La lettre trimestrielle de MERCATOR - No 10
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La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 1 Editorial Chèr(e) Mercatorien(ne), Cette Newsletter estivale sera dense et variée ! Vous y découvrirez une étude de validation de PSY2v1 sur la Mer du Labrador, une description d'Armor qui reconstruit un océan observable en 3 dimensions et enfin, une présentation d'un produit combiné de hauteur de mer dans la Méditerranée : y verrez-vous quelques dauphins ? Bonne lecture ! CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Sommaire z Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador z 1. Introduction z 2. Ce qu'il faut retenir de PSY2v1 pour notre analyse z 3. PSY2v1 : quelques dates clefs entre décembre 2002 et mars 2003 z 4. PSY2v1 face aux observations in situ z 5. Quelques éléments de réponse z 6. En conclusion z Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord z 1. Introduction z 2. Les données z 3. Projection verticale des données satellites (SLA, SST) z 4. Combinaison des profils synthétiques et in situ z 5. Illustration de la méthode le long d'une section hydrographique z 6. Conclusions et perspectives z 7. Référence z Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations z 1. Résumé z 2. Introduction z 3. Le modèle Mog2D z 4. Le niveau de mer généré par le vent et la pression atmosphérique z 5. Comparaisons avec les observations marégraphiques z 6. Discussion z 7. Conclusion z 8. Références z Bloc Note Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador Par Nathalie Verbrugge 1. Introduction La Mer du Labrador appartient au gyre subpolaire Atlantique. Elle est délimitée au Nord par la Mer de Baffin et au sud par la recirculation du courant Nord Atlantique. Sur son pourtour circulent le courant du Labrador et le courant ouest groenlandais qui apportent des eaux froides et peu salées des bassins nordiques. Elle est le lieu de convections hivernales profondes qui induisent une ventilation de masses d'eau intermédiaires - 200 à 1000 mètres -, telles que le LSW1, et profondes : le NEADW2. Partie de la cellule de circulation thermohaline, cette région joue donc un rôle essentiel dans les processus climatiques. C'est une région difficile à étudier de part sa position très nord et les conditions climatiques rigoureuses ; c'est aussi une région que les modèles peinent à représenter correctement. En effet, les processus qui influent sur la variabilité et les caractéristiques de la région sont nombreux : échanges de flux air-mer, glace de mer et glaciers groenlandais, lien avec la salinité, représentation des caractéristiques des courants et des masses d'eaux qui proviennent des mers arctiques, représentation des évènements convectifs... Pour toutes ces raisons, nous avons voulu savoir "où en était" PSY2v1 dans la représentation de cette région. 1 LSW : Labrador Sea Water 2 NEADW : Northeast Atlantic Deep water La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 2 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) 2. Ce qu'il faut retenir de PSY2v1 pour notre analyse : Le modèle est forcé par les flux de chaleur pénétrant et non pénétrant, le flux Evaporation-Précipitation et la tension de vent du centre Européen (ECMWF). La salinité de surface (SSS) est rappelée vers la climatologie saisonnière de Reynaud (1998) et la température de surface (SST) vers les SST Reynolds journalières. Ces rappels sont appliqués afin d'éviter une éventuelle dérive du modèle. Ils doivent donc permettre de conserver des masses d'eau avec des caractéristiques moyennes réalistes. PSY2 n'intègre pas de véritable modèle de glace et aucune autre forme de paramétrisation n'est appliquée pour prendre en compte l'impact, non négligeable, de la formation et de la fonte des glaces de mer sur la salinité. On se contente de couper les flux atmosphériques lorsque la température de surface atteint le point de congélation. Enfin, le modèle est initié par la climatologie Reynaud du mois de septembre pour les champs de température et salinité. Nous avons constaté que la variabilité de la SSS et de la SST issues de la climatologie Reynaud était nulle sur la Mer du Labrador et le courant Est-Groenlandais (cf. Figure 1). Cela signifie que le rappel en salinité "tire" le modèle vers une moyenne annuelle qui ne tient pas compte de la saisonnalité des caractéristiques océaniques. Figure 1 : Ecart-type de la salinité de surface (gauche) et de la température de surface (droite) issues de la climatologie Reynaud. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 3 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) 3. PSY2v1 : quelques dates clefs entre décembre 2002 et mars 2003 : L'analyse porte sur les quatre mois de l'hiver 2002-2003 : de décembre à mars. Au cours de cet hiver, nous avons retenu trois dates marquantes : z La mi-février 2003 marque le début de la convection dans la Mer du Labrador qui s'accompagne de l'approfondissement de la couche mélangée (cf. Figure 2). On note conjointement toute une série de caractéristiques atmosphériques favorables au déclenchement d'un épisode convectif : une forte diminution de flux de chaleur entre le début de l'année 2003 (Qnet = -200W/m²) et le 19 février 2003 (Qnet = -650W/m²), un flux E-P qui est positif sur une large partie du domaine (lorsque E-P est positif, l'évaporation est supérieure à la précipitation et l'océan de surface a tendance à se saler) et de forts vents de nord-ouest. L'advection océanique d'anomalies froides et salées peut également participer au processus. Tous ces paramètres contribuent à "alourdir" les eaux de surface et à les faire plonger dès lors que le profil vertical est devenu instable. Nous n'avons pas de profils in situ pour valider cet évènement. Figure 2 : Profondeur de la couche mélangée de PSY2v1 à la date du 19 février 2003. Le rectangle noir délimite la zone de convection dans la Mer du Labrador (approfondissement de la couche mélangée). z La mi-mars 2003 marque l'extension de la zone de convection (cf. Figure 3). Le flux de chaleur reste très négatifs entre la mi-février et la mi-mars et on observe de très forts vents de nord-ouest dans les champs ECMWF. Le flux E-P, par contre, redevient négatif par endroit sur cette zone. Il est intéressant de remarquer que, dans PSY2v1, les régions de convection pour février et mars sont remarquablement bien et corrélées avec le champ de salinité (cf. psy2_20030219_19407_zPAM_s_n0_t0.gif psy2_20030319_19435_zPAM_s_n0_t0.gif). Cette corrélation mérite d'être soulignée dans le cas où le satellite SMOS d'observation de la SSS deviendrait opérationnel. Dans cette hypothèse, des données de SSS pourraient alors être directement assimilées dans le modèle. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 4 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) Figure 3 : Profondeur de la couche mélangée de PSY2v1 à la date du 19 mars 2003. Le rectangle noir délimite la zone de convection dans la Mer du Labrador (approfondissement de la couche mélangée). z La fin du mois d'avril 2003 s'accompagne du début de la restratification (cf. Figure 4). L'analyse des paramètres atmosphériques indique une modification du régime de vents avec de faibles vents d'est (vents marins) qui s'accompagnent d'un flux d'air chaud (les flux de chaleur sont positifs sur la Mer d'Irminger et faiblement négatif sur la Mer du Labrador (Qnet = -100W/m²)) et plus de précipitation que d'évaporation (E-P<0). Figure 4 : Profondeur de la couche mélangée de PSY2v1 à la date du 23 avril 2003. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 5 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) 4. PSY2v1 face aux observations in situ : Sur les 4 mois d'hiver, 106 profils in situ de température (T) et de salinité (S) (issus de la base Coriolis de l'Ifremer) ont été effectués dans la région du Labrador. La plupart d'entre eux ont permis d'échantillonner les masses d'eau jusqu'à 1500-2000 mètres (cf. Figure 8). Leur répartition temporelle est inhomogène. Ainsi, seule une observation a été relevée pour le mois de février alors que 18 sont disponibles pour le mois de janvier. Nous avons interpolé le modèle et la climatologie Reynaud aux positions (fonction quadratique), profondeurs et dates (fonction linéaire) des observations. Profils verticaux : mode convectif et non convectif Nous avons choisi deux profils datés du 11 janvier 2003 (cf. Figure 5) et du 1 avril 2003 (cf. Figure 7). Ils ont été retenus sur les 2 critères suivants : z Leurs positions respectives sont voisines ([60.5N, 53.4W] et [60.2N, 53.2W]) et s'inscrivent dans la zone géographique de convection simulée par PSY2v1 entre la mi-mars et la mi-avril (cf. Figure 6 pour la date du 2 avril 2003). z L'un se situe hors de l'épisode convectif (le 11 janvier 2003), l'autre y appartient (le 1 avril 2003). Figure 5 : Température (gauche) et salinité (droite) pour la date du 11 janvier 2003. Les courbes bleues représentent les champs du modèle ; les courbes vertes représentent le profil observé ; les courbes jaunes en pointillées représentent le profil extrait de la climatologie Reynaud. Figure 6 : Couche mélangée de PSY2v1 à la date du 2 Avril 2003. Le rond noir indique la position des profils sélectionnés pour l'analyse (11/01/2003 et 01/04/2003) La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 6 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) Figure 7 : Température (gauche) et salinité (droite) pour la date du 1 avril 2003. Les courbes bleues représentent les champs du modèle ; les courbes vertes représentent le profil observé ; les courbes jaunes en pointillées représentent le profil extrait de la climatologie Reynaud. On observe, entre les deux dates, une homogénéisation de la colonne d'eau tant dans les observations que dans PSY2v1 ainsi qu'un approfondissement des thermocline et halocline (voir une disparition pour cette dernière) : la température décroît sur les 700-800 premiers mètres et la salinité diminue en surface et augmente en subsurface jusqu'à une profondeur de 800 mètres. Des différences importantes existent cependant. On retiendra par exemple : z Une couche mélangée plus profonde dans les observations pendant l'épisode convectif. z Un biais important, de plus de 2°C et 0.2 psu, en surface et en subsurface à la date du 11 janvier 2003. On note cependant que ces écarts diminuent pendant l'épisode convectif. On descend, en effet, à 0.5 °C en moyenne entre 0 et 700 mètres, à 0.1 psu sous 800 mètres et à un écart en salinité presque nul en surface : PSY2v1 s'écarte de la climatologie pour se rapprocher des observations lorsque l'information de surface, issue des forçages extérieurs, est propagée sur la verticale par la dynamique du modèle. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 7 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) En moyenne sur l'hiver 2002-2003 Les trois exemples de profils de la Figure 8 permettent d'illustrer plusieurs points essentiels : 1. Les termes de rappel en surface (climatologie pour la SSS et champ Reynolds pour la SST) ne "ramène" pas le modèle vers les in situ contemporaines. Sur de nombreux profils, on observe que la salinité du modèle dans la couche de surface est nettement inférieure à la salinité observée. On remarque qu'elle est, en fait, très proche de la climatologie. Les SST Reynolds sont aussi très éloignées des observations. Nous avons calculé, en effet, que l'écart-type et le biais entre les SST Reynolds et les SST in situ étaient respectivement de 1.239°C et 0.672°C. Cependant, les SST PSY2 restent assez "dispersées" autour des valeurs des SST Reynolds puisque l'écart-type et le biais calculés sur le domaine d'étude sont respectivement de 1.201°C et -0.158°C entre ces deux champs. En résumé, nous avons les relations suivantes pour les champs de surface: z Pour la SSS : z Pour la SST : On peut mentionner que les écarts entre les différents champs ne résultent pas de problèmes de représentation de la méso-échelle puisqu'ils s'avèrent être à peu près homogènes à l'échelle du bassin. 3. La climatologie Reynaud qui a servi à initialiser le modèle ne possède pas les bonnes masses d'eau profondes dans cette région : elle est trop salée (0.02 à 0.05psu) et trop chaude (0.1°C) à 2000 mètres. 4. La couche mélangée (couche qui possède des propriétés homogènes sur la verticale) est plus profonde dans les observations que dans PSY2v1. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 8 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) Figure 8 : Exemples de profils en température (gauche) et salinité (droite) pour les dates du 2 décembre 2002 (en haut), 1 janvier 2003 (milieu) et 25 mars 2003 (bas). Les courbes bleues représentent les profils PSY2v1, les courbes vertes représentent les profils in situ et les courbes jaunes représentent les profils issus de la climatologie Reynaud. Les points rouges indiquent la valeur de la SST Reynolds. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 9 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) Les cartes de la Figure 9 représentent les écarts moyens entre les différents champs T et S de PSY2v1, des observations et de la climatologie calculés sur l'hiver 2002-2003 et sur la région de la Mer du Labrador. Elles permettent de synthétiser une partie des résultats obtenus qualitativement par l'analyse directe des profils (cf. Figure 8). Elles signalent un déficit en sel et en quantité de chaleur dans les 100 premiers mètres du modèle par rapport aux profils in situ (0.1 à 0.2psu et 0.5 à 1°C). Sous cette profondeur, on note, par contre, un excès de sel dans PSY2v1 de l'ordre de 0.05psu. La comparaison avec la climatologie Reynaud, point de départ de PSY2v1 en septembre 2001, indique une forte similitude avec les caractéristiques T et S des masses d'eau du modèle sous les 100 premiers mètres. Or, elle se révèle être, dans cette région, beaucoup plus proche des caractéristiques des masses d'eau présentes à la fin des années 60s (cf. figure 4 à l'adresse Web www.mar.dfompo.gc.ca/science/ocean/woce/labsea/labsea_poster.html#sec1.1). Cette faible représentativité des masses d'eaux récentes s'explique simplement par le fait que la base de données hydrographiques utilisée par Reynaud contient un nombre de points d'observations sur la Mer du Labrador beaucoup plus grand entre 1960 et 1975 qu'entre 1985 et 1998. Figure 9 : Ecart moyen en température (gauche) et salinité (droite) entre PSY2v1 et les observations (courbes rouges), entre PSY2v1 et la climatologie Reynaud (courbes bleues) et entre les observations et la climatologie (courbes vertes). Les différences sont calculées à partir de tous les profils observés (ramenés à des niveaux identiques) sur la région du Labrador entre décembre 2002 et mars 2003. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 10 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Evaluation des processus régionaux : la Mer du Labrador (suite) 5. Quelques éléments de réponse : z Les champs utilisés pour les rappels en surface ne "tirent" pas le modèle vers les in situ contemporaines. D'autre part, la climatologie qui permet d'initialiser le modèle est représentative des masses d'eau qui occupaient le bassin à la fin des années 60s, mais pas des masses d'eaux contemporaines. Ceci pose surtout un problème pour les masses d'eaux profondes qui ne sont renouvelées qu'à très basse fréquence (décennale) par les épisodes convectifs intenses. z Dans cette région, Renfrew & al. (2002) ont calculé une barre d'erreur sur les flux de chaleur de l'ordre de 10%. La Figure 10 montre que les flux de chaleur moyens sur les 4 mois d'hiver 2002-2003 valent environ -200W/m². L'erreur moyenne sur les flux de chaleur représente donc environ ±20W/m² pour cette période de l'année. On rappelle que 20W/m² sur 1 mois et une couche de 100 mètres de profondeur représentent un réchauffement de 0.5°C de la température de l'océan dans ces 100 premiers mètres. Bien sûr, il s'agit d'une approximation grossière puisqu'on ne tient pas compte des termes d'advection, de diffusion, ni de la profondeur réelle de la couche mélangée. Cependant, ceci illustre à quel point la méconnaissance des flux de chaleur peut être déterminant dans la reproduction des évènements convectifs. Figure 10 : Moyenne des flux de chaleur (ECMWF) calculée sur décembre 2002 à mars 2003. z Les erreurs sur la salinité et la température peuvent aussi provenir d'un défaut d'advection dans la région (déficience dans la représentation des courants Est et Ouest Groenlandais par exemple, MSSH (cf. http://www.mercator-ocean.fr/html/lettre/lettre_8/page_12.html) qui ne contiendrait pas le "bon" signal barotrope). Elles peuvent aussi trouver leur source dans l'absence de paramétrisation de la thermodynamique de la glace de mer et des glaciers. 6. En conclusion : z Il faudrait "débrancher" les rappels en surface dans cette région, en veillant à ce que le modèle ne dérive pas... z Nous attendons avec impatience la version qui intègrera un modèle de glace (PSY3v1), prévue en mode opérationnel d'ici la fin 2004. z A plus courte échéance, la prochaine étape consistera à regarder les champs fournit par la configuration PSY1v2 du modèle dont le rappel en SSS a été débranché et qui assimile, en plus de l'altimétrie, la SST Reynolds et les profils in situ ! La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 11 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord Par Stéphanie Guinehut et Gilles Larnicol 1. Introduction Malgré le nombre croissant de mesures in situ de température et de salinité, grâce notamment aux 780 flotteurs Argo actifs, la structure thermohaline de l'océan reste largement sous échantillonnée par les observations in situ. En complément, les mesures satellites fournissent des observations synoptiques de hauteur de mer (SLA) et de température de surface de la mer (SST) sur l'océan global mais sans mesure directe de la structure verticale de l'océan. Ces deux types de données (satellite et in situ) sont largement complémentaires (Gilson et al., 1998 ; McCarthy et al., 2000) et jouent un rôle essentiel pour contraindre les modèles via les méthodes d'assimilation. Notre objectif est de combiner ces deux types de données indépendamment des modèles afin de créer des champs de comparaison plus précis que les champs climatologiques existants (Reynaud et al., 1998 ; Levitus et al., 2000) et d'améliorer notre compréhension du contenu physique des données satellites et in situ et de leurs incertitudes (erreurs, fréquence, répartition géographique). Dans cette étude, nous présentons les résultats de la combinaison des données satellites (SLA et SST) et in situ (profils de température) pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord. Une méthode de combinaison a été développée afin de combiner les mesures précises mais peu nombreuses de profils de température avec les observations satellites moins précises mais à haute résolution spatiale et temporelle. La méthode de combinaison comporte deux étapes. Des profils synthétiques de température sont tout d'abord déduits des données altimétriques et de SST à partir d'une méthode de projection verticale. Ensuite, ces profils synthétiques sont combinés avec les profils in situ via une méthode d'interpolation optimale réalisée sur N niveaux verticaux de la surface jusqu'à 700 m de profondeur. Nous allons tout d'abord présenter les données utilisées dans cette étude (section 2). Les méthodes de projection et de combinaison sont ensuite décrites et validées respectivement dans les sections 3 et 4. Enfin, une étude spécifique réalisée le long d'une section hydrographique de l'Océan Atlantique est détaillée dans la section 5 avant de présenter les conclusions et les perspectives de ce travail dans la section 6. 2. Les données Trois sources de données couvrant l'année 2002 ont été utilisées pour cette étude : z Les profils in situ de température proviennent du centre de données Coriolis1 et correspondent à des mesures temps réel provenant de flotteurs profilants, de mouillages et de mesures XBT et CTD. z Les anomalies de hauteur de mer proviennent du centre de données SSALTO/DUACS2 et correspondent à des cartes hebdomadaires des mesures combinées des satellites Jason-1 (Topex/POSEIDON), ERS-2 et GFO avec une résolution horizontale au 1/3° Mercator. z Les données de SST proviennent du centre de données NAVOCEANO3 et correspondent à des cartes hebdomadaires de MCSST AVHRR avec une résolution horizontale de 18 km. 1 http://www.coriolis.eu.org/coriolis 2 http://www.aviso.oceanobs.com/duacs 3 http://podaac.jpl.nasa.gov/navoceano_mcsst La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 12 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord (suite) 3. Projection verticale des données satellites (SLA, SST) La première étape consiste à projeter sur la verticale les observations satellites (SLA, SST) via une méthode de régression linéaire multiple afin de créer des champs de température "synthétique" tridimensionnels et hebdomadaires avec une résolution horizontale au 1/4° sur chaque niveau vertical Levitus de la surface jusqu'à 700 m de profondeur. 3.1 Méthode Là où la corrélation qui existe entre une hauteur stérique et le champ de température en profondeur est forte, la partie stérique des champs de SLA peut être utilisée afin d'estimer avec une bonne précision des profils de température. Une première étape consiste donc à extraire la partie stérique des SLA altimétriques grâce à des coefficients de régression déduits d'une étude globale de comparaison altimétrie/in situ (Guinehut, 2002 ; Guinehut et al., 2002). Ainsi, en incluant une contrainte supplémentaire avec la SST, l'équation de régression linéaire multiple s'écrit : où T', SLA' et SST' sont, respectivement, les anomalies de la température, de la hauteur stérique et de la température de surface par rapport à la climatologie mensuelle Levitus (Antonov et al., 1998). et sont les coefficients de la régression entre, respectivement, la hauteur stérique et la température et entre la SST et la température. Ils varient avec la profondeur et s'expriment en fonction des covariances entre les différentes variables : Ces covariances ont été préalablement calculées de la surface jusqu'à 700 m de profondeur sur une grille globale de 1° de résolution horizontale à partir d'un jeu de données extrait du World Ocean Database (Levitus et al., 2001). Par ailleurs, nos analyses sont limitées à 700 m de profondeur en raison du nombre insuffisant de données in situ pour les profondeurs supérieures à 700 m. 3.2 Validation La validation de la projection verticale de la SLA et de la SST est réalisée sur un sous-ensemble de 3500 profils de température pour l'année 2002 et l'Océan Atlantique Nord sur une zone comprise entre 20° et 60° N. Pour chaque profil de température, la SLA et la SST sont interpolées à la date et à la position de la mesure in situ puis projetées sur la verticale (via la méthode décrite ci-dessus). Les résultats indiquent qu'en utilisant une méthode de régression simple (projection verticale des données altimétriques uniquement), l'extraction de la partie stérique des SLA (partie stérique qui est totalement cohérente avec la structure verticale de l'océan entre la surface et 700 m de profondeur) réduit significativement les différences entre les profils in situ de référence et les profils synthétiques reconstruits, sur toute la colonne d'eau d'environ 10 % de la variance du signal (comparer les courbes en pointillées verte et bleue sur la Figure 1). L'impact de la SST est également bien visible de la surface jusqu'à 300 m de profondeur (comparer les courbes en trait plein et en pointillées sur la Figure 1) ce qui montre que les mesures de SST permettent de pallier efficacement aux faibles corrélations qui existent entre la couche de mélange et l'altimétrie. Ainsi, la SST est vraiment complémentaire de la SLA pour déduire des profils de température à partir d'observations satellites. Figure 1 : rms des anomalies de T in situ (red) anomalies calculées par rapport à la climatologie mensuelle Levitus, rms des différences entre les T in situ et les profiles synthétiques de T déduits des SLA totales (vert), des SLA stériques (blue) et d'une méthode de régression simple (SLA - pointillés) ou d'une méthode de régression multiple (SLA+SST - trait plein) en fonction de la profondeur. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 13 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord (suite) 4. Combinaison des profils synthétiques et in situ L'objectif de la combinaison est de reconstruire des champs instantanés de température à haute résolution spatiale et temporelle. Pour chaque niveau vertical Levitus entre la surface et 700 m, les profils in situ de température sont combinés avec les profils synthétiques déduits de la projection verticale des observations satellites de SLA et de SST par une méthode d'interpolation optimale (Bretherton et al., 1976). Les analyses sont effectuées chaque semaine sur une grille au 1/4°. 4.1 Méthode Afin de tenir compte des qualités des deux types d'observations, c'est-à-dire, l'information précise apportée par les mesures in situ et la variabilité mésoéchelle contenue dans les champs synthétiques, une description précise des erreurs appliquées sur ces observations doit être introduite dans la méthode d'interpolation optimale. Ces erreurs ont tout d'abord été ajustées et testées par l'analyse de données de simulation provenant du modèle CLIPPER (Guinehut et al., 2003). Ainsi, pour les profils in situ considérés comme des observations quasi parfaites, un très faible bruit blanc est appliqué. Pour les profils synthétiques, comme ces observations ne sont pas issues de mesures directes mais sont déduites de la méthode de régression, des erreurs corrélées doivent être appliquées afin de corriger des biais grande longueur d'onde présents dans ces champs synthétiques et introduits par la méthode de régression. Pour chaque combinaison hebdomadaire, les observations in situ sont sélectionnées dans une fenêtre temporelle de -15/+15 jours autour de la date d'analyse et les champs synthétiques sont créés le même jour. En outre, le prétraitement des données in situ consiste à interpoler les profils sur les niveaux verticaux Levitus. Identiquement à la méthode de régression, les données mensuelles de la climatologie Levitus sont utilisées comme first guess. 4.2 Performances de la méthode de combinaison Les performances de la méthode sont analysées en comparant les champs combinés avec les données in situ et synthétiques utilisées pour créer ces champs combinés. Un exemple est donné sur la Figure 2 pour un champ instantané de température à 200 m. Le champ combiné montre des températures plus chaudes dans la zone des Açores que le champ synthétique déduit des mesures satellites et des températures plus froides dans la partie nord du domaine ce qui montre l'habileté de la méthode de combinaison à prendre en compte les informations contenues dans les quelques mesures in situ afin de corriger les champs synthétiques. Figure 2 : Champ de température instantané à 200 m (02/10/02) issu (a) des mesures in situ (mesures à +/- 15 jours de la date d'analyse), (b) des températures synthétiques et (c) de la combinaison des champs in situ et synthétique (en °C). La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 14 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord (suite) 4.3 Validation avec des données indépendantes La validation de la méthode est maintenant réalisée avec un jeu de données indépendantes. Le jeu de données de l'année 2002 est divisé en deux jeux de données : le jeu 1 constitué de profils utilisés pour la combinaison et le jeu 2 constitué de profils indépendants pour la validation. Les statistiques de validation pour l'année 2002 (Figure 3) indiquent que le rms de l'erreur de cartographie est significativement réduit pour toutes les profondeurs quand les profils synthétiques et in situ sont combinés comparativement aux résultats obtenus par l'utilisation des seuls profils in situ (T(z)) ou des seuls mesures satellites (SLA, SST). Par exemple, à 200 m de profondeur, l'erreur de cartographie passe de 1.15°C par l'utilisation des seuls profils in situ (courbe turquoise) à 1°C quand les mesures satellites sont projetées sur la verticale (courbe verte) et à 0.9°C pour la combinaison (courbe bleue). De plus, l'utilisation des profils synthétiques entraîne des résultats meilleurs que ceux obtenus par l'utilisation des profils in situ ce qui montre la difficulté de restituer des champs à haute résolution spatiale et temporelle par une quelconque moyenne des profils in situ seuls en raison de l'aliasing du signal mésoéchelle. Figure 3 : rms des anomalies des T in situ issues du set 2 (rouge) et rms de l'erreur de reconstruction des anomalies de T par l'utilisation des profiles in situ issus du set 1 (turquoise), des profiles synthétiques (vert) et bleu de la combinaison des profiles synthétiques et in situ en fonction de la profondeur. Les statistiques sont calculées sur tout le domaine d'étude. 5. Illustration de la méthode le long d'une section hydrographique La méthode de combinaison est maintenant validée le long d'une section hydrographique de l'Océan Atlantique située entre la Floride et le détroit de Gibraltar (Figure 4). Cette section est particulièrement intéressante en raison de sa haute résolution spatiale avec plus de 180 profils échantillonnés en 10 jours. L'objectif est, d'une part, d'étudier la cohérence temporelle de la méthode et, d'autre part, de regarder précisément la structure et la cohérence verticale (les analyses sont effectuées niveau par niveau) des champs issus de la combinaison. Afin d'avoir une estimation indépendante du champ de température le long de cette section, les profils in situ issus de la section ne sont pas utilisés pour le calcul des champs combinés. Figure 4 : Positions de la section hydrographique Gibraltar/Floride (28/02/02-09/03/02). Les coupes des températures extraites de la section hydrographique, des champs de la climatologie mensuelle Levitus, des champs issus de la projection verticale des mesures satellites (SLA, SST) et des champs issus de la combinaison (SLA, SST, profils in situ) sont comparées sur la Figure 5. La structure grande échelle du champ de température est relativement bien représentée par les champs mensuels Levitus. Les températures sont néanmoins trop froides en surface le long de l'ensemble de la section. En plus de la structure grande échelle, la projection verticale des mesures satellites (SLA, SST) permet de restituer les structures mésoéchelles présentes le long de la section ainsi que des températures plus proches des températures in situ. La contrainte supplémentaire ajoutée par les profils in situ voisins de la section permet de corriger sensiblement les champs synthétiques mais ces profils étant peu nombreux, l'apport est relativement faible comme le montrent les statistiques des différences entre les champs in situ et les champs reconstruits présentés sur la Figure 6. Par ailleurs, les champs combinés issus des interpolations optimales effectuées niveau par niveau présentent une très bonne cohérence sur la verticale (Figure 5). Enfin, les statistiques montrent les erreurs importantes commises pour restituer correctement la profondeur de la base de la couche de mélange, notamment dans la partie ouest de la section (Figure 5). La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 15 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord (suite) Figure 5 : Champ de température extrait (a) de la section Gibraltar/Floride, (b) de la climatologie mensuelle Levitus, (c) des champs grillés issus de la régression des mesures satellites (SLA, SST) et (d) des champs grillés issus de la combinaison (SLA, SST, profils in situ) (en °C). Figure 6 : rms des anomalies du champ de T in situ le long de la section Gibraltar/Floride (anomalies calculées par rapport à la climatologie mensuelle Levitus - rouge) et rms de l'erreur de cartographie des anomalies de T, en vert issues de la régression des mesures satellites (SLA, SST) et en bleu de la combinaison (SLA, SST, profils in situ). La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 16 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Utilisation combinée des données satellites (SLA, SST) et in situ pour l'estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord (suite) 6. Conclusions et perspectives Cette étude confirme qu'il est possible de combiner les mesures précises mais peu nombreuses de profils de température avec les observations altimétriques et de SST à haute résolution spatiale et temporelle. La méthode de combinaison développée permet une estimation des champs de température de l'Océan Atlantique Nord avec une précision moyenne de 1°C sur les 700 premiers mètres. Au vu de la précision de ces analyses, les champs de température ainsi déduits peuvent servir à analyser la variabilité du contenu thermique de l'océan (transports de chaleur, variabilité le long de sections hydrographiques répétitives ou historiques...). Ces analyses peuvent également être utilisées comme champ de référence pour des comparaisons systématiques avec les champs des modèles MERCATOR (PSY1, PSY2, PSY3...) afin d'analyser l'apport de la dynamique du modèle et l'impact de l'assimilation. Ces analyses ont été mises en place dans le cadre du module ARMOR (Analyse de Routine Multivariée des Observations MERCATOR) du projet MERCATOR. Elles sont actuellement opérées en global sur les champs de température et de salinité. Les perspectives principales de ce travail sont de qualifier la précision de ces analyses dans différentes zones de l'océan et particulièrement la précision des champs de salinité. 7. Référence Antonov, J. I., S. Levitus, T. P. Boyer, M. E. Conkright, T. D. O'Brien, and C. Stephens, 1998: World Ocean Atlas 1998 Vol. 1: Temperature of the Atlantic Ocean. NOAA Atlas NESDIS 27, U. S. Government Printing Office, Washington DC. Bretherton, F. P., R. E. Davis, and C. B. Fandry, 1976: A technique for objective analysis and design of oceanographic experiments applied to MODE-73, Deep-Sea Res., 23, 559-582. Gilson, J., D. Roemmich, and B. Cornuelle, 1998: Relationship of TOPEX/Poseidon altimetric height to steric height and circulation in the North Pacific, J. Geophys. Res., 103 (C12), 27947-27965. Guinehut, S., 2002: Vers une utilisation combinée des données altimétriques et des mesures des flotteurs profilants. Thèse de doctorat, Université Toulouse III - Paul Sabatier, Toulouse. Guinehut, S., P.-Y. Le Traon, and G. Larnicol, 2002: A comparison between altimeter data and in situ temperature and salinity profile measurements over the global ocean during 1993-2001, WOCE and Beyond international conference, San Antonio, Texas Guinehut, S., P.-Y. Le Traon, G. Larnicol, and S. Philipps, 2003: Combining altimeter and profiling float data to better estimate the 3D thermohaline variability, J. Mar. Sys., Submitted. Levitus, S., J. I. Antonov, T. P. Boyer, and C. Stephens, 2001: World Ocean Database 1998, National Oceanographic Data Center, Silver Spring, MD. Levitus, S., C. Stephens, J. I. Antonov, and T. P. Boyer, 2000: NOAA Atlas NESDIS 40, U.S. Government Printing Office, Washington DC. McCarthy, M. C., L. D. Talley, and D. Roemmich, 2000: Seasonal to interannual variability from expendable bathythermograph and TOPEX/Poseidon altimeter data in the South Pacific subtropical gyre, J. Geophys. Res., 105 (C8), 19535-19550. Reynaud, T., P. Legrand, H. Mercier, and B. Barnier, 1998: A new analysis of hydrographic data in the Atlantic and its application to an inverse modeling study, Int. WOCE. Newsl., 32, 29-31. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 17 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations Par Florent Lyard et Laurent Roblou 1. Résumé Dans cette présentation, nous nous sommes intéressés au niveau de la mer enregistré et modélisé en mer Méditerranée en 2002. Deux modèles dynamiques sont disponibles : le premier a été conçu pour résoudre la circulation océanique (Mercator Psy2-v1 (Newsletter Mercator N°8)), et le second pour résoudre les processus des marées et des ondes de tempête (Mog2D). Nous testons l'hypothèse selon laquelle la combinaison de ces deux modèles (par un cumul total ou partiel) devrait fournir un outil de prévision du niveau de la mer d'une efficacité optimale. En comparant avec les relevés marégraphiques, la prédicibilité des modèles, seuls et/ou combinés, est évaluée pour différentes gammes de fréquence. Deux grandes conclusions se dégagent de cette étude : d'une part, le modèle Mercator filtré passe-bas conjugué à Mog2D s'accorde bien aux données enregistrées et d'autre part, le signal du niveau de la mer basse fréquence Mog2D est, contre toute attente nécessaire dans cette combinaison pour obtenir les meilleures prévisions (au lieu du baromètre inverse filtré passe-bas). Des recherches plus approfondies seront nécessaires pour comprendre entièrement ces derniers résultats. 2. Introduction Les variations du niveau de la mer sont le paramètre le plus mesuré en océanographie physique. Outre les réseaux marégraphiques classiques, les missions satellitaires d'altimétrie récentes et actuelles fournissent un flux constant de données dont la continuité s'étend sur plus de dix ans. La variabilité du niveau de la mer est en grande partie due aux marées et au forçage atmosphérique, mais la circulation de surface des océans ou les effets stériques sont clairement visibles dans les mesures de niveau de la mer. L'observation du niveau de la mer est donc très utile pour l'assimilation et la validation des modèles dynamiques de l'océan. Cependant, pour exploiter cette mesure de façon complète et précise, un traitement supplémentaire est nécessaire, tel que, par exemple, la séparation des échelles temporelles et spatiales et le retrait de l'aliasing. Parmi d'autres efforts de modélisation (Mathers [2000], Ponte [1997], Ponte et al. [1991] et Ponte [1991]), la simulation globale de la réponse océanique au forçage atmosphérique a été réalisée au LEGOS entre 1992 et 2003 à partir du modèle barotrope à éléments finis Mog2D, sur une maille à résolution moyenne. L'objectif principal de cette simulation est de fournir à la communauté scientifique de meilleures corrections haute fréquence du niveau de la mer (par rapport à la paramétrisation du baromètre inverse classique ; voir Wunsch et al., [1997], Woodworth et al., [1995]) dans les données altimétriques GDR pour retirer l'aliasing du signal de la circulation océanique (voir par exemple Stammer et al., [2000], Ponte and Gaspar, [1999], Gaspar and Ponte, [1997]). Par ailleurs, un modèle régional méditerranéen a été développé sur une maille haute résolution pour le projet Albicocca où les relevés marégraphiques et altimétriques sont comparés à des fins de calibration et d'observation de la circulation côtière. En raison de la nature quasi barotrope de la réponse dynamique de l'océan au forçage atmosphérique sur des périodes inférieures à 30 jours, le modèle Mog2D présente la plupart des fonctionnalités nécessaires à la modélisation de la dynamique haute fréquence de l'océan. Pour les échelles de temps plus grandes, la vraie réponse océanique aux différents forçages comprend une composante barocline significative. De surcroît, la dilatation de l'océan due à la variation du contenu thermique (effets stériques) contribue en grande partie à la variation du niveau de la mer aux échelles annuelles et saisonnières. Les modèles OGCM (Ocean General Circulation Model - modèle de la circulation générale de l'océan) montrent un schéma très complémentaire, puisque la majeure partie de la dynamique haute fréquence de l'océan (principalement barotrope) est filtrée, alors que la dynamique thermohaline et la dynamique basse fréquence due aux vents sont correctement représentées. On pourrait donc en déduire de façon simpliste que le signal de la variation totale du niveau de la mer peut être prévu par la somme d'une prévision Mog2D et d'une surface de la mer OGCM. Deux problèmes doivent néanmoins être résolus : le modèle barotrope et le modèle OGCM ont un terme de forçage commun, à savoir le vent basse fréquence, et pourraient donc contenir des signaux dynamiques redondants. En second lieu, le modèle OGCM assimile les données du niveau de la mer là où le baromètre inverse (BI) est appliqué, ainsi, un signal dynamique résiduel et aliasé de type ondes de gravité est introduit dans la simulation, mais peut être filtré ultérieurement par le modèle. À ce stade, il est quasiment impossible d'évaluer avec exactitude le contenu haute fréquence du modèle OGCM et le contenu basse fréquence du modèle Mog2D. L'approche généralement préconisée consiste donc à réaliser le produit combiné du niveau de la mer en filtrant le signal basse fréquence dans la prévision barotrope, et inversement le signal haute fréquence dans la simulation OGCM avant de les additionner. De cette manière, le baromètre inverse basse fréquence doit être ajouté au produit combiné car la pression atmosphérique contribue de façon significative à la bande basse fréquence et n'est pas présente dans le niveau de la mer OGCM. Pour ces mêmes raisons, la combinaison de la simulation du modèle Mog2D filtré passe-haut (20 jours) et du baromètre inverse filtré passe-bas constitue généralement la meilleure hypothèse de correction des données altimétriques avant leur assimilation dans un modèle OGCM. Même si ces hypothèses sont tout à fait acceptables, elles doivent être vérifiées de façon plus approfondie. Grâce au modèle méditerranéen Mog2D et aux simulations du modèle Mercator PSY2 ainsi qu'à un réseau de marégraphes dense, nous pouvons étudier de près les différentes hypothèses. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 18 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) 3. Le modèle Mog2D Le modèle Mog2D (modèle 2D d'ondes de gravité) est un modèle barotrope, non-linéaire et à intégration temporelle, dérivé de Lynch and Gray [1979] et développé depuis lors pour modéliser la marée côtière et globale et la réponse océanique aux forçages atmosphériques (Greenberg et Lyard, communication personnelle). Les équations du modèle sont basées sur les équations classiques de continuité et du mouvement en eaux peu profondes. Elles sont résolues par une équation non-linéaire d'onde en eaux peu profondes avec une formulation quasi elliptique qui améliore la stabilité numérique. Les courants sont déduits de l'équation de mouvement non conservative. Le modèle comprend les forçages liés aux marées et aux facteurs météorologiques (pression de surface atmosphérique et vent). Son originalité se traduit principalement par une discrétisation spatiale à éléments finis qui permet d'améliorer la résolution dans des régions d'intérêt telles que les zones à fort gradient topographique (présentant des courants à forte variabilité et une génération d'ondes internes) ainsi que les zones d'eaux peu profondes où la dissipation due au frottement de fond est la plus courante. Un schéma à pas de temps fractionnaire est utilisé pour améliorer l'efficacité numérique des nœuds instables du maillage. Figure 1 : Maille utilisée, de moyenne résolution et à éléments finis. Le frottement de fond est obtenu à partir d'une paramétrisation quadratique de type Chezy. Une nouvelle paramétrisation du transfert d'énergie barotrope à barocline (par le biais des générations d'ondes internes sur les pentes topographiques) est incluse dans le modèle. La viscosité horizontale suit le schéma de viscosité de Smagorinsky (Smagorinsky [1963]) qui permet de prendre en considération les différentes mailles d'éléments finis utilisées. Par nature, le modèle barotrope n'inclut pas de dissipation verticale d'énergie (comme les processus de déstratification de l'océan ou le frottement dû au cisaillement vertical) ; ce qui pose problème lorsque la tension moyenne annuelle du vent est conservée dans le forçage de la simulation. Dans ce cas de figure, des circulations océaniques profondes irréalistes peuvent apparaître. Un terme supplémentaire de type Raleigh est donc introduit afin de paramétrer, au moins de façon approximative, la dissipation interne (Egbert and Ray [ 2000], Morozov [2000]). Des conditions aux limites ont été extraites de la simulation globale Mog2D-G et utilisées avec une condition radiative (méthode des caractéristiques). Pour notre étude, seul le forçage atmosphérique est appliqué au modèle (pas de forçage des marées, ni potentiel, ni aux limites). La pression de surface et le vent à 10 mètres proviennent des relevés ARPEGE (Météo France) et ECMWF (ECMWF [1991]) et ont une résolution temporelle de 6 heures (ce qui suppose que les fréquences inférieures à 12 heures ne sont pas bien représentées). La tension du vent découle de la formule classique de Rosati et Miyakoda [1988] (avec une surface de l'océan et des températures atmosphériques égales à zéro dans notre application). À chaque intervalle de temps, la pression atmosphérique est corrigée à partir de sa moyenne globale instantanée afin de garantir la conservation de masse océanique et donc de pouvoir comparer nos simulations avec les approximations du baromètre inverse. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 19 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) 4. Le niveau de mer généré par le vent et la pression atmosphérique Calculée sur l'année 2002, la surface de la mer Méditerranée montre un gradient de 10 cm d'est en ouest (figure 2). Ce gradient est principalement dû au gradient moyen de la pression atmosphérique. Certaines régions montrent un gradient côtier local généralement lié au transport côtier moyen (mer Adriatique, Golfe de Gabès, côte égypto-lybienne) ou au régime des vents locaux. En moyenne, la variabilité du niveau de la mer due au forçage des vents et de la pression varie entre 5 et 10 centimètres (figure 3), avec des valeurs maximales observées dans des zones d'eaux peu profondes. Dans la majeure partie de la Méditerranée, l'amplitude de ce phénomène est comparable à la variabilité des marées. Les variations du niveau de la mer liées à la pression atmosphérique en Méditerranée sont réputées pour être mal représentées par la paramétrisation du baromètre inverse (Candela et Lozano [1994], Candela [1991]). Si l'on ajoute l'effet du vent, l'écart est encore plus important, notamment dans le bassin oriental (Golfe de Gabès et mer Adriatique), avec une forte modulation saisonnière. Comme le montre la figure 4, l'écart moyen au baromètre inverse est de l'ordre de 1 à 2 cm. Il est quasiment uniforme dans le bassin occidental et oriental, mais on y voit la signature de la circulation côtière évoquée auparavant. L'écart-type de la différence entre le modèle et le baromètre inverse varie entre 6 et 9 cm, ce qui est correspond à 50 à 100 % de la variabilité du niveau de la mer elle-même. Dans le bassin occidental, le Golfe du Lion présente l'écart maximum au baromètre inverse, en raison de la présence du plateau continental et du régime de vents intenses. Figure 2 : Niveau moyen de la mer du modèle Mog2D en 2002, exprimé en centimètres. Figure 3 : Ecart-type du niveau de la mer du modèle Mog2D en 2002, exprimé en centimètres. Figure 4 : Ecart moyen au BI en 2002, exprimé en centimètres. Figure 5 : Ecart-type de l'écart au BI en 2002, exprimé en centimètres. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 20 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) La figure 6 illustre le niveau instantané de la mer (13 février, à 12h00) calculé à partir du modèle Mog2D, déduit de la pression de surface du modèle Mercator (figure 7) et de la somme des deux cartes (figure 8). Exceptés les marées et le géoïde, le niveau de mer de la figure 8 se rapproche probablement le plus du véritable niveau de la mer à cette date, si notre hypothèse selon laquelle les deux modèles sont complémentaires est correcte. Figure 6 : Niveau de la mer instantané du modèle Mog2D relevé à 12h00 le 13/02/2002, exprimé en centimètres. Figure 7 : Niveau de la mer du modèle Mercator relevé à 12h00 le 13/02/2002, exprimé en centimètres (le niveau moyen dû à la circulation moyenne du bassin est inclus). Figure 8 : Niveau de la mer instantané des modèles combinés Mercator + Mog2D relevé à 12h00 le 13/02/2002, exprimé en centimètres (le niveau moyen dû à la circulation moyenne du bassin est inclus). 5. Comparaisons avec les observations marégraphiques Pour notre étude qui couvre l'année 2002, la majeure partie des informations disponibles provient de SONEL et du réseau italien SIMN (voir figure 9 et tableau 1). Seul un sous-ensemble de stations typiques a été choisi afin de simplifier la présentation. Les sites choisis figurent en gris dans le tableau 1. Une première étape consiste à corriger du signal de marée les séries temporelles relevées toutes les heures [Ponchaut et al., 2001]. Les comparaisons couvrent la totalité de l'année afin d'obtenir un échantillon statistique valable. Nous comparons trois prévisions originales (Mog2D, BI et Mercator) et trois combinaisons de prévisions (CP-1, Mog2D + Mercator ; CP-2, Mog2D + Mercator filtré ; CP-3, BI + Mercator) avec les observations. Afin d'obtenir des signaux comparables, une moyenne annuelle du niveau de la mer a été retirée de tous les modèles et observations. Les comparaisons sont détaillées pour une série de différentes périodes afin d'étudier la prédicibilité du modèle sur l'ensemble du spectre de fréquences. Figure 9 : Sites d'observation marégraphique disponibles en 2002. Les relevés marégraphiques présentés dans cet article portent un nom. La carte de fond indique la bathymétrie (en m) et les couleurs de l'intervalle mettent en évidence les régions les moins profondes. CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 21 Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) La planche 1 illustre les histogrammes de variance pour le signal observé et le signal des résidus (après correction du modèle). Le premier groupe de barres indique la variance totale et les autres groupes sont calculés pour des bandes de fréquence spécifiques. La variance totale du niveau de la mer corrigée par le modèle combiné CP-2 est située entre 10 et 20 cm² sur le réseau marégraphique, ce qui signifie approximativement que le niveau de la mer CP-2 a une précision moyenne classique de 4 cm. Les figures 10 à 18 représentent le niveau de la mer observé superposé avec la prévision Mercator (gauche) et superposé avec le produit combiné CP-2 (droite). Le produit de prévision combiné a été obtenu en sommant le niveau de la mer Mog2D avec celui du modèle Mercator filtré passe-bas. Les fréquences de coupure (voir tableau 2) ont été choisies de façon à ce que la prévision combinée montre une variance résiduelle minimum dans chaque bande de fréquence après correction du niveau de la mer observé. Il apparaît clairement sur le graphique que pour tous les sites, le modèle combiné correspond davantage aux observations que le niveau de la mer Mercator seul. Mis à part quelques oscillations très haute fréquence et quelques pics aberrants dans les observations, la majeure partie du signal observé est bien simulée par le modèle combiné. La très haute fréquence laissée dans les observations après correction du signal de marée peut être due à une erreur résiduelle dans les observations (notamment les marées ne peuvent être retirées correctement en cas de problème avec l'horloge du marégraphe, laissant ainsi un fort signal haute fréquence dans les observations mal corrigées) ou correspondre à un vrai signal (résonance locale telle que les seiches, par exemple dans la mer Adriatique, excitation due aux vents diurnes, ondes internes intermittentes) qui n'est pas correctement représenté en raison d'erreurs de modèles. La concordance avec les observations est assez spectaculaire pour les stations marégraphiques de Nice et Gênes, sauf en septembre (jour CNES 19236 à 19266) où les deux stations ont enregistré une élévation quasi linéaire du niveau de la mer d'environ 20 centimètres. En fait, cet événement peut être observé sur tous les enregistrements marégraphiques du nord ouest. Ni le modèle Mercator ni Mog2D ne montre un tel schéma. L'explication la plus plausible à une telle élévation du niveau de la mer serait que le courant liguro-provençal s'est intensifié et/ou s'est rapproché de la côte au cours de cette période. En raison de la proximité des rivages et de l'étroitesse du courant principal, il se pourrait que la modélisation hydrodynamique n'ait pu reproduire cet événement et que l'assimilation n'ait pu corriger la prévision. Des recherches plus approfondies (peut-être dans le cadre des projets MFSTEP et Albicocca) sont nécessaires pour comprendre entièrement l'événement de septembre 2002 et les raisons de son absence dans les modèles. Code Station marégraphique Longtitude Latitude 1 Ajaccio 8,767 41,917 2 Ancona-1 13,502 43,625 3 Bari 16,867 41,137 4 Cagliari 9,108 39,207 5 Carloforte 8,305 39,14 6 Catania-1 15,09 37,492 7 Civitavecchia 11,783 42,087 8 Crotone 17,135 39,073 9 Gênes 8,922 44,405 10 Imperia-1 8,018 43,873 11 Lampedusa 12,617 35,483 12 Livourne 10,293 43,54 13 Marseille 5,35 43,283 14 Monaco 7,417 43,733 15 Messina-1 15,558 38,187 16 Nice 7,267 43,267 17 Naples-1 14,268 40,837 18 Ortona 14,41 42,353 19 Otrante 18,492 40,142 20 Palerme 13,368 38,285 21 Palinuro 15,272 40,025 22 Porto-Empedocle-1 13,522 37,287 23 Porto-Torres 8,403 40,838 24 Ravenne 12,275 44,492 25 Reggio-Calabria 15,643 38,118 26 Salerno 14,742 40,675 27 Toulon 5,917 43,117 28 Tarente 17,222 40,472 29 Trieste 13,753 45,653 30 Venise 12,422 45,42 31 Vieste 16,172 41,888 32 Senetosa-MX 8,813 41,55 33 San-Antonio 1,3 38,967 Tableau 1 : Sites marégraphiques. Station marégraphique Période de coupure Bari 30 jours Cagliari 60 jours Crotone 30 jours Gênes 10 jours Lampedusa 30 jours Nice 60 jours Salerno 10 jours Trieste 60 jours San Antonio 60 jours Tableau 2 : Période de coupure pour la construction de CP-2. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 22 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) Planche 1 : Variances du niveau de la mer observé (No correction) et des résidus entre ce niveau et ceux des différents modèles ou modèles combinés, exprimées en centimètres. Les intervalles de temps (T) sont exprimés en jours. Le premier groupe de barres indique la variance totale et les autres groupes sont calculés pour des bandes de fréquence spécifiques. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 23 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) Figure 10 : Marégraphe de Bari : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 11 : Marégraphe de Cagliari : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 12 : Marégraphe de Crotone niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 24 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) Figure 13 : Marégraphe de Gênes : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 14 : Marégraphe de Lampedusa : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 15 : Marégraphe de Nice : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 25 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) Figure 16 : Marégraphe de Salerne : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 17 : Marégraphe de San Antonio : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. Figure 18 : Marégraphe de Trieste : niveau de la mer observé par rapport au niveau Mercator (à gauche), et par rapport au modèle combiné (CP-2 ; Mog2D + Mercator filtré passe-bas ; à droite). La série démarre le 1er février 2002. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 26 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) 6. Discussion Comme prévu, la prévision du modèle Mog2D explique une bonne partie du signal haute fréquence du niveau de la mer et une bien plus petite partie du signal pour des périodes supérieures à 30 ou 60 jours. Des conclusions similaires peuvent être tirées de la prévision du baromètre inverse mais celle-ci n'est pas aussi performante que celle du modèle numérique. À l'inverse, la prévision du modèle Mercator explique une bonne partie du signal basse fréquence et s'avère peu efficace pour les périodes inférieures à 30 jours. Les signaux combinés, issus des modèles Mercator + BI et Mercator + Mog2D, montrent les chiffres attendus dans la bande haute fréquence, c'est-à-dire qu'en ajoutant Mercator, on détériore la prévision du niveau de la mer par rapport à la prévision Mog2D ou BI seule. Ceci s'explique par le fait que le signal Mercator n'est pas pertinent et rajoute du bruit dans cette bande de fréquence. De façon plus surprenante, l'examen de la bande de basse fréquence ne correspond pas à nos estimations préliminaires. Nous nous attendions à ce que la combinaison optimale pour les basses fréquences soit le modèle Mercator + baromètre inverse car premièrement, le modèle numérique barotrope n'est pas approprié pour la dynamique basse fréquence de l'océan, et deuxièmement, une partie du signal issu du forçage des vents pourrait être redondante. Il apparaît cependant que la meilleure concordance aux observations est systématiquement le produit combiné Mercator filtré passe-bas + Mog2D, ce qui signifierait que la simulation Mog2D contient un signal basse fréquence important qui n'est pas présent ou qui est partiellement présent dans la simulation du modèle Mercator. Bien entendu, le modèle Mercator PSY2-v1 ne peut être considéré comme un modèle côtier à part entière, principalement en raison de sa résolution spatiale, du filtrage des ondes de gravité, de l'absence de forçage lié aux marées et de déficience dans le forçage atmosphérique. Il est en quelque sorte injustifié de comparer le modèle Mercator de surface de la mer aux observations marégraphiques côtières, en particulier si les marégraphes se situent sur un vaste plateau continental. Cependant, il n'existe pas d'erreur systématique dans le signal basse fréquence du modèle si on le compare à un marégraphe situé en zone littorale (Trieste ou Lampedusa), ou à un marégraphe situé en zone pélagique (San Antonio ou Nice). En conséquence, sauf peut-être dans le cas d'un courant côtier, la composante basse fréquence du niveau de mer Mercator s'extrapole assez bien jusqu'aux rivages. Pour compléter l'étude, il est nécessaire d'étendre les comparaisons du niveau de la mer avec les données altimétriques et de considérer par ailleurs un modèle de circulation côtière (éventuellement forcé à ses frontières par les simulations du modèle Mercator ; à noter que le Pôle d'Océanographie Côtière de Toulouse poursuit déjà des recherches dans ce domaine sur les applications de modélisation de la circulation côtière et afin de développer des produits d'altimétrie côtière en collaboration avec le Groupe Mission Mercator). 7. Conclusion Ces comparaisons préliminaires des simulations du modèle Mercator au niveau de la mer observé le long des côtes méditerranéennes constituent une contribution supplémentaire à la validation de ce modèle. Selon cette étude, il est clair que les simulations du modèle Mog2D sont nécessaires pour reconstruire un niveau de la mer synthétique afin de faciliter la comparaison avec les observations marégraphiques. En fait, la simulation des modèles combinés Mercator et Mog2D peut être considérée comme une valorisation intéressante du produit en termes d'analyse ou de prévision du niveau de la mer, même dans les régions côtières. Cependant, la pertinence du signal basse fréquence du modèle Mog2D soulève de nombreuses questions théoriques et pratiques, telles que le rôle des non-linéarités liées à la dynamique haute fréquence dans les changements basse fréquence du niveau de la mer, et la définition d'une approche optimale soit pour valider le niveau de la mer Mercator soit pour corriger les données afin de les assimiler dans le modèle Mercator. La lettre trimestrielle de MERCATOR No 10 - Juillet 2003 - page 27 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM Prévision de produit combiné du niveau de la mer en Méditerranée - comparaisons avec des observations (suite) 8. Références Candela, J. and Lozano, C.J., barotropic response of the western Mediterranean to observed atmospheric pressure forcing, Seasonal and Interannual variability of the western Mediterranean Sea, Coastal and Estuarine Studies, 46, 3215-359, 1994. Candela J., The Gibraltar Strait and its role in the dynamics of the Mediterranean Sea, Dyn. 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