ophtalmologie ophtalmologie - Pratiques en Ophtalmologie

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ophtalmologie ophtalmologie - Pratiques en Ophtalmologie
PRATIQUES EN
OPHTALMOLOGIE
R E V U E
D I D A C T I Q U E
M É D I C O - C H I R U R G I C A L E
d www.ophtalmologies.org
A savoir
Comment examiner simplement
un enfant strabique ?
Dr Mitra Goberville
En pratique
Les différents types d’adaptation
de lentilles pour la presbytie
Dr Mathieu Zmuda
Explorations et innovations
Nouvelle approche diagnostique
et thérapeutique de l’œil sec :
les systèmes Lipiview® & Lipiflow®
Dr Catherine Albou-Ganem et Raphaël Amar
Mise au point
DMLA de stade 3
L’aberration sphérique :
implications pratiques en chirurgie
de la cataracte
Dr Yannick Nochez et Pr Pierre-Jean Pisella
Zoom sur…
La cataracte congénitale
Prise en charge diagnostique
et thérapeutique
Dr Pascal Dureau
Néovaisseaux choroïdiens
Anastomose chorio-rétinienne
L’essentiel sur…
Quels moyens avons-nous
pour prévenir la DMLA ?
Dr Aude Affortit
Mécanismes physiopathogéniques,
facteurs de risque et classification, prévention primaire et secondaire
Janvier 2012 • Volume 6 • n° 50 • 8 e
PRATIQUES EN
OPHTALMOLOGIE
R E V U E
D I D A C T I Q U E
M É D I C O - C H I R U R G I C A L E
• Directeur de la publication :
Dr Antoine Lolivier
• Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu
• Rédactrice : Laure Guiheneuf
• Directrice de la production : Gracia Bejjani
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•M
aquette et illustration :
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• I mpression : Imprimerie de Compiègne
60205 Compiègne
Rédacteur en chef
Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris)
sommaire
Janvier 2012 • Vol. 6 • N° 50
www.ophtalmologies.org
n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2
n à savoir
Comment examiner simplement un enfant strabique ?
Conseils et méthodes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 4
Dr Mitra Goberville (Paris)
Responsable editorial
Dr Michaël Assouline (Paris)
Comité de Rédaction
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(Conseiller éditorial de la rédaction)
Dr Cati Albou-Ganem (Paris),
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Dr Eric Sellem (Lyon),
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Pratiques en Ophtalmologie
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Mensuel : 10 numéros par an
Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont
publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.
Toute reproduction, même partielle, sans
le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite
et constituerait une contrefaçon sanctionnée
par les articles 425 et suivants du code pénal.
n L’essentiel sur…
La prévention de la DMLA
Quels moyens utiliser ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 9
Dr Aude Affortit (Paris)
n Mise au point
L’aberration sphérique : multi­focalité et profondeur de champ
Implications pratiques en chirurgie de la cataracte. . . . . . . . . . . . . . . p. 15
Dr Yannick Nochez et Pr Pierre-Jean Pisella (Tours)
n zoom sur…
La cataracte congénitale
Prise en charge diagnostique et thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 20
Dr Pascal Dureau (Paris)
n Explorations et Innovations
Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec
Les systèmes Lipiview® & Lipiflow®. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23
Dr Catherine Albou-Ganem et Raphaël Amar (Paris)
n en pratique
Les différents types d’adaptation de lentilles pour la presbytie
Quel type de correction ? Pour quel patient ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p.30
Dr Mathieu Zmuda (Paris)
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3
n Prix et bourses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7 et p. 33
n Kiosque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19
n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32
n Formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 32
n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 33
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Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages).
Photos de couverture : © DR
actualités de la profession
PRESBYTIE
EN BREF Corriger la presbytie :
ASSOCIATION : “Mille
Chœurs pour un Regard”
Depuis 1996, chaque premier
week-end du printemps, des
milliers de chorales se réunissent
à trois ou quatre et donnent des
centaines de concerts. L’objectif
est de financer la recherche médicale en ophtalmologie. Avec
le soutien de la Sacem, Retina
France envoie gratuitement
aux organisateurs tracts, billets,
affiches, partitions…Cette année
les parrains sont Québécois, alors
ne ratez pas cet événement !
400 chorales se sont déjà inscrites, l’objectif étant d’atteindre
les 700 concerts soit environ
2 100 chorales participantes.
Les chorales peuvent
s’inscrire jusqu’à fin février
et donner des concerts lors
des trois jours phares : le
23, 24 et 25 mars 2012 et
au-delà pendant un mois.
Pour plus d’informations,
vous pouvez joindre le siège
de Rétina France au
05 61 30 20 50.
Erreurs médicamenteuses
L’Afssaps rappelle que tout
signalement de risque d’erreur
médicamenteuse, ou d’erreur
sans effet indésirable peut être
transmis directement au Guichet
Erreurs Médicamenteuses :
erreur.medicamenteuse@
afssaps.sante.fr. Pour information, ce guichet a été mis en
place en 2007. Les signalements
d’erreur sont traités soit dans le
cadre d’une réflexion globale
(harmonisation des étiquetages,
conditionnement unitaire,
charte graphique...), soit par des
actions spécifiques (modification de l’AMM, retrait des lots
ou communication). Pour en
savoir plus : www.afssaps.fr
2
les progrès de la chirurgie
L
ors de la conférence de presse organisée par la
SFO (Société Française d’Ophtalmologie) le 8 janvier dernier, le Pr Béatrice Cochener (CHU de Brest),
présidente de l’Académie française d’ophtalmologie,
a présenté les nouvelles avancées dans le domaine
de la chirurgie de la presbytie, thème qui fait l’objet du
rapport de la SFO 2012. La presbytie touche pratiquement toutes les personnes de plus de 45 ans. Des solutions efficaces de corrections existent comme les lunettes avec verres correcteurs ou lentilles de contact,
seulement elles sont parfois non satisfaisantes pour
les patients, d’un point de vue pratique et esthétique.
Il est aujourd’hui possible de proposer aux patients
l’opération chirurgicale. La chirurgie de la presbytie est
en constante évolution, “une nouvelle technique apparaît tous les 6 mois” précise le Pr Cochener.
Les techniques à disposition des chirurgiens sont
nombreuses : Presbilasik, implants multifocaux, inlays
intra-cornéens, approche sclérale ou encore implants
accommodatifs. Les résultats sont satisfaisants, ils
permettent aux patients de vivre l’essentiel de leurs
activités sans lunettes au prix d’une petite altération
de la qualité de vision.
Cependant, tous les patients ne peuvent pas en
bénéficier. Certains critères sont indispensables à
l’opération : une bonne intégrité de la rétine,un bon
équilibre entre les deux yeux et une plasticité cérébrale préservée.
ß
Politique de santé
Sécurité du médicament
L
a loi “relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé”
est parue au JO le 30 décembre, avec ces objectifs :
contrôle des conflits d’intérêt, transparence des décisions, renforcement de la pharmacovigilance, bénéfice systématique du patient, meilleure formation et
information des professionnels de santé et patients.
L’Afssaps voit ses missions renforcées et devient
l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des
produits de santé (ANSM). La loi oblige à la transparence de tous les liens entre industriels et acteurs du
monde de la santé : les conventions seront rendues
publiques. Le médicament sera évalué en continu
tout au long de sa vie, les règles pour le remboursement seront plus strictes, les prescriptions hors AMM
mieux encadrées (à préciser sur l’ordonnance) de
même que le dispositif des ATU. La publicité des médicaments et dispositifs médicaux auprès des professionnels de santé sera soumise à un contrôle a priori.
Les décrets d’application sont attendus pour février.
Pour en savoir plus : http://www.vie-publique.fr/
(rubrique Panorama les lois)
ß
LÉGISLATION
L’utilisation de tonomètres par
les opticiens est un « exercice
illégal de la médecine »
L
a Cour de Cassation a rendu son verdict, l’utilisation
de tonomètres par les opticiens dans le cadre du
dépistage du glaucome doit être considérée comme
un exercice illégal de la médecine. Cette décision fait
suite à 6 ans de conflit qui oppose d’un côté la mutuelle Santéclair et l’Association des Optométristes
de France (AOF) et de l’autre le Syndicat National
des Ophtalmologistes de France (SNOF) et le Conseil
National de l’Ordre des Médecins (CNOM). En effet, en
2006, Santéclair et l’AOF publiaient une étude intitulée : « Mesure de la pression intraoculaire », l’objectif
étant d’améliorer le dépistage du principal facteur de
risque du glaucome : la pression oculaire élevée. Le
CNOM et le SNOF ont vivement réagi et tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer le danger que faisait
peser sur les patients une telle mesure, laissant penser qu’une faible tension oculaire suffisait à évacuer le
risque de glaucome.
La cour de Cassation a tranché le 11 janvier dernier, la mesure de la pression intraoculaire par tonomètre constitue « le délit d’exercice illégal de la
médecine ».
ß
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
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à savoir
Comment examiner simplement
un enfant strabique ?
Conseils et méthodes
Dr Mitra Goberville *
Introduction
Face à un enfant consultant pour
un strabisme plusieurs questions
se posent : s’agit-t-il d’un vrai strabisme ? Si oui, existe-t-il un caractère d’urgence à sa prise en
charge ? Il faut en effet éliminer
rapidement l’existence d’une pathologie organique ophtalmologique
ou neurologique dont le strabisme
serait révélateur. L’existence d’une
amblyopie est aussi une urgence
et il est important que l’ophtalmologiste évalue ce risque le plus rapidement possible. La quantification de
l’angle du strabisme a peu d’intérêt
dans un premier temps mais savoir
si le strabisme est concomitant ou
incomitant et rechercher des signes
de paralysie lors de l’examen de la
motilité sont incontournables.
Strabisme or not
strabisme
La suspicion de strabisme constitue un des motifs fréquents de
consultation chez l’ophtalmologiste. Les parents décrivent souvent un strabisme qui se voit « surtout sur les photos » et qui est en
voie de diminution. La première
étape est l’interrogatoire détaillé
de la famille afin de savoir s’il
existe des facteurs de risque chez
* Ophtalmologiste, Paris
4
Figure 1 - Impression de strabisme OG. Reflets centrés.
l’enfant : antécédents familiaux de
strabisme, d’amblyopie ou d’anisométropie, prématurité, petit poids
de naissance, anomalies neurologiques ou chromosomiques.
L’examen des reflets cornéens permet de voir rapidement si ceux-ci
sont bien centrés (Fig. 1). En cas de
strabisme, un des reflets se projette au centre de la pupille alors
que le deuxième est décentré
(Fig. 2). En effet l’épicanthus, fréquent chez le nourrisson, peut
faire croire à une ésotropie et ceci
d’autant plus qu’il est asymétrique.
Toutefois, face à des reflets centrés
il est impossible d’éliminer un microstrabisme ou un strabisme intermittent. Les autres éléments de
l’examen peuvent alors nous aider
grâce à un faisceau d’arguments
rassurants s’ils sont analysables.
en bi-oculaire ou en monoculaire
doit être soigneusement notée.
Lors de l’occlusion d’un œil, si l’enfant joue et attrape les objets sans
gêne quelque soit l’œil caché, les
risques d’amblyopie sont faibles.
S’il pleure quel que soit l’œil occlus, nous ne pouvons tirer aucune
conclusion. S’il existe un comportement très différent selon l’œil
caché il faut redoubler de vigilance
et chercher à mettre en évidence
une anomalie de l’œil suspect.
Les tests du regard préférentiel
peuvent aider à quantifier l’acuité
entre 4 et 15 mois environ mais il
faut savoir que ces tests n’ont pas
une grande sensibilité et ne sont
pas toujours réalisables. Leurs résultats doivent dans tous les cas,
être confrontés aux autres examens décrits.
Estimation de l’acuité
de chaque œil
Examen au biprisme de Gracis
Le comportement de l’enfant est
analysé d’abord en binoculaire et
ensuite après occlusion de chaque
œil afin de vérifier l’absence d’amblyopie. L’existence d’un torticolis
Le bébé assis sur les genoux d’un
des parents doit fixer un petit objet de près. Le biprisme (montage
de deux prismes de 6 dioptries, l’un
base temporale et l’autre base nasale, l’un au dessus de l’autre) est
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Comment examiner simplement un enfant strabique ?
passé à plusieurs reprises de haut
en bas devant chaque œil et l’observateur analyse les mouvements de
saccade de l’autre œil. Si l’œil prismé neutralise (par amblyopie et/
ou microstrabisme), il n’y a aucun
mouvement sur l’œil découvert.
Evaluation du
comportement de l’enfant
au test de Lang
Ce test fait aussi partie des éléments de dépistage du strabisme
et des anomalies réfractives chez
l’enfant. Il peut être montré très
tôt, dès l’âge de 5 ou 6 mois. Si un
bébé essaye de pincer les 3 dessins
du Lang 1, le résultat est rassurant
mais s’il ne s’y intéresse pas aucune
conclusion ne peut être établie.
Examen sous cycloplégie
Il est indispensable que l’enfant
soit examiné sous cycloplégie et
ceci d’autant plus qu’il existe des
facteurs de risques ou qu’un des
éléments de l’examen précédant
était douteux.
Chez le nourrisson, le Mydriaticum® peut être utilisé pour visualiser le fond d’œil et avoir une idée
de la réfraction. L’enfant sera revu
entre 9 mois et un an sous Atropine®. En cas de strabisme, celuici peut être utilisé avant et il sera
conseillé aux parents de boucher
les voies lacrymales en appuyant
sur le nez pendant l’instillation.
Les cycloplégiques utilisés sont
l’Atropine® et le Skiacol®. Les protocoles sont bien définis et doivent
être respectés.
Avant 2 ans, il est conseillé d’utiliser l’Atropine® à 0,3 % et à partir de cet âge l’Atropine® à 0,5 %.
L’instillation de l’Atropine® se fait
le plus souvent entre 3 et 5 jours
avant l’examen. L’Atropine® est
contre indiqué en cas d’allergie.
Le Skiacol® peut être utilisé dès
1 an. L’instillation d’une goutte,
3 fois toutes les 5 minutes, suivi
Figure 2 - Reflet centré à droite et décentré à gauche : ésotropie OG.
d’un examen 45 à 60 minutes après
l’instillation de la première goutte
est le plus souvent conseillée. Le
Skiacol® est contre-indiqué en cas
de convulsion et de troubles neurologiques. Il est inefficace chez le
sujet mélanoderme.
Aux termes de cet examen de dépistage, l’ophtalmologiste peut
dans la grande majorité des cas
confirmer ou éliminer l’existence
d’un strabisme, d’une amblyopie
et/ou d’une anisométropie.
Pathologies
organiques
à éliminer
Au cours de l’examen précédant
ainsi que devant tout strabisme
patent de l’enfant, il est indispensable de vérifier le segment antérieur et le fond d’œil.
Le petit enfant peut être tenu “en
avion” par l’un des parents : une
main sous les fesses et l’autre bras
bloquant les bras de l’enfant, permettant une position quasi horizontale. Une troisième personne doit
tenir la tête de l’enfant sur la mentonnière. Chez le plus grand, un examen classique est souvent possible,
l’enfant étant positionné à genoux.
Pour l’examen du FO, l’ophtalmoscope indirect est le plus souvent
conseillé puisqu’il permet d’avoir
une vue rapide et globale sur la
rétine. L’utilisation de l’ophtalmoscope directe et de la lentille de
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Volk, lorsque ceci est possible, permettent une meilleure analyse des
détails et des reliefs.
Un strabisme convergent ou divergent peut être le premier et parfois
le seul signe d’appel de certaines
pathologies
ophtalmologiques :
anomalies cornéennes, cataracte
congénitale, hypoplasie du nerf
optique, rétinoblastome, dégénérescence tapeto-rétinienne… (Fig. 3).
Une pathologie neurologique peut
être révélée par un strabisme. Il
peut s’agir d’une paralysie oculomotrice ou plus rarement d’un
strabisme concomitant.
A noter qu’il existe une association
du strabisme divergent précoce à
des anomalies neurologiques alors
que l’ésotropie précoce est le plus
souvent isolée. Tout strabisme tardif et brutal doit faire rechercher
une cause neurologique. L’ésotropie
tardive normosensorielle constitue
un diagnostic différentiel et il est important de bien examiner la motilité
à la recherche de signe de paralysie.
En cas de doute, il faut adresser l’enfant pour un examen neuro-pédiatrique et éventuellement neuro-radiologique.
Examen
ophtalmologique
à l’âge préverbal
L’estimation de l’acuité visuelle a
déjà été évoquée chez l’enfant ne
5
à savoir
Figure 4 - Syndrome de Stilling Duane : léger strabisme de face ;
Figure 3 - Hypoplasie papillaire droite responsable
absence d’abduction de l’OG ; rétraction de la fente palpébrale
d’un strabisme.
à l’adduction de l’OG.
présentant pas de strabisme patent. En cas de strabisme
évident, l’évaluation de l’acuité à l’âge préverbal se déroule de la même manière : examen du comportement
de l’enfant en binoculaire et chaque œil caché.
On peut aussi estimer les risques d’amblyopie en analysant l’alternance : un enfant qui alterne spontanément et sans cesse a peu de risque d’amblyopie alors
que si un œil fixe en permanence, l’œil dévié peut développer une amblyopie rapidement. Il est important
dans ces cas d’instaurer un traitement préventif de
l’amblyopie même si le comportement visuel de l’enfant est normal.
La mesure de l’angle est faite de manière grossière par
l’examen des reflets (Krimsky) et présente surtout un
intérêt pour suivre l’évolution.
En cas de strabisme intermittent, le test de Lang est là
encore indispensable afin d’évaluer l’existence d’une
vision binoculaire. Ce test n’a de valeur que s’il est clairement positif (l’enfant essaie de pincer les images).
L’examen de la motilité permet parfois de mettre en
évidence une anomalie congénitale. En effet, face à un
strabisme et surtout un torticolis chez le tout petit, il
faut s’acharner à examiner la motilité. Des jouets sonores ou l’écran d’un téléphone avec photos ou vidéos
peuvent être utilisés pour attirer son attention alors
que la maman bloque sa tête. Il n’est pas rare de découvrir dans certains cas une paralysie de l’oblique supérieur, un syndrome de Duane avec rétraction palpébrale (Fig. 4), ou encore un syndrome de Brown.
6
Examen ophtalmologique
à l’âge verbal
Evaluation de l’acuité visuelle
A l’âge verbal, l’examen peut être plus détaillé et au fur
et à mesure que l’enfant grandit, les examens successifs permettent d’affiner le diagnostic et améliorer la
prise en charge.
L’acuité visuelle peut être chiffrée grâce à divers optotypes : dessins, “E” de Snellen, lettres. Trois problèmes
se posent : la timidité, la “tricherie” et la perte d’intérêt.
Il faut toujours encourager l’enfant et ne jamais lui dire
qu’une réponse est fausse au risque de le bloquer. Chez le
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Comment examiner simplement un enfant strabique ?
Figure 5 - Bonne alternance spontanée.
petit enfant, il est parfois utile d’utiliser les planches de
Weiss en s’approchant à 2,5 m et en ajustant le résultat.
Les tests par appariement peuvent être utiles si l’enfant
refuse de parler. Il faut être très vigilant lors de l’examen
monoculaire. L’œil doit être caché par un cache collant
car l’enfant triche très facilement pour ne pas échouer.
Les nouveaux systèmes de projection permettent de
modifier les dessins ou les lettres de manière aléatoire
et éviter ainsi que l’enfant ne les apprenne par cœur. Enfin la rapidité de l’examen a une grande importance chez
le petit qui se désintéresse vite et ne participe plus.
ou de prismes séparés peut encore effrayer les plus petits. La coopération s’améliore au fil des consultations
et les mesures deviennent plus fiables. Un examen
plus détaillé peut être réalisé par l’orthoptiste dès l’âge
de 2 ans.
Lors de l’examen ophtalmologique, il est surtout important de voir si l’enfant est capable d’alterner ou si
le même œil est fixateur en permanence (Fig. 5). Dans ce
cas une prévention de l’amblyopie doit être entreprise.
Evaluation de la vision binoculaire
L’examen simple de l’enfant nécessite de l’entrainement et de la rapidité. Le but est de dépister les pathologies organiques ainsi que les anomalies réfractives et
l’amblyopie.
n
Le test de Lang est très facilement utilisable à l’âge
verbal. L’enfant doit nommer l’image pour que ce test
soit fiable. Le test de Wirt peut effrayer le petit surtout
lorsqu’ il perçoit la mouche en relief. Il est en général
utilisé à partir de 5 ans. Si l’enfant semble droit ou s’il
existe un strabisme intermittent ces tests permettent
d’évaluer la qualité de la vision binoculaire.
Examen oculomoteur
L’examen à l’écran est possible dès 3 ans, de loin et de
près. La mesure de l’angle à l’aide de la barre de prisme
Conclusion
Mots-clés : Strabisme, Anomalies réfractives, Amblyopie,
Acuité visuelle, Pathologie neurologique
prix et bourse
Groupe Pasteur Mutualité : bourses 2012
L
a Fondation d’Entreprise Groupe Pasteur Mutualité lance
un appel à candidature pour ses bourses 2012 d’aide à la
recherche médicale.
Le groupe marque ainsi sa volonté de soutien à la recherche
et d’accompagnement des professionnels de santé et des
jeunes chercheurs.
Les prix seront attribués à des chercheurs en santé, internes
ou praticiens, de moins de 40 ans pour une valeur totale
d’au moins 100 000 e. Chaque lauréat peut bénéficier d’une
bourse d’un montant allant jusqu’à 20 000 e.
Dossiers de candidature
Téléchargeables sur : www.fondationgpm.fr
Envoi des dossiers avant le 31 mars 2012
Cérémonie de remise des bourses : juin 2012
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
n
7
L’essentiel sur…
La prévention de la DMLA
Quels moyens utiliser ?
n La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une pathologie rétinienne acquise affectant électivement la région centrale de la rétine responsable de la discrimination des hautes
fréquences spatiales (lecture), de la vision colorée et du champ visuel central. Elle représente la
première cause de malvoyance chez les plus de 50 ans dans les pays occidentaux (1), concernant en France près d’un million de patients. L’intérêt d’un traitement préventif de la DMLA se
justifie par la grande fréquence de cette pathologie et notamment de sa forme atrophique qui
est majoritaire et contre laquelle aucun traitement curatif n’est à ce jour disponible.
A
vant d’exposer les moyens
de prévention possibles
de la DMLA, les mécanismes
physiopathogéniques
supposés de cette pathologie seront
rappelés ainsi que ses facteurs de
risque et sa classification, qui lui
définit différents stades de progression, les stades précoces ou “précurseurs” constituant un risque
de développer ultérieurement un
stade plus sévère.
Physiopathogénie
de la DMLA
Le stress oxydatif est le mécanisme
principal des altérations rétiniennes constituant progressivement une DMLA (2). Le cycle visuel
produit physiologiquement des radicaux libres oxygénés qui, compte
tenu de leur toxicité, doivent être
éliminés de façon constante par
un système dit antioxydant. Le
renouvellement permanent des
segments externes des photoré-
* Ophtalmologiste, Fondation Rothschild, Paris
Dr Aude Affortit *
cepteurs par l’épithélium pigmentaire contribue à cette élimination
des radicaux libres, tout comme
le pigment xanthophylle qui joue
un double rôle d’antioxydant et
de filtre vis-à-vis des ultra-violets
(UV). Plusieurs enzymes utilisant
notamment le cuivre comme cofacteur et certaines vitamines comme
les vitamines C et E participent également à ce système antioxydant.
Des mécanismes inflammatoires et
ischémiques sont par ailleurs impliqués dans la physiopathogénie
de la DMLA.
Facteurs de risque
âge
Plusieurs facteurs favorisent la
survenue d’une DMLA, au premier
rang desquels se situe l’âge. Une
étude récente sur la prévalence de
la DMLA aux Etats-Unis chez les
plus de 60 ans l’estimait à 13,4 %
pour les formes précoces et 2,2 %
pour les formes tardives, cette prévalence augmentant ensuite progressivement avec l’âge (3).
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Facteurs ethniques
Des facteurs ethniques entrent
également en jeu, les sujets caucasiens étant préférentiellement
atteints.
Facteurs
environnementaux
Certains facteurs comme le tabagisme (supérieur à 10 paquets/
année), l’obésité et l’HTA sont des
facteurs de risque avérés ; le rôle
négatif des UV, bien que très fortement suspecté, reste quant à lui
hypothétique (4).
Facteurs génétiques
Le caractère familial de la DMLA
a été observé de longue date. Le
risque relatif de développer une
DMLA pour un sujet ayant un
antécédent familial de la maladie est approximativement multiplié par 4 (5). Plusieurs gènes
de prédisposition à la DMLA ont
été à ce jour identifiés comme le
gène de l’apoE (apolipoprotéine
E) (6) et le gène du CFH (facteur
H du complément). Ils ne suffisent pas à eux seuls à déclencher
9
L’essentiel sur…
la maladie mais y participent en
association à des facteurs environnementaux. Il est désormais
démontré que ces facteurs de
susceptibilité génétique augmentent la probabilité de développer
une DMLA dans des proportions
beaucoup plus importantes que
les facteurs environnementaux,
avec des odds ratio nettement
plus élevés.
Classification
de la DMLA
Il est intéressant de rappeler
ici la classification utilisée dans
l’AREDS (Age Related Eye Disease
Study) (7), grande étude prospective, multicentrique et randomisée, menée aux Etats-Unis entre
1992 et 1998 à l’initiative du National Eye Institute, puisque c’est
ce travail qui a confirmé l’intérêt
d’une supplémentation en vitamines antioxydantes et minéraux
à visée préventive dans la DMLA.
La classification de la DMLA selon l’AREDS est essentiellement
fondée sur l’aspect du fond d’œil et
définit 4 stades (8) :
• stade 1 : absence d’anomalies ou
petits drusen (de taille inférieure à
63 microns) non extensifs ;
• stade 2 : petits drusen extensifs,
drusen intermédiaires (entre 63
et 125 microns) ou anomalies pigmentaires sur au moins 1 œil ;
• stade 3 : drusen intermédiaires
extensifs, grands drusen (taille
supérieure à 125 microns) ou atrophie géographique non centrale
sur au moins 1 œil ;
• stade 4 : DMLA avancée (atrophie géographique touchant le
centre ou néovascularisation
choroïdienne) ou acuité visuelle
< 20/32 attribuable à des lésions
de DMLA précoce.
Les stades 2 et 3 constituent la maculopathie liée à l’âge (MLA) (Fig. 1)
qui peut être asymptomatique
10
Figure 1 - DMLA de stade 3, photos du fond d’œil. A. Drusen séreux et intermédiaires.
B. Drusen séreux partiellement confluents. C et D. Décollement de l’épithélium pigmentaire
drusénoïde et hyperpigmentations
Figure 2 - DMLA de stade 4. A. Photos couleur objectivant une plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs. B. Cliché en
autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques.
C. Photo couleur d’une DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire.
D. Evolution fibrineuse de l’hématome
ou se traduire par un trouble de
l’adaptation au changement d’ambiance lumineuse ou encore par
un besoin accru d’éclairage lors de
la lecture.
Les stades 4 et 5 constituent la
DMLA à proprement parler (Fig. 2).
Les symptômes associent de façon variable une baisse d’acuité
visuelle prédominant en vision de
près, des métamorphopsies et un
scotome central. La DMLA atro-
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
La prévention de la dégéné­rescence maculaire liée à l’âge
Figure 3 - Différents types de néovaisseaux choroïdiens.
Figure 4 - Anastomose chorio-rétinienne.
A. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluorescéine à
A et B. Au temps précoce et tardif de l’angiographie à la fluores-
1 minute. B. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluores-
céine. C et D. En OCT spectral domain montrant un volumineux
céine à 3 minutes montrant une diffusion progressive de l’hyper-
œdème intrarétinien entourant l’anastomose en regard de
fluorescence initiale. C et D. Néovaisseaux occultes bilatéraux, stade
laquelle un décollement de l’épithélium pigmentaire est identi-
tardif de l’ICG montrant une plaque hyperfluorescente. E et F. OCT
fiable. E. Temps précoce de l’ICG montrant deux vaisseaux réti-
spectral domain correspondant objectivant un discret soulèvement
niens juxta fovéolaires à l’extrémité dilatée semblant plonger de
de l’épithélium pigmentaire isolé à droite et accompagné d’un
façon perpendiculaire vers une hyperfluorescence choroïdienne.
décollement séreux rétinien à gauche.
F. ICG temps tardif, hot-spot.
phique, majoritaire, se caractérise
par le développement progressif
de plages d’atrophie rétinienne
autour de la fovéa avec une tendance variable à l’extension notamment en position rétrofovéolaire. Elle ne bénéficie à ce jour
d’aucun traitement curatif. La
DMLA exsudative est définie par
le développement de néovaisseaux
choroïdiens de différents types selon leur comportement en OCT et
angiographies figures 3 et 4. Elle est
désormais traitée par injections
intravitréennes (IVT) d’anti VEGF
qui en ont considérablement amélioré le pronostic.
Cette classification diffère quelques
peu de la classification internationale de la DMLA qui souligne l’importance des pseudodrusen.
Secondairement, le rapport n°18
de l’AREDS (9) a établi une classification simplifiée permettant de
déterminer le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans, en
fonction des anomalies observées
au FO qui sont cotées de la façon
suivante :
• présence de migrations pigmentaires sur 1 œil = 1 point ;
• présence d’au moins 1 drusen séreux sur 1 œil = 1 point ;
• les scores de l’œil droit et de l’œil
gauche s’additionnant.
La présence de drusen intermédiaires bilatéraux correspond à
un score de 1 et l’existence d’une
DMLA néovasculaire unilatérale
à un score de 2. Ainsi le risque de
développer une DMLA avancée à
5 ans peut être estimé à : score = 0 :
0,5 %, score = 1 : 3 %, score = 2 : 12 %,
score = 3 : 25 %, score = 4 : 50 %.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
La prévention
de la DMLA
Historique : l’étude AREDS
❚❚Méthode
Cette large étude a étudié 3 557 sujets répartis en 4 groupes : le premier supplémenté par une association de vitamine C (500 mg),
de vitamine E (268 mg) et de béta-carotène (15 mg), le deuxième
par cuivre (80 mg) et zinc (2 mg),
le troisième à la fois par vitamines
antioxydantes, cuivre et zinc, le
quatrième par un placebo.
❚❚Résultats (10)
Une réduction de 25 % du risque
de progression de la DMLA a été
observée dans le groupe de patients présentant un stades 3 ou 4
11
La prévention de la dégéné­rescence maculaire liée à l’âge
de DMLA et traités par l’association de vitamines C et E, de béta
carotène, de zinc et de cuivre,
contrairement aux groupes traités
par l’un ou l’autre de ces éléments
seuls et aux groupes de patients
présentant un stade plus précoce
de DMLA.
Aucun effet secondaire majeur n’a
été rapporté dans l’AREDS en dehors d’une coloration jaunâtre des
téguments par ailleurs réversible.
Par contre, un surrisque de cancer
pulmonaire associé à la supplémentation en béta-carotène chez
les fumeurs a été attesté par deux
études (11, 12).
Depuis l’AREDS, un faisceau
d’arguments a suggéré
l’effet protecteur
d’autres nutriments
❚❚Les oméga-3
Acides gras polyinsaturés, ils
sont représentés d’une part par
l’acide alpha-linolénique ou ALA
(à chaine courte) et d’autre part
par l’acide docosahexaenoique
ou DHA et l’acide eicosapentaenoique ou EPA, tous deux à longue chaine. L’ALA et l’EPA sont
des précurseurs du DHA qui est
fortement concentré dans les
segments externes des photorécepteurs. Leur provenance est
essentiellement alimentaire,
l’organisme ne pouvant les synthétiser. Le DHA est très concentré dans les poissons gras (thons,
sardines, maquereaux, saumon),
l’ALA dans les huiles d’origine végétale (colza, soja, noix, germe de
blé). Des études épidémiologiques
ont montré que les sujets présentant une alimentation riche en
oméga-3 et pauvre en acides gras
polyinsaturés de type oméga-6
présentaient un moindre risque
de DMLA (13, 14). Une méta-analyse de Chong et al (15) concluait
récemment à la nécessité d’études
randomisées
supplémentaires
pour attester formellement l’intérêt d’une supplémentation par
oméga-3.
❚❚Les caroténoïdes
La lutéine et la zéaxanthine composent physiologiquement le pigment xanthophylle maculaire où
ils jouent un double rôle de filtre
des courtes longueurs d’onde associé à une action antioxydante.
Tout comme les oméga-3, leur
source est essentiellement alimentaire. Ils sont présents à de
fortes concentrations dans le cresson, les épinards, le chou vert, la
laitue, les brocolis, les petits pois,
le maïs et le jaune d’oeuf. Leur
rôle a d’abord été suggéré par des
études épidémiologiques fondées
sur des questionnaires alimentaires retrouvant un plus faible
taux de DMLA chez les sujets à
l’alimentation riche en légumes
verts (16, 17). Une augmentation
de la densité du pigment maculaire a d’autre part été observée
chez des sujets supplémentés en
lutéine et zéaxanthine (18). Des
études interventionnelles de petite taille ont également suggéré
l’effet bénéfique d’une telle supplémentation (19). Une méta-analyse
récente reprenant les résultats des
différentes études parues à ce jour
concluait à l’intérêt d’une supplémentation en lutéine et zéaxanthine pour prévenir la survenue
d’une DMLA néovasculaire mais
pas la survenue d’une DMLA précoce (20).
Dans un avenir proche :
l’étude AREDS 2
Actuellement en cours, elle étudie
l’intérêt d’une association entre
la formule de l’AREDS 1 avec ou
sans bétacarotène, les oméga-3
et la lutéine/zéaxanthine. Ses résultats très attendus pourront
prochainement (fin 2012) établir
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
plus finement la dose nécessaire
exacte de chacun des nutriments
évalués par la première version de
l’AREDS et apporter la preuve de
l’intérêt d’y ajouter des oméga-3,
de la lutéine et de la zéaxanthine.
Les vitamines du groupe B
Les vitamines B6, B9 et B12 interviennent dans le métabolisme
de l’homocystéine en réduisant
son taux circulant. Dans la Blue
Mountain Eye Study, une hyperhomocystéinémie ou un faible
taux sanguin de vitamines B12
étaient associés à un risque plus
élevé de DMLA (21). Une récente
étude a retrouvé une diminution
du risque de DMLA en cas de supplémentation en vitamines du
groupe B dans une population très
spécifique de femmes présentant
une pathologie cardiovasculaire
préexistante ou de multiples facteurs de risque (22). Le bénéfice
d’une telle supplémentation dans
une plus large population reste à
démontrer.
Les extraits de myrtille
Malgré leur vertu antioxydante supposée, l’intérêt de leur
consommation à visée préventive
dans la DMLA reste à démontrer.
Que faire
en pratique ?
La première étape de la prévention
de la DMLA suppose un dépistage
des lésions éventuelles du fond
d’œil par un examen ophtalmologique au moins annuel chez le sujet de plus de 55 ans, qui déterminera l’existence ou non d’éventuels
précurseurs.
Prévention primaire
En prévention primaire, c’est-àdire chez le sujet sain, indemne
de DMLA, il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques
13
L’essentiel sur…
pour conseiller une supplémentation en micronutriments (1).
On peut conseiller une éviction
des facteurs de risque (tabagisme,
surpoids, HTA) associée à une alimentation riches en vitamines C
(poivrons, kiwis, agrumes), vitamine E (huiles et margarines végétales), zinc (huitres, coquillages,
pain complet, foie), caroténoïdes
et oméga-3, d’autant plus que le
patient présente des antécédents
familiaux de DMLA.
Une prévention ciblée avec supplémentation en micronutriments des
individus sains présentant un risque
relatif de DMLA élevée du fait de
leurs variants génétiques pourrait à
l’avenir être envisagée (23).
Prévention secondaire
En prévention secondaire, c’està-dire pour diminuer le risque
de développer une DMLA sévère
ou retarder sa survenue, chez des
individus présentant une DMLA
précoce, la conduite à tenir est
cette fois mieux codifiée et comprend :
• Les règles hygiéno diététiques
précédemment citées : arrêt du
tabac, réduction pondérale, traitement d’une HTA et alimentation
variée. Il faut toutefois préciser
que le sur risque lié à la consommation de tabac n’est annulé
qu’après 20 ans de sevrage.
• Une association d’antioxydants
type AREDS (sans béta carotène
pour les fumeurs, même sevrés),
seule supplémentation formellement validée; en se rappelant que
les concentrations en vitamines C,
E et zinc validées par l’AREDS sont
très supérieures aux apports journaliers recommandés et qu’une
simple alimentation équilibrée
ne suffit donc pas à atteindre ces
niveaux d’apport. Par exemple, la
dose de vitamine C préconisée par
l’AREDS nécessiterait la consommation de 7 à 8 oranges par jour…
• Une supplémentation éventuelle
en caroténoïdes et oméga-3. Il s’agit
de recommandations qui pour
l’heure, dans l’attente des résultats
de l’AREDS 2, ne s’appuient pas sur
des preuves scientifiques formelles.
Cependant, les effets secondaires
potentiels étant minimes et le bénéfice attendu important, la lutéine, la zéaxanthine et le DHA ont
déjà été intégrés dans bon nombre
de préparations visant à prévenir l’aggravation d’une DMLA, en
association au cocktail validé par
l’AREDS le plus souvent dépourvu
n
de béta-carotène.
Mots-clés : DMLA, Prévention,
Classification, Nutriment,
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Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Mise au point
L’aberration sphérique : multi­
focalité et profondeur de champ
Implications pratiques en chirurgie de la cataracte
Dr Yannick Nochez et Pr Pierre-Jean Pisella*
Introduction
Les résultats de la chirurgie de la cataracte ne cessent de s’améliorer ces dernières années grâce notamment aux progrès des implants et de la technologie
d’analyse du front d’onde lumineux (aberrométrie). L’analyse d’un front d’onde
lumineux traversant le système visuel est de mieux en mieux comprise et la
chirurgie de la cataracte bénéficie des avancées communes de la contactologie
et de la chirurgie réfractive.
Nous verrons dans un premier temps ce qu’est une aberration optique, et plus
précisément l’une d’entre elles : l’aberration sphérique. Puis, nous analyserons
les conséquences théoriques de cette aberration sphérique sur la qualité de
vision subjective et objective des patients pseudophaques. Enfin, nous présenterons comment utiliser en pratique cette aberration sphérique pour restaurer
qualité de vision, profondeur de champ et multifocalité.
Les aberrations
optiques : une réalité
à ne pas ignorer
lysées et décomposées en unités
élémentaires : les polynômes de
Zernike (Fig. 1).
* Service d’Ophtalmologie, CHU Bretonneau, Faculté de Médecine François Rabelais, Tours
Les aberrations optiques géométriques de l’œil humain sont réparties :
• pour 90 % d’entre elles en
aberrations dites de bas ordre
(d’ordre 2) : Z2-0 ou défocus correspondant à l’anomalie de défocalisation (en avant de la rétine :
myopie ou en arrière de la rétine :
hypermétropie), et Z2-2 ou astigmatisme correspondant à la correction cylindrique.
• pour 10 % d’entre elles, en aberrations de haut ordre (3e, 4e et au-delà).
Les plus influentes sur la qualité de
vision sont la coma ou Z3-1, le tréfoil
ou Z3-3 (toutes deux, aberrations
asymétriques) et enfin l’aberration
sphérique ou Z4-0 (Fig. 2).
Les différents milieux traversés
par la lumière avant d’atteindre
les photorécepteurs sont inhomogènes, imparfaits et mobiles.
Un système optique dit “parfait”
est caractérisé par la convergence
des rayons lumineux en un seul
et même point. Les différents milieux optiques (cornée et cristallin
surtout) déforment le front d’onde
lumineux. L’image d’un point
lumineux, formée sur la rétine
comporte des distorsions : c’est
la fonction d’étalement du point
ou PSF (Point Spread Function).
Ces déformations, appelées aussi
“aberrations optiques”, sont ana-
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
L’analyse de la PSF et la décomposition des aberrations optiques est
essentielle car elle est directement
reliée à la qualité de vision et à la
notion de pouvoir de résolution
(acuité visuelle et sensibilité aux
contrastes) (Fig. 3).
Comprenons dès à présent que les
aberrations optiques d’un système
visuel sont :
• potentiellement changeantes
(avec l’accommodation) ;
• dépendantes du diamètre pupillaire (plus le diaphragme pupillaire augmente, plus la quantité
d’aberrations optiques générées
par l’œil augmente) ;
• et surtout sont nécessaires à l’intégration cérébrale.
Toutes les aberrations optiques
n’ont pas la même conséquence
sur le pouvoir de résolution de
l’œil et ne sont pas toutes péjoratives : elles conditionnent non
seulement le réflexe de l’accommodation par le flou qu’elles peuvent induire mais elles permettent
également de stimuler efficacement les photorécepteurs (1, 2).
L’aberration
sphérique :
description
L’aberration sphérique concerne
tout dioptre (cornée, cristallin,
lentille, ou même objectif d’un
appareil photographique ou téléscope). On parlera d’aberration
15
Mise au point
sphérique positive lorsqu’à travers la surface optique, les rayons
périphériques sont plus réfractés
et sont focalisés en avant de ceux
passant par le centre : la cornée en
est l’exemple parfait (Fig. 4).
L’aberration sphérique dépend de
deux principaux dioptres oculaires
qui se compensent mutuellement :
la cornée et le cristallin. La cornée est dite prolate car elle génère
une aberration sphérique positive
(d’une moyenne de 0,27 µm). Le
cristallin du sujet jeune, génère
une aberration sphérique négative, car son indice de réfraction
diminue du centre vers la périphérie.
La représentation de face et en
3D de l’aberration sphérique est
illustrée sur la figure 5. Les points
passant par le centre de la surface
sphérique sont focalisés distinctement au centre (point rouge central sur l’image en 3D). Les points
passant par la périphérie de la surface sphérique sont défocalisés en
avant (anneau bleu sur l’image en
3D). On comprend aisément que
l’aberration sphérique dégrade
l’image d’un point, en générant notamment des halos concentriques.
Ceci a deux conséquences.
• L’aberration sphérique dégrade la qualité d’une image en
étalant la PSF de ce point et en
diminuant l’énergie lumineuse du
point central. Les contrastes de
l’image en ressortent amoindris
(Fig. 5).
• L’aberration sphérique est
une déformation symétrique
du front d’onde. Elle est responsable d’une défocalisation en
avant des rayons passant par la
périphérie de la surface optique
sphérique. Cette seconde “focale”
peut être perçue par l’œil du sujet : l’aberration sphérique est un
16
Figure 1 - L’ensemble des déformations (image de gauche) est décomposée en défor­
mations élémentaires ou polynômes de Zernike (images de droite).
Figure 2 - Répartition des aberrations optiques géométriques. On décrit l’aberration
de 1er ordre (tilt ou effet prismatique), de 2nd ordre (défocus et astigmatisme), de 3e
ordre (coma et tréfoil) et de 4e ordre (aberration sphérique, astigmatisme secondaire
et tétrafoil).
Figure 3 - Une image parfaite (E) qui traverse un système optique sera déformée par
les aberrations optiques de ce système : l’image obtenue est dégradée en termes de
qualité de vision. La fonction d’étalement d’un point ou PSF caractérise donc la “qua­
lité optique” d’un système visuel.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
L’aberration sphérique : multi­focalité et profondeur de champ
des moyens de générer de la multifocalité. En effet, le point central
n’est nullement myopisé, il assure
une vision de loin parfaite alors
que les anneaux périphériques de
l’aberration sphérique peuvent
être capables d’assurer une profondeur de champ suffisante pour
une vision intermédiaire et une vision de près.
L’aberration sphérique constitue
donc un compromis entre dégradation de la qualité de vision (halos, flou et baisse de la sensibilité
aux contrastes) et confort visuel
en augmentant la profondeur de
champ : une aberration sphérique
nulle donne une focalisation précise mais sans aucune tolérance au
défocus, sans aucune profondeur
de champ.
Figure 4 - Surface optique générant une aberration sphérique positive.
Figure 5 - Représentation spatiale en 3D de l’aberration sphérique. Représentation
spatiale de face de la fonction de dispersion d’un point lumineux. Image dégradée par
L’aberration
sphérique (AS) : son
intérêt en pratique
dans la chirurgie de
la cataracte
Depuis une dizaine d’années, Artal
et al. (3) ont comparé, chez des patients phakes, la valeur de l’AS cornéenne mesurée “directement” à
l’aide d’un cornéotopographe avec
celle calculée par l’équation mathématique (AS totale mesurée
par un aberromètre – AS interne
mesurée par un aberromètre
après immersion de la cornée
dans un bain de sérum physiologique de manière à annuler les
aberrations cornéennes). Il s’agit
d’une approximation inhérente à
la mesure puisque le système de
mesure est en transformées de
Fourier. Cependant, elle est suffisante pour l’exercice clinique et
rendue possible par la conversion
en polynômes de Zernike. On peut
donc considérer en pratique clinique, que l’AS totale est égale
à la somme de l’AS cornéenne
de l’aberration sphérique.
et celle générée par le cristallin ou l’implant. Bien sûr, il s’agit
d’effectuer les mesures à diamètre
pupillaire égal.
cornéenne est nécessaire dès lors
que l’on prétend pouvoir compenser celle-ci avec des implants intraoculaires asphériques.
Par ailleurs, Wang et al. ont démontré que l’AS cornéenne est une
aberration dont la valeur possède
En effet, trois conditions sont
nécessaires à une sélection optimale de l’asphéricité de l’im-
Une mesure de l’aberration sphérique
cornéenne est nécessaire dès lors que l’on
prétend pouvoir compenser celle-ci avec des
implants intraoculaires asphériques.
une distribution statistique gaussienne centrée sur une valeur de
0,27 µm en moyenne (4). Néanmoins, 15,4 % de la population présente une AS cornéenne inférieure
à 0,20 µm alors que 43 % seulement
de la population présente une AS
cornéenne comprise entre 0,20 et
0,30 µm et 40 % au-delà. Ainsi, une
mesure de l’aberration sphérique
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
plant lors de la chirurgie de la
cataracte.
• La mesure pré-opératoire de l’AS
cornéenne doit être comparable
à celle mesurée en post-opératoire. Ceci est rendu possible par
l’utilisation de la micro-incision
(< 2,2 mm), modifiant peu la répartition des aberrations optiques
cornéennes centrales (5).
17
Mise au point
• L’analyse mathématique (AS
cornéenne + AS interne = AS totale) doit être possible en pratique
clinique courante (6).
• Enfin, une modification de l’AS
totale doit être utile et pertinente
en termes de qualité subjective et
objective de vision. En effet, à acuité visuelle identique, un œil dont
l’aberration sphérique finale sera
proche de 0 présentera des qualités optiques objectives meilleures
(moindre fonction de dispersion
du point et meilleure sensibilité
aux contrastes) (7).
Figure 6 - Compromis entre sensibilité aux contrastes (courbe bleue) et profondeur de
champ (courbe rouge) en fonction de l’aberration sphérique totale chez des patients
pseudophaques porteurs d’implants asphériques.
Ainsi, en raison d’une AS cornéenne moyenne positive de
0,27 µm, implanter un implant asphérique négatif (visant à compenser 0,18 µm d’AS cornéenne) ou un
implant asphérique neutre (ne générant aucune AS) améliore significativement la qualité de vision et
la sensibilité aux constrastes des
patients pseudophaques par rapport à un implant sphérique (8).
Quelle aberration
sphérique cible viser
en post-opératoire ?
Comme nous l’avons vu précédemment, minimiser l’aberration sphérique totale d’un système visuel
revient à maximiser la qualité objective de vision, mais en diminuant la
profondeur de champ (Fig. 6).
Par ailleurs, l’aberration sphérique est comprise dans un profil
complexe d’autres aberrations optiques. La coma, ou le tréfoil sont
des aberrations optiques capables
également d’augmenter la profondeur de champ subjective des patients pseudophaques (Fig. 7).
En pratique, les besoins visuels sont
différents d’un patient à l’autre. Il
n’existe donc pas une AS cible mais
plusieurs options en fonction de la
multifocalité que l’on veut obtenir.
18
Figure 7 - Profondeur de champ subjective calculée comme l’écart en dioptries au
cours de laquelle l’image est perçue comme acceptable par le patient.
Si la qualité de vision
veut être privilégiée
au détriment
d’une profondeur de champ
Il conviendra de cibler 0 µm d’AS
finale :
• préférable chez les patients avec
large diamètre pupillaire ;
• chez les patients demandeurs
d’une vision mésopique très
bonne ;
• lors de l’utilisation d’implants de
puissance réfractive élevée ;
• en l’absence de rupture capsulaire, de risque de tilt ou décentrement d’implant.
Ainsi, en cas d’AS cornéenne préopératoire comprise entre 0,15 et
0,30 µm, un implant asphérique
négatif sera privilégié. En cas d’AS
cornéenne comprise entre 0 et
0,10 µm, un implant asphérique
neutre sera proposé. Enfin, en cas
d’AS cornéenne négative (kératocone, post-chirurgie réfractive hypermétropique), un implant sphérique sera conseillé.
Si la profondeur de
champ subjective et l’effet
multifocal est recherché
Il conviendra de cibler une AS finale soit faiblement positive (0,10
à 0,15 µm) soit faiblement négative
(-0,10 à -0,15 µm). Des études cliniques sont encore en cours pour
déterminer le meilleur compromis restaurant le maximum d’effet
multifocal sans dégrader la qualité
de vision subjective ou objective.
Une étude récente a été effectuée
dans le service d’ophtalmologie
du CHU de Tours, visant à analyser l’intérêt d’une bascule d’AS
optimisée en fonction de la dominance oculaire afin d’obtenir une
meilleure profondeur de champ
binoculaire. Le groupe “optimisé”
bénéficiait d’un implant asphérique négatif sur l’œil dominant
afin d’obtenir une AS finale proche
de 0 µm alors que l’œil dominé
recevait un implant asphérique
neutre.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
L’aberration sphérique : multi­focalité et profondeur de champ
A acuité visuelle de loin non différente (supérieure à 10/10e) et à
équivalent sphérique identique,
le groupe porteur d’implants asphériques négatifs aux deux yeux
semble présenter une profondeur
de champ binoculaire inférieure
au groupe “optimisé”. La capacité
de lecture de près sans correction
optique du groupe “optimisé”
était supérieure de deux lignes au
groupe témoin porteur d’implants
asphériques négatifs bilatéraux
(Fig. 8).
n
Figure 8 - Courbe de défocus binoculaire présentant l’évolution de l’acuité visuelle
Mots-clés :
Aberration sphérique, Multifocalité,
Profondeur de champ, Implant
chez le groupe témoin (porteur d’implants asphériques négatifs Acrismart 36A®
bilatéraux) et chez le groupe “optimisé” (porteur d’implant asphérique négatif sur l’œil
dominant et d’implant asphérique neutre AcriSmart 46LC® sur l’œil dominé).
Bibliographie
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Surg 2002 ; 18 : 556-62.
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7. Nochez Y, Majzoub S, Pisella PJ. Analyse objective de la qualité de vision
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benefits of aspheric intraocular lenses: review of the literature. J Cataract
Refract Surg 2009 ; 35 : 172-81.
kiosque
Motricité et sensorialité
oculaire : l’examen
Martine SANTALLIER
S - éditions
320 pages - 20 x 26 cm
Date de parution : 25 novembre 2011
Prix public : 79.00 € TTC - Collection : Orthoptie
Sommaire
Partie 1 • P hysique du prisme et ses actions oculaires
Rappels de cours de physique appliqués à l’oculomotricité.
Partie 2 • Rappels de physiologie et de pathologie sur la vision
binoculaire
Rappels de cours de physiopathologie de la vision binoculaire.
Partie 3 • Bilan oculomoteur et son intérêt pour l’ophtalmologiste
Détails des étapes du bilan oculomoteur selon les attentes de l’ophtalmologiste.
Partie 4 • Instruments classiques
Description des instruments incontournables et mise en application
par de nombreux cas cliniques.
Partie 5 • Autres instruments
Description des instruments complémentaires et mise en application
par de nombreux cas cliniques.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
19
zoom sur…
La cataracte congénitale
Prise en charge diagnostique et thérapeutique
n
La prise en charge des cataractes pédiatriques a considérablement évolué dans les vingt
dernières années. La meilleure connaissance des étiologies a apporté plus de discernement
dans les bilans. Les techniques chirurgicales et anesthésiques se sont affinées pour optimiser
la sécurité et l’efficacité des interventions. La qualité du suivi permet aujourd’hui des récupérations visuelles autrefois jugées impossibles, particulièrement dans les formes unilatérales.
Les formes unilatérales ou bilatérales constituent deux entités assez distinctes du point de vue
des circonstances de découverte, des étiologies et de la prise en charge.
Circonstances
du diagnostic
Les formes unilatérales précoces sont repérées par une leucocorie quand l’opacité est dense
et antérieure, plutôt par un strabisme dans les autres cas. Les
formes bilatérales peuvent donner
lieu à une leucocorie, un trouble
du comportement visuel (mauvaise fixation, nystagmus qui est
un facteur de mauvais pronostic),
moins souvent un strabisme.
Dans tous les cas, les formes d’aggravation progressive (de meilleur
pronostic) peuvent se traduire par
une baisse d’acuité visuelle repérée par les parents ou par un examen de dépistage systématique.
Etiologies
Elles sont théoriquement très
nombreuses, mais en pratique se
résument à un petit nombre de situations (1). Dans les formes bilatérales, les cataractes liées à une
maladie générale ne sont qu’exceptionnellement le mode de ré* Département d’ophtalmologie pédiatrique, Fondation
Rothschild, Paris
20
vélation de celle-ci. Ces maladies
(métaboliques, syndromiques, etc)
sont connues ou évidentes et la
cataracte découverte secondairement. Dans les autres cas, la cataracte est isolée et généralement
héréditaire (autosomique dominante), l’enfant pouvant être le
premier atteint de la famille à la
suite d’une mutation. Cela conduit
à proposer comme bilan, après l’interrogatoire de la famille sur les
antécédents, un examen clinique
pédiatrique et éventuellement une
consultation de génétique. Eventuellement chez un garçon présentant une cataracte précoce, on
peut demander une aminoacidurie
à la recherche d’un syndrome de
Lowe (maladie métabolique liée à
l’X) dont l’expression clinique n’est
pas toujours évidente d’emblée. Le
reste du ­bilan est guidé par l’examen clinique général.
Dans les formes unilatérales, la
cause est généralement locale,
soit évidente (uvéite, traumatisme, malformation) soit liée à
une persistance de la vascularisation fœtale (ou du vitré primitif )
avec, à divers degrés, microphtalmie, opacité blanche rétrocristal-
Dr Pascal Dureau *
linienne vascularisée et étirement
des procès ciliaires (Fig. 1).
Examen
L’examen commence par l’interrogatoire des parents : antécédents familiaux, circonstances
de découverte, ancienneté des
symptômes (qui est cruciale pour
le pronostic), évolution. Le comportement visuel de l’enfant est
observé : fixation, suivi, réaction
à l’occlusion, nystagmus, acuité
chez les plus grands. L’examen à
la lampe à fente se fait sur les genoux d’un parent ou allongé à plat
ventre sur une table. Il permet de
noter une microphtalmie, le siège
et la densité de l’opacité. Souvent
cet examen n’est pas facile et sera
complété par un examen sous
anesthésie générale immédiatement pré-opératoire. Cet examen
sous anesthésie permet en outre
de mesurer le tonus oculaire et
de faire une échographie à la recherche d’anomalies associées du
segment postérieur, ainsi qu’une
biométrie. Enfin l’examen des
parents cherche des signes en faveur d’une forme familiale.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
La cataracte congénitale
Figure 1 - Persistance de la vascularisation fœtale : opacité
Figure 2 - Cataracte nucléaire d’aggravation progressive.
rétrocristallinienne vascularisée.
Formes cliniques
Elles sont liées à la topographie
de l’opacité : polaire antérieure ou
postérieure, nucléaire, zonulaire,
capsulaire postérieure, avec défect
de la capsule postérieure, totale.
Cette topographie n’a que peu de
valeur d’orientation étiologique.
Traitement
Traitement optique
Le traitement des cataractes
congénitales n’est pas toujours
chirurgical. Les cataractes polaires antérieures, nucléaires, zonulaires ou “poussiéreuses” peu
denses peuvent faire l’objet d’une
correction optique totale, et d’une
rééducation d’amblyopie dans les
formes unilatérales. Ces formes
sont volontiers d’aggravation progressive et finissent par nécessiter
une intervention après quelques
années (parfois décennies), avec
un meilleur pronostic fonctionnel
(Fig. 2).
traitement chirurgical
A l’inverse les formes congénitales
obturantes doivent être opérées
dans les premières semaines de vie
pour optimiser les chances de récupération fonctionnelle (2) (Fig. 3).
La technique chirurgicale ac-
tuelle se rapproche beaucoup
de celle utilisée chez l’adulte (3) :
incision cornéenne, capsulorhexis
antérieur (parfois difficile en raison de l’élasticité capsulaire), aspiration du contenu cristallinien
(le noyau n’étant pas individualisé,
l’émulsification n’est pas nécessaire
et l’aspiration peut se faire en bimanuel pour rester à volume fermé
dans ces yeux “mous”), implantation dans le sac d’un implant généralement acrylique hydrophobe
(4, 5). La différence principale
réside dans le traitement de la
capsule postérieure : en l’absence
d’ouverture capsulaire, une opacification survient d’autant plus
souvent et rapidement que l’enfant
est petit, systématiquement avant
2-3 ans (6). Il est donc réalisé un
capsulorhexis postérieur et une
vitrectomie antérieure, le vitré
antérieur étant indissociable de la
capsule postérieure chez l’enfant
et pouvant lui-même constituer un
support pour la prolifération (7).
Une suture est utilisée chez les enfants les plus petits dont l’œil peu
rigide ne peut assurer une autoétanchéité de l’incision (Fig. 4).
Seuls les yeux microphtalmes ou
présentant une malformation sont
laissés aphaques.
Avant un an, les complications
post-opératoires favorisées par
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
l’implantation sont plus fréquentes (prolifération secondaire
et inflammation). Toutefois il
existe des arguments en sa faveur : améliorer la récupération
visuelle et éviter le glaucome de
l’aphaque, principale complication
de la chirurgie de la cataracte pédiatrique, dont la fréquence augmente
en cas de chirurgie précoce (avant
1 an voire 9 mois) (8). Les résultats
d’une étude multicentrique randomisée : l’Infant Aphakia Treatment
Study permettront prochainement
de comparer implantation primaire et aphaquie (9).
Un problème central est le calcul
de la puissance de l’implant dans
ces yeux en croissance. La solution
adoptée par la majorité des équipes
est de délibérément enlever un
certain pourcentage (d’autant plus
élevé que l’enfant est jeune) au
calcul théorique pour anticiper sur
la croissance du globe (10). En attendant, l’hypermétropie induite
par cette démarche est corrigée
par des verres. Les formules SRK-T
et Holladay 2 semblent les mieux
adaptées à ces petits yeux.
Traitement post-opératoire
Le traitement post-opératoire comporte des anti-inflammatoires locaux et généraux, les réactions inflammatoires étant plus marquées
21
zoom sur…
Figure 3 - Cataracte obturante.
Figure 4 - Aspect postopératoire précoce. Remarquer les bords
du rhexis antérieur et postérieur.
chez les enfants petits.
La correction optique est prescrite dès la semaine qui suit l’intervention, en privilégiant la vision de près jusqu’à un an, puis
la vision intermédiaire, puis des
verres bifocaux et ensuite progressifs à partir de 3-4 ans. La rééducation d’amblyopie est débutée également après une semaine dans
les formes unilatérales, avec une
occlusion d’environ une heure par
mois d’âge. Les parents doivent
comprendre que cette rééducation
est la composante essentielle du
traitement et doit être poursuivie
plusieurs années (11, 12).
Suivi
Il se fait par des consultations
régulières, en collaboration avec
une équipe d’orthoptie habituée
à ce problème, et parfois par des
examens sous anesthésie générale, en particulier pour enlever
les fils.
Les complications précoces comportent une inflammation, parfois
des synéchies entre l’iris et l’implant nécessitant une libération
chirurgicale.
Les complications tardives sont
avant tout l’opacification secondaire de l’axe visuel. Cette prolifération cellulaire (différent de
la fibrose capsulaire observée
chez l’adulte) est d’autant plus
fréquente que l’enfant est petit,
jusqu’à 20-30 % des cas opérés
avant un an, et ce malgré la vitrectomie antérieure. En cas d’atteinte
de l’axe visuel, une reprise chirurgicale est nécessaire.
Le glaucome, sans doute moins
fréquent avec les techniques
chirurgicales actuelles, peut survenir des années après l’intervention et justifie une surveillance à
vie (13).
Pronostic
La prise en charge actuelle des cataractes congénitales permet d’excellents résultats visuels dans de
nombreux cas : acuité supérieure
à 5/10e dans 80 % des formes bilatérales et 50 % des formes unilatérales, autrefois considérées sans
espoir de récupération (14).
n
Mots-clés :
Cataracte congénitale,
Implant, Amblyopie
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Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Explorations et Innovations
Nouvelle approche diagnostique
et thérapeutique de l’œil sec
Les systèmes Lipiview® & Lipiflow®
n La prévalence de l’œil sec est estimée à 9 % chez les patients âgés de plus 40 ans et à 15 %
après 65 ans. Son diagnostic est une étape clé car il permet de préciser le traitement le plus
approprié. Les tests traditionnels comportent des limites que les nouvelles générations de
dispositifs dépassent par leur technologie innovante. L’interférométrie est utilisée par le nouveau système diagnostique Lipiview® qui compose avec le dispositif de traitement Lipiflow®,
une nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec. Notre première expérience
renforce les premiers résultats publiés prometteurs. Mais quels sont les principes et les indications d’une telle approche ? Quelles réponses thérapeutiques en attendre ? La sécheresse
oculaire :
une maladie
multifactorielle
La sécheresse oculaire est définie par l’International Dry Eye
Workshop (DEWS, 2011) comme
une « maladie multifactorielle des
larmes et de la surface oculaire (1).
Elle provoque une instabilité du
film lacrymal pouvant entraîner
des lésions de la surface oculaire.
Elle est accompagnée d’une augmentation de l’osmolarité (concentration en solutés) du film lacrymal
et d’une inflammation de la surface oculaire ». L’œil sec reste la
première cause d’intolérance aux
lentilles de contact et 50 % des
patients porteurs de lentilles
de contact déclarent avoir les
* Ophtalmologiste, Clinique de la Vision, Paris
** Ophtalmologiste, CHNO des XV-XX, Paris
*** Orthoptiste, Clinique de la Vision, Paris
**** Orthoptiste, Hôpital américain de Paris
Dr Catherine Albou-Ganem *, ** et Raphaël Amar ***,****
yeux secs alors que cette prévalence n’est que de 20 % chez les
non-porteurs de lentilles.
La prévalence de l’œil sec serait de
9 % chez les patients après 40 ans,
et de 15 % après 65 ans. Le pourcentage de patients traités augmente
en raison du vieillissement de la population. La prévalence de cette pathologie augmente avec l’âge. Elle
est de plus en plus fréquente (2, 3).
Les caractéristiques
du film lacrymal
Le film lacrymal, dans son état
naturel ou basal (non stimulé),
est transparent et incolore, a
un volume d’environ 7 µl et une
épaisseur de 7 µm. La structure
est composée d’une couche lipidique superficielle qui lubrifie
et prévient l’évaporation, d’une
phase intermédiaire aqueuse plus
épaisse qui nourrit et protège la
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
cornée et d’une couche mucinique
adjacente au glycocalyx, qui protège l’épithélium cornéen hydrophobe en permettant aux larmes
d’adhérer à la surface oculaire.
Des recherches récentes ont
contesté l’existence de démarcations entre ces couches, la couche
aqueuse et la couche mucinique
formant probablement une seule
phase, et la concentration de mucines augmentant en s’approchant
de l’épithélium (4). Pour l’examen
clinique du film lacrymal, l’hypothèse d’une structure en trois
couches est suffisante.
Le taux de renouvellement du film
lacrymal normal, basal (non stimulé) est légèrement supérieur
à 1 µl par minute, avec une rotation d’environ 16 %, mais celle-ci
peut augmenter de 100 fois lors
de la stimulation du larmoiement
réflexe (5, 6). La composition des
larmes réflexes, induites par un
23
Explorations et Innovations
examen invasif, est différente des
larmes basales. Les résultats des
tests peuvent donc être influencés
de façon indésirable.
Etiologies de la
sécheresse oculaire
Le rapport de 2011 du DEWS établit
que l’œil sec est une maladie multifactorielle pouvant être classée en
deux groupes étiologiques principaux : l’œil sec par déficience
de la fraction aqueuse et l’œil
sec par évaporation (déficit de
la couche mucinique ou anomalie
de la composante lipidique) (1, 7).
L’œil sec par déficience aqueuse
comprend tant le syndrome de Sjögren que les causes non-Sjögren
de dysfonctionnement des glandes
lacrymales (atteinte neurologique,
cause médicamenteuse, obstruction de l’évacuation du canal de la
glande lacrymale…). L’œil sec par
déficience aqueuse survient
lorsque les glandes lacrymales
principales ou accessoires sont
altérées. L’œil sec par évaporation est divisé en causes intrinsèques et extrinsèques. Les
facteurs intrinsèques incluent un
dysfonctionnement des glandes
de Meibomius (MGD), les anomalies des paupières, les troubles de
l’occlusion palpébrale et les insuffisances du clignement. Les facteurs
extrinsèques comprennent le port
de lentilles de contact ainsi que les
affections de la surface oculaire, au
premier rang desquels se place l’allergie ainsi que l’instillation de certains collyres. Concernant l’œil sec
par évaporation, il est davantage
question de glandes de Meibomius
défectueuses, de surface oculaire
irrégulière, de structure des paupières anormale ou de port de lentilles de contact (1). Les lentilles de
contact induiraient la sécheresse
oculaire par la perturbation de la
couche lipidique, l’amincissement
24
du film lacrymal, le dessèchement
cornéen suite à la déshydratation
de la lentille, le changement de
structure des paupières et/ou une
altération du clignement. Toutes
les lentilles de contact perturbent
plus ou moins la structure du film
lacrymal.
Les yeux secs par déficience aqueuse
et les yeux secs par évaporation peuvent coexister, mais il est important
d’établir la cause la plus probable par
un contrôle approfondi, afin de traiter le plus efficacement possible la
sécheresse oculaire.
Le diagnostic de l’œil
sec : Les points clés
et limites
L’évaluation objective du film lacrymal et de la surface oculaire
peut être subdivisée en quatre
secteurs principaux. Lors d’un
examen approfondi de l’œil sec, il
est important d’évaluer les quatre
secteurs, en effectuant au moins
un test par secteur (8).
Qualité du film lacrymal
Tant pour l’œil sec par déficience
aqueuse que pour l’œil sec par
évaporation, la stabilité du film
lacrymal est réduite tandis que
son osmolarité est augmentée. Ces deux mesures fournissent des informations utiles sur la
qualité générale du film lacrymal.
Des tests de stabilité non invasifs
effectués sans toucher le film lacrymal ni la surface oculaire, sont
plus valides que des tests traditionnels (Break Up time : B.U.T.),
car la fluorescéine peut déstabiliser le film lacrymal et modifier
les valeurs mesurées (9). Les tests
non invasifs sont effectués à l’aide
des mires de certains instruments
ophtalmiques. Ces mires sont reflétées dans le film lacrymal. Le
laps de temps entre un clignement
et le premier signe de déformation
ou bris des mires, le patient ne clignant pas, correspond au temps
d’amincissement du film lacrymal
(10). On considère en général que
la limite entre un œil sain et un
œil sec est indiquée par un temps
d’amincissement du film lacrymal
supérieur à 20 secondes pour un
test non invasif, et supérieur à 10
secondes pour un test B.U.T. traditionnel à la fluorescéine (11).
L’osmolarité du film lacrymal
est un test de laboratoire de
l’œil sec bien connu. Il est
considéré comme le meilleur
test prédictif du diagnostic de
la sécheresse oculaire (7, 12).
Les mesures d’osmolarité sont
désormais effectuées en consultation (TearLab®, Ocusense®). Le
bâtonnet de mesure jetable, mis
en contact avec le prisme lacrymal
inférieur au niveau du bord de la
paupière, recueille un échantillon
d’un nanolitre de larmes, qui est
analysé en quelques secondes. Le
clinicien dispose alors d’une valeur d’osmolarité. Les valeurs normales se situent aux alentours de
304 mOsm/L, tandis que des valeurs supérieures à 320 mOsm/L
indiquent une sécheresse oculaire.
Quantité lacrymale
Le test de Schirmer est extrêmement invasif et induit une
quantité significative de larmoiement réflexe. Il n’a donc
qu’un intérêt limité, surtout lors
de l’évaluation de cas limites de
sécheresse oculaire. Un test objectif similaire, mais nettement
moins invasif, est le test du fil
rouge de phénol (Phenol Red
Thread - PRT), où un mince fil de
coton, imprégné de teinture de
phénol rouge, est accroché à hauteur du tiers latéral de la paupière
inférieure, de façon similaire à un
strip de Schirmer. L’absorption
du liquide lacrymal légèrement
alcalin (pH 7.4) induit un change-
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec
ment de la couleur du fil, de jaune à
rouge. La longueur humidifiée est
mesurée après une période de seulement 15 secondes. Des valeurs
inférieures à 10 mm indiquent
une insuffisance aqueuse (13, 14).
La simple observation de la hauteur des prismes lacrymaux inférieurs et supérieurs au moyen d’un
biomicroscope à lampe à fente,
fournissent des informations précieuses. Une hauteur inférieure
à 0,2 mm indique une quantité
de liquide lacrymal réduite. L’observation du profil du prisme lacrymal est également très utile. Un
prisme lacrymal régulier est plus
souvent observé dans un œil sain,
tandis qu’un prisme avec un bord
dentelé est souvent associé à de la
sécheresse oculaire.
Evaluation des paupières,
des cils et de
la couche lipidique
L’observation du clignement et un
examen approfondi à la lampe à
fente des paupières et des cils peuvent indiquer des anomalies associées à un œil sec par évaporation.
On recherchera particulièrement
des signes de blépharite, une
inflammation du bord libre des
paupières un épaississement
ou une irrégularité de la paupière, un éventuel entropion.
La fréquence et la qualité du clignement doivent être notées de
même que la texture et la quantité
de la sécrétion méibomienne à la
compression des glandes.
Surface oculaire
L’hyperémie de la conjonctive
bulbaire et palpébrale doit être recherchée.
La nouvelle approche
diagnostique et
thérapeutique
proposée par Tear
Science
L’approche diagnostique recherche surtout un dysfonctionnement des glandes de Meibomius responsable d’un déficit de
la couche lipidique des larmes.
Différentes anomalies des glandes
de Meibomius, parmi lesquelles
l’obstruction des glandes peut
être partielle ou totale, sont regroupées sous le terme de “DGM”
(Dysfonctionnement des Glandes
de Meibomus). Le terme anglophone très utilisé est Meibomian
Gland Dysfonction, MGD. Cependant, il semble que la forme la plus
fréquente de DGM soit celle où les
signes cliniques d’inflammation
et autres sont absents, sauf si l’on
utilise des techniques spécifiques
d’examen. Pour différencier cette
forme plus discrète de pathologie,
un nouveau terme est utilisé : Non
Obvious Meibomian Gland Dysfonction (NOMGD), précurseur
de la forme plus grave de la maladie appelée Obvious Meibomian
Gland Dysfonction (OMGD).
L’approche diagnostique
comprend 3 étapes
❚❚Questionnaire Patient SPPEED
Un questionnaire patient nommé
SPEED (Standard Patient Evaluation of Eye Dryness) permet de
quantifier à l’aide d’un score final,
la symptomatologie ressentie (sécheresse, sensation de grains de
sable ou démangeaison, sensation
de douleur, sensation de brûlure
ou de larmoiement, fatigue oculaire), sa fréquence et sa sévérité.
Le score maximum pouvant être
obtenu est de 28. Les catégories
sont définies ainsi :
• score SPEED = 0 :
pas de symptômes ;
• score SPEED entre 1 et 9 :
symptômes légers à modérés ;
• score SPEED ≥ 10 :
symptômes sévères.
❚❚L’analyse de la qualité
du film lacrymal basée sur
l’interférométrie de surface
oculaire : le LipiView® (Fig. 1)
Figure 1 - Dispositif d’acquisition Lipiview® composé d’un écran tactile de visualisation
et d’analyse de résultats.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Dispositif
Le dispositif Lipiview® est un sys25
Explorations et Innovations
Figure 2 - Lipiview® : visualisation de la couche lipidique.
Figure 3 - Lipiview® : visualisation colorimétrique de la couche
lipidique.
tème diagnostique permettant de
délivrer des données quantitatives
et qualitatives du film lacrymal.
La mesure se réalise en quelques
minutes. L’évaluation principale
est la mesure de l’épaisseur de la
couche lipidique délivrée par l’indice ICU (Interferometric Colour
Unit) exprimé en nanomètres.
L’épaisseur du film lacrymal est
notamment observée sous la
forme d’une gamme de couleurs
qui se reflètent lorsqu’une source
de lumière blanche est dirigée sur
la surface oculaire. Au-delà de la
mesure de l’épaisseur de la couche
lipidique, le système permet une
analyse qualitative grâce à l’observation de la trame des lipides (Fig. 2
et 3). Cet appareil utilise l’interférométrie avancée pour capturer
des images du film lacrymal. Il est
équipé d’un processeur de 14 millions de pixels par seconde qui génère plus d’un milliard de points
de données par mesure.
Principe optique
Le principe optique utilisé par le
système Lipiview® est celui de l’interférométrie qui vise à diviser en
deux un faisceau incident dans le
but d’étudier au final le décalage
de réception du signal, après réflexion sur la surface étudiée. Les
26
OCT actuels utilisent notamment
ce principe d’interférométrie pour
l’étude de l’épaisseur des structures de l’œil (rétine, cornée, fibres
optiques…).
En pratique
L’œil du patient est positionné
devant une source de lumière
blanche. Chaque rectangle qui
compose cette source, s’illumine
de manière très rapide et successive permettant ainsi l’obtention
de plusieurs zones localisées de
réflexion spéculaire. La lumière de
la source d’illumination traverse
le film lacrymal, se reflète puis
est capturée par une caméra de
très haute définition. La lumière
renvoyée à travers l’objectif de la
caméra forme un tracé d’interférence désigné sous le nom d’interférogramme. L’appréciation de la
qualité de la mesure ainsi que sa
fiabilité est permise par le recueil
d’un indice quantitatif appelé Cfactor. On considère que la mesure
est fiable pour une valeur supérieure à 80.
Résultats
L’interférogramme rend compte
de la valeur ICU moyenne, de
la déviation standard, ainsi que
des valeurs extrêmes. Un tableau
d’indice quantitatif permet une
lecture rapide de la valeur ICU
moyenne. Les tracés de l’interférogramme rendent compte du clignement et de sa fréquence par les
ruptures des tracés.
La colorimétrie est uniformément
grise lorsque la couche lipidique
est absente ou inférieure à 50 nanomètres (ICU < 50 nm). Lorsque
la trame est à dominante grise,
mais avec une apparence “marbrée” seulement visible dans la
partie inférieure après un clignement : l’épaisseur du film lipidique
est faible. Lorsque les franges interférentielles sont colorées avec
des changements de couleur graduels : l’épaisseur du film lipidique
est normale. On considère une
valeur ICU moyenne normale supérieure à 70 nm (Fig. 4). L’analyse
de l’examen de l’étirement du film
lacrymal sur la surface cornéenne
après chaque clignement est également possible étant données
l’analyse dynamique et la capture
vidéo.
Observation du clignement
palpébral
Le système LipiView® a enfin
l’avantage de pouvoir acquérir
image par image le film du clignement palpébral. Le rythme nor-
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec
Figure 4 - Comparaison entre un film lipidique d’épaisseur
Figure 5 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibo-
normale à gauche et insuffisante à droite.
mius en clinique. ©JV Greiner/TearScience
mal du clignement doit être régulier, environ un clignement toutes
les cinq à six secondes (ou dix à
douze clignements par minute).
Un rythme de clignement plus
rapide peut être observé dans les
cas de sécheresse oculaire. Il sera
plus lent dans des conditions neurotrophiques. Des clignements
incomplets sont souvent observés
chez les porteurs de lentilles de
contact. Lorsque la couche lipidique est anormale ou invisible,
le taux d’évaporation du film lacrymal augmente d’un facteur
quatre. Les patients ayant une
couche lipidique plus mince doivent cligner plus fréquemment
pour renouveler le film lipidique
et ainsi prévenir d’un dessèchement cornéen.
❚❚L’évaluation de la sécrétion des
glandes de Meibomius
L’évaluation de la sécrétion des
glandes de Meibomius (MGE : Meibomius glands evaluation) complète le diagnostic. Cette étape a été
standardisée grâce à l’utilisation
d’un nouvel instrument qui permet
d’appliquer une pression constante
au niveau du bord libre, en regard de
5 glandes Meibomiennes. L’expression des glandes est ainsi analysée
en nasal, au centre et en temporal
Figure 6 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibomius : représentation
schématique. ©JV Greiner/TearScience (traduit de l’anglais par C. Albou-Ganem/R. Amar)
de chaque paupière inférieure (Fig. 5
et 6). La sécrétion Meibomienne est
normalement fluide et transparente
(15). Selon la sévérité du dysfonctionnement des glandes de Meibomius elle peut être fluide graisseuse,
légèrement trouble ou opaque,
épaisse, semi-solide (texture de
dentifrice) ou cireuse témoignant
d’un blocage complet.
Il existe maintenant d’autres
méthodes de diagnostic de l’obstruction des glandes comme par
exemple la Meibographie, effectuée par transillumination des
paupières ou en utilisant une lumière infrarouge.
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
L’approche thérapeutique
Lipiflow®
Plusieurs traitements actuels visent à traiter les dysfonctionnements des glandes de Meibomus :
application de compresses chaudes,
pression physique dans le but d’enlever toute obstruction possible,
administration de chaleur, utilisation d’exfoliants pour éliminer le
blocage de l’orifice des glandes, traitement médicamenteux pour atténuer l’infection et l’inflammation.
Cependant, plusieurs de ces traitements sont contraignants, d’efficacité limitée et leur observance est
parfois insuffisante.
27
Explorations et Innovations
Figure 7 - Le dispositif du Lipiflow®.
Figure 8 - Coupe schématique représentant l’action du Lipiflow® en pratique. ©JV Greiner/TearScience ®
Au regard de notre expérience et
des premiers résultats publiés, le
système de pulsation thermique
Lipiflow® semble constituer une
alternative prometteuse, basée sur
une évolution technologique importante. Les patients qui ont suivi
ce traitement ressentent un soulagement de leurs symptômes dès
les premiers jours. Les systèmes
Lipiview et Lipiflow ont obtenu le
marquage CE et sont agréés aux
Etats-Unis par la FDA.
Le fonctionnement de
l’appareil LipiFlow®
Le Lipiflow® utilise une technologie et des composants perfectionnés pour contrôler la chaleur
appliquée sur la surface interne
des paupières, et effectuer des
massages intermittents de la surface externe des paupières. Le but
est de débloquer puis de faciliter la
production lipidique des glandes
de Meibomius kystiques.
Le dispositif comprend 2 parties :
• un œilleton externe (Eye Cup)
en contact avec les paupières supérieure et inférieure : il contient
une poche souple et flexible qui se
gonfle d’air par intermittence et
effectue un massage contrôlé des
paupières ;
• une partie interne (Lid warmer)
ressemblant à un large verre sclé28
ral de 24 mm de diamètre, dont la
périphérie repose sur la conjonctive bulbaire, qui se moule sur la
face interne des paupières tout
en restant à distance de la cornée.
La chaleur émise par cette partie est de 42,5° ce qui permet de
faire fondre la matière obstruant
les glandes par l’intérieur, sans
endommager les glandes ellesmêmes (Fig. 7 et 8).
La procédure LipiFlow® permet
de traiter simultanément les
glandes des paupières inférieure et supérieure.
La durée du traitement est d’environ 12 minutes et se réalise
facilement en cabinet. Le traitement n’est ni douloureux ni désagréable (Fig. 9). Il entraine une hyperhémie conjonctivale modérée
de quelques heures. Selon les recommandations de la société Tear
Science, la procédure Lipiflow est
à renouveler 1 fois par an environ.
Les résultats cliniques
Les résultats de plusieurs études
confirment la sécurité d’emploi
et l’efficacité du Lipiflow® dans
le traitement de patients présentant un dysfonctionnement des
glandes de Meiboumus et des
symptômes de sécheresse oculaire, avec une amélioration de la
symptomatologie et de l’évalua-
Figure 9 - Le Lipiflow® en clinique.
tion des glandes de Meibomius
(MGE) (16, 17).
La dernière étude publiée par
Stephan Lane et al. dans la revue
Cornea (Janvier 2012) (18) est
une étude randomisée, multicentrique, incluant 139 patients
présentant un dysfonctionnement des glandes de Meibomius.
Les patients ont été séparés en
deux groupes : un groupe de patients traités par Lipiflow®, un
deuxième groupe (contrôle) dont
les patients ont été traités par
application régulière de compresses chaudes (Heat Warm
Compress system, Advanced Vision Research, Woburn, MA). Les
résultats confirment une amélioration significative (p < 0,05) de
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec
la sécrétion des glandes de Meibomus pour le groupe Lipiflow (à
2 et 4 semaines post-traitement).
Les valeurs équivalentes du score
de sécrétion étaient avant traitement : 6,3 ± 3,5 ; après 2 semaines :
14,3 ± 8,7 ; après 4 semaines : 16,7
± 8,7. Les valeurs du TBUT (Tear
Break Up Time) étaient également
améliorées. Avant traitement : 5,5
± 2,9 ; après 2 semaines : 6,9 ± 5,0 ;
après 4 semaines : 7,4 ± 5,5. Les
auteurs soulignent la rapidité du
traitement (12 minutes) en comparaison au traitement des compresses chaudes, et l’absence de
gêne au cours du traitement.
Notre expérience de
l’approche Tear Science
Notre étude menée à la Clinique
de la Vision (Paris) porte sur
32 yeux de 16 patients (14 femmes,
2 hommes) âgés de 56,5 ± 14,8 ans
(46 ; 67). Nous rapportons les résultats post-Lipiflow sur 18 yeux
évalués entre 1 et 3 mois.
Nos résultats préliminaires ont
été présentés au congrès de l’ESCRS 2011 (Vienne, Autriche) et
nos résultats définitifs seront présentés au congrès de l’ASCRS 2012
(Chicago, Etats-Unis).
Nous avons constaté une améliora-
tion de la sécrétion des glandes de
Meibomus pour l’ensemble de nos
patients : avant traitement : 4,2 ±
2,0 (1,0 ; 8,0) ; après traitement :
7,8 ± 2,5 (4,0 ; 12,0). La diminution
du score obtenu au questionnaire
SPEED confirme l’amélioration
subjective des patients vis-à-vis
de leurs symptômes. Avant traitement, score : 16,3 ± 5,9 (6 ; 28) ;
après Lipiflow® : 7,8 ± 4,3 (6 ; 28).
Avant traitement, environ 6 % des
patients avaient un score inférieur
à 8. Après traitement, cette proportion est nettement améliorée,
à 75 %. Le Lipiview® a permis dans
4 cas de faire le diagnostic d’occlusion palpébrale incomplète ou de
fréquence insuffisante, et de proposer une thérapeutique adaptée.
Conclusion
Le film lacrymal est une structure
complexe et tous les aspects de
sa physiologie sont interdépendants. Il existe de nombreuses
méthodes d’évaluation de la structure et des propriétés de ce film
hautement dynamique. Un grand
nombre de ces méthodes peuvent
être utilisées dans un environnement clinique. Toutefois, dans
certains cas, la procédure du test
peut influencer le paramètre examiné et induire un larmoiement
réflexe. L’approche diagnostique
Lipiview® a pour but de lever ces
limites en utilisant une méthode
non invasive : de cette manière,
l’état du film lacrymal peut être
évalué le plus près possible de
son état “physiologique”. D’après
notre expérience et les premiers
résultats publiés dans les revues à
comité de lecture, l’approche thérapeutique Lipiflow® semble prouver son efficacité dans le traitement de la sécheresse oculaire par
dysfonctionnement des glandes
de Meibomius. Il en résulte une
nette amélioration de la sécrétion
des glandes, une amélioration du
confort du patient et une diminution de la dépendance aux collyres
lubrifiants. La surveillance des
patients traités viendra préciser
la durée d’un tel traitement et ses
effets à moyen et long termes sur
n
les symptômes ressentis.
Les auteurs ne déclarent
aucun conflit d’intérêt.
Mots-clés : Sécheresse oculaire,
Lipiview®, Lipiflow®, Film lacrymal
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29
en pratique
Les différents types d’adaptation
de lentilles pour la presbytie
Quel type de correction ? Pour quel patient ?
Dr Mathieu Zmuda *
Introduction
Elles existent depuis plusieurs décennies, mais actuellement la lentille pour presbyte est devenue un
équipement de plus en plus prescrit. L’amélioration du confort avec
l’avènement du silicone hydrogel
et la facilité d’adaptation sont les
atouts de cette percée commerciale des lentilles multifocales. Mais
cette adaptation ne doit pas se faire
sans prendre en compte les désirs
du patient et ses caractéristiques
réfractives. Quel est le meilleur
équipement à proposer à un presbyte ? Quelques repères pour une
sélection rigoureuse des patients,
première étape vers une adaptation
réussie.
Correction de la
presbytie avec un
équipement unifocal
La monovision
Le principe repose sur la dissociation oculaire où chaque œil est
corrigé en monofocal. Le succès
passe par sur la détermination de
la dominance oculaire. L’œil préféré en vision de loin doit conserver
la correction de loin, l’œil adelphe
est en vision de près. La monovision s’adresse en priorité à l’anisométrope, qui est déjà “formaté” à
* Fondation Ophtalmologique Rothschild, Paris
30
la monovision. L’emmétrope ou le
myope faible avec presbytie débutante sont également des bons candidats avec une surcorrection devant l’œil non préféré de non loin
chez l’emmétrope ou devant l’œil
préféré de loin chez le myope. De
surcroit un astigmatisme a l’avantage de pouvoir être parfaitement
corrigé par une lentille torique.
Les effets secondaires de la monovision sont liés à la perte de vision
binoculaire (une perte de vision
des contrastes et de la stéréoscopie, une absence de vision intermédiaire, une perturbation en vision nocturne, et une perte d’une
ligne d’acuité visuelle en faible luminosité). Donc le sujet exigeant
en vision de loin prolongée ou
en vision intermédiaire ne sera
pas pleinement satisfait. Il est
également déconseillé d’équiper
en monovision l’hypermétrope et
l’hétérophorique.
L’hypermétropie saturée
Elle s’adresse aux hypermétropes de plus de 2 dioptries.
Elle nécessite une correction de
l’hypermétropie des deux yeux
jusqu’à la limite de la chute d’acuité visuelle de loin. Elle permet
à l’hypermétrope d’utiliser son
importante réserve accommodative. Cette option doit rester le
premier choix pour les forts
hypermétropes car elle permet
un équipement avec un très large
choix (rigide, souple, torique, port
journalier, permanent), L’hyper-
métropie saturée conserve toutes
les composantes de la vision binoculaire, le passage en lentille
permet une compensation d’une
éventuelle ésophorie. L’hypermétropie saturée ne présente quasiment aucun inconvénient.
Correction de
la presbytie avec
un équipement
multifocal
Vision alternée
La lentille est équipée de plusieurs
zones optiques, bifocales segmentées, trifocales segmentées ou
géométrie concentrique à vision
de loin centrale. En fonction de la
position du regard, la translation
de la lentille va présenter une zone
optique différente devant la pupille. Elle nécessite donc une lentille mobile, soit une lentille rigide
perméable aux gaz en première
intention, soit une lentille souple
avec un module d’élasticité faible,
actuellement plus disponible sur
le marché français.
La vision de près est directionnelle, de bonne qualité sous éclairage photopique, conservée en
tout point, et elle préserve la vision
nocturne.
Son adaptation doit prendre en
compte la dynamique palpébrale
et donc l’interaction avec la lentille, qui est la clé du succès de
l’adaptation en vision alternée.
La taille de l’ouverture palpébrale
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
Les différents types d’adaptation de lentilles pour la presbytie
doit être normale (10 mm), la tonicité de la paupière supérieure suffisante pour capter la lentille. La
position de la paupière inférieure
doit être limbique, la lentille adaptée au diamètre cornéen et la taille
pupillaire doit être normale (trop
grande, elle ne sera pas recouverte
par la zone optique en vision de
près).
La vision alternée conserve la vision binoculaire et procure une
vision nocturne de bonne qualité,
un respect de la stéréoscopie et
des contrastes. L’adaptation en
lentille rigide permet la correction d’un astigmatisme cornéen,
et reste plus sécuritaire en termes
de complications infectieuses. Les
inconvénients sont liés au caractère directionnel de la vision de
près (vision de près uniquement
dans le regard vers le bas) et une
absence de vision intermédiaire.
La vision alternée s’adresse donc
aux patients exigeant une qualité
de vision de loin et de près, et en
vision nocturne.
Ce qu’il faut retenir
n Choix pour l’emmétrope (presbytie débutante) :
- monovision ;
- monovision aménagée ;
- vision alternée : exigeant en qualité optique ;
- vision simultanée : faible addition.
n Choix pour l’emmétrope (presbytie avancée) :
- vision alternée : exigeant en qualité ;
- vision simultané : vision intermédiaire ;
- monovision aménagée : qualité vision de loin + vision intermédiaire
disponible.
n Choix pour le myope faible :
- vision simultanée : déjà équipé ;
- vision alternée : déjà équipé ;
- monovision aménagée : non équipé, échec vision simultanée ;
- monovision : non équipé.
n Choix pour le myope fort :
- vision simultanée ;
- vision alternée.
n Choix pour l’hypermétrope < 2D. :
- vision simultanée ;
- vision alternée.
n Choix chez l’hypermétrope > 2D. :
- hypermétropie saturée.
La vision simultanée
L’œil est équipé par une lentille
comprenant plusieurs focales qui
convergent simultanément sur
la rétine. Basée sur la discrimination cérébrale, elle nécessite un
temps d’adaptation de quelques
jours pour que le tri cortical soit
optimal. Ces lentilles multifocales
sont un compromis permanent
entre qualité optique et profondeur de champs, où le diamètre
pupillaire et son centrage sont
des paramètres clés. La vision de
près est centrale sur la majorité
des lentilles. Elles conservent de
la vision binoculaire et apportent surtout une profondeur de
champs de vision qui permet la
vision de loin, de près et la vision
intermédiaire. Cet apport se fait
aux dépens de résultats optiques
dégradés, avec une perte d’acuité
visuelle en vision nocturne, une
perte de contraste constante, des
images fantômes, des halos, des
fluctuations de vision en fonction
du diamètre pupillaire, et une vision intermédiaire perturbée si
l’addition est surévaluée.
La vision simultanée s’adresse aux
patients souhaitant une vision de
loin, de près et intermédiaire, non
exigeants en termes de qualité.
Monovision aménagée
La monovision aménagée est
l’adaptation avec une lentille unifocale sur un œil et une lentille
multifocale sur l’œil corrigé en vision de près. Cette option est une
bonne alternative à la monovision
pour un patient privilégiant la vision de loin, car elle permet une
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
vision binoculaire de bonne qualité avec une possibilité de vision
de près.
Conclusion
L’équipement disponible pour la
correction de la presbytie en contactologie est varié, il est important de
cerner les besoins du patient pour
lui proposer la formule optimale,
en particulier pour les patients non
équipés chez qui un échec initial est
souvent définitif.
n
Mots-clés :
Presbytie, Adaptation, Lentille,
Equipement multifocal,
Equipement unifocal
31
agenda
8th Annual NANOS Meeting (North American
Neuro-Ophthalmology Society)
COPHY - World Congress on Controversies in
Ophtalmology
• Renseignements et inscriptions
North American Neuro-Ophthalmology Society
5841 Cedar Lake Road Suite 204
Minneapolis, MN 55416
Tél : 952-646-2037 - Fax : 952-545-6073
Email : [email protected]
Site : www.nanosweb.org
• Thèmes :
Segment antérieur, rétine, glaucome
11-16 février 2012, San Antonio
WOC - World Ophthalmology Congress
16 - 20 février 2012, Émirats Arabes Unis
• Renseignements et inscriptions
Meeting Minds FZ LLC
Dubai Media City
Shatha Tower – Office Suite 3113
P.O.Box 502464
Tél : 9714 4270492 - Fax : 9714 4270493
Email : [email protected]
Site : woc2012.org
formation
VUEXPLORER INSTITUTE,
un Institut de formation
spécialisé en Imagerie Oculaire
Cours Ophtalmologistes :
Vendredi 16 mars 2012 : Glaucome : UBM - Laser YAG et SLT
22-25 mars 2012, Turquie
• Renseignements et inscriptions
Site : www.comtecmed.com/COPHy/2012/
INCLO 2012 – Congrès de l’association
innovations en chirurgie et lasers
ophtalmologiques
24-29 mars 2012, Pérou
• Président du Congrès
Pr J.C. Rigal-Sastourne
• Coordination scientifique
Dr M. Assouline
• Comité scientifique
Dr Y. Bokobza – Dr C. Boureau – Dr D. Deidier
Dr M. Dominguez – Dr D. Ducournau
Dr C. Favard – Dr P. Chastang
Dr C. Feumi - Dr C. Ghenassia
Dr P. Koskas - Dr P. Rozot
• Renseignements et inscriptions
Gallic aviation département congrès
158, rue de la pompe – 75116 PARIS
Tél : 01 45 53 27 50 • Fax : 01 45 53 22 20
Email : [email protected][email protected]
ASCRS - The American Society of Cataract and
Refractive Surgery
20-24 avril 2012, Etats-Unis
Cours Ophtalmologistes et Orthoptistes :
Vendredi 30 mars 2012 : Imagerie Oculaire par OCT
Vendredi 8 juin 2012 : Biométrie et Calcul d’implant
• Renseignements et inscriptions
Site : www.ascrs.org
Cours Orthoptistes :
Samedi 9 juin 2012 : L’imagerie pour les Orthoptistes
118e Congrès de la Société Française
d’Ophtalmologie
Cours Secrétaires :
Vendredi 23 mars 2012 : Accueil des patients –
Anatomie et examens complémentaires : notions de base (n° 1)
Samedi 9 juin 2012 : Adaptation de l’accueil selon le compor­
tement et la pathologie des patients – dossier patient (n° 2)
Cours Européens en anglais :
Vendredi 15 juin 2012 : OCT
Samedi 16 juin 2012 : Ultrasound Imaging and UBM
Congrès Annuel ‘Imagerie en Ophtalmologie :
de la théorie à la pratique’ :
Vendredi 12 octobre 2012 - Espaces CAP 15 à Paris
VUEXPLORER INSTITUTE
Dr Michel Puech, Président
Contact : Isabelle Marsilio
4, rue des Grandes Terres - 92500 Rueil-Malmaison
Tél : 01 40 26 30 30 - [email protected]
Programmes – Inscriptions : www.vuexplorer.fr
27-30 avril 2012, Paris
• Programme scientifique :
Ce que le praticien ne doit pas ignorer : les
recommandations récentes en ophtalmologie, DMLA
exsudative : prise en charge, rétine maculaire du
myope fort, greffes de cornée, pathologie cornéenne
inflammatoire, inflammation orbitaire, leucocorie chez
l’enfant.
• Renseignements et inscriptions
Site : www.sfo.asso.fr
International Congress of German
Ophthalmic Surgeons
14-16 juin 2012 (Allemagne)
• Renseignements et inscriptions
Site : www.mcn-nuernberg.de
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Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
rendez-vous de l’industrie
compléments alimentaires
Vitalux® Plus : un plus pour vos yeux
D
epuis le 1er janvier 2012, les Laboratoires Alcon® ont arrêté la distribution du complément alimentaire à
visée oculaire ICAPS® R, pour assurer
celle du complément alimentaire à visée oculaire : Vitalux® Plus, anciennement commercialisé
par les Laboratoires Novartis. Vitalux® Plus est une formule 100 % équilibrée qui contient des vitamines et des
oligoéléments antioxydants, des Oméga 3 DHA et EPA, de
la lutéine et de la zéaxanthine, constituants du pigment
maculaire. Il est recommandé d’utiliser Vitalux® Plus pendant au minimum un mois, à raison d’1 capsule par jour, à
avaler avec un peu d’eau. Vitalux® Plus est disponible en
boîte de 28 capsules.
n
Pour en savoir plus : www.alcon.fr
contactologie
Menicon lance la gamme de lentilles
souples Indivisual® en renouvellement trimestriel
I
ndivisual® est une lentille souple en matériau silicone
hydrogel (Filcon V3) qui permet une adaptation “à la
carte” : le nom du porteur et celui de son opticien sont
précisés sur les flacons. Ces lentilles s’adressent aux
myopes, hypermétropes et/ou presbytes ; aux porteurs aux
paramètres extrêmes ; aux porteurs se plaignant d’inconfort ; aux porteurs de lentilles en hydrogel. Les deux géométries Indivisual® et Indivisual Progressive® sont déclinées
dans une multitude de combinaisons possibles. En port
journalier, renouvellement tous les 3 mois, elle est proposée
en Pack 6 mois (2 boîtes de 2 lentilles Indivisual®, 3 étuis,
3 flacons de solution multifonctions Indivisual). n
Pour en savoir plus : www.menicon.fr
contactologie
PureVision®2 HD pour astigmates :
nouvelle lentille de contact torique
en silicone hydrogel
B
ausch+Lomb poursuit sa dynamique d’innovation
avec le lancement de PureVision®2 HD pour Astigmates. Son système de stabilisation unique, l’Auto Align
Design™, permet aux porteurs de bénéficier d’une vision
constamment nette et claire. Ses deux atouts majeurs
sont un système hydride de ballast, combinaison d’un
prisme-ballast et d’un péri-ballast, et un diamètre large
de la lentille pour une vision sans fluctuation.
De plus, dotée de l’Optique High DefinitionTM, elle est la
seule lentille torique en silicone hydrogel à réduire les aberrations sphériques sur la sphère et le cylindre. Elle diminue
aussi les phénomènes de halos et d’éblouissements.
n
prix et bourse
Premier appel à projets de recherche de l’Afssaps
S
uite à la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, la future
Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) obtient la possibilité d’ « encourager
la recherche ». C’est afin d’anticiper cette possibilité que
l’Afssaps lance son premier appel à projets à destination des
équipes académiques de recherche.
L’Afssaps veut ainsi mobiliser la recherche sur la sécurité de
l’emploi des produits de santé et renforcer le système de
surveillance des produits grâce à des projets indépendants
de l’industrie.
L’appel à projets comporte :
• un axe libre (sous condition que ces projets contribuent à
renforcer la performance nationale en matière de sécurité
d’emploi des produits de santé). Budget maximal financé :
500 000 e sur 3 ans ;
• un axe orienté sur 5 thématiques : le renforcement de la
vigilance, l’analyse de l’utilisation des médicaments hors
AMM, le contrôle de la qualité et la caractérisation des dan-
Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
gers des produits, la balance bénéfice/risque dans des populations spécifiques, le comportement et l’exposition de la
population française aux produits de santé. Budget maximal
financé : 1 000 000 e sur 3 ans.
Au total le budget de cet appel à projets sera de 6 millions
d’euros en 2012 et de plus de 8 millions les années suivantes.
Quels sont les organismes autorisés à participer ?
• Les organismes publics de recherche (université, EPST, EPIC, …).
• Les organismes privés de recherche à but non lucratif (fondations…).
• Les établissements de santé.
Retrouvez tous les renseignements sur :
http://www.afssaps.fr/Activites/Appels-a-projets-de-
recherche/Politique-des-appels-a-projets-de-recherche/
(offset)/0
Présentation des projets avant le 31 mars 2012
Publications des projets retenus : septembre 2012
n
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