PRELEVEMENT DE GREFFE OSSEUSE AU NIVEAU

Transcription

PRELEVEMENT DE GREFFE OSSEUSE AU NIVEAU
Rachis, 1993, vol. 5,
nO
1, pp. 49-54
NOTE TECHNIQUE
PRELEVEMENT DE GREFFE OSSEUSE
AU NIVEAU DE LA CRETE ILIAQUE POSTERIEURE
Proposition d'une nouvelle voie d'abord
A NEW APPROACH OF THE POSTERIOR ILIAC
CREST FOR BONE TAKING
M. COLLlN*, S. ROUKOZ*, P. FEUILHADE*, G. ROUGEREAU*, A. APOIL*,
P. PUPIN.**, J. MONET ***, M. TH. FROISSART ***
* Centre de Chirurgie
Orthopédique
- Service du Pr Apoi/ - Hôpital Saint-Antoine
(184, rue du Fbg.Saint-Antoine
- Paris)
** Clinique du Petit Colm oulins (rue Robert Ancel - 76700 Harfleur).
*** Ecole de Kinésithérapie
et de Rééducation
Fonctionnelle
A.D.E.R.F. H.I.U.P. (40, Bvd Jourdan - Paris)
RESUME
SUMMARY
Les auteurs décrivent une nouvelle approche de la crête
iliaque postérieure par une voie d'abord anatomique
entre l'aponévrose
lombaire et le muscle sacrolombaire.
Après un bref résumé anatomique, ils décrivent avec
précision la technique chirurgicale et leurs résultats sur
45 cas.
II n'y a pas de complications dans cette série et ils
recommandent cette voie d'abord dans la chirurgie du
rachis lombo-sacré nécessitant une prise de greffe
osseuse autologue.
The authors describe a new approach of the posterior
iliac crest through an anatomical plane between the
lumbar aponevrosis (latissimus dorsalis aponevrosis) and
the sacro-lumbaris aponevrosis.
After a short anatomical summary, they precisely describe
the surgical technique and their results about 45 cases.
There is no complication
in this serie and they
recommand this operative way in the lumbo-sacral
surgery requiring bone autologus grafting.
Mots clés: Crête iliaque postérieure. - Greffe osseuse.
Keys words: Posterior iliac crest. - Bone taking.
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M. COLLIN,
S. ROUKOZ,
P. FEUILHADE,
G. ROUGEREAU,
A. APOIL,
P. PUPIN., J. MONET,
M. TH. FROISSART
Lorsque l'on doit pratiquer une autogreffe d'os spongieux
ou cortico-spongieux
dans le cadre d'une arthrodèse
lombaire ou lombo-sacrée,
par voie postérieure, il est
classique de prélever celle-ci au niveau de la tubérosité
iliaque (T,L), partie la plus épaisse de la crête iliaque
postérieure (CLP,), et la plus proche du site opératoire.
Les voie d'abord de la T.L sont bien connues:
- soit par décollement sous cutané, depuis la voie d'abord
médiane postérieure
jusqu'à la crête:
elle semble
augmenter le risque d'éhamatome
ou d'épanchement
lymphatique post-opératoire, ces derniers pouvant être à
l'origine d'infection (4) ;
- soit par abord direct de la TL par une incision parallèle
ou perpendiculaire à celle-ci. (5).
Nous proposons une nouvelle voie d'abord utilisant celle du
rachis lombo-sacré, mais passant dans un plan anatomique
évitant ainsi:
- une deuxième incision,
- les inconvénients du décollement sous-cutané.
/P
Après un rappel anatomique concernant les insertions
respectives de l'aponévrose lombaire et de l'aponévrose
tendineuse de la masse commune des paravertébraux,
(notre plan se situant entre ces deux éléments) nous
décrirons notre technique.
Figure 1
Grand dorsal.
Aponévrose lombaire
RAPPELS ANATOMIQUES
Aponévrose
lombaire.
d'insertion
du grand dorsal ou aponévrose
D'après Rouvière, le grand dorsal s'attache en bas (fig./) :
- par une lame tendineuse triangulaire, mince en haut,
épaisse en bas, aux apophyses épineuses et aux ligaments
surépineux correspondants des 6 dernières dorsales et des 5
vertèbres lombaires,
- à la crête sacrée et au tiers postérieur de la crête iliaque.
Cette lame tendineuse est appelée aponévrose lombaire ou
lombo-sacrée.
La masse commune (fig.2)
(commune
aux muscles
spinaux) occupe la gouttière sacrée et lombaire. Elle
comprend:
- une partie profonde charnue, le transversaire épineux,
- une lame tendineuse épaisse qui représente le tendon
d'insertion des muscles sacro-Iombaire et long dorsal.
Cette lame tendineuse,
qui est aussi confondue avec
l'aponévrose d'insertion du grand dorsal, s'insère :
• sur l'épine iliaque postérieure-supérieure
(E.LP.S.) et la
partie basse de la crête iliaque,
• sur la tubérosité iliaque (TL),
• sur la crête sacrée et les apophyses épineuses des 3 ou 4
dernières lombaires.
Les fibres charnues faisant suite aux faisceaux tendineux se
Figure 2
Masse commune:
sacro-lombaire.
Long dorsal
- le long dorsal en dedans,
- le sacro-Iombaire, en dehors.
De cette description on déduit que l'aponévrose lombaire et
l'aponévrose d'insertion de la masse commune s'insèrent sur
les épineuses des 3 dernières lombaires, la crête sacrée et
sur la TL jusqu'au tiers interne de la CLP.
Mais il existe un plan de clivage quasiment avasculaire
entre ces 2 formations qui ne sont communes qu'au niveau
de leur insertion.
L'originalité de la technique est de profiter de ce plan de
clivage pour aller de la ligne des épineuses à la T.L sans
décollement traumatique, en utilisant un plan anatomique.
portent en haut et se séprent un peu en dessous de la 12ème
côte en deux parties:
50
PRELEVEMENT
DE GREFFE
OSSEUSE
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DE LA CRETE lLlAQUE
POSTERIEURE
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AU NIVEAU
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2 - plan de clivage
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TI~I
6 - hemostase
3 - aspect opératoire avant le décollement
périosté
GD
TI~
7 - fermeture
4 - décollement
périosté
Figure 3
Al = Aponévrose lombaire
AMC =Aponévrose de la masse commune
CIP =Crête iliaque postérieure
D= Derme
E = Epineuses
EIPS = Epine iliaque postéro-supérieure
GD = Grand dorsal
LD = Long dorsal
MC = Masse commune
S = Sacrum
SL = Sacro-lombaire
TGSC = Tissu graisseux sous-cutané
TI = Tubérosité iliaque
5 - évidement T.1.
51
M. COLLIN,
TECHNIQUE
S. ROUKOZ,
P. FEUILHADE,
G. ROUGEREAU,
A. APOIL,
P. PUPIN., J. MONET,
M. TH. FROISSART
CHIRURGICALE
La voie d'abord est médiane, postérieure, centrée sur les
épineuses du rachis lombaire et sacré; l'étendue de
l'incision dépend de l'intervention
rachidienne qui est
pratiquée, Classiquement pour une arthrodèse lombo-sacrée
L4-S l, l'incision va s'étendre de l'espace situé entre L3 et
L4 jusqu'à l'épineuse de SI.
Abord (fig.3)
Après ouverture de la ligne blanche postérieure,
on
recherche, dans l'épaisseur de celle-ci, le plan situé entre
l'aponévrose du grand dorsal qui est laissée solidaire de la
peau dorsale et les muscles spinaux recouverts de leur
(fig 3-1.) . Un décollement
de quelques
aponévrose
millimètres
au bistouri électrique, au milieu de cette
aponévrose, découvre un plan de clivage avasculaire,
celluleux, qui correspond au plan de glissement entre le
grand dorsal et les spinaux,
La dissection s'effectue très simplement soit au doigt, soit
au tampon monté, ce qui conduit directement à la T.I. (fig
Figure 4
Racines sensitives posterieures L.II et L. III : rapports avec la T.I.
greffer un rachis lombaire de L4 à SI dans les deux
gouttières postéro-Iatérales.
Nous laissons en place les
corticales antérieure et postérieure et ne ruginons pas les
faces en do et exo-pelviennes.
3-2; 3-3),
Celle-ci se découvre depuis l'E.I.P.S. jusqu'à la C.I.P., plus
fine et moins "productive" sans qu'il soit nécessaire de
sectionner d'éléments nobles. La dissection doit s'arrêter
avant le passage d'une petite branche nerveuse postérieure
qui croise obliquement la crête iliaque postérieure de haut
en b'as et de dedans en dehors (origine L2 L3) (fig.4) (3).
Cette petite branche est classiquement responsable des
névromes douloureux rencontrés au cours des prises de
greffe postérieure. On ne la voit pas dans cette voie d'abord
tant que l'on se déplace dans le plan de glissement.
Prélèvement
Au bistouri électrique, on va ensuite désinsérer sur un
centimètre l'aponévrose du grand dorsal, puis une partie des
muscles profonds (sacro-Iombaires)
(fig 3 -4). On va
découvrir la T.I. sur une largeur d'environ un centimètre et
demi à deux centimètres et sur une longueur de cinq à six
centimètres. Un écarteur de Beckman est placé dans le plan
de clivage, ce qui permet le prélèvement de l'os qui se fera
d'abord à la gouge de Stagnara large pour enlever la
corticale supérieure.
Puis, avec une gouge de taille inférieure, on va ainsi
prélever des greffons en copeaux: leur longueur est en
général de trois à quatre centimètres sur une épaisseur de
deux à trois millimètres.
On parvient ainsi à évider la T.I. sur toute la longueur
dégagée et sur une profondeur
d'environ
un à deux
centimètres (fig. 3-5). Cela est en règle suffisant pour
Fermeture
La fermeture ne pose aucun problème : on comménce par
disposer de la cire de Horsley sur les parois de la T.I.
évidée de façon à ce que tout le tissu spongieux en soit
recouvert (fig 3-6). On prendra pour ce faire des plaques
complètes qui seront appliquées en monobloc sur les parois
de la cavité.
On repère ensuite les deux lambeaux aponévrotiques qui
sont suturés par des points séparés, de dehors en dedans,
sur un drain de Redon profond non aspiratif (actuellement,
nous conseillons,
pour effacer la cavité créée par le
prélèvement, de la combler par de l'homogreffe conservée
ou par de l'os lyophilisé).
Quant au plan de décollement "anatomique", il sera soit
simplement drainé, soit refermé sur la ligne médiane par
des points séparés qui vont unir grand dorsal et aponévrose
du sacro-Iombaire (fig 3-7)
On répare ensuite la ligne blanche médiane postérieure qui
sera simplement suturée à la ligne blanche contro-Iatérale.
INDICATIONS
ET RESULTATS
Nous avons régulièrement utilisé cette voie d'abord chez 45
patients
et nous n'avons
eu aucune névrome,
ni
épanchement post-opératoire. D'autre part, la suture des
deux feuillets aponévrotiques au contact du site donneur
semble constituer une bonne prévention des hernies, que
nous n'avons pas observées dans notre série.
M. COLLIN,
S. ROUKOZ,
P. FEUILHADE,
G. ROUGEREAU,
DISCUSSION
A notre connaissance, cette technique n'a pas été encore
décrite dans les publications françaises ou anglo-saxonnes.
Cette voie d'abord présente plusieurs avantages lors de la
chirurgie lombaire et lombo~sacrée :
- elle passe dans la même voie d'abOrd médiane, évitant une
nouvelle
cicatrice,
et limite le risque de névrome
secondaire à la voie horizontale classique;
- elle utilise un plan de clivage anatomique pratiquement
avasculaire et diminue ainsi les risques d'hématomes et
d'épanchements
lymphatiques
rencontrés
après les
décollements cutanés;
- elle supprime les risques de nécrose cutanée en respectant
la vascularisation cutanéo-aponévrotique ;
- elle respecte les deux corticales osseuses et évite ainsi les
désinsertions musculaires à ce niveau,
Nous avons utilisé cette voie d'abord chez 45 malades
depuis 3 ans: aucun n'a eu d'épanchements lymphatiques,
d'hématomes ou de nécroses cutanées en post-opératoire.
Elle donne une grande satisfaction et nous la pratiquons
actuellement systématiquement
au cours des arthrodèses
lombaires et lombo-sacrées dans les prélèvemynts d'autogreffe spongieuse.
RÉFÉRENCES
----------
1. COLWEY S.P .. , ANDERSON
L.D.
Hernias through donor sites for iliac-bone grafts.
J Bone Joint Surg, 1983, 65A, 1023-1025.
2. MAIGNE
Diagnostic et traitement des douleurs communes d'origine rachidienne.
Expansion Scientifique Française (1989).
3. ROUVIERE H
Anatomie Humaine
Masson, Paris, 1970, T II, (54-62), T III, (90-91).
4. TOMENO B. COURPIED
J.P., LOTY B.
Technique de prélèvement de greffe iliaque postérieure.
E.M.C., Techniques chirurgicales, Orthopédie Traumatologie,
44030,3.
5. STEIB J.P., LANG G., KEHR P.
La prise de greffe postérieure dans la chirurgie rachidienne
personnelle.
Rachis, 1991, vol 3, n06,511-516.
: technique
54
A. APOIL,
P. PUPIN.,
J. MONET,
M. TH. FROISSART

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