Sochaux, cadences en chaînes
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Sochaux, cadences en chaînes
p é d a g o g i q u e Sochaux, cadences en chaînes Film réalisé par Laurence Jourdan Production : INA 52’– 2010 Soutien du fonds d'aide à la production audiovisuelle de Franche-Comté Diffusion France 5 RÉSUMÉ Ils ont entre 30 et 40 ans d’usine. À Sochaux, berceau historique de l’aventure Peugeot, ils ont vu les méthodes de production évoluer et leurs conditions de travail se dégrader dans les dernières décennies. Dans cette usine aux allures de petite ville créée il y a près d’un siècle, qui reste le poumon économique du bassin de Montbéliard, les ouvriers vivent leur histoire aux côtés de celle qui marque la production des grands modèles Peugeot, mais aussi les virages technologiques ou stratégiques de la marque. En mettant en parallèle le témoignage d’ouvriers et la stratégie de la direction de PSA, ce film donne à comprendre combien, en quelques décennies, l’univers de l’industrie automobile s’est métamorphosé face à une concurrence toujours plus acharnée ; combien le fonctionnement de notre industrie, de notre économie et de notre façon de voir le travail a profondément changé. ANALYSE Le film commence à la manière d’un film d’entreprise et non comme le portrait d’une usine automobile de taille mondiale. On sent vite que le ton va être critique et non élogieux. Laurence Jourdan montre peu à peu le malaise qui s’installe, via des témoignages mais aussi par le biais d’archives utilisées avec justesse. Sans jamais faire preuve de nostalgie, la réalisatrice fait apparaître en creux un monde perdu. Celui où l’on f i c h e p é d a g o g i q u e Sochaux, cadences en chaînes souriait au travail dans une apparente convivialité. Quand les usines Peugeot fabriquaient les voitures dans leur intégralité. Quand la bataille des coûts n’avait pas pour conséquences la diminution des effectifs et un travail plus pénible. Le film a bien sûr une résonance très forte, car ce malaise, observé chez Peugeot, n’est pas circonscrit au groupe PSA et à ses ouvriers. À travers ce film, c’est un constat plus global qui est développé sur ce qu’est devenu le travail face aux enjeux de la mondialisation et le diktat des marchés. Le travail à la chaîne, très bien observé par la réalisatrice, subit une mutation dont l’être humain est toujours le perdant. Utilisation des robots, recours à une main d’œuvre précaire, installation de nouvelles chaînes de montage où l’optimisation du temps est reine et le pouvoir de décision du travailleur réduit à néant. On suit le travail à la chaîne, on visite d’anciens lieux d’assemblage aujourd’hui en friche, on discute avec des ouvriers reclassés. On sent poindre un sentiment lourd. Laurence Jourdan montre par ailleurs un changement tout aussi grave : les ouvriers ne sont plus en totale empathie avec leur usine. Ils semblent moins fiers d’appartenir à un groupe familial pluriséculaire qui doit faire face à une concurrence désormais mondiale. Un lien s’est perdu et le film, par sa gravité, le choix d’images industrielles, belles et rudes, le panoramique du site de Sochaux utilisé de façon récurrente comme un symbole du travail répétitif, rend bien cet état de fait. aurait eu les mêmes conséquences sur une industrie fonctionnant comme dans les années 1960 ou 80 ? Peugeot et le site de Sochaux n’ont jamais été un but. Il n’empêche, il était quand même utile de s’intéresser à un lieu doté d’un passé et d’une évolution (près d’un siècle tout de même). Je me suis tout de suite dit qu’il y avait là matière à un film de 90 minutes (le film fera au final 52 minutes), car au-delà de la question industrielle pure, il faut dire que le site de Sochaux est passionnant par de nombreux aspects. C’est le poumon économique de la région Franche-Comté et Peugeot est le type même d’entreprise paternaliste qui offrait beaucoup aux ouvriers il y a encore 40 ans. Cette usine était donc idéale pour prendre une photographie du rapport patron/salarié. Je dois avouer que Peugeot m’a ouvert totalement ses portes et sans cela, je n’aurais pas pu recréer l’atmosphère du travail d’usine dont j’avais besoin dans le film. » INTENTIONS DU RÉALISATEUR Avant la Première Guerre mondiale, Peugeot construit près de 10 000 automobiles, soit la moitié de la production française. L’entreprise traverse les années 1930 — année marquée par le krach de 1929 — sans encombres, le succès de la Peugeot 201 lui permettant de surmonter les effets de la crise et d'acquérir une image de constructeur automobile important. Implantée dans de nombreux sites industriels en France et dans le monde, la marque est associée à la ville de Sochaux où se trouve son plus gros site industriel, qui « En 2008, au pire de la crise, on a commencé à entendre parler d’arrêts de la production dans l’industrie lourde et notamment dans l’automobile. Je me suis immédiatement demandée quel temps il faisait pour des salariés dans ce type de contexte. Je me suis lancée dans des recherches et j’ai été particulièrement intéressée par les méthodes de travail qui régissaient l’industrie en France. Est-ce que cette crise de 2008 REPÈRES Peugeot en quelques dates L'entreprise familiale qui précède l'actuelle firme Peugeot est fondée en 1810. La société produit à l'origine des moulins à café. Elle s'oriente en partie vers les automobiles et en produit dès 1891. À cette époque, l'entreprise fabrique également de l'électroménager et de l'outillage électrique. En 1912, l’usine de Montbéliard voit le jour. Le « Peugeot » de l’ère moderne est né. f i c h e p é d a g o g i q u e Sochaux, cadences en chaînes regroupe des activités de recherche et développement et de fabrication d'automobile en série. Au début des années 1970, Peugeot est ainsi le deuxième constructeur automobile français avec plus de 500 000 voitures produites. En 1976, Peugeot SA et Citroën SA fusionnent pour former le groupe PSA Peugeot Citroën. Le 20 juin 2008, la 50 millionième Peugeot est sortie des chaînes de montage de Sochaux. Après une forte croissance au tournant du millénaire, la marque Peugeot marque le pas après 2004, alors que Citroën continue sa progression. Le groupe PSA occupe actuellement la cinquième place du classement mondial des constructeurs automobiles. [Source : d’après un article des Échos] ORGANISATION DU TRAVAIL Le Taylorisme Principe d'organisation du travail élaboré par Frederick Winslow Taylor au début du XXème siècle, il s'agit d'une organisation scientifique du travail (OST) instaurée dans un objectif principal de productivité. Liée à l'industrialisation croissante, l'organisation taylorienne opère une double séparation : entre conception et exécution de la production d'une part, entre les différentes tâches d'exécution d'autre part (le travail à la chaîne). L'ouvrier taylorien est plus productif mais le travail devient plus aliénant et déresponsabilisant. Un siècle plus tard, le taylorisme s'est transformé mais est toujours d’actualité, notamment dans les services (call centers, restaurants fast-food par exemple). Le Fordisme Ce concept est lié au taylorisme dans la mesure où Henry Ford développe et prolonge les principes de l'OST qu'il applique à sa production automobile. Très vite, toute l'industrie (pas seulement automobile) applique ces principes de productivité. Chez Ford tout d'abord, les employés sont relativement mieux rémunérés grâce aux gains de productivité, comme l'illustre la célèbre boutade d'Henry Ford : « je paye bien mes ouvriers afin qu'ils puissent acheter mes voitures ». De façon plus large, le fordisme correspond à une longue période de capitalisme régulé pendant laquelle (jusqu'au choc pétrolier de 1973) le « système » est gagnant-gagnant à la fois pour les entreprises et pour les salariés. Le Toyotisme Comme son nom l'indique, c'est une OST mise en place par Toyota, autour des années 50. L'ouvrier toyotiste est polyvalent, plus responsabilisé (notamment en terme de qualité) et l'organisation est tournée sur les besoins de plus en plus différenciés des consommateurs. Le contexte devient plus concurrentiel, il s'agit alors de répondre à la demande avec plus de flexibilité en produisant juste à temps, en réduisant au maximum les stocks (objectif zéro stock). On peut même admettre que l'exigence de qualifications, de polyvalence, de responsabilisation ont amélioré le sort des ouvriers industriels par rapport à l'organisation taylorienne. Pour autant, le travail toyotiste n'en est pas moins pénible que le travail taylorien-fordiste. [Source : L’Étudiant.fr - J. Calatayud, Agrégé d'économie et gestion] PISTES DE TRAVAIL PISTE AUDIOVISUELLE Le ton La construction du film de Laurence Jourdan est plutôt classique. En revanche, la réalisatrice parvient à capter l’atmosphère qui règne dans l’usine et entre les ouvriers. Le patron du site de Peugeot-Sochaux est interrogé pour exprimer son idée du travail dans l’industrie moderne. La grande force du film est bien son ton, associé à des images qui ont du sens. Par le choix de ses interlocuteurs, sa manière de filmer les entretiens de manière très intime, très rapprochée et de laisser les protagonistes s’exprimer, Laurence Jourdan ne magnifie pas les ouvriers. Elle les dépeint fatigués par une vie à travailler dans les chaînes d’une usine qui a changé au fil du temps et des carrières des salariés. L’habillage visuel, les plans de l’usine montrant une f i c h e p é d a g o g i q u e Sochaux, cadences en chaînes sorte de carcasse métallique au milieu de ses fumées plutôt qu’un outil ultramoderne, constituent également un choix bien tenu qui apporte une couleur, rendant le film doux-amer, comme à la recherche d’une solution qui ne viendra jamais puisque les actionnaires réclameront toujours plus de productivité et que la concurrence sera toujours plus intense. Avec quels éléments modèle-t-on le ton d’un film documentaire (musique, voix-off, manière de filmer les témoins, qualité des images…) ? Trouver des exemples. PISTE DE CONTENU La désindustrialisation en France L'industrie française a perdu près de deux millions d'emplois en trente ans. Entre 1980 et 2007, l'industrie française a perdu 36% de ses effectifs, soit un total de 1,9 million d'emplois ou encore 71 000 par an, selon une étude de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE). La crise économique a amplifié le phénomène : en 2009, ce sont près de 200 000 emplois qui ont été détruits dans l'industrie française. La contribution de ce secteur au PIB est ainsi passée de 24% en 1980 à 14% en 2007. La France est en train de perdre ses usines et son industrie de manière plus générale. Quelles conséquences à terme ? Où sont maintenant installées les usines ? SUGGESTION D’INTERVENANTS Un ancien ouvrier de l'usine Peugeot ou d’un groupe industriel. Un responsable syndical (entreprise industrielle). Un médecin du travail. Un responsable DRH.