analyse thème sur la fatalité dans Madame de Bovary

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analyse thème sur la fatalité dans Madame de Bovary
La Fatalité
Dès sa publication en 1857, Madame Bovary choque, divise et interroge les lecteurs, dans la mesure
où Flaubert, à travers son ouvrage propose pour la première fois un regard réaliste sur la société.
Abordant des thèmes très controversés pour l'époque, comme le désespoir, l'adultère, ou encore le
suicide, l'auteur, inspiré d'un fait d'hivers, nous livre une histoire crue et crédible. On y dépeint la
vie d'une jeune femme bercée par les rêves d'un monde romantique imaginaire, qui, une fois
confronté face à la réalité, va perdre pied et s'enfoncer dans divers vices qui vont la conduire à la
mort. Cette insatisfaction constante de la vie réelle (appelé aujourd'hui bovarysme) ne peut
cependant pas être issue de l’œuvre du hasard. En effet, il semblerait que quelque chose la guide, la
pousse vers sa destinée funeste. Cette impression nous est confirmé à la fin du roman par
l'intervention de Charles, qui affirme que: «C'est la faute de la fatalité» (p.445).
Il parait donc à présent évident qu'Emma n'est pas maître de son sort, mais qu'elle agit
vraisemblablement sous l'influence de quelque chose ou de quelqu'un, mais quel est vraiment le rôle
de cette fatalité dans le récit? Emma est-elle pareille à un personnage de tragédie, manipulé de bout
en bout et voué à disparaître?
Pour répondre à ces questions, nous allons en premier lieu essayer d'analyser la portée et les
conséquences de la fatalité à travers de multiples personnages, objets et événements présents dans le
roman. Et enfin nous verrons si Emma Bovary fait office de figure tragique ou seulement de pion
banal dans un univers qui la dépasse.
Véritable fil rouge de l'histoire, la fatalité apparaît très tôt dans le récit. Effectivement, il semblerait
que le futur d'Emma ne soit déjà révélé dès les premières pages du roman, alors qu'elle est
seulement encore qu'au couvent. Durant cette période, une jeune lingère jouant le rôle d'initiatrice
malfaisante à des plaisirs défendus, s’immisça dans la vie de la jeune fille, la poussant à prendre
goût aux lectures romantiques et à briser les interdits: «Souvent les pensionnaires s'échappaient de
l'étude pour l'aller voir» (p.86). Cette épisode marque le début de la criminalité et des rêveries
d'Emma, la création d'un monde illusoire (rappelons qu'Emma ne connaissait que très peu le monde
extérieur, et donc les seuls références qu'elle pouvait trouver étaient dans les livres) duquel elle ne
pourra réchapper, et qui va la poursuivre tout au long de l’œuvre. Ce décalage évident avec la réalité
va l'acculer dans un ennui profond est insatiable. Pour s'y dérober, elle va dilapider l'argent du
ménage, entretenir une relation épistolaire, et finalement commettre l'adultère et avoir des relations
extra-conjugales.
Son infidélité peut par ailleurs également être prédite. On remarque que peu avant d'aller au
couvent, Emma mangea avec son père dans une auberge dans laquelle les plats étaient servis dans
des assiettes représentants mademoiselle de La Vallière, la maîtresse de Louis XIV: «où ils eurent à
leur souper des assiettes peintes qui représentaient l'histoire de mademoiselle de La Vallière». Il
parait donc que la jeune fille fut déjà gâtée avant son arrivée au couvent, laissant présager le pire
pour la suite. A cela s'ajoute la cérémonie mariage raté de Charles et d'Emma, durant laquelle
Charles n'a pas brillé: «Il répondit médiocrement aux pointes, calembours, mots à double entente»
(p.79), et que dire de leur fête de noce gâchée par l'horrible son grinçant émanant du violon du
ménétrier, qui à n'en pas douter prédit un triste destin: «Le bruit de l'instrument faisait partir au loin
les petits oiseaux» (p.77), ou encore le bal de Vaubyessard, où Emma en refusant d'aller danser son
époux, le repousse en quelque sorte du monde qu'elle s'est construit, bien qu'elle même ne fut pas
acceptée par celui-ci (elle est une simple spectatrice, elle ne participe pas à la fête): «On se
moquerai de toi, reste à ta place» (p.102).
Tous ces signes avant coureurs de rupture imminente entre les deux conjoints se rejoignent
lorsqu'Emma jette son ancien bouquet de mariage, tout fané et poussiéreux (comme sa vie conjugal
avec Charles qui se consume peu à peu) au feu: «Elle le jeta dans le feu» (p.123), scène tiré de
«L'éducation Sentimentale» du même auteur, symbolisant la fin de son amour, de ses illusions de
jeunesses, de ses passions.
La fatalité joue donc un rôle prédominent dans la rupture d'Emma, mais comme nous allons le voir,
elle s'étend aussi à son adultère.
En effet, est-ce la faute d'Emma si elle a tant plu à Rodolphe, qu'il a inventé un moyen pour la
détourner du regard de son mari? De plus, c'est bien Charles qui l'encourage à aller chevaucher avec
Rodolphe: «Pourquoi n'accepte-tu pas les propositions de monsieur Boulanger, qui sont si
gracieuses?» (p.226) Rodolphe arrive d'ailleurs à cheval, tout comme Charles lors de sa première
rencontre avec Emma, ce qui les a conduit à s'aimer, et puis les rouages du temps on eu raison de
leur relation, et il y a de forte chance pour que ce soit pareil cette fois encore.
Charles va réitérer la même erreur avec Léon, car c'est bien lui qui permet à sa femme de se rendre
à l'opéra, où elle retrouve par «hasard» Léon, et qui quitte la salle de concert avant la fin, laissant
les deux amants seuls. Et c'est encore une fois lui qui accepte qu'elle voyage chaque semaine à
Rouen pour ses soit disant cours de piano, et qui va même jusqu'à inviter Léon dans sa demeure (en
faisant cela il accepte en quelque sorte la relation du jeune clerc avec sa femme): «Maintenant que
vous voilà dans nos contrées, vous viendrez j'espère de temps en temps nous demander à dîner?»
(p.310).
On a l'impression ici, qu'Emma est à chaque fois tentée de pécher, comme si elle ne pouvait se
dérober à l'appel de la corruption. Cette corruption va peu à peu la détruire, la gangrener, lui donner
des airs d’actrice de tragédie de l'Antiquité (on retrouve des références comme la tête de Minerve,
Hippolyte, la pendule à tête d'Hippocrate, Artémise...). Ce rôle d’actrice se retrouve à l'opéra, les
Bovary assistent à une représentation de «Lucia di Lammermoor», une histoire d'amour qui se
termine par la mort des deux amants, à l'instar de la triste fin du jeune couple. Une destinée
inéluctable semble donc se profiler à l'horizon, alors de nombreux signes à caractères funèbres font
leur apparition venant renforcer ce sentiment.
Ainsi, on remarque à Tostes qu'une statue représentant un curé se casse un pied, faisant sûrement
écho à l'opération raté du pied de bot, puis se brise complètement pendant le déménagement,
comme pour les prévenir d'un destin semblable, d'un abandon divin (curé faisant office ici de figure
religieuse). On souligne également la présence d'un bouquet de fleurs ayant appartenu à la défunte
épouse de Charles, véritable vision macabre dans la mesure où à présent c'est Emma qui va dormir à
cette place, dans cette chambre, avec un mari qui en a déjà vu partir une avant lui: «C'était un
bouquet de mariée, le bouquet de l'autre!» (p.82).
Ces sombres prémonitions continues lors de son arrivée à Yonville. En effet, tout d'abord, le
cimetière se situe tout au bout du village, comme pour nous rappeler la destinée irréversible qui
attend chaque habitant de ce bourg perdu à la croisée des chemins, se situant tout juste entre la
Normandie, la Picardie et l’Île de France. Ensuite, les premiers mots entendus à Yonville sont:
«Vous vous nourrissez des morts Lestiboudois» (p.128). Cette phrase cité par le curé accentue
l'horreur de l'endroit, les habitants se repaissent de cadavres.
Puis, on note la présence de Monsieur Lheureux, marchand de nouveautés et usurier à ses heures
perdues, qui, ironiquement à l'inverse de ce que son nom pourrait laisser entendre, n'apportera
jamais le bonheur à Emma, mais au contraire ne fera qu’accroître ses tourments en la noyant sous
une montagne de dettes. Cette homme sera pourtant un des rare lien reliant Madame Bovary à la
ville, il lui vend du rêve, lui permet de s'évader à travers ses dépenses, à se rapprocher de ses
idéaux. Cependant à l'image de la mode, cet instant de plénitude est éphémère et s'estompe peu à
peu au fil des achats et donc au final n'est qu'une illusion de plus, car Emma, à l'instar d'Antigone de
Sophocle, ne pourra de toute manière jamais être prétendre à la satisfaction, au bonheur.
Ce constat se dégage une nouvelle fois lorsqu'on observe la médiocrité des habitants du village.
Leur platitude se distingue des rêves grandiloquents de la jeune femme, qui, ne pouvant les
accomplir se fait à l'idée de périr avec ceux-ci plutôt que d'y renoncer (mettant ainsi encore plus en
avant sa destinée tragique). Son rôle sera plus que jamais dévoilé à travers le personnage de
l'aveugle, qui est en fait personne d'autre le devin grecque Tirésias annonçant comme quant il l'a fait
pour Antigone, le châtiment divins d'Emma, à travers sa carcasse «délabrée» et son regard livide, et
infini comme la mort.
En conclusion, d'après ce que nous avons vu, il semblerait qu'Emma, telle une héroïne de tragédie,
est contrôlée et guidée par une force dépassant tout entendement. Elle navigue depuis le début vers
le destin funeste et irrévocable qui attend toute personne dotée de trop grands espoirs, au point d'en
oublier la réalité. Cette fatalité menée d'une main de maître par Flaubert dérange, interroge et alerte
le lecteur quant à la réelle limite de son libre arbitre dans la vie de tous les jours et aux résultats qui
en découlent. Ne sommes nous pas nous aussi comme Emma, des marionnettes voués à disparaître
une fois le spectacle terminé?
Sources:
-http://www.etudes-litteraires.com/madame-bovary.php
-http://fr.wikipedia.org/wiki/Tir%C3%A9sias
-De nombreux éléments comme le lien à Antigone et Tirésias ont été trouvés sans l'aide d'une aide
extérieure.

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