100 jours pour réussir - Association des Centraliens
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100 jours pour réussir - Association des Centraliens
Cent jours pour réussir Le point de vue des Dirigeants Préambule La question des cent premiers jours d’exercice, pour un dirigeant qui arrive dans une entreprise en vue de la rénover ou de la redresser, trouve toute son acuité dans le cas du Management de Transition. Les missions assurées par les intervenants et les conseillers qui les pilotent s’effectuent dans des délais exigeants ; en vue d’objectifs précis et ambitieux ; souvent dans des situations critiques. Nous avons voulu tirer les leçons de dix-huit ans de terrain à travers un atelier interne de réflexion sur les “100 Jours”. Il nous a semblé que notre pratique professionnelle, pour extrême qu’elle soit parfois, n’en comportait pas moins de nombreux enseignements directement utilisables dans le cadre d’une prise de fonctions plus traditionnelle. Les grands enjeux qui s’en dégagent, et les réflexes qu’elles exigent, peuvent profiter à tout le monde. Pour élargir cette réflexion, nous avons rencontré des dirigeants opérationnels confirmés, exerçant à des niveaux de direction générale ou de direction de division au sein de grands groupes. Dans des contextes et avec des styles différents, tous ces hommes ont su conduire avec succès des opérations de transformation ou de redressement décisives, parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Il s’agit de Raymond BERT, Thomas BITTNER, Sven BOINET, Jean-Paul BRAYER, Philippe CITERNE, Jean-Pierre CLAMADIEU, Philippe COMBES, Pierre CREAU, Rémi DESCOSSE, Pierre ENSCH, Luc FÉCHANT, Michel GALIANA-MINGOT, Jean-Paul GIRAUD, Éric GIULY, Paul HOLDERITH, Jean-Claude JACOMIN, Jean-Lucien LAMY, Philippe LAZARE, Franck LECOQ, Bernard LEMOINE, Guy MAUGIS, Jean-Charles PAUZE, Bruno ROQUEPLO, Gilles TALDU, François TERREN et Jérôme TOLOT. Ces décideurs ont enrichi notre premier travail par leur propre vision sur les 100 Jours. Ensemble, nous avons dégagé sept clés effectives de changement durant cette période, et identifié leurs principales composantes. Nous avons demandé à nos interlocuteurs d’évaluer chacun de ces éléments, tant en termes d’importance que de difficulté. Leurs avis se révèlent largement concordants, comme l’illustrent les tableaux statistiques que nous avons tirés de ce sondage, et qui ouvrent chaque chapitre. 1 EIM - Les 100 jours Si ces évaluations constituent le fil rouge de notre argumentaire, nous avons préféré organiser notre propos selon un axe méthodologique. Plutôt que d’aller de l’essentiel à l’accessoire, nous brosserons un « scénario » de la période-type des 100 Jours, depuis les débuts jusqu’à la conclusion, en revenant chaque fois sur les points décisifs et sur leur difficulté relative. Notre plan recoupera donc les différentes « étapes » de cette période, bien qu’il y ait des exceptions — certains domaines d’action se révélant décisifs tout du long. Nous illustrons enfin notre propos par quelques citations « verbatim » tirées de nos entretiens. Elles disent les choses mieux que nous ne saurions le faire et montrent la qualité des contributions dont nous avons pu bénéficier. Toutefois les rapprochements et analyses que nous en tirons sont les nôtres et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de tous. Voilà donc les pistes de travail qu’on trouvera dans ces pages. Elles ne représentent qu’une première étape dans la synthèse que nous avons engagée : nous espérons susciter de nouvelles interventions qui puissent enrichir le débat. EIM entend poursuivre sa réflexion sur cette problématique décisive qui, loin d’être exclusive au Management de Transition, demeure néanmoins au cœur de notre métier. Les Associés d’EIM France, octobre 2006. 2 EIM - Les 100 jours Sommaire Page 01 Préambule Page 04 Introduction Page 06 CLE N°1 : MAITRISER LE CHAMP DES OPERATIONS. Page 10 CLE N°2 : ETABLIR SES APPUIS. Page 14 CLE N°3 : ENGAGER LES PREMIERES MESURES. Page 19 CLE N°4 : CONTROLER ET MESURER LES ACTIONS. Page 23 CLE N°5 : ADAPTER LES STRUCTURES. Page 28 CLE N°6 : COMMUNIQUER SANS CESSE. Page 33 CLÉ N°7 : ASSEOIR SON LEADERSHIP. Page 37 Conclusion EIM - Les 100 jours 3 Introduction Le monde de l’entreprise change, et de plus en plus vite. En dix ans, la globalisation des échanges, l’accroissement de la concurrence mondiale et les mouvements de concentration sectorielle ont remodelé de fond en comble le visage et le territoire des sociétés françaises. Redéploiements, inflexions stratégiques, changements de périmètre ou d’actionnariat se multiplient, provoquant une rotation accélérée du management. Dans la carrière d’un dirigeant opérationnel, une situation autrefois exceptionnelle tend à devenir la norme : une prise de fonctions dans un contexte plus ou moins critique, réclamant une réaction énergique. Comment cerner les enjeux, redresser la barre sans délai et imposer sa marque ? d’exercice : si l’on n’est pas parvenu à marquer son territoire au bout de 100 Jours, l’échec est assuré. « Si l'on avait raté le coche dans cette période initiale, la suite aurait été très compliquée. L'atteinte des objectifs à court terme a permis de restaurer la confiance et la dynamique dans l'entreprise. » Les changements de fond ne se décident pas du jour au lendemain ; leur mise en œuvre ne s’étale pas sur des mois, mais souvent sur des années. Il faut néanmoins une impulsion initiale pour lancer une dynamique, lui imprimer de l’élan — et rendre possible, à plus long terme, de vraies réformes. Cette mise en place indispensable se jouera durant la période décisive des 100 Jours, et pas au-delà. LES HOMMES, LE TEMPS. Cette problématique est aussi celle du Management de Transition. Dans notre expérience, pour réussir une mission de changement dans un délai serré (typiquement, de neuf à dixhuit mois), il existe deux éléments prépondérants à surveiller sans cesse : les hommes et le temps. Pas de succès possible sans adhésion collective ; et le changement, au départ, n’est porté que par un seul. D’où le rôle décisif du dirigeant : il lui faudra un bagage opérationnel solide ; de la stature ; les bons réflexes. Le succès se jouera pour beaucoup sur son « fit » général avec le problème, car une situation particulière appelle un profil particulier : 4 Dans cet ouvrage, nous nous consacrons à ce parcours de « demi-fond » où le dirigeant doit trouver ses marques ; asseoir sa crédibilité ; s’imposer comme moteur de changement et insuffler les conditions de la réussite. SEPT CLES POUR CHANGER. « Ce qui compte, c’est de bien comprendre le problème en amont — et de choisir ensuite le manager adapté. » Il n’y a pas de recette toute faite pour réussir les 100 Jours. D’une part, il faut pouvoir s’adapter à chaque situation ; d’autre part, le mode d’action dépendra pour beaucoup du flair et du style personnel de chaque dirigeant. Pourtant quelques principes généraux, bonnes pratiques et règles de bon sens se dégagent des entretiens que nous avons animés. Nous les avons regroupés en sept clés de changement. L’autre facteur décisif, c’est le temps. L’état de grâce ne durera pas. Pour le nouveau venu résolu à faire bouger les choses, il existe une « fenêtre d’opportunité » qui se révèle largement indépendante de la situation concrète (cela tient à l’inertie naturelle des organisations). Cette fenêtre correspond à peu près aux vingt premières semaines • La clé n°1 : maîtriser le champ des opérations, décrit l’évaluation initiale de la situation : comprendre les enjeux, les organisations et les hommes. Il est indispensable de se faire une idée de ces éléments-clés dès les premières semaines. Cela suppose de savoir aller à l’essentiel, sans rechercher l’exhaustivité. EIM - Les 100 jours • La clé n°2 : établir ses appuis, porte sur les premières décisions concernant les hommes. Le dirigeant aura besoin de relais pour mener les actions nécessaires. Le choix d’une équipe rapprochée revêt une importance décisive : sans bouleverser les structures en place, il faut verrouiller les postes-clés tout en sachant éliminer les facteurs de blocage. • La clé n°6 : communiquer sans cesse, revient en détail sur ce levier crucial. Il s’agit pour l’essentiel d’une communication de proximité, pragmatique et directe, plutôt que d’une communication institutionnelle. Le dirigeant devra trouver le juste équilibre entre rassurer et dynamiser les hommes. • La clé n°3 : engager les premières mesures, se joue dès le premier mois. Au-delà d’un impact financier immédiat — qui peut être une question de survie — les « early wins » contribueront à mobiliser les équipes. Ces mesures déboucheront sur l’annonce d’un plan de marche explicite. Une fois ce plan défini, l’impulsion de changement devra se trouver relayée dans le temps, les mesures d’urgence débouchant sur des changements à moyen, voire à long terme. Cette dynamique s’étend en gros sur le deuxième et le troisième mois : elle implique une attention soutenue à quelques grands indicateurs éclairants, l’évaluation des résultats et des hommes, l’adaptation progressive des structures. • La clé n°7 : asseoir son leadership, rassemble les conditions sous lesquelles le dirigeant établira son pouvoir, sa crédibilité personnelle, et saura trouver l’adhésion collective pour réussir le pari du changement. Même si le leadership se bâtit dans la durée, sur l’ensemble des actions engagées par le dirigeant et des résultats obtenus, il existe quelques éléments à surveiller tout particulièrement. • La clé n°4 : contrôler et mesurer les actions, rappelle qu’ on ne peut pas avancer sans outils fiables de mesure. Mais dans le délai des 100 Jours, il n’y a pas le temps de bâtir des systèmes de reporting sophistiqués. Le dirigeant privilégiera le bon sens en concentrant ses efforts sur quelques indicateurs simples, parlants et aisément communicables. Au-delà de ce reporting, il s’agira aussi d’instaurer le suivi rapproché des plans d’action et de mettre l’entreprise sous tension. • La clé n°5 : adapter les structures, se penche sur l’aménagement nécessaire de l’organisation, de ses systèmes d’information et de pilotage RH. Il faudra le faire de façon très progressive et pragmatique, sans se tromper de priorité : certaines mesures, plus délicates, devront être reportées à plus longue échéance. Deux domaines, enfin, révèlent leur importance décisive tout au long de la dynamique des 100 Jours. Ces sept clés de changement font chacune l’objet d’un chapitre. A chaque fois, nous discuterons les enjeux principaux mis en lumière par nos interlocuteurs, en nous efforçant d’en tirer des recommandations concrètes. Les tableaux en début de chapitre inventorient pour chaque clé un certain nombre de sous-domaines. Nous avons recueilli l’évaluation de nos interlocuteurs sur chacun de ces points, en les interrogeant à la fois sur ce qui leur semblait le plus important et sur la difficulté relative de chaque tâche. Le classement que nous présentons fait la synthèse de leurs réponses : sur l’axe vertical, le plus important (selon une échelle de 1 à 10, 10 représentant la priorité la plus forte) ; sur l’axe horizontal, le degré de difficulté. Le positionnement des sous-domaines sur chaque graphique offre un reflet fidèle des préoccupations qui animent les dirigeants opérationnels. EIM - Les 100 jours 5 CLE N°1 : MAITRISER LE CHAMP DES OPERATIONS. MAITRISER LE CHAMP DES OPÉRATIONS Importance 10 9 COMPRENDRE LA SITUATION IDENTIFIER LES PARTENAIRES- CLÉS 8 BALISER LES GRANDS RISQUES H I : HOMMES, STRUCTURES… COMPRENDRE L'HISTOIRE DÉTECTER LES RÉSEAUX D'INFLUENCE 7 6 5 E S OFFICIELS C S ET E OFFICIEUX DISCERNER LES RITUELS 4 MAÎTRISER L'ENVIRONNEMENT LOCAL Difficulté 3 3 6 EIM - Les 100 jours 4 5 6 7 8 9 10 Dans les tout premiers moments du dirigeant dans l’entreprise, il s’agit de prendre rapidement la mesure du contexte et de la situation, des façons possibles d’y remédier et des appuis ou obstacles potentiels, de sorte à prendre très vite les premières décisions. Il importe, dès le départ, de comprendre autant que possible la situation ; de mettre les non-dits sur la table ; de révéler les enjeux cachés et d’expliciter les objectifs. Trois points décisifs reviennent dans le discours des opérationnels que nous avons interrogés, se signalant par une forte importance et une certaine difficulté. En premier lieu, une juste appréhension de la situation générale de l’entreprise ; en second lieu, l’identification des grands risques — contractuels, sociaux, mais aussi environnementaux ; enfin, la détection des réseaux d’influence, formels et informels, aptes à hâter ou à contrarier la mise en œuvre du changement. _ FAIRE LE TRI. Également prioritaires, mais ne posant pas de difficulté particulière au dirigeant, sont la compréhension de l’histoire de l’entreprise et l’identification de ses partenaires-clés — clients, fournisseurs, distributeurs. Durant ses premières journées d’exercice, la nécessaire prise de renseignements par le dirigeant se heurte à deux écueils potentiels. Il y a, d’une part, le risque toujours présent d’être égaré par une information biaisée. Les mobiles des interlocuteurs sont divers : protéger ses acquis ; influencer les décisions dans le sens de ses intérêts ; « tester » le nouveau venu — ou simplement lui faire plaisir, en lui disant ce qu’il a (croit-on) envie d’entendre. D’où la nécessité de multiplier ses sources. « Les gens souhaitent protéger leurs acquis, c’est d’ailleurs normal… Il s’agit donc de revalider les informations importantes auprès d’autres personnes. » On peut, enfin, mentionner deux champs d’action : la maîtrise des rituels, officiels ou officieux, qui rythment la vie de l’entreprise ; et l’appréhension de l’environnement (pouvoirs publics, responsables locaux), plus délicate, mais moins vitale pour la dynamique des 100 Jours. Il y a, d’autre part, la nécessité d’aller très vite. Dès cette première approche, le temps du dirigeant lui est compté. _ TROUVER SA PLACE. « Il faut acheter de la crédibilité et du temps… Savoir détecter les réseaux d’influence au sein du Groupe, jusqu’au plus haut niveau. » Le commanditaire — siège ou actionnaire — d’une action de redressement a rarement une compréhension en profondeur de la situation. Il ignore souvent les causes réelles des difficultés et ne mesure pas ce qui peut être raisonnablement accompli, dans quel délai et avec quels résultats probables. Les avis convergent à cet égard : attention à la surcharge d’informations ! Il s’agit de renoncer à la perspective rassurante d’une compréhension totale de la situation. Les premières décisions marquantes sont à prendre sous deux ou trois semaines : il n’y aura pas le temps de tout baliser. Qui plus est, ses motivations profondes peuvent rester partiellement cachées. Si sa conscience du problème est réelle, les moyens qu’il entend consentir pour y remédier ou le rôle exact qu’il entend faire jouer au dirigeant recèlent parfois des ambiguïtés. Aussi le dirigeant privilégie-t-il une perspective non exhaustive, développée sur la base d’une information parcellaire dont il reste capable de mesurer les qualités et les défauts. Un audit financier ou stratégique peut parfois se révéler utile ; mais le plus souvent les premières décisions doivent être prises au flair, sans avoir fait le tour complet de la situation. Il faut assumer le risque de se tromper parfois. « Il faut commencer par vérifier si le job est clair. » EIM - Les 100 jours 7 « Je considère que la rapidité d’appréciation est plus importante que la précision ; il faut oublier les virgules et raisonner en grandes masses. » « J’applique le principe : approximately right, precisely wrong. » FAIRE L’EPONGE. Il faut commencer par se faire une idée générale — le plus rapidement possible — de « comment ça marche » : et ce, tant au plan opérationnel que du personnel et du relationnel. « Il s’agit d’abord de connaître les gens. » L’erreur capitale serait de ne se cantonner qu’aux échelons supérieurs de la hiérarchie : l’avis de tous est nécessaire pour se faire une juste représentation de l’entreprise. On peut trouver des trésors d’information sur les dysfonctionnements à tous les niveaux — notamment les niveaux intermédiaires, proches du terrain. « Il ne faut pas oublier les n-2 et n-3 : ils ont un rôle essentiel. » _ CADRER LE RECUEIL DES INFORMATIONS. « On a besoin d’un 360° sur l’analyse de l’environnement. » Le dirigeant va d’abord s’appuyer sur les hommes, à travers une prise d’information directe la plus étendue que le temps le lui permet ; mais aussi sur quelques chiffres vitaux, simples et parlants. Pour ce qui est des hommes, la priorité va à la prudence. Rien n’est plus dommageable que d’altérer les réponses par des questions trop pressantes — ou de nuire à sa crédibilité en posant un diagnostic hâtif à partir d’ idées préconçues. La règle d’or consiste à « faire l’éponge » en s’appuyant sur une approche intuitive, une disponibilité opportuniste — y compris sur le terrain, sur l’écoute et sur l’observation. « J’écoute beaucoup et je ne dis pas grand-chose. » « Le credo de la première semaine, c’est : interviewer, parler, écouter, NE RIEN DECIDER. » Il faudra, par ailleurs, diversifier ses sources : non seulement pour recouper ses informations, mais encore pour relativiser, apprendre à décoder les discours. « A ce stade, l’important, c’est de voir des clients — le feedback est toujours très intéressant — et d’aller sur le terrain, au contact avec les gens. » 8 EIM - Les 100 jours Le décodage des renseignements recueillis réclame un minimum de précautions de la part du dirigeant. Celui-ci doit tenir compte de la position et des enjeux personnels de chacun ; poser les bonnes questions ; se concentrer sur le concret sans se laisser imposer de solution toute faite. « Il faut choisir ses questions. Je préfère que les gens ne me fournissent pas leur diagnostic, mais qu’ils éclairent telle ou telle partie des causes possibles d’un problème, ou des solutions envisagées. » L’un des moyens, pour démêler le vrai du faux, consiste à demander des choses précises, des faits, des résultats, à les comparer aux objectifs et ne pas hésiter sur certains points précis ou importants à rentrer dans les détails. Ne pas se contenter d’explications superficielles. Certains mettent l’accent sur un « contrat de franchise » passé avec le Comité de Direction, compte tenu de l’urgence de la situation. « Je fixe tout de suite la règle du jeu. Je leur dis : J’arrive. Vous pouvez tout me dire, mais seulement maintenant… Pas dans trois mois. » La plupart des dirigeants encadrent leur enquête par un formalisme plus ou moins poussé. Dans sa méthodologie de mission, EIM préconise la rédaction d’un rapport personnel d’étonnement, extrêmement utile pour faire ressortir les lignes de force des problématiques. C’est un procédé auquel recourent plusieurs dirigeant opérationnels ; d’autres préfèrent classer par grands thèmes les renseignements obtenus. « Tous mes rendez-vous font l’objet d’une fiche de synthèse ; et les informations ou documents recueillis sont classés par grands thèmes ou cycles de l’entreprise. » Pour y parvenir, le dirigeant opérationnel compte sur sa propre intuition : celle-ci se nourrit à la fois des expériences précédentes et des remontées du terrain. Les approches varient donc ; mais dans la grande majorité des cas, l’intention et les réflexes sont les mêmes : cadrer le recueil des informations, en sorte de le rendre plus rapide et fructueux, tout en préservant son objectivité d’un interlocuteur à l’autre. « Il faut se plonger dans les dossiers de manière intuitive : approfondir ce qui est bizarre. » « Allier l’intuition à l’analyse des chiffres. Les prévisions dépendent parfois d’hypothèses cachées. Il faut pouvoir se dire : Les chiffres sont bons, mais je n’y crois pas ; je n’ai jamais vu ce type de situation, ça ne peut pas marcher. » _ LA RAPIDITE PLUS QUE L’EXHAUSTIVITE. L’information chiffrée et factuelle est une seconde source de renseignements. Elle recouvre une urgence décisive : « Bien comprendre, dès le départ, le business model et les flux financiers. » « Il faut tout de suite chercher à comprendre la structure de coûts et les principaux foyers de pertes. » On devra pourtant relativiser cette information : dans une situation difficile, elle sera souvent de mauvaise qualité, voire se révéler à l’origine de la crise. Les dirigeants vont privilégier ici le pragmatisme. Il est possible, dans un premier temps, de se baser sur une information financière et un reporting imparfaits. Recoupées avec les remontées directes du terrain sur l’organisation et sur les dysfonctionnements de l’entreprise, et tenant compte de l’imprécision des indicateurs disponibles, ces données suffiront à orienter les premières actions. Des sources alternatives — rapports d’audit et de conseil qui ont précédé la venue du dirigeant, étude d’un repreneur éventuel — peuvent se révéler plus éclairantes. Et il arrive que les informations les plus intéressantes se trouvent dans le « calepin noir » ou la feuille de calcul d’un simple cadre, un « grognard » de l’entreprise qui a besoin de ces données pour son travail. L’important, à ce stade, est d’aller vite ; de ne pas se noyer dans les chiffres ; de mettre le doigt sur l’essentiel. En définitive, ses meilleurs atouts, le dirigeant va les trouver dans ses facultés de synthèse propres, conjuguées à son statut de nouvel arrivant — porteur en soi de changement, mais aussi d’un regard neuf. C’est pourquoi il est utile de résumer ses premières impressions dans un rapport d’étonnement, qui servira ensuite de référence à la suite de l’action. « Il y a deux périodes dans la vie où la vision de synthèse est la meilleure : quand on arrive quelque part et quand on s’en va » ! _ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POUR PRENDRE SES MARQUES. Allez vite : faites confiance à votre intuition. Ne cédez pas à la tentation du détail ; n'attendez pas, pour décider, d'avoir une information complète. Diversifiez vos sources ; ne négligez aucun échelon de la hiérarchie. Utilisez votre capacité d'étonnement : votre méconnaissance du métier est un atout. EIM - Les 100 jours 9 CLE N°2 : ETABLIR SES APPUIS. ÉTABLIR SES APPUIS Importance 10 IDENTIFIER DES RELAIS SÛRS- CHOISIR SON ÉQUIPE 9 DÉTECTER LES CHAÎNONS DÉFAILLANTS S'ASSURER DU CONCOURS GROUPES/ ACTIONNAIRES 8 7 DISTINGUER ENTRE SUPPORTERS ET OPPOSANTS DIAGNOSTIQUER LES COALITIONS INTERNES ET RELAIS POSSIBLES REPÉRER LES LEADERS D'OPINION 6 ÉTABLIR SES SOUTIENS EXTERNES 5 4 Difficulté 3 3 10 EIM - Les 100 jours 4 5 6 7 8 9 10 Une fois le champ des opérations balisé, il reste au manager à trouver ses appuis et à constituer son équipe. C’est l’un des points les plus délicats et les plus décisifs des 100 Jours, comme en témoigne le tableau. Deux postes décisifs se détachent dans cet exercice : directeur financier et DRH. La plupart des dirigeants que nous avons rencontrés confient qu’ils leur consacrent en priorité leur attention. Celui-ci attribue à la composante principale de ce levier : le choix d’une équipe proprement dit, l’une des notes de priorité les plus fortes de toute notre enquête ; ce point est suivi de peu par son corollaire logique, la détection des maillons défaillants dans la chaîne de management, tandis que le soutien de l’actionnaire s’impose comme vital, mais moins difficile à obtenir. « Le directeur financier et son contrôle de gestion sont des éléments-clés du succès. Un rôle privilégié, pratiquement de numéro 2, leur est confié pendant la période. Ils auront l’obligation de fournir les données justes pour l’évaluation et le suivi des actions. » Derrière ce groupe de tête émergent d’autres préoccupations qui se situent dans une moyenne, par ordre de priorité et de difficulté : l’identification des supporters et des opposants au changement ; la cartographie des coalitions internes et relais possibles au sein de l’organisation ; enfin, l’établissement de soutiens externes (banques, pouvoirs publics, etc.) Cette confiance nécessaire implique aussi une exigence accrue : si la confiance n’est pas très vite au rendez-vous, le dirigeant ne tergiversera jamais sur ces postes stratégiques. « Sécuriser immédiatement, ou les changer, le CFO et le DRH, les deux acteurs principaux au départ.» « Je cherche à avoir une relation privilégiée avec eux : je souhaite n’avoir aucun secret pour eux. En revanche, ils seront les premiers à sortir si je pense que je ne peux pas leur faire confiance à 100 %. » _ VERROUILLER LES POSTES-CLES. _ NEUTRALISER LES OPPOSITIONS Le « premier cercle » doit être très rapidement et clairement défini : dans les 2 à 3 premières semaines. Lorsque le dirigeant aura établi son premier diagnostic et défini ses premières orientations, il pourra alors élargir le cercle de ses appuis. Il importe avant tout de repérer les incontournables : ceux qui ont un rôle décisif dans le fonctionnement de la société. Or l’organigramme « de fait » prime ici sur les considérations hiérarchiques : les personnes qui comptent ne siègent pas nécessairement au Comité de Direction. « Il faut rapidement élargir le “réseau” de responsables au niveau n-2 en plus de niveau n-1 ; c’est fondamental pour mieux faire passer les messages et accélérer le changement. » Il faudra prendre des gens à tous les niveaux, et s’arrêter aux profils bénéficiant d’une perspective transversale ou globale sur le fonctionnement de l’entreprise. Pas de renouvellement important de l’équipe à ce stade. Tous les dirigeants en conviennent : face à l’urgence, trop de changement peut se révéler improductif. « La qualité des équipes s’est rarement révélée, dans mon expérience, à l’origine des difficultés antérieures. Pour le long terme, mieux vaut s’appuyer sur les équipes en place et devenir leur chef plutôt qu’un colonisateur… Mais quelques recrutements ponctuels peuvent être utiles pour boucher les trous, pour renforcer l’équipe commerciale par exemple. Ces renforts sont souvent très bien vus par le personnel. » En revanche, il importe de neutraliser, le plus en amont possible, les foyers d’inertie ou d’opposition. Les dirigeants privilégient des « actions ciblées », qui incarneront leur volonté de changement et auront un impact positif sur le personnel. EIM - Les 100 jours 11 « On cherche à garder les mêmes si possible, mais en général, il faut casser les baronnies ; pour cela, il est intéressant de faire tourner les rôles au sein de l’équipe. » « S’il y a blocage immédiat avec une personne, il faut s’en séparer tout de suite. » de prévenir la crise. Les favoris d’hier, souvent parties prenantes dans les orientations qui ont conduit aux difficultés, ont plus à perdre qu’à gagner dans un changement de cap. En revanche, les laissés-pourcompte, les « vieux grognards » qui connaissent parfaitement l’histoire de la société, peuvent se révéler de précieux appuis. On ne saurait négliger l’importance d’une réaction rapide en cas de vrai blocage. Le regret qui s’exprime le plus souvent chez les dirigeants que nous avons rencontrés — malgré leur expérience — c’est d’avoir trop tardé à se séparer d’un collaborateur qui constituait un frein manifeste. Dans de tels cas, il faut avoir le courage de trancher dans le vif sans attendre. Le dirigeant surveillera aussi ceux qui n’ont pas pris clairement parti : courtisans ; manipulateurs ; indécis ou attentistes, qui attendent de voir si ça marche avant de monter dans le projet. Le premier choix étant fait, il faut l’exprimer clairement, selon le principe : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ». Il est important de clarifier très vite qui sont les gens sur lesquels on compte s’appuyer : ne pas laisser l’encadrement trop longtemps dans l’incertitude. On peut se tromper sur ces premiers choix, mais ces décisions ont souvent un aspect autoréalisateur, le fait d’être choisi comme homme de confiance renforçant l’adhésion et la motivation. Le plus souvent, pourtant, il faudra « faire avec » l’organisation et les hommes existants. Cela suppose une appréhension juste des enjeux et de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’organisation. _ CARTOGRAPHIER LES ENJEUX PERSONNELS. La plupart des personnes se révèlent, de façon consciente ou non, guidées par leur intérêt personnel. En règle générale, ceux qui ont à perdre dans l’arrivée du nouveau dirigeant sont des opposants ou des freins potentiels. Ceux qui ont à y gagner se révéleront probablement des supports. Il faudra prendre en compte les réseaux internes les plus écoutés — en se méfiant de ceux qui n’ont pas exercé leur influence pour tenter 12 EIM - Les 100 jours Ce diagnostic humain exige une bonne connaissance politique de l’entreprise. Le DRH peut apporter là-dessus une aide précieuse : mais il n’est pas nécessairement neutre et ne se rangera pas toujours dans le camp du nouvel arrivant. D’où l’importance, encore une fois, de la prise d’information initiale évoquée plus haut. _ LES CRITERES DE CHOIX. Au-delà de leur rôle dans l’organisation et de leur capacité d’influence, les qualités humaines et l’état d’esprit sont des points essentiels pour le choix des managers-clés. Les dirigeants rechercheront en particulier les qualités suivantes : vision globale et transversale de l’entreprise, lucidité et honnêteté, volonté de changer, franchise dans l’expression de leur opinion, autonomie et sens du travail en équipe. « Je regarde s’ils sont adaptés au Business Model ; et s’ils ont une attitude personnelle positive. » « La compréhension des enjeux et des idées claires ; la capacité à se remettre en question et la volonté de changer ; la proposition de solutions et la recherche d’amélioration. » « Les compétences par rapport aux enjeux ; le niveau d’autonomie ; la capacité à évoluer ; la volonté de s’adapter. » « La capacité de travailler ensemble : avec moi, et au sein de mon équipe. » Parmi ces qualités, la plus essentielle reste sans doute le courage de prendre ou de supporter des décisions difficiles. _ SE MENAGER DES MARGES DE MANŒUVRE. Le dirigeant doit se réserver la possibilité de revenir sur ses choix et l’organisation décidée, compte tenu des orientations qui seront prises dans la durée. Il importe de garder une certaine flexibilité sur l’évolution ultérieure de l’organisation — ce qui n’exclut nullement la rapidité de décision initiale. « Si on n’arrive pas à atteindre les objectifs, on peut changer d’organisation en route ; on a le droit de se tromper au départ ! » C’est pourquoi les dirigeants aiment à se ménager des marges de manœuvre ; ils bousculeront volontiers l’organisation existante de leur équipe rapprochée, mais n’auront pas d’état d’âme à revenir sur leurs orientations en cas de besoin. « Choisir son équipe rapprochée dès le départ ; et ne pas hésiter à changer d’organisation. Il m’est arrivé de passer de 25 “n-1” à moins d’une dizaine en six semaines. Au début, on fait avec les gens en place ; le vrai changement des hommes vient au bout de 12-18 mois. » _ EN RESUME : SIX REGLES D’OR POUR ETABLIR SES APPUIS. Définissez votre équipe et vos relais dans les trois premières semaines. Clarifiez rapidement ce qui est « in » et qui est « out ». Gardez les mêmes si possible ; mais séparez-vous sans attendre des éléments bloquants. Verrouillez les postes-clés : DAF, DRH. Corrigez les erreurs de casting à plus long terme si elles ne se sont pas corrigées d'elles-mêmes auparavant. Laissez-vous le temps pour redéfinir en profondeur l'organisation. De tels remaniements restent ponctuels dans les cent premiers jours : la question de l’organisation globale de l’entreprise n’est pas prioritaire. Des réorganisations prématurées peuvent, au contraire, faire perdre du temps et entraver les premières actions. Les grands changements interviendront donc plus tard, quand une réflexion stratégique approfondie aura pu être menée à son terme. EIM - Les 100 jours 13 CLE N°3 : ENGAGER LES PREMIERES MESURES. ENGAGER LES PREMIERES MESURES Importance 10 IDENTIFIER LES GRANDS ENJEUX ( 20 / 80 ) AFFICHER CLAIREMENT LA LIGNE 9 CHOISIR SES PREMIÈRES ACTIONS S'ASSURER DE L'AVAL DU SIÈGE 8 DURCIR LES PLANS D'ACTION A COURT TERME REMETTRE EN CAUSE LES HABITUDES SIMPLIFIER LES LIGNES HIÉRARCHIQUES 7 6 5 4 Difficulté 3 3 14 EIM - Les 100 jours 4 5 6 7 8 9 10 On ne peut pas attendre d’y voir totalement clair pour agir. Après quelques semaines, il devient crucial de prendre de premières mesures d’urgence qui peuvent améliorer la situation. Définir un plan de marche immédiat figure, pour les dirigeants interrogés, parmi les trois actes fondamentaux des 100 Jours, avec la communication et le leadership. Sur le tableau, toutes les composantes se situent vers le sommet de l’échelle des priorités, pour une difficulté moyenne. L’identification des grands enjeux de l’entreprise (les « 80/20 ») est perçue comme le point le plus important, et l’un des plus difficiles. Presque aussi prioritaire : l’affirmation d’une ligne claire. Cela révèle qu’à mesure que les actions s’engagent, l’adhésion des équipes va prendre une importance croissante dans la dynamique des 100 Jours. Au-delà de ces points décisifs viennent d’autres priorités : le choix judicieux de premières actions fortes, qui vont symboliser le changement et consommer la rupture avec le passé ; la garantie de l’aval du siège ; la nécessité de durcir le plan d’action à court terme — qui souligne déjà le besoin, pour l’effort de changement, de trouver son « second souffle » dans la durée. Deux points enfin doivent être distingués : la simplification des lignes hiérarchiques et le souci de remettre en cause les habitudes, qui s’impose comme la tâche la plus ardue du lot. Mais on peut noter que ces deux exigences de réforme générale ne figurent pas parmi les plus importantes. Encore une fois, les dirigeants opérationnels cultivent le pragmatisme : ils tablent davantage sur des mesures ponctuelles et symboliques, capables d’imposer leur marque et de susciter des relais parmi le personnel. Les transformations de fond ne viendront que plus tard. _ S’ATTAQUER AU PLUS FACILE. Le choix des premières actions revêt une importance toute particulière pour l’image du dirigeant. La quantité et la vitesse priment : mieux vaut cumuler dix « idées à vingt sous » plutôt que d’attendre trois mois l’idée géniale. Il ne faut pas, non plus, craindre de se tromper : « Better do the wrong thing than do nothing » Plus que la pertinence à terme, la plupart des dirigeants recherchent avant tout la visibilité dans cette étape décisive. C’est pourquoi ils s’attaqueront en priorité au plus facile, en s’appuyant largement sur la médiatisation des premières victoires (« early wins »). « Il faut médiatiser les victoires, même les petites. » Ils savent que leur crédibilité, leur leadership vont se jouer sur ces premières décisions, perçues comme des affirmations symboliques de leur volonté de changement. « Il faut des actions « symboles » qui refléteront la personnalité et les projets prioritaires du dirigeant. » La dimension symbolique n'est jamais à négliger, et surtout pas dans les situations de crise qui appellent une mobilisation immédiate. Un signal fort, illustrant l'implication du dirigeant, permettra souvent de faire passer les « vraies » mesures d'urgence : « La réduction des coûts a été initialisée par quelques mesures symboliques immédiates, telles que la suppression de la salle à manger des dirigeants. En même temps, on a immédiatement gelé les embauches et arrêté les interventions de consultants trop présents et trop visibles. » Comment découvrir les points de levier appropriés ? Le bon sens et la capacité d’aller à l’essentiel l’emportent sur une analyse exhaustive de la situation. EIM - Les 100 jours 15 Le manager va surtout concentrer son attention sur les gisements d’amélioration ; les aberrations qui n’ont jamais été réglées ; les décisions ou les clarifications que tout le monde attend. _ DEUX REPERES : LE CASH, LE CLIENT. Il importe, en premier lieu, de stopper une éventuelle hémorragie financière : de mettre les engagements sous contrôle ; d’arrêter ou de différer les projets les plus coûteux. • Établir, après 2 à 4 semaines, un rapport personnel d’étonnement ; • Décrypter les flux physiques et financiers ; • Faire une cartographie de la Société et des processus transversaux ; • Repérer les dysfonctionnements, les points de blocage ou les leviers d’accélérations dont on dispose ; • Comprendre la nature des avantages concurrentiels et privilégier les investissements qui les renforcent ; • Se forcer à formaliser sa vision, ses réflexions et ses idées. On constate souvent que le plan approximatif fait par un dirigeant expérimenté au bout de 3 à 4 semaines alors qu’il ne dispose encore que d’informations très parcellaires, s’avèrera finalement exact à 95 % et constituera une base de référence personnelle très utile pour la suite. « En général, on n’a pas beaucoup de choix pour ses premières actions… L’essentiel, c’est déjà de fermer les robinets les plus coûteux. C’est possible, on peut y parvenir rapidement, et les gens savent le faire. Il faut améliorer la situation d’une façon visible. » L’identification des grands enjeux financiers de l’entreprise (les « 80/20 ») révèle ici son importance. Il s’agira, de même, de repérer les grands risques financiers et contractuels, les dates butoirs à ne pas dépasser — pour dénoncer certains contrats, par exemple. « Il faut décider : choisir les sites à fermer — et savoir s’y tenir, malgré les arguments toujours nombreux pour ne pas le faire… » « Il faut en priorité s’assurer qu’il n’y ait pas un “feu” quelque part : par exemple, un contrat en signature et qui pourrait avoir des conséquences graves. Il m’est aussi arrivé de découvrir une problématique de grands projets en cours : ERP, systèmes d’information, modèle logistique… Il a fallu comprendre rapidement les enjeux, faire des choix, et arrêter certains développement inutiles. » Cela peut se faire malgré un reporting lacunaire. Pour le dirigeant expérimenté, la qualité de l’information chiffrée n’est pas essentielle dans cette première phase. Il arrivera presque toujours à se faire une idée de la situation et des priorités — sur la base des informations chiffrées disponibles et des entretiens avec les équipes — et à dégager une première impression qui s’avèrera souvent la bonne. 16 EIM - Les 100 jours Le premier diagnostic du dirigeant recourra aux règles de gestion connues, mais peut s’appuyer aussi sur quelques principes simples : Le bon sens, l’approche intuitive et le regard neuf du dirigeant permettront de découvrir des améliorations jusque-là négligées. Le détail curieux, la « fausse note » d’un dossier peuvent suffire à débusquer un lièvre sérieux. « Il ne faut pas sous-estimer les petits dysfonctionnements ou problèmes de qualité : ils sont souvent révélateurs de gisements d’amélioration importants. Si on vous dit, par exemple, que le taux de service à la clientèle est de 80 %, cela signifie simplement que votre chaîne logistique ne fonctionne pas. » Les dirigeants avec lesquels nous nous sommes entretenus distinguent deux repères simples permettant de structurer leur diagnostic : la trésorerie et le client. C’est à partir de ces exigences qu’ils arrêteront leurs toutes premières mesures, puis un premier plan d’action organisé — mais en se réservant la possibilité de redéfinir ce plan dans un avenir proche. « A court terme (3 mois), tout centrer sur le “pognon” (priorité n°1) et les clients pour le chiffre d’affaires ; centraliser toutes les décisions cash — et en même temps, garder la pression sur le terrain opérationnel et commercial. A moyen terme (6 à 12 mois), il faut des mesures simples qui remettent en cause les modes opératoires pour une meilleure efficacité opérationnelle, tout en débloquant des situations historiques et en faisant évoluer la mentalité des gens. » « La première priorité est le respect du client : il doit être livré à l’heure, avec la bonne qualité... Il faut recentrer tout le temps vers le client. » _ UN PLAN A COURT TERME N’EST PAS UNE STRATEGIE ! Au delà des toutes premières mesures, on l’a dit, il faut un premier plan de bataille. Un diagnostic doit être effectué au bout de 2 à 3 semaines ; les orientations, définies après 6 à 8 semaines ; la communication du plan, au bout de 2 à 3 mois. Les premiers résultats seront visibles après 4 à 5 mois, c’est à dire peu après les 100 Jours. Rester modeste et prudent est une préoccupation constante des dirigeants opérationnels, à l’heure où les premières mesures prennent effet. Dans le feu de l’action, on a tôt fait d’hypothéquer l’avenir de l’entreprise, alors qu’on ne maîtrise pas encore tous les enjeux. « C’est le moment où il faut éviter de dire qu’on a tout compris. » C’est pourquoi le manager s’attache avant tout à maintenir le cap sur des objectifs concrets et accessibles ; à donner une ligne claire, sur laquelle il faudra communiquer sans cesse — en évitant surtout de s’enfermer dans des axes trop rigides. « Il s’agit d’identifier les grands enjeux pour afficher des axes de direction clairs, avec des dates-clés, plutôt que d’entrer dans les détails. » « Il faut être clair sur le plan d’action opérationnel à court terme ; pas nécessairement sur la stratégie — celle-ci peut changer dans le temps. » « La vraie “vision” pour le redéveloppement, la croissance et la stratégie à long terme ne vient qu’après 2 à 3 ans. » Un plan à court terme ne doit jamais se confondre avec une stratégie. Les dirigeants ont à cœur de préserver des marges de manœuvre, et de faire évoluer le plan d’action selon les besoins. « Il faut avoir une certaine vision, mais il n’est pas nécessaire d’annoncer au départ une stratégie ; il faut se donner le temps de la fiabiliser progressivement, au niveau n ou n-1, avant de l’annoncer au reste de l’organisation — parfois beaucoup plus tard. » « Priorité au premier mois : définir une nouvelle organisation, une première stratégie et des priorités à court terme et FAIRE REVER. » « A court terme, surtout ne pas parler de stratégie ; quelques lignes de force suffisent pour positionner le plan d’action sur un horizon à un an maxi. La stratégie, il faut la faire sans la dire ! » _ DU COURT AU LONG TERME. Entre les toutes premières mesures, voire le premier plan d’action, et la stratégie orientée sur le long terme, l’élan du changement doit trouver des relais dans le temps : sans quoi la dynamique des 100 Jours est condamnée à s’essouffler prématurément. « Quelles que soient les actions de réduction de coûts, il faut rechercher des axes de croissance qui seront les bases du futur. » C’est pourquoi les dirigeants attachent une grande importance à la nécessité de durcir les plans d’action. L’enjeu consiste à savoir faire déboucher les préoccupations de court terme sur des orientations à moyen et long terme ; et cela, tout en maintenant vivace la « flamme » du changement. EIM - Les 100 jours 17 « On a su trouver le bon rythme : ne pas s'engager sur un redressement difficile à trop court terme, mais définir une “roadmap” précise et jalonnée, grâce à laquelle on a pu démontrer très rapidement que les résultats intermédiaires étaient atteints. » « Prendre garde à ne pas déstabiliser le court terme ; maintenir le chiffre d’affaires pour éviter une spirale déflationniste. Il ne faut pas abandonner le terrain pendant la phase de réflexion. » « Tout projet doit pouvoir avoir un premier impact à court terme (sur un an maximum). Les dates clés à suivre sont toujours à moins d’un an. » La tâche n’a rien d’évident : elle ne peut s’accomplir que dans la durée. Mais il s’agit d’un enjeu que l’on se doit de garder constamment à l’esprit. Il relève d’un dosage au cas par cas, où le dirigeant va s’efforcer de faire valoir son expérience. _ EN RESUME : CINQ REGLES D’OR POUR IDENTIFIER LES PREMIERES ACTIONS. Faites vite : les premières décisions doivent se prendre sous trois semaines. Allez à l'essentiel — les « 80/20 ». Focalisez- vous sur le cash et sur le client. Corrigez rapidement les aberrations flagrantes. Cherchez quelques victoires rapides. « La difficulté, à ce stade, est de bâtir des plans d’action à court terme sans oublier de prendre des décisions très importantes, mais qui n’auront un impact qu’à moyen-terme. » Les opérationnels procéderont différemment en fonction de la situation, de leur profil et de leurs préférences. C’est vers ce moment qu’ils pourront choisir, ou non, de recourir à un consultant extérieur pour arrêter les grandes lignes d’une action à moyen terme ou d’une stratégie. Mais tous s’attachent à procéder « à petits pas », par ajustements progressifs qui permettront de dégager et d’affiner la perspective stratégique, à mesure que le changement s’enclenche et que leur compréhension de l’entreprise se précise. « Le détail des plans d’action s’est fait avec l’aide d’un consultant extérieur, un petit cabinet qui connaît bien le Groupe. Le pointage de ce plan s’effectuait tous les 15 jours à chaque CODIR, et avec le consultant extérieur pendant trois mois. » « Il faut un plan à moyen terme assez rapidement, quitte à le modifier au fur et à mesure ; ce plan est élaboré avec un petit noyau marketing / finance et le support d’un cabinet de conseil extérieur ou, au moins, à partir d’une étude antérieure faite par un investisseur.» 18 EIM - Les 100 jours Oubliez la « grande stratégie » à ce stade. CLE N°4 : CONTROLER ET MESURER LES ACTIONS. CONTRÔLER ET MESURER LES ACTIONS Importance 10 9 8 DES INDICATEURS DE SUIVI SIMPLES ET CLAIRS METTRE LES ENGAGEMENTS SOUS CONTRÔLE FIABILISER LES PRÉVISIONS 7 CONTRÔLER LE CASH SÉCURISER ET RENFORCER LE CONTRÔLE DE GESTION 6 IDENTIFIER ET SURVEILLER LES GRANDS LEVIERS ÉCONOMIQUES FIABILISER LES OUTILS EN PLACE 5 4 Difficulté 3 3 4 5 6 7 8 9 10 EIM - Les 100 jours 19 Après avoir choisi les premières mesures immédiates, puis défini un plan d’action plus construit, reste à obtenir des résultats. « Le point clé, c’est de bien exécuter, avec discipline et rigueur, les premières actions qui ont été décidées en suivant les priorités qui ont été affectées. » « Avoir son plan d'action sous les yeux et cocher les cases l'une après l'autre : “click the box”, c'est la bonne façon d'avancer. » Pour cela, il faut mettre l’entreprise sous tension et instituer un système de suivi, en s’appuyant sur quelques indicateurs simples qui aideront la conduite des affaires ; les prises de décision ; la mesure des progrès. Dans l’ensemble, le contrôle des actions est perçu comme la clé la plus difficile à mettre en œuvre de toute notre enquête : cela s’illustre dans le positionnement des différentes composantes sur le graphique. Au point de vue des priorités, les décideurs ne privilégient pas nettement l’une ou l’autre composante : tout a son importance. Mais la priorité n°1 reste la mise au point d’indicateurs simples, clairs, partagés par tous. Au-delà de cette exigence, les mesures se répartissent en deux groupes distincts. D’une part, il y a celles qui concernent le contrôle général de la trésorerie — le cash, les engagements et la surveillance des grands leviers économiques. Ces points sont importants mais ne paraissent pas poser de difficulté particulière aux dirigeants. D’autre part, on trouve les mesures qui touchent à l’amélioration du reporting et de la justesse des estimations financières : fiabilisation des outils en place, du contrôle de gestion et des prévisions. Ces trois derniers points se caractérisent par une difficulté très élevée (entre 7 et 8) : ce sont en fait les trois notes les plus hautes de notre enquête. Autant dire qu’en la matière, la compétence des dirigeants trouve son challenge le plus redoutable. « Sans un contrôle efficace, pas de décision possible ; et donc, pas de progrès envisageable. » 20 EIM - Les 100 jours _ FAIRE SIMPLE. Le contrôle et le suivi des actions est en effet le moyen privilégié par lequel les premières mesures, décidées en urgence, vont pouvoir se pérenniser en un plan à long terme ; en conservant, au quotidien, l’impulsion du changement dans l’organisation — et avec le soutien d’un commanditaire que rassurent des résultats concrets. Tous les dirigeants que nous avons interrogés insistent sur l’importance de bons tableaux de bord. C’est une nécessité d’autant plus forte que cette information, en général, leur fait défaut. Les difficultés qui ont rendu nécessaire une réorientation majeure, et provoqué la venue du nouveau dirigeant, trouvent souvent leur source dans des indicateurs trop complexes, qui n’ont pas signalé à temps les risques. « Comme les outils ont été défaillants, il faut en utiliser d’autres, sans doute plus approximatifs — mais plus expéditifs et plus globaux. » « La priorité doit être donnée au contrôle de gestion — mais en partant des bases qu’on connaît. Tant pis si elles sont imparfaites au départ. » Il s’agit donc de réformer les indicateurs existants, dans le sens du pragmatisme. « Éviter de faire trop de papier. » La simplicité l’emporte sur le souci du détail : elle est utile non seulement pour se faire une idée synthétique de l’évolution des choses, mais encore pour communiquer clairement sur cette évolution. Ce premier tableau de bord pourra se trouver affiné dans un deuxième temps. « Un bon tableau de bord, c’est une page et 3 tableaux de chiffres. Au pire, comme dans le cas d’Air Liquide avec ses 500 usines, on peut aller jusqu’à 7 tableaux ; pas davantage. » « Établir des indicateurs de suivi personnalisés et pas très sophistiqués: on n’a pas le temps d’aller dans le détail au départ. Au bout d’un an, on a travaillé avec des indicateurs plus élaborés : qualité, efficience, etc. » _ REPERES. Que va-t-on regarder ? Essentiellement, quelques grands indicateurs reflétant la santé financière de l’entreprise : coûts d’activité, engagements, effectifs et intérimaires ; mais aussi des données simples, destinées à jauger la valeur ajoutée de l’entreprise (niveau de service, par exemple). En fait, on retrouve ici les grands repères évoqués précédemment — trésorerie et client — qui seront appliqués à la mesure d’un plan de marche volontairement simplifié. « Il faut des indicateurs-clés qui ne soient pas seulement financiers, mais aussi des délais, des jalons, afin de juger de l’efficacité et de la pertinence de la mise en œuvre. Des indicateurs opérationnels et simples : le turn-over dans l’équipe ; la fidélité des clients-clés, etc. » « …Des indicateurs de suivi simples et basiques, pour mesurer le degré de mise en œuvre du plan d’action (exemple : à telle date, il a fait 60 % de ce qu’il avait dit). » A partir de ce tableau de bord, le suivi et le feedback vont s’opérer dans deux domaines : la gestion financière et les ressources humaines. _ MAITRISER LA TRESORERIE. La priorité concerne souvent le cash ; c’est parfois une condition de survie. Il faut donc mettre rapidement sous contrôle la trésorerie : elle est parfois tout bonnement ignorée dans la culture et les habitudes de l’entreprise. C’est un domaine dans lequel on peut rapidement obtenir des résultats en renforçant, par exemple, les actions suivantes : • Suivi et réduction des stocks, • Suivi des comptes clients et des impayés, • Mise en place de procédures préventives de recouvrement, • Contrôle des délais de règlements fournisseurs (il arrive qu’ils soient payés absolument sans délai, pour de mauvaises raisons de « commodité »), • Mise en place d’une trésorerie prévisionnelle. Il faut aussi réduire les coûts et, si la situation l’exige, ne pas hésiter à « tailler au sabre » dans les budgets. « Il faut arrêter déjà tous les investissements pendant 100 jours, pour faire ressortir les dossiers les plus critiques. » Dans les premières semaines, le dirigeant n’a qu’une vue partielle de la situation et de ce qui peut être exactement fait ; il lui faut néanmoins agir. Encore une fois, il est possible de prendre des premières décisions à peu près justes sur des données financières imprécises — à condition de reconnaître leurs aspects aléatoires, et leur marge d’erreur possible. Il est également nécessaire de mettre sous contrôle les dépenses, en redéfinissant les procédures d’engagement et de signature. On pourra, par exemple, faire remonter d’un cran hiérarchique tous les niveaux d’autorisation. (A l’inverse, si les directeurs sont submergés par les signatures, la solution peut consister à responsabiliser le niveau n-2 sur certaines décisions d’engagement, dans le cadre d’enveloppes définies et d’objectifs de réduction de coûts globaux.) _ DURCIR LES PLANS D’ACTION. Le pilotage des actions dans le temps demeure le plus difficile. Pour y parvenir, le dirigeant va s’efforcer de mettre l’entreprise sous tension en définissant des objectifs ambitieux, mais réalistes, assortis de responsabilités claires, qui pourront faire l’objet d’un suivi rapproché. EIM - Les 100 jours 21 Son engagement personnel et la forte pression qu’il exercera sur la réalisation effective des actions décidées seront essentiels pour la réussite. « Je retiens deux dimensions pour le contrôle et la mesure : l’attention exigeante à quelques indicateurs simples (le niveau de service, par exemple) ; et un engagement exemplaire du dirigeant sur le terrain : pour l’opérationnel, c’est essentiel. » Il importe d’imprimer un rythme soutenu au cycle actions/ résultats/contrôle. L’échéance budgétaire annuelle ne peut suffire à un suivi rapproché ; aussi les dirigeants resserrent-ils l’horizon des plans d’action au semestre ou au trimestre, privilégiant la notion de budget roulant : l’impératif de la réactivité l’emporte sur celui de la prévision. « Le reporting est plus fondamental que le budget. » Les décisions-clés pourront faire l’objet d’objectifs et d’un suivi hebdomadaires : les 3 actions réalisées, les 3 échecs ou difficultés rencontrés, les 3 priorités pour la période suivante. Ce suivi peut être adossé à un système d’évaluation simple à court terme, avec prise en compte du comportement, et influençant les bonus. L’enjeu étant de clarifier le lien entre les actions données à chacun et leur impact global sur la marche de l’entreprise. « Il est aussi important de faire le lien entre les actions terrain et les résultats du P&L ; il faut beaucoup communiquer à ce niveau-là. » 22 EIM - Les 100 jours _ EN RESUME : TROIS REGLES D’OR POUR LE CONTROLE ET LE SUIVI. Faites avec l'existant, et faites simple : des indicateurs basiques, clairs, communs, compréhensibles par tous. Mettez sous contrôle le cash et les engagements de dépenses. Sachez durcir les plans d'action : des responsabilités précises, un suivi rapproché. CLE N°5 : ADAPTER LES STRUCTURES. ADAPTER LES STRUCTURES Importance 10 PARTAGER UNE INFORMATION LISIBLE RÉORGANISER LES RÉUNIONS DE DIRECTION 9 OBJECTIFS INDIVIDUELS DES CADRES CLÉS 8 DISCIPLINER LES AGENDAS, LE SUIVI CRÉER DES GROUPES DE TRAVAIL ADAPTER L'ORGANIGRAMME 7 6 AJUSTER LES RÉMUNÉRATIONS 5 4 Difficulté 3 3 4 5 6 7 8 9 10 EIM - Les 100 jours 23 Au bout d’un mois, les premiers chantiers ont été lancés ; les grandes orientations, prises ; les priorités à court terme, définies et communiquées. Le virage se négocie, grâce à un plan de marche et à un contrôle rénové des actions. Le suivi du plan de marche, l’adaptation progressive des structures vont contenir le risque de voir la dynamique de changement s’essouffler ; cette adaptation pourra aussi venir appuyer la vision stratégique lorsque celle-ci aura été précisée. A l’inverse, le principal piège des 100 Jours consiste à vouloir avancer trop vite ou trop tôt sur des dossiers structurels lourds et complexes, qui mobiliseraient trop de ressources sans résultat immédiat. « A ce moment, il faut faire très attention de ne plus rien dire sur le sujet : ne surtout pas ajouter à la complexité de ce que l’on souhaite mettre en place, alors que le processus de compréhension, d’adhésion et d’intériorisation n’est pas complètement terminé. » Le tableau consacré à ce domaine illustre une telle problématique. Sept compartiments s’en dégagent, parmi lesquels ceux qui impliquent des réformes approfondies reçoivent les notes de priorité les plus basses. Il est clair que les dirigeants ont choisi, pour cette période-clé, de s’écarter des domaines délicats tels que l’évolution des politiques de ressources humaines et l’ajustement des rémunérations. Est, en revanche, mis en avant un premier groupe d’actions qui peuvent avoir un impact immédiat sur le fonctionnement de l’entreprise : révision de l’organigramme ; mise en place de groupes de travail — des task forces, dans un esprit « commando » ; formalisation plus rigoureuse des réunions, minutes, planning et suivi. Plus importantes encore, à ce stade des 100 Jours, sont les actions de proximité qui relèvent de la sphère directe des diri- 24 EIM - Les 100 jours geants : faire partager une information lisible — budget, reporting, etc. ; réorganiser et animer les réunions de direction ; fixer un programme d’objectifs individuels pour les cadres-clés de l’organisation. _ NE PAS BOULEVERSER LES SYSTEMES. Concernant l’adaptation des structures, le discours des dirigeants se veut prudent. Certaines corrections peuvent se révéler nécessaires dans le cadre des 100 Jours — mais par petites touches uniquement. Une réforme approfondie des systèmes existants suppose des coûts en temps en en énergie qui se révèlent contre-productifs, voire prohibitifs. « On ne peut pas remettre en cause les systèmes pendant cette période : c’est trop court. » Mieux vaut garder ses ressources focalisées sur la réalisation des objectifs à court terme et sur l’obtention de victoires immédiates. On remettra à plus tard les projets ambitieux, dont les résultats ne peuvent être obtenus que dans la durée. « On n’a pas le temps de créer de nouveaux systèmes ; il faut donc travailler avec l’existant et l’élaguer ou le simplifier. Par exemple, se doter d’un même reporting pour tous et pour toutes les usines. » Les investissements lourds, les actions de fond sur les structures et systèmes viendront ensuite, lorsque les premières mesures immédiates auront porté leurs fruits, que l’élan aura été donné et enfin, que la stratégie aura été précisée. « Les changements ne viendront que plus tard, et progressivement, suite à l’identification des risques. » _ LES POLITIQUES DE RESSOURCES HUMAINES. Cette prudence en matière de systèmes d’information vaut aussi pour les systèmes de ressources humaines, qui sont d’une grande sensibilité. Pour la majorité des dirigeants, il vaut mieux s’abstenir de remettre en cause la politique de rémunération durant cette période de changement accéléré. Le « coup de balai » est une tentation dangereuse. « Mieux vaut ne pas trop remuer la dimension sociale au départ (rémunérations, par exemple). » Quelques-uns s’y risquent, mais davantage pour corriger une aberration flagrante, ou dans une perspective d’incitation — et face à un constat d’urgence largement partagé. En d’autres circonstances, le jeu n’en vaut souvent pas la chandelle. « Nous nous en sommes tenus à quelques décisions simples et immédiates d'organisation, rendues nécessaires par la crise. Elles ont permis de créer une sorte de rupture, de réduire les coûts et de refocaliser les divisions sur leur stratégie. Nous avons réduit par deux le nombre de business units et supprimé un échelon inutile. Dans les six premiers mois, nous avons également centralisé et regroupé certains services support : Finances, Ressources Humaines, etc. » En ce qui concerne la formation, on délaissera les programmes lourds au profit d’initiatives à court terme, visant à communiquer à ses équipes quelques outils et méthodes simples. Une formation sur le terrain et par l’exemple peut suffire à donner les bons réflexes opérationnels : conduite de projet, suivi des plans d’actions, analyse Pareto ou 80/20… _ ÉCLAIRCIR, FLUIDIFIER. Les « actions lourdes » ayant été mises de côté, il faut privilégier une adaptation progressive en se concentrant sur des objectifs simples, qui permettront de mettre en tension l’entreprise : • une bonne circulation de l’information ; • l’évaluation des hommes, l’animation des réunions de direction et l’établissement de la confiance ; • la définition d’objectifs individuels ou collectifs. Plutôt que des réformer les systèmes et pratiques existants, il s’agit de les amender — juste assez pour permettre le contrôle et le suivi des actions tel qu’il a été défini précédemment. C’est la mesure que le dirigeant va donner à ses ambitions ; c’est elle qui guidera ses exigences les plus fortes vis-à-vis de ses collaborateurs. Ce souci d’amélioration peut conduire à une simplification de l’organigramme, en éliminant les postes redondants ou les profils inadaptés. « Mes premières actions ont été de m’assurer du concours des deux hommes-clés que sont le DRH et le CFO ; tous deux étaient déjà en place. Au bout de 45 jours, une vingtaine de vice-présidents (n-1, n-2) étaient “sortis” au niveau mondial. Et l’on a réorganisé le groupe par divisions opérationnelles (marchés ou clients) au lieu de l’ancienne organisation par produits — où certaines divisions se retrouvaient en concurrence chez les mêmes clients… » La plupart des dirigeants que nous avons interrogés ont simplifié les structures, mais dans un sens pragmatique, pour pallier une urgence concrète et non pour réviser la hiérarchie de fond en comble. Leurs interventions, sur ce point, ont été volontairement limitées. Ensuite, un tableau de bord opérant ayant été constitué, il s’agira de donner toute priorité à la diffusion et à la clarté de l’information. Ici, encore une fois, le reporting est plus important que le budget. « Toutes les mauvaises nouvelles doivent remonter en priorité. » EIM - Les 100 jours 25 _ INFLECHIR LES REGLES DU JEU. _ MOTIVER LE GROUPE / L’INDIVIDU. A partir de là, il faut obtenir l’engagement des collaborateurs sur des objectifs concrets, et les faire adhérer au changement. Pour amender les structures, « fluidifier » le changement, il n’y a pas de recette toute faite. En fonction des situations et de leur personnalité, les dirigeants vont privilégier telle ou telle approche, mais toujours dans le même objectif : parvenir à mobiliser tout en impulsant le changement le plus vite possible. L’impulsion part du Comité de Direction : c’est à ce niveau que la dynamique de changement pourra trouver ses « missionnaires » et ses relais. « Il faut une transparence totale avec le Comité de Direction. » Une réorganisation des réunions de direction, pour les discipliner, est à la fois une aide précieuse et un signal fort. « Sans bousculer tout l’édifice, on peut du moins rendre ces réunions plus efficaces. » C’est aussi l’occasion de donner pour le dirigeant de nouvelles règles du jeu, fondées sur une confiance réciproque tout autant que sur l’exigence de résultats. « Je mets en avant trois règles du jeu : la transparence ; l’erreur est possible, mais pas deux fois de suite ; on est dedans, ou bien dehors. » « S’il n’y a pas de crise, créez des crises. » Reste à suivre régulièrement les actions entreprises, tout en maintenant la motivation. Cela passe par un programme d’objectifs concrets et quantifiables, d’où découlera une évaluation véritable des hommes. C’est un point parfois négligé, mais pour lequel l’entretien à lui seul ne suffit pas : le dirigeant doit s’appuyer sur des outils, s’astreindre à formaliser son regard. « L’évaluation des hommes, c’est primordial ; mais il faut le faire plutôt que de le dire ! Il faut entreprendre une évaluation formalisée des cadres-clés, même à court terme. » 26 EIM - Les 100 jours C’est pourquoi leurs avis sur ce point se révèlent convergents, mais nuancés. Certains préfèrent, à ce stade, ne donner que des objectifs collectifs, pour rechercher l’adhésion du groupe ; d’autres, au contraire, s’appuieront sur des programmes individualisés, jumelés à une politique d’incitation. Les positions sur la question des groupes de travail reflètent le même balancement. Tous les dirigeants s’accordent à en souligner l’importance, mais ils peuvent en avoir des conceptions divergentes. Les uns les verront comme des « cellules de crise » et y recourront dans un « esprit commando », avec le souci d’obtenir des solutions rapides. « Le plus important est d’adopter un esprit “commando” pour aller plus vite et construire un avenir meilleur ; c’est pourquoi, chez Valeo, on n’a pas trop utilisé les groupes de travail plus étendus. Il ne faut pas non plus hésiter à adapter rapidement l’organigramme et à éliminer les personnes inadaptées. » D’autres soulignent les risques de clivage que soulève cette approche : « Les groupes de travail sont très utiles, mais il faut s’assurer que 100 % des acteurs soient dans le coup. Une task force doit servir de relais d’information et d’accélérateur du mouvement ; pas de cloison ni de système de confiscation de l’information. Si les gens attendent bien sagement que la task force prenne la décision, alors cela ne va pas. » Dans ce cas, l’accent se porte davantage sur les aspects fédérateurs, ou fonctionnels, de l’initiative. Le groupe de travail est alors compris comme une entité plus large, dont les avancées sont appelées à se diffuser à l’organisation dans son ensemble. « Il est important de créer des groupes de travail, mais il faut plutôt donner un esprit de “process”, avec un tempo rapide, qu’un esprit “commando”. Chaque cadre dirigeant doit avoir des objectifs individuels précis et réalistes (80 % sont quantifiés) avec une part variable de rémunération pouvant aller jusqu’à 50 % du fixe. » Mais les écarts de ces positions reflètent surtout les moments différents qui scandent une problématique commune. Les grands objectifs des dirigeants opérationnels sont au fond les mêmes. Ils concernent la dynamique de changement au sein de toute entreprise, qui repose sur le dialogue incessant entre l’excellence individuelle ou bien la force collective. Selon le moment, le contexte et son style propre, chacun ne fait que favoriser légèrement l’un ou l’autre de ces pôles. _ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POUR ADAPTER LES STRUCTURES. Corrigez rapidement sans faire la révolution : il n'y a pas le temps de changer les systèmes. Une information simple et partagée ; des objectifs à court terme, qu'il faudra faire respecter. Mettez des groupes de travail sur les problèmes concrets et pressants. Suivez les hommes, évaluez-les, motivez-les. Éliminez tout ce qui bloque le plan de marche sans s' attaquer aux problèmes de long terme. EIM - Les 100 jours 27 CLE N°6 : COMMUNIQUER SANS CESSE. MAÎTRISER LA COMMUNIC ATION Importance 10 UNE VISION ÉPURÉE 9 COMMUNIQUER LES PLANS D'ACTION, LES RÉSULTATS LÉGITIMER LE CHANGEMENT DONNER DU SENS À L'ACTION 8 EXPLIQUER LA STATÉGIE COMMUNIQUER À L'ÉCHELLE INDIVIDUELLE 7 FÉDÉRER LES ÉNERGIES 6 5 4 Difficulté 3 3 28 EIM - Les 100 jours 4 5 6 7 8 9 10 On ne boucle pas ses 100 Jours en se focalisant uniquement sur les éléments chiffrés et techniques. La communication est la pierre angulaire du changement et, pour le dirigeant, une exigence incessante, dès la première minute de sa prise de fonctions. cultés, donner du sens à l’action. Sans « brûler ses cartouches » dès le début, il devra organiser une découverte et une appropriation progressive des mesures de changement, soutenues par les premières actions concrètes. La question : « Pourquoi êtes-vous là ? » se posera immédiatement. Il faut être prêt à y répondre. Enfin, il doit s’efforcer de communiquer en face à face, en se centrant sur les gens et leurs enjeux personnels, et non sur de « grandes idées » ; mais aussi de fédérer les énergies, en favorisant un langage commun, un esprit de tribu — c’est la tâche la plus difficile du lot. Nos entretiens font émerger sept composantes de la communication ; leur position sur le tableau, tout en haut de l’échelle des priorités, montre l’importance décisive que lui prêtent les dirigeants opérationnels. La communication figure, à égalité avec le leadership, au tout premier rang de leurs préoccupations. C’est aussi l’un des deux domaines jugés comme les plus difficiles. _ CHAQUE POINT COMPTE. Exprimer une vision simple et épurée est sans doute la mission la plus urgente du dirigeant en la matière, et sa vocation la plus naturelle. Mais il existe d’autres actions très importantes, pour lesquelles il aura du mal à trouver des relais. En tant que promoteur du changement, il est le mieux placé pour légitimer les nouvelles orientations et pour communiquer les plans d’action, ou commenter les résultats. Il faut que chacun comprenne où l’on veut aller, quelles sont les priorités et comment sa propre action s’inscrit dans le plan d’ensemble. Au delà d’un rôle de communication positive, il s’agit aussi d’exercer une « pression aux résultats » — et de mettre chacun devant ses responsabilités. A condition que l’on dispose d’un plan cohérent et d’une vision claire, cela n’est nullement contradictoire avec la motivation des troupes : au contraire, les équipes, en particulier dans les secteurs industriels, apprécient d’être prises en main et dirigées. Son rôle de fédérateur rend aussi le dirigeant partie prenante pour expliquer la stratégie, rassurer sans minimiser les diffi- « Dans ce domaine, tout est important. Il faut légitimer le changement et expliquer le pourquoi des choses ; donner du sens à l’action et à l’effort ; fédérer les énergies ; savoir aussi fixer un calendrier d’événements précis — et s’y tenir. » Or plusieurs caractéristiques se conjuguent pour accroître la difficulté du challenge. _ LA COMMUNICATION NE SE DELEGUE PAS. En premier lieu, la communication ne se délègue pas, ou alors très difficilement. Le dirigeant incarne l’entreprise, à plus forte raison dans les situations où elle se sent fragilisée : et le changement, qu’il découle ou non d’une crise, en est une. Les relais sont toujours possibles dans certaines situations et pour certains contenus : mais ils demeurent malaisés. « C’est un point très important pour le dirigeant. Son manque de disponibilité l’oblige à prendre des relais, ce qui est difficile à faire. » Il faudra jongler avec les contraintes de son agenda. Il y aura des choix à faire, des compromis qui ne se résoudront que partiellement, grâce au leadership et à la crédibilité personnelle du dirigeant. EIM - Les 100 jours 29 Le choix judicieux d’une équipe rapprochée ; la transparence avec cette équipe ; la clarté du plan d’action sont autant d’éléments qui peuvent favoriser l’émergence de relais. Jouer le jeu avec les syndicats et le CE — sans pour autant leur faire confiance, se révèle en général payant. Il faut se montrer pédagogue, assez franc et rigoureux : « Le dirigeant doit former rapidement des missionnaires qui prendront le relais de son action de communication sur des thèmes-clés, simples et ciblés, facilement communicables et mesurables. » « On a très vite mis en place une instance de dialogue stratégique avec les syndicats. Ils ont pu prendre plus vite conscience de la crise, et saisir notre projet pour éviter le pire. On a donc signé un accord de méthode qui a permis de ne pas perdre de temps sur les réductions d'effectifs devenues indispensables. » _ NE NEGLIGER AUCUN ACTEUR. En deuxième lieu, la communication s’étend à toutes les dimensions de l’entreprise : le personnel et ses représentants, les clients, les fournisseurs, les pouvoirs publics, les actionnaires — voire les financiers en cas de situation tendue. Mais cette attention à chaque acteur n'implique pas de cloisonner les discours : au contraire, le souci de cohérence reste constant. « Les communications interne et externe ne peuvent être disjointes. Ce que l'on dit à l'extérieur est très écouté en interne, et réciproquement. » Chaque dimension a son style et ses exigences propres ; aucune ne peut être négligée sans risque. « La communication, il faut d’abord en donner, dans la transparence, en parlant vrai ; et savoir en donner à chacun : Comité d’Entreprise, clients, fournisseurs, actionnaires. » « La communication doit couvrir toutes les dimensions : les actionnaires, le personnel, les clients et les fournisseurs. » Il faut rapidement se montrer capable d’adopter la culture et le langage de l’entreprise. « Ne pas trop faire référence à ses propres expériences passées, ce qui est en général mal ressenti. » 30 EIM - Les 100 jours • Vis-à-vis du commanditaire (siège, actionnaire), il faut d’abord rassurer, sans donner l’impression fausse que tout sera facile ; puis communiquer progressivement, et très régulièrement. L’importance cruciale d’un reporting constant est l’une des grandes leçons de terrain du Management de Transition. EIM, en mission, y répond à travers sa démarche de la relation triangulaire, qui maintient une interaction constante et rapprochée entre le Manager de Transition, le Conseiller EIM et le Client. • Vis-à-vis des clients, des fournisseurs ou des banques, les priorités sont voisines : l’enjeu immédiat est de rassurer avant tout ; l’enjeu latent, de signifier clairement que les choses vont changer — et se ménager des marges de manœuvre pour d’éventuelles négociations. « Une road-map précise, un discours opérationnel et transparent ont permis de rassurer les financiers, qui étaient très sceptiques au départ. » _ FAIRE SIMPLE ET CONCRET. Simplifier la présentation des enjeux ; exprimer une vision claire, fédératrice et orientée vers les enjeux directs de ses destinataires (personnels ou clients) sont des conditions sine qua non pour emporter la conviction. C’est d’autant plus vrai dans une situation difficile, où la capacité du dirigeant à débrouiller les questions devient un gage direct de sa crédibilité. « Le plus important est d’expliquer la stratégie, et la justifier tout en la simplifiant au maximum ; il faut savoir aussi l’expliquer aux clients. Entraîner les gens vers un objectif de business global qu’ils comprennent. » « Il faut communiquer aussi sur son mode de travail personnel… Par exemple, prévenir qu’on n’a pas l’habitude de serrer les mains. ». _ DU BON EMPLOI DE LA FRANCHISE. Faire simple, c’est aussi rester au « ras des pâquerettes » — et loin des slogans creux. Les grand-messes sur la vision et les valeurs ne passent plus. Dans une situation tendue, les gens ne se soucient pas de constructions théoriques ou de formules tranchées, mais de leur employabilité. « Il faut communiquer simplement une vision, et non pas communiquer une vision simple ; éviter les slogans trop simplistes ; et garder à l’esprit que les objectifs de communication durant les 100 Jours ne sont pas forcément les mêmes en externe qu’en interne — où la priorité absolue est de créer une dynamique collective. » Les valeurs et slogans, cent fois entendus, se révèlent d’autant plus dangereux qu’ils réclament une connaissance en profondeur de l’entreprise pour être maniés comme il convient. « Faire passer des messages globaux mais clairs ; éviter les slogans ; éviter de parler des valeurs — on peut se tromper làdessus. Rester très concret et simple. » « S’abstenir de parler de “valeurs” qui ne résistent pas aux pressions économiques et commerciales ; plutôt se concentrer sur des règles du jeu et du comportement. Cela permettra de changer progressivement la culture — mais bien après les 100 Jours… » Il s’agit de mettre en place les bases d’une entente où la parole du dirigeant, loin de toute langue de bois, établira sa crédibilité. « Il n’y a pas de règle pour les relations sociales : il faut s’adapter à chaque situation… Mais en veillant à toujours resté aligné, en cohérence, avec les actionnaires et le Groupe. » Ce souci d’entente et de légitimité implique de penser aussi à déminer les malentendus éventuels : En termes de communication, la franchise est probablement le meilleur atout du dirigeant qui prend ses fonctions : non seulement il sera entendu, mais encore c’est exactement le langage que l’on attend de lui. Dans une mission de Transition typique, un manager fortement aguerri arrive en poste dans un contexte parfois très tendu : or son constat objectif, pragmatique, exprimé sans ménagement et dans une langue qui n’est pas celle de l’entreprise, parvient à gagner la confiance et l’adhésion d’équipes que l’on croyait définitivement braquées. Son bagage opérationnel, mais aussi son simple statut de nouveau venu lui ont permis de dire ce qui restait inaudible : et c’est, pour tout le monde, un soulagement. « La priorité est de parler vrai en faisant passer une certaine empathie. En parlant vrai, on crée sa propre légitimité. Il faut savoir, aussi, faire parler les gens à partir de leur position plutôt que de la nôtre. » Ce bénéfice correspond au fameux « état de grâce » des 100 Jours : il ne faut surtout pas en négliger l’impact. Un discours de vérité sera d’autant plus apprécié que l’urgence est forte ; et les équipes s’y montrent en général plus résilientes qu’on ne croit. « Pour établir la confiance, il faut de la transparence, de la clarté et de la simplicité. Dire les choses telles qu'elles sont, dire ce que l'on va faire et faire ce que l'on a dit. » Mais la position du « redresseur » n’est tenable qu’au plus extrême de la crise. Sitôt les premiers risques contenus, la brutalité devient démobilisatrice et contre-productive. EIM - Les 100 jours 31 Il importe donc de savoir doser ses annonces : certaines décisions ne peuvent pas être assenées brutalement, mais pré-vendues. Pour préparer les esprits, il sera parfois utile de laisser filtrer quelques informations. _ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR DE COMMUNICATION. Communiquez, communiquez, communiquez ! Enfin, parler vrai ne signifie pas tout dire, et à n’importe qui. La posture de franchise implique au contraire, de la part du dirigeant, un surcroît de précaution. La pédagogie, mais aussi le souci de montrer constamment que les choses avancent, impliquent de ne révéler son plan d’action que progressivement. Rien de plus démotivant pour le personnel que de penser qu’au delà de grands discours et d’une agitation de surface, tout va rester comme avant. La franchise est aussi un pacte tacite, sur lequel se fonde la crédibilité du dirigeant. Il ne peut pas tout dire — et devra donc, sur certains points, garder le silence (et non mentir). La règle d’or consiste à ne promettre que ce que l’on peut tenir. « S’il existe un agenda caché, par exemple une possible fermeture à long terme, on devra demeurer très prudent sur la communication ; ne surtout pas s’engager sur des choses qui ne seront pas suivies. » 32 EIM - Les 100 jours Soyez simple, concret, proche du terrain. Ni grand-messe ni grand discours : restez modeste, n'abusez pas de l'héritage ni des valeurs. Parlez vrai, mais sans brutalité ni naïveté. Incarnez la communication ; faites preuve de pédagogie. Trouvez un équilibre entre les propos qui rassurent et ceux qui questionnent. Annoncez ce qui sera suivi ; sinon mieux vaut se taire. CLÉ N°7 : ASSEOIR SON LEADERSHIP. ASSEOIR SON LEADERSHIP Importance 10 SE CONCENTRER SUR L'ESSENTIEL 9 S'IMPOSER PAR SA CRÉDIBILITÉ ENTRER PONCTUELLEMENT DANS LES DÉTAILS MAÎTRISER LES LEVIERS- CLÉS, BOUSCULER LES CONVENTIONS 8 PROJETER UN ÉQUILIBRE PERSONNEL AGIR VITE, SAVOIR SURPRENDRE FAIRE CONFIANCE ET DÉLÉGUER 7 6 5 4 Difficulté 3 3 4 5 6 7 8 9 10 EIM - Les 100 jours 33 Le leadership compte, avec la communication, parmi les toutes premières priorités des dirigeants. En son absence, estimentils, le changement n’est tout simplement pas possible. « Les 100 Jours ne peuvent pas se faire sans un leader ; il doit s’imposer par son charisme, ses compétences et sa vision. Sa priorité est d’être un fédérateur : l’autorité n’est pas indispensable. » Or le pouvoir ne se donne pas, il se prend : pour changer le cours des choses, au sein d’une organisation complexe, le dirigeant devra très vite délimiter son territoire. Il lui faut gagner la confiance pour obtenir les informations et le soutien nécessaires. Au-delà, il devra donner rapidement les gages de sa crédibilité. Son attitude, ses talents relationnels, sa capacité à s’intégrer dans le fonctionnement de l’organisation tout en la réformant progressivement seront les clés du succès. Il n’y a pas vraiment de méthode pour asseoir son leadership : le domaine se cultive difficilement. L’autorité — qui ne se confond pas avec l’autoritarisme — découlera naturellement de l’action poursuivie tout au long des 100 Jours. C’est la conséquence des mesures concrètes que nous avons décrites ci-dessus. « Le leadership, ce n’est que le résultat des points précédents : ça se fait tout seul ou ça ne se fait pas. » « C’est plus une question d’autorité que de pouvoir. L’autorité vient par la compétence, mais surtout par le contact et la communication ; le pouvoir découle logiquement de l’autorité ; et il vient par délégation. » Cela dit, il existe des champs d’action privilégiés qui devraient permettre au dirigeant d’établir, sur des bases concrètes, son autorité personnelle. ce et à déléguer les responsabilités ; aptitude à surprendre et à stimuler ses troupes ; enfin, maintien d’un équilibre personnel. Cette liste, qui traduit les préoccupations principales des dirigeants opérationnels que nous avons rencontrés, est un peu hétéroclite : mais elle dessine des enjeux généraux assez homogènes d’un profil à l’autre. La crédibilité, vraie base de la mobilisation, reste sans doute le point le plus décisif du leadership. « Le plus dur est de s’imposer par sa seule crédibilité, par sa compétence et non par son autorité. » Elle peut s’entretenir à force de rigueur, de franchise et, avant, tout d’exemplarité : « C’est un point essentiel. Le dirigeant est sur l’estrade, tout le monde le regarde : il doit être CLAIR, CREDIBLE, et COHERENT ; il doit donner l’EXEMPLE. » « L’autorité vient naturellement si on sait fixer des priorités et les suivre. » _ GARDER UNE VISION D’ENSEMBLE. Pour s’imposer, il faut d’abord expliquer. De par ses fonctions, le dirigeant doit promouvoir une certaine hauteur de vue, dégagée autant que possible des complexités de la situation, lui permettant de faire ressortir une vision de synthèse et des axes clairs. Plus le contexte est difficile, plus sa capacité à l’éclairer, à le décoder, à le simplifier sera perçue comme précieuse. _ DONNER L’EXEMPLE. Sept compartiments se distinguent dans le dépouillement de notre enquête : crédibilité ; focus ; maîtrise des leviers-clés de l’entreprise ; capacité à entrer dans les détails ; à faire confian- 34 EIM - Les 100 jours « Il faut “expliquer” aux gens… Ça donne de la crédibilité et donc de l’autorité. » « Rester indépendant, se donner la capacité d’apparaître comme au-dessus de la mêlée. » _ TENIR SON RANG. Cette position n’est tenable qu’à condition de verrouiller soigneusement les assises de son pouvoir : s’assurer du contrôle des leviers-clés ; montrer que l’on sait où l’on va, en sachant questionner certaines habitudes. « On doit parfois bousculer les conventions, pour rappeler qui est le patron ; ne pas hésiter à sanctionner les comportements inadéquats — et le faire savoir. » « Quand j’étais dans la Marine, j’ai eu un commandant qui avait peur de la manœuvre — et cela se voyait. Ses collaborateurs disaient de lui : C’est un type formidable… Mais on n’irait pas au combat avec lui. C’est la même chose dans l’entreprise : il faut montrer que l’on sait tenir la barre. » Se maintenir au-dessus de la mêlée réclame aussi du sangfroid. D’où l’importance de savoir éviter la dispersion : la prise en compte de ses propres limites — par exemple, à travers le souci de son équilibre personnel — peut se révéler un atout précieux dans la conduite du changement. Sous la pression des 100 Jours, la chose est plus facile à dire qu’à faire… Il s’agit d’une problématique familière au Management de Transition, où le dirigeant bénéficie, à cet égard, du soutien et du recul que lui apporte le Conseiller de Transition. _ S’ENGAGER. Inversement, la nécessité de donner l’exemple poussera le dirigeant à s’engager résolument sur le terrain, en posant des actions concrètes et visibles. jamais perdre de vue l’importance des hommes dans l’exécution : ils doivent “comprendre” pour que l’alignement soit réel. » La plupart de nos interlocuteurs insistent sur les bénéfices qu’il y a parfois à entrer dans les détails les plus concrets, voire les moins stratégiques. Deux raisons à cela : c’est d’abord sur le terrain que se joue le changement, et il s’agit de donner la preuve de leur compétence opérationnelle. Mais c’est aussi l’affirmation de leur indépendance, du rôle exemplaire et spécifique qu’ils ont à jouer. _ BOUSCULER LES IDEES REÇUES. Le dirigeant opérationnel doit pouvoir s’aventurer sur tous les domaines d’action ; selon toutes les échelles de temps ; envisager l’organisation à tous les niveaux. Cette liberté représente aussi l’une de ses missions essentielles. On a donc intérêt à se ménager une part d’imprévisibilité ; à savoir surprendre ses collaborateurs ; les provoquer au besoin, les stimuler, et à bousculer les normes établies de l’organisation. « Agir vite en surprenant parfois et ne pas hésiter à être craint : c’est un signe de leadership. » De cette façon, par ses actes et ses discours, le dirigeant « devient » l’entreprise elle-même — à tous ses niveaux d’existence. Par son dynamisme, il s’impose comme porteur de changement. Son leadership va dépendre aussi de sa mobilité, tant au point de vue des strates de l’entreprise que de la chronologie du changement. _ CONVAINCRE. « Le personnel a besoin d’actions… il juge sur les résultats par rapport à ces actions. » « Bousculer les conventions, s’impliquer personnellement, aller sur le terrain… Mais ne jamais sacrifier le long terme, et ne Cette fluidité permanente entre la synthèse et le détail ne reflète pas une autorité gratuite. Elle vise à fédérer les hommes, pour obtenir l’adhésion sans laquelle rien ne peut se faire. EIM - Les 100 jours 35 Elle illustre, par l’exemple, que les problématiques ponctuelles — les enjeux individuels — et la perspective globale de l’entreprise peuvent se confondre. Elle rend possible une solidarité autour du projet de changement. « Faire passer le message qu’on ne joue pas “perso”, qu’on est là pour soutenir les gens et les assister et non pas leur donner des ordres. Cela peut sembler parfois un peu manipulateur… Mais c’est assez naturel si on aime les gens et si on a un peu d’intuition et de feeling. » « La manière de gérer les réunions est également essentielle pour le leadership ; il faut savoir écouter, créer un sentiment d’équipe. » Se montrant capable à la fois de garder le cap et de s’atteler à la manœuvre, le dirigeant prouve dans les faits que son plan est possible ; et son exemple devient alors un facteur puissant de motivation. « Au départ, on est plus paysan que poète. Par la suite, il faut être à la fois poète et paysan : à la fois inspirer l’action et bétonner les résultats. » En dernière analyse, le défi de l'adhésion se remporte, pour une bonne partie, au plan personnel : pour convaincre, il faut être soi-même convaincu. D'où toute l'importance que les dirigeants attachent à la détermination personnelle, mais aussi aux outils simples, aux cadres concrets qui vont leur permettre de rester concentrés sur la vraie priorité des 100 Jours : l'action. C'est ce qu'illustre ce témoignage : « Je me suis complètement immergé dans ce redressement. On a bossé très dur avec l'équipe de direction — et je dois dire que j'ai passé quelques nuits blanches quand ont surgi des obstacles inattendus. Mais l'ampleur de la crise m'avait donné une sorte de recul sur les choses ; et puis, la confiance est revenue progressivement, avec l'obtention des premiers résultats. Réussir à dresser un plan court terme et le mettre en œuvre dans un tel contexte de crise, cela rassure : d'une petite victoire à l'autre, c'est un cadre qui permet réellement d'avancer. Cela peut paraître 36 EIM - Les 100 jours paradoxal, mais je ne me suis jamais senti aussi serein que durant cette période de redressement. » _ EN RESUME : QUATRE REGLES D’OR POUR LE LEADERSHIP. Donnez l'exemple : sachez vous engager. Simplifiez, allez à l'essentiel, restez clair et cohérent. Tenez votre rang : assurez- vous du contrôle des leviers-clés ; avec les hommes, sachez à la fois apprivoiser et surprendre. Faites l'hélicoptère : prenez de la hauteur, en sachant plonger dans les détails le cas échéant. Restez mobile, réactif, imprévisible. Conclusion La synthèse que nous avons esquissée dans les pages précédentes ne représente qu’un rapport d’étape. EIM compte enrichir cette première réflexion à travers une série de petits-déjeuners débats rassemblant des dirigeants opérationnels : « Cent Jours pour réussir ». (Ces manifestations, qui seront chaque fois centrées sur le cas concret exposé par un dirigeant invité, se tiendront en 2006 et 2007. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations.) A ce stade, on peut malgré tout dégager quelques premières conclusions, et souligner les points utiles à la conduite des 100 Jours. Pour commencer, on peut dessiner les grandes étapes d’un plan d’action. Dans le détail, un tel programme devra se moduler selon les particularités de la situation. Cet outil offre néanmoins l’intérêt de poser quelques jalons, afin de ne pas perdre de vue les priorités. LE PLANNING DES CENT JOURS LES SEPT CLES DU CHANGEMENT 1 Maitriser le champ des opérations 2 Établir ses appuis 3 Engager les premières mesures 4 Contrôler et mesurer les actions 5 Adapter les structures Premier mois S1 S2 S3 Deuxième mois S4 S5 S6 S7 …100 Jours S8 S9 …………………… S20 6 Communiquer sans cesse 7 Asseoir son leadership EIM - Les 100 jours 37 La rapidité apparaît décisive, plus particulièrement durant les premières étapes du changement. Une première analyse de la situation, sur la base des informations factuelles et des entretiens individuels, devra être conduite dans les trois semaines suivant la prise de fonctions. Les premiers choix en termes d’équipe seront bouclés avant la fin du premier mois (on pourra élargir son cercle ou en corriger les contours par la suite). Encore une fois, dans ces deux domaines cruciaux, une certaine prise de risque est nécessaire — sachant que les décisions pourront se corriger d’elles-mêmes et qu’il sera possible, dans un second temps, de revenir sur l’organisation. Les décisions visant les premières victoires, à éteindre les foyers de pertes ou à réaliser des gains immédiats se prendront dès la deuxième quinzaine. Pour le dirigeant, il s’agit à la fois de dégager des marges de manœuvre financière, de donner le signal du changement et d’obtenir l’adhésion qui permettra de poursuivre. En parallèle, il doit mettre en place un mode d’animation et de contrôle rapproché du plan d’action qui en résulte. Ce plan s’adossera à un ensemble d’indicateurs simples, communs. On pourra ensuite passer plus de temps dans le contrôle de gestion et apporter des améliorations. La communication est permanente : elle débute dès la prise de fonction du dirigeant et devra se poursuivre tout du long pour soutenir la dynamique de changement. Enfin, le dirigeant doit prendre sa place et asseoir son leadership sans retard, mais sans autoritarisme : il faut d’emblée ne pas se laisser « marcher sur les pieds » et s’assurer du contrôle des leviers-clés. Le leadership se renforce ensuite par la cohérence des actions entreprises et par l’attitude du dirigeant. A l’issue des 100 Jours, il devra être parfaitement établi, pour conduire l’organisation dans la deuxième phase du changement. LES LEÇONS DE NOTRE ETUDE. Au-delà de ce schéma d’intervention, notre travail livre plusieurs enseignements généraux. Nous avons été frappés de voir qu’il existait un large consensus chez nos interlocuteurs, qu’ils soient Managers de Transition ou bien Dirigeants permanents : de fait, leurs contextes de travail sont aujourd’hui les mêmes. Dans un environnement professionnel toujours plus volatil, on voit converger leurs contraintes de temps, de ressources et leurs marges de manœuvre. Voici les six points saillants de ce consensus : L’adaptation des structures et des systèmes doit être prudente et progressive. Elle s’appuiera dans un premier temps sur un reporting simple et partagé ; sur un processus d’animation spécifique (réunions de direction, style de management) ; et, si nécessaire, sur la mise en place de tasks forces vouées à des dossiers précis. Les évolutions lourdes des systèmes ne pourront être abordées qu’à l’issue de la période, quand la vision stratégique à long terme aura été précisée. 38 EIM - Les 100 jours 1 • La règle des « 100 Jours » n’est pas une vue de l’esprit : c’est une constante des organisations — et le dirigeant n’aura jamais plus de temps pour asseoir sa crédibilité et initier la dynamique du changement. 2 • La rapidité d’action demeure la première exigence. Elle doit l’emporter sur le souci de la précision, pour ce qui concerne les constats, mais aussi pour les hommes et les actions à entreprendre. 3 • La focalisation est cruciale pour le dirigeant, que guette le risque de la dispersion. Il lui faut sans cesse aller à l’essentiel, préciser les objectifs, ne pas gaspiller le temps et les ressources de l’organisation dans de grands projets structurels. 4 • Il faut mettre l’entreprise sous tension, en précisant une ligne claire, en assignant des objectifs concrets et en s’impliquant très fortement dans le contrôle rapproché des actions. Cette pression constante aux résultats est peut-être la tâche la plus essentielle du dirigeant — et en tout cas, la plus difficile. 5 • Les grand-messes et les grands discours ne passent plus : la communication doit être claire, simple, concrète et proche du terrain. 6 • Enfin, le poids des hommes est la plus grande force — d’inertie ou de mobilité — en jeu dans la dynamique du changement. D’où l’importance cruciale de savoir choisir ses relais et de susciter l’adhésion. Il faut faire très attention aussi à ne pas aller trop loin en la matière, en exigeant des bouleversements contre-productifs de l’organisation. On ne change pas les choses « malgré » les hommes : c’est une des leçons constantes du Management de Transition. La réussite repose forcément sur les qualités et sur la personnalité du dirigeant, sans oublier sur un peu de chance. L’expérience du Management de Transition, comme des prises de fonctions plus classiques, montre qu’un dirigeant excellent, dont le profil est adapté au contexte, peut obtenir des résultats spectaculaires en peu de temps. L’étoffe humaine du manager est donc cruciale. Mais l’expérience acquise demeure un atout décisif. Sans que l’on puisse parler de recette toute faite, des règles du jeu et des repères ressortent clairement de notre pratique professionnelle comme de l’enquête que nous avons menée auprès des dirigeants opérationnels. La problématique des 100 Jours est au cœur de notre métier de Management de Transition. EIM souhaite enrichir cette réflexion en apportant sa contribution à cette question essentielle. Car de telles situations, d’exceptionnelles il y a encore quelques décennies, sont entrées désormais dans le quotidien de l’entreprise. Nous sommes convaincus que les dirigeants ont tout à gagner à confronter leurs expériences, pour réfléchir ensemble sur les enjeux et sur les leviers de ce défi. EN CONCLUSION : UN ART PLUTOT QU’UNE SCIENCE. En définitive, la conduite des 100 Jours s’apparente plus à un art qu’à une science : pour cette raison, être un bon dirigeant opérationnel exige de grandes qualités. Il faut faire preuve d’une vision globale des enjeux — tout en sachant parfois entrer dans les détails ; d’un sens aigu de l’écoute et d’une proximité constante avec le terrain ; de courage et de ténacité ; d’une focalisation lui permettant de donner clairement le cap. EIM - Les 100 jours 39 EIM, fondé en 1988, est le créateur du Management de Transition. Nous apportons des solutions de management à l'entreprise dans des situations réclamant un apport exceptionnel de compétences : acquisitions ou cessions, implantations à l'international, redressements et restructurations, vacances temporaires de management, etc... Amsterdam Barcelone Bruxelles Hong Kong Londres Madrid Melbourne Mil an Munich New York Paris Shanghai Stockholm Sydney 01 40 26 61 60 EIM est une structure totalement intégrée reposant sur un partenariat global à l'échelle mondiale. Tous nos bureaux travaillent comme une seule entité afin de fournir des solutions de management à fort impact pour nos clients dans le monde entier. © eim Graphisme : EIM France / 79, avenue Marceau 75116 PARIS / T. 01 53 57 34 56 / www.eim.com