La vie à l`internat

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La vie à l`internat
Fédération des Associations de Parents
de l’Enseignement Officiel
La vie à l’internat
Avec la participation de :
Eve Hanson
Équipe de rédaction :
Christophe Desagher et Johanna de Villers
Coordination : Hira Laci.
Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel
Avenue du Onze novembre, 571040 Bruxelles
02/527.25.75 – 02/525.25.70
www.fapeo.be – [email protected]
Avec le soutien de la Communauté française de Belgique
Sommaire
Historique ................................................................................................................................. 4
Pourquoi l’internat ? ............................................................................................................... 5
Les règles .................................................................................................................................. 6
L’implication des parents ....................................................................................................... 7
Conclusion ................................................................................................................................ 8
Bibliographie ............................................................................................................................ 9
Résumé
Un fait indéniable : la vie en internat est très réglementée. Est-ce à dire qu’il s’agit
d’un lieu d’enferment ? Des préjugés de ce type existent dans l’esprit de certains
parents. Au vu de la littérature mais aussi (et surtout) des nombreux témoignages
qui existent, on peut d’ores et déjà répondre à cette question : non, l’internat ce n’est
pas une prison. La vie en internat est spécifique et mérite qu’on s’y attarde pour se
rendre compte de ce qu’elle peut offrir à l’enfant ou à l’adolescent.
Mots-clefs
Internat, cadre de vie, solution, choix positif, règles, compromis, institution totale,
construction identitaire, vivre l’internat
Historique
De par sa parenté avec des termes tels que « interner », « internement », etc, l’internat
évoque encore dans bien des esprits un lieu d’enfermement sous la contrainte. Si, à
l’heure actuelle, cette vision est devenue largement dépassée, elle résulte d’un
héritage historique. En effet, le premier modèle d’internat remonte à l’Antiquité, en
Grèce : les jeunes garçons étaient envoyés dans des casernes et éduqués pour devenir
de « parfaits soldats », prêts à défendre la cité. Les valeurs prônées étaient
l’obéissance, la discipline et la contrainte par le corps.
Au fil du temps, l’enfermement était considéré comme un outil de répression ou
d’assistance qui permettait de résoudre les problèmes sociaux en isolant les
populations qui posent problèmes. Ce n’est qu’à la Révolution française que, sous
l’influence des idées des Lumières, on différencie les lieux d’enfermement selon les
publics (asile, prison, …), qu’on repère leurs besoins spécifiques et qu’on tente d’y
répondre.
Pour clarifier ce dont on parle dans cette analyse, nous emprunterons à Yann Le Goff
sa définition de l’internat :
« […] un lieu d’habitation établi socialement, et construit pour que des personnes y
soient logées. Ces personnes y vivent ensemble une vie quotidienne partagée selon un
temps convenu plus ou moins long. C’est un lieu où diverses activités sont regroupées
auxquelles participent ceux qui y logent, y vivent. C’est un lieu d’hospitalité,
protecteur et protégé, chaleureux et où le don est possible. Il s’en dégage un art de
vivre, un style de vie… »1
Il y ajoute les notions de séjours à durée limitée et la prise en charge par des équipes
de professionnels.
La situation étant sensiblement différente selon les types d’internat considérés,
notons que les seuls internats de l’enseignement général (non spécialisé) seront pris
en compte dans ces pages. Les autres pourraient faire l’objet d’une analyse à part
entière.
1
Le Goff Y., Le quotidien en internat, Vuibert, Villefranche de Rouergue, 2007, p.8
Pourquoi l’internat ?
De multiples raisons peuvent être à l’origine d’un placement. En effet, l’internat peut
être une réponse à un problème ou constituer un choix positif, « idéologique ».
Dans le premier cas, on retrouve toutes sortes de situations :
-
-
-
Des difficultés relationnelles entre parents et enfants, ou entre les parents euxmêmes (par exemple des parents en instance de divorce), rendant souhaitable
un éloignement temporaire de l’enfant, pour que celui-ci continue sa scolarité
dans un cadre serein.
Des difficultés scolaires. De nombreux établissements organisent une étude et
la surveillance des devoirs, certains proposent parfois des cours de remise à
niveau. L’enfant bénéficiera du cadre de travail stable qu’offre l’internat. De
plus, un système de tutorat peut être mis en place lorsque les « grands » aident
les plus petits pensionnaires. Cet encadrement pédagogique dans la langue
d’apprentissage peut également être très profitable aux enfants d’immigrés
dont les parents maîtrisent mal la langue d’enseignement.
Des difficultés d’ordre pratique : éloignement de l’école par rapport au
domicile familial, maladie d’un parent qui l’empêche momentanément de
s’occuper de ses enfants, vie professionnelle des parents incompatible avec
une vie de famille équilibrée (travail de nuit, travail à services coupés, travail
itinérant, etc …). Dans le cas des enfants de travailleurs itinérants (bateliers,
forains ambassadeurs, etc), l’internat est une chance d’accéder à
l’enseignement.
Dans le cas d’un choix positifs, l’internat peut s’inscrire dans une tradition familiale2
ou dans un projet de carrière (certaines études ne sont faisables qu’en internat ; c’est
le cas de certaines l’école hôtelière ou de l’école des cadets, par exemple). Les
nécessités de la vie en communauté peuvent également motiver le choix de
l’internat et apporter un « plus » à l’enseignement: développer son sens de
l’initiative, des responsabilités et du partage. La stabilité du cadre de vie qu’offre
l’internat peut aussi être recherchée (repas obligatoire, sommeil surveillé, …).
Les parents ne sont pas les seuls instigateurs de cette option : la demande peut
parfois venir des enfants eux-mêmes, séduits par une expérience positive d’amis, de
membres de la famille ou attirés par le mode de vie.
« […] moi j'ai été pendant 3 ans dans un internat ou je restais même le weekend,
c'est
la
meilleure
expérience
de
ma
vie.
3
À 17 ans il est temps de sortir de chez papa et maman!! »
2
Voir par exemple le film « Le cercle des poètes disparus ».
Extrait d’un forum de discussion sur l’internat http://www.france-jeunes.net/lire-l-internat-punition-ourigolade-11328.htm
3
Quelle(s) que soi(en)t la (les) motivation(s) qui mène(nt) l’enfant à l’internat, il
importe de veiller à ce qu’il ne perçoive pas cette solution comme une punition. De
même, en plus du choix de l’internat comme mode de vie, se pose la question du
choix de l’internat en lui-même : localisation géographique (un éloignement trop
important ne permet pas à l’enfant de rentrer chez lui les weekends), mixité,
infrastructures, etc. sont autant d’éléments qui auront des répercussions sur la
manière de vivre l’expérience de l’internat.
« Pour te rassurer, je suis aussi en internat depuis 3 ans et ma première année ne s'est
pas très bien passée (mauvais choix du lycée et lycée trop éloigné de chez moi) et donc
après avoir quand même fait ma seconde dans ce lycée où je n'étais pas très bien, j'ai
changé de lycée, pour aller dans un à 50km de chez moi alors que mon premier était à
100km de chez moi et depuis tout va très bien.4 »
Bien qu’il existe différents types d’internats, le système en lui-même n’est pas
l’apanage d’une classe sociale en particulier. Effectivement, bien que de vivre à
l’internat représente un coût, des possibilités de réductions existent pour les familles
qui ne disposent pas de beaucoup de revenu.
Les règles
Comme partout, la vie en communauté nécessite un certain nombre de règles qui en
garantissent le bon déroulement. Si ces règles sont relativement strictes au départ,
pour les jeunes enfants, elles s’assouplissent au fur et à mesure pour devenir des
compromis (sur certains domaines) à l’adolescence.
Erving Goffman, un sociologue du 20ème siècle, a étudié les institutions totales dans
son ouvrage Asiles. L’institution totale est donc un « lieu de résidence et de travail où un
grand nombre d’individus sont placés dans la même situation, coupés du monde extérieur
pendant un temps relativement long, et mènent une vie recluse dont les modalités sont
minutieusement réglées ».5
Dans le cadre d’un internat, les enfants sont placés sous l’autorité d’un petit nombre
de personnes et n’ont pas choisi les gens qu’ils côtoient. Leur emploi du temps est
minutieusement réglé, décidé par les autorités et appliqué par les intermédiaires.
Aussi, par exemple, ils ne peuvent pas décider de sortir.
On peut donc considérer que les internats scolaires sont des institutions de cet ordre.
Mais, des degrés existent. Toutes les institutions dites totales partagent quelques
caractéristiques communes mais ne sont pas nécessairement appliquées avec un
même degré en interne : on comprend fort bien, par exemple, que les modalités de la
4
Extrait d’un forum de discussion sur l’internat http://forum.ados.fr/etudes/Bac-brevet-examens-2/detestesujet_488_1.htm
5
Goffman E., Asiles, Paris, Minuit, 1968, p.41
vie en commun ne sont pas réglées de la même manière et que les sanctions en cas de
non respect6 ne sont pas identiques dans un internat ou au chateau de la star academy
ou dans un institut psychiatrique. C’est pourquoi, Goffman lui-même établissait-il
une typification des institutions totales en fonction du degré d’application des règles
au sein de l’institution et de la liberté dont peut jouir la personne.
Goffman montre également qu’à l’intérieur de ces institutions totales, qui veulent
tout réglementer, des espaces de liberté existent. Il les compare aux coulisses du
théâtre. Des pratiques interdites s’y développent mais ne sont pas pour autant
sanctionnées par les autorités. En effet, une certaine marge de tolérance est acceptée
tant que la transgression ne remet pas en question l’ordre des choses puisque ces
écarts aux règles, à condition qu’ils soient minimes, permettent de réguler les
tensions. De plus, un écart aux normes rappelle ce que sont les normes.
Dans le cadre de l’internat scolaire, on voit se développer chez les pensionnaires cette
« vie en coulisses », notamment en ce qui concerne les drogues douces et la vie
sexuelle. Des « trucs et astuces » sont transmis de génération en génération pour
naviguer aux frontières du permis et de l’interdit. Parmi eux, il y a par exemple des
passe-partout qui circulent, des locaux « un peu moins surveillés », etc.
L’implication des parents
Mettre son enfant à l’internat suppose aussi le fait que le(s) parent(s) délègue(nt) une
partie de leur autorité et du pouvoir qu’il(s) a (ont) à éduquer son (leur) enfant à des
tierces personnes.
Cette délégation peut être volontaire comme dans les nombreux cas déjà cités mais
peut être aussi involontaire : par exemple, le cas des enfants placés en internat suite à
leur séjour en Institution Publique de Protection de la Jeunesse (IPPJ).
Une co-construction s’opère au niveau de l’identité de l’enfant. C’est pourquoi, les
règles telles qu’elles peuvent exister dans les internats ne sont pas fondamentalement
différentes de celles que peut suivre un enfant qui vit chez ses parents durant toute
l’année. Elles diffèrent toutefois puisque dans le cadre de l’internat, l’enfant vit en
communauté.
Une bonne connaissance des règles de vie commune par les parents est nécessaire
pour ne pas que l’enfant soit constamment « déphasé », que les règles d’un lieu de
vie diffèrent trop de l’autre. Une bonne coordination des règles permet à l’enfant
d’être heureux lorsqu’il revient chez ses parents mais aussi lorsqu’il retourne à
l’internat.
6
Et la définition de ce qui est un non- respect aux règles.
Conclusion
L’histoire de l’internat, c’est du passé. Bien qu’il s’agisse d’une lapalissade, c’est
pourtant une réalité qu’il est besoin de rappeler pour contrer les stéréotypes en la
matière. Mais, il est compréhensible que l’internat soit sujet à des stéréotypes de par
son histoire mais aussi de par le fait qu’on puisse rapprocher son mode de
fonctionnement à celui d’une institution totale.
Si les modèles éducatifs ont évolué tout au long du XXème siècle tant dans les
familles, qu’à l’école, les pensionnats ont suivi la même évolution.
En l’occurrence, l’internat est un lieu de vie qui est règlementé comme tous les lieux
de vie. Ces règles évoluent dans le temps et deviennent plus souples sur certains
domaines lorsque l’enfant grandi.
La vie à l’internat permet à l’enfant de grandir tout en étant entouré de règles si bien
que pour lui, au fur et à mesure du temps ce n’est plus la question de « vivre à
l’internat » qui importe mais bien celle de « vivre l’internat ».
La manière de vivre à l’internat est celle que l’adolescent choisit de vivre : il peut
choisir d’être plus ou moins sociable, d’aider ses camarades ou de se faire aider. Le
fait qu’il soit constamment en présence d’autres personnes, dont ses amis peut-être
source de problème mais aussi de solution. Les problèmes de vie en communauté qui
surgiront dans le cadre de l’internat pourront être réglés par l’enfant avec ou sans
aide du personnel encadrant.
La vie en internat peut être vécue de façon très positive par le futur adulte. Aussi, les
conditions qui président au fait de vivre en internat jouent un grand rôle dans la
manière dont sera vécue la vie à l’internat.
« L’internat n’est plus de nos jour un bagne ou une prison mais une chance
concrète à saisir, un lieu de vie authentique où des personnes s’impliquent, un
lieu avec ses avantages et inconvénients, ses possibilités et ses contraintes ».7
7
Le Goff Y., Le quotidien en internat, Vuibert, Villefranche de Rouergue, 2007, p.9
Bibliographie
Ouvrages
Goffman E., Asiles, Paris, Minuit, 1968
Le Goff Y., Le quotidien en internat, Villefranche de Rouergue, Vuibert, 2007
Articles
Bosmans-Hermans A., L’internat dans les écoles normales belges du dix-neuvième siècle,
disponible
à
partir
du
lien :
http://www.flwi.ugent.be/btng-rbhc/pdf/BTNGRBHC,%2009,%201978,%203-4,%20pp%20309-332.pdf
Persell C. & Cookson P., Pensionnat d’élite. Ethnographie d’une transmission de pouvoir.
Actes de la recherche en sciences sociales, Année 2001, Volume 138, Numéro 1, le Ministère
de la jeunesse, de l’éducation nationale, de la recherche, Direction de l’enseignement
supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation, page 65, disponible à
partir du lien :
http://www.persee.fr/web/revues/home/perscript/article/arss_03355322_2001_num_138_1_27
60
Sites internet
Différents forums où des adolescents parlent de leur vécu en internat
http://forum.ados.fr/etudes/Bac-brevet-examens-2/deteste-sujet_488_1.htm
http://www.france-jeunes.net/lire-l-internat-punition-ou-rigolade-11328.htm
http://www.studyparents.com/Pourquoi-choisit-on-un-internat.html