IRM et traitement chirurgical de l`épilepsie

Transcription

IRM et traitement chirurgical de l`épilepsie
mise au point
Traitement chirurgical
de l’épilepsie
Place de la neuroimagerie IRM
n Les objectifs de l’imagerie cérébrale IRM dans le bilan pré-opératoire des patients souffrant
d’une épilepsie partielle pharmacorésistante (EPPR) sont multiples : identifier une anomalie
structurelle causale, localiser précisément la lésion et ses rapports avec les zones éloquentes
et évaluer le pronostic fonctionnel postopératoire. L’imagerie par résonance magnétique (IRM),
avec son excellente résolution spatiale et, en contraste, son aspect multimodal, tour à tour morphologique et fonctionnel, est la technique de choix. Malgré les progrès techniques (IRM à haut
champ, imagerie volumique et post-traitement), les séquences conventionnelles peuvent être
mises en échec pour détecter les anomalies subtiles du parenchyme. Les nouvelles techniques
d’imagerie (tenseur de diffusion, spectroscopie, perfusion par marquage de spin) offrent des
possibilités supplémentaires pour les objectiver.
Diagnostic de la
lésion épileptogène
L’identification et la localisation
de la lésion épileptogène est un
enjeu fondamental.
Le protocole d’IRM choisi tient
compte de la localisation du foyer
et de la cause suspectée ; le choix
des séquences répond à plusieurs
exigences :
• permettre une étude fine du
cortex et de la jonction substance
blanche-substance grise ainsi
qu’une analyse dans plusieurs
orientations ;
• offrir une résolution en contraste
optimale ;
• visualiser les structures profondes de l’encéphale, en particulier temporales internes et les
anomalies vasculaires.
Le protocole dédié à l’étude des
*Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, Centre
Hospitalier Sainte-Anne, Paris
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épilepsies partielles pharmacorésistantes associe :
• une acquisition volumique avec
reconstructions multiplanaires ;
• des séquences en pondération T1
avec inversion-récupération qui
améliorent le contraste tissulaire
de la jonction blanc-gris ;
• une séquence pondérée en T2
avec coupes fines (≤ 3 mm) et une
séquence FLAIR, afin de dépister
les anomalies de signal cortical
et sous-cortical ; le dépistage des
anomalies vasculaires associées
à l’épilepsie (en particulier les cavernomes) justifient une séquence
T2*, sensible au produit de dégradation du sang.
Ce protocole devra tenir compte
du contexte clinique et s’intégrer
dans une approche multimodale,
en particulier des données électrocliniques. Ainsi, devant une
épilepsie d’origine temporale, un
plan perpendiculaire à l’axe des
Charles Mellerio*
hippocampes est indispensable,
alors que lorsqu’une une origine
extra-temporale est suspectée,
il sera nécessaire d’orienter les
coupes axiales dans le plan intercommissural (CA-CP). Si le foyer
épileptogène n’est pas localisé, une
analyse minutieuse et systématique permettra d’éviter de porter
la conclusion d’ “IRM normale”,
tout en prenant garde aux faux
positifs : effet de volume partiel
pouvant faire croire à un épaississement cortical par exemple.
Sclérose hippocampique :
toujours en tête
La lésion la plus fréquemment retrouvée dans l’épilepsie temporale
pharmacorésistante de l’adulte est
l’atrophie hippocampique, traduction de la lésion histologique de
sclérose de l’hippocampe. Celleci associe une perte de volume de
l’hippocampe, un hypersignal en
123
mise au point
T2 et FLAIR, un élargissement
focal de la corne temporale, une
atrophie du corps mamillaire
voire de l’ensemble des gyri temporaux homolatéraux (Fig. 1). Dans
les formes frustres ou débutantes,
l’hypersignal FLAIR peut manquer et l’analyse doit porter sur de
seuls critères morphologiques, notamment la perte des digitations
visibles en coupes coronales centrées sur la tête hippocampique.
Si le diagnostic de sclérose hippocampique est posé, l’analyse doit
se poursuivre pour apprécier l’extension de l’atteinte vers : le noyau
amygdalien et le cortex du pôle
temporal en avant, le cortex du gyrus para-hippocampique latéralement et en arrière.
Figure 1 - IRM 3 Tesla. Coupes coronales perpendiculaires au plan des hippocampes,
pondération FLAIR. Atrophie de l’hippocampe gauche associée à un hypersignal
Dysplasies focales et
tumeurs bénignes
Parmi les malformations du développement cortical, les principales
lésions observées chez les candidats à la chirurgie de l’épilepsie
sont les dysplasies corticales focales, les gangliogliomes et les tumeurs dysembryoplasiques neuroépithéliales (DNT). Les troubles
de migration neuronale (hétérotopies et polymicrogyries) sont plus
rarement associés à des épilepsies
chirurgicalement curables.
❚❚Dysplasie corticale focale (DCF)
Anomalie fréquemment associée aux épilepsies pharmacorésistantes, de siège volontiers
extra-temporal, les DCF associent classiquement en IRM : un
épaississement cortical focal, une
dédifférenciation gris-blanc avec
un aspect flou du ruban cortical
sur les pondérations T1 et T2 (Fig. 2),
ainsi qu’un hypersignal T2 de la
substance blanche dysplasique
sous-corticale à rechercher en T2
haute résolution ou en FLAIR.
Cet hypersignal peut se prolonger jusqu’au bord ventriculaire
124
(flèche pleine). Signe indirects : élargissement de la corne temporale (flèche double)
atrophie relative du cortex entorhinal (tête de flèche).
adjacent, témoignant de l’origine
développementale de la lésion
(transmantle sign). Ces anomalies peuvent être extrêmement
subtiles, parfois limitées au seul
épaississement cortical, sans hypersignal. C’est la raison pour laquelle l’analyse en IRM doit être
guidée par le tableau électro-clinique et se faire selon une stratégie d’exploration systématique. La
difficulté reste alors d’identifier un
authentique épaississement cortical focal. L’anatomie des sillons
étant éminemment variable et
complexe, l’écueil à éviter est la
confusion d’une dysplasie avec le
volume partiel d’une incurvation
normale de sillon, d’où l’intérêt de
multiplier les plans d’exploration
et de choisir une séquence dont la
résolution spatiale est optimale.
En raison de leur origine développementale, les DCF peuvent
être associées à des anomalies de
la disposition sulcale à proximité,
dont le dépistage systématique
Figure 2 - IRM 3 Tesla. Coupe coronale,
agrandissement sur le cortex précentral,
pondération FLAIR. Aspect typique de
Dysplasie Corticale Focale type Taylor
associant épaississement cortical,
hypersignal cortical et sous-cortical
(flèche) avec un prolongement laminaire
jusqu’à la surface ventriculaire (têtes de
flèche).
peut aider à localiser la lésion dysplasique.
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Traitement chirurgical de l’épilepsie
cortex) et des limites moins nettes ;
prise de contraste et calcifications
sont inconstantes (Fig. 5).
Troubles de la migration
neuronale (hétérotopies et
polymicrogyries)
a
B
Figure 3 - IRM 1,5 Tesla. Coupes axiales en pondération T1 sans (A) et après injection de
gadolinium (B) : processus expansif cortical de nature mixte multi-kystique et charnue,
avec rehaussement de la portion charnue après injection. Peu d’œdème péri-lésionnel
ni d’effet de masse. Confirmation histologique de gangliogliome.
❚❚Gangliogliomes
Les gangliogliomes, tumeurs de
l’adulte jeune, intéressent préférentiellement le lobe temporal et
sont classiquement révélés par
une EPPR. Leur aspect habituel
en IRM est celui d’une lésion kystique comportant une portion
charnue rehaussée par le produit
de contraste (Fig. 3). L’œdème périlésionnel est peu abondant. En
cas d’exérèse incomplète, la surveillance par IRM s’impose du fait
de leur évolution possible bien que
rare vers des formes malignes.
❚❚Tumeurs dysembryoplasiques
neuroépithéliales
Les
tumeurs
dysembryoplasiques neuroépithéliales (DNT)
sont des tumeurs stables de siège
cortical, également révélées par
une EPPR chez le sujet jeune et
de localisation temporale préférentielle. Histologiquement, on
distingue trois types : les formes
spécifiques simples (composante
glioneuronale isolée), complexes
(prolifération tumorale gliale multinodulaire et désorganisation corticale associées à la composante
glioneuronale) et les formes non
Neurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146
spécifiques (prolifération gliale
variable de type oligodendrocytaire, astrocytaire ou mixte). Dans
les formes spécifiques (simple ou
complexe), les DNT se manifestent
par un processus bien limité, en
franc hyposignal T1 et hypersignal
T2 d’aspect “pseudokystique” (Fig.
4), en situation corticale, sans effet
de masse ni oedème. Le signal IRM
s’explique par le riche contenu hydrique de la composante glioneuronale. Une empreinte osseuse est retrouvée dans les formes corticales
de la convexité. Dans les formes
histologiques non spécifiques, la
sémiologie IRM est différente avec
un hypersignal moins élevé en T2,
un isosignal T1 (relativement au
a
Les hétérotopies correspondent
à un arrêt de la migration neuronale focal ou diffus, de la région
périventriculaire vers le ruban
cortical, au cours du développement. Dans sa forme sous-corticale diffuse, l’hétérotopie prend la
forme d’un double cortex (cortex
eutopique et hétérotopique) ou
hétérotopie laminaire. Ce trouble
de la migration peut également
être focal, on parlera alors, selon
la localisation, d’hétérotopie nodulaire sous-corticale ou d’hétérotopie nodulaire périventriculaire.
Dans ce dernier cas, pour arriver
au diagnostic, il est nécessaire de
suivre chaque bord ventriculaire à
la recherche d’un foyer ectopique
de substance grise (Fig. 6).
Les polymicrogyries correspondent à une anomalie de la gyration cérébrale caractérisée par
un nombre excessif de circonvolutions de petite taille. Les multiples gyri sont séparés par des
sillons peu profonds ou fusionnés
qui rendent compte de l’aspect
festonné du cortex mais aussi de
son aspect épaissi. Elles peuvent
être uni- ou bilatérales, de siège
B
Figure 4 - IRM 1.5 Tesla. Coupe sagittale en pondération FLAIR (A) et T1 (A) : masse corticale et sous-corticale temporo-polaire gauche de signal pseudokystique. Confirmation histologique de tumeur dysembryoplasique neuroépithéliale (DNT).
125
mise au point
a
B
Figure 5 - IRM 1.5 Tesla. Coupes axiale en pondération FLAIR (A) et coronale T1 après
injection de gadolinium (B) : masse corticale en hypersignal FLAIR et hyposignal T1
avec une prise de contraste punctiforme (flèche). Confirmation histologique de DNET.
a
B
Figure 6 - IRM 1.5 Tesla coupe axiale en pondération T1 (A) et coronale T2 (B) montrant
nent le tableau clinique devant les
déficits neurologiques progressifs.
La séquence T2 écho de gradient
(T2*) est capitale pour le diagnostic de cavernome : lésion parenchymateuse arrondie, volontiers
calcifiée au signal hétérogène du
fait de la présence d’hémorragies
d’âges différents (Fig. 8). Une séquence en pondération T1 avec
injection de gadolinium complète
le bilan à la recherche d’une anomalie veineuse de développement.
Lésions cicatricielles
La gliose est la conséquence de nombreuses lésions cérébrales, qu’elles
soient post-traumatiques, post-infectieuses, post-inflammatoires ou
post-ischémiques. Chacun de ces
mécanismes peut être responsable
d’une zone de nécrose corticale, entourée d’un halo de sclérose. Quel
qu’en soit le mécanisme, la sclérose
en IRM associe atrophie et anomalie de signal dues à une augmentation de l’eau libre tissulaire. En
IRM, s’il est facile de reconnaître
une lésion de type séquellaire, il est
difficile de différencier une gliose
post-infectieuse, d’une gliose postinflammatoire ou post-ischémique.
La présence de dépôt d’hémosidérine en hyposignal T2* franc, est
la présence d’une lésion nodulaire paraventriculaire gauche dont le signal est identique à celui de la substance grise, évocatrice d’une hétérotopie sous-épendymaire.
classiquement pérysylvien mais
peuvent également être observées
au niveau des régions frontales ou
postérieures (Fig. 7).
Ces anomalies sont en fait le plus
souvent associées à une zone épileptogène étendue ou diffuse, et
font plus rarement l’objet d’un
traitement chirurgical.
de l’adulte. Il s’agit en particulier
des malformations artérioveineuses et des angiomes caverneux
(ou cavernome). La chirurgie de
l’épilepsie ne concerne cette dernière étiologie que dans un faible
nombre de cas, ce qui néanmoins
justifie la réalisation systématique
de séquences adaptées.
Cavernomes
Pathologie vasculaire
L’étiologie vasculaire est à rechercher de principe devant tout
bilan lésionnel d’une épilepsie
126
Il s’agit de l’étiologie vasculaire
malformative la plus fréquente.
Lorsque l’angiome est symptomatique, les crises d’épilepsie domi-
Figure 7 - IRM1.5 Tesla coupe axiale T1 :
aspect micro-bosselé et épaissi du cortex pré- et post-central droit compatible
avec une polymicrogyrie.
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Traitement chirurgical de l’épilepsie
a
B
C
Figure 8 - 1.5 Tesla coupes axiales pondérées en T2* (A), T1 sans (B) et après injection de gadolinium (C) : lésion nodulaire hétérogène
hémorragique de la région précentrale gauche, siège de saignement d’âges différents en hyper- et hyposignal T1, ne se rehaussant
pas après injection. Peu d’effet de masse. Lésion typique de cavernome.
fortement évocatrice de séquelles
post-traumatiques. La topographie
des lésions peut parfois aider au diagnostic étiologique (ex. : séquelles
temporales d’encéphalite herpétique, séquelles fronto-polaires de
traumatisme crânien).
Evaluation
pronostique
de la chirurgie
C’est la place de l’IRM fonctionnelle
(IRMf) d’activation dont les applications principales en routine clinique
sont représentées par l’étude du lan-
gage et de la mémoire en cas d’épilepsie de la région périsylvienne,
l’étude du cortex sensori-moteur
pour les épilepsies de la région centrale et enfin l’étude du cortex visuel
pour les lésions de siège occipital ou
sur le trajet des radiations optiques.
EN PRATIQUE
Quel champ pour quelle exploration : IRM 1,5 T ou 3 T ?
• Le choix d’une IRM 3 Tesla se
justifie particulièrement dans le
bilan des épilepsies en imagerie.
De récentes études (1, 2) comparant des patients porteurs de
lésions épileptogènes explorés
respectivement en IRM 1,5 et
3T soulignent une sensibilité
diagnostique plus importante
et une meilleure caractérisation
lésionnelle à haut champ, en
particulier lorsqu’une origine développementale de type dysplasie corticale focale est suspectée
(Fig. 9).
• En revanche, attention au
risque plus élevé d’artefacts de
susceptibilité à proximité des
cavités aériques de la face et de
la base du crâne (régions temporales et orbito-frontales).
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a
B
Figure 9 - IRM coupes axiales pondérées en FLAIR respectivement avec un champ de
1,5 Tesla (A) et de 3 Tesla (B). IRM initialement considérée comme négative. Les limites
du ruban cortical, ainsi que l’hypersignal sous-cortical sont mieux visibles à 3 Tesla.
Confirmation histologique postopératoire de dysplasie corticale focale de Taylor.
127
mise au point
dominance atypique est également
possible chez les droitiers (Fig. 11), incitant à réaliser systématiquement
une IRMf avant une résection temporale.
a
B
Figure 10 - IRM fonctionnelle langage coupes axiales (A) et coronales (B) dans le bilan
préopératoire d’une épilepsie temporale gauche chez une patiente ambidextre de 35
ans. Réponses significatives lors de 3 épreuves de langage : fluence verbale (en rouge),
fluence catégorielle (en vert), et associations sémantiques (en rose). L’ensemble des
réponses est observé en région operculaire, frontale inférieure, temporale supérieure
avec une nette prédominance du côté droit en faveur d’une dominance atypique
droite pour le langage.
a
B
Figure 11 - IRM fonctionnelle langage coupes axiale (A) et sagittale gauche (B) chez
un patient droitier porteur d’une épilepsie temporale droite sur une DNET temporale
interne droite : réponses significatives lors de 3 épreuves de langage : fluence verbale
(en rouge), fluence catégorielle (en jaune), et associations sémantiques (en rose).
Dominance atypique droite pour le langage très inattendue en raison de la préférence
manuelle et du côté de la lésion.
Etude de la dominance hémisphérique pour le langage et
les fonctions mnésiques
L’IRMf du langage étudie les réponses des aires périsylviennes
lors d’un paradigme adapté. Ces réponses sont suffisamment robustes
pour permettre de définir la dominance hémisphérique pour le lan128
gage chez des patients épileptiques
et ont réduit considérablement les
indications du test de Wada (3).
Une dominance atypique (droite
ou bilatérale) est en effet fréquente
chez les patients souffrant d’EPPR,
en particulier chez les gauchers
souffrant d’une épilepsie temporale
gauche (4) (Fig. 10). Cependant une
Les progrès accomplis dans la
conception de ces paradigmes ont
permis, par ailleurs, l’analyse de
régions anatomiques distinctes
pour une évaluation précise de l’ensemble du réseau du langage. L’exploration fonctionnelle ne se limite
donc plus à une seule latéralisation
gauche-droite du langage, mais à
une approche des différentes composantes de ce réseau au sein d’un
même hémisphère, en particulier
à proximité de la lésion (5). L’IRMf
permet ainsi de prendre en compte
une éventuelle réorganisation fonctionnelle secondaire à l’épilepsie, et
de mieux prédire le risque de déficit fonctionnel post-opératoire. Par
exemple, un patient souffrant d’une
épilepsie temporale gauche lésionnelle peut présenter une dominance
dissociée (6) : droite en région frontale, mais gauche en région temporale, permettant ainsi une résection plus élargie de la lésion gauche
(Fig. 12).
L’étude des fonctions mnésiques
en IRMf n’est pas encore utilisée
en routine clinique mais semble
offrir des possibilités supérieures
à celles du test de Wada pour évaluer le risque de déficit postopératoire (voir l’article d’A. de VanssayMaigne dans Neurologies n° 141
d’octobre 2011 et celui de A. Montavont et S. Dupont dans Neurologies n° 138 de mai 2011).
Etude du cortex ­
sensori-moteur
Pour le repérage du cortex sensori-moteur lorsqu’une résection est envisagée à proximité du
sillon central (7) (Fig. 13), les tâches
consistent à réaliser des mouveNeurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146
Traitement chirurgical de l’épilepsie
a
B
Figure 12 - IRM fonctionnelle langage coupes axiale (A) et coronale (B) dans le bilan
préopératoire d’une épilepsie temporale gauche sur une sclérose hippocampique chez
un patient droitier : réponses significatives lors de 2 épreuves de langage : fluence verbale
(en rouge), et associations sémantiques (en rose). Dominance atypique “dissociée” pour le
langage : gauche en région frontale et droite (côté opposé à la lésion) en temporal.
motrices apparaissent en région
centrale et s’accompagnent également d’une activation de l’aire motrice supplémentaire.
Etude du cortex visuel/
de la lecture
Figure 13 - IRM fonctionnelle. Coupes
axiale dans le bilan préopératoire d’une
dysplasie corticale focale précentrale
gauche (croix) responsable d’une
épilepsie pharmacorésistante : réponses
asymétriques lors d’épreuves de mouvements de la main gauche (en jaune) et
de la main droite (en rouge) en faveur
d’une réorganisation fonctionnelle du
cortex moteur à proximité de la lésion.
ments d’opposition des doigts, de
contraction des orteils ou encore
de l’orbiculaire des lèvres. La stimulation sensitive peut être obtenue par frottement de la paume, de
l’avant-bras ou de la face dorsale
des pieds. Les réponses sensoriNeurologies • Mars 2012 • vol. 15 • numéro 146
La tâche permettant la mise en évidence du cortex visuel primaire le
long du sillon calcarin, de manière
bilatérale, consiste à visualiser un
écran sur lequel sont projetées des
images de damiers en alternance
avec un écran noir (Fig. 14). Pour
les lésions situées à proximité du
gyrus fusiforme gauche (face postérieure de la base temporale),
une tâche de lecture de listes de
mots en alternance avec une croix
de fixation, voire avec une liste de
non-mots, permettra la mise en
évidence de l’aire de la forme visuelle des mots (8).
Apport des autres
techniques
d’imagerie
Imagerie de diffusion
Cette séquence étudie les mouvements aléatoires des molé-
cules d’eau. La modification des
paramètres de diffusion, à savoir
une augmentation de la diffusivité moyenne et une diminution
de l’anisotropie, témoigne de modifications microstructurales, non
décelables sur les séquences conventionnelles d’IRM (9, 10). Ces anomalies ne sont pas spécifiques de la
lésion causale, mais augmentent la
sensibilité de détection du foyer épileptogène. De plus, l’étude de l’anisotropie permet l’analyse des faisceaux
de substance blanche impliqués dans
la propagation des crises comitiales,
en particulier d’origine temporale
interne (11). Les anomalies ainsi
constatées dépassent le seul foyer
épileptogène et rendent compte du
réseau épileptogène. L’imagerie en
tenseur de diffusion des faisceaux
de substance blanche permet également, dans le cadre du bilan préopératoire, de localiser la lésion par
rapport aux principaux faisceaux de
substance blanche (ex. : faisceau corticospinal, radiations optiques, arqué…) en combinaison avec la cartographie corticale fournie par l’IRMf
(Fig. 15) (12).
Spectroscopie du proton
Elle fournit des informations
métaboliques en déterminant la
présence et les concentrations de
substances neurochimiques dans
une région d’intérêt. Chez les patients présentant une sclérose hippocampique, les régions d’intérêts
placées dans les lobes temporaux
révèlent une diminution du taux
de N-Acétyl Aspartate (témoin
d’une perte axonale) du côté du
foyer épileptogène (13). Une élévation du myo-inositol (associée à
des zones de gliose) est également
retrouvée dans le lobe temporal
homolatéral au foyer. Des anomalies spectrales ont pu ainsi être décelées chez des patients souffrant
d’épilepsie temporale avec volume
hippocampique normal (14).
129
mise au point
a
B
Figure 14 - IRM fonctionnelle coupes axiale dans le bilan préopératoire d’une dysplasie
corticale focale lobulaire paracentrale droite : réponses lors d’épreuves de mouvements de la main gauche (A) puis du pied gauche (B). Lors de ce dernier exercice, on observe des réponses dans le cortex moteur homolatéral au côté sollicité, en faveur d’une
réorganisation fonctionnelle à proximité de la lésion. Les réponses sont en revanche
en situation habituelle lors des mouvements de la main.
se sont développées des méthodes
de traitement de l’image voxel par
voxel. Le principe de cette technique repose sur la comparaison
automatique ou semi-automatique du cerveau du patient avec
un cerveau normalisé à partir de
sujets sains. L’analyse peut porter sur les séquences conventionnelles (répartition blanc-grisLCR), avec possibilité de modéliser
les anomalies constatées pour une
pathologie donnée. Par exemple,
dans le cas des dysplasies corticales, l’analyse de texture permet
de comparer, pour chaque voxel
de l’image, l’épaisseur corticale,
la différenciation blanc-gris, le signal T1, T2 ou FLAIR entre cortex
dysplasique et normalisé (16-18).
Cette approche n’a néanmoins pas
encore démontré sa supériorité
par rapport à une analyse par expert qui peut intégrer les données
électro-cliniques.
Analyse tridimensionnelle
des sillons
a
B
Figure 15 - IRM fonctionnelle coupes axiale dans le bilan préopératoire d’une dysplasie
corticale focale temporale postérieure droite : réponses lors de stimulation visuelle
(A) occipitales bilatérales mais très asymétriques en faveur du côté sain, en faveur
d’une réorganisation fonctionnelle du cortex visuel primaire à proximité de la lésion.
Tracking des fibres sur une reconstruction volumique en vue axiale coupée (B) des
radiations optiques à partir de l’activation occipitale droite en IRMf. On met en évidence une marge de sécurité entre le foyer lésionnel (croix) et les fibres ainsi obtenues,
notion indispensable pour la réalisation de la chirurgie.
Imagerie de perfusion par
marquage artériel de spin
(Arterial Spin Labelling, ASL)
C’est une technique non invasive
d’évaluation du débit sanguin
cérébral dont les résultats s’apparenteraient aux données de la
tomographie par émission monophotonique (SPECT). L’ASL uti130
lisée pour l’étude de patients atteints d’épilepsie du lobe temporal
montrerait une asymétrie intercritique de la perfusion temporale
interne (15).
Analyse morphométrique
Afin d’améliorer le dépistage de lésion difficilement visibles en IRM,
Les hypothèses développementales dans l’épilepsie temporale
mésiale et les malformations de
développement cortical (MDC)
conduisent à rechercher des anomalies de la gyration. Dans ce dernier cas, une analyse systématique
dans les trois plans de l’espace et
par reconstruction curviligne de
la surface de l’hémisphère (19, 20)
montre des anomalies de la disposition des sillons à proximité
du foyer dysplasique. Concernant
l’épilepsie temporale, une comparaison de la morphologie volumique des sillons de la base du
lobe temporal chez des patients
épileptiques avec celle des témoins a permis de constater une
configuration sulcale simplifiée en
cas d’épilepsie temporale interne,
supportant une origine développementale (21). Ces résultats préliminaires illustrent l’importance
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Traitement chirurgical de l’épilepsie
de l’étude la gyration en cas de
malformation ainsi que l’intérêt
d’une exploration volumique de
la disposition sulcale (Fig. 16). Une
telle approche morphologique
pourrait aider au dépistage de
lésions développementales non
visibles sur les séquences conventionnelles d’IRM.
Conclusion
Les progrès techniques et algorithmiques réduisent la fréquence des
EPPR associées à une IRM dite
“normale”. L’analyse multimodale,
intégrant les données cliniques,
électro-encéphalographiques,
l’imagerie morphologique et fonctionnelle est néanmoins indispen-
sable pour optimiser la détection
et la caractérisation des lésions épileptogènes. n
Correspondance :
Dr Charles MELLERIO
Service d'Imagerie Morphologique et
Fonctionnelle
Centre Hospitalier Sainte-Anne
1 rue Cabanis
75674 PARIS cedex 14
E-mail : [email protected]
Mots-clés : Epilepsie partielle pharmacorésistante, Chirurgie, Imagerie,
IRM, Tenseur de diffusion, Spectroscopie, Transfert de magnétisation,
Sclérose hippocampique, Dysplasies
focales, Gangliogliomes, Tumeurs
Figure 16 - Vue antéro-supérieure gauche de l’extraction de la surface externe du cerveau et dessin des sillons corticaux. Patiente de 19 ans porteuse d’une dysplasie corticale focale (matérialisée par la croix rouge). Cette dysplasie est située en profondeur
d’une branche antérieure (en rouge) du sillon central rejoignant le sillon précentral (en
vert). Par ailleurs, interruption inhabituelle du sillon central (flèche jaune) à sa partie
moyenne, à proximité de la dysplasie.
dysembryoplasiques neuroépithéliales, Hétérotopies, Polymicrogyries,
Malformations artérioveineuses,
Cavernome, Gliose, Langage, Fonctions mnésiques, Cortex sensori-­
moteur, Cortex visuel, Lecture
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