombre d’artistes présentés sur Art Dubai. Chez
Andrée Sfeir-Semler (Hambourg, Beyrouth), la Libanaise
Mounira Al Solh a retranscrit les phrases rapportées par
des réfugiés syriens et des ouvriers étrangers en Hollande.
De leur côté, Chatterjee & Lal et Chemould Prescott Road
Suite du texte de Une
Le Quotidien de l’Art
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© ADAGP Paris 2013 pour les œuvres des adhérents
-Visuel de Une : Vue de l’exposition « Moi, Auguste, Empereur de Rome... ». © D. R.
Vue de la section « Marker » sur Art Dubai 2014.
Photo : Roxana Azimi.
(Bombay) présentent les dernières œuvres de Rashid
Rana décomposant des tableaux de maîtres anciens. « En
étant artiste du tiers-monde, vous ne pouvez échapper à
l’idée d’identité, confie le créateur pakistanais. Je ne veux
pas me réduire à des paradigmes Est-Ouest trop simplistes.
Vous absorbez des choses aussi bien de votre environnement
immédiat, que de façon virtuelle, de vos lectures, de ce que
l’on vous a raconté. Je crois à un savoir collectif ». C’est
sans doute fort de cette croyance dans une créolisation
que Slavs and Tatars a conçu la section « Marker » dédiée
au Caucase et à l’Asie centrale. Une région vaste, diverse,
difficile d’ailleurs à unir tant les différences sont criantes,
véritable trou noir pour beaucoup de visiteurs qui peinent
à situer le Kirghizstan sur une carte. Dans ces deux
régions, le rapport à l’islam est aux antipodes. « La
meilleure réponse au conflit Islam-Occident, c’est de montrer
des endroits où pendant plusieurs siècles cette dialectique
n’existait pas », explique Slavs and Tatars. Ce secteur
permet de rompre avec d’autres préjugés. L’Asie centrale
serait isolée donc privée de toute modernité ou créativité ?
Il suffit de s’attarder les vidéos du duo kirghize Gulnara
Kasmalieva et Muratbek Djumaliev pour se convaincre
du contraire.
En huit ans, Art Dubai a réussi à exploser les clichés.
Toute la gageure pour la foire sera désormais de préserver
l’équilibre difficile entre galeries occidentales et enseignes
locales, garder cette si précieuse tonalité « glocale ». Il
lui faudra aussi tracer sa voie dans le grand carambolage
des foires qui se prépare pour 2015. Car tous les salons
bousculent le calendrier : Art Basel Hong Kong a changé
son agenda pour le mois de mars, entrant en collision
avec l’Armory Show (New York) et Art Dubai qui, ellemême, annoncera ses nouvelles dates à la fin de la foire.
Frieze New York se déplace de mai à avril, en s’attaquant
frontalement à la FIAC LA qui aura lieu simultanément
à Los Angeles. Le monde des foires est impitoyable… ❚
Art Dubai, du 19 au 22 mars, Madinat Jumeirah, Dubaï,
tél. +971 4 358 7121, http://artdubai.ae
foire spécial dubaï
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le quotidien de l’art / numéro 566 / mercredi 19 mars 2014
Art Dubai pas à pas
Par Roxana Azimi
Baya, Femme chevauchant une girafe, 1945, Galerie El Marsa (Tunis).
Photo : Roxana Azimi.
Œuvre d’Ardeshir Mohasses, Shirin Gallery (Téhéran).
Photo : Roxana Azimi.
Pièce de Reza Aramesh jugée inconvenante et dont une partie a été
masquée. Galerie Leila Heller (New York). Photo : Roxana Azimi.
Hajra Waheed, Sea Change. Galerie Experimenter (Calcutta).
Photo : Roxana Azimi.
Solo show de Bouchra Khalili sur le stand de la Galerie Polaris (Paris).
Photo : Roxana Azimi.
Wael Shawky, Marionnette, Cabaret Crusade II,
Galerie Sfeir-Semler (Hambourg/Beyrouth). Photo : Roxana Azimi.