sommaire - Amejjay

Transcription

sommaire - Amejjay
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 1
DOSSIER FMC
DYSTHYROÏDIES
Dosez la TSH
SOMMAIRE
!Dysthyroïdies : dosez la TSH
P.2
!Tsh augmentée
Ralentissement global
P.3
!Dysthyroïdies : dosez la TSH
P.2
!Iatrogène L’iode en cause
P.5
! Conduite à tenir Que faire devant
une TSH isolément abaissée ?
P.6
!TSH BASSE Hyperthyroïdie
et maladie de Basedow
P.8
D.R.
!Nodulaire Fruste ne veut pas dire
bénin
P.10
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
1
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 2
DOSSIER FMC
Dysthyroïdies:
dosez la TSH
D.R.
" Les dysfonctionnements thyroïdiens sont l’une des principales préoccupations diagnostiques
en médecine générale, car ils sont fréquents et peuvent avoir des répercussions masquées chez
les personnes âgées. Les formes monosymptomatiques et paucisymptomatiques, voire paradoxales,
des dysthyroïdies sont désormais aisément confirmées… à condition d’y penser. "Pour vous y aider,
ce dossier coordonné par le Pr Jean-Louis Schlienger*.
séméiologie des dysthyroïdies a dû être réécrite à la
lumière des performances
d’une biologie triomphante.
Les dosages suivants peuvent être
obtenus en routine : TSH ultrasensible (il n’y a plus que celle-là), fractions non liées, dites libres, de la
thyroxine et de la triiodothyronine
(T4L et T3L) et anticorps antithyroïdiens. Encore faut-il s’en servir
à bon escient.
Les recommandations de l’Anaes
constituent un guide précieux. Elles
n’ont pas pour objectif de se substituer au bon sens. Elles ne concernent pas la maladie de Basedow évidente ou le myxoedème caricatural.
Elles visent cette multitude de situations incertaines qui suscitent d’innombrables dosages d’hormones
thyroïdiennes imparfaitement soutenus par l’argumentaire clinique.
Quel que soit le type de dysthyroïdie, la TSH est l’examen de première intention. Lorsqu’elle est
anormale, il convient de la documenter par le dosage de la T4L.
Sauf exception, une TSH normale élimine la possibilité d’une dysthyroïdie.
Ce n’est qu’en cas de conviction clinique forte qu’il convient de poursuivre l’exploration par un dosage
de T4L. Idéalement, une fois le
dosage de la TSH effectué, le sérum
devrait être conservé au laboratoire
(au maximum sept jours) pour permettre les dosages en seconde
intention de T4L et T3L.
A
L
Hyperthyroïdies : TSH basse
[voir page 8]
! Dans l’hyperthyroïdie patente,
la TSH est effondrée et la T4L ou
la T3L est augmentée. En pra-
tique, le dosage de la T3L ne
devrait être effectué que lorsque
la T4L est normale. L’élévation
isolée de la T3L survient dans 5
à 10 % des hyperthyroïdies, particulièrement lorsqu’elles sont
dues à un adénome toxique. En
réalité, le dosage de la TSH seul,
qui assure l’approche diagnostique, ne suffit pas pour affirmer
l’hyperthyroïdie.
! Dans l’hyperthyroïdie fruste, la
TSH est isolément abaissée, la
T4L et la T3L étant normales.
Cela ne laisse préjuger ni des
répercussions cliniques (notamment cardiaques et osseuses) ni
de l’évolution. Ce type d’hyperthyroïdie est fréquent chez la
personne âgée porteuse d’un
goitre multinodulaire toxique.
Le diagnostic étiologique de l’hyperthyroïdie repose sur la détermination du taux des anticorps et sur
la pratique d’une scintigraphie.
! Les anticorps antithyroperoxydase (anti-TPO) confirment le
climat auto-immun. L’élévation
des anticorps antirécepteurs de
la TSH (souvent appelés TRAK)
confirme la maladie de Basedow
lorsque celle-ci ne s’impose pas
cliniquement.
! La scintigraphie précise le type
de fixation isotopique :
– nodulaire ou multiple, avec
extinction du reste du parenchyme, elle définit l’adénome
toxique ou le goitre multinodulaire toxique ;
– diffuse, elle est en faveur d’une
maladie de Basedow ;
– absente, elle suggère une hyperthyroïdie à l’iode.
L’augmentation de la CRP, associée à une hypofixation thyroï-
dienne, évoque une thyroïdite. La
thyrotoxicose factice est suspectée
devant une absence de fixation
associée à une thyroglobuline basse.
Le test à la TRH, utile à l’époque
où la TSH n’était pas suffisamment
sensible, n’a plus guère d’intérêt
qu’en cas de suspicion d’adénome
thyréotrope associant une TSH normale ou augmentée, non réactive à
la stimulation, à une élévation des
taux des hormones thyroïdiennes.
Hypothyroïdies : TSH élevée
[voir page 3]
! L’hypothyroïdie patente est
caractérisée par une élévation de
la TSH et une diminution de la
T4L. La TSH est l’examen de
référence. Un taux normal de
TSH élimine une hypothyroïdie
primaire. Le dosage de la T3L
n’apporte rien au diagnostic. En
effet, sa concentration est abaissée dans toutes les situations
comportant une inhibition de la
conversion extrathyroïdienne de
T4 en T3 : traumatisme, chirurgie, maladie générale, prise
d’amiodarone ou de propranolol, examens avec agents de
contraste iodés.
! L’hypothyroïdie fruste est définie par une élévation isolée et
modérée de la TSH. La coexistence d’une augmentation des
anti-TPO accrédite l’hypothèse
d’une hypothyroïdie fruste. Le
dosage des anticorps anti-TPO
précise le caractère auto-immun
de l’hypothyroïdie périphérique.
! Dans l’hypothyroïdie centrale,
isolée ou associée à une insuffisance hypophysaire, la TSH,
LEXIQUE
! CPK = Creatine
Phosphokinase
! CRP = C-Reactive Protein.
! HDL = High Density
Lipoproteins
! INR = International
Normalized Ratio
! LDL = Low Density
Lipoproteins
! TPO = Thyroperoxydase
! TRH = Thyrotropin Relasing
Hormone
! TSH = Thyroid Stimulating
Hormone
abaissée ou normale, est associée
à une T4L abaissée.
! Dans le rare syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes, l’élévation de la TSH
est associée à une élévation de
T4L, tout comme dans l’adénome à TSH. C’est donc le
couple TSH-T4L qui fournit la
clé diagnostique dans la grande
majorité des dysthyroïdies,
contribuant notamment au diagnostic différentiel entre les
formes centrales et périphériques. Les autres dosages sont
facultatifs et n’ont d’intérêt éventuel que pour préciser le diagnostic étiologique. ■
* Service de médecine interne et nutrition, CHU Strasbourg-Hautepierre, 67098
Strasbourg Cedex.
Référence générale
La thyroïde, sous la direction de J. Leclère,
J. Orgiazzi, B. Rousset, J.L. Schlienger et
J.L. Wémeau, 1 volume, deuxième édition, 2001, Elsevier.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
2
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 3
DOSSIER FMC
TSH AUGMENTÉE
Ralentissement global
"L’hypothyroÏdie caricaturale est rare. Cette affection, au demeurant fréquente, avance souvent
Elle a 78 ans et son état de
santé décline (perte de l’appétit, tendance dépressive avec
désintérêt progressif), mais ne
perd pas de poids, bien au
contraire. Son médecin, qui ne
l’a pas vue depuis des lustres
(son passé médical se limite à
un traitement par iode 131 il y
a cinq ans pour un goitre
toxique), est surpris par sa
pâleur et son aspect bouffi,
avec un faciès de bouddha
cireux. D’une voix rauque, elle
se plaint d’avoir toujours
froid, d’être constipée et de
ressentir de pénibles et fréquentes crampes des membres
inférieurs. Son entourage
familial avait attribué ces
symptômes à l’âge.
Le premier bilan est le bon et
confirme l’impression clinique : TSH à 120 U/l et T4L à
2 pg/ml (normale entre 9,5
à 18).
A prédominance du sexe
féminin dans l’hypothyroïdie
est marquée (l’incidence
annuelle est de l’ordre de 3 ‰
chez la femme et de 0,5 ‰ chez
l’homme). L’incidence croît avec
l’âge pour atteindre 14 ‰ par an
après 75 ans. L’hypothyroïdie comporte une séméiologie riche dont
l’expression dépend beaucoup de
la sévérité et de l’ancienneté. Le
syndrome hypométabolique de l’hypothyroïdie rend compte d’un
ralentissement global des principales fonctions de l’organisme.
Asthénie, frilosité, gain pondéral constant et anorexie en sont les
principaux éléments. Le ralentissement de la contractilité et l’hypotonie favorisent la constipation
et les manifestations dyspeptiques.
Les signes cutanéo-muqueux,
tardifs, contribuent à la reconnaissance de la maladie : sécheresse,
pâleur et froideur de la peau, pigmentation jaune orangé palmoplantaire, érythrocyanose localisée
aux lèvres et aux pommettes,
L
BURGER /PHANIE
masquée. Lors de son installation, elle se pare de signes discrets, volontiers trompeurs, voire paradoxaux,
à tel point que certains ont proposé un dépistage systématique, que les données épidémiologiques ne
justifient cependant pas. "Le diagnostic en est d’autant plus intéressant que le traitement
est simple, performant et peu coûteux. PAR LE PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
D’une voix rauque, elle se plaint d’avoir toujours froid.
contrastant avec la pâleur et l’infiltration cireuse, ferme quoique
pseudo-œdémateuse, siégeant au
niveau du visage, sur les paupières
et boudinant les doigts, sont
autant de signes d’appel. Ce
myxœdème, terme utilisé improprement pour désigner l’hypothyroïdie, ne prend pas le godet. L’infiltration concerne aussi les
muqueuses : macroglossie, raucité
de la voix, nasonnement, ronflement avec, parfois, apnées du
sommeil. Les phanères sont altérés : cheveux secs et cassants, raréfaction des sourcils (le fameux et
si peu spécifique signe de la queue
du sourcil) et de la pilosité
pubienne et axillaire, ongles cassants, striés et amincis.
Les manifestations cardio-vasculaires, quasi constantes, sont
LE CAS PARTICULIER DE
L’HYPOTHYROÏDIE CENTRALE
Représentant moins de 1 % des hypothyroïdies, l’hypothyroïdie centrale est habituellement associée à une insuffisance
hypophysaire plurihormonale. Chez l’adulte, elle est presque toujours d’origine lésionnelle. Les signes cliniques sont plus modérés
que dans l’hypothyroïdie primaire. Il n’y a ni goitre ni infiltration
myxœdémateuse. La fatigue physique et psychique, la frilosité et la
dépilation dominent le tableau.
Le profil hormonal se singularise par un taux de TSH normal ou
abaissé, avec une T4L abaissée. Ici, le test à la TRH a un intérêt
théorique pour distinguer l’insuffisance hypophysaire de l’insuffisance hypothalamique au cours de laquelle la réponse est conservée
sur un mode décalé. L’hyponatrémie est plus fréquente et plus
sévère. Son traitement repose également sur l’administration de
lévothyroxine, mais l’objectif est de corriger la T4L plasmatique. La
surveillance ne doit d’ailleurs se fonder que sur le taux de T4L, le
dosage de TSH n’étant d’aucun intérêt, une fois le diagnostic établi.
longtemps occultes, allant de la
bradycardie — qui procède de
l’hypométabolisme — à l’insuffisance cardiaque, associée ou non à
une cardiomégalie, due à une infiltration myxœdémateuse du cœur.
De plus l’hypothyroïdie favorise
l’athéromatose : il existe une coronaropathie longtemps silencieuse
qui se révèle volontiers lors du
traitement, du fait de l’augmentation du travail myocardique.
Le syndrome neuro-musculaire
est fréquent. Myalgies, crampes
musculaires, sensation d’enraidissement prédominant aux racines
et déficit rhizomélique (le signe du
tabouret), allongement du temps
de décontraction des réflexes
ostéo-tendineux (à l’origine du
désuet réflexogramme achilléen),
compressions canalaires avec
paresthésies sont des signes d’appel trop méconnus. Mentionnons
encore l’hypoacousie réversible ou
l’exceptionnel coma myxœdémateux.
L’appareil ostéo-articulaire
peut également être concerné : tendinites d’insertion, douleur des
grosses articulations avec épanchement articulaire visqueux,
pseudoarthrite aiguë et pseudocrise de goutte avec ou sans chondrocalcinose.
Les répercussions endocriniennes sont surtout nettes chez la
femme jeune : anovulation, spanioménorrhée ou aménorrhée avec
même, parfois, une galactorrhée
due à une hyperstimulation des
cellules lactotropes par la « défreination » de la TRH à l’origine
d’une hyperprolactinémie. L’infertilité est fréquente. Chez l’homme,
ce sont les troubles de la libido qui
dominent. L’hypométabolisme
sévère peut s’accompagner d’une
insuffisance surrénalienne fonctionnelle, réversible lors du traitement, à ne pas confondre avec
l’insuffisance surrénalienne autoimmune associée à une hypothyroïdie auto-immune dans le syndrome de Schmidt.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
3
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 4
DOSSIER FMC
Diverses anomalies biologiques
non spécifiques escortent l’hypothyroïdie. La classique hypercholestérolémie avec augmentation
des LDL (sans diminution des
HDL mais athérogène) est parfois à
l’origine de la découverte de l’hypothyroïdie. L’hyponatrémie de
dilution est rarement sévère dans
les formes communes. L’hyperuricémie est commune. Une anémie
de type varié, hypochrome, normochrome ou macrocytaire, rappelle l’impact pluriel des hormones
thyroïdiennes.
L’hyperprolactinémie n’est pas
exceptionnelle chez la femme
jeune. L’augmentation des CPK
témoigne de la fréquence de l’atteinte musculaire.
L’élévation de la TSH
est quasi pathognomonique
Le diagnostic positif de l’hypothyroïdie est aisé. Il se fonde sur la
TSH dont l’élévation est quasi
pathognomonique et renseigne sur
la sévérité de l’hypothyroïdie.
Toutefois, une élévation modérée
et isolée (il est toujours sage d’associer un dosage de T4L) doit faire
envisager une hypothèse iatrogène
(antagoniste dopaminergique de
type métoclopramide et neuroleptiques, ou antagonistes des récepteurs alpha-2-hypophysaires de
type clonidine) ou une interaction
avec des anticorps anti-TSH ou
antihétérophiles.
De principe, il convient d’envisager une sécrétion inappropriée
de TSH par un improbable adénome thyréotrope ou une résistance généralisée aux hormones
thyroïdiennes.
Le test de stimulation par la
TRH n’a plus de place dans l’exploration standard d’une hypothyroïdie périphérique.
Le plus souvent auto-immunes
L’auto-immunité est responsable de la majorité des hypothyroïdies acquises spontanées.
Divers antigènes servent de cibles
aux anticorps. Les anticorps
antithyroperoxydases entraînent
une inhibition de l’organification
de l’iode. Les anticorps antithyroglobulines ont un rôle pathogène
mal élucidé. La présence d’anticorps antirécepteurs de la TSH,
rarement impliqués dans les hypothyroïdies, explique quelques
formes cliniques déroutantes où
une maladie de Basedow évolue
par phases successives d’hyperthyroïdie et d’hypothyroïdie.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique de Hashimoto touche la
femme d’âge moyen. Elle comporte un goitre diffus, indolore,
non compressif, d’échostructure
hétérogène. Elle est presque toujours marquée par un titre d’antiTPO très élevé.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique s’installe insidieusement chez la femme après la
ménopause. Elle aboutit à une
atrophie thyroïdienne. Les antiTPO sont élevés de façon plus
inconstante.
La thyroïdite lymphocytaire
des adolescents se caractérise par
l’apparition, à la période pubertaire, d’un goitre, d’une hypothyroïdie fruste qui n’est définitive
que dans un tiers des cas.
La thyroïdite du post-partum
survient au décours de l’accouchement, parfois après une brève
phase d’hyperthyroïdie, chez des
femmes ayant un titre élevé d’antiTPO tout au long de la grossesse.
L’hypothyroïdie est spontanément
régressive après quelques mois et
ne persiste que chez moins de
20 % des jeunes mères. Elle est
parfois confondue avec le « baby
blues ». Le risque de récidive lors
des grossesses ultérieures est de
l’ordre de 30 %.
Fréquemment iatrogènes
Les hypothyroïdes iatrogènes
sont fréquentes. Elles peuvent être
induites par l’iode contenu dans
des médicaments (l’amiodarone
en est l’exemple type) ou apporté
lors d’examens radiologiques avec
agent de contraste (le scanner
« injecté » est un gros pourvoyeur
d’iode). L’hypothyroïdie est due à
une autorégulation défaillante,
avec blocage persistant de l’organification de l’iode. L’arrêt de l’apport en iode suffit souvent à corriger l’hypothyroïdie dans un délai
variable. Néanmoins, en cas de
nécessité, il est possible de corriger l’hypothyroïdie sans interrompre l’agent causal.
D’autres médicaments sont susceptibles de provoquer une hypothyroïdie. Les antithyroïdiens de
synthèse, bien sûr, mais aussi le
carbonate de lithium utilisé dans
le traitement de la psychose
maniaco-dépressive ou les cytokines utilisées lors du traitement
des hépatites virales B ou C. Dans
ce dernier cas, l’hypothyroïdie
correspond à l’exacerbation d’une
thyroïdite auto-immune latente
par l’interféron. Il est de règle de
dépister périodiquement la dysthyroïdie chez les patients traités
DISCORDANCES HORMONALES :
IL N’Y A PAS
QUE LES DYSTHYROÏDIES
FRUSTES
Irremplaçable, le dosage hormonal est un point essentiel de la stratégie diagnostique et décisionnelle. Il n’empêche que
le clinicien peut se trouver confronté à des résultats étonnants. La
confrontation du dosage de la TSH avec ceux des hormones thyroïdiennes et avec le statut clinique du patient met la puce à l’oreille.
En cas de discordance, il est souhaitable de refaire le dosage de
TSH à l’aide d’une trousse de dosage différente afin d’écarter certaines interférences liées à la présence d’anticorps inhabituels. Il
en est de même pour la T4L, dont le dosage peut être perturbé par
la présence d’anticorps anti-T4 ou anti-T3 ou par une anomalie des
protéines de transport. Ainsi, la dysalbuminémie familiale est associée à une hyperthyroxinémie euthyroïdienne en raison de l’affinité
accrue de l’albumine pour la T4.
La discordance entre une TSH perturbée et des hormones thyroïdiennes normales, ou vice et versa, doit faire considérer, outre
les dysthyroïdies frustes, les effets des médicaments ou des pathologies associées. Les maladies graves aiguës ou chroniques, la
dénutrition, déterminent les dyshormonémies des affections non
thyroïdiennes caractérisées par une T3L effondrée, parfois une T4L
basse et une TSH basse réversibles avec l’amélioration clinique.
par ces médicaments. La détermination de la TSH suffit.
L’hypothyroïdie qu’elle soit
induite par l’iode ou par les médicaments est habituellement rapidement réversible après arrêt de
l’agent causal.
L’hypothyroïdie radique est
par trop méconnue. Toute irradiation cervicale antérieure externe
peut être à l’origine d’une hypothyroïdie dans les mois ou années
qui suivent. Ainsi, à dix ans, on
note une hypothyroïdie fruste ou
patente chez 25 % des patients
irradiés pour lymphome hodgkinien. Le traitement par iode 131
d’une hyperthyroïdie détermine
une hypothyroïdie souvent tardive, mais définitive, chez un
grand nombre de patients, d’autant plus que l’hyperthyroïdie
était diffuse.
La chirurgie thyroïdienne occasionne une hypothyroïdie, voulue
ou non. L’hypothyroïdie survient
immédiatement ou durant les
deux ans qui suivent, selon la
nature du geste. La carence iodée
majore le risque.
Traitement : préférer
la lévothyroxine sodique
Le traitement est simple, performant et peu coûteux. Il suffit de
normaliser la TSH (entre 0,5 et
2 mu/ml) en administrant la dose
adéquate de lévothyroxine
sodique de préférence à toute
autre hormone thyroïdienne. Cette
forme a tout pour elle :
— forme lévogyre active de la
thyroxine ;
— demi-vie longue (une semaine) ;
— absorption satisfaisante à
jeun ;
— présentation commode de
25 µg à 200 µg par comprimé (les
besoins sont estimés à 0,4 microgramme par kilo et par jour chez
l’adulte). L’utilisation de la triiodothyroxine, préférable d’un point
de vue théorique puisqu’il s’agit
de l’hormone se liant au récepteur,
est difficile et nécessite trois prises
par jour. Le mélange de T4 et de
T3, destiné à mimer la thyroïde
(qui sécrète simultanément T4 et
T3 dans une proportion de 80 et
20 %), se révèle de maniement difficile et ne doit pas être privilégié
car il expose au risque de surdosage intermittent en T3.
Attention
au risque coronarien !
La mise en route du traitement
peut être rapide, avec prescription
d’une dose proche d’emblée de la
dose substitutive chez des sujets
jeunes (75 à 100 µg chez la femme,
100 à 150 µg chez l’homme), ayant
une hypothyroïdie récente (postchirurgicale) et n’ayant aucun
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
4
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 5
DOSSIER FMC
risque d’insuffisance coronarienne. En revanche, chez les personnes âgées, a fortiori chez les
coronariens connus, la mise en
route du traitement doit être précautionneuse et progressive (de
6,25, 12,5 ou 25 µg par paliers de
quinze jours ou plus). Par principe, il convient de ne pas « res-
IATROGÈNE
pecter » l’hypothyroïdie dans les
situations à risque coronarien,
mais de la traiter avec doigté. Tout
au plus peut-on attendre le bénéfice d’une chirurgie de revascularisation ou d’une angioplastie avant
de normaliser la TSH. Un traitement adjuvant par bêtabloquants
minimise le risque coronarien.
En cas d’hypothyroïdie fruste,
définie par une TSH modérément
et isolément augmentée, l’intérêt
d’un traitement visant à corriger la
TSH est encore l’objet d’un débat,
bien que les preuves indirectes et
épidémiologiques de l’intérêt du
traitement s’accumulent. La présence d’anticorps anti-TPO est
considérée comme un argument
supplémentaire de traitement.
La surveillance du traitement
repose sur le dosage de la TSH
tous les six mois, autant pour
adapter la dose de lévothyroxine
sodique que pour vérifier l’observance. ■
L’iode en cause
"L’iode administré en excès, principalement sous forme médicamenteuse ou d’agent iodé, peut être
à l’origine, chez des sujets prédisposés, soit d’une hyperthyroïdie, soit d’une hypothyroïdie.
PAR LE PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
Aspect
scintigraphique
caractéristique
d’un adénome
toxique.
induite par
l’iode est fréquente dans nos
régions caractérisées par une
subcarence iodée. Elle survient surtout lorsqu’il existe une pathologie
thyroïdienne sous-jacente, connue
ou non. La surcharge iodée massive
induite, par exemple, par l’amiodarone (75 mg d’iode par comprimé) est à l’origine d’une hyperthyroïdie assez fréquente en cas de
goitre multinodulaire. À la stimulation de la synthèse hormonale
s’ajouterait un effet propre, à l’origine d’une sorte de thyroïdite. En
fait, c’est devant toute hyperthyroïdie ne s’accompagnant pas d’une
hyperfixation à la scintigraphie qu’il
faut se faire « chercheur d’iode ».
Une détermination de l’iodurie ou
de l’iodémie peut être nécessaire
pour faire la preuve d’une surcharge
iodée lorsque l’interrogatoire ne
lève pas le doute.
Les diagnostics cliniques et biologiques ne présentent pas de particularité en l’absence de prise
HYPERTHYROÏDIE
L’
d’amiodarone.
En fait, les effets
bêtabloquantslike de l’amiodarone peuvent
masquer longtemps les signes
d’appels de la
thyrotoxicose
dont la reconnaissance n’est
faite qu’à un stade avancé de la
maladie : troubles du comportement, amaigrissement massif et
surtout récidive des troubles du
rythme. La preuve est apportée
par l’effondrement de la TSH et
l’augmentation de la T4L. Encore
faut-il avoir à l’esprit qu’une élévation modérée de la T4L peut être
la conséquence d’une modification du métabolisme hormonal dû
à l’amiodarone indépendamment
de toute hyperthyroïdie. Pour la
même raison, l’élévation de la T3L
est souvent tardive et différée par
rapport à l’hyperthyroïdie.
Le traitement des formes
modérées repose sur la suppression de la cause de la surcharge.
Les antithyroïdiens de synthèse
sont peu efficaces. Dans les
formes plus sévères, il est nécessaire de recourir à des traitements
moins conventionnels : perchlorate de potassium, corticothérapie, voire plasmaphérèse ou thyroïdectomie.
induite par
l’iode est moins fréquente et
réversible à l’arrêt de la surcharge iodée ou après administration de perchlorate de potassium
qui assure une « vidange iodée » du
parenchyme thyroïdien. Elle est la
conséquence d’un blocage de la
synthèse hormonale et de la poursuite du captage iodé, ce qui
entraîne une accumulation iodée
intrathyroïdienne et explique que
la scintigraphie (qu’il ne faut pas
faire) n’est pas blanche. Si le traitement iodé ne peut être interrompu, il suffit de corriger l’hypoHYPOTHYROÏDIE
L’
thyroïdie par une substitution hormonale.
En conclusion, hyperthyroïdie
ou hypothyroïdie peuvent être
induites par une surcharge iodée
aiguë ou chronique. Dans ce dernier cas, dont l’exemple type est
la surcharge en amiodarone, il est
légitime d’instaurer une surveillance systématique de la fonction thyroïdienne avant traitement, puis un mois, puis tous les
six mois après traitement. Un
contrôle de la TSH est souhaitable
chaque fois qu’apparaissent de
nouveaux symptômes. ■
SCINTIGRAPHIE :
SI TSH BASSE
La scintigraphie apprécie le captage et la répartition d’un isotope
radioactif de l’iode ou du technétium dans la thyroïde. Il s’agit d’un
examen fournissant des indications morphologiques et fonctionnelles.
Le versant morphologique est aujourd’hui relégué par les performances
de l’échographie ; la séméiologie des « nodules froids » est obsolète.
Seule demeure intéressante la mise en évidence d’une hyperfixation
témoignant d’un hyperfonctionnement diffus ou nodulaire de la thyroïde. Cet examen reste indispensable dans le cadre de l’hyperthyroïdie, car il contribue au diagnostic étiologique et participe parfois aux
choix thérapeutiques. En pratique, il ne devrait être effectué qu’en cas
de TSH basse.
Dans l’hyperthyroïdie, la scintigraphie peut orienter vers :
– une maladie de Basedow : hyperfixation diffuse ;
– un adénome toxique : plage hyperfixante extinctive ;
– un goitre multinodulaire toxique : plusieurs plages hyperfixantes
extinctives ;
– une hyperthyroïdie induite par l’iode (pas de fixation) ;
– une thyroïdite subaiguë (pas de fixation) ;
– une hyperthyroïdie factice (pas de fixation).
C’est dire que la scintigraphie thyroïdienne n’est ni nécessaire ni
souhaitable en cas d’hypothyroïdie, de goitre simple ou de goitre uninodulaire ou multinodulaire à TSH normale. Par ailleurs, en l’absence
de procédures thérapeutiques spécifiques (cancer, traitement par iode
radioactif), il n’y a pas d’indication pour une seconde scintigraphie.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
5
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 6
DOSSIER FMC
Que faire devant
une TSH isolément abaissée ?
CONDUITE À TENIR
"La coexistence d’une TSH basse et de concentrations normales de T4L et T3L est une situation
très fréquente posant de délicats problèmes diagnostiques et thérapeutiques. PAR LE PR BERNARD GOICHOT*
E simple rappel de l’organisation de l’axe thyréotrope permet de comprendre qu’il existe
deux grandes catégories de
causes de diminution isolée de la
TSH:
— les causes extra-thyroïdiennes, notamment celles qui agissent
sur le stimulus physiologique de la
thyroïde, la TSH,comme l’insuffisance hypothalamo-hypophysaire,
affections non thyroïdiennes graves,
la prise de certains médicaments
(hormones thyroïdiennes, glucocorticoïdes, dopamine, etc.)
— les causes thyroïdiennes,
un excès de sécrétion d’hormones
thyroïdiennes se traduisant par
une inhibition de la sécrétion de
TSH, en raison du rétrocontrôle
inhibiteur exercé physiologiquement par les hormones thyroïdiennes : par autonomisation
(adénome toxique, goitre multinodulaire), stimulation thyroïdienne (indépendante de la TSH,
maladie de Basedow, grossesse),
ou destruction thyroïdienne (thyroïdite subaiguë ou silencieuse,
thyroïdite du post-partum, de
Hashimoto).
L’hypophyse est particulièrement sensible aux variations des
concentrations des hormones
thyroïdiennes, avec une relation
logarithmique inverse entre hormonémie thyroïdienne et TSH :
une variation donnée de la T4L se
traduit par une variation multipliée par dix de la TSH. La diminution de la TSH est donc le signe
le plus précis et le plus sensible de
l’hyperthyroïdie.
—
en cas
d’hyperthyroïdie
fruste, y a-t-il un
bénéfice à traiter
précocement certains patients ?
L
Que sont les hyperthyroïdies
frustes ?
Différents termes ont été proposés pour désigner la coexistence
d’une TSH abaissée avec des hormones thyroïdiennes normales :
hyperthyroïdie fruste, hyperthyroïdie infraclinique ou hyperthyroïdie occulte. Ces dénominations
sous-entendent deux postulats, à
vrai dire discutables :
Diminution de la
TSH thyroïdienne
ou non ?
PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
! Les
causes
extra-thyroïdiennes
de baisse de la TSH
sont généralement
facilement évoquées
par le contexte, l’interrogatoire et l’examen clinique. Les
maladies extra-thyroïdiennes s’accompagnent souvent de
perturbations de
l’hormonémie thyroïdienne, en particulier de la T3
(« syndrome de
basse T3 ») et, dans
des formes plus
sévères, de la T4.
Seules des maladies
graves, menaçant le
pronostic vital, s’accompagnent d’une diminution
du taux de la TSH. Un contrôle
à distance de la phase aiguë
permet de vérifier sa normalisation.
Cette atteinte hypothalamohypophysaire doit être envisagée notamment lorsqu’il existe
une discordance avec la clinique : tableau évoquant plutôt
une hypothyroïdie, signes
éventuels d’atteinte hypophysaire (syndrome tumoral et/ou
endocrinien associé), voire panhypopituitarisme.
La grossesse est une situation
particulière où l’interprétation
d’une diminution de la TSH
(physiologique au premier trimestre) peut être délicate.
Enfin, la TSH peut rester longtemps inhibée après le traitement d’une hyperthyroïdie,
Aspect scintigraphique de goitre multinodulaire à la phase prétoxique
(TSH isolément abaissée).
— il existe un excès d’hormones thyroïdiennes au niveau des
tissus périphériques : ce postulat,
si l’on excepte les causes extrathyroïdiennes de diminution de la
TSH, est vrai au niveau hypophysaire ; il est, en revanche, difficile
à démontrer dans les autres tissus
en l’absence de marqueurs tissulaires sensibles et spécifiques de
l’action des hormones thyroïdiennes ;
— cet excès n’a pas d’expression clinique, même à long terme :
ce postulat est, quant à lui, clairement inexact, car il existe actuellement plusieurs arguments pour
affirmer que ces situations s’accompagnent de complications cardiaques et osseuses à long terme.
Pour ces raisons, et compte
tenu du caractère peu spécifique
de la sémiologie des dysfonction-
nements thyroïdiens, le terme
d’hyperthyroïdie fruste semble
préférable.
Devant une diminution isolée
de la TSH, quatre questions se
posent :
— cette diminution est-elle
réellement isolée ? (il faut en effet
impérativement vérifier la normalité des deux hormones sécrétées
par la thyroïde, la T4 et la T3, car
il peut exister de véritables hyperthyroïdies à T3 avec une T4 normale) ;
— cette diminution est-elle
d’origine thyroïdienne ou extrathyroïdienne ?
— en l’absence de cause extrathyroïdienne évidente, quels sont
les critères qui doivent inciter à
explorer les patients et avec quels
examens ?
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
6
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 7
DOSSIER FMC
notamment d’une maladie de
Basedow, malgré le retour à
l’euthyroïdie clinique et la normalisation de la T4L et de la
T3L. Cette inhibition persistante doit être connue afin de
ne pas modifier de façon inappropriée l’attitude thérapeutique.
! Les causes thyroïdiennes de
TSH abaissée ne diffèrent pas
des causes d’hyperthyroïdie
avérée. Le problème est plus
souvent soulevé chez le sujet
âgé, la fréquence des dysthyroïdies augmentant avec l’âge,
comme les risques de l’hyperthyroïdie, ce qui explique la
prédominance étiologique des
goitres multinodulaires et des
adénomes toxiques.
Sur quels critères explorer ?
La décision d’explorer une
diminution isolée du taux de TSH
doit prendre en compte deux
notions :
— la performance du dosage
utilisé et l’importance de la diminution de la TSH ;
— le devenir, dans les études
épidémiologiques, des patients
ayant une TSH isolément abaissée.
Les méthodes de dosage de la
TSH ont beaucoup évolué depuis
vingt ans. La quasi-totalité des
méthodes actuellement utilisées
permettent une précision de deux
chiffres après la virgule, ce qui
autorise à distinguer des valeurs
de TSH effondrées (le plus souvent inférieures à 0,05 µU/l, traduisant une inhibition complète
de la sécrétion hypophysaire), des
valeurs plus modérément abaissées dont la signification est moins
univoque. Cette distinction repose
sur des études épidémiologiques
qui, même si elles utilisent des
dosages moins performants, ont
montré que la quasi-totalité des
patients ayant une TSH inférieure
à 0,05 µU/l gardaient cette valeur
abaissée après un an de surveillance, alors que les trois quarts
des patients ayant une TSH modérément abaissée normalisaient
cette valeur spontanément après
un an. Il ne paraît donc pas illogique de prendre en compte l’importance de la diminution de la
TSH dans le raisonnement diagnostique.
La prévalence des TSH abaissées dépend de la population étudiée (âge, origine géographique,
mode de recrutement) et du seuil
inférieur de normalité retenu. Elle
oscille généralement entre 3 et
6 %. Les études de suivi de sujets
ayant une diminution isolée de la
TSH donnent des résultats très
variables : évolution vers une
hyperthyroïdie avérée ou persistance d’une diminution isolée de
la TSH dans des proportions allant
de 0 à 50 %. Dans l’ensemble de
ces études toutefois, la TSH se
normalise spontanément après un
délai variable, au moins une fois
sur deux. Les causes de ces diminutions transitoires de la TSH ne
peuvent être identifiées dans de
telles études épidémiologiques. Ce
constat incite cependant à une certaine prudence dans la démarche
diagnostique et thérapeutique
d’une TSH isolément abaissée.
Répercussions
cardiaques et osseuses
La question longtemps débattue
des éventuelles conséquences à
long terme de l’hyperthyroïdie
fruste a reçu, en 1994, une réponse
claire. Dans l’étude de Framin-
PRUDENCE DANS LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
ET THÉRAPEUTIQUE D’UNE TSH ISOLÉMENT ABAISSÉE.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
gham, Sawin a démontré que 32 %
des sujets ayant une TSH isolément abaissée développent dans
les dix ans une arythmie complète
par fibrillation auriculaire, contre
8 % des sujets ayant une TSH normale. Une TSH abaissée est donc
un facteur de risque incontestable
de développer une arythmie complète. Une étude récente a montré
qu’une TSH abaissée était un facteur de risque de mortalité d’origine cardio-vasculaire. D’autres
travaux ont apporté des arguments
sur les conséquences néfastes de
l’hyperthyroïdie fruste au niveau
osseux, tout au moins chez la
femme après la ménopause.
Le bénéfice d’un traitement précoce des hyperthyroïdies frustes n’a
cependant pas encore été démontré.
Une extrapolation à partir de
l’étude de Sawin a permis d’évaluer
à 4,2 le nombre des personnes
ayant une TSH abaissée à traiter
pour éviter l’apparition d’une
arythmie complète par fibrillation
auriculaire dans les dix ans. Ce calcul n’est valable que si le traitement
de l’hyperthyroïdie fruste est efficace à 100 % et ne s’accompagne
d’aucun effet secondaire. La décision de traiter une hyperthyroïdie
fruste doit donc actuellement s’appuyer sur deux éléments:
— l’évaluation du risque
d’évolution vers une hyperthyroïdie avérée ;
— l’évaluation des risques de
l’hyperthyroïdie pour un patient
donné.
Malgré l’absence de preuve
scientifique, beaucoup d’auteurs
proposent de traiter précocement
les sujets à risque : patients âgés,
cardiaques, femmes en postménopause ayant des facteurs de risque
d’ostéoporose.
T4L, T3L, scintigraphie…
La surveillance biologique
d’un patient dont la TSH est
abaissée comprend obligatoirement les dosages de T4L et T3L.
Le dosage des anticorps antithyroïdiens ou antirécepteurs de la
TSH ne doit être envisagé que
lorsque le contexte clinique est
évocateur. Le test à la TRH a
beaucoup perdu de son intérêt
dans cette indication (ses résultats, dans la mesure où ils sont
bien corrélés avec ceux du
dosage de la TSH ultrasensible
n’apportent pas d’information
supplémentaire). La mesure de
certains indices biologiques d’activité des hormones thyroïdiennes (cholestérol, ostéocalcine…) n’a pas d’indication en
pratique courante, car ces
indices manquent de sensibilité
et de spécificité.
La scintigraphie thyroïdienne
est l’examen le plus logique à
proposer dans cette situation, car
elle visualise l’autonomisation
partielle (adénome toxique,
goitre multinodulaire) ou complète de la glande. Elle permet
également, lorsqu’elle est
blanche, d’évoquer certains diagnostics différentiels (hyperthyroïdie à l’iode, thyroïdite, thyrotoxicose factice).
L’appréciation du terrain et du
risque d’évolution vers une
hyperthyroïdie avérée détermine
l’attitude thérapeutique. Un sujet
porteur d’une cardiopathie
ischémique sévère, d’une cardiopathie d’autre origine mal compensée, une femme ménopausée
ostéoporotique bénéficieront
d’un traitement radical précoce,
même au prix d’une hypothyroïdie séquellaire. L’attitude sera
plus difficile à adopter dans les
autres situations en l’absence
d’étude
contrôlée
[voir
schéma]. ■
* Service de médecine interne et nutrition, CHU Strasbourg-Hautepierre,
67098 Strasbourg Cedex.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
7
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 8
DOSSIER FMC
Hyperthyroïdie
et maladie de Basedow
TSH BASSE
"La maladie de Basedow est fréquente (2 % des femmes en souffrent à un moment de leur vie) et
Une femme de 34 ans, mère de
deux enfants, consulte pour
nervosité, perte de poids de
six kilos en un mois et gêne
oculaire. Ses antécédents se
résument à un tabagisme.
L’examen clinique montre un
pouls à 110 par minute, un
tremblement fin des extrémités. Les mains sont moites. La
palpation cervicale décèle
une thyroïde de petite taille.
Le regard est brillant, les paupières supérieures sont rétractées et on constate une exophtalmie ; l’œil droit ne peut
regarder vers le haut, ce qui
entraîne une diplopie intermittente. S’y associe un larmoiement modéré.
Le bilan hépatique ne montre
qu’une cytolyse modérée
(TGO à trois fois la normale,
TGP à deux fois la normale
sans cholestase). La TSH est
effondrée (inférieure à 0,001
µU/ml), la T4L augmentée à 38
pg/ml (normale inférieure à 18
pg/ml) et la T3L à 8,2 pg/ml
(pour une normale inférieure
à 4,6 pg/ml). La recherche
d’anticorps antirécepteurs de
la TSH (TRAK) est positive à
4,5 U/l (normale au-dessous de
2 U/l), comme celle des anticorps antithyroperoxydase
(TPO) à 800 UI/l (normale à
moins de 60 UI/l).
Il s’agit d’une hyperthyroïdie
franche et symptomatique en
rapport avec une maladie de
Basedow, compliquée d’une
ophtalmopathie
basedowienne. Il n’existe pas de critère de gravité général, ni cardiaque ni psychiatrique.
PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
représente l’étiologie prédominante de l’hyperthyroïdie de la femme jeune, puisque l’âge moyen de
survenue est de 40 ans et que le sex-ratio est de dix femmes pour un homme. Patente ou fruste,
l’hyperthyroïdie est confirmée par la constatation d’un taux de TSH bas . Une guérison définitive peut être
obtenue dans 50 % des cas grâce au traitement médical. PAR LE DR FABIENNE GRUNENBERGER*
L’œdème palpébral est la manifestation la plus commune
de l’ophtalmopathie basedowienne.
A maladie de Basedow est une
pathologie auto-immune d’organe survenant sur un terrain
génétiquement prédisposé.
Elle est caractérisée par la production d’autoanticorps stimulant la
fonction thyroïdienne — les anticorps antirécepteurs de la TSH
(TRAK) — selon un mécanisme qui
reste mal compris. Ces autoanticorps, associés à des cytokines d’action locale, sont responsables de
modifications
fonctionnelles
(hyperthyroïdie), mais aussi anatomiques (goitre vasculaire le plus
souvent, exophtalmie parfois, par
infiltration lymphocytaire des
muscles oculomoteurs et de la
graisse orbitaire, myxœdème prétibial exceptionnellement). Des facteurs extérieurs, tels une infection
(virale), un apport iodé excessif ou
un stress, pourraient contribuer au
déclenchement de la maladie de
Basedow, d’ailleurs plus fréquente
chez le fumeur. Le tabagisme majore
L
fortement le risque d’ophtalmopathie chez ces patients, qu’il multiplie par 7,7.
Thyrotoxicose
Les manifestations cliniques
classiques de la maladie de Basedow sont celles de la thyrotoxicose : tachycardie, amaigrissement
avec appétit conservé, thermophobie, nervosité et tremblement. Le
goitre diffus et soufflant peut être
absent. Les signes cardio-vasculaires sont présents chez près de
95 % des patients ; les diarrhées
sont plus rares.
Les critères cliniques de gravité
doivent être systématiquement
recherchés :
— cardiothyréose : troubles du
rythme (dont l’arythmie complète
par fibrillation auriculaire), insuffisance cardiaque globale ;
— troubles neurologiques (syndrome pyramidal ou neuropathie
symptomatique) ou musculaires
(myopathie des ceintures ou paralysie périodique) ;
— troubles hépatiques (fréquence de la cytolyse, comme
dans cette observation) ou digestifs (vomissements).
Les manifestations oculaires,
plus rares actuellement qu’il y a
une vingtaine d’années, peut-être
en raison du diagnostic plus précoce de la maladie de Basedow,
compliquent 10 à 25 % des cas.
Leur évaluation doit tenir compte
de certaines manifestations oculaires, classées par gravité croissante :
— troubles fonctionnels :
rétraction de la paupière supérieure, rareté du clignement, asynergie oculo-palpébrale ;
— atteinte inflammatoire :
œdème des paupières, des
conjonctives, etc. ;
— degré de la protrusion oculaire (exophtalmie), avec éventuellement signes fonctionnels ;
— atteinte des muscles extraoculaires avec paralysie et diplopie (comme dans cette observation) ;
— atteinte cornéenne ;
— atteinte visuelle par neuropathie optique.
Confirmation biologique
La confirmation biologique du
diagnostic de maladie de Basedow
repose sur l’association de signes
d’hyperthyroïdie (TSH effondrée,
augmentation de la T4 libre, rarement augmentation isolée de la T3
libre) et de signes d’autoimmunité
d’organe (anticorps antirécepteurs
à la TSH présents chez 80 % des
patients, élévation fréquente des
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
8
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 9
DOSSIER FMC
Une augmentation diffuse
de la synthèse hormonale
Le diagnostic étiologique de
l’hyperthyroïdie est avant tout clinique. Il peut nécessiter une scintigraphie thyroïdienne. L’augmentation diffuse de la synthèse
hormonale, qui caractérise la
maladie de Basedow, est illustrée
par une captation augmentée et
homogène de l’isotope. La scintigraphie contribue surtout au diagnostic étiologique d’une hyperthyroïdie lorsque certains signes
cliniques, en particulier le goitre
vasculaire ou les manifestations
oculaires, sont absents. Elle contribue essentiellement au diagnostic
différentiel.
De même l’échographie thyroïdienne, complétée par un examen
Doppler, qui visualise une glande
homogène avec une augmentation
importante des flux vasculaires,
peut contribuer au diagnostic différentiel. Il faut cependant tenir
compte de la forte prévalence des
nodules thyroïdiens en France (15
à 25 % selon les régions et les
tranches d’âge) pour interpréter
cet examen complémentaire ; la
présence d’un ou plusieurs
nodules échographiques lors
d’une hyperthyroïdie clinique
n’excluant absolument pas le diagnostic de maladie de Basedow.
Dans l’observation rapportée
ici, la réalisation d’examens complémentaires d’imagerie ne s’impose pas, les données cliniques et
biologiques n’autorisant aucun
doute diagnostique.
Traitement médical d’abord
Plusieurs modalités thérapeutiques de la maladie de Basedow
sont possibles et il est nécessaire
de choisir une stratégie en concertation avec le patient. L’attitude
classique est de privilégier le traitement médical en première intention.
Celui-ci débute par un antithyroïdien de synthèse, le plus souvent le carbimazole, à raison de 20
à 60 mg (un à trois comprimés) par
jour, pendant quatre à six
semaines, durée nécessaire à l’inhibition de la production hormonale. Le traitement est ensuite
ajusté en ramenant cet antithyroïdien de synthèse à la dose quotidienne de 20 mg, à visée bloquante, et en lui associant des
hormones thyroïdiennes — à visée
substitutive (25 à 75 µg par jour de
lévothyroxine) — afin d’éviter une
hypothyroïdie iatrogène et des
ajustements posologiques itératifs.
La durée de traitement recommandée est de dix-huit mois, avec
l’objectif de limiter le risque de
nouvelle poussée. Une surveillance de la numération leucocytaire tous les quinze jours pendant les deux premiers mois de
traitement est nécessaire devant le
risque de leucopénie et d’agranulocytose.
thèse, a l’avantage d’être immédiatement efficace et d’éviter, si la
thyroïdectomie est totale, tout
risque de récidive. Il nécessite un
chirurgien expérimenté pour limiter le risque des complications que
sont la paralysie récurrentielle et
l’hypoparathyroïdie, observées
dans 0,5 à 3 % des cas selon les
équipes.
La complication la plus habituelle est l’hypothyroïdie définitive. Elle est parfois souhaitée
lorsque l’hyperthyroïdie est particulièrement difficile à maîtriser.
Un traitement chirurgical peut
être proposé en première intention
lorsque le goitre est très volumineux, compressif ou inesthétique,
Le myxœdème
prétibial est
un symptôme
exceptionnel de la
maladie de Basedow
qui rappelle que
cette maladie
thyroïdienne
auto-immune
se manifeste par
des signes
extra-thyroïdiens :
exophtalmie et
myxœdème prétibial
(1 % des cas).
PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
anticorps anti-TPO). Une anémie
microcytaire s’observe assez souvent au moment du diagnostic de
maladie de Basedow, ainsi qu’une
élévation des transaminases. Ces
anomalies se corrigent rapidement
après la mise en route du traitement.
La survenue d’une intolérance
cutanée, articulaire ou hépatique,
complications non exceptionnelles avec ce traitement, justifie
en première intention de remplacer le carbimazole par un thiouracile sous surveillance clinique et
biologique plus rapprochée (toutes
les deux semaines, puis tous les
mois). Ce schéma thérapeutique
médical offre une possibilité de
guérison définitive sans séquelles
dans 50 % des cas. Ses inconvénients sont la nécessité de consultations répétées, les risques d’allergies et le risque de rechute à
l’arrêt dans 50 % des cas, dans les
deux ans qui suivent la poussée.
Traitement chirurgical :
après préparation
Le traitement chirurgical, effectué après une préparation médicale par antithyroïdien de syn-
lorsque le patient suit mal le traitement médical ou encore chez la
femme qui souhaite rapidement
un enfant. Il est proposé en
seconde intention lors d’une récidive après traitement médical.
Iode radioactif :
traitement simple mais
pas pour tous
L’administration d’iode radioactif a l’avantage de la simplicité.
Son délai d’action est retardé (de
plusieurs semaines à trois mois au
minimum) et le risque d’hypothyroïdie secondaire s’élève progressivement pour atteindre plus de
50 % à dix ans.
Ce traitement est contre-indiqué
chez la femme enceinte, l’enfant et,
dans une certaine mesure, l’adolescent. Son administration doit être
discutée en cas d’ophtalmopathie
associée, qu’il peut alors exacerber.
Par tradition, il est moins utilisé
dans le traitement de la maladie de
Basedow en France que dans
d’autres pays. Il est choisi lors de
récidives en particulier postopératoires ou chez des patients plus
âgés.
Le choix thérapeutique dans
notre observation doit tenir
compte de l’opinion de la
patiente, de son souhait d’une
éventuelle nouvelle grossesse
et de l’état oculaire.
La maladie de Basedow au
cours de la grossesse comporte
un risque, faible, d’hyperthyroïdie fœtale, par passage
transplacentaire des anticorps
(TRAK) de la mère. De plus, il
existe un passage transplacentaire systématique de tous les
antithyroïdiens de synthèse
qui entrave la fonction thyroïdienne fœtale. Le retentissement de la grossesse sur l’atteinte oculaire est mal connu.
Ces données incitent à ne pas
encourager une grossesse chez
cette patiente en ce moment.
Un traitement par carbimazole est débuté, en évitant
toute évolution vers une hypothyroïdie qui risque de majorer les manifestations oculaires. Un suivi médical
rapproché est souhaitable
pour dépister une manifestation allergique. Après contrôle
de l’ECG, un traitement symptomatique par bêtabloquant
(propranolol, trois comprimés
de 40 mg par jour) est proposé
pendant quelques semaines.
La sévérité de l’ophtalmopathie (paralysie oculomotrice)
justifie une prise en charge
ophtalmologique spécialisée
avec éventuellement port de
lunettes à prisme, pour lutter
contre la gêne occasionnée
par la diplopie. Un traitement
spécifique par corticoïdes
oraux (0,5 à 1 mg par kilo) doit
être proposé. Selon l’évolution
fonctionnelle après quelques
semaines de corticothérapie,
une radiothérapie orbitaire
rétro-oculaire peut être nécessaire en seconde intention. Il
est par ailleurs indispensable
de recommander l’arrêt du
tabac. ■
* Service de médecine interne et nutrition, CHU Strasbourg-Hautepierre,
67098 Strasbourg Cedex.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
9
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 10
DOSSIER FMC
NODULAIRE
Fruste ne veut pas dire bénin
"Le goitre multinodulaire toxique est l’aboutissement d’une autonomisation de certaines plages
parenchymateuses ou nodules dans le cadre d’un goitre multinodulaire banal évoluant souvent depuis de
très nombreuses années. Non traité, il n’est pas sans conséquences cardiaques ou osseuses.
PAR LE DR ALAIN PRADIGNAC*
s’agit donc d’une hyperthyroïdie périphérique fruste, en
rapport avec un goitre multinodulaire toxique de faible
volume et non compressif.
Cette hyperthyroïdie est qualifiée de fruste dans la mesure où la
TSH est abaissée (voire indosable), alors que les hormones
thyroïdiennes (T4L et/ou T3L)
restent dans les zones de la normalité. Il n’en demeure pas moins
que ces hyperthyroïdies frustes, si
L
I
ADÉNOME
TOXIQUE
PR JEAN-LOUIS SCHLIENGER
Mme R…, 75 ans, présente une
altération de l’état général.
Elle se plaint de palpitations,
de nervosité et d’une perte de
l’appétit d’installation progressive sur deux mois. Elle
est habituellement traitée par
inhibiteur de l’enzyme de
conversion, diurétique, digoxine et antivitamine K pour
une insuffisance cardiaque
avec arythmie complète par
fibrillation auriculaire. L’examen clinique objective une
arythmie avec un rythme cardiaque à 122 par minute, ainsi
qu’un goitre multinodulaire de
faible volume, prédominant
au niveau du lobe droit, sans
troubles compressifs locorégionaux.
La TSH est indosable, la T4L
normale à 12,7 pg/ml et l’INR
au-dessus des zones thérapeutiques anticoagulantes (5,42).
L’échographie thyroïdienne
confirme le caractère multinodulaire du goitre, avec un lobe
droit de plus gros volume que
le lobe gauche. La scintigraphie thyroïdienne objective
une fixation hétérogène, avec
des zones d’hyperfixation correspondant aux nodules échographiques, côtoyant des
zones hypofixantes.
En vieillissant, les goitres multinodulaires se compliquent souvent d’une
hyperthyroïdie, par autonomisation de la fonction.
Il s’agit ici d’un goitre toxique dont les risques sont les troubles du rythme
cardiaque, l’amaigrissement et les troubles psychiques.
elles ne sont pas traitées, peuvent
évoluer vers des formes franches,
surtout lorsqu’elles sont en rapport avec un goitre mutinodulaire
et qu’il existe une surcharge
iodée, éventualité non rare à cet
âge de la vie. Elles exposent par
ailleurs aux mêmes complications
que l’hyperthyroïdie patente :
fibrillation auriculaire et risque
d’embolies systémiques, altération des capacités systoliques et
diastoliques du cœur, ostéoporose. Elles justifient de ce fait une
enquête étiologique appropriée,
ainsi qu’un traitement spécifique.
Hyperthyroïdie à T3 ?
Le bilan préthérapeutique comprend toujours un diagnostic hormonal avec dosage de la TSH et de
la T4L, paramètres habituellement
nécessaires et suffisants pour préciser à la fois le type de dysthyroï-
die et l’importance du trouble hormonal actuel. Ces deux dosages ne
permettent cependant pas de
poser avec précision le diagnostic
d’hyperthyroïdie à T3, préférentiellement rencontrée au cours des
adénomes toxiques et dans certains goitres hétéromultinodulaires toxiques. Un dosage de la
T3L doit alors être réalisé, surtout
s’il existe une discordance entre
des signes cliniques importants de
thyrotoxicose et une T4L normale.
Après l’étape hormonale, le
bilan préthérapeutique est complété par une échographie thyroïdienne, dont la finalité est de réaliser un bilan morphologique du
parenchyme thyroïdien, avec
dénombrement et mensurations
des différents nodules, pas toujours tous palpables cliniquement.
La scintigraphie est utile pour préciser le caractère hyperfixant des
nodules « toxiques » à l’origine de
L’adénome toxique représente
un cas particulier. Cliniquement,
les signes fonctionnels sont
superposables à ceux du cas
décrit ci-dessus alors que l’examen physique objective un
nodule thyroïdien isolé. Les complications évolutives demeurent
les mêmes. Le bilan hormonal
est similaire, si ce n’est qu’il est
caractérisé par une plus grande
fréquence des formes d’hyperthyroïdie à T3L. L’échographie
montre un nodule solitaire,
hyperfixant et extinctif vis-à-vis
du parenchyme adjacent et
controlatéral à la scintigraphie.
Le traitement radical de première intention est chirurgical
avec la réalisation d’une loboisthmectomie emportant le lobe
où siège le nodule toxique, après
normalisation des hormones thyroïdiennes. L’administration
d’iode 131 demeure l’alternative
en cas de contre-indication chirurgicale. A distance, il n’est pas
rare de voir apparaître un autre
nodule dans le lobe controlatéral.
la diminution de la TSH et s’assurer de l’absence de surcharge iodée
pouvant perturber une éventuelle
administration d’iode 131.
Il n’y a pas lieu ici de déterminer les anticorps antithyroïdiens.
Le goitre multinodulaire toxique
est l’aboutissement d’une autonomisation de certaines plages
parenchymateuses ou nodules
dans le cadre d’un goitre multinodulaire banal évoluant souvent
depuis de très nombreuses années.
Cela justifie la réalisation pério-
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
10
2187-dysthroîdies.pdfd
11/06/02
15:51
Page 11
DOSSIER FMC
dique (tous les ans ou tous les
deux ans) d’un dosage de TSH en
cas de goitre multinodulaire
ancien, a fortiori lorsque apparaissent des signes cliniques plus ou
moins atypiques (palpitations et
autres troubles du rythme,
troubles de l’humeur, amaigrissement).
Traiter pour protéger
le cœur et les vaisseaux
Un traitement à visée thyroïdienne s’impose ici car l’hyperthyroïdie fruste, fréquente lors des
goitres multinodulaires vieillis, si
elle est négligée, constituera un
facteur d’aggravation cardio-vasculaire notable chez notre
patiente. Le traitement radical le
plus approprié, car techniquement le plus simple, consiste en
l’administration d’iode 131.
Ce traitement peu invasif doit
être réalisé après la normalisation des taux d’hormones thyroïdiennes (T4L et/ou T3L). Dans
les formes frustes (notre observation), il pourra être réalisé d’emblée alors que, dans les formes
franches, il sera nécessaire, pour
optimiser son efficacité, d’avoir
recours à l’administration temporaire d’antithyroïdiens de synthèse, qui seront interrompus une
dizaine de jours avant l’administration d’iode 131.
Une surveillance postirathérapie
doit être mise en place, avec réévaluation de la fonction thyroïdienne
deux et six mois après l’administration d’iode pour s’assurer tant du
retour progressif à l’euthyroïdie,
que de l’absence d’évolution vers
une éventuelle hypothyroïdie, toujours possible après ce traitement.
L’alternative thérapeutique à
l’iode 131 demeure l’option chirurgicale avec une thyroïdectomie
totale. Outre les risques anesthésiques, elle expose toujours à une
atteinte des nerfs récurrents. Elle
doit être préférée chez des patients
jeunes ou sans polypathologie,
dans les cas de goitres hyperfonctionnels de gros volume, pour lesquels l’iode 131 a souvent une efficacité limitée, ou encore de goitres
compressifs, car l’iode 131 peut
être à l’origine d’une augmentation
transitoire mais potentiellement
sévère des troubles compressifs.
AVK + hormones thyroïdiennes:
une interaction à connaître
Cette observation illustre également les interactions éventuelles
entre les antivitamines K et les
hormones thyroïdiennes, ces deux
molécules étant en effet véhiculées dans le plasma par l’albumine. Or l’affinité des hormones
thyroïdiennes pour l’albumine est
plus élevée que celle des antivitamines K. A dose d’antivitamine K
constante, l’élévation de la T4L
provoque l’augmentation de l’INR,
une diminution s’observant dans
le cas contraire. Cela nécessite
donc de diminuer temporairement
la posologie de l’antivitamine K
chez cette patiente, de façon à
ramener son INR dans les zones
thérapeutiques. La posologie devra
secondairement être réaugmentée
au fur et à mesure du retour à l’euthyroïdie, en l’adaptant en fonction des valeurs de l’INR dont le
dosage sera plus fréquent. ■
* Service de médecine interne et nutrition, CHU Strasbourg-Hautepierre,
67098 Strasbourg Cedex.
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
11

Documents pareils

THYROIDE ET TROUBLES DE L`HUMEUR

THYROIDE ET TROUBLES DE L`HUMEUR T3 ou tri-iodothyronine qui sont des petits acides aminés qui ne diffèrent l’un de l’autre que par un atome d’iode. La thyroïde secrète 100% de la T4 et 20% de la T3, les 80% restant provenant d’un...

Plus en détail