l`action économique en réseau(x)
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l`action économique en réseau(x)
Février 2014 • N° 186 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E DOSSIER P.8 Communautés d’entreprises © ImageZoo / Corbis L’ACTION ÉCONOMIQUE EN RÉSEAU(X) DANS L’ACTU P.3 • LOI D’AVENIR AGRICOLE ET DE LA FORÊT FOCUS P.4 • ACCESSIBILITÉ FINANCES P.16 • RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX D’HABITATION DROIT P.17 • LES COMPÉTENCES DES COMMUNAUTÉS ISSUES DE FUSIONS TERRITOIRES P.18 • UNE ÉTUDE DE FAMILLES RURALES 8 DOSSIER COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES Communautés d’entreprises © ImageZoo / Corbis L’ACTION ÉCONOMIQUE EN RÉSEAU(X) Réseaux d’entreprises : dépasser les labels Se rapprocher entre entreprises d’un même secteur pour partager des connaissances ou faire ensemble : un phénomène ancien, mais porté ces dernières années par des politiques publiques spécifiques. Clusters, grappes d’entreprises, systèmes productifs locaux (SPL), autant d’appellations désignant des dynamiques coopératives ancrées dans les territoires et sur lesquelles se sont aujourd’hui portés les paris pour une économie d’avenir. Q u’on les intitule « grappes d’entrel’instar des communautés intercommudu Nord. Mais jusqu’il y a peu, beaucoup prises », « clusters » ou « systèmes nales ou des nouvelles communautés hosvoyaient en eux des reliquats d’une hisproductifs locaux », les réseaux pitalières et communautés universitaires. toire proto-industrielle, inéluctablement interentreprises font l’objet d’un soutien condamnés soit à la disparition soit à croissant des politiques publiques depuis Une histoire longue l’intégration dans des grands groupes une quinzaine d’années. Malgré les Partageant des savoir-faire, se groumultinationaux. À partir des années 1990, réserves initialement exprimées par le pant pour répondre à des commandes les succès de la « troisième Italie » (plaine ministère de l’Industrie, plus habitué à ou se porter à l’international, dévelopdu Pô, Émilie, Toscane…) mais aussi des soutenir des approches par grandes filières pant des « marques » de territoires… ces réseaux de PME flamands ou danois ont verticalement intégrées, la Datar a expé« grappes » ne sont certes pas un phénoconduit à porter une attention particulière rimenté au tournant des années 2000 les mène nouveau. Du textile choletais à la au phénomène. Une riche littérature de premiers appels à projets visant à conforter métallurgie du Vimeu, du décolletage de la socio-économistes (Piore, Sabel, Bagnasco, ou initier des dynamiques Courlet…) a permis de coopératives entre PME, réhabiliter les analyses voire grands groupes et Une évolution sémantique utile pourrait des « districts marshalPME, au cœur des bassins de l’économiste du consister à les appeler de manière générique liens », d’emploi et des économies début du XXe siècle Alfred régionales. Fédérés par une « communautés d’entreprises » Marshall, avant que de spécialisation productive nombreux rapports d’inscommune ou une orientation de marché, vallée de l’Arve à la plasturgie du Haut-Jura titutions publiques (OCDE, Commission ces réseaux ne sont pas sans évoquer la (Oyonnax), de la verrerie de la vallée de la européenne, Datar, rapport Blanc…) précoopération intercommunale. Une évoluBresle à la coutellerie du Pays de Thiers, conisent des politiques de « clusters ». tion sémantique utile pourrait d’ailleurs des « districts industriels » à la française L’ouverture internationale et le renforceconsister à les appeler de manière généexistent depuis longtemps, sans présenter ment de la concurrence ont imposé de nourique « communautés d’entreprises », à pour autant la même densité qu’en Italie velles organisations marquées à la fois par FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org la flexibilité et la réactivité, mais aussi un « effet taille » obtenu non par l’intégration au sein d’une grande entreprise fordiste mais par la spécialisation sur des marchés de niches et des composants à forte valeur ajoutée. Derrière les grandes enseignes qui contrôlent les accès au marché final (grande distribution, franchises, grandes marques…), opère une multitude de fournisseurs et de sous-traitants sur laquelle reposent la charge de l’innovation et une part de la prise de risque. Dans une économie très ouverte, éminemment concurrentielle, le rôle d’accompagnement des pouvoirs publics nationaux ou locaux ne doit pas tant viser à « piloter » par le haut ces nouvelles organisations en réseau qu’à stimuler leur création et leur essor. Au-delà des labels (et des aides) accordés à des filières déjà très largement structurées, c’est également la détection des réseaux émergents, à fort potentiel, qui devient un enjeu stratégique de l’animation économique locale. Nicolas Portier DOSSIER 9 Pôles de compétitivité et grappes d’entreprises : quand la Datar soutient les clusters Depuis la fin des années 1990, la Datar promeut les clusters, ces réseaux d’entreprises appartenant généralement à un même secteur d’activité, interconnectées, fortement compétitives, ouvertes à de multiples partenariats, avec un réel ancrage territorial et tournées vers l’innovation. Bilan de cette politique. et de manière directe ou indirecte par d’autres acteurs économiques. Le budget moyen d’un pôle s’élève en 2011 à un million d’euros. Les 126 grappes d’entreprises sélectionnées Un copilotage État-régions La nouvelle phase de la politique des pôles de compétitivité, engagée pour une durée de six ans à compter de 2013 et dont le gouvernement a annoncé les objectifs le 9 janvier 2013, prévoit que les pôles se tournent désormais davantage vers les débouchés économiques et l’emploi pour créer une véritable « usine à produits d’avenir ». Ils auront un rôle renforcé en matière d’accompagnement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Cette nouvelle phase s’inscrit dans le cadre d’une gouvernance renouvelée associant l’État, les régions et les autres Secteurs d’activité : collectivités territoriales. Le Agriculture, agroalimentaire et pêche Des clusters axés sur la R&D : copilotage de la politique des Construction et habitat les pôles de compétitivité pôles de compétitivité par Industries diverses Forte de cette première expérience, la l’État et les régions existe Industries de la santé Économie numérique Grappes d’entreprises lauréates Datar a impulsé en 2004 la structuration au quotidien depuis sept Mécanique et métallurgie de la 1re vague de l’appel à projets Écotechnologies, bio-ressources, de clusters principalement axés sur la ans. Le président du pôle et gestion de l’eau Services Grappes d’entreprises lauréates recherche et le développement : les pôles de l’ensemble des financeurs Industries créatives et culturelles Logistique de la 2e vague de l’appel à projets compétitivité. Ces derniers se définissent publics, État et collectivités comme la combinaison, sur un territoire territoriales signent ensemble le contrat de pôles de compétitivité, les 126 grappes conseils régionaux et les communautés d’entreprises, de centres de formation et performance de chacun des 71 pôles. État d’entreprises sont tournées vers le déved’agglomération), pour 21 % du FNADT d’unités de recherche engagés dans une et régions soutiennent également certains loppement de l’innovation sous toutes et pour 8 % de fonds européens. démarche partenariale. Copilotée avec projets collaboratifs de R&D des pôles. ses formes et sur des actions centrées sur la Direction générale de la compétitivité, le marché. Elles ont été soutenues par la Une politique soumise à évaluation de l’industrie et des services (DGCIS), Soutien aux grappes d’entreprises Datar jusqu’à fin 2012 ou 2013 selon leur La Datar a souhaité poursuivre son soutien cette politique a vu la création d’un Fonds La politique en faveur des grappes date de sélection, et ont bénéficié d’une à ces réseaux d’entreprises en lançant, unique interministériel (FUI) pour soud’entreprises, portée par la Datar sur enveloppe de 24 millions d’euros au titre début 2013, une animation nationale des tenir les projets de R&D portés par les la période 2011-2013 pour succéder et du FNADT, complétée par des soutiens grappes d’entreprises confiée à l’associa71 pôles de compétitivité. Entre d’autres ministères, de tion France Clusters. Celle-ci devrait per2005 et 2013, 1 307 projets de R&D la Caisse des dépôts et mettre la diffusion et la valorisation des Entre 2005 et 2013, 1 307 projets de collaboratifs des pôles de compéconsignations et d’Oséo. bonnes pratiques entre grappes d’entretitivité ont été soutenus au titre R&D collaboratifs des pôles de compétitivité Une analyse des plans prises (production de guides de bonnes du FUI. Les ministères financeurs de financement des pratiques sur des problématiques comont été soutenus par l’État de la politique (Industrie, Défense, grappes d’entreprises munes aux clusters comme les modèles Agriculture) et la Datar ont contribué à rénover la politique des SPL, soutient des issues de la première vague de sélection de économiques, l’interclustering, l’innovahauteur d’environ 1,4 milliard d’euros, un réseaux de TPE/PME qui sont soit d’anl’appel à projets montre que sur la période tion par les usages, etc. ; constitution de soutien complémentaire étant apporté par ciens SPL, soit des clusters labellisés par 2010-2012, les grappes ont bénéficié pour groupes de travail ; communication sur les collectivités territoriales et les fonds des régions, soit des réseaux non encore 28 % de financements des collectivités terles grappes ; etc.) et l’accompagnement des européens (plus de 800 millions d’euros), labellisés jusque-là. Complémentaires des ritoriales (au premier rang desquelles les grappes d’entreprises dans l’appropriation de la stratégie « Europe 2020 ». La réalisation d’une étude d’évaluation Encourager la mise en réseau des clusters Dans le secteur de l’emballage, les partenariats développés par de la politique des grappes d’entreprises Plus de 15 ans après le lancement de la politique des SPL et la grappe Breizpack concernent à la fois les matériaux d’embalmise en œuvre par la Datar vient d’être cinq ans après celui de la politique des grappes d’entreprises, lage (avec les pôles Plastipolis, Industries et Agro-Ressources) confiée au consortium BearingPointla Datar continue de promouvoir les clusters, l’un des outils et l’emballage des produits finis (liens avec des grappes et des Erdyn-Technopolis. Elle croisera une capables de favoriser l’innovation à l’échelle territoriale. Elle pôles de l’agroalimentaire, de la santé ou du textile). Le pôle caractérisation des grappes d’entreprises, reste convaincue que l’innovation dans les territoires passe de compétitivité ViaMéca (mécanique) travaille par exemple en résultats intermédiaires et qualification par une vision de l’ensemble des réseaux d’entreprises qui étroite collaboration avec la grappe des technologies médicales participent au développement économique (grappes, pôles, située en Rhône-Alpes pour diversifier sa chaine de production des premières retombées économiques et clusters régionaux et autres clusters rassemblant acteurs de et accéder à de nouveaux usagers. La Datar considère que les territoriales d’une part, et l’évaluation de la l’enseignement supérieur, de la recherche, du développement clusters sont non seulement un moyen de développement privipolitique nationale en faveur des « grappes économique, etc.). Les clusters doivent travailler en réseau, dans légié pour les entreprises, mais également un atout fondamental d’entreprises » d’autre part. le cadre d’une politique formalisée d’interclustering, incarnée pour l’essor ou la revitalisation des territoires. Outils de markeConstance Arnaud, chargée de par des réseaux de clusters constitués. Ces réseaux peuvent être ting territorial et créateurs d’emplois, les clusters permettent mission « pôles de compétitivité et thématiques et/ou territoriaux (en termes de positionnement d’ancrer les activités sur le territoire, voire de freiner des délosur la chaine de valeur, de complémentarités thématiques, etc.). calisations d’activités. grappes d’entreprises » à la Datar www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014 Fonds cartographiques : Francièmes © Tous droits réservés Réalisation : Datar - Observatoire des territoires - C. Métayer - 03.2011 Source : Datar I dentifiés dès la fin du XIXe siècle par l’économiste anglais Alfred Marshall, les clusters sont devenus d’actualité dans les années 1980 grâce à l’économiste américain Michael Porter. Convaincue qu’ils ne sont pas seulement un moyen de développement privilégié pour les entreprises, mais qu’ils constituent également un atout fondamental pour l’essor ou la revitalisation des territoires, la Datar a lancé à la fin des années 1990 deux appels à projets pour favoriser l’essor de clusters de PME/PMI axés sur la production. Une centaine de systèmes productifs locaux (SPL) ont ainsi été sélectionnés et ont bénéficié d’un soutien de 3,6 millions d’euros via le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). Dotés d’une spécialisation poussée autour d’un métier et/ou d’un produit, ces réseaux d’entreprises se sont organisés sur la base d’une stratégie collective en cherchant à mutualiser leurs investissements productifs et leurs approvisionnements, en partageant des compétences et des formations, en développant des actions commerciales communes, en favorisant l’innovation et la veille technologique, etc. 10 DOSSIER COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES François-Xavier Level © DR view Président d’Europa InterCluster « Les territoires qui fédèrent entreprises, universités et recherche disposent d’un potentiel considérable » Président d’Europa InterCluster, une plateforme de mise en réseau de clusters à l’échelle européenne, François-Xavier Level nous livre son point de vue comparatif sur les différentes approches en matière de dynamiques d’entreprises. déjà important (villes, métropoles) et où le secteur universitaire mène une véritable stratégie de « pontage » avec le monde économique. C’est le cas de Cambridge, Stockholm, Barcelone, Grenoble et… Otaniemi. Pour les 1 000 autres clusters, qui sont plutôt des réseaux dont l’existence résulte souvent d’incitations des pouvoirs publics avec des objectifs différents – mutualisation, actions collectives, Le critère principal gestion des compétences, communication, marketing… –, à l’exemple des évaluations américaines des grappes d’entreprises françaises, et canadiennes est le nombre la dynamique est peu importante au regard du critère start-up. de start-up créées par an Quel regard portez-vous à l’échelle européenne sur la dynamique des réseaux d’entreprises ? Il est difficile de répondre à une telle question en peu de mots. Parce que le sujet est vaste. Parce qu’aussi le concept de cluster est un concept protéiforme. Et parce que les critères d’évaluation sont très divers. Lequel mesure le mieux l’interactivité entre les membres d’un cluster – entreprises, centres de recherche, universités ? Le critère principal mobilisé par les évaluations américaines et canadiennes est le nombre de start-up créées par an, y compris le nombre de joint-ventures entre les membres du cluster. C’est compréhensible, puisqu’une start-up est l’aboutissement tangible d’un processus qui commence par l’émergence d’une idée entre membres du cluster, sa transformation en concept, puis en projet et ensuite en produit, et enfin sa mise sur le marché. Si on isole ce critère et qu’on l’applique aux pôles de compétitivité français, l’évaluation réalisée en 2012 indique que sur la période 2008-2011, 93 start-up ont été créées, soit un peu plus d’une startup par pôle en quatre ans. Avec le même critère, le cluster finlandais d’Otaniemi, d’une surface de 4 km 2 , crée environ 50 start-up par an. Avec ce même critère, si l’on prend en considération l’ensemble des 2 000 clusters européens, la dynamique semble plus forte dans les 1 000 clusters qui se situent dans des espaces restreints, où l’effet d’agglomération est En quoi les approches scandinave et allemande sont-elles différentes ? L’université technologique d’Helsinki, dessinée par l’architecte Alvar Aalto, Une note récente1 de la Fabrique de l’Indans le quartier d’Otaniemi. / © Boisvieux Christophe / Hemis dustrie (laboratoire d’idées présidé par Louis Gallois), consacrée aux filières, permet d’apporter des éléments de des micro-clusters apparaissent pour chaque ministère a sa politique et son réponse. L’approche française s’insrépondre à des demandes d’usage puis réseau d’acteurs : la Datar et ses SPL, la crit plutôt dans une logique verticale se transforment ou disparaissent… Il y a DGCIS et ses pôles de compétitivité, le de filière, initiée et soutenue par l’État, là une adaptation extrêmement souple et ministère de l’Enseignement supérieur et avec, comme variante, la politique des rapide aux besoins du marché. de la Recherche et ses réseaux Carnot ou pôles de compétitivité. L’approche alleles PRES… Une coordination à ce niveau mande comme celle des pays nordiques Quelles seraient, selon vous, les pistes ne serait pas inutile. s’inscrivent plutôt dans une logique horide réforme à envisager en France ? Enfin, et c’est certainement le moins difzontale, avec un fort ancrage territorial Peut-être d’abord une clarification sur les ficile, une coordination par le bas. Les dans le but de dynamiser des écosystèmes termes : c’est dans les clusters que la dynavilles, les agglomérations, les métropoles innovants. Les Kompetenznetze sont tous mique collaborative est la plus efficace. qui fédèrent de fait le triptyque constitutrès territorialisés. tif d’un cluster – entreprises, universités, Il y a là un facteur recherche – disposent d’un potentiel expl icat i f d ’u ne L’approche allemande comme celle considérable à dynamiser, comme le font différence d’intenun certain nombre de villes en Europe : des pays nordiques s’inscrivent plutôt sité collaborative Munich, Cambridge, Barcelone, le Grand entre les pôles de dans une logique horizontale Lyon, Nantes Métropole, Manchester, compétitivité et les Belfast… et Otaniemi qui a mis en place Kompetenznetze, et peut-être aussi un Or, un cluster à qui il manque l’une de ses une véritable chaîne de valeur de l’innomeilleur « positionnement marché ». composantes constitutives – entreprise, vation, avec les résultats que l’on sait… Propos recueillis par L’exemple d’Otaniemi est ici à reprendre : université ou recherche – ne doit pas Olivier Crépin dans cet écosystème très dynamique, être appelé « cluster », comme un certain les technologies génériques cassent les nombre de « grappes d’entreprises ». 1- À quoi servent les filières ? frontières entre les filières industrielles, Ensuite, une coordination par le haut : La Fabrique de l’Industrie, mai 2013. Les régions invitées à se « spécialiser intelligemment » La spécialisation intelligente : un concept clé pour toutes les régions qui souhaiteront bénéficier de soutiens européens à l’innovation pour 20142020. Le 17 juin 2010, l’Union européenne s’est en effet dotée d’« Europe 2020 », une stratégie de coordination à dix ans des politiques économiques des différents pays, afin de créer les conditions d’une relance de la croissance. « Intelligente » (fondée sur la recherche et l’innovation), « durable » (verte et compétitive) et favorisant la cohésion sociale et territoriale : telle doit être l’économie pensée par la Commission européenne. Ces orientations constituent le cadre de la programmation des fonds pour 2014-2020 et ont été notamment traduites en un concept clé : la spécialisation intelligente, ou « S3 ». Cette notion a été avancée par des experts économiques en réponse à un FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org épineux problème : celui de l’écart du niveau de compétitivité entre l’Europe et les États-Unis. Concrètement, la S3 a pour objectif une priorisation et une concentration des ressources de chaque région sur un nombre restreint de domaines d’activités et de secteurs technologiques. Cette stratégie s’appuie sur la loi économique des avantages comparatifs selon laquelle, dans un contexte d’économie ouverte, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans une production pour laquelle il dispose de la productivité la plus intéressante comparativement à ses partenaires. Plusieurs outils ont ainsi été mis en place. De nombreuses régions avaient déjà élaboré des stratégies régionales d’innovation (SRI) ; le second volet du projet de loi de décentralisation les intègre au schéma régional de développement économique, qui désormais se voit doté d’une partie obligatoire sur l’innovation. Des incitations financières favoriseront également la spécialisation intelligente dans le cadre des futurs programmes opérationnels : la Commission considère la S3 comme un moyen d’optimiser l’impact des fonds structurels en faveur de l’innovation, du développement économique, de la recherche & développement… et souhaite la voir portée au cœur des préparatifs de la génération de programmes 2014-2020. Traduction : les régions qui ne disposent pas de stratégie de spécialisation ne pourront pas bénéficier de fonds Feder pour financer des projets de recherche & développement. Pour certaines régions, déjà en pointe dans des domaines précis, les secteurs de spécialisation apparaissent de façon assez évidente : santé et maladies infectieuses en Rhône-Alpes, technologie et numérique en Île-de-France… Les territoires ruraux planchent également sur le sujet et apportent des réponses parfois davantage axées sur l’écologie et le social : c’est le cas en Limousin, qui soutiendra la « génétique animale », les « technologies céramiques » ou encore la « silver économie » (innovation liée aux besoins des personnes âgées). Les innovations peuvent aussi s’organiser autour de partenariats transfrontaliers, tel le rapprochement entre le pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources (Picardie et Champagne-Ardenne) et Biobased Delta, aux Pays-Bas, pour une spécialisation dans la bio-économie. Reste que ce soutien actif à l’innovation ne sera pas aisé à mettre en place dans les territoires les plus pauvres, où la priorité reste encore la construction d’infrastructures et d’équipements. AP DOSSIER © DR © DR trib une 11 Vanessa Cordoba, manager chez CMI et enseignante à Sciences Po Paris sur les politiques d’innovation, et Marc Desforges, directeur associé de CMI Bâtir des territoires innovants Qu’est-ce que l’innovation, ce concept suremployé et souvent présenté comme « recette miracle » d’une économie performante, voire porté au cœur des stratégies européennes (voir p. 10) ? Comment construire des territoires innovants ? Réponse de Vanessa Cordoba et Marc Desforges, consultants et co-auteurs avec Frédéric Gilli de Territoires et innovation1. L e 7 janvier 2014, le Grand Évreux Agglomération a décidé d’investir au capital de deux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), qui associeront également trois leaders industriels, une PME, un centre de ressources technologiques, un hôpital, un entrepreneur de l’économie sociale et solidaire, des agriculteurs et, à terme, de simples citoyens. Ce rassemblement a pour but la conquête collective d’un nouveau marché – les cosmétiques sans conservateur – autour duquel la collectivité a su organiser la mise en mouvement des acteurs du territoire. (les agriculteurs pour la production de matières premières naturelles) comme en aval (industriels fabriquant des tubes et bouchons préservant la qualité des produits), au service du développement du territoire. Organiser les forces vives du territoire Construire un territoire innovant, ce n’est donc pas prioritairement investir dans la recherche ou la technologie. Un territoire innovant est d’abord une organisation collective innovante des acteurs locaux, orientée vers la conquête de nouveaux marchés et Un territoire innovant est le bien-être des citoyens. d’abord une organisation collective Concrètement, il s’agit de mobiliser et organiser les innovante des acteurs locaux forces vives du territoire – habitants, entrepreneurs, Cette démarche va notamment permettre élus, chercheurs et acteurs financiers à une entreprise du territoire de trouver locaux – pour imaginer collectivement des débouchés pour un procédé technodes réponses innovantes aux défis écologique innovant (procédé de traitement nomiques et sociétaux. Il peut s’agir de permettant d’éviter les conservateurs), la conquête d’un nouveau marché, génégrâce à une mobilisation des acteurs rateur d’emplois et de richesses pour le locaux en amont de la chaîne de valeur territoire, comme dans le cas d’Évreux ; mais aussi de l’invention d’une nouvelle politique publique ou d’un nouveau service, porteurs d’un bien-être accru pour les citoyens ou de cohésion sociale. On peut penser par exemple à la plateforme VoisinAge, qui permet aux habitants d’un même immeuble de s’organiser pour veiller ensemble sur les séniors de l’immeuble, coordonner leurs actions, échanger des impressions ou des conseils. Comment devient-on un territoire innovant ? Le rôle des élus de terrain, notamment des maires ou des présidents d’intercommunalité, est décisif pour rassembler les acteurs et organiser cet écosystème local dynamique et collaboratif. Il s’agit tout d’abord de mobiliser et de créer la confiance, en multipliant les espaces de rencontre et de débats. Cela permet aux acteurs d’apprendre à mieux se connaître, de comprendre leurs intérêts respectifs et de converger autour des défis à relever ensemble. On peut citer comme exemples la démarche Nantes 2030, ou encore l’Observatoire des marchés du futur de la région Nord-Pas-de-Calais qui organise des rencontres trois fois par an entre les acteurs régionaux (chefs d’entreprise, experts, citoyens) et des intervenants de haut niveau, afin d’identifier collectivement de nouveaux relais de croissance pour le territoire. Il s’agit ensuite d’accompagner la formation d’alliances durables entre habitants, entreprises, chercheurs et financiers locaux autour de ces défis et relais de croissance. À cet égard, la collectivité peut jouer un rôle clé, par exemple en coinvestissant au capital de nouvelles sociétés coopératives d’intérêt collectif, sur le modèle d’Évreux. De simple « guichet à subventions », la collectivité devient alors un co-développeur de solutions innovantes pour le territoire. Il n’y a donc pas de recettes toutes faites, mais seulement des contextes spécifiques et un modèle organisationnel innovant devant être adapté à chaque fois par les acteurs locaux. Tous les territoires ont des atouts et peuvent identifier des relais de croissance. 1- Territoires et innovation, étude produite pour la Datar et publiée à la Documentation française, in « Travaux n° 17 », juillet 2013. BREIZPACK, RÉSEAU DES INDUSTRIELS DE L’EMBALLAGE (BRETAGNE) « Le lien permet de générer l’innovation » Q Service d’intelligence économique, de veille voire de conseil externalisé aux entreprises, Breizpack réunit les acteurs bretons de l’emballage, terreau particulièrement favorable à l’innovation. Recueil d’expériences. uand, à la fin des années 1990, le technopôle de Quimper s’oriente vers une spécialisation, le domaine de l’emballage – thème phare pour la région bretonne – s’impose. Breizpack nait officiellement en 1997 sous forme de système productif local (SPL). Le réseau se structure progressivement autour de l’idée de mutualisation de savoirs et d’informations, avec le soutien des collectivités, qui souhaitent encourager une dynamique de développement économique et d’innovation sur le territoire. En 2010, la structure est labellisée « grappe d’entreprises » par la Datar. Les membres de ce réseau d’entreprises sont des PME, et présentent ainsi des besoins spécifiques. L’action de Breizpack s’articule donc autour de deux axes : une veille réglementaire, afin de mettre des informations à la disposition de structures qui ne disposent pas de service juridique ou d’activité de lobbying, et une veille technologique. Avec un enjeu constant : celui de l’innovation, marqueur fort de l’ADN du réseau. Collaborer pour innover Comme l’indique Thierry Varlet, chef de projet, « le secteur industriel breton est très fortement marqué par l’agroalimentaire, qui tire toute l’innovation dans le monde de l’emballage. Cela donne une teinte spécifique à la façon dont on fait de la veille. Nous devons être constamment à l’affut de ce qui se dit, ce qui se fait, ce qui va se faire. » Trois niveaux d’intervention sont ainsi assurés par le réseau : veille généraliste, proposition d’un service adapté à un segment de marché, et parfois accompagnement d’entreprises sur un sujet précis. Des projets de recherche de procédés innovants sont également menés par des entreprises en lien avec des unités de recherche privées et publiques : projet européen sur l’intégration de fibres végétales dans des matières plastiques, production de bioplastiques (issus d’une ressource renouvelable) par fermentation bactérienne… « Mais l’innovation, c’est parfois tout simplement créer l’interface entre ce que savent faire certains et ce que ne savent pas faire d’autres, ajoute Thierry Varlet. On se positionne comme des gens de lien. C’est le lien qui permet souvent de générer l’innovation. » Jouer collectif Créer du lien : l’objectif et la valeur ajoutée du réseau. Breizpack a d’ailleurs été l’un des membres fondateurs de France Emballage, réseau des fabricants d’emballages français. Parmi les services développés : échanges de bonnes pratiques, mutualisation de la veille, présence commune sur des évènements, mais également relai d’informations entre les entreprises et les formations en emballages. Cette dernière fonction permet une mise en adéquation des enseignements proposés avec les besoins des entreprises. Un dialogue au service de l’insertion professionnelle et de la performance économique. Promoteur de services mutualisés aux entreprises Breizpack assure un service « d’intérêt général ». « Nous sommes dans une capacité collective. C’est fondamental. Quand on travaille avec une part d’argent public pour des entreprises, le service doit être collectif. » Et à l’heure d’une raréfaction des aides publiques, faire connaître l’action des clusters, leur travail d’équipe et leur valeur ajoutée est, selon Thierry Varlet, essentiel. Apolline Prêtre Otor Papeterie, usine de fabrication de carton ondulé membre du réseau Breizpack. / © Benoit Decout / REA www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014 12 DOSSIER trib une COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES Jean-Christophe Fromantin Député des Hauts-de-Seine © DR Export : il y a urgence à changer de cap L’ Jean-Christophe Fromantin a co-écrit, avec le député Patrice Prat, un rapport parlementaire d’évaluation sur les soutiens publics aux exportations, qui dresse un diagnostic des dispositifs existants et met en évidence la nécessaire clarification à opérer sur la doctrine d’intervention de l’État à l’international. enjeu de l’exportation est fondamental et la France a pris beaucoup de retard dans ce domaine. Nos parts de marché ont fortement diminué, y compris sur des secteurs qui correspondent à des avantages comparatifs très significatifs dans notre pays. Je pense à L’intégration des territoires dans les corridors logistiques doit être une des premières inspirations de nos réformes territoriales l’agroalimentaire, les transports, les services ou même le tourisme. Cette réalité n’est que le reflet d’un manque d’ambition, d’une perte de rayonnement et d’un problème de compétitivité qui méritent d’être très sérieusement traités. Notre chômage structurel très important est la conséquence directe d’une politique économique qui, depuis trop longtemps, a ignoré les évolutions du monde. Or, paradoxalement, le monde actuel offre des opportunités très intéressantes pour la France. Avec l’arrivée d’une nouvelle classe moyenne issue des pays émergents – qui représentera en 2020 près de 30 % des classes moyennes dans le monde –, nous disposons d’un relai de croissance exceptionnel. Certes, des mesures doivent être prises dans l’organisation de notre dispositif de promotion du commerce extérieur. Elles concernent l’engagement des régions, la révision de nos systèmes de garanties ou la réforme de nos outils institutionnels d’accompagnement. Prendre des orientations structurantes Mais au-delà de ces dispositions techniques, je pense que plusieurs orientations structurantes doivent être prises, qui relè vent de choix politiques fondamentaux. La première concerne l’aménagement du territoire. À l’heure où l’on parle du renforcement et de la taille des régions, il est essentiel de comprendre que nos territoires n’auront d’avenir industriel que s’ils sont irrigués par l’hinterland des grands ports maritimes. Dans un monde global où les chaines de valeur sont de plus en plus fragmentées, les containers deviennent un vecteur de développement incontournable. Cette intégration de nos territoires dans les corridors logistiques internationaux est un enjeu considérable qui doit être une des toutes premières inspirations de nos réformes territoriales. La deuxième orientation est celle des technologies et de l’intelligence économique. Notre commerce extérieur dépend directement de la visibilité de notre offre et de notre influence sur les Il est urgent que notre politique de promotion investisse ce nouveau monde et propose à nos entrepreneurs les outils individuels ou collectifs qui les aideront à porter l’offre française sur le marché mondial. La troisième orientation concerne le rayonnement français. Il y a deux ans, j’ai proposé que la France soit à nouveau candidate à l’accueil d’une grande exposition universelle. Ce projet, déjà soutenu par de nombreuses grandes entreprises françaises, va faire l’objet d’une mission d’information parlementaire. En 1900, l’exposition universelle organisée à Paris a attiré 53 millions de visiteurs (80 millions à Shanghai Des mesures doivent en 2010). Ces grands événements être prises sur l’engagement ont qualifié une partie de notre économie du XXe siècle car ils ont des régions ou la réforme stimulé l’audace créatrice de nos de nos outils institutionnels entreprises. Il est essentiel que la d’accompagnement France retrouve cette dynamique collective de développement et nouveaux vecteurs d’information. L’achat qu’elle y associe les jeunes générations. en ligne touche un nombre croissant de C’est une des principales conditions de produits et de services et transcende notre croissance dans le nouveau paralargement nos frontières traditionnelles. digme mondial. Fusion d’Ubifrance et de l’AFII : une agence au service de la compétitivité du territoire ? Rationaliser les outils de soutien à l’exportation et d’attractivité du territoire français : une évolution au menu de l’entreprise de modernisation de l’action publique, mais dont les contours restent à définir. L e 26 juin dernier, Alain Bentejac et Jacques Desponts ont remis à Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, un rapport sur l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation des entreprises. Y sont consignées 21 propositions visant à « mobiliser les acteurs, renforcer la lisibilité et l’accessibilité du dispositif pour les entreprises, simplifier et améliorer l’offre de service ». Avec, au premier rang de ces propositions, la fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) sous une marque commune, France International. Objectif de l’opération : rationaliser les dispositifs de soutien à l’internationalisation de l’économie française et leur donner davantage de lisibilité. La méthode proposée consistait en la transformation d’Ubifrance en société anonyme, à laquelle serait intégrée l’AFII. Pour rappel, Ubifrance assure un soutien aux entreprises exportatrices, tandis que l’AFII promeut le territoire français afin d’attirer les investissements étrangers directs. La première agence se trouve sous la cotutelle du ministère de l’Économie et du ministère du Commerce extérieur, tandis que la seconde est pilotée par Bercy et le ministère de l’Aménagement du territoire. Une gouvernance partagée qui ne favorise pas la fusion. En effet, si Nicole Bricq s’est positionnée en faveur d’un FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org Ubifrance, un réseau mondial au service de l’export. © Stéphane Audras / REA rapprochement le plus complet possible, au service d’une cohérence de fond entre les activités d’exportation et d’attractivité, le Quai d’Orsay y reste peu favorable au nom d’une différence trop importante entre ces deux structures et les métiers qui y sont pratiqués. La création du label France International reste donc au menu de la modernisation de l’action publique, a fortiori après le « choc de simplification » demandé par François Hollande lors de sa conférence de presse du 15 janvier 2014. Toutefois, la nature de l’évolution de ces deux agences, entre « rapprochement » et « fusion », n’a pas été tranchée. À noter que, dans un même souci de rationalisation, plusieurs pays européens ont uni leurs actions de soutien à l’export et d’attractivité sous les labels Germany Trade & Invest en Allemagne, UKTI au Royaume-Uni et Enterprise Ireland en Irlande. AP Nous apprenons au moment du bouclage de ce numéro que la fusion complète Ubifrance-AFII au sein d’une même entité aura bien lieu. La nouvelle agence sera toutefois placée sous cotutelle de Bercy et du Quai d’Orsay. Les régions parties prenantes Le rapport sur l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation des entreprises, remis par Alain Bentejac et Jacques Desponts à la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq, aborde également la question du rôle des régions dans la compétitivité de la France à l’international. Celles-ci se voyaient en effet confier le rôle de chef de file de « l’internationalisation » dans les territoires par les premières moutures des projets de loi de décentralisation, au travers notamment du nouveau schéma de développement économique, appelé à devenir le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’intern ationalisation (SRDE2I). Le rapport préconise ainsi le « rapprochement entre France International et les agences régionales de développement économique (…). L’agence France International pourrait devenir l’opérateur privilégié des régions, dans le cadre d’un mécanisme de contractualisation de leurs relations. Enfin, les régions pourraient entrer au capital de la nouvelle agence. » 160 AFII : et collaborateurs 27 bureaux à l’étranger Ubifrance : 1 400 dans 70 pays collaborateurs Selon les Douanes, la France compte 119 203 entreprises exportatrices en 2012, sur 3 millions d’entreprises recensées. 13 DOSSIER Professionnaliser l’action économique territoriale Depuis l’accélération des mutations économiques, les territoires sont contraints de redéfinir des modes coopératifs d’analyse, d’anticipation et d’action à des échelles de bassins d’emploi. Pour Aradel, la logique des flux modifie les limites de l’action économique territoriale et conduit les développeurs à se positionner sur de nouvelles expertises et des compétences multiples. D’ © CLED12 / Aradel un statut de réceptacle passif d’investissements sur des zones d’activités, les territoires doivent passer à un rôle plus actif d’incubateurs de projets collaboratifs. Animateur, facilitateur, le développeur économique territorial ne peut se passer de l’implication des chefs d’entreprise dans les territoires. Pour Claudine Pilton, directrice d’Aradel, l’association des professionnels du développement économique local de Rhône-Alpes, « il faut faire en sorte que les entrepreneurs aient une vision du territoire pour qu’ils puissent s’impliquer dans le développement économique local ». L’analyse par les moteurs du développement territorial (développée par Laurent Davezies) offre ainsi une grille de lecture compréhensible à la fois pour les élus et pour les entrepreneurs : la captation des flux de revenus et leurs effets d’entraînement sur l’emploi local (aller trouver des entrepreneurs qui investissent ou des business angels fortement ancrés localement, par exemple). Cette échelle du bassin d’emploi permet de dépasser les périmètres institutionnels des intercommunalités. Stratégies de spécification territoriaux, les stratégies économiques gagneront à privilégier des logiques de diversification, de spécialisation ou de spécification. Ce dernier registre d’intervention ne consiste pas à exceller dans une technologie donnée, mais à assembler des compétences complémentaires à celles localisées dans son territoire. Passer d’une filière à un marché, s’insérer dans des dynamiques de filières interterritoriales pour trouver de nouvelles complémentarités et de nouveaux débouchés : voici le défi posé à certains clusters. C’est par exemple le cas de la « vallée du bijou » (communautés des Boutières et du Pays de Cheylard en Ardèche) qui s’allie avec le Pays de Romans (Drôme) pour « monter Pour apporter aux élus locaux une aide à la décision politique, les développeurs sont invités à constituer des équipes aux compétences polyvalentes. Multipartenariales, elles gagnent à associer élus, chefs d’entreprise, professionnels du tourisme, créateurs, universitaires. « Beaucoup de développeurs passent 80 % de leur temps sur des procédures et 20 % sur de l’animation. Si l’on veut faire Le développeur évoluer le métier, ce rapport devrait être inversé », plaide économique territorial ne peut Claudine Pilton. se passer de l’implication L’étude conduite en 2012 par Denis Carré et Nadine Levratto des chefs d’entreprise pour l’AdCF et la Caisse des dépôts, intitulée Les entreprises du en gamme » (cuir et bijou) au sein du tersecteur compétitif dans les territoires, ritoire Valence Drôme Ardèche Centre avait mis en évidence les détermi(Valdac). nants territoriaux de la croissance des entreprises, indépendamment Pour une nouvelle connectique des effets structurels liés au portedes territoires feuille d’activité. Le « local » est un De telles stratégies de « spécification » niveau d’intervention à part entière : nécessitent indéniablement une proc’est une « variable » de décision et fessionnalisation des acteurs du déved’action. Mais selon les contextes loppement économique territorial. Les Intercommunalités et clusters : pour un accompagnement gagnant Crise économique et financière, nouvelles contraintes budgétaires et réglementaires nationales… autant de paramètres qui ont contraint les clusters à diversifier, depuis plusieurs années, leurs stratégies partenariales publiques. Dans le même temps, les agglomérations sont de plus en plus motivées pour se positionner sur une image d’excellence productive et sur des filières d’avenir, afin de pérenniser les activités sur leur territoire, faire de l’attractivité territoriale et développer l’implantation d’entreprises. L es politiques publiques nationales et européennes de soutien aux clusters ont connu, ces dernières années, des évolutions. On observe ainsi une diminution du soutien direct au fonctionnement et à la structuration des organisations de clusters. Dans le même temps, l’appui public passe de plus en plus par le financement de projets basés sur des thématiques clés pour les entreprises (design, commercialisation, export, business et groupement de PME…), incitant les clusters à se positionner sur ces opérations ciblées. Face à la nécessité de réviser leur stratégie partenariale, les clusters trouvent donc les leviers d’accompagnement de leur structuration à l’échelle des territoires. Les régions renforcent leur position d’appui de ces réseaux en adoptant des politiques affirmées de soutien (clusters économiques rhônalpins, PRIDES en PACA, pôles d’excellence économique régionaux dans le NordPas-de-Calais, clusters d’excellence auvergnats…). Dans la même lignée, on observe également l’engagement renforcé des intercommunalités. Les intercommunalités en soutien aux clusters Avant 2010, le soutien des intercommunalités était plus diffus : celles-ci intervenaient sur l’environnement des filières structurées en clusters, à travers une politique d’aménagement de l’espace. Depuis trois ans, une montée en puissance de leurs contributions directes s’est manifestée dans l’appui et le développement des clusters. Ces participations prennent des formes diverses : financière (cotisations ou subventions au développement des réseaux d’entreprises et à leurs projets de filières), logistique et humaine (mise à disposition de personnel, mutualisation ou prêt de matériels, prêt de locaux…) ou autres (aide à la communication, mise en place de relation conseil, lobbying et soutien politique des élus de l’intercommunalité au développement de la filière et aux projets du cluster…). Ponctuellement, les intercommunalités proposent également un nouveau type d’appui : la mutualisation de services et moyens humains entre clusters (postes, locaux et fonctions supports partagés…). Xavier Roy, délégué général de France Clusters La vallée du bijou, 2e pôle industriel de l’Ardèche. / © Laurent Cerino / REA développeurs économiques doivent donc avoir « une capacité à sortir du territoire », insiste Claudine Pilton. Aradel a ainsi engagé en 2012 une réflexion pour élaborer une « nouvelle connectique de l’action économique des territoires » de RhôneAlpes, région connue pour ses contrats de développement à l’échelle des bassins d’emploi. « Le métier va bouger, mais il faut laisser la place à l’expérimentation locale plutôt qu’à des visions descendantes schématiques. » C’est tout l’enjeu de la nouvelle génération des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation : assurer une coproduction et une territorialisation des stratégies de développement économique. Olivier Crépin Fin 2012, France Clusters a mené une enquête rapide auprès de ses 150 membres (pôles de compétitivité, grappes d’entreprises et clusters régionaux) sur le type de soutien qu’ils reçoivent de leur communauté. 79 % des répondants déclarent recevoir un soutien financier annuel direct de l’intercommunalité pour leur structure ou leurs projets. 74 % déclarent recevoir un soutien logistique de l’intercommunalité (soutien humain : 21 %, soutien matériel : 33 %, autres : 21 %). Types de contributions des intercommunalités 100 % 75 % 50 % 25 % 0% Sou tien fina nci er Sou tien hum ain Sou tien ma téri el Aut re sou tien www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014 14 DOSSIER trib une COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES Vincent Pacini Consultant à La Clé Proactive, professeur associé au Conservatoire national des arts et métiers © DR Trois leviers pour simplifier le passage entre le « voir » et le « faire » M Comment renouveler les pratiques de développement local ? Vincent Pacini s’appuie sur ses expériences au sein des territoires pour détailler les différents leviers qui permettent de passer de l’observation à l’action. algré un effort important, au début des années 1990, pour renouveler les pratiques en matière d’ingénierie territoriale, les difficultés persistent et les contraintes pour concevoir et piloter des démarches qui permettent un passage plus aisé entre le « voir » et le « faire » restent fortes. Les réflexions publiées, le plus souvent sous la forme de rapports, ne sont pas des manuels de mise en œuvre de l’action collective sur un territoire. Des expériences, appuyées sur le concept d’apprentissage organisationnel (manière dont les individus, les groupes et l’entreprise dans son ensemble développent des processus d’apprentissage et créent des connaissances nouvelles), mettent en lumière trois leviers phares pour faciliter le passage à l’acte des acteurs. Interroger les représentations des acteurs Les représentations constituent des repères sur la manière dont les participants d’une démarche perçoivent le monde à un moment donné. Interroger, par des ateliers de prospectives, interviews, questionnaires…, les représentations des acteurs sur ce qui est important pour leur stratégie de développement, leurs marges de manœuvre sur l’environnement et l’action et ce qui n’est pas maîtrisé, constitue un outil de diagnostic et d’évaluation fondamental pour mesurer l’écart entre connaissances acquises et connaissances à acquérir pour le besoin de l’action. Mettre l’action des acteurs au centre de la production des connaissances Les travaux de Gregory Bateson, de l’école de pensée de Palo Alto, et de Herbert Simon confirment que l’action de faire ensemble (et pas seulement de réfléchir) est plus que jamais une façon de comprendre. C’est un processus d’apprentissage qui peut conduire à ajuster les intentions des acteurs aux possibilités d’action. Faire ensemble devient une inspiration nécessaire pour la réflexion, pour l’expression différente des idées et une meilleure compréhension des difficultés. Les transformations sont aussi le fruit de situations éprouvées par les acteurs d’un territoire. Différencier contenu et processus déployé par Aradel en région RhôneAlpes. Elle montre qu’un changement de représentation s’accompagne d’un dialogue renouvelé entre les élus et les entrepreneurs d’un territoire et débouche sur de nouvelles actions. Ainsi le territoire du Pays du Mont-Blanc a constitué un groupe d’acteurs composé d’élus, de chefs d’entreprise (dont l’entreprise Quechua, moteur du projet), de consulaires et de La réussite de ces approches dépend en grande partie de l’articulation entre les contenus et les processus qui sont nécessaires pour ajuster les logiques L’action de faire de réflexion, de décision et d’action des acteurs d’un territoire. Trois ensemble est plus que jamais types de productions en résultent : une façon de comprendre des contenus pour identifier les problématiques clés, des contenus pour comprendre où se situent les marges de responsables associatifs pour se lancer manœuvre des acteurs et des contenus dans la création du Pôle Mont-Blanc nécessaires pour s’organiser et piloter. Innovation : plateforme public-privé de Cette approche a été appliquée dans le recherche et développement qui a pour cadre du dispositif Institut du mana finalité principale le développement des gement des pratiques locales (IMPL) activités productives du territoire. PÔLE SUD ARCHER, ROMANS-SUR-ISÈRE (DRÔME) PTCE : acteurs de l’ESS et acteurs publics au service du territoire Derniers nés en matière de réseaux d’entreprises, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) doivent promouvoir un développement équilibré du territoire par des partenariats entre acteurs privés et publics au nom de l’économie solidaire. Exemple à Romans-sur-Isère, avec Pôle Sud Archer. F avoriser la mise en synergie d’acteurs et le développement d’un territoire en réunissant des entreprises et en associant la puissance publique, le tout sous le sceau de l’économie sociale et solidaire (ESS) ? C’est le défi qu’a choisi de relever Pôle Sud Archer, un pôle territorial de coopération économique (PTCE) implanté à Romans-sur-Isère. Consacrés dans un volet du projet de loi ESS actuellement en débat au Parlement, les PTCE constituent le pendant des pôles de compétitivité dans le domaine de l’ESS. Avec toutefois quelques spécificités : « Beaucoup de pôles de compétitivité ont une structuration verticale et sont spécialisés dans un domaine, explique Christophe Chevallier, PDG d’Archer, porteur du pôle. Les PTCE ont une structuration très horizontale : on y retrouve toutes sortes d’entreprises. » À Romans, ce sont ainsi 70 entreprises, soit 4 000 salariés, qui travaillent ensemble au sein du pôle. Objectif : échanger et trouver des réponses mutualisées à des besoins communs. Au nombre des réalisations : une centrale d’achat, des services communs, une crèche interentreprises, des visites d’entreprises… Ce tissu de PME soudées participe également au renforcement du tissu économique local, aux côtés des acteurs publics. FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org L’interco comme partenaire Une dimension locale qui accorde ainsi une place importante à la puissance publique, avec la communauté de communes du Pays de Romans comme interlocuteur privilégié. Pour Christophe Chevallier, « c’est très important que la collectivité soit là, non pas pour qu’elle prenne la main, mais pour qu’elle participe à la vie de ce mouvement ». Partie prenante, le service économique de l’intercommunalité co-anime, aux côtés du groupe Archer, l’association qui gère le PTCE. « Ce dialogue fonctionne car la relation est équilibrée. Les entreprises ne se placent pas dans une position attentiste ou négative, et la collectivité nous prend en compte dans ses politiques. » Si les chefs d’entreprise dialoguent largement avec la communauté, la région se révèle être un partenaire privilégié pour le pôle lui-même, notamment en matière d’animation économique. S’adapter à un périmètre mouvant L’évolution du périmètre de la communauté pèsera-t-il sur ce partenariat entre acteurs publics et économiques ? Depuis le 1er janvier 2014, le territoire appartient en effet à la communauté d’agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes Arcoop, autre pôle du groupe Archer, accompagne les créateurs ou repreneurs d’entreprise dans leur projet de création d’activité. / © DR et s’étend sur un bassin de vie beaucoup plus large. « Trop large pour nous, chefs d’entreprise, pour – en tout cas à l’heure actuelle – créer des identités de bassin et pour que les gens s’y reconnaissent », analyse le PDG d’Archer. Un travail d’anticipation de la fusion a toutefois été mené par le pôle. Stratégie envisagée : repérer, dans cette grande agglomération, trois zones marquées par une vraie identité de territoire, et assurer une animation économique de chacune de ces zones en lien avec l’agglo, tout en mutualisant un back office afin de faire des économies. « Ce travail en réseau ressemble finalement beaucoup à une réponse à la problématique de développement durable, conclut Christophe Chevallier. Nous encourageons les circuits courts, nous privilégions le dialogue à la concurrence sauvage… Et notre partenariat avec la collectivité nous assure une vraie économie citoyenne : responsable et équilibrée, et qui laisse de la place à l’entrepreneur. » Un modèle de développement adoubé par le gouvernement : le 10 janvier dernier, 23 projets ont été sélectionnés parmi les 180 répondants à l’appel « PTCE » de juillet 2013. Ils se partageront, sur trois ans, une enveloppe de 3 millions d’euros. AP DOSSIER 15 Appuyer la stratégie économique régionale sur une animation de proximité Le gouvernement devrait examiner, au début du mois d’avril, le nouveau texte de décentralisation annoncé par le chef de l’État lors de sa conférence de presse de janvier. Reprenant pour partie les dispositions des projets de loi initiaux, ce texte visera à conforter les responsabilités des régions en matière de développement économique, de formation professionnelle et, sans doute, de coordination des politiques de l’emploi. S’ il est aujourd’hui difficile de ne une économie de l’innovation qui accélère pas souscrire à l’objectif de clasans cesse les cycles d’investissement et rification des compétences en la recomposition permanente du tissu matière de développement économique et productif, promouvoir ces coopérations de politiques de l’emploi, il sera au demeuet les conforter devient l’enjeu du moment. rant nécessaire de piloter ce chantier avec pragmatisme. L’intervention régionale Le rôle indispensable de coordination des régions dans le directe montrera ses limites si elle financement des entreprises n’épuise pas le sujet du déve- n’est pas adossée à une animation loppement économique, loin économique de proximité s’en faut. Les régions reconnaissent d’ailleurs elles-mêmes que la En ce domaine, l’État et les collectivités réponse aux besoins quotidiens (réseaux, ont déjà beaucoup investi ces dernières transports, déchets…) des établissements années, la politique des pôles de compéconstitue bien davantage la mission pretitivité constituant le navire amiral, sans mière et historique des intercommunadoute en recherche d’un nouveau souffle, lités. L’ancienne distinction entre aides d’une flotte d’initiatives. À leur échelle, directes et aides indirectes trace assez sans prétendre détenir un quelconque rôle bien, de fait, la ligne de partage des comexclusif, les communautés ont démultiplié pétences régionales et intercommunales. leurs soutiens à ces grappes d’entreprises. Beaucoup ont accompagné les premiers pas d’un pôle de compétitivité, financé une plateforme technologique, amorcé la mise en réseau via leurs équipes d’animation économique. Une compétence régionale non exclusive De fait, si la pertinence du cadre régional pour assurer la cohérence des soutiens publics à des dynamiques de ce type semble peu discutable, il serait contreproductif de concevoir une compétence exclusive des régions. Les stratégies régionales de développement économique et d’innovation (SRDEI), dont le futur projet de loi de décentralisation devrait conforter la valeur prescriptive, ne pourront ni tout dire ni tout prévoir. L’intervention régionale directe, à Mais une vaste zone intermédiaire demeure entre ces « cœurs de métiers » respectifs : celle des soutiens multiformes aux coopérations interentreprises et aux partenariats entreprises-universités. Dans © Shutterstock / Epiceum Encourager les projets collaboratifs distance du terrain, montrera ses limites si elle n’est pas adossée à une animation économique de proximité. C’est davantage en direction d’un cadre contractualisé, ordonnant l’action de chacun à une stratégie régionale cohérente, qu’il faudrait progresser. Vers des schémas stratégiques et prescriptifs Les futurs SRDE2I1 gagneraient de fait à être repensés en documents plus stratégiques servant à clarifier l’intervention de chacun, articuler et mutualiser les missions d’animation des différentes agences de développement, mettre en place des dispositifs d’interlocuteurs ou de « guichets » uniques pour les entreprises. Ces SRDE2I de deuxième génération mériteraient en outre d’être beaucoup plus territorialisés. Une analyse des potentiels productifs des différents bassins d’emploi, des forces et faiblesses de leurs tissus d’activité permettrait également de mieux mobiliser l’ensemble des acteurs publics et privés dans des directions convergentes. Nicolas Portier 1- SRDE2I : schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Claude Gewerc view Président de la région Picardie, président de la commission développement économique de l’Association des régions de France (ARF) © DR « La région est le bon échelon pour jouer un rôle d’ensemblier dans le champ du développement économique » À la veille d’un second projet de loi de décentralisation faisant la part belle au rôle des régions dans l’organisation territoriale et administrative française, Claude Gewerc, président de la région Picardie, plaide pour un développement économique structuré à l’échelle régionale. Quel rôle de coordination et d’appui leur mise en œuvre. L’exemple des pôles les régions peuvent-elles assurer de compétitivité, labellisés sur l’ensemble dans l’animation des réseaux d’une région – voire plusieurs régions – d’entreprises, clusters et pôles pour développer un secteur grâce à la de compétitivité ? proximité géographique mais avec une Un consensus s’établit quant au fait que masse critique suffisante, faisant appel la région est le bon échelon pour jouer à toutes les compétences du territoire, un rôle d’ensemblier dans le champ du l’illustre parfaitement. développement économique. C’est à cette échelle que peuvent s’établir des stratégies La constitution de ces réseaux serapartagées qui rassemblent tous les acteurs t-elle au cœur des SRDE/stratégies de l’économie (entreprises, organismes régionales d’innovation ou de recherche, financeurs, partenaires des futurs SRDE2I ? sociaux, etc.) pour assurer le continuum Bien sûr. Les régions se sont en effet pleide la recherche au marché, en passant par nement reconnues dans l’émergence des la formation, l’orientation et l’emploi. Les régions se sont pleinement L’une des vocations de la région est ainsi reconnues dans l’émergence des pôles d’établir, en concertation avec l’État et de compétitivité ou des grappes les autres collectivités, d’entreprises des stratégies économiques et industrielles – sectorielles ou pôles de compétitivité ou des grappes de filières – et des stratégies d’innovation, d’entreprises, formés à partir des atouts et les clusters sont un excellent levier de et des initiatives des territoires. C’est au travers de ces réseaux que se créent des convergences, des relations de confiance, des innovations et des projets collectifs, des aventures partagées qui, identifiant les besoins et les opportunités, unissent entrepreneurs, financiers, décideurs et citoyens. En cohérence avec leurs stratégies, les régions se sont mobilisées de longue date dans l’appui au développement de clusters, véritables écosystèmes de croissance. Alors qu’elles achèvent, dans le cadre de la programmation des fonds européens, leurs stratégies d’innovation dites « de spécialisation intelligente », elles ont naturellement placé les clusters au cœur de leur réflexion et les ont pleinement associés à l’exercice. Quelles collaborations seraient possibles entre les régions et les intercos pour accompagner la structuration et le dynamisme de ces réseaux ? Quel partage des rôles ? Il faut impérativement veiller à la continuité territoriale de l’action de développement économique, depuis les territoires ruraux jusqu’aux plus urbains où l’on trouve justement une concentration importante d’entreprises et de laboratoires qui pourraient irriguer l’ensemble du territoire régional. C’est bien la mise en synergie entre les territoires métropolitains et l’ensemble de la région qui permettra l’égalité des territoires et leur développement cohérent. Dans un esprit de clarification et d’efficience de l’action publique, il est souhaitable que les compétences soient dévolues au niveau où elles peuvent le mieux être exercées. Ainsi schématiquement, aux régions, on confierait notamment l’établissement de stratégies concertées, le financement des entreprises et l’allocation des aides, le transfert de technologies et l’appui à l’innovation, l’animation de filières régionales, l’appui à l’exportation, tandis que les métropoles et les intercommunalités prendraient en charge l’action de proximité, le développement de zones d’activités, les infrastructures liées au parcours résidentiel de l’entreprise, etc. Propos recueillis par Apolline Prêtre www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014