Le Pera Palace, la légende d`Istanbul qui renaît de ses cendres l
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Le Pera Palace, la légende d`Istanbul qui renaît de ses cendres l
Le Soir Vendredi 1er octobre 2010 16 zoom Betancourt : que sont ses comités devenus ? COMMENT LES COMITÉS Betancourt ont-ils lu le récit de la captivité de leur héroïne ? Et que sont-ils devenus ? Entretien avec leur président. A Armand Burguet, vous êtes le fondateur des Comités Betancourt, qui se battaient pour sa libération, durant ses six ans de captivité aux mains des Farc, les rebelles marxistes colombiens. Vous avez lu « Même le silence a une fin », le livre d’Ingrid Betancourt. Pensez-vous qu’il suffise à amener tous ceux qu’elle a déçus depuis sa libération à revoir leur jugement ? Personnellement, je ne fais pas partie des déçus. Je suis resté en contact avec Ingrid Betancourt et je ne suis donc pas surpris de ce que j’ai lu dans ce livre. J’ai toujours fait la part des choses entre ce qu’elle est vraiment et l’image qu’en a donnée une campagne médiatique haineuse, orchestrée depuis la Colombie et reprise malheureusement en France. Quant aux déçus, je crois que ceux qui y mettront de la bonne volonté trouveront dans ce livre une mise au point utile. Voulez-vous dire que tout ce qui a été reproché à Ingrid Betancourt (son comportement hautain rapporté par l’ex-otage Clara Rojas, sa demande d’une indemnité de dix millions de dollars au gouvernement colombien, etc.) tient davantage d’un acharnement médiatique que de la réalité ? L’information a souvent été tronquée et lorsqu’ils en ont eu l’occasion, peu de médias se sont donné la peine de rétablir la vérité. Exemple : cette demande d’indemnité avait déjà été faite par d’autres séquestrés colombiens. Ingrid Betancourt les a imités, non pour elle, mais pour financer la fondation qu’elle a créée après sa libération. Du reste, je peux comprendre qu’une per- INFATIGABLE défenseur des séquestrés colombiens, Armand Burguet conseille aux déçus d’Ingrid Betancourt d’aller à la rencontre de la femme, et non de l’icône, par la lecture de son livre. © PATRICK KOVARIK/AFP. sonnalité aussi forte puisse déranger. Il faut aussi tenir compte du contrecoup qui a succédé à l’effet médiatique engendré par sa libération. Revenons au livre. Votre avis ? C’est un livre d’une grande pudeur. Ingrid a subi des choses épouvantables. Probablement, si on lit entre les lignes, des violences sexuelles après sa quatrième tentative d’évasion. Mais aussi des violences collectives ordonnées par le chef de la guérilla des Farc dans le but de l’humilier. Personne ne peut se remettre facilement d’un traitement comme celui-là. Elle aborde d’emblée ces épisodes horribles, peut-être afin d’en être délestée pour mieux raconter d’autres pans de sa captivité dans les pages qui suivent. Une catharsis ? En se retirant pour écrire ce livre, Ingrid Betancourt a aussi répondu au besoin d’isolement nécessaire à la reconstruction de sa propre image. L’écriture est un moyen d’exprimer ce qu’elle n’a pu dire oralement, même pas à sa propre mère. Les membres des Comités Betancourt ne sont pas étonnés de l’Ingrid qu’ils ren- contrent dans ce livre. Pour beaucoup d’autres, ce sera une occasion de se débarrasser des mythes créés autour de l’ex-otage des Farc, de découvrir la femme Ingrid Betancourt. Vous parlez de mythes. Les Comités Betancourt ne sont-ils pas responsables d’avoir fait d’une femme une icône, par souci d’efficacité, pour mieux se faire entendre des médias ? Les Comités Betancourt ont cherché à donner un visage à tous les séquestrés de Colombie à travers la figure d’Ingrid Betancourt. Pour nous, elle est devenue le symbole de la violence et de la séquestration en Colombie. Dès le début, notre action a été dirigée vers tous les séquestrés, pas seulement vers Ingrid. Lors d’une des premières actions à Bruxelles, en avril 2002, nous avions ainsi disposé 3000 masques auprès de la statue de Simon Bolivar et de l’ambassade de Colombie. Mais il est vrai qu’à la fin de la mobilisation, en 2008, un comité parisien a mis en avant Ingrid Betancourt et elle seule, dans un rôle d’icône mourante, dans le but de dramatiser en France sa situation. Cela l’a servie à cet instant tout en servant le président Sarkozy. A ce moment-là, elle est devenue un martyr… Ce qui n’est pas faux. Mais ce n’est qu’un aspect de sa captivité et de ce qu’elle a été. Un aspect qui la desservira peut-être par la suite lorsque, après sa libération, le public découvrira que la femme Ingrid a ses qualités, mais aussi ses défauts. Le tort de certains est d’en avoir fait une sorte de Jeanne d’Arc. Aujourd’hui, il faut le savoir pour mieux comprendre la difficulté qu’il y a pour elle de se reconstruire. Deux ans après la libération d’Ingrid Betancourt, que reste-t-il des Comités ? D’abord, il ne faut plus parler des Comités Betancourt. Ingrid a souhaité que l’on n’utilise plus son nom pour ne pas qu’il y ait confusion avec la fondation qu’elle comptait créer. La FICIB, la Fédération Internationale des Comités LIBertad, leur a succédé. Au début de 2009, nous étions encore une soixantaine de comités – essentiellement en Belgique et en France – à vouloir poursuivre la lutte pour les séquestrés et pour toutes les autres victimes du conflit colombien. La situation demeure en effet très difficile. En Colombie, ceux qui plaident en faveur d’une solution négo- l’acteur Le Pera Palace, la légende d’Istanbul qui renaît de ses cendres Palace a enfin retrouvé son cachet d’antan. Après LdeuxedePera années et demi de travaux, cet hôtel situé dans le quartier de Beyoglu, autrefois appelé « Pera », vient de rouvrir ses portes a rouvert ses portes sous le crépitement des flashs de photographes. « Le Pera Palace est redevenu un hôtel de luxe comme il l’était à l’origine », se réjouit Esin Sungur, en charge de la communication. Toit, plomberie, marbres multicolores, mobilier d’époque, tout a été rénové et restauré, au prix de 23 millions d’euros de travaux. La sal- le de bal a ainsi retrouvé de sa fraîcheur grâce notamment à la restauration de ses coupoles de verres qui laissent astucieusement pénétrer les rayons du soleil. « Le Pera Palace était devenu sombre et poussiéreux, concède Nermin, la jeune femme qui nous guide dans les couloirs. Maintenant, il n’est que lumière. ». « Cet hôtel n’a rien avoir avec les autres, commente de son côté Esin Sungur. C’est une icône du point de vue architectural et historique qui a été témoin de la chute de l’Empire ottoman, de la Première Guerre mon- L’HÔTEL RESTAURÉ : sa façade, son hall, ses salles de bain et sa suite 411, qui était la chambre d’Agatha Christie. © AFP & DR. press. Le bâtiment, qui mèle styles néo-classique, art nouveau et oriental, est le premier à proposer l’eau chaude dans les chambres – en dehors des palais ottomans – et à posséder un ascenseur. Avec sa vue im- prenable sur la Corne d’Or, il attire les personnalités les plus diverses, de la célèbre espionne Mata Hari à l’empereur François Joseph. La chambre de l’écrivain français Pierre Loti, au numéro 304, est aujour- d’hui une belle suite aux tapis bleus-gris accessible pour 300 euros la nuit. A partir de 1917, cet hôtel accueille à de nombreuses reprises Mustafa Kemal. Le jeune général, héros www.lesoir.be 1NL 30/09/10 21:36 - LE_SOIR diale, de la Guerre d’indépendance puis de la Seconde Guerre mondiale. Avec la création de la République, il est devenu un lieu incontournable à Istanbul jusqu’à ce qu’il soit négligé dans les années 1980. » Confortablement assis dans une bergère du café Orient, il est aisé d’imaginer ce que devait être cet endroit durant son âge d’or. Construit en 1892 pour une famille arménienne, le Pera Palace devient dès son ouverture le lieu de séjour incontournable d’une clientèle européenne aisée arrivée à Istanbul par le célèbre train de l’Orient Ex- du 01/10/10 - p. 16