l`action économique en réseau(x)

Transcription

l`action économique en réseau(x)
Février 2014 • N° 186 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E
DOSSIER P.8
Communautés d’entreprises
© ImageZoo / Corbis
L’ACTION ÉCONOMIQUE
EN RÉSEAU(X)
DANS L’ACTU P.3
• LOI D’AVENIR AGRICOLE
ET DE LA FORÊT
FOCUS P.4
• ACCESSIBILITÉ
FINANCES P.16
• RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES
DES LOCAUX D’HABITATION
DROIT P.17
• LES COMPÉTENCES DES
COMMUNAUTÉS ISSUES DE FUSIONS
TERRITOIRES P.18
• UNE ÉTUDE DE FAMILLES RURALES
8
DOSSIER
COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES
Communautés d’entreprises
© ImageZoo / Corbis
L’ACTION ÉCONOMIQUE
EN RÉSEAU(X)
Réseaux d’entreprises : dépasser les labels
Se rapprocher entre entreprises d’un même secteur pour partager des connaissances ou faire ensemble : un phénomène ancien, mais
porté ces dernières années par des politiques publiques spécifiques. Clusters, grappes d’entreprises, systèmes productifs locaux (SPL),
autant d’appellations désignant des dynamiques coopératives ancrées dans les territoires et sur lesquelles se sont aujourd’hui portés
les paris pour une économie d’avenir.
Q u’on les intitule « grappes d’entrel’instar des communautés intercommudu Nord. Mais jusqu’il y a peu, beaucoup
prises », « clusters » ou « systèmes
nales ou des nouvelles communautés hosvoyaient en eux des reliquats d’une hisproductifs locaux », les réseaux
pitalières et communautés universitaires.
toire proto-industrielle, inéluctablement
interentreprises font l’objet d’un soutien
condamnés soit à la disparition soit à
croissant des politiques publiques depuis
Une histoire longue
l’intégration dans des grands groupes
une quinzaine d’années. Malgré les
Partageant des savoir-faire, se groumultinationaux. À partir des années 1990,
réserves initialement exprimées par le
pant pour répondre à des commandes
les succès de la « troisième Italie » (plaine
ministère de l’Industrie, plus habitué à
ou se porter à l’international, dévelopdu Pô, Émilie, Toscane…) mais aussi des
soutenir des approches par grandes filières
pant des « marques » de territoires… ces
réseaux de PME flamands ou danois ont
verticalement intégrées, la Datar a expé« grappes » ne sont certes pas un phénoconduit à porter une attention particulière
rimenté au tournant des années 2000 les
mène nouveau. Du textile choletais à la
au phénomène. Une riche littérature de
premiers appels à projets visant à conforter
métallurgie du Vimeu, du décolletage de la
socio-économistes (Piore, Sabel, Bagnasco,
ou initier des dynamiques
Courlet…) a permis de
coopératives entre PME,
réhabiliter les analyses
voire grands groupes et
Une évolution sémantique utile pourrait des « districts marshalPME, au cœur des bassins
de l’économiste du
consister à les appeler de manière générique liens »,
d’emploi et des économies
début du XXe siècle Alfred
régionales. Fédérés par une « communautés d’entreprises »
Marshall, avant que de
spécialisation productive
nombreux rapports d’inscommune ou une orientation de marché,
vallée de l’Arve à la plasturgie du Haut-Jura
titutions publiques (OCDE, Commission
ces réseaux ne sont pas sans évoquer la
(Oyonnax), de la verrerie de la vallée de la
européenne, Datar, rapport Blanc…) précoopération intercommunale. Une évoluBresle à la coutellerie du Pays de Thiers,
conisent des politiques de « clusters ».
tion sémantique utile pourrait d’ailleurs
des « districts industriels » à la française
L’ouverture internationale et le renforceconsister à les appeler de manière généexistent depuis longtemps, sans présenter
ment de la concurrence ont imposé de nourique « communautés d’entreprises », à
pour autant la même densité qu’en Italie
velles organisations marquées à la fois par
FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
la flexibilité et la réactivité, mais aussi un
« effet taille » obtenu non par l’intégration
au sein d’une grande entreprise fordiste
mais par la spécialisation sur des marchés
de niches et des composants à forte valeur
ajoutée. Derrière les grandes enseignes
qui contrôlent les accès au marché final
(grande distribution, franchises, grandes
marques…), opère une multitude de fournisseurs et de sous-traitants sur laquelle
reposent la charge de l’innovation et une
part de la prise de risque.
Dans une économie très ouverte, éminemment concurrentielle, le rôle d’accompagnement des pouvoirs publics nationaux
ou locaux ne doit pas tant viser à « piloter »
par le haut ces nouvelles organisations en
réseau qu’à stimuler leur création et leur
essor. Au-delà des labels (et des aides)
accordés à des filières déjà très largement
structurées, c’est également la détection
des réseaux émergents, à fort potentiel, qui
devient un enjeu stratégique de l’animation économique locale.
Nicolas Portier
DOSSIER
9
Pôles de compétitivité et grappes d’entreprises :
quand la Datar soutient les clusters
Depuis la fin des années 1990, la Datar promeut les clusters, ces réseaux d’entreprises appartenant généralement à un même
secteur d’activité, interconnectées, fortement compétitives, ouvertes à de multiples partenariats, avec un réel ancrage territorial
et tournées vers l’innovation. Bilan de cette politique.
et de manière directe ou indirecte par d’autres acteurs économiques. Le budget moyen
d’un pôle s’élève en 2011 à un
million d’euros.
Les 126 grappes d’entreprises sélectionnées
Un copilotage
État-régions
La nouvelle phase de la politique des pôles de compétitivité, engagée pour une
durée de six ans à compter
de 2013 et dont le gouvernement a annoncé les objectifs le
9 janvier 2013, prévoit que les
pôles se tournent désormais
davantage vers les débouchés
économiques et l’emploi pour
créer une véritable « usine à
produits d’avenir ». Ils auront
un rôle renforcé en matière
d’accompagnement des PME
et des entreprises de taille
intermédiaire (ETI).
Cette nouvelle phase s’inscrit
dans le cadre d’une gouvernance renouvelée associant
l’État, les régions et les autres
Secteurs d’activité :
collectivités territoriales. Le
Agriculture, agroalimentaire et pêche
Des clusters axés sur la R&D :
copilotage de la politique des
Construction et habitat
les pôles de compétitivité
pôles de compétitivité par
Industries diverses
Forte de cette première expérience, la
l’État et les régions existe
Industries de la santé
Économie numérique
Grappes d’entreprises lauréates
Datar a impulsé en 2004 la structuration
au quotidien depuis sept
Mécanique et métallurgie
de la 1re vague de l’appel à projets
Écotechnologies, bio-ressources,
de clusters principalement axés sur la
ans. Le président du pôle et
gestion de l’eau
Services
Grappes d’entreprises lauréates
recherche et le développement : les pôles de
l’ensemble des financeurs
Industries créatives et culturelles
Logistique
de la 2e vague de l’appel à projets
compétitivité. Ces derniers se définissent
publics, État et collectivités
comme la combinaison, sur un territoire
territoriales signent ensemble le contrat de
pôles de compétitivité, les 126 grappes
conseils régionaux et les communautés
d’entreprises, de centres de formation et
performance de chacun des 71 pôles. État
d’entreprises sont tournées vers le déved’agglomération), pour 21 % du FNADT
d’unités de recherche engagés dans une
et régions soutiennent également certains
loppement de l’innovation sous toutes
et pour 8 % de fonds européens.
démarche partenariale. Copilotée avec
projets collaboratifs de R&D des pôles.
ses formes et sur des actions centrées sur
la Direction générale de la compétitivité,
le marché. Elles ont été soutenues par la
Une politique soumise à évaluation
de l’industrie et des services (DGCIS),
Soutien aux grappes d’entreprises
Datar jusqu’à fin 2012 ou 2013 selon leur
La Datar a souhaité poursuivre son soutien
cette politique a vu la création d’un Fonds
La politique en faveur des grappes
date de sélection, et ont bénéficié d’une
à ces réseaux d’entreprises en lançant,
unique interministériel (FUI) pour soud’entreprises, portée par la Datar sur
enveloppe de 24 millions d’euros au titre
début 2013, une animation nationale des
tenir les projets de R&D portés par les
la période 2011-2013 pour succéder et
du FNADT, complétée par des soutiens
grappes d’entreprises confiée à l’associa71 pôles de compétitivité. Entre
d’autres ministères, de
tion France Clusters. Celle-ci devrait per2005 et 2013, 1 307 projets de R&D
la Caisse des dépôts et
mettre la diffusion et la valorisation des
Entre 2005 et 2013, 1 307 projets de
collaboratifs des pôles de compéconsignations et d’Oséo.
bonnes pratiques entre grappes d’entretitivité ont été soutenus au titre R&D collaboratifs des pôles de compétitivité Une analyse des plans
prises (production de guides de bonnes
du FUI. Les ministères financeurs
de financement des
pratiques sur des problématiques comont été soutenus par l’État
de la politique (Industrie, Défense,
grappes d’entreprises
munes aux clusters comme les modèles
Agriculture) et la Datar ont contribué à
rénover la politique des SPL, soutient des
issues de la première vague de sélection de
économiques, l’interclustering, l’innovahauteur d’environ 1,4 milliard d’euros, un
réseaux de TPE/PME qui sont soit d’anl’appel à projets montre que sur la période
tion par les usages, etc. ; constitution de
soutien complémentaire étant apporté par
ciens SPL, soit des clusters labellisés par
2010-2012, les grappes ont bénéficié pour
groupes de travail ; communication sur
les collectivités territoriales et les fonds
des régions, soit des réseaux non encore
28 % de financements des collectivités terles grappes ; etc.) et l’accompagnement des
européens (plus de 800 millions d’euros),
labellisés jusque-là. Complémentaires des
ritoriales (au premier rang desquelles les
grappes d’entreprises dans l’appropriation
de la stratégie « Europe 2020 ».
La réalisation d’une étude d’évaluation
Encourager la mise en réseau des clusters Dans le secteur de l’emballage, les partenariats développés par
de la politique des grappes d’entreprises
Plus de 15 ans après le lancement de la politique des SPL et
la grappe Breizpack concernent à la fois les matériaux d’embalmise en œuvre par la Datar vient d’être
cinq ans après celui de la politique des grappes d’entreprises,
lage (avec les pôles Plastipolis, Industries et Agro-Ressources)
confiée au consortium BearingPointla Datar continue de promouvoir les clusters, l’un des outils
et l’emballage des produits finis (liens avec des grappes et des
Erdyn-Technopolis. Elle croisera une
capables de favoriser l’innovation à l’échelle territoriale. Elle
pôles de l’agroalimentaire, de la santé ou du textile). Le pôle
caractérisation des grappes d’entreprises,
reste convaincue que l’innovation dans les territoires passe
de compétitivité ViaMéca (mécanique) travaille par exemple en
résultats intermédiaires et qualification
par une vision de l’ensemble des réseaux d’entreprises qui
étroite collaboration avec la grappe des technologies médicales
participent au développement économique (grappes, pôles,
située en Rhône-Alpes pour diversifier sa chaine de production
des premières retombées économiques et
clusters régionaux et autres clusters rassemblant acteurs de
et accéder à de nouveaux usagers. La Datar considère que les
territoriales d’une part, et l’évaluation de la
l’enseignement supérieur, de la recherche, du développement
clusters sont non seulement un moyen de développement privipolitique nationale en faveur des « grappes
économique, etc.). Les clusters doivent travailler en réseau, dans
légié pour les entreprises, mais également un atout fondamental
d’entreprises » d’autre part.
le cadre d’une politique formalisée d’interclustering, incarnée
pour l’essor ou la revitalisation des territoires. Outils de markeConstance Arnaud, chargée de
par des réseaux de clusters constitués. Ces réseaux peuvent être
ting territorial et créateurs d’emplois, les clusters permettent
mission « pôles de compétitivité et
thématiques et/ou territoriaux (en termes de positionnement
d’ancrer les activités sur le territoire, voire de freiner des délosur la chaine de valeur, de complémentarités thématiques, etc.).
calisations d’activités.
grappes d’entreprises » à la Datar
www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
Fonds cartographiques : Francièmes © Tous droits réservés
Réalisation : Datar - Observatoire des territoires - C. Métayer - 03.2011
Source : Datar
I dentifiés dès la fin du XIXe siècle par
l’économiste anglais Alfred Marshall,
les clusters sont devenus d’actualité
dans les années 1980 grâce à l’économiste
américain Michael Porter. Convaincue
qu’ils ne sont pas seulement un moyen de
développement privilégié pour les entreprises, mais qu’ils constituent également
un atout fondamental pour l’essor ou la
revitalisation des territoires, la Datar a
lancé à la fin des années 1990 deux appels à
projets pour favoriser l’essor de clusters de
PME/PMI axés sur la production. Une centaine de systèmes productifs locaux (SPL)
ont ainsi été sélectionnés et ont bénéficié
d’un soutien de 3,6 millions d’euros via le
Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). Dotés
d’une spécialisation poussée autour d’un
métier et/ou d’un produit, ces réseaux
d’entreprises se sont organisés sur la base
d’une stratégie collective en cherchant à
mutualiser leurs investissements productifs et leurs approvisionnements, en partageant des compétences et des formations,
en développant des actions commerciales
communes, en favorisant l’innovation et
la veille technologique, etc.
10
DOSSIER
COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES
François-Xavier Level
© DR
view Président d’Europa InterCluster
« Les territoires qui fédèrent entreprises, universités
et recherche disposent d’un potentiel considérable »
Président d’Europa InterCluster, une plateforme de mise en réseau de clusters à l’échelle européenne, François-Xavier Level
nous livre son point de vue comparatif sur les différentes approches en matière de dynamiques d’entreprises.
déjà important (villes, métropoles) et où
le secteur universitaire mène une véritable
stratégie de « pontage » avec le monde
économique. C’est le cas de Cambridge,
Stockholm, Barcelone, Grenoble et…
Otaniemi. Pour les 1 000 autres clusters,
qui sont plutôt des réseaux dont l’existence
résulte souvent d’incitations des pouvoirs
publics avec des objectifs différents
– mutualisation, actions collectives,
Le critère principal
gestion des compétences, communication, marketing… –, à l’exemple
des évaluations américaines
des grappes d’entreprises françaises,
et canadiennes est le nombre la dynamique est peu importante au
regard du critère start-up.
de start-up créées par an
Quel regard portez-vous à l’échelle
européenne sur la dynamique des
réseaux d’entreprises ?
Il est difficile de répondre à une telle
question en peu de mots. Parce que le
sujet est vaste. Parce qu’aussi le concept
de cluster est un concept protéiforme.
Et parce que les critères d’évaluation
sont très divers. Lequel mesure le mieux
l’interactivité entre les membres d’un
cluster – entreprises, centres de recherche,
universités ?
Le critère principal mobilisé par les
évaluations américaines et canadiennes
est le nombre de start-up créées par an,
y compris le nombre de joint-ventures
entre les membres du cluster. C’est
compréhensible, puisqu’une start-up est
l’aboutissement tangible d’un processus
qui commence par l’émergence d’une
idée entre membres du cluster, sa transformation en concept, puis en projet et
ensuite en produit, et enfin sa mise sur
le marché. Si on isole ce critère et qu’on
l’applique aux pôles de compétitivité français, l’évaluation réalisée en 2012 indique
que sur la période 2008-2011, 93 start-up
ont été créées, soit un peu plus d’une startup par pôle en quatre ans. Avec le même
critère, le cluster finlandais d’Otaniemi,
d’une surface de 4 km 2 , crée environ
50 start-up par an. Avec ce même critère,
si l’on prend en considération l’ensemble
des 2 000 clusters européens, la dynamique semble plus forte dans les 1 000
clusters qui se situent dans des espaces
restreints, où l’effet d’agglomération est
En quoi les approches scandinave et
allemande sont-elles différentes ?
L’université technologique d’Helsinki, dessinée par l’architecte Alvar Aalto,
Une note récente1 de la Fabrique de l’Indans le quartier d’Otaniemi. / © Boisvieux Christophe / Hemis
dustrie (laboratoire d’idées présidé par
Louis Gallois), consacrée aux filières,
permet d’apporter des éléments de
des micro-clusters apparaissent pour
chaque ministère a sa politique et son
réponse. L’approche française s’insrépondre à des demandes d’usage puis
réseau d’acteurs : la Datar et ses SPL, la
crit plutôt dans une logique verticale
se transforment ou disparaissent… Il y a
DGCIS et ses pôles de compétitivité, le
de filière, initiée et soutenue par l’État,
là une adaptation extrêmement souple et
ministère de l’Enseignement supérieur et
avec, comme variante, la politique des
rapide aux besoins du marché.
de la Recherche et ses réseaux Carnot ou
pôles de compétitivité. L’approche alleles PRES… Une coordination à ce niveau
mande comme celle des pays nordiques
Quelles seraient, selon vous, les pistes
ne serait pas inutile.
s’inscrivent plutôt dans une logique horide réforme à envisager en France ?
Enfin, et c’est certainement le moins difzontale, avec un fort ancrage territorial
Peut-être d’abord une clarification sur les
ficile, une coordination par le bas. Les
dans le but de dynamiser des écosystèmes
termes : c’est dans les clusters que la dynavilles, les agglomérations, les métropoles
innovants. Les Kompetenznetze sont tous
mique collaborative est la plus efficace.
qui fédèrent de fait le triptyque constitutrès territorialisés.
tif d’un cluster – entreprises, universités,
Il y a là un facteur
recherche – disposent d’un potentiel
expl icat i f d ’u ne
L’approche allemande comme celle considérable à dynamiser, comme le font
différence d’intenun certain nombre de villes en Europe :
des pays nordiques s’inscrivent plutôt
sité collaborative
Munich, Cambridge, Barcelone, le Grand
entre les pôles de dans une logique horizontale
Lyon, Nantes Métropole, Manchester,
compétitivité et les
Belfast… et Otaniemi qui a mis en place
Kompetenznetze, et peut-être aussi un
Or, un cluster à qui il manque l’une de ses
une véritable chaîne de valeur de l’innomeilleur « positionnement marché ».
composantes constitutives – entreprise,
vation, avec les résultats que l’on sait…
Propos recueillis par
L’exemple d’Otaniemi est ici à reprendre :
université ou recherche – ne doit pas
Olivier Crépin
dans cet écosystème très dynamique,
être appelé « cluster », comme un certain
les technologies génériques cassent les
nombre de « grappes d’entreprises ».
1- À quoi servent les filières ?
frontières entre les filières industrielles,
Ensuite, une coordination par le haut :
La Fabrique de l’Industrie, mai 2013.
Les régions invitées à se « spécialiser intelligemment »
La spécialisation intelligente : un
concept clé pour toutes les régions qui
souhaiteront bénéficier de soutiens
européens à l’innovation pour 20142020. Le 17 juin 2010, l’Union européenne s’est en effet dotée d’« Europe
2020 », une stratégie de coordination
à dix ans des politiques économiques
des différents pays, afin de créer les
conditions d’une relance de la croissance. « Intelligente » (fondée sur la
recherche et l’innovation), « durable »
(verte et compétitive) et favorisant la
cohésion sociale et territoriale : telle
doit être l’économie pensée par la Commission européenne. Ces orientations
constituent le cadre de la programmation des fonds pour 2014-2020 et ont été
notamment traduites en un concept clé :
la spécialisation intelligente, ou « S3 ».
Cette notion a été avancée par des
experts économiques en réponse à un
FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
épineux problème : celui de l’écart du
niveau de compétitivité entre l’Europe
et les États-Unis. Concrètement, la
S3 a pour objectif une priorisation et
une concentration des ressources de
chaque région sur un nombre restreint
de domaines d’activités et de secteurs
technologiques. Cette stratégie s’appuie
sur la loi économique des avantages
comparatifs selon laquelle, dans un
contexte d’économie ouverte, chaque
pays a intérêt à se spécialiser dans une
production pour laquelle il dispose de la
productivité la plus intéressante comparativement à ses partenaires.
Plusieurs outils ont ainsi été mis en
place. De nombreuses régions avaient
déjà élaboré des stratégies régionales
d’innovation (SRI) ; le second volet du
projet de loi de décentralisation les
intègre au schéma régional de développement économique, qui désormais
se voit doté d’une partie obligatoire sur
l’innovation. Des incitations financières
favoriseront également la spécialisation
intelligente dans le cadre des futurs programmes opérationnels : la Commission
considère la S3 comme un moyen d’optimiser l’impact des fonds structurels
en faveur de l’innovation, du développement économique, de la recherche
& développement… et souhaite la voir
portée au cœur des préparatifs de la
génération de programmes 2014-2020.
Traduction : les régions qui ne disposent
pas de stratégie de spécialisation ne
pourront pas bénéficier de fonds Feder
pour financer des projets de recherche
& développement.
Pour certaines régions, déjà en pointe
dans des domaines précis, les secteurs
de spécialisation apparaissent de façon
assez évidente : santé et maladies infectieuses en Rhône-Alpes, technologie
et numérique en Île-de-France… Les
territoires ruraux planchent également
sur le sujet et apportent des réponses
parfois davantage axées sur l’écologie
et le social : c’est le cas en Limousin, qui
soutiendra la « génétique animale », les
« technologies céramiques » ou encore
la « silver économie » (innovation liée
aux besoins des personnes âgées).
Les innovations peuvent aussi s’organiser autour de partenariats transfrontaliers, tel le rapprochement entre
le pôle de compétitivité Industries et
Agro-Ressources (Picardie et Champagne-Ardenne) et Biobased Delta, aux
Pays-Bas, pour une spécialisation dans
la bio-économie. Reste que ce soutien
actif à l’innovation ne sera pas aisé à
mettre en place dans les territoires les
plus pauvres, où la priorité reste encore
la construction d’infrastructures et
d’équipements. AP
DOSSIER
© DR
© DR
trib
une
11
Vanessa Cordoba, manager chez CMI et enseignante à Sciences Po Paris
sur les politiques d’innovation, et Marc Desforges, directeur associé de CMI
Bâtir des territoires
innovants
Qu’est-ce que l’innovation, ce concept suremployé et souvent présenté comme « recette miracle » d’une économie performante, voire
porté au cœur des stratégies européennes (voir p. 10) ? Comment construire des territoires innovants ? Réponse de Vanessa Cordoba
et Marc Desforges, consultants et co-auteurs avec Frédéric Gilli de Territoires et innovation1.
L e 7 janvier 2014, le Grand Évreux
Agglomération a décidé d’investir au
capital de deux sociétés coopératives
d’intérêt collectif (SCIC), qui associeront
également trois leaders industriels, une
PME, un centre de ressources technologiques, un hôpital, un entrepreneur de
l’économie sociale et solidaire, des agriculteurs et, à terme, de simples citoyens.
Ce rassemblement a pour but la conquête
collective d’un nouveau marché – les
cosmétiques sans conservateur – autour
duquel la collectivité a su organiser la mise
en mouvement des acteurs du territoire.
(les agriculteurs pour la production de
matières premières naturelles) comme
en aval (industriels fabriquant des tubes
et bouchons préservant la qualité des
produits), au service du développement
du territoire.
Organiser les forces vives
du territoire
Construire un territoire innovant, ce n’est
donc pas prioritairement investir dans la
recherche ou la technologie. Un territoire
innovant est d’abord une organisation
collective innovante des acteurs locaux,
orientée vers la conquête
de nouveaux marchés et
Un territoire innovant est
le bien-être des citoyens.
d’abord une organisation collective Concrètement, il s’agit de
mobiliser et organiser les
innovante des acteurs locaux
forces vives du territoire –
habitants, entrepreneurs,
Cette démarche va notamment permettre
élus, chercheurs et acteurs financiers
à une entreprise du territoire de trouver
locaux – pour imaginer collectivement
des débouchés pour un procédé technodes réponses innovantes aux défis écologique innovant (procédé de traitement
nomiques et sociétaux. Il peut s’agir de
permettant d’éviter les conservateurs),
la conquête d’un nouveau marché, génégrâce à une mobilisation des acteurs
rateur d’emplois et de richesses pour le
locaux en amont de la chaîne de valeur
territoire, comme dans le cas d’Évreux ;
mais aussi de l’invention d’une nouvelle
politique publique ou d’un nouveau
service, porteurs d’un bien-être accru
pour les citoyens ou de cohésion sociale.
On peut penser par exemple à la plateforme VoisinAge, qui permet aux habitants d’un même immeuble de s’organiser
pour veiller ensemble sur les séniors de
l’immeuble, coordonner leurs actions,
échanger des impressions ou des conseils.
Comment devient-on un territoire
innovant ?
Le rôle des élus de terrain, notamment
des maires ou des présidents d’intercommunalité, est décisif pour rassembler les
acteurs et organiser cet écosystème local
dynamique et collaboratif.
Il s’agit tout d’abord de mobiliser et de
créer la confiance, en multipliant les
espaces de rencontre et de débats. Cela
permet aux acteurs d’apprendre à mieux
se connaître, de comprendre leurs intérêts
respectifs et de converger autour des défis
à relever ensemble. On peut citer comme
exemples la démarche Nantes 2030, ou
encore l’Observatoire des marchés du
futur de la région Nord-Pas-de-Calais
qui organise des rencontres trois fois
par an entre les acteurs régionaux (chefs
d’entreprise, experts, citoyens) et des
intervenants de haut niveau, afin d’identifier collectivement de nouveaux relais de
croissance pour le territoire.
Il s’agit ensuite d’accompagner la formation d’alliances durables entre habitants,
entreprises, chercheurs et financiers
locaux autour de ces défis et relais de
croissance. À cet égard, la collectivité
peut jouer un rôle clé, par exemple en coinvestissant au capital de nouvelles sociétés coopératives d’intérêt collectif, sur le
modèle d’Évreux. De simple « guichet à
subventions », la collectivité devient alors
un co-développeur de solutions innovantes pour le territoire.
Il n’y a donc pas de recettes toutes faites,
mais seulement des contextes spécifiques
et un modèle organisationnel innovant
devant être adapté à chaque fois par les
acteurs locaux. Tous les territoires ont des
atouts et peuvent identifier des relais de
croissance.
1- Territoires et innovation, étude produite
pour la Datar et publiée à la Documentation
française, in « Travaux n° 17 », juillet 2013.
BREIZPACK, RÉSEAU DES INDUSTRIELS DE L’EMBALLAGE (BRETAGNE)
« Le lien permet de générer l’innovation »
Q Service d’intelligence économique, de veille voire de conseil externalisé aux entreprises, Breizpack réunit
les acteurs bretons de l’emballage, terreau particulièrement favorable à l’innovation. Recueil d’expériences.
uand, à la fin des années 1990, le technopôle de Quimper s’oriente vers une
spécialisation, le domaine de l’emballage – thème phare pour la région bretonne
– s’impose. Breizpack nait officiellement en
1997 sous forme de système productif local
(SPL). Le réseau se structure progressivement
autour de l’idée de mutualisation de savoirs et
d’informations, avec le soutien des collectivités, qui souhaitent encourager une dynamique
de développement économique et d’innovation sur le territoire. En 2010, la structure est
labellisée « grappe d’entreprises » par la Datar.
Les membres de ce réseau d’entreprises sont
des PME, et présentent ainsi des besoins spécifiques. L’action de Breizpack s’articule donc
autour de deux axes : une veille réglementaire,
afin de mettre des informations à la disposition de structures qui ne disposent pas de
service juridique ou d’activité de lobbying,
et une veille technologique. Avec un enjeu
constant : celui de l’innovation, marqueur
fort de l’ADN du réseau.
Collaborer pour innover
Comme l’indique Thierry Varlet, chef de
projet, « le secteur industriel breton est très
fortement marqué par l’agroalimentaire, qui
tire toute l’innovation dans le monde de l’emballage. Cela donne une teinte spécifique à la
façon dont on fait de la veille. Nous devons être
constamment à l’affut de ce qui se dit, ce qui se
fait, ce qui va se faire. » Trois niveaux d’intervention sont ainsi assurés par le réseau : veille
généraliste, proposition d’un service adapté à
un segment de marché, et parfois accompagnement d’entreprises sur un sujet précis.
Des projets de recherche de procédés innovants
sont également menés par des entreprises en
lien avec des unités de recherche privées et
publiques : projet européen sur l’intégration
de fibres végétales dans des matières plastiques, production de bioplastiques (issus
d’une ressource renouvelable) par fermentation
bactérienne…
« Mais l’innovation, c’est parfois tout simplement créer l’interface entre ce que savent faire
certains et ce que ne savent pas faire d’autres,
ajoute Thierry Varlet. On se positionne comme
des gens de lien. C’est le lien qui permet souvent
de générer l’innovation. »
Jouer collectif
Créer du lien : l’objectif et la valeur ajoutée
du réseau. Breizpack a d’ailleurs été l’un des
membres fondateurs de France Emballage,
réseau des fabricants d’emballages français.
Parmi les services développés : échanges de
bonnes pratiques, mutualisation de la veille,
présence commune sur des évènements, mais
également relai d’informations entre les entreprises
et les formations en emballages. Cette dernière fonction
permet une mise en adéquation des enseignements proposés avec les besoins des
entreprises. Un dialogue au
service de l’insertion professionnelle et de la performance
économique.
Promoteur de services
mutualisés aux
entreprises
Breizpack assure un service
« d’intérêt général ». « Nous
sommes dans une capacité
collective. C’est fondamental. Quand on travaille avec
une part d’argent public pour
des entreprises, le service doit
être collectif. » Et à l’heure
d’une raréfaction des aides
publiques, faire connaître
l’action des clusters, leur
travail d’équipe et leur valeur
ajoutée est, selon Thierry
Varlet, essentiel.
Apolline Prêtre
Otor Papeterie, usine de fabrication de carton ondulé
membre du réseau Breizpack. / © Benoit Decout / REA
www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
12
DOSSIER
trib
une
COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES
Jean-Christophe Fromantin
Député des Hauts-de-Seine
© DR
Export : il y a urgence à changer de cap
L’
Jean-Christophe Fromantin a co-écrit, avec le député Patrice Prat, un rapport parlementaire d’évaluation sur les soutiens
publics aux exportations, qui dresse un diagnostic des dispositifs existants et met en évidence la nécessaire
clarification à opérer sur la doctrine d’intervention de l’État à l’international.
enjeu de l’exportation est fondamental et la France a pris beaucoup
de retard dans ce domaine. Nos
parts de marché ont fortement diminué,
y compris sur des secteurs qui correspondent à des avantages comparatifs très
significatifs dans notre pays. Je pense à
L’intégration
des territoires dans les
corridors logistiques doit
être une des premières
inspirations de nos
réformes territoriales
l’agroalimentaire, les transports, les services ou même le tourisme. Cette réalité
n’est que le reflet d’un manque d’ambition, d’une perte de rayonnement et d’un
problème de compétitivité qui méritent
d’être très sérieusement traités. Notre
chômage structurel très important est
la conséquence directe d’une politique
économique qui, depuis trop longtemps,
a ignoré les évolutions du monde. Or,
paradoxalement, le monde actuel offre
des opportunités très intéressantes pour
la France. Avec l’arrivée d’une nouvelle
classe moyenne issue des pays émergents
– qui représentera en 2020 près de 30 %
des classes moyennes dans le monde –,
nous disposons d’un relai de croissance
exceptionnel.
Certes, des mesures doivent être prises
dans l’organisation de notre dispositif de
promotion du commerce extérieur. Elles
concernent l’engagement des régions, la
révision de nos systèmes de garanties ou
la réforme de nos outils institutionnels
d’accompagnement.
Prendre des orientations
structurantes
Mais au-delà de ces dispositions techniques, je pense que plusieurs orientations
structurantes doivent être prises, qui relè­
vent de choix politiques fondamentaux.
La première concerne l’aménagement
du territoire. À l’heure où l’on parle du
renforcement et de la taille des régions, il
est essentiel de comprendre que nos territoires n’auront d’avenir industriel que
s’ils sont irrigués par l’hinterland des
grands ports maritimes. Dans un monde
global où les chaines de valeur sont de
plus en plus fragmentées, les containers
deviennent un vecteur de développement
incontournable. Cette intégration de nos
territoires dans les corridors logistiques
internationaux est un enjeu considérable
qui doit être une des toutes premières
inspirations de nos réformes territoriales.
La deuxième orientation est celle
des technologies et de l’intelligence
économique. Notre commerce extérieur
dépend directement de la visibilité de
notre offre et de notre influence sur les
Il est urgent que notre politique de
promotion investisse ce nouveau monde
et propose à nos entrepreneurs les outils
individuels ou collectifs qui les aideront
à porter l’offre française sur le marché
mondial.
La troisième orientation concerne le
rayonnement français. Il y a deux ans,
j’ai proposé que la France soit à nouveau
candidate à l’accueil d’une grande exposition universelle. Ce projet, déjà soutenu
par de nombreuses grandes entreprises
françaises, va faire l’objet d’une mission
d’information parlementaire. En 1900,
l’exposition universelle organisée à Paris a attiré 53 millions de
visiteurs (80 millions à Shanghai
Des mesures doivent
en 2010). Ces grands événements
être prises sur l’engagement
ont qualifié une partie de notre
économie du XXe siècle car ils ont
des régions ou la réforme
stimulé l’audace créatrice de nos
de nos outils institutionnels
entreprises. Il est essentiel que la
d’accompagnement
France retrouve cette dynamique
collective de développement et
nouveaux vecteurs d’information. L’achat
qu’elle y associe les jeunes générations.
en ligne touche un nombre croissant de
C’est une des principales conditions de
produits et de services et transcende
notre croissance dans le nouveau paralargement nos frontières traditionnelles.
digme mondial.
Fusion d’Ubifrance et de l’AFII : une agence
au service de la compétitivité du territoire ?
Rationaliser les outils de soutien à l’exportation et d’attractivité du territoire français : une évolution
au menu de l’entreprise de modernisation de l’action publique, mais dont les contours restent à définir.
L e 26 juin dernier, Alain Bentejac et
Jacques Desponts ont remis à Nicole
Bricq, ministre du Commerce extérieur, un rapport sur l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation
des entreprises. Y sont consignées 21 propositions visant à « mobiliser les acteurs,
renforcer la lisibilité et l’accessibilité du
dispositif pour les entreprises, simplifier
et améliorer l’offre de service ». Avec, au
premier rang de ces propositions, la fusion
d’Ubifrance et de l’Agence française
pour les investissements internationaux
(AFII) sous une marque commune, France
International. Objectif de l’opération :
rationaliser les dispositifs de soutien à
l’internationalisation de l’économie française et leur donner davantage de lisibilité. La méthode proposée consistait en
la transformation d’Ubifrance en société
anonyme, à laquelle serait intégrée l’AFII.
Pour rappel, Ubifrance assure un soutien
aux entreprises exportatrices, tandis que
l’AFII promeut le territoire français afin
d’attirer les investissements étrangers
directs. La première agence se trouve sous
la cotutelle du ministère de l’Économie
et du ministère du Commerce extérieur,
tandis que la seconde est pilotée par Bercy
et le ministère de l’Aménagement du territoire. Une gouvernance partagée qui ne
favorise pas la fusion. En effet, si Nicole
Bricq s’est positionnée en faveur d’un
FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
Ubifrance, un réseau mondial au service de l’export.
© Stéphane Audras / REA
rapprochement le plus complet possible,
au service d’une cohérence de fond entre
les activités d’exportation et d’attractivité,
le Quai d’Orsay y reste peu favorable au
nom d’une différence trop importante
entre ces deux structures et les métiers
qui y sont pratiqués.
La création du label France International
reste donc au menu de la modernisation de
l’action publique, a fortiori après le « choc
de simplification » demandé par François
Hollande lors de sa conférence de presse
du 15 janvier 2014. Toutefois, la nature
de l’évolution de ces deux agences, entre
« rapprochement » et « fusion », n’a pas
été tranchée.
À noter que, dans un même souci de
rationalisation, plusieurs pays européens
ont uni leurs actions de soutien à l’export
et d’attractivité sous les labels Germany
Trade & Invest en Allemagne, UKTI au
Royaume-Uni et Enterprise Ireland en
Irlande.
AP
Nous apprenons au moment du bouclage de ce numéro que la fusion complète
Ubifrance-AFII au sein d’une même entité aura bien lieu. La nouvelle agence
sera toutefois placée sous cotutelle de Bercy et du Quai d’Orsay.
Les régions parties
prenantes
Le rapport sur l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation
des entreprises, remis par Alain Bentejac et Jacques Desponts à la ministre
du Commerce extérieur Nicole Bricq,
aborde également la question du rôle
des régions dans la compétitivité de
la France à l’international. Celles-ci se
voyaient en effet confier le rôle de chef
de file de « l’internationalisation » dans
les territoires par les premières moutures
des projets de loi de décentralisation, au
travers notamment du nouveau schéma
de développement économique, appelé
à devenir le schéma régional de développement économique, d’innovation
et d’inter­n ationalisation (SRDE2I). Le
rapport préconise ainsi le « rapprochement entre France International et les
agences régionales de développement
économique (…). L’agence France International pourrait devenir l’opérateur privilégié des régions, dans le cadre d’un
mécanisme de contractualisation de leurs
relations. Enfin, les régions pourraient
entrer au capital de la nouvelle agence. »
160
AFII :
et
collaborateurs
27 bureaux à l’étranger
Ubifrance :
1 400
dans
70 pays
collaborateurs
Selon les Douanes, la France
compte 119 203 entreprises
exportatrices en 2012, sur
3 millions d’entreprises recensées.
13
DOSSIER
Professionnaliser l’action économique territoriale
Depuis l’accélération des mutations économiques, les territoires sont contraints de redéfinir des modes
coopératifs d’analyse, d’anticipation et d’action à des échelles de bassins d’emploi. Pour Aradel,
la logique des flux modifie les limites de l’action économique territoriale et conduit les développeurs
à se positionner sur de nouvelles expertises et des compétences multiples.
D’
© CLED12 / Aradel
un statut de réceptacle passif
d’investissements sur des zones
d’activités, les territoires doivent
passer à un rôle plus actif d’incubateurs de
projets collaboratifs. Animateur, facilitateur, le développeur économique territorial ne peut se passer de l’implication des
chefs d’entreprise dans les territoires. Pour
Claudine Pilton, directrice d’Aradel, l’association des professionnels du développement économique local de Rhône-Alpes,
« il faut faire en sorte que les entrepreneurs aient une vision du territoire pour
qu’ils puissent s’impliquer dans le développement économique local ». L’analyse
par les moteurs du développement territorial (développée par Laurent Davezies)
offre ainsi une grille de lecture compréhensible à la fois pour les élus et pour les
entrepreneurs : la captation des flux de
revenus et leurs effets d’entraînement
sur l’emploi local (aller trouver des entrepreneurs qui investissent ou des business
angels fortement ancrés localement, par
exemple). Cette échelle du bassin d’emploi
permet de dépasser les périmètres institutionnels des intercommunalités.
Stratégies de spécification
territoriaux, les stratégies économiques
gagneront à privilégier des logiques de
diversification, de spécialisation ou de
spécification.
Ce dernier registre d’intervention ne
consiste pas à exceller dans une technologie donnée, mais à assembler des
compétences complémentaires à celles
localisées dans son territoire. Passer d’une
filière à un marché, s’insérer dans des
dynamiques de filières interterritoriales
pour trouver de nouvelles complémentarités et de nouveaux débouchés : voici
le défi posé à certains clusters. C’est par
exemple le cas de la « vallée du bijou »
(communautés des Boutières et du Pays
de Cheylard en Ardèche) qui s’allie avec le
Pays de Romans (Drôme) pour « monter
Pour apporter aux élus locaux une aide à
la décision politique, les développeurs sont
invités à constituer des équipes aux compétences polyvalentes. Multipartenariales,
elles gagnent à associer élus, chefs d’entreprise, professionnels du tourisme,
créateurs, universitaires. « Beaucoup de
développeurs passent 80 % de leur temps
sur des procédures et 20 % sur de
l’animation. Si l’on veut faire
Le développeur
évoluer le métier, ce rapport
devrait être inversé », plaide économique territorial ne peut
Claudine Pilton.
se passer de l’implication
L’étude conduite en 2012 par
Denis Carré et Nadine Levratto des chefs d’entreprise
pour l’AdCF et la Caisse des
dépôts, intitulée Les entreprises du
en gamme » (cuir et bijou) au sein du tersecteur compétitif dans les territoires,
ritoire Valence Drôme Ardèche Centre
avait mis en évidence les détermi(Valdac).
nants territoriaux de la croissance
des entreprises, indépendamment
Pour une nouvelle connectique
des effets structurels liés au portedes territoires
feuille d’activité. Le « local » est un
De telles stratégies de « spécification »
niveau d’intervention à part entière :
nécessitent indéniablement une proc’est une « variable » de décision et
fessionnalisation des acteurs du déved’action. Mais selon les contextes
loppement économique territorial. Les
Intercommunalités et clusters :
pour un accompagnement gagnant
Crise économique et financière, nouvelles contraintes budgétaires et réglementaires
nationales… autant de paramètres qui ont contraint les clusters à diversifier, depuis
plusieurs années, leurs stratégies partenariales publiques. Dans le même temps,
les agglomérations sont de plus en plus motivées pour se positionner sur une image
d’excellence productive et sur des filières d’avenir, afin de pérenniser les activités sur leur
territoire, faire de l’attractivité territoriale et développer l’implantation d’entreprises.
L es politiques publiques nationales et européennes de soutien
aux clusters ont connu, ces dernières années, des évolutions. On
observe ainsi une diminution du
soutien direct au fonctionnement
et à la structuration des organisations de clusters. Dans le même
temps, l’appui public passe de plus
en plus par le financement de projets
basés sur des thématiques clés pour
les entreprises (design, commercialisation, export, business et groupement de PME…), incitant les clusters
à se positionner sur ces opérations
ciblées.
Face à la nécessité de réviser leur
stratégie partenariale, les clusters
trouvent donc les leviers d’accompagnement de leur structuration à
l’échelle des territoires. Les régions
renforcent leur position d’appui de
ces réseaux en adoptant des politiques affirmées de soutien (clusters
économiques rhônalpins, PRIDES
en PACA, pôles d’excellence économique régionaux dans le NordPas-de-Calais, clusters d’excellence
auvergnats…).
Dans la même lignée, on observe
également l’engagement renforcé
des intercommunalités.
Les intercommunalités
en soutien aux clusters
Avant 2010, le soutien des intercommunalités était plus diffus : celles-ci
intervenaient sur l’environnement
des filières structurées en clusters, à
travers une politique d’aménagement
de l’espace. Depuis trois ans, une
montée en puissance de leurs contributions directes s’est manifestée
dans l’appui et le développement des
clusters. Ces participations prennent
des formes diverses : financière (cotisations ou subventions au développement des réseaux d’entreprises et
à leurs projets de filières), logistique
et humaine (mise à disposition de
personnel, mutualisation ou prêt de
matériels, prêt de locaux…) ou autres
(aide à la communication, mise en
place de relation conseil, lobbying et
soutien politique des élus de l’intercommunalité au développement de
la filière et aux projets du cluster…).
Ponctuellement, les intercommunalités proposent également un
nouveau type d’appui : la mutualisation de services et moyens humains
entre clusters (postes, locaux et fonctions supports partagés…).
Xavier Roy, délégué général
de France Clusters
La vallée du bijou, 2e pôle industriel
de l’Ardèche. / © Laurent Cerino / REA
développeurs économiques doivent donc
avoir « une capacité à sortir du territoire »,
insiste Claudine Pilton. Aradel a ainsi
engagé en 2012 une réflexion pour élaborer une « nouvelle connectique de l’action
économique des territoires » de RhôneAlpes, région connue pour ses contrats
de développement à l’échelle des bassins
d’emploi. « Le métier va bouger, mais il
faut laisser la place à l’expérimentation
locale plutôt qu’à des visions descendantes
schématiques. » C’est tout l’enjeu de la
nouvelle génération des schémas régionaux de développement économique,
d’innovation et d’internationalisation :
assurer une coproduction et une territorialisation des stratégies de développement
économique.
Olivier Crépin
Fin 2012, France Clusters a mené une enquête rapide
auprès de ses 150 membres (pôles de compétitivité,
grappes d’entreprises et clusters régionaux) sur le
type de soutien qu’ils reçoivent de leur communauté.
79
 %
des répondants déclarent
recevoir un soutien
financier annuel direct
de l’intercommunalité
pour leur structure ou leurs projets.
74
 %
déclarent recevoir
un soutien logistique
de l’intercommunalité
(soutien humain : 21 %,
soutien matériel : 33 %, autres : 21 %).
Types de contributions des intercommunalités
100 %
75 %
50 %
25 %
0%
Sou tien
fina nci er
Sou tien
hum ain
Sou tien
ma téri el
Aut re
sou tien
www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
14
DOSSIER
trib
une
COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES
Vincent Pacini
Consultant à La Clé Proactive, professeur associé au Conservatoire national des arts et métiers
© DR
Trois leviers pour simplifier le passage
entre le « voir » et le « faire »
M Comment renouveler les pratiques de développement local ? Vincent Pacini s’appuie sur ses expériences
au sein des territoires pour détailler les différents leviers qui permettent de passer de l’observation à l’action.
algré un effort important, au début
des années 1990, pour renouveler
les pratiques en matière d’ingénierie territoriale, les difficultés persistent et
les contraintes pour concevoir et piloter
des démarches qui permettent un passage
plus aisé entre le « voir » et le « faire »
restent fortes. Les réflexions publiées, le
plus souvent sous la forme de rapports, ne
sont pas des manuels de mise en œuvre
de l’action collective sur un territoire.
Des expériences, appuyées sur le concept
d’apprentissage organisationnel (manière
dont les individus, les groupes et l’entreprise dans son ensemble développent
des processus d’apprentissage et créent
des connaissances nouvelles), mettent en
lumière trois leviers phares pour faciliter
le passage à l’acte des acteurs.
Interroger les représentations
des acteurs
Les représentations constituent des
repères sur la manière dont les participants
d’une démarche perçoivent le monde à un
moment donné. Interroger, par des ateliers de prospectives, interviews, questionnaires…, les représentations des acteurs
sur ce qui est important pour leur stratégie de développement, leurs marges de
manœuvre sur l’environnement et l’action
et ce qui n’est pas maîtrisé, constitue un
outil de diagnostic et d’évaluation fondamental pour mesurer l’écart entre
connaissances acquises et connaissances
à acquérir pour le besoin de l’action.
Mettre l’action des acteurs
au centre de la production
des connaissances
Les travaux de Gregory Bateson, de l’école
de pensée de Palo Alto, et de Herbert
Simon confirment que l’action de faire
ensemble (et pas seulement de réfléchir)
est plus que jamais une façon de comprendre. C’est un processus d’apprentissage qui peut conduire à ajuster les
intentions des acteurs aux possibilités
d’action. Faire ensemble devient une inspiration nécessaire pour la réflexion, pour
l’expression différente des idées et une
meilleure compréhension des difficultés.
Les transformations sont aussi le fruit de
situations éprouvées par les acteurs d’un
territoire.
Différencier contenu et processus
déployé par Aradel en région RhôneAlpes. Elle montre qu’un changement
de représentation s’accompagne d’un
dialogue renouvelé entre les élus et les
entrepreneurs d’un territoire et débouche
sur de nouvelles actions. Ainsi le territoire
du Pays du Mont-Blanc a constitué un
groupe d’acteurs composé d’élus, de chefs
d’entreprise (dont l’entreprise Quechua,
moteur du projet), de consulaires et de
La réussite de ces approches dépend en
grande partie de l’articulation entre
les contenus et les processus qui sont
nécessaires pour ajuster les logiques
L’action de faire
de réflexion, de décision et d’action
des acteurs d’un territoire. Trois ensemble est plus que jamais
types de productions en résultent : une façon de comprendre
des contenus pour identifier les problématiques clés, des contenus pour
comprendre où se situent les marges de
responsables associatifs pour se lancer
manœuvre des acteurs et des contenus
dans la création du Pôle Mont-Blanc
nécessaires pour s’organiser et piloter.
Innovation : plateforme public-privé de
Cette approche a été appliquée dans le
recherche et développement qui a pour
cadre du dispositif Institut du mana­
finalité principale le développement des
gement des pratiques locales (IMPL)
activités productives du territoire.
PÔLE SUD ARCHER, ROMANS-SUR-ISÈRE (DRÔME)
PTCE : acteurs de l’ESS et acteurs publics
au service du territoire
Derniers nés en matière de réseaux d’entreprises, les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) doivent promouvoir
un développement équilibré du territoire par des partenariats entre acteurs privés et publics au nom de l’économie solidaire.
Exemple à Romans-sur-Isère, avec Pôle Sud Archer.
F avoriser la mise en synergie d’acteurs
et le développement d’un territoire en
réunissant des entreprises et en associant la puissance publique, le tout sous
le sceau de l’économie sociale et solidaire
(ESS) ? C’est le défi qu’a choisi de relever
Pôle Sud Archer, un pôle territorial de coopération économique (PTCE) implanté à
Romans-sur-Isère. Consacrés dans un
volet du projet de loi ESS actuellement en
débat au Parlement, les PTCE constituent
le pendant des pôles de compétitivité
dans le domaine de l’ESS. Avec toutefois
quelques spécificités : « Beaucoup de
pôles de compétitivité ont une structuration verticale et sont spécialisés dans un
domaine, explique Christophe Chevallier,
PDG d’Archer, porteur du pôle. Les PTCE
ont une structuration très horizontale : on
y retrouve toutes sortes d’entreprises. »
À Romans, ce sont ainsi 70 entreprises,
soit 4 000 salariés, qui travaillent ensemble
au sein du pôle. Objectif : échanger et
trouver des réponses mutualisées à des
besoins communs. Au nombre des réalisations : une centrale d’achat, des services
communs, une crèche interentreprises,
des visites d’entreprises… Ce tissu de PME
soudées participe également au renforcement du tissu économique local, aux côtés
des acteurs publics.
FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
L’interco comme partenaire
Une dimension locale qui accorde ainsi
une place importante à la puissance
publique, avec la communauté de communes du Pays de Romans comme interlocuteur privilégié. Pour Christophe
Chevallier, « c’est très important que la
collectivité soit là, non pas pour qu’elle
prenne la main, mais pour qu’elle participe à la vie de ce mouvement ». Partie
prenante, le service économique de l’intercommunalité co-anime, aux côtés du
groupe Archer, l’association qui gère le
PTCE. « Ce dialogue fonctionne car la
relation est équilibrée. Les entreprises ne
se placent pas dans une position attentiste
ou négative, et la collectivité nous prend
en compte dans ses politiques. » Si les
chefs d’entreprise dialoguent largement
avec la communauté, la région se révèle
être un partenaire privilégié pour le pôle
lui-même, notamment en matière d’animation économique.
S’adapter à un périmètre mouvant
L’évolution du périmètre de la communauté pèsera-t-il sur ce partenariat entre
acteurs publics et économiques ? Depuis
le 1er janvier 2014, le territoire appartient
en effet à la communauté d’agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes
Arcoop, autre pôle du groupe Archer, accompagne les créateurs ou repreneurs d’entreprise
dans leur projet de création d’activité. / © DR
et s’étend sur un bassin de vie beaucoup
plus large. « Trop large pour nous, chefs
d’entreprise, pour ­– en tout cas à l’heure
actuelle – créer des identités de bassin
et pour que les gens s’y reconnaissent »,
analyse le PDG d’Archer. Un travail d’anticipation de la fusion a toutefois été mené
par le pôle. Stratégie envisagée : repérer,
dans cette grande agglomération, trois
zones marquées par une vraie identité de
territoire, et assurer une animation économique de chacune de ces zones en lien
avec l’agglo, tout en mutualisant un back
office afin de faire des économies.
« Ce travail en réseau ressemble finalement beaucoup à une réponse à la
problématique de développement
durable, conclut Christophe Chevallier.
Nous encourageons les circuits courts,
nous privilégions le dialogue à la concurrence sauvage… Et notre partenariat
avec la collectivité nous assure une
vraie économie citoyenne : responsable
et équilibrée, et qui laisse de la place à
l’entrepreneur. »
Un modèle de développement adoubé par
le gouvernement : le 10 janvier dernier,
23 projets ont été sélectionnés parmi les
180 répondants à l’appel « PTCE » de
juillet 2013. Ils se partageront, sur trois
ans, une enveloppe de 3 millions d’euros.
AP
DOSSIER
15
Appuyer la stratégie économique régionale
sur une animation de proximité
Le gouvernement devrait examiner, au début du mois d’avril, le nouveau texte de décentralisation annoncé par le chef de l’État lors de sa
conférence de presse de janvier. Reprenant pour partie les dispositions des projets de loi initiaux, ce texte visera à conforter les responsabilités
des régions en matière de développement économique, de formation professionnelle et, sans doute, de coordination des politiques de l’emploi.
S’
il est aujourd’hui difficile de ne
une économie de l’innovation qui accélère
pas souscrire à l’objectif de clasans cesse les cycles d’investissement et
rification des compétences en
la recomposition permanente du tissu
matière de développement économique et
productif, promouvoir ces coopérations
de politiques de l’emploi, il sera au demeuet les conforter devient l’enjeu du moment.
rant nécessaire de piloter ce
chantier avec pragmatisme.
L’intervention régionale
Le rôle indispensable de coordination des régions dans le directe montrera ses limites si elle
financement des entreprises
n’épuise pas le sujet du déve- n’est pas adossée à une animation
loppement économique, loin économique de proximité
s’en faut. Les régions reconnaissent d’ailleurs elles-mêmes que la
En ce domaine, l’État et les collectivités
réponse aux besoins quotidiens (réseaux,
ont déjà beaucoup investi ces dernières
transports, déchets…) des établissements
années, la politique des pôles de compéconstitue bien davantage la mission pretitivité constituant le navire amiral, sans
mière et historique des intercommunadoute en recherche d’un nouveau souffle,
lités. L’ancienne distinction entre aides
d’une flotte d’initiatives. À leur échelle,
directes et aides indirectes trace assez
sans prétendre détenir un quelconque rôle
bien, de fait, la ligne de partage des comexclusif, les communautés ont démultiplié
pétences régionales et intercommunales.
leurs soutiens à ces grappes d’entreprises.
Beaucoup ont accompagné les premiers
pas d’un pôle de compétitivité, financé
une plateforme technologique, amorcé la
mise en réseau via leurs équipes d’animation économique.
Une compétence régionale
non exclusive
De fait, si la pertinence du cadre régional
pour assurer la cohérence des soutiens
publics à des dynamiques de ce type
semble peu discutable, il serait contreproductif de concevoir une compétence
exclusive des régions. Les stratégies
régionales de développement économique et d’innovation (SRDEI), dont le
futur projet de loi de décentralisation
devrait conforter la valeur prescriptive,
ne pourront ni tout dire ni tout prévoir.
L’intervention régionale directe, à
Mais une vaste zone intermédiaire
demeure entre ces « cœurs de métiers »
respectifs : celle des soutiens multiformes
aux coopérations interentreprises et aux
partenariats entreprises-universités. Dans
© Shutterstock
/ Epiceum
Encourager les projets
collaboratifs
distance du terrain, montrera ses limites
si elle n’est pas adossée à une animation
économique de proximité. C’est davantage en direction d’un cadre contractualisé, ordonnant l’action de chacun à une
stratégie régionale cohérente, qu’il faudrait progresser.
Vers des schémas stratégiques
et prescriptifs
Les futurs SRDE2I1 gagneraient de fait à
être repensés en documents plus stratégiques servant à clarifier l’intervention de
chacun, articuler et mutualiser les missions d’animation des différentes agences
de développement, mettre en place des dispositifs d’interlocuteurs ou de « guichets »
uniques pour les entreprises. Ces SRDE2I
de deuxième génération mériteraient en
outre d’être beaucoup plus territorialisés.
Une analyse des potentiels productifs des
différents bassins d’emploi, des forces et
faiblesses de leurs tissus d’activité permettrait également de mieux mobiliser
l’ensemble des acteurs publics et privés
dans des directions convergentes.
Nicolas Portier
1- SRDE2I : schémas régionaux de
développement économique, d’innovation
et d’internationalisation.
Claude Gewerc
view Président de la région Picardie, président de la commission développement économique
de l’Association des régions de France (ARF)
© DR
« La région est le bon échelon pour jouer un rôle d’ensemblier
dans le champ du développement économique »
À la veille d’un second projet de loi de décentralisation faisant la part belle au rôle des régions dans l’organisation
territoriale et administrative française, Claude Gewerc, président de la région Picardie, plaide pour un développement
économique structuré à l’échelle régionale.
Quel rôle de coordination et d’appui
leur mise en œuvre. L’exemple des pôles
les régions peuvent-elles assurer
de compétitivité, labellisés sur l’ensemble
dans l’animation des réseaux
d’une région – voire plusieurs régions –
d’entreprises, clusters et pôles
pour développer un secteur grâce à la
de compétitivité ?
proximité géographique mais avec une
Un consensus s’établit quant au fait que
masse critique suffisante, faisant appel
la région est le bon échelon pour jouer
à toutes les compétences du territoire,
un rôle d’ensemblier dans le champ du
l’illustre parfaitement.
développement économique. C’est à cette
échelle que peuvent s’établir des stratégies
La constitution de ces réseaux serapartagées qui rassemblent tous les acteurs
t-elle au cœur des SRDE/stratégies
de l’économie (entreprises, organismes
régionales d’innovation ou de recherche, financeurs, partenaires
des futurs SRDE2I ?
sociaux, etc.) pour assurer le continuum
Bien sûr. Les régions se sont en effet pleide la recherche au marché, en passant par
nement reconnues dans l’émergence des
la formation, l’orientation et l’emploi.
Les régions se sont pleinement
L’une des vocations
de la région est ainsi reconnues dans l’émergence des pôles
d’établir, en concertation avec l’État et de compétitivité ou des grappes
les autres collectivités, d’entreprises
des stratégies économiques et industrielles – sectorielles ou
pôles de compétitivité ou des grappes
de filières – et des stratégies d’innovation,
d’entreprises, formés à partir des atouts
et les clusters sont un excellent levier de
et des initiatives des territoires. C’est au
travers de ces réseaux que se créent des
convergences, des relations de confiance,
des innovations et des projets collectifs,
des aventures partagées qui, identifiant les
besoins et les opportunités, unissent entrepreneurs, financiers, décideurs et citoyens.
En cohérence avec leurs stratégies, les
régions se sont mobilisées de longue date
dans l’appui au développement de clusters, véritables écosystèmes de croissance.
Alors qu’elles achèvent, dans le cadre de
la programmation des fonds européens,
leurs stratégies d’innovation dites « de
spécialisation intelligente », elles ont
naturellement placé les clusters au cœur
de leur réflexion et les ont pleinement
associés à l’exercice.
Quelles collaborations seraient
possibles entre les régions et
les intercos pour accompagner la
structuration et le dynamisme de ces
réseaux ? Quel partage des rôles ?
Il faut impérativement veiller à la continuité territoriale de l’action de développement économique, depuis les
territoires ruraux jusqu’aux plus urbains
où l’on trouve justement une concentration importante d’entreprises et de laboratoires qui pourraient irriguer l’ensemble
du territoire régional. C’est bien la mise
en synergie entre les territoires métropolitains et l’ensemble de la région qui
permettra l’égalité des territoires et leur
développement cohérent.
Dans un esprit de clarification et d’efficience de l’action publique, il est souhaitable que les compétences soient dévolues
au niveau où elles peuvent le mieux être
exercées. Ainsi schématiquement, aux
régions, on confierait notamment l’établissement de stratégies concertées, le
financement des entreprises et l’allocation des aides, le transfert de technologies
et l’appui à l’innovation, l’animation de
filières régionales, l’appui à l’exportation,
tandis que les métropoles et les intercommunalités prendraient en charge l’action
de proximité, le développement de zones
d’activités, les infrastructures liées au parcours résidentiel de l’entreprise, etc.
Propos recueillis par Apolline Prêtre
www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014