ophtalmologie ophtalmologie - Pratiques en Ophtalmologie
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PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIE R E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E d www.ophtalmologies.org A savoir Comment examiner simplement un enfant strabique ? Dr Mitra Goberville En pratique Les différents types d’adaptation de lentilles pour la presbytie Dr Mathieu Zmuda Explorations et innovations Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec : les systèmes Lipiview® & Lipiflow® Dr Catherine Albou-Ganem et Raphaël Amar Mise au point DMLA de stade 3 L’aberration sphérique : implications pratiques en chirurgie de la cataracte Dr Yannick Nochez et Pr Pierre-Jean Pisella Zoom sur… La cataracte congénitale Prise en charge diagnostique et thérapeutique Dr Pascal Dureau Néovaisseaux choroïdiens Anastomose chorio-rétinienne L’essentiel sur… Quels moyens avons-nous pour prévenir la DMLA ? Dr Aude Affortit Mécanismes physiopathogéniques, facteurs de risque et classification, prévention primaire et secondaire Janvier 2012 • Volume 6 • n° 50 • 8 e PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIE R E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E • Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Laure Guiheneuf • Directrice de la production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de Studio : Laurent Flin •M aquette et illustration : Élodie Lecomte, Antoine Orry • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • I mpression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Rédacteur en chef Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris) sommaire Janvier 2012 • Vol. 6 • N° 50 www.ophtalmologies.org n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2 n à savoir Comment examiner simplement un enfant strabique ? Conseils et méthodes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4 Dr Mitra Goberville (Paris) Responsable editorial Dr Michaël Assouline (Paris) Comité de Rédaction Dr Laurent Laloum (Paris) (Conseiller éditorial de la rédaction) Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Dr Corinne Bok-Beaube Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris), Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes) Comité scientifique Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil), Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse), Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble), Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg), Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon), DrJean-Bernard Weiss (Paris) Pratiques en Ophtalmologie est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] Site : www. ophtalmologies.org RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0314T88767 ISSN : 2106 – 9735 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. n L’essentiel sur… La prévention de la DMLA Quels moyens utiliser ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9 Dr Aude Affortit (Paris) n Mise au point L’aberration sphérique : multifocalité et profondeur de champ Implications pratiques en chirurgie de la cataracte. . . . . . . . . . . . . . . p. 15 Dr Yannick Nochez et Pr Pierre-Jean Pisella (Tours) n zoom sur… La cataracte congénitale Prise en charge diagnostique et thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 20 Dr Pascal Dureau (Paris) n Explorations et Innovations Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec Les systèmes Lipiview® & Lipiflow®. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23 Dr Catherine Albou-Ganem et Raphaël Amar (Paris) n en pratique Les différents types d’adaptation de lentilles pour la presbytie Quel type de correction ? Pour quel patient ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.30 Dr Mathieu Zmuda (Paris) n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3 n Prix et bourses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7 et p. 33 n Kiosque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19 n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32 n Formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 33 www.ophtalmologies.org Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photos de couverture : © DR actualités de la profession PRESBYTIE EN BREF Corriger la presbytie : ASSOCIATION : “Mille Chœurs pour un Regard” Depuis 1996, chaque premier week-end du printemps, des milliers de chorales se réunissent à trois ou quatre et donnent des centaines de concerts. L’objectif est de financer la recherche médicale en ophtalmologie. Avec le soutien de la Sacem, Retina France envoie gratuitement aux organisateurs tracts, billets, affiches, partitions…Cette année les parrains sont Québécois, alors ne ratez pas cet événement ! 400 chorales se sont déjà inscrites, l’objectif étant d’atteindre les 700 concerts soit environ 2 100 chorales participantes. Les chorales peuvent s’inscrire jusqu’à fin février et donner des concerts lors des trois jours phares : le 23, 24 et 25 mars 2012 et au-delà pendant un mois. Pour plus d’informations, vous pouvez joindre le siège de Rétina France au 05 61 30 20 50. Erreurs médicamenteuses L’Afssaps rappelle que tout signalement de risque d’erreur médicamenteuse, ou d’erreur sans effet indésirable peut être transmis directement au Guichet Erreurs Médicamenteuses : erreur.medicamenteuse@ afssaps.sante.fr. Pour information, ce guichet a été mis en place en 2007. Les signalements d’erreur sont traités soit dans le cadre d’une réflexion globale (harmonisation des étiquetages, conditionnement unitaire, charte graphique...), soit par des actions spécifiques (modification de l’AMM, retrait des lots ou communication). Pour en savoir plus : www.afssaps.fr 2 les progrès de la chirurgie L ors de la conférence de presse organisée par la SFO (Société Française d’Ophtalmologie) le 8 janvier dernier, le Pr Béatrice Cochener (CHU de Brest), présidente de l’Académie française d’ophtalmologie, a présenté les nouvelles avancées dans le domaine de la chirurgie de la presbytie, thème qui fait l’objet du rapport de la SFO 2012. La presbytie touche pratiquement toutes les personnes de plus de 45 ans. Des solutions efficaces de corrections existent comme les lunettes avec verres correcteurs ou lentilles de contact, seulement elles sont parfois non satisfaisantes pour les patients, d’un point de vue pratique et esthétique. Il est aujourd’hui possible de proposer aux patients l’opération chirurgicale. La chirurgie de la presbytie est en constante évolution, “une nouvelle technique apparaît tous les 6 mois” précise le Pr Cochener. Les techniques à disposition des chirurgiens sont nombreuses : Presbilasik, implants multifocaux, inlays intra-cornéens, approche sclérale ou encore implants accommodatifs. Les résultats sont satisfaisants, ils permettent aux patients de vivre l’essentiel de leurs activités sans lunettes au prix d’une petite altération de la qualité de vision. Cependant, tous les patients ne peuvent pas en bénéficier. Certains critères sont indispensables à l’opération : une bonne intégrité de la rétine,un bon équilibre entre les deux yeux et une plasticité cérébrale préservée. ß Politique de santé Sécurité du médicament L a loi “relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé” est parue au JO le 30 décembre, avec ces objectifs : contrôle des conflits d’intérêt, transparence des décisions, renforcement de la pharmacovigilance, bénéfice systématique du patient, meilleure formation et information des professionnels de santé et patients. L’Afssaps voit ses missions renforcées et devient l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). La loi oblige à la transparence de tous les liens entre industriels et acteurs du monde de la santé : les conventions seront rendues publiques. Le médicament sera évalué en continu tout au long de sa vie, les règles pour le remboursement seront plus strictes, les prescriptions hors AMM mieux encadrées (à préciser sur l’ordonnance) de même que le dispositif des ATU. La publicité des médicaments et dispositifs médicaux auprès des professionnels de santé sera soumise à un contrôle a priori. Les décrets d’application sont attendus pour février. Pour en savoir plus : http://www.vie-publique.fr/ (rubrique Panorama les lois) ß LÉGISLATION L’utilisation de tonomètres par les opticiens est un « exercice illégal de la médecine » L a Cour de Cassation a rendu son verdict, l’utilisation de tonomètres par les opticiens dans le cadre du dépistage du glaucome doit être considérée comme un exercice illégal de la médecine. Cette décision fait suite à 6 ans de conflit qui oppose d’un côté la mutuelle Santéclair et l’Association des Optométristes de France (AOF) et de l’autre le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF) et le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). En effet, en 2006, Santéclair et l’AOF publiaient une étude intitulée : « Mesure de la pression intraoculaire », l’objectif étant d’améliorer le dépistage du principal facteur de risque du glaucome : la pression oculaire élevée. Le CNOM et le SNOF ont vivement réagi et tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer le danger que faisait peser sur les patients une telle mesure, laissant penser qu’une faible tension oculaire suffisait à évacuer le risque de glaucome. La cour de Cassation a tranché le 11 janvier dernier, la mesure de la pression intraoculaire par tonomètre constitue « le délit d’exercice illégal de la médecine ». ß Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 OFFRE SPECIALE ABONNEMENT 10 N° de Pratiques en Ophtalmologie Et l’accès illimité à www.ophtalmologies.org 80 e Lecteur MP3 Archos “1 Vision” 4 Go noir d Écoutez jusqu’à 2 000 chansons ! d Plus de 20 heures d’autonomie d Capacité jusqu’à 4 Go ! d Micro intégré pour vos enregistrements 55 e Un abonnement découverte de 6 mois au magazine de votre choix 20 e Et, en cadeau, un HUB 4 ports USB 2.0 si vous répondez sous 10 jours Bulletin d’abonnement Oui, Votre abonnement à 75 e au lieu de 155 e 80 e de réduction ! A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé • 2, rue de la Roquette - Passage du Cheval-Blanc • Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 • Fax : 01 49 29 29 19 • E-mail : [email protected] je désire bénéficier de l’offre exceptionnelle qui m’est réservée : 10 numéros de Pratiques en ophtalmologie + Lecteur MP3 Archos “1 Vision” 4 Go noir + l’abonnement découverte pour 75 e seulement* Je choisis 6 mois d’abonnement au magazine suivant : m Capital (6 no) m L’Expansion (6 no) m cardiologie Cardinale (5 no) m Diabète & Obésité (5 no) m onKo+ (5 no) m Repères en Gériatrie (5 no) m Planchemag (5 no) m Neurologies (5 no) m Rhumatos (5 no) Mes Coordonnées : q Dr q Pr q Mme q M. q Mlle Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .................................................................................. .................................................................................. Code Postal : Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Téléphone : Fax : E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . q Abonnement à l’étranger sans cadeau (10 n°) DOM TOM & Union européenne ��������������������������������������������������������������������������� 65 e TTC étranger Hors Union européenne������������������������������������������������������������������������� 75 e TTC Je choisis de régler : q Par chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Par carte bancaire : no : Expire : Cryptogramme : *(bloc de 3 chiffres au dos de votre carte) Signature d * Valable uniquement en France dans la limité des stocks disponibles L’abonnement à la revue Pratiques en ophtalmologie vous permet de bénéficier d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé : ophtalmologies.org neurologies.fr diabeteetobesite.org cardinale.fr geriatries.org onko.fr rhumatos.fr Feuilletez l’ensemble de nos revues en ligne et complétez votre collection avec nos anciens numéros à savoir Comment examiner simplement un enfant strabique ? Conseils et méthodes Dr Mitra Goberville * Introduction Face à un enfant consultant pour un strabisme plusieurs questions se posent : s’agit-t-il d’un vrai strabisme ? Si oui, existe-t-il un caractère d’urgence à sa prise en charge ? Il faut en effet éliminer rapidement l’existence d’une pathologie organique ophtalmologique ou neurologique dont le strabisme serait révélateur. L’existence d’une amblyopie est aussi une urgence et il est important que l’ophtalmologiste évalue ce risque le plus rapidement possible. La quantification de l’angle du strabisme a peu d’intérêt dans un premier temps mais savoir si le strabisme est concomitant ou incomitant et rechercher des signes de paralysie lors de l’examen de la motilité sont incontournables. Strabisme or not strabisme La suspicion de strabisme constitue un des motifs fréquents de consultation chez l’ophtalmologiste. Les parents décrivent souvent un strabisme qui se voit « surtout sur les photos » et qui est en voie de diminution. La première étape est l’interrogatoire détaillé de la famille afin de savoir s’il existe des facteurs de risque chez * Ophtalmologiste, Paris 4 Figure 1 - Impression de strabisme OG. Reflets centrés. l’enfant : antécédents familiaux de strabisme, d’amblyopie ou d’anisométropie, prématurité, petit poids de naissance, anomalies neurologiques ou chromosomiques. L’examen des reflets cornéens permet de voir rapidement si ceux-ci sont bien centrés (Fig. 1). En cas de strabisme, un des reflets se projette au centre de la pupille alors que le deuxième est décentré (Fig. 2). En effet l’épicanthus, fréquent chez le nourrisson, peut faire croire à une ésotropie et ceci d’autant plus qu’il est asymétrique. Toutefois, face à des reflets centrés il est impossible d’éliminer un microstrabisme ou un strabisme intermittent. Les autres éléments de l’examen peuvent alors nous aider grâce à un faisceau d’arguments rassurants s’ils sont analysables. en bi-oculaire ou en monoculaire doit être soigneusement notée. Lors de l’occlusion d’un œil, si l’enfant joue et attrape les objets sans gêne quelque soit l’œil caché, les risques d’amblyopie sont faibles. S’il pleure quel que soit l’œil occlus, nous ne pouvons tirer aucune conclusion. S’il existe un comportement très différent selon l’œil caché il faut redoubler de vigilance et chercher à mettre en évidence une anomalie de l’œil suspect. Les tests du regard préférentiel peuvent aider à quantifier l’acuité entre 4 et 15 mois environ mais il faut savoir que ces tests n’ont pas une grande sensibilité et ne sont pas toujours réalisables. Leurs résultats doivent dans tous les cas, être confrontés aux autres examens décrits. Estimation de l’acuité de chaque œil Examen au biprisme de Gracis Le comportement de l’enfant est analysé d’abord en binoculaire et ensuite après occlusion de chaque œil afin de vérifier l’absence d’amblyopie. L’existence d’un torticolis Le bébé assis sur les genoux d’un des parents doit fixer un petit objet de près. Le biprisme (montage de deux prismes de 6 dioptries, l’un base temporale et l’autre base nasale, l’un au dessus de l’autre) est Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Comment examiner simplement un enfant strabique ? passé à plusieurs reprises de haut en bas devant chaque œil et l’observateur analyse les mouvements de saccade de l’autre œil. Si l’œil prismé neutralise (par amblyopie et/ ou microstrabisme), il n’y a aucun mouvement sur l’œil découvert. Evaluation du comportement de l’enfant au test de Lang Ce test fait aussi partie des éléments de dépistage du strabisme et des anomalies réfractives chez l’enfant. Il peut être montré très tôt, dès l’âge de 5 ou 6 mois. Si un bébé essaye de pincer les 3 dessins du Lang 1, le résultat est rassurant mais s’il ne s’y intéresse pas aucune conclusion ne peut être établie. Examen sous cycloplégie Il est indispensable que l’enfant soit examiné sous cycloplégie et ceci d’autant plus qu’il existe des facteurs de risques ou qu’un des éléments de l’examen précédant était douteux. Chez le nourrisson, le Mydriaticum® peut être utilisé pour visualiser le fond d’œil et avoir une idée de la réfraction. L’enfant sera revu entre 9 mois et un an sous Atropine®. En cas de strabisme, celuici peut être utilisé avant et il sera conseillé aux parents de boucher les voies lacrymales en appuyant sur le nez pendant l’instillation. Les cycloplégiques utilisés sont l’Atropine® et le Skiacol®. Les protocoles sont bien définis et doivent être respectés. Avant 2 ans, il est conseillé d’utiliser l’Atropine® à 0,3 % et à partir de cet âge l’Atropine® à 0,5 %. L’instillation de l’Atropine® se fait le plus souvent entre 3 et 5 jours avant l’examen. L’Atropine® est contre indiqué en cas d’allergie. Le Skiacol® peut être utilisé dès 1 an. L’instillation d’une goutte, 3 fois toutes les 5 minutes, suivi Figure 2 - Reflet centré à droite et décentré à gauche : ésotropie OG. d’un examen 45 à 60 minutes après l’instillation de la première goutte est le plus souvent conseillée. Le Skiacol® est contre-indiqué en cas de convulsion et de troubles neurologiques. Il est inefficace chez le sujet mélanoderme. Aux termes de cet examen de dépistage, l’ophtalmologiste peut dans la grande majorité des cas confirmer ou éliminer l’existence d’un strabisme, d’une amblyopie et/ou d’une anisométropie. Pathologies organiques à éliminer Au cours de l’examen précédant ainsi que devant tout strabisme patent de l’enfant, il est indispensable de vérifier le segment antérieur et le fond d’œil. Le petit enfant peut être tenu “en avion” par l’un des parents : une main sous les fesses et l’autre bras bloquant les bras de l’enfant, permettant une position quasi horizontale. Une troisième personne doit tenir la tête de l’enfant sur la mentonnière. Chez le plus grand, un examen classique est souvent possible, l’enfant étant positionné à genoux. Pour l’examen du FO, l’ophtalmoscope indirect est le plus souvent conseillé puisqu’il permet d’avoir une vue rapide et globale sur la rétine. L’utilisation de l’ophtalmoscope directe et de la lentille de Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Volk, lorsque ceci est possible, permettent une meilleure analyse des détails et des reliefs. Un strabisme convergent ou divergent peut être le premier et parfois le seul signe d’appel de certaines pathologies ophtalmologiques : anomalies cornéennes, cataracte congénitale, hypoplasie du nerf optique, rétinoblastome, dégénérescence tapeto-rétinienne… (Fig. 3). Une pathologie neurologique peut être révélée par un strabisme. Il peut s’agir d’une paralysie oculomotrice ou plus rarement d’un strabisme concomitant. A noter qu’il existe une association du strabisme divergent précoce à des anomalies neurologiques alors que l’ésotropie précoce est le plus souvent isolée. Tout strabisme tardif et brutal doit faire rechercher une cause neurologique. L’ésotropie tardive normosensorielle constitue un diagnostic différentiel et il est important de bien examiner la motilité à la recherche de signe de paralysie. En cas de doute, il faut adresser l’enfant pour un examen neuro-pédiatrique et éventuellement neuro-radiologique. Examen ophtalmologique à l’âge préverbal L’estimation de l’acuité visuelle a déjà été évoquée chez l’enfant ne 5 à savoir Figure 4 - Syndrome de Stilling Duane : léger strabisme de face ; Figure 3 - Hypoplasie papillaire droite responsable absence d’abduction de l’OG ; rétraction de la fente palpébrale d’un strabisme. à l’adduction de l’OG. présentant pas de strabisme patent. En cas de strabisme évident, l’évaluation de l’acuité à l’âge préverbal se déroule de la même manière : examen du comportement de l’enfant en binoculaire et chaque œil caché. On peut aussi estimer les risques d’amblyopie en analysant l’alternance : un enfant qui alterne spontanément et sans cesse a peu de risque d’amblyopie alors que si un œil fixe en permanence, l’œil dévié peut développer une amblyopie rapidement. Il est important dans ces cas d’instaurer un traitement préventif de l’amblyopie même si le comportement visuel de l’enfant est normal. La mesure de l’angle est faite de manière grossière par l’examen des reflets (Krimsky) et présente surtout un intérêt pour suivre l’évolution. En cas de strabisme intermittent, le test de Lang est là encore indispensable afin d’évaluer l’existence d’une vision binoculaire. Ce test n’a de valeur que s’il est clairement positif (l’enfant essaie de pincer les images). L’examen de la motilité permet parfois de mettre en évidence une anomalie congénitale. En effet, face à un strabisme et surtout un torticolis chez le tout petit, il faut s’acharner à examiner la motilité. Des jouets sonores ou l’écran d’un téléphone avec photos ou vidéos peuvent être utilisés pour attirer son attention alors que la maman bloque sa tête. Il n’est pas rare de découvrir dans certains cas une paralysie de l’oblique supérieur, un syndrome de Duane avec rétraction palpébrale (Fig. 4), ou encore un syndrome de Brown. 6 Examen ophtalmologique à l’âge verbal Evaluation de l’acuité visuelle A l’âge verbal, l’examen peut être plus détaillé et au fur et à mesure que l’enfant grandit, les examens successifs permettent d’affiner le diagnostic et améliorer la prise en charge. L’acuité visuelle peut être chiffrée grâce à divers optotypes : dessins, “E” de Snellen, lettres. Trois problèmes se posent : la timidité, la “tricherie” et la perte d’intérêt. Il faut toujours encourager l’enfant et ne jamais lui dire qu’une réponse est fausse au risque de le bloquer. Chez le Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Comment examiner simplement un enfant strabique ? Figure 5 - Bonne alternance spontanée. petit enfant, il est parfois utile d’utiliser les planches de Weiss en s’approchant à 2,5 m et en ajustant le résultat. Les tests par appariement peuvent être utiles si l’enfant refuse de parler. Il faut être très vigilant lors de l’examen monoculaire. L’œil doit être caché par un cache collant car l’enfant triche très facilement pour ne pas échouer. Les nouveaux systèmes de projection permettent de modifier les dessins ou les lettres de manière aléatoire et éviter ainsi que l’enfant ne les apprenne par cœur. Enfin la rapidité de l’examen a une grande importance chez le petit qui se désintéresse vite et ne participe plus. ou de prismes séparés peut encore effrayer les plus petits. La coopération s’améliore au fil des consultations et les mesures deviennent plus fiables. Un examen plus détaillé peut être réalisé par l’orthoptiste dès l’âge de 2 ans. Lors de l’examen ophtalmologique, il est surtout important de voir si l’enfant est capable d’alterner ou si le même œil est fixateur en permanence (Fig. 5). Dans ce cas une prévention de l’amblyopie doit être entreprise. Evaluation de la vision binoculaire L’examen simple de l’enfant nécessite de l’entrainement et de la rapidité. Le but est de dépister les pathologies organiques ainsi que les anomalies réfractives et l’amblyopie. n Le test de Lang est très facilement utilisable à l’âge verbal. L’enfant doit nommer l’image pour que ce test soit fiable. Le test de Wirt peut effrayer le petit surtout lorsqu’ il perçoit la mouche en relief. Il est en général utilisé à partir de 5 ans. Si l’enfant semble droit ou s’il existe un strabisme intermittent ces tests permettent d’évaluer la qualité de la vision binoculaire. Examen oculomoteur L’examen à l’écran est possible dès 3 ans, de loin et de près. La mesure de l’angle à l’aide de la barre de prisme Conclusion Mots-clés : Strabisme, Anomalies réfractives, Amblyopie, Acuité visuelle, Pathologie neurologique prix et bourse Groupe Pasteur Mutualité : bourses 2012 L a Fondation d’Entreprise Groupe Pasteur Mutualité lance un appel à candidature pour ses bourses 2012 d’aide à la recherche médicale. Le groupe marque ainsi sa volonté de soutien à la recherche et d’accompagnement des professionnels de santé et des jeunes chercheurs. Les prix seront attribués à des chercheurs en santé, internes ou praticiens, de moins de 40 ans pour une valeur totale d’au moins 100 000 e. Chaque lauréat peut bénéficier d’une bourse d’un montant allant jusqu’à 20 000 e. Dossiers de candidature Téléchargeables sur : www.fondationgpm.fr Envoi des dossiers avant le 31 mars 2012 Cérémonie de remise des bourses : juin 2012 Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 n 7 L’essentiel sur… La prévention de la DMLA Quels moyens utiliser ? n La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une pathologie rétinienne acquise affectant électivement la région centrale de la rétine responsable de la discrimination des hautes fréquences spatiales (lecture), de la vision colorée et du champ visuel central. Elle représente la première cause de malvoyance chez les plus de 50 ans dans les pays occidentaux (1), concernant en France près d’un million de patients. L’intérêt d’un traitement préventif de la DMLA se justifie par la grande fréquence de cette pathologie et notamment de sa forme atrophique qui est majoritaire et contre laquelle aucun traitement curatif n’est à ce jour disponible. A vant d’exposer les moyens de prévention possibles de la DMLA, les mécanismes physiopathogéniques supposés de cette pathologie seront rappelés ainsi que ses facteurs de risque et sa classification, qui lui définit différents stades de progression, les stades précoces ou “précurseurs” constituant un risque de développer ultérieurement un stade plus sévère. Physiopathogénie de la DMLA Le stress oxydatif est le mécanisme principal des altérations rétiniennes constituant progressivement une DMLA (2). Le cycle visuel produit physiologiquement des radicaux libres oxygénés qui, compte tenu de leur toxicité, doivent être éliminés de façon constante par un système dit antioxydant. Le renouvellement permanent des segments externes des photoré- * Ophtalmologiste, Fondation Rothschild, Paris Dr Aude Affortit * cepteurs par l’épithélium pigmentaire contribue à cette élimination des radicaux libres, tout comme le pigment xanthophylle qui joue un double rôle d’antioxydant et de filtre vis-à-vis des ultra-violets (UV). Plusieurs enzymes utilisant notamment le cuivre comme cofacteur et certaines vitamines comme les vitamines C et E participent également à ce système antioxydant. Des mécanismes inflammatoires et ischémiques sont par ailleurs impliqués dans la physiopathogénie de la DMLA. Facteurs de risque âge Plusieurs facteurs favorisent la survenue d’une DMLA, au premier rang desquels se situe l’âge. Une étude récente sur la prévalence de la DMLA aux Etats-Unis chez les plus de 60 ans l’estimait à 13,4 % pour les formes précoces et 2,2 % pour les formes tardives, cette prévalence augmentant ensuite progressivement avec l’âge (3). Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Facteurs ethniques Des facteurs ethniques entrent également en jeu, les sujets caucasiens étant préférentiellement atteints. Facteurs environnementaux Certains facteurs comme le tabagisme (supérieur à 10 paquets/ année), l’obésité et l’HTA sont des facteurs de risque avérés ; le rôle négatif des UV, bien que très fortement suspecté, reste quant à lui hypothétique (4). Facteurs génétiques Le caractère familial de la DMLA a été observé de longue date. Le risque relatif de développer une DMLA pour un sujet ayant un antécédent familial de la maladie est approximativement multiplié par 4 (5). Plusieurs gènes de prédisposition à la DMLA ont été à ce jour identifiés comme le gène de l’apoE (apolipoprotéine E) (6) et le gène du CFH (facteur H du complément). Ils ne suffisent pas à eux seuls à déclencher 9 L’essentiel sur… la maladie mais y participent en association à des facteurs environnementaux. Il est désormais démontré que ces facteurs de susceptibilité génétique augmentent la probabilité de développer une DMLA dans des proportions beaucoup plus importantes que les facteurs environnementaux, avec des odds ratio nettement plus élevés. Classification de la DMLA Il est intéressant de rappeler ici la classification utilisée dans l’AREDS (Age Related Eye Disease Study) (7), grande étude prospective, multicentrique et randomisée, menée aux Etats-Unis entre 1992 et 1998 à l’initiative du National Eye Institute, puisque c’est ce travail qui a confirmé l’intérêt d’une supplémentation en vitamines antioxydantes et minéraux à visée préventive dans la DMLA. La classification de la DMLA selon l’AREDS est essentiellement fondée sur l’aspect du fond d’œil et définit 4 stades (8) : • stade 1 : absence d’anomalies ou petits drusen (de taille inférieure à 63 microns) non extensifs ; • stade 2 : petits drusen extensifs, drusen intermédiaires (entre 63 et 125 microns) ou anomalies pigmentaires sur au moins 1 œil ; • stade 3 : drusen intermédiaires extensifs, grands drusen (taille supérieure à 125 microns) ou atrophie géographique non centrale sur au moins 1 œil ; • stade 4 : DMLA avancée (atrophie géographique touchant le centre ou néovascularisation choroïdienne) ou acuité visuelle < 20/32 attribuable à des lésions de DMLA précoce. Les stades 2 et 3 constituent la maculopathie liée à l’âge (MLA) (Fig. 1) qui peut être asymptomatique 10 Figure 1 - DMLA de stade 3, photos du fond d’œil. A. Drusen séreux et intermédiaires. B. Drusen séreux partiellement confluents. C et D. Décollement de l’épithélium pigmentaire drusénoïde et hyperpigmentations Figure 2 - DMLA de stade 4. A. Photos couleur objectivant une plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs. B. Cliché en autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques. C. Photo couleur d’une DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire. D. Evolution fibrineuse de l’hématome ou se traduire par un trouble de l’adaptation au changement d’ambiance lumineuse ou encore par un besoin accru d’éclairage lors de la lecture. Les stades 4 et 5 constituent la DMLA à proprement parler (Fig. 2). Les symptômes associent de façon variable une baisse d’acuité visuelle prédominant en vision de près, des métamorphopsies et un scotome central. La DMLA atro- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 La prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Figure 3 - Différents types de néovaisseaux choroïdiens. Figure 4 - Anastomose chorio-rétinienne. A. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluorescéine à A et B. Au temps précoce et tardif de l’angiographie à la fluores- 1 minute. B. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluores- céine. C et D. En OCT spectral domain montrant un volumineux céine à 3 minutes montrant une diffusion progressive de l’hyper- œdème intrarétinien entourant l’anastomose en regard de fluorescence initiale. C et D. Néovaisseaux occultes bilatéraux, stade laquelle un décollement de l’épithélium pigmentaire est identi- tardif de l’ICG montrant une plaque hyperfluorescente. E et F. OCT fiable. E. Temps précoce de l’ICG montrant deux vaisseaux réti- spectral domain correspondant objectivant un discret soulèvement niens juxta fovéolaires à l’extrémité dilatée semblant plonger de de l’épithélium pigmentaire isolé à droite et accompagné d’un façon perpendiculaire vers une hyperfluorescence choroïdienne. décollement séreux rétinien à gauche. F. ICG temps tardif, hot-spot. phique, majoritaire, se caractérise par le développement progressif de plages d’atrophie rétinienne autour de la fovéa avec une tendance variable à l’extension notamment en position rétrofovéolaire. Elle ne bénéficie à ce jour d’aucun traitement curatif. La DMLA exsudative est définie par le développement de néovaisseaux choroïdiens de différents types selon leur comportement en OCT et angiographies figures 3 et 4. Elle est désormais traitée par injections intravitréennes (IVT) d’anti VEGF qui en ont considérablement amélioré le pronostic. Cette classification diffère quelques peu de la classification internationale de la DMLA qui souligne l’importance des pseudodrusen. Secondairement, le rapport n°18 de l’AREDS (9) a établi une classification simplifiée permettant de déterminer le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans, en fonction des anomalies observées au FO qui sont cotées de la façon suivante : • présence de migrations pigmentaires sur 1 œil = 1 point ; • présence d’au moins 1 drusen séreux sur 1 œil = 1 point ; • les scores de l’œil droit et de l’œil gauche s’additionnant. La présence de drusen intermédiaires bilatéraux correspond à un score de 1 et l’existence d’une DMLA néovasculaire unilatérale à un score de 2. Ainsi le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans peut être estimé à : score = 0 : 0,5 %, score = 1 : 3 %, score = 2 : 12 %, score = 3 : 25 %, score = 4 : 50 %. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 La prévention de la DMLA Historique : l’étude AREDS ❚❚Méthode Cette large étude a étudié 3 557 sujets répartis en 4 groupes : le premier supplémenté par une association de vitamine C (500 mg), de vitamine E (268 mg) et de béta-carotène (15 mg), le deuxième par cuivre (80 mg) et zinc (2 mg), le troisième à la fois par vitamines antioxydantes, cuivre et zinc, le quatrième par un placebo. ❚❚Résultats (10) Une réduction de 25 % du risque de progression de la DMLA a été observée dans le groupe de patients présentant un stades 3 ou 4 11 La prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge de DMLA et traités par l’association de vitamines C et E, de béta carotène, de zinc et de cuivre, contrairement aux groupes traités par l’un ou l’autre de ces éléments seuls et aux groupes de patients présentant un stade plus précoce de DMLA. Aucun effet secondaire majeur n’a été rapporté dans l’AREDS en dehors d’une coloration jaunâtre des téguments par ailleurs réversible. Par contre, un surrisque de cancer pulmonaire associé à la supplémentation en béta-carotène chez les fumeurs a été attesté par deux études (11, 12). Depuis l’AREDS, un faisceau d’arguments a suggéré l’effet protecteur d’autres nutriments ❚❚Les oméga-3 Acides gras polyinsaturés, ils sont représentés d’une part par l’acide alpha-linolénique ou ALA (à chaine courte) et d’autre part par l’acide docosahexaenoique ou DHA et l’acide eicosapentaenoique ou EPA, tous deux à longue chaine. L’ALA et l’EPA sont des précurseurs du DHA qui est fortement concentré dans les segments externes des photorécepteurs. Leur provenance est essentiellement alimentaire, l’organisme ne pouvant les synthétiser. Le DHA est très concentré dans les poissons gras (thons, sardines, maquereaux, saumon), l’ALA dans les huiles d’origine végétale (colza, soja, noix, germe de blé). Des études épidémiologiques ont montré que les sujets présentant une alimentation riche en oméga-3 et pauvre en acides gras polyinsaturés de type oméga-6 présentaient un moindre risque de DMLA (13, 14). Une méta-analyse de Chong et al (15) concluait récemment à la nécessité d’études randomisées supplémentaires pour attester formellement l’intérêt d’une supplémentation par oméga-3. ❚❚Les caroténoïdes La lutéine et la zéaxanthine composent physiologiquement le pigment xanthophylle maculaire où ils jouent un double rôle de filtre des courtes longueurs d’onde associé à une action antioxydante. Tout comme les oméga-3, leur source est essentiellement alimentaire. Ils sont présents à de fortes concentrations dans le cresson, les épinards, le chou vert, la laitue, les brocolis, les petits pois, le maïs et le jaune d’oeuf. Leur rôle a d’abord été suggéré par des études épidémiologiques fondées sur des questionnaires alimentaires retrouvant un plus faible taux de DMLA chez les sujets à l’alimentation riche en légumes verts (16, 17). Une augmentation de la densité du pigment maculaire a d’autre part été observée chez des sujets supplémentés en lutéine et zéaxanthine (18). Des études interventionnelles de petite taille ont également suggéré l’effet bénéfique d’une telle supplémentation (19). Une méta-analyse récente reprenant les résultats des différentes études parues à ce jour concluait à l’intérêt d’une supplémentation en lutéine et zéaxanthine pour prévenir la survenue d’une DMLA néovasculaire mais pas la survenue d’une DMLA précoce (20). Dans un avenir proche : l’étude AREDS 2 Actuellement en cours, elle étudie l’intérêt d’une association entre la formule de l’AREDS 1 avec ou sans bétacarotène, les oméga-3 et la lutéine/zéaxanthine. Ses résultats très attendus pourront prochainement (fin 2012) établir Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 plus finement la dose nécessaire exacte de chacun des nutriments évalués par la première version de l’AREDS et apporter la preuve de l’intérêt d’y ajouter des oméga-3, de la lutéine et de la zéaxanthine. Les vitamines du groupe B Les vitamines B6, B9 et B12 interviennent dans le métabolisme de l’homocystéine en réduisant son taux circulant. Dans la Blue Mountain Eye Study, une hyperhomocystéinémie ou un faible taux sanguin de vitamines B12 étaient associés à un risque plus élevé de DMLA (21). Une récente étude a retrouvé une diminution du risque de DMLA en cas de supplémentation en vitamines du groupe B dans une population très spécifique de femmes présentant une pathologie cardiovasculaire préexistante ou de multiples facteurs de risque (22). Le bénéfice d’une telle supplémentation dans une plus large population reste à démontrer. Les extraits de myrtille Malgré leur vertu antioxydante supposée, l’intérêt de leur consommation à visée préventive dans la DMLA reste à démontrer. Que faire en pratique ? La première étape de la prévention de la DMLA suppose un dépistage des lésions éventuelles du fond d’œil par un examen ophtalmologique au moins annuel chez le sujet de plus de 55 ans, qui déterminera l’existence ou non d’éventuels précurseurs. Prévention primaire En prévention primaire, c’est-àdire chez le sujet sain, indemne de DMLA, il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques 13 L’essentiel sur… pour conseiller une supplémentation en micronutriments (1). On peut conseiller une éviction des facteurs de risque (tabagisme, surpoids, HTA) associée à une alimentation riches en vitamines C (poivrons, kiwis, agrumes), vitamine E (huiles et margarines végétales), zinc (huitres, coquillages, pain complet, foie), caroténoïdes et oméga-3, d’autant plus que le patient présente des antécédents familiaux de DMLA. Une prévention ciblée avec supplémentation en micronutriments des individus sains présentant un risque relatif de DMLA élevée du fait de leurs variants génétiques pourrait à l’avenir être envisagée (23). Prévention secondaire En prévention secondaire, c’està-dire pour diminuer le risque de développer une DMLA sévère ou retarder sa survenue, chez des individus présentant une DMLA précoce, la conduite à tenir est cette fois mieux codifiée et comprend : • Les règles hygiéno diététiques précédemment citées : arrêt du tabac, réduction pondérale, traitement d’une HTA et alimentation variée. Il faut toutefois préciser que le sur risque lié à la consommation de tabac n’est annulé qu’après 20 ans de sevrage. • Une association d’antioxydants type AREDS (sans béta carotène pour les fumeurs, même sevrés), seule supplémentation formellement validée; en se rappelant que les concentrations en vitamines C, E et zinc validées par l’AREDS sont très supérieures aux apports journaliers recommandés et qu’une simple alimentation équilibrée ne suffit donc pas à atteindre ces niveaux d’apport. Par exemple, la dose de vitamine C préconisée par l’AREDS nécessiterait la consommation de 7 à 8 oranges par jour… • Une supplémentation éventuelle en caroténoïdes et oméga-3. Il s’agit de recommandations qui pour l’heure, dans l’attente des résultats de l’AREDS 2, ne s’appuient pas sur des preuves scientifiques formelles. Cependant, les effets secondaires potentiels étant minimes et le bénéfice attendu important, la lutéine, la zéaxanthine et le DHA ont déjà été intégrés dans bon nombre de préparations visant à prévenir l’aggravation d’une DMLA, en association au cocktail validé par l’AREDS le plus souvent dépourvu n de béta-carotène. Mots-clés : DMLA, Prévention, Classification, Nutriment, Bibliographie 1. Krishnadev N, Meleth AD, Chew EY. Nutritional supplements for age-related macular degeneration. Curr Opin Ophthalmol 2010 ; 21 : 184-9. 2. Desmettre T, Lecerf JM, Souied EH. Nutrition and age-related macular degeneration. J Fr Ophtalmol 2004 ; 27 : 3S38-56. 3. Klein R, Chou CF, Klein BE et al. Prevalence of age-related macular degeneration in the US population. Arch Ophthalmol 2011 ; 129 : 75-80. 4. Clemons TE, Milton RC, Klein R et al ; Age-Related Eye Disease Study Research Group. 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L’analyse d’un front d’onde lumineux traversant le système visuel est de mieux en mieux comprise et la chirurgie de la cataracte bénéficie des avancées communes de la contactologie et de la chirurgie réfractive. Nous verrons dans un premier temps ce qu’est une aberration optique, et plus précisément l’une d’entre elles : l’aberration sphérique. Puis, nous analyserons les conséquences théoriques de cette aberration sphérique sur la qualité de vision subjective et objective des patients pseudophaques. Enfin, nous présenterons comment utiliser en pratique cette aberration sphérique pour restaurer qualité de vision, profondeur de champ et multifocalité. Les aberrations optiques : une réalité à ne pas ignorer lysées et décomposées en unités élémentaires : les polynômes de Zernike (Fig. 1). * Service d’Ophtalmologie, CHU Bretonneau, Faculté de Médecine François Rabelais, Tours Les aberrations optiques géométriques de l’œil humain sont réparties : • pour 90 % d’entre elles en aberrations dites de bas ordre (d’ordre 2) : Z2-0 ou défocus correspondant à l’anomalie de défocalisation (en avant de la rétine : myopie ou en arrière de la rétine : hypermétropie), et Z2-2 ou astigmatisme correspondant à la correction cylindrique. • pour 10 % d’entre elles, en aberrations de haut ordre (3e, 4e et au-delà). Les plus influentes sur la qualité de vision sont la coma ou Z3-1, le tréfoil ou Z3-3 (toutes deux, aberrations asymétriques) et enfin l’aberration sphérique ou Z4-0 (Fig. 2). Les différents milieux traversés par la lumière avant d’atteindre les photorécepteurs sont inhomogènes, imparfaits et mobiles. Un système optique dit “parfait” est caractérisé par la convergence des rayons lumineux en un seul et même point. Les différents milieux optiques (cornée et cristallin surtout) déforment le front d’onde lumineux. L’image d’un point lumineux, formée sur la rétine comporte des distorsions : c’est la fonction d’étalement du point ou PSF (Point Spread Function). Ces déformations, appelées aussi “aberrations optiques”, sont ana- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 L’analyse de la PSF et la décomposition des aberrations optiques est essentielle car elle est directement reliée à la qualité de vision et à la notion de pouvoir de résolution (acuité visuelle et sensibilité aux contrastes) (Fig. 3). Comprenons dès à présent que les aberrations optiques d’un système visuel sont : • potentiellement changeantes (avec l’accommodation) ; • dépendantes du diamètre pupillaire (plus le diaphragme pupillaire augmente, plus la quantité d’aberrations optiques générées par l’œil augmente) ; • et surtout sont nécessaires à l’intégration cérébrale. Toutes les aberrations optiques n’ont pas la même conséquence sur le pouvoir de résolution de l’œil et ne sont pas toutes péjoratives : elles conditionnent non seulement le réflexe de l’accommodation par le flou qu’elles peuvent induire mais elles permettent également de stimuler efficacement les photorécepteurs (1, 2). L’aberration sphérique : description L’aberration sphérique concerne tout dioptre (cornée, cristallin, lentille, ou même objectif d’un appareil photographique ou téléscope). On parlera d’aberration 15 Mise au point sphérique positive lorsqu’à travers la surface optique, les rayons périphériques sont plus réfractés et sont focalisés en avant de ceux passant par le centre : la cornée en est l’exemple parfait (Fig. 4). L’aberration sphérique dépend de deux principaux dioptres oculaires qui se compensent mutuellement : la cornée et le cristallin. La cornée est dite prolate car elle génère une aberration sphérique positive (d’une moyenne de 0,27 µm). Le cristallin du sujet jeune, génère une aberration sphérique négative, car son indice de réfraction diminue du centre vers la périphérie. La représentation de face et en 3D de l’aberration sphérique est illustrée sur la figure 5. Les points passant par le centre de la surface sphérique sont focalisés distinctement au centre (point rouge central sur l’image en 3D). Les points passant par la périphérie de la surface sphérique sont défocalisés en avant (anneau bleu sur l’image en 3D). On comprend aisément que l’aberration sphérique dégrade l’image d’un point, en générant notamment des halos concentriques. Ceci a deux conséquences. • L’aberration sphérique dégrade la qualité d’une image en étalant la PSF de ce point et en diminuant l’énergie lumineuse du point central. Les contrastes de l’image en ressortent amoindris (Fig. 5). • L’aberration sphérique est une déformation symétrique du front d’onde. Elle est responsable d’une défocalisation en avant des rayons passant par la périphérie de la surface optique sphérique. Cette seconde “focale” peut être perçue par l’œil du sujet : l’aberration sphérique est un 16 Figure 1 - L’ensemble des déformations (image de gauche) est décomposée en défor mations élémentaires ou polynômes de Zernike (images de droite). Figure 2 - Répartition des aberrations optiques géométriques. On décrit l’aberration de 1er ordre (tilt ou effet prismatique), de 2nd ordre (défocus et astigmatisme), de 3e ordre (coma et tréfoil) et de 4e ordre (aberration sphérique, astigmatisme secondaire et tétrafoil). Figure 3 - Une image parfaite (E) qui traverse un système optique sera déformée par les aberrations optiques de ce système : l’image obtenue est dégradée en termes de qualité de vision. La fonction d’étalement d’un point ou PSF caractérise donc la “qua lité optique” d’un système visuel. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 L’aberration sphérique : multifocalité et profondeur de champ des moyens de générer de la multifocalité. En effet, le point central n’est nullement myopisé, il assure une vision de loin parfaite alors que les anneaux périphériques de l’aberration sphérique peuvent être capables d’assurer une profondeur de champ suffisante pour une vision intermédiaire et une vision de près. L’aberration sphérique constitue donc un compromis entre dégradation de la qualité de vision (halos, flou et baisse de la sensibilité aux contrastes) et confort visuel en augmentant la profondeur de champ : une aberration sphérique nulle donne une focalisation précise mais sans aucune tolérance au défocus, sans aucune profondeur de champ. Figure 4 - Surface optique générant une aberration sphérique positive. Figure 5 - Représentation spatiale en 3D de l’aberration sphérique. Représentation spatiale de face de la fonction de dispersion d’un point lumineux. Image dégradée par L’aberration sphérique (AS) : son intérêt en pratique dans la chirurgie de la cataracte Depuis une dizaine d’années, Artal et al. (3) ont comparé, chez des patients phakes, la valeur de l’AS cornéenne mesurée “directement” à l’aide d’un cornéotopographe avec celle calculée par l’équation mathématique (AS totale mesurée par un aberromètre – AS interne mesurée par un aberromètre après immersion de la cornée dans un bain de sérum physiologique de manière à annuler les aberrations cornéennes). Il s’agit d’une approximation inhérente à la mesure puisque le système de mesure est en transformées de Fourier. Cependant, elle est suffisante pour l’exercice clinique et rendue possible par la conversion en polynômes de Zernike. On peut donc considérer en pratique clinique, que l’AS totale est égale à la somme de l’AS cornéenne de l’aberration sphérique. et celle générée par le cristallin ou l’implant. Bien sûr, il s’agit d’effectuer les mesures à diamètre pupillaire égal. cornéenne est nécessaire dès lors que l’on prétend pouvoir compenser celle-ci avec des implants intraoculaires asphériques. Par ailleurs, Wang et al. ont démontré que l’AS cornéenne est une aberration dont la valeur possède En effet, trois conditions sont nécessaires à une sélection optimale de l’asphéricité de l’im- Une mesure de l’aberration sphérique cornéenne est nécessaire dès lors que l’on prétend pouvoir compenser celle-ci avec des implants intraoculaires asphériques. une distribution statistique gaussienne centrée sur une valeur de 0,27 µm en moyenne (4). Néanmoins, 15,4 % de la population présente une AS cornéenne inférieure à 0,20 µm alors que 43 % seulement de la population présente une AS cornéenne comprise entre 0,20 et 0,30 µm et 40 % au-delà. Ainsi, une mesure de l’aberration sphérique Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 plant lors de la chirurgie de la cataracte. • La mesure pré-opératoire de l’AS cornéenne doit être comparable à celle mesurée en post-opératoire. Ceci est rendu possible par l’utilisation de la micro-incision (< 2,2 mm), modifiant peu la répartition des aberrations optiques cornéennes centrales (5). 17 Mise au point • L’analyse mathématique (AS cornéenne + AS interne = AS totale) doit être possible en pratique clinique courante (6). • Enfin, une modification de l’AS totale doit être utile et pertinente en termes de qualité subjective et objective de vision. En effet, à acuité visuelle identique, un œil dont l’aberration sphérique finale sera proche de 0 présentera des qualités optiques objectives meilleures (moindre fonction de dispersion du point et meilleure sensibilité aux contrastes) (7). Figure 6 - Compromis entre sensibilité aux contrastes (courbe bleue) et profondeur de champ (courbe rouge) en fonction de l’aberration sphérique totale chez des patients pseudophaques porteurs d’implants asphériques. Ainsi, en raison d’une AS cornéenne moyenne positive de 0,27 µm, implanter un implant asphérique négatif (visant à compenser 0,18 µm d’AS cornéenne) ou un implant asphérique neutre (ne générant aucune AS) améliore significativement la qualité de vision et la sensibilité aux constrastes des patients pseudophaques par rapport à un implant sphérique (8). Quelle aberration sphérique cible viser en post-opératoire ? Comme nous l’avons vu précédemment, minimiser l’aberration sphérique totale d’un système visuel revient à maximiser la qualité objective de vision, mais en diminuant la profondeur de champ (Fig. 6). Par ailleurs, l’aberration sphérique est comprise dans un profil complexe d’autres aberrations optiques. La coma, ou le tréfoil sont des aberrations optiques capables également d’augmenter la profondeur de champ subjective des patients pseudophaques (Fig. 7). En pratique, les besoins visuels sont différents d’un patient à l’autre. Il n’existe donc pas une AS cible mais plusieurs options en fonction de la multifocalité que l’on veut obtenir. 18 Figure 7 - Profondeur de champ subjective calculée comme l’écart en dioptries au cours de laquelle l’image est perçue comme acceptable par le patient. Si la qualité de vision veut être privilégiée au détriment d’une profondeur de champ Il conviendra de cibler 0 µm d’AS finale : • préférable chez les patients avec large diamètre pupillaire ; • chez les patients demandeurs d’une vision mésopique très bonne ; • lors de l’utilisation d’implants de puissance réfractive élevée ; • en l’absence de rupture capsulaire, de risque de tilt ou décentrement d’implant. Ainsi, en cas d’AS cornéenne préopératoire comprise entre 0,15 et 0,30 µm, un implant asphérique négatif sera privilégié. En cas d’AS cornéenne comprise entre 0 et 0,10 µm, un implant asphérique neutre sera proposé. Enfin, en cas d’AS cornéenne négative (kératocone, post-chirurgie réfractive hypermétropique), un implant sphérique sera conseillé. Si la profondeur de champ subjective et l’effet multifocal est recherché Il conviendra de cibler une AS finale soit faiblement positive (0,10 à 0,15 µm) soit faiblement négative (-0,10 à -0,15 µm). Des études cliniques sont encore en cours pour déterminer le meilleur compromis restaurant le maximum d’effet multifocal sans dégrader la qualité de vision subjective ou objective. Une étude récente a été effectuée dans le service d’ophtalmologie du CHU de Tours, visant à analyser l’intérêt d’une bascule d’AS optimisée en fonction de la dominance oculaire afin d’obtenir une meilleure profondeur de champ binoculaire. Le groupe “optimisé” bénéficiait d’un implant asphérique négatif sur l’œil dominant afin d’obtenir une AS finale proche de 0 µm alors que l’œil dominé recevait un implant asphérique neutre. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 L’aberration sphérique : multifocalité et profondeur de champ A acuité visuelle de loin non différente (supérieure à 10/10e) et à équivalent sphérique identique, le groupe porteur d’implants asphériques négatifs aux deux yeux semble présenter une profondeur de champ binoculaire inférieure au groupe “optimisé”. La capacité de lecture de près sans correction optique du groupe “optimisé” était supérieure de deux lignes au groupe témoin porteur d’implants asphériques négatifs bilatéraux (Fig. 8). n Figure 8 - Courbe de défocus binoculaire présentant l’évolution de l’acuité visuelle Mots-clés : Aberration sphérique, Multifocalité, Profondeur de champ, Implant chez le groupe témoin (porteur d’implants asphériques négatifs Acrismart 36A® bilatéraux) et chez le groupe “optimisé” (porteur d’implant asphérique négatif sur l’œil dominant et d’implant asphérique neutre AcriSmart 46LC® sur l’œil dominé). Bibliographie 1. Applegate RA, Sarver EJ, Khemsara V. Are all aberrations equal? J Refract Surg 2002 ; 18 : 556-62. 2. Applegate RA, Ballentine C, Gross H et al. Visual acuity as a function of Zernike mode and level of root mean square error. Optom Vis Sci 2003 ; 80 : 97-105. 3. Artal P, Guirao A, Berrio E, Williams DR. Compensation of corneal aberrations by the internal optics of the human eye. J Vis 2001 ; 1 : 1-8. 4. Wang L, Dai E, Koch DD, Nathoo A. Optical aberrations of the human anterior cornea. J Cataract Refract Surg 2003 ; 29 : 1514-21. 5. Nochez Y, Majzoub S, Pisella PJ. Corneal aberrations integrity after microincision cataract surgery: prerequisite condition for prediction of total ocular aberrations. Br J Ophthalmol 2010 ; 94 : 661-3. 6. Nochez Y, Favard A, Majzoub S, Pisella PJ. Measurement of corneal aberrations for customization of intraocular lens asphericity: impact on quality of vision after microincision cataract surgery. Br J Ophthalmol 2010 ; 94 : 440-4. 7. Nochez Y, Majzoub S, Pisella PJ. Analyse objective de la qualité de vision en fonction de l’asphéricité postopératoire d’une chirurgie micro-incisionnelle de la cataracte. J Fr Ophtalmol 2010 ; 33 : 16-22. 8. Montes-Mico R, Ferrer-Blasco T, Cervino A. Analysis of the possible benefits of aspheric intraocular lenses: review of the literature. J Cataract Refract Surg 2009 ; 35 : 172-81. kiosque Motricité et sensorialité oculaire : l’examen Martine SANTALLIER S - éditions 320 pages - 20 x 26 cm Date de parution : 25 novembre 2011 Prix public : 79.00 € TTC - Collection : Orthoptie Sommaire Partie 1 • P hysique du prisme et ses actions oculaires Rappels de cours de physique appliqués à l’oculomotricité. Partie 2 • Rappels de physiologie et de pathologie sur la vision binoculaire Rappels de cours de physiopathologie de la vision binoculaire. Partie 3 • Bilan oculomoteur et son intérêt pour l’ophtalmologiste Détails des étapes du bilan oculomoteur selon les attentes de l’ophtalmologiste. Partie 4 • Instruments classiques Description des instruments incontournables et mise en application par de nombreux cas cliniques. Partie 5 • Autres instruments Description des instruments complémentaires et mise en application par de nombreux cas cliniques. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 19 zoom sur… La cataracte congénitale Prise en charge diagnostique et thérapeutique n La prise en charge des cataractes pédiatriques a considérablement évolué dans les vingt dernières années. La meilleure connaissance des étiologies a apporté plus de discernement dans les bilans. Les techniques chirurgicales et anesthésiques se sont affinées pour optimiser la sécurité et l’efficacité des interventions. La qualité du suivi permet aujourd’hui des récupérations visuelles autrefois jugées impossibles, particulièrement dans les formes unilatérales. Les formes unilatérales ou bilatérales constituent deux entités assez distinctes du point de vue des circonstances de découverte, des étiologies et de la prise en charge. Circonstances du diagnostic Les formes unilatérales précoces sont repérées par une leucocorie quand l’opacité est dense et antérieure, plutôt par un strabisme dans les autres cas. Les formes bilatérales peuvent donner lieu à une leucocorie, un trouble du comportement visuel (mauvaise fixation, nystagmus qui est un facteur de mauvais pronostic), moins souvent un strabisme. Dans tous les cas, les formes d’aggravation progressive (de meilleur pronostic) peuvent se traduire par une baisse d’acuité visuelle repérée par les parents ou par un examen de dépistage systématique. Etiologies Elles sont théoriquement très nombreuses, mais en pratique se résument à un petit nombre de situations (1). Dans les formes bilatérales, les cataractes liées à une maladie générale ne sont qu’exceptionnellement le mode de ré* Département d’ophtalmologie pédiatrique, Fondation Rothschild, Paris 20 vélation de celle-ci. Ces maladies (métaboliques, syndromiques, etc) sont connues ou évidentes et la cataracte découverte secondairement. Dans les autres cas, la cataracte est isolée et généralement héréditaire (autosomique dominante), l’enfant pouvant être le premier atteint de la famille à la suite d’une mutation. Cela conduit à proposer comme bilan, après l’interrogatoire de la famille sur les antécédents, un examen clinique pédiatrique et éventuellement une consultation de génétique. Eventuellement chez un garçon présentant une cataracte précoce, on peut demander une aminoacidurie à la recherche d’un syndrome de Lowe (maladie métabolique liée à l’X) dont l’expression clinique n’est pas toujours évidente d’emblée. Le reste du bilan est guidé par l’examen clinique général. Dans les formes unilatérales, la cause est généralement locale, soit évidente (uvéite, traumatisme, malformation) soit liée à une persistance de la vascularisation fœtale (ou du vitré primitif ) avec, à divers degrés, microphtalmie, opacité blanche rétrocristal- Dr Pascal Dureau * linienne vascularisée et étirement des procès ciliaires (Fig. 1). Examen L’examen commence par l’interrogatoire des parents : antécédents familiaux, circonstances de découverte, ancienneté des symptômes (qui est cruciale pour le pronostic), évolution. Le comportement visuel de l’enfant est observé : fixation, suivi, réaction à l’occlusion, nystagmus, acuité chez les plus grands. L’examen à la lampe à fente se fait sur les genoux d’un parent ou allongé à plat ventre sur une table. Il permet de noter une microphtalmie, le siège et la densité de l’opacité. Souvent cet examen n’est pas facile et sera complété par un examen sous anesthésie générale immédiatement pré-opératoire. Cet examen sous anesthésie permet en outre de mesurer le tonus oculaire et de faire une échographie à la recherche d’anomalies associées du segment postérieur, ainsi qu’une biométrie. Enfin l’examen des parents cherche des signes en faveur d’une forme familiale. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 La cataracte congénitale Figure 1 - Persistance de la vascularisation fœtale : opacité Figure 2 - Cataracte nucléaire d’aggravation progressive. rétrocristallinienne vascularisée. Formes cliniques Elles sont liées à la topographie de l’opacité : polaire antérieure ou postérieure, nucléaire, zonulaire, capsulaire postérieure, avec défect de la capsule postérieure, totale. Cette topographie n’a que peu de valeur d’orientation étiologique. Traitement Traitement optique Le traitement des cataractes congénitales n’est pas toujours chirurgical. Les cataractes polaires antérieures, nucléaires, zonulaires ou “poussiéreuses” peu denses peuvent faire l’objet d’une correction optique totale, et d’une rééducation d’amblyopie dans les formes unilatérales. Ces formes sont volontiers d’aggravation progressive et finissent par nécessiter une intervention après quelques années (parfois décennies), avec un meilleur pronostic fonctionnel (Fig. 2). traitement chirurgical A l’inverse les formes congénitales obturantes doivent être opérées dans les premières semaines de vie pour optimiser les chances de récupération fonctionnelle (2) (Fig. 3). La technique chirurgicale ac- tuelle se rapproche beaucoup de celle utilisée chez l’adulte (3) : incision cornéenne, capsulorhexis antérieur (parfois difficile en raison de l’élasticité capsulaire), aspiration du contenu cristallinien (le noyau n’étant pas individualisé, l’émulsification n’est pas nécessaire et l’aspiration peut se faire en bimanuel pour rester à volume fermé dans ces yeux “mous”), implantation dans le sac d’un implant généralement acrylique hydrophobe (4, 5). La différence principale réside dans le traitement de la capsule postérieure : en l’absence d’ouverture capsulaire, une opacification survient d’autant plus souvent et rapidement que l’enfant est petit, systématiquement avant 2-3 ans (6). Il est donc réalisé un capsulorhexis postérieur et une vitrectomie antérieure, le vitré antérieur étant indissociable de la capsule postérieure chez l’enfant et pouvant lui-même constituer un support pour la prolifération (7). Une suture est utilisée chez les enfants les plus petits dont l’œil peu rigide ne peut assurer une autoétanchéité de l’incision (Fig. 4). Seuls les yeux microphtalmes ou présentant une malformation sont laissés aphaques. Avant un an, les complications post-opératoires favorisées par Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 l’implantation sont plus fréquentes (prolifération secondaire et inflammation). Toutefois il existe des arguments en sa faveur : améliorer la récupération visuelle et éviter le glaucome de l’aphaque, principale complication de la chirurgie de la cataracte pédiatrique, dont la fréquence augmente en cas de chirurgie précoce (avant 1 an voire 9 mois) (8). Les résultats d’une étude multicentrique randomisée : l’Infant Aphakia Treatment Study permettront prochainement de comparer implantation primaire et aphaquie (9). Un problème central est le calcul de la puissance de l’implant dans ces yeux en croissance. La solution adoptée par la majorité des équipes est de délibérément enlever un certain pourcentage (d’autant plus élevé que l’enfant est jeune) au calcul théorique pour anticiper sur la croissance du globe (10). En attendant, l’hypermétropie induite par cette démarche est corrigée par des verres. Les formules SRK-T et Holladay 2 semblent les mieux adaptées à ces petits yeux. Traitement post-opératoire Le traitement post-opératoire comporte des anti-inflammatoires locaux et généraux, les réactions inflammatoires étant plus marquées 21 zoom sur… Figure 3 - Cataracte obturante. Figure 4 - Aspect postopératoire précoce. Remarquer les bords du rhexis antérieur et postérieur. chez les enfants petits. La correction optique est prescrite dès la semaine qui suit l’intervention, en privilégiant la vision de près jusqu’à un an, puis la vision intermédiaire, puis des verres bifocaux et ensuite progressifs à partir de 3-4 ans. La rééducation d’amblyopie est débutée également après une semaine dans les formes unilatérales, avec une occlusion d’environ une heure par mois d’âge. Les parents doivent comprendre que cette rééducation est la composante essentielle du traitement et doit être poursuivie plusieurs années (11, 12). Suivi Il se fait par des consultations régulières, en collaboration avec une équipe d’orthoptie habituée à ce problème, et parfois par des examens sous anesthésie générale, en particulier pour enlever les fils. Les complications précoces comportent une inflammation, parfois des synéchies entre l’iris et l’implant nécessitant une libération chirurgicale. Les complications tardives sont avant tout l’opacification secondaire de l’axe visuel. Cette prolifération cellulaire (différent de la fibrose capsulaire observée chez l’adulte) est d’autant plus fréquente que l’enfant est petit, jusqu’à 20-30 % des cas opérés avant un an, et ce malgré la vitrectomie antérieure. En cas d’atteinte de l’axe visuel, une reprise chirurgicale est nécessaire. Le glaucome, sans doute moins fréquent avec les techniques chirurgicales actuelles, peut survenir des années après l’intervention et justifie une surveillance à vie (13). Pronostic La prise en charge actuelle des cataractes congénitales permet d’excellents résultats visuels dans de nombreux cas : acuité supérieure à 5/10e dans 80 % des formes bilatérales et 50 % des formes unilatérales, autrefois considérées sans espoir de récupération (14). n Mots-clés : Cataracte congénitale, Implant, Amblyopie Bibliographie 1. Wirth MG, Russell-Eggitt IM, Craig JE et al. Aetiology of congenital and paediatric cataract in an Australian population. Br J Ophthalmol 2002 ; 86 : 782-6. 2. Birch EE, Stager DR. The critical period for surgical treatment of dense congenital unilateral cataract. Invest Ophthalmol Vis Sci 1996 ; 37 : 1532-8. 3. Forbes BJ, Guo S. Update on the surgical management of pediatric cataracts. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 2006 ; 43 : 143-51. 4. Nihalani BR, Vasavada AR. Single-piece AcrySof intraocular lens implantation in children with congenital and developmental cataract. J Cataract Refract Surg 2006 ; 32 : 1527-34. 5. Vasavada AR, Nihalani BR. Pediatric cataract surgery. Curr Opin Ophthalmol 2006 ; 17 : 54-61. 6. Ram J, Brar GS, Kaushik S, Gupta A. Role of posterior capsulotomy with vitrectomy and intraocular lens design and material in reducing posterior capsule opacification after pediatric cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2003 ; 29 : 1579-84. 7. Lin AA, Buckley EG. Update on pediatric cataract surgery and intraocular lens implantation. Curr Opin Ophthalmol 2010 ; 21 : 55-9. 8. Chak M, Rahi JS. Incidence of and factors associated with glaucoma af- 22 ter surgery for congenital cataract: findings from the British Congenital Cataract Study. Ophthalmology 2008 ; 115 : 1013-8. 9. Lambert SR, Buckley EG, Drews-Botsch C et al. The infant aphakia treatment study: design and clinical measures at enrollment. Arch Ophthalmol 2010 ; 128 : 21-7. 10. Barry JS, Ewings P, Gibbon C, Quinn AG. Refractive outcomes after cataract surgery with primary lens implantation in infants. Br J Ophthalmol 2006 ; 90 : 1386-9. 11. Gouws P, Hussin HM, Markham RH. Long term results of primary posterior chamber intraocular lens implantation for congenital cataract in the first year of life. Br J Ophthalmol 2006 ; 90 : 975-8. 12. Wilson ME Jr, Trivedi RH, Hoxie JP, Bartholomew LR. Treatment outcomes of congenital monocular cataracts: the effects of surgical timing and patching compliance. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 2003 ; 40 : 323-9. 13. Haargaard B, Ritz C, Oudin A et al. Risk of glaucoma after pediatric cataract surgery. Invest Ophthalmol Vis Sci 2008 ; 49 : 1791-6. 14. Francis PJ, Ionides A, Berry V et al. Visual outcome in patients with isolated autosomal dominant congenital cataract. Ophthalmology 2001 ; 108 : 1104-8. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Explorations et Innovations Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec Les systèmes Lipiview® & Lipiflow® n La prévalence de l’œil sec est estimée à 9 % chez les patients âgés de plus 40 ans et à 15 % après 65 ans. Son diagnostic est une étape clé car il permet de préciser le traitement le plus approprié. Les tests traditionnels comportent des limites que les nouvelles générations de dispositifs dépassent par leur technologie innovante. L’interférométrie est utilisée par le nouveau système diagnostique Lipiview® qui compose avec le dispositif de traitement Lipiflow®, une nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec. Notre première expérience renforce les premiers résultats publiés prometteurs. Mais quels sont les principes et les indications d’une telle approche ? Quelles réponses thérapeutiques en attendre ? La sécheresse oculaire : une maladie multifactorielle La sécheresse oculaire est définie par l’International Dry Eye Workshop (DEWS, 2011) comme une « maladie multifactorielle des larmes et de la surface oculaire (1). Elle provoque une instabilité du film lacrymal pouvant entraîner des lésions de la surface oculaire. Elle est accompagnée d’une augmentation de l’osmolarité (concentration en solutés) du film lacrymal et d’une inflammation de la surface oculaire ». L’œil sec reste la première cause d’intolérance aux lentilles de contact et 50 % des patients porteurs de lentilles de contact déclarent avoir les * Ophtalmologiste, Clinique de la Vision, Paris ** Ophtalmologiste, CHNO des XV-XX, Paris *** Orthoptiste, Clinique de la Vision, Paris **** Orthoptiste, Hôpital américain de Paris Dr Catherine Albou-Ganem *, ** et Raphaël Amar ***,**** yeux secs alors que cette prévalence n’est que de 20 % chez les non-porteurs de lentilles. La prévalence de l’œil sec serait de 9 % chez les patients après 40 ans, et de 15 % après 65 ans. Le pourcentage de patients traités augmente en raison du vieillissement de la population. La prévalence de cette pathologie augmente avec l’âge. Elle est de plus en plus fréquente (2, 3). Les caractéristiques du film lacrymal Le film lacrymal, dans son état naturel ou basal (non stimulé), est transparent et incolore, a un volume d’environ 7 µl et une épaisseur de 7 µm. La structure est composée d’une couche lipidique superficielle qui lubrifie et prévient l’évaporation, d’une phase intermédiaire aqueuse plus épaisse qui nourrit et protège la Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 cornée et d’une couche mucinique adjacente au glycocalyx, qui protège l’épithélium cornéen hydrophobe en permettant aux larmes d’adhérer à la surface oculaire. Des recherches récentes ont contesté l’existence de démarcations entre ces couches, la couche aqueuse et la couche mucinique formant probablement une seule phase, et la concentration de mucines augmentant en s’approchant de l’épithélium (4). Pour l’examen clinique du film lacrymal, l’hypothèse d’une structure en trois couches est suffisante. Le taux de renouvellement du film lacrymal normal, basal (non stimulé) est légèrement supérieur à 1 µl par minute, avec une rotation d’environ 16 %, mais celle-ci peut augmenter de 100 fois lors de la stimulation du larmoiement réflexe (5, 6). La composition des larmes réflexes, induites par un 23 Explorations et Innovations examen invasif, est différente des larmes basales. Les résultats des tests peuvent donc être influencés de façon indésirable. Etiologies de la sécheresse oculaire Le rapport de 2011 du DEWS établit que l’œil sec est une maladie multifactorielle pouvant être classée en deux groupes étiologiques principaux : l’œil sec par déficience de la fraction aqueuse et l’œil sec par évaporation (déficit de la couche mucinique ou anomalie de la composante lipidique) (1, 7). L’œil sec par déficience aqueuse comprend tant le syndrome de Sjögren que les causes non-Sjögren de dysfonctionnement des glandes lacrymales (atteinte neurologique, cause médicamenteuse, obstruction de l’évacuation du canal de la glande lacrymale…). L’œil sec par déficience aqueuse survient lorsque les glandes lacrymales principales ou accessoires sont altérées. L’œil sec par évaporation est divisé en causes intrinsèques et extrinsèques. Les facteurs intrinsèques incluent un dysfonctionnement des glandes de Meibomius (MGD), les anomalies des paupières, les troubles de l’occlusion palpébrale et les insuffisances du clignement. Les facteurs extrinsèques comprennent le port de lentilles de contact ainsi que les affections de la surface oculaire, au premier rang desquels se place l’allergie ainsi que l’instillation de certains collyres. Concernant l’œil sec par évaporation, il est davantage question de glandes de Meibomius défectueuses, de surface oculaire irrégulière, de structure des paupières anormale ou de port de lentilles de contact (1). Les lentilles de contact induiraient la sécheresse oculaire par la perturbation de la couche lipidique, l’amincissement 24 du film lacrymal, le dessèchement cornéen suite à la déshydratation de la lentille, le changement de structure des paupières et/ou une altération du clignement. Toutes les lentilles de contact perturbent plus ou moins la structure du film lacrymal. Les yeux secs par déficience aqueuse et les yeux secs par évaporation peuvent coexister, mais il est important d’établir la cause la plus probable par un contrôle approfondi, afin de traiter le plus efficacement possible la sécheresse oculaire. Le diagnostic de l’œil sec : Les points clés et limites L’évaluation objective du film lacrymal et de la surface oculaire peut être subdivisée en quatre secteurs principaux. Lors d’un examen approfondi de l’œil sec, il est important d’évaluer les quatre secteurs, en effectuant au moins un test par secteur (8). Qualité du film lacrymal Tant pour l’œil sec par déficience aqueuse que pour l’œil sec par évaporation, la stabilité du film lacrymal est réduite tandis que son osmolarité est augmentée. Ces deux mesures fournissent des informations utiles sur la qualité générale du film lacrymal. Des tests de stabilité non invasifs effectués sans toucher le film lacrymal ni la surface oculaire, sont plus valides que des tests traditionnels (Break Up time : B.U.T.), car la fluorescéine peut déstabiliser le film lacrymal et modifier les valeurs mesurées (9). Les tests non invasifs sont effectués à l’aide des mires de certains instruments ophtalmiques. Ces mires sont reflétées dans le film lacrymal. Le laps de temps entre un clignement et le premier signe de déformation ou bris des mires, le patient ne clignant pas, correspond au temps d’amincissement du film lacrymal (10). On considère en général que la limite entre un œil sain et un œil sec est indiquée par un temps d’amincissement du film lacrymal supérieur à 20 secondes pour un test non invasif, et supérieur à 10 secondes pour un test B.U.T. traditionnel à la fluorescéine (11). L’osmolarité du film lacrymal est un test de laboratoire de l’œil sec bien connu. Il est considéré comme le meilleur test prédictif du diagnostic de la sécheresse oculaire (7, 12). Les mesures d’osmolarité sont désormais effectuées en consultation (TearLab®, Ocusense®). Le bâtonnet de mesure jetable, mis en contact avec le prisme lacrymal inférieur au niveau du bord de la paupière, recueille un échantillon d’un nanolitre de larmes, qui est analysé en quelques secondes. Le clinicien dispose alors d’une valeur d’osmolarité. Les valeurs normales se situent aux alentours de 304 mOsm/L, tandis que des valeurs supérieures à 320 mOsm/L indiquent une sécheresse oculaire. Quantité lacrymale Le test de Schirmer est extrêmement invasif et induit une quantité significative de larmoiement réflexe. Il n’a donc qu’un intérêt limité, surtout lors de l’évaluation de cas limites de sécheresse oculaire. Un test objectif similaire, mais nettement moins invasif, est le test du fil rouge de phénol (Phenol Red Thread - PRT), où un mince fil de coton, imprégné de teinture de phénol rouge, est accroché à hauteur du tiers latéral de la paupière inférieure, de façon similaire à un strip de Schirmer. L’absorption du liquide lacrymal légèrement alcalin (pH 7.4) induit un change- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec ment de la couleur du fil, de jaune à rouge. La longueur humidifiée est mesurée après une période de seulement 15 secondes. Des valeurs inférieures à 10 mm indiquent une insuffisance aqueuse (13, 14). La simple observation de la hauteur des prismes lacrymaux inférieurs et supérieurs au moyen d’un biomicroscope à lampe à fente, fournissent des informations précieuses. Une hauteur inférieure à 0,2 mm indique une quantité de liquide lacrymal réduite. L’observation du profil du prisme lacrymal est également très utile. Un prisme lacrymal régulier est plus souvent observé dans un œil sain, tandis qu’un prisme avec un bord dentelé est souvent associé à de la sécheresse oculaire. Evaluation des paupières, des cils et de la couche lipidique L’observation du clignement et un examen approfondi à la lampe à fente des paupières et des cils peuvent indiquer des anomalies associées à un œil sec par évaporation. On recherchera particulièrement des signes de blépharite, une inflammation du bord libre des paupières un épaississement ou une irrégularité de la paupière, un éventuel entropion. La fréquence et la qualité du clignement doivent être notées de même que la texture et la quantité de la sécrétion méibomienne à la compression des glandes. Surface oculaire L’hyperémie de la conjonctive bulbaire et palpébrale doit être recherchée. La nouvelle approche diagnostique et thérapeutique proposée par Tear Science L’approche diagnostique recherche surtout un dysfonctionnement des glandes de Meibomius responsable d’un déficit de la couche lipidique des larmes. Différentes anomalies des glandes de Meibomius, parmi lesquelles l’obstruction des glandes peut être partielle ou totale, sont regroupées sous le terme de “DGM” (Dysfonctionnement des Glandes de Meibomus). Le terme anglophone très utilisé est Meibomian Gland Dysfonction, MGD. Cependant, il semble que la forme la plus fréquente de DGM soit celle où les signes cliniques d’inflammation et autres sont absents, sauf si l’on utilise des techniques spécifiques d’examen. Pour différencier cette forme plus discrète de pathologie, un nouveau terme est utilisé : Non Obvious Meibomian Gland Dysfonction (NOMGD), précurseur de la forme plus grave de la maladie appelée Obvious Meibomian Gland Dysfonction (OMGD). L’approche diagnostique comprend 3 étapes ❚❚Questionnaire Patient SPPEED Un questionnaire patient nommé SPEED (Standard Patient Evaluation of Eye Dryness) permet de quantifier à l’aide d’un score final, la symptomatologie ressentie (sécheresse, sensation de grains de sable ou démangeaison, sensation de douleur, sensation de brûlure ou de larmoiement, fatigue oculaire), sa fréquence et sa sévérité. Le score maximum pouvant être obtenu est de 28. Les catégories sont définies ainsi : • score SPEED = 0 : pas de symptômes ; • score SPEED entre 1 et 9 : symptômes légers à modérés ; • score SPEED ≥ 10 : symptômes sévères. ❚❚L’analyse de la qualité du film lacrymal basée sur l’interférométrie de surface oculaire : le LipiView® (Fig. 1) Figure 1 - Dispositif d’acquisition Lipiview® composé d’un écran tactile de visualisation et d’analyse de résultats. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Dispositif Le dispositif Lipiview® est un sys25 Explorations et Innovations Figure 2 - Lipiview® : visualisation de la couche lipidique. Figure 3 - Lipiview® : visualisation colorimétrique de la couche lipidique. tème diagnostique permettant de délivrer des données quantitatives et qualitatives du film lacrymal. La mesure se réalise en quelques minutes. L’évaluation principale est la mesure de l’épaisseur de la couche lipidique délivrée par l’indice ICU (Interferometric Colour Unit) exprimé en nanomètres. L’épaisseur du film lacrymal est notamment observée sous la forme d’une gamme de couleurs qui se reflètent lorsqu’une source de lumière blanche est dirigée sur la surface oculaire. Au-delà de la mesure de l’épaisseur de la couche lipidique, le système permet une analyse qualitative grâce à l’observation de la trame des lipides (Fig. 2 et 3). Cet appareil utilise l’interférométrie avancée pour capturer des images du film lacrymal. Il est équipé d’un processeur de 14 millions de pixels par seconde qui génère plus d’un milliard de points de données par mesure. Principe optique Le principe optique utilisé par le système Lipiview® est celui de l’interférométrie qui vise à diviser en deux un faisceau incident dans le but d’étudier au final le décalage de réception du signal, après réflexion sur la surface étudiée. Les 26 OCT actuels utilisent notamment ce principe d’interférométrie pour l’étude de l’épaisseur des structures de l’œil (rétine, cornée, fibres optiques…). En pratique L’œil du patient est positionné devant une source de lumière blanche. Chaque rectangle qui compose cette source, s’illumine de manière très rapide et successive permettant ainsi l’obtention de plusieurs zones localisées de réflexion spéculaire. La lumière de la source d’illumination traverse le film lacrymal, se reflète puis est capturée par une caméra de très haute définition. La lumière renvoyée à travers l’objectif de la caméra forme un tracé d’interférence désigné sous le nom d’interférogramme. L’appréciation de la qualité de la mesure ainsi que sa fiabilité est permise par le recueil d’un indice quantitatif appelé Cfactor. On considère que la mesure est fiable pour une valeur supérieure à 80. Résultats L’interférogramme rend compte de la valeur ICU moyenne, de la déviation standard, ainsi que des valeurs extrêmes. Un tableau d’indice quantitatif permet une lecture rapide de la valeur ICU moyenne. Les tracés de l’interférogramme rendent compte du clignement et de sa fréquence par les ruptures des tracés. La colorimétrie est uniformément grise lorsque la couche lipidique est absente ou inférieure à 50 nanomètres (ICU < 50 nm). Lorsque la trame est à dominante grise, mais avec une apparence “marbrée” seulement visible dans la partie inférieure après un clignement : l’épaisseur du film lipidique est faible. Lorsque les franges interférentielles sont colorées avec des changements de couleur graduels : l’épaisseur du film lipidique est normale. On considère une valeur ICU moyenne normale supérieure à 70 nm (Fig. 4). L’analyse de l’examen de l’étirement du film lacrymal sur la surface cornéenne après chaque clignement est également possible étant données l’analyse dynamique et la capture vidéo. Observation du clignement palpébral Le système LipiView® a enfin l’avantage de pouvoir acquérir image par image le film du clignement palpébral. Le rythme nor- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec Figure 4 - Comparaison entre un film lipidique d’épaisseur Figure 5 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibo- normale à gauche et insuffisante à droite. mius en clinique. ©JV Greiner/TearScience mal du clignement doit être régulier, environ un clignement toutes les cinq à six secondes (ou dix à douze clignements par minute). Un rythme de clignement plus rapide peut être observé dans les cas de sécheresse oculaire. Il sera plus lent dans des conditions neurotrophiques. Des clignements incomplets sont souvent observés chez les porteurs de lentilles de contact. Lorsque la couche lipidique est anormale ou invisible, le taux d’évaporation du film lacrymal augmente d’un facteur quatre. Les patients ayant une couche lipidique plus mince doivent cligner plus fréquemment pour renouveler le film lipidique et ainsi prévenir d’un dessèchement cornéen. ❚❚L’évaluation de la sécrétion des glandes de Meibomius L’évaluation de la sécrétion des glandes de Meibomius (MGE : Meibomius glands evaluation) complète le diagnostic. Cette étape a été standardisée grâce à l’utilisation d’un nouvel instrument qui permet d’appliquer une pression constante au niveau du bord libre, en regard de 5 glandes Meibomiennes. L’expression des glandes est ainsi analysée en nasal, au centre et en temporal Figure 6 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibomius : représentation schématique. ©JV Greiner/TearScience (traduit de l’anglais par C. Albou-Ganem/R. Amar) de chaque paupière inférieure (Fig. 5 et 6). La sécrétion Meibomienne est normalement fluide et transparente (15). Selon la sévérité du dysfonctionnement des glandes de Meibomius elle peut être fluide graisseuse, légèrement trouble ou opaque, épaisse, semi-solide (texture de dentifrice) ou cireuse témoignant d’un blocage complet. Il existe maintenant d’autres méthodes de diagnostic de l’obstruction des glandes comme par exemple la Meibographie, effectuée par transillumination des paupières ou en utilisant une lumière infrarouge. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 L’approche thérapeutique Lipiflow® Plusieurs traitements actuels visent à traiter les dysfonctionnements des glandes de Meibomus : application de compresses chaudes, pression physique dans le but d’enlever toute obstruction possible, administration de chaleur, utilisation d’exfoliants pour éliminer le blocage de l’orifice des glandes, traitement médicamenteux pour atténuer l’infection et l’inflammation. Cependant, plusieurs de ces traitements sont contraignants, d’efficacité limitée et leur observance est parfois insuffisante. 27 Explorations et Innovations Figure 7 - Le dispositif du Lipiflow®. Figure 8 - Coupe schématique représentant l’action du Lipiflow® en pratique. ©JV Greiner/TearScience ® Au regard de notre expérience et des premiers résultats publiés, le système de pulsation thermique Lipiflow® semble constituer une alternative prometteuse, basée sur une évolution technologique importante. Les patients qui ont suivi ce traitement ressentent un soulagement de leurs symptômes dès les premiers jours. Les systèmes Lipiview et Lipiflow ont obtenu le marquage CE et sont agréés aux Etats-Unis par la FDA. Le fonctionnement de l’appareil LipiFlow® Le Lipiflow® utilise une technologie et des composants perfectionnés pour contrôler la chaleur appliquée sur la surface interne des paupières, et effectuer des massages intermittents de la surface externe des paupières. Le but est de débloquer puis de faciliter la production lipidique des glandes de Meibomius kystiques. Le dispositif comprend 2 parties : • un œilleton externe (Eye Cup) en contact avec les paupières supérieure et inférieure : il contient une poche souple et flexible qui se gonfle d’air par intermittence et effectue un massage contrôlé des paupières ; • une partie interne (Lid warmer) ressemblant à un large verre sclé28 ral de 24 mm de diamètre, dont la périphérie repose sur la conjonctive bulbaire, qui se moule sur la face interne des paupières tout en restant à distance de la cornée. La chaleur émise par cette partie est de 42,5° ce qui permet de faire fondre la matière obstruant les glandes par l’intérieur, sans endommager les glandes ellesmêmes (Fig. 7 et 8). La procédure LipiFlow® permet de traiter simultanément les glandes des paupières inférieure et supérieure. La durée du traitement est d’environ 12 minutes et se réalise facilement en cabinet. Le traitement n’est ni douloureux ni désagréable (Fig. 9). Il entraine une hyperhémie conjonctivale modérée de quelques heures. Selon les recommandations de la société Tear Science, la procédure Lipiflow est à renouveler 1 fois par an environ. Les résultats cliniques Les résultats de plusieurs études confirment la sécurité d’emploi et l’efficacité du Lipiflow® dans le traitement de patients présentant un dysfonctionnement des glandes de Meiboumus et des symptômes de sécheresse oculaire, avec une amélioration de la symptomatologie et de l’évalua- Figure 9 - Le Lipiflow® en clinique. tion des glandes de Meibomius (MGE) (16, 17). La dernière étude publiée par Stephan Lane et al. dans la revue Cornea (Janvier 2012) (18) est une étude randomisée, multicentrique, incluant 139 patients présentant un dysfonctionnement des glandes de Meibomius. Les patients ont été séparés en deux groupes : un groupe de patients traités par Lipiflow®, un deuxième groupe (contrôle) dont les patients ont été traités par application régulière de compresses chaudes (Heat Warm Compress system, Advanced Vision Research, Woburn, MA). Les résultats confirment une amélioration significative (p < 0,05) de Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec la sécrétion des glandes de Meibomus pour le groupe Lipiflow (à 2 et 4 semaines post-traitement). Les valeurs équivalentes du score de sécrétion étaient avant traitement : 6,3 ± 3,5 ; après 2 semaines : 14,3 ± 8,7 ; après 4 semaines : 16,7 ± 8,7. Les valeurs du TBUT (Tear Break Up Time) étaient également améliorées. Avant traitement : 5,5 ± 2,9 ; après 2 semaines : 6,9 ± 5,0 ; après 4 semaines : 7,4 ± 5,5. Les auteurs soulignent la rapidité du traitement (12 minutes) en comparaison au traitement des compresses chaudes, et l’absence de gêne au cours du traitement. Notre expérience de l’approche Tear Science Notre étude menée à la Clinique de la Vision (Paris) porte sur 32 yeux de 16 patients (14 femmes, 2 hommes) âgés de 56,5 ± 14,8 ans (46 ; 67). Nous rapportons les résultats post-Lipiflow sur 18 yeux évalués entre 1 et 3 mois. Nos résultats préliminaires ont été présentés au congrès de l’ESCRS 2011 (Vienne, Autriche) et nos résultats définitifs seront présentés au congrès de l’ASCRS 2012 (Chicago, Etats-Unis). Nous avons constaté une améliora- tion de la sécrétion des glandes de Meibomus pour l’ensemble de nos patients : avant traitement : 4,2 ± 2,0 (1,0 ; 8,0) ; après traitement : 7,8 ± 2,5 (4,0 ; 12,0). La diminution du score obtenu au questionnaire SPEED confirme l’amélioration subjective des patients vis-à-vis de leurs symptômes. Avant traitement, score : 16,3 ± 5,9 (6 ; 28) ; après Lipiflow® : 7,8 ± 4,3 (6 ; 28). Avant traitement, environ 6 % des patients avaient un score inférieur à 8. Après traitement, cette proportion est nettement améliorée, à 75 %. Le Lipiview® a permis dans 4 cas de faire le diagnostic d’occlusion palpébrale incomplète ou de fréquence insuffisante, et de proposer une thérapeutique adaptée. Conclusion Le film lacrymal est une structure complexe et tous les aspects de sa physiologie sont interdépendants. Il existe de nombreuses méthodes d’évaluation de la structure et des propriétés de ce film hautement dynamique. Un grand nombre de ces méthodes peuvent être utilisées dans un environnement clinique. Toutefois, dans certains cas, la procédure du test peut influencer le paramètre examiné et induire un larmoiement réflexe. L’approche diagnostique Lipiview® a pour but de lever ces limites en utilisant une méthode non invasive : de cette manière, l’état du film lacrymal peut être évalué le plus près possible de son état “physiologique”. D’après notre expérience et les premiers résultats publiés dans les revues à comité de lecture, l’approche thérapeutique Lipiflow® semble prouver son efficacité dans le traitement de la sécheresse oculaire par dysfonctionnement des glandes de Meibomius. Il en résulte une nette amélioration de la sécrétion des glandes, une amélioration du confort du patient et une diminution de la dépendance aux collyres lubrifiants. La surveillance des patients traités viendra préciser la durée d’un tel traitement et ses effets à moyen et long termes sur n les symptômes ressentis. Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt. Mots-clés : Sécheresse oculaire, Lipiview®, Lipiflow®, Film lacrymal Bibliographie 1. The definition and classification of dry eye disease: report of the definition and classification subcommittee of the international dry eye workShop . Ocul Surf 2007 ; 5 : 75-92. 2. Stern ME, Beuerman RW, Fox RI et al. The pathology of dry eye: the interaction between the ocular surface and lacrimal glands. Cornea 1998 ; 17 : 584-9. 3. Nichols JJ, Ziegler C, Mitchell GL, Nichols KK. Self-reported dry eye disease across refractive modalities. Invest Ophthalmol Vis Sci 2005 ; 46 : 1911-4. 4. Dilly PN. Structure and function of the tear film. Adv Exp Med Biol 1994 ; 350 : 239-47. 5. Jordan A, Baum J. Basic tear flow. Does it exist? Ophthalmology 1980 ; 87 : 920-30. 6. Van Best JA, Benitez el Castillo JM, Coulangeon LM. Measurement of basal tear turnover using a standardized protocol. European concerted action on ocular fluorometry. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1995 ; 233 : 1-7. 7. Lemp M. Report of the National Eye Institute/Industry workshop on clinical trials in dry eyes. 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L’amélioration du confort avec l’avènement du silicone hydrogel et la facilité d’adaptation sont les atouts de cette percée commerciale des lentilles multifocales. Mais cette adaptation ne doit pas se faire sans prendre en compte les désirs du patient et ses caractéristiques réfractives. Quel est le meilleur équipement à proposer à un presbyte ? Quelques repères pour une sélection rigoureuse des patients, première étape vers une adaptation réussie. Correction de la presbytie avec un équipement unifocal La monovision Le principe repose sur la dissociation oculaire où chaque œil est corrigé en monofocal. Le succès passe par sur la détermination de la dominance oculaire. L’œil préféré en vision de loin doit conserver la correction de loin, l’œil adelphe est en vision de près. La monovision s’adresse en priorité à l’anisométrope, qui est déjà “formaté” à * Fondation Ophtalmologique Rothschild, Paris 30 la monovision. L’emmétrope ou le myope faible avec presbytie débutante sont également des bons candidats avec une surcorrection devant l’œil non préféré de non loin chez l’emmétrope ou devant l’œil préféré de loin chez le myope. De surcroit un astigmatisme a l’avantage de pouvoir être parfaitement corrigé par une lentille torique. Les effets secondaires de la monovision sont liés à la perte de vision binoculaire (une perte de vision des contrastes et de la stéréoscopie, une absence de vision intermédiaire, une perturbation en vision nocturne, et une perte d’une ligne d’acuité visuelle en faible luminosité). Donc le sujet exigeant en vision de loin prolongée ou en vision intermédiaire ne sera pas pleinement satisfait. Il est également déconseillé d’équiper en monovision l’hypermétrope et l’hétérophorique. L’hypermétropie saturée Elle s’adresse aux hypermétropes de plus de 2 dioptries. Elle nécessite une correction de l’hypermétropie des deux yeux jusqu’à la limite de la chute d’acuité visuelle de loin. Elle permet à l’hypermétrope d’utiliser son importante réserve accommodative. Cette option doit rester le premier choix pour les forts hypermétropes car elle permet un équipement avec un très large choix (rigide, souple, torique, port journalier, permanent), L’hyper- métropie saturée conserve toutes les composantes de la vision binoculaire, le passage en lentille permet une compensation d’une éventuelle ésophorie. L’hypermétropie saturée ne présente quasiment aucun inconvénient. Correction de la presbytie avec un équipement multifocal Vision alternée La lentille est équipée de plusieurs zones optiques, bifocales segmentées, trifocales segmentées ou géométrie concentrique à vision de loin centrale. En fonction de la position du regard, la translation de la lentille va présenter une zone optique différente devant la pupille. Elle nécessite donc une lentille mobile, soit une lentille rigide perméable aux gaz en première intention, soit une lentille souple avec un module d’élasticité faible, actuellement plus disponible sur le marché français. La vision de près est directionnelle, de bonne qualité sous éclairage photopique, conservée en tout point, et elle préserve la vision nocturne. Son adaptation doit prendre en compte la dynamique palpébrale et donc l’interaction avec la lentille, qui est la clé du succès de l’adaptation en vision alternée. La taille de l’ouverture palpébrale Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Les différents types d’adaptation de lentilles pour la presbytie doit être normale (10 mm), la tonicité de la paupière supérieure suffisante pour capter la lentille. La position de la paupière inférieure doit être limbique, la lentille adaptée au diamètre cornéen et la taille pupillaire doit être normale (trop grande, elle ne sera pas recouverte par la zone optique en vision de près). La vision alternée conserve la vision binoculaire et procure une vision nocturne de bonne qualité, un respect de la stéréoscopie et des contrastes. L’adaptation en lentille rigide permet la correction d’un astigmatisme cornéen, et reste plus sécuritaire en termes de complications infectieuses. Les inconvénients sont liés au caractère directionnel de la vision de près (vision de près uniquement dans le regard vers le bas) et une absence de vision intermédiaire. La vision alternée s’adresse donc aux patients exigeant une qualité de vision de loin et de près, et en vision nocturne. Ce qu’il faut retenir n Choix pour l’emmétrope (presbytie débutante) : - monovision ; - monovision aménagée ; - vision alternée : exigeant en qualité optique ; - vision simultanée : faible addition. n Choix pour l’emmétrope (presbytie avancée) : - vision alternée : exigeant en qualité ; - vision simultané : vision intermédiaire ; - monovision aménagée : qualité vision de loin + vision intermédiaire disponible. n Choix pour le myope faible : - vision simultanée : déjà équipé ; - vision alternée : déjà équipé ; - monovision aménagée : non équipé, échec vision simultanée ; - monovision : non équipé. n Choix pour le myope fort : - vision simultanée ; - vision alternée. n Choix pour l’hypermétrope < 2D. : - vision simultanée ; - vision alternée. n Choix chez l’hypermétrope > 2D. : - hypermétropie saturée. La vision simultanée L’œil est équipé par une lentille comprenant plusieurs focales qui convergent simultanément sur la rétine. Basée sur la discrimination cérébrale, elle nécessite un temps d’adaptation de quelques jours pour que le tri cortical soit optimal. Ces lentilles multifocales sont un compromis permanent entre qualité optique et profondeur de champs, où le diamètre pupillaire et son centrage sont des paramètres clés. La vision de près est centrale sur la majorité des lentilles. Elles conservent de la vision binoculaire et apportent surtout une profondeur de champs de vision qui permet la vision de loin, de près et la vision intermédiaire. Cet apport se fait aux dépens de résultats optiques dégradés, avec une perte d’acuité visuelle en vision nocturne, une perte de contraste constante, des images fantômes, des halos, des fluctuations de vision en fonction du diamètre pupillaire, et une vision intermédiaire perturbée si l’addition est surévaluée. La vision simultanée s’adresse aux patients souhaitant une vision de loin, de près et intermédiaire, non exigeants en termes de qualité. Monovision aménagée La monovision aménagée est l’adaptation avec une lentille unifocale sur un œil et une lentille multifocale sur l’œil corrigé en vision de près. Cette option est une bonne alternative à la monovision pour un patient privilégiant la vision de loin, car elle permet une Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 vision binoculaire de bonne qualité avec une possibilité de vision de près. Conclusion L’équipement disponible pour la correction de la presbytie en contactologie est varié, il est important de cerner les besoins du patient pour lui proposer la formule optimale, en particulier pour les patients non équipés chez qui un échec initial est souvent définitif. n Mots-clés : Presbytie, Adaptation, Lentille, Equipement multifocal, Equipement unifocal 31 agenda 8th Annual NANOS Meeting (North American Neuro-Ophthalmology Society) COPHY - World Congress on Controversies in Ophtalmology • Renseignements et inscriptions North American Neuro-Ophthalmology Society 5841 Cedar Lake Road Suite 204 Minneapolis, MN 55416 Tél : 952-646-2037 - Fax : 952-545-6073 Email : [email protected] Site : www.nanosweb.org • Thèmes : Segment antérieur, rétine, glaucome 11-16 février 2012, San Antonio WOC - World Ophthalmology Congress 16 - 20 février 2012, Émirats Arabes Unis • Renseignements et inscriptions Meeting Minds FZ LLC Dubai Media City Shatha Tower – Office Suite 3113 P.O.Box 502464 Tél : 9714 4270492 - Fax : 9714 4270493 Email : [email protected] Site : woc2012.org formation VUEXPLORER INSTITUTE, un Institut de formation spécialisé en Imagerie Oculaire Cours Ophtalmologistes : Vendredi 16 mars 2012 : Glaucome : UBM - Laser YAG et SLT 22-25 mars 2012, Turquie • Renseignements et inscriptions Site : www.comtecmed.com/COPHy/2012/ INCLO 2012 – Congrès de l’association innovations en chirurgie et lasers ophtalmologiques 24-29 mars 2012, Pérou • Président du Congrès Pr J.C. Rigal-Sastourne • Coordination scientifique Dr M. Assouline • Comité scientifique Dr Y. Bokobza – Dr C. Boureau – Dr D. Deidier Dr M. Dominguez – Dr D. Ducournau Dr C. Favard – Dr P. Chastang Dr C. Feumi - Dr C. Ghenassia Dr P. Koskas - Dr P. Rozot • Renseignements et inscriptions Gallic aviation département congrès 158, rue de la pompe – 75116 PARIS Tél : 01 45 53 27 50 • Fax : 01 45 53 22 20 Email : [email protected] – [email protected] ASCRS - The American Society of Cataract and Refractive Surgery 20-24 avril 2012, Etats-Unis Cours Ophtalmologistes et Orthoptistes : Vendredi 30 mars 2012 : Imagerie Oculaire par OCT Vendredi 8 juin 2012 : Biométrie et Calcul d’implant • Renseignements et inscriptions Site : www.ascrs.org Cours Orthoptistes : Samedi 9 juin 2012 : L’imagerie pour les Orthoptistes 118e Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie Cours Secrétaires : Vendredi 23 mars 2012 : Accueil des patients – Anatomie et examens complémentaires : notions de base (n° 1) Samedi 9 juin 2012 : Adaptation de l’accueil selon le compor tement et la pathologie des patients – dossier patient (n° 2) Cours Européens en anglais : Vendredi 15 juin 2012 : OCT Samedi 16 juin 2012 : Ultrasound Imaging and UBM Congrès Annuel ‘Imagerie en Ophtalmologie : de la théorie à la pratique’ : Vendredi 12 octobre 2012 - Espaces CAP 15 à Paris VUEXPLORER INSTITUTE Dr Michel Puech, Président Contact : Isabelle Marsilio 4, rue des Grandes Terres - 92500 Rueil-Malmaison Tél : 01 40 26 30 30 - [email protected] Programmes – Inscriptions : www.vuexplorer.fr 27-30 avril 2012, Paris • Programme scientifique : Ce que le praticien ne doit pas ignorer : les recommandations récentes en ophtalmologie, DMLA exsudative : prise en charge, rétine maculaire du myope fort, greffes de cornée, pathologie cornéenne inflammatoire, inflammation orbitaire, leucocorie chez l’enfant. • Renseignements et inscriptions Site : www.sfo.asso.fr International Congress of German Ophthalmic Surgeons 14-16 juin 2012 (Allemagne) • Renseignements et inscriptions Site : www.mcn-nuernberg.de 32 Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 rendez-vous de l’industrie compléments alimentaires Vitalux® Plus : un plus pour vos yeux D epuis le 1er janvier 2012, les Laboratoires Alcon® ont arrêté la distribution du complément alimentaire à visée oculaire ICAPS® R, pour assurer celle du complément alimentaire à visée oculaire : Vitalux® Plus, anciennement commercialisé par les Laboratoires Novartis. Vitalux® Plus est une formule 100 % équilibrée qui contient des vitamines et des oligoéléments antioxydants, des Oméga 3 DHA et EPA, de la lutéine et de la zéaxanthine, constituants du pigment maculaire. Il est recommandé d’utiliser Vitalux® Plus pendant au minimum un mois, à raison d’1 capsule par jour, à avaler avec un peu d’eau. Vitalux® Plus est disponible en boîte de 28 capsules. n Pour en savoir plus : www.alcon.fr contactologie Menicon lance la gamme de lentilles souples Indivisual® en renouvellement trimestriel I ndivisual® est une lentille souple en matériau silicone hydrogel (Filcon V3) qui permet une adaptation “à la carte” : le nom du porteur et celui de son opticien sont précisés sur les flacons. Ces lentilles s’adressent aux myopes, hypermétropes et/ou presbytes ; aux porteurs aux paramètres extrêmes ; aux porteurs se plaignant d’inconfort ; aux porteurs de lentilles en hydrogel. Les deux géométries Indivisual® et Indivisual Progressive® sont déclinées dans une multitude de combinaisons possibles. En port journalier, renouvellement tous les 3 mois, elle est proposée en Pack 6 mois (2 boîtes de 2 lentilles Indivisual®, 3 étuis, 3 flacons de solution multifonctions Indivisual). n Pour en savoir plus : www.menicon.fr contactologie PureVision®2 HD pour astigmates : nouvelle lentille de contact torique en silicone hydrogel B ausch+Lomb poursuit sa dynamique d’innovation avec le lancement de PureVision®2 HD pour Astigmates. Son système de stabilisation unique, l’Auto Align Design™, permet aux porteurs de bénéficier d’une vision constamment nette et claire. Ses deux atouts majeurs sont un système hydride de ballast, combinaison d’un prisme-ballast et d’un péri-ballast, et un diamètre large de la lentille pour une vision sans fluctuation. De plus, dotée de l’Optique High DefinitionTM, elle est la seule lentille torique en silicone hydrogel à réduire les aberrations sphériques sur la sphère et le cylindre. Elle diminue aussi les phénomènes de halos et d’éblouissements. n prix et bourse Premier appel à projets de recherche de l’Afssaps S uite à la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, la future Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) obtient la possibilité d’ « encourager la recherche ». C’est afin d’anticiper cette possibilité que l’Afssaps lance son premier appel à projets à destination des équipes académiques de recherche. L’Afssaps veut ainsi mobiliser la recherche sur la sécurité de l’emploi des produits de santé et renforcer le système de surveillance des produits grâce à des projets indépendants de l’industrie. L’appel à projets comporte : • un axe libre (sous condition que ces projets contribuent à renforcer la performance nationale en matière de sécurité d’emploi des produits de santé). Budget maximal financé : 500 000 e sur 3 ans ; • un axe orienté sur 5 thématiques : le renforcement de la vigilance, l’analyse de l’utilisation des médicaments hors AMM, le contrôle de la qualité et la caractérisation des dan- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 gers des produits, la balance bénéfice/risque dans des populations spécifiques, le comportement et l’exposition de la population française aux produits de santé. Budget maximal financé : 1 000 000 e sur 3 ans. Au total le budget de cet appel à projets sera de 6 millions d’euros en 2012 et de plus de 8 millions les années suivantes. Quels sont les organismes autorisés à participer ? • Les organismes publics de recherche (université, EPST, EPIC, …). • Les organismes privés de recherche à but non lucratif (fondations…). • Les établissements de santé. Retrouvez tous les renseignements sur : http://www.afssaps.fr/Activites/Appels-a-projets-de- recherche/Politique-des-appels-a-projets-de-recherche/ (offset)/0 Présentation des projets avant le 31 mars 2012 Publications des projets retenus : septembre 2012 n 33