Les maladies cardiovasculaires acquises du chat
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Les maladies cardiovasculaires acquises du chat
Fermez cette fenêtre pour retourner sur IVIS Encyclopédie de la Nutrition Clinique Féline Pascale Pibot DMV, Responsable des Éditions Scientifiques, Communication, Groupe Royal Canin Vincent Biourge Denise Elliott DMV, PhD, Dipl. ACVN, Dipl. ECVCN Directeur Scientifique Nutrition-Santé pour le Centre de Recherche Royal Canin BVSc (Hons) PhD, Dipl. ACVIM, Dipl. ACVN Directrice Scientifique Royal Canin aux États-Unis Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien. Valérie CHETBOUL Vincent BIOURGE DMV, PhD, Dipl. ACVN & ECVCN Les maladies cardiovasculaires acquises du chat : influence de l’alimentation Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 2 - Les myocardiopathies félines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 Questions fréquemment posées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348 Informations nutritionnelles Royal Canin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352 ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS CE CHAPITRE DC : débit cardiaque EM : énergie métabolisable HTA : hypertension artérielle systémique IECA : inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine IRC : insuffisance rénale chronique MCD : myocardiopathie dilatée MCH : myocardiopathie hypertrophique MCR : myocardiopathie restrictive MS : matière sèche NRC : National Research Council PA : pression artérielle RPT : résistance périphérique totale SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone 323 Cœur DMV, PhD, Dipl. ECVIM-CA (cardiologie) Les maladies cardiovasculaires acquises du chat : influence de l’alimentation Valérie CHETBOUL Professeur agrégé de Pathologie Médicale, Dipl. ECVIM-CA (cardiologie) UP de Médecine, Unité de Cardiologie d’Alfort, UMR INSERM-ENVA U841 Vétérinaire diplômée de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort (ENVA, France) depuis 1984, le Professeur Valérie Chetboul a accumulé en Europe et aux USA, les formations, les diplômes et les projets de recherche dans son domaine de prédilection, la cardiologie. Dès 1986, elle a ouvert la première consultation d’échocardiographie dédiée aux carnivores domestiques en collaboration avec le Professeur Pouchelon. Le développement de sa spécialité s’est illustré par la création de l’Unité de Cardiologie d’Alfort, celle du premier centre Holter vétérinaire français (2000) et par une collaboration active avec le plateau chirurgical cardiovasculaire de l'IMM recherche à Paris (2002). Elle a participé à l’implantation sur le site de l’ENVA (2005) d’une structure INSERM rattachée à l’Université Paris XII et dévolue à la cardiologie. Valérie Chetboul est professeur à l’ENVA et anime également des formations spécialisées qu’elle a mises en place. Elle a publié de nombreux articles dans des revues scientifiques à comité de lecture international, écrit plusieurs ouvrages dont un “Atlas en couleur d’Echo-Doppler du chien et du chat” qui lui a valu en 2002 l’obtention du prix Groulade par l’Académie Vétérinaire de France. Elle a également présenté de nombreuses communications dans différents congrès internationaux, tant en médecine humaine que vétérinaire. Sa compétence a été reconnue par ses pairs qui lui ont décerné en 2001, le prestigieux Award de l’American College of Veterinary Internal Medicine. Vincent BIOURGE DMV, PhD, Dipl. ACVN & ECVCN Cœur Vincent Biourge a obtenu son titre de Docteur en Médecine Vétérinaire de l’Université de Liège en 1985 (Belgique). Après avoir été assistant dans le service de nutrition de cette même institution pendant 2 ans, Vincent effectue un Résidanat en nutrition clinique dans les Hôpitaux Vétérinaires de l’Université de Pennsylvanie (Philadelphie, USA) et de Californie (Davis, USA). Il obtient un PhD en Nutrition et devient Diplomate du Collège Américain des Vétérinaires Nutritionnistes (ACVN) en 1993. En 1994, il rejoint le Centre de Recherche Royal Canin où il a successivement occupé les fonctions de responsable de la Communication Scientifique et de directeur des programmes de recherches. Il est actuellement Directeur scientifique Nutrition-Santé au Centre de Recherche de Royal Canin. Il a plus de 30 publications scientifiques à son actif et est invité régulièrement à présenter des conférences dans les Écoles et congrès Vétérinaires. Vincent est aussi Diplomate du Collège Européen de Nutrition Vétérinaire comparative (ECVN). L ’alimentation exerce un impact à la fois étiologique et thérapeutique sur les maladies cardiovasculaires félines : l’apport sodé alimentaire peut contribuer à modifier l’équilibre de la fonction cardiovasculaire. Le chat a également la particularité de dépendre d’un apport alimentaire suffisant en taurine dans son alimentation : à la différence du chien, il s’agit chez lui d’un acide aminé indispensable. La conjugaison des acides biliaires chez le chat se fait en effet exclusivement grâce à la taurine et l'activité hépatique des enzymes responsables de sa synthèse à partir de la méthionine ou de la cystéine, est extrêmement faible. 324 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat Introduction Les maladies cardiovasculaires acquises du chat regroupent essentiellement l’hypertension artérielle systémique (HTA) et les myocardiopathies (dont plus spécifiquement celle dite tauriprive). Ces entités pathologiques seront envisagées séparément et successivement au cours de ce chapitre. Pour chacune de ces cardiopathies, un rappel épidémiologique, étiologique, physiopathologique et diagnostique sera effectué, et l’influence potentielle étiologique voire thérapeutique de l’alimentation détaillée. Bien que les myocardiopathies (en particulier les formes hypertrophiques) soient les cardiopathies les plus fréquemment rencontrées en pratique, il paraît justifié d’envisager dans un premier temps l’HTA en raison du rôle clé joué par le sodium alimentaire sur l’évolution des maladies cardiovasculaires en général. Les autres points du traitement diététique des cardiopathies seront traités dans la troisième partie de ce chapitre. 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat L’HTA se définit comme l’augmentation chronique systolique et/ou diastolique de la pression artérielle (PA) systémique. Il s’agit d’une entité clinique maintenant bien reconnue chez les carnivores domestiques, en particulier chez le chat âgé de plus de 10 ans (Chetboul et coll, 2003; Brown, 2006; Brown et coll, 2007). L’ensemble des cliniciens s’accorde pour parler d’HTA chez le chat à partir de 160 et 100 mmHg pour respectivement la PA systolique et diastolique mesurée chez l’animal calme et selon les recommandations actuelles (Stepien, 2004; Brown et coll, 2007). Étiologie et pathogénie La PA est la force latérale qu’exerce le sang sur chaque unité de surface de la paroi vasculaire artérielle (Guyton et Hall, 1996). La PA dépend du débit cardiaque (DC) et de la résistance périphérique totale (RPT). PA = DC x RPT Contrairement à l’homme, pour lequel l’HTA primitive, dite aussi essentielle, représente la forme la plus fréquente d’HTA, l’HTA féline est le plus souvent secondaire à une autre affection (Figure 1), rénale ou endocrinienne (hyperthyroïdie) principalement (Kobayashi et coll, 1990; Syme et coll, 2002; Chetboul et coll, 2003). L’HTA essentielle est donc rare dans l’espèce féline. Cependant les mesures plus systématiques de la PA en médecine vétérinaire associées au vieillissement de la population animale laisse présager une importance plus grande, pour l’instant encore mal déterminée mais pouvant concerner jusqu’à 18 à 20 % des chats hypertendus selon certaines études (Elliott et coll, 2001; Maggio et coll, 2000). Rappelons à cet effet que comme chez l’homme, la PA a tendance à augmenter avec l’âge chez le chat normal (Samson et coll, 2004). La cause principale d’HTA féline (Figure 1) est l’insuffisance rénale chronique (IRC): selon les études, 20 à 60 % des chats insuffisants rénaux sont hypertendus (Kobayashi Cœur L’élévation de la PA peut ainsi résulter soit d’une augmentation du DC (due à une augmentation de la fréquence cardiaque, de l’inotropisme ou de la volémie) soit d’une élévation de la RPT (lors de vasoconstriction, modification structurale des vaisseaux ou d’hyperviscosité sanguine). Les circonstances pouvant conduire à l’HTA sont ainsi multiples. FIGURE 1 - ÉTIOLOGIE DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE SYSTÉMIQUE CHEZ LE CHAT Hyperthyroïdie Insuffisance rénale Hypertension artérielle systémique Diabète sucré Médicaments Obésité Inconnue (hypertension primitive ou essentielle) Affections surrénaliennes • Hypercorticisme • Phéochromocytome • Tumeurs surrénaliennes sécrétantes d’aldostérone 325 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat et coll, 1990; Stiles et coll, 1994). Les mécanismes pathogéniques reliant rein et HTA sont multiples, incluant à des degrés variables, la rétention hydrosodée et l’hyperactivité du système rénine-angiotensine-aldostérone comme en témoignent: - les dosages hormonaux (activité rénine plasmatique, aldostéronémie, rapport aldostérone/rénine plasmatique) - l’analyse histologique et immunohistochimique des reins des animaux atteints (Taugner et coll, 1996; Jensen et coll, 1997; Mishina et coll, 1998; Pedersen et coll, 2003). L’HTA chez le chat est aussi une complication fréquente de l’hyperthyroïdie non traitée ou mal équilibrée, affectant une proportion très variable d’animaux selon les études : entre 20 % et près de 90 % des chats hyperthyroïdiens sont rapportés hypertendus dans la littérature (Kobayashi et coll, 1990; Stiles et coll, 1994). La prévalence réelle de l’HTA pathologique est probablement surestimée à cause de la sensibilité au stress de ces animaux. L’HTA du chat hyperthyroïdien a pour caractéristique d’être le plus souvent modérée et surtout réversible avec le traitement de la dysendocrinie. L’origine de l’HTA lors d’hyperthyroïdie (Feldman et Nelson, 1997) est multifactorielle, impliquant l’augmentation du débit cardiaque induite par les hormones thyroïdiennes : action inotrope et chronotrope directe et indirecte médiée par les récepteurs couplés à l’adénylate cyclase, à laquelle s’ajoute l’hyperactivation du système rénine-angiotensine-aldostérone via la stimulation des récepteurs juxta-glomérulaires à l’origine d’une synthèse accrue de rénine. Parmi les autres causes bien moins fréquentes d’HTA chez le chat, citons le diabète sucré ou, plus rarement, l’obésité, l’hypercorticisme, le phéochromocytome et l’hyperaldostéronisme, ou encore certains médicaments comme les glucocorticoïdes, la phénylpropanolamine, l’érythropoïétine, et la cyclosporine A (Maggio et coll, 2000; Chetboul, 2003; Senello et coll, 2003; Brown, 2006; Brown et coll, 2007). Enfin parmi les facteurs favorisants, citons (Brown, 2006) la perfusion trop rapide de chlorure de sodium (exemple classique du chat insuffisant rénal) qui peut accélérer l’expression d’une HTA subclinique ou entraîner une brusque augmentation de PA alors que celle-ci était initialement dans les limites supérieures de la norme. Rôle du sodium > Chez les rongeurs Cœur L’excès de sodium (Na) alimentaire est bien connu dans certaines espèces animales comme étant directement responsable d’HTA ou tout au moins un facteur favorisant de son expression selon le contexte. Ainsi, un régime très riche en sel (8 % Na par rapport à la matière sèche [/MS] ; à titre de comparaison, les aliments les plus riches en sodium utilisés chez le chat ne dépassent pas 2 % Na/MS) pendant une période de 8 semaines entraîne une élévation de la PA non seulement chez le rat spontanément hypertendu mais aussi chez le rat Wistar-Kyoto normotendu (Yu et coll, 1998). Ceci s’accompagne, dans les deux lignées de rats précitées, du développement de lésions de fibrose interstitielle à la fois rénales (glomérules, tubules) et artérielles dans le myocarde gauche (Yu et coll, 1998) parallèlement à l’augmentation de l’expression tissulaire du gène codant pour le transforming growth factorbeta1 (TGF-1). De même, dans un modèle murin d’insuffisance rénale par réduction néphronique, il a été démontré que l’apport sodé en excès s’accompagne d’une élévation de la PA systémique (Cowley et coll, 1994). Parmi les modèles génétiques animaux d’HTA, citons le rat Dahl sensible au sel chez lequel l’administration d’un régime riche en sel (2 à 8 % de Na/MS) entraîne une HTA ainsi que, de façon disproportionnée, des lésions fibrotiques et hypertrophiques à la fois artérielles et myocardiques gauches (Zhao et coll, 2000; Siegel et coll, 2003; Charron et coll, 2005). > Chez l’homme Chez l’homme, il est aussi bien démontré que l’apport excessif en sel peut être délétère et directement à l’origine d’une augmentation de la PA avec cependant une grande hétérogénéité de réponses selon les individus (Weinberger et coll, 1986; 1996; 2001). Ainsi, chez les personnes dites sensibles au sel, qui représenteraient au moins 25 % de la population normotendue (Weinberger et coll, 1986 et 1996), l’augmentation du taux de sel alimentaire de 230 mg (10 mmol)/jour jusqu’à 34,5 g (1500 mmol sur une période de 15 jours) s’accompagne d’une élévation anormalement importante de la PA pouvant 326 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat atteindre plus de 30 % de la valeur de base (Luft et coll, 1979; Weinberger et coll, 1996; 2001). Cette sensibilité anormale au sel serait d’ailleurs un facteur de mortalité indépendant de la valeur même de la pression artérielle (Weinberger et coll, 2001). Inversement, chez certains malades hypertendus, la restriction sodée peut contribuer à réduire la PA de façon comparable à celle obtenue par une médication antihypertensive (Weinberger et coll, 1986; Luft et Weinberger, 1997). La réponse pressive à l’apport alimentaire en sel chez l’homme est cependant très variable, dépendant de différents facteurs incluant le contexte génétique, l’âge, la consommation d’autres électrolytes ou encore la prise concomitante de certains médicaments (Luft et Weinberger, 1997). La prédisposition génétique à la sensibilité au sel jouerait un rôle majeur chez l’homme, celle-ci étant bien démontrée chez les personnes de couleur noire ou encore chez celles atteintes de diabète non insulinodépendant. > Chez le chat sain Comparativement à l’homme ou au rat, beaucoup moins de données sont disponibles chez le chat concernant l’influence du sodium alimentaire dans la genèse de l’HTA et à notre connaissance, aucun cas de sensibilité au sel comparable à ceux dépeints chez l’homme ou le rat n’a été réellement décrit. Dans l’espèce féline, il a même été démontré qu’un niveau relativement élevé de sodium chez l’animal normotendu s’accompagne d’une augmentation à la fois de la consommation d’eau et de la diurèse (d’où une réduction de la saturation urinaire en oxalate et en struvite, potentiellement bénéfique lors d’affection du bas appareil urinaire) sans pour autant entraîner d’HTA (Devois et coll, 2000; Luckschander et coll, 2004). Ainsi, chez de jeunes chats sains (moyenne d’âge: 2,5 ans, n=10) l’administration d’un régime modérément riche en chlorure de sodium ou NaCl (1,02 % Na et 2,02 % de Cl/MS) pendant une période de 2 semaines ne modifie pas la valeur de la PA systolique (mesurée par méthode Doppler), celle-ci restant dans les intervalles de référence et comparable à celle obtenue lors d’un régime témoin (0,46 % Na et 1,33 % de Cl/MS). Dans cette même étude, comparativement au régime témoin, le régime plus riche en sel est uniquement à l’origine d’une augmentation significative à la fois de la consommation d’eau (jusqu’à plus de 50 %) et de l’osmolarité urinaire associée à une diminution de la densité urinaire. Cœur Bien que des données supplémentaires (aliment riche en sel distribué sur une plus longue période et à plus d’animaux) soient requises pour compléter ces résultats, le National Research Council (NRC) a estimé qu’il existait à présent suffisamment de démonstrations scientifiques pour conclure qu’une valeur de 1,5 % de Na/MS dans un aliment sec apportant 4000 kcal/kg pouvait être considérée comme sans risque, notamment hypertensif, chez le chat en bonne santé (NRC 2006). Ce niveau équivaut à un apport de 3,75 g de sodium pour 1000 kcal. > Qu’en est-il des animaux dont la fonction rénale est perturbée ? Six études différentes portant aussi bien sur des chiens et des chats sains que des animaux insuffisants rénaux (présentant une azotémie maximale équivalente au stade III d’insuffisance rénale selon la classification IRIS), n’ont pas montré d’influence d’une élévation modérée de l’ingéré de sodium (jusqu’à 3,2 g de sodium pour 1000 kcal d’énergie métabolisable ou EM) sur la PA (Greco et coll, 1994; Buranakarl et coll, 2004; Luckschander et coll, 2004; Cowgill et coll, 2007; Kirk et coll, 2007; Xu et coll, 2007). La plupart des conséquences organiques de l’HTA apparaissent pour des valeurs de PA systolique excédant 180 mmHg (Brown, 2006), plus particulièrement lors d’augmentation brutale de la pression (30 mmHg ou plus en moins de 48 heures). - Le rein est l’une des cibles préférentielles de l’HTA (Brown, 2006). Une HTA non traitée peut conduire au développement de lésions de néphroangiosclérose, elles-mêmes pouvant potentiellement accentuer l’HTA initiale. © Royal Canin Conséquences physiopathologiques Selon les informations scientifiques disponibles, la pression artérielle des chats sains ou des chats souffrant d’insuffisance rénale modérée n’est pas affectée par les niveaux de sodium requis pour stimuler l’abreuvement et la diurèse chez le chat. 327 © Unité d’Anatomie-Pathologique, ENVA Figure 2 - Exemple d’hypertrophie concentrique symétrique marquée du ventricule gauche chez un chat insuffisant rénal atteint d’hypertension artérielle systémique. - Les lésions oculaires sont fréquentes chez l’animal hypertendu (Maggio et coll, 2000; Chetboul et coll, 2003; Samson et coll, 2004), concernant ainsi jusqu’à 50 % des chats hypertendus et 80 % des chats hypertendus insuffisants rénaux. Ces lésions correspondent principalement à des altérations de la vascularisation du fond d’œil dénommées “rétinopathie hypertensive” (Figure 4): tortuosité anormale et dilatation des vaisseaux rétiniens, hémorragies prérétiniennes ou rétiniennes localisées ou diffuses, et décollement partiel ou total de la rétine pouvant conduire à la cécité définitive si un traitement n’est pas précocement instauré. L’HTA peut aussi être à l’origine d’un hyphéma, d’une uvéite antérieure par vasculopathie des corps ciliaires ou même d’un glaucome en raison d’une obstruction de l’angle irido-cornéen par du sang. - Une élévation brutale et marquée de la PA peut entraîner l’apparition de lésions cérébrales (œdème ou d’hémorragie) regroupées sous le nom “d’encéphalopathie hypertensive” (Brown et coll, 2005; Brown, 2006), à l’origine de troubles nerveux divers, allant de la simple modification du comportement (hypernervosité, anxiété, miaulements plaintifs), à l’ataxie, la désorientation, jusqu’à des signes plus graves (torpeur (Figure 5), convulsions ou coma). Le chat, pour des raisons mal connues, est plus sujet à l’encéphalopathie hypertensive que le chien. © Valérie Chetboul 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat - Le cœur, et plus particulièrement le ventricule gauche, constitue aussi un des organes cibles majeurs de l’HTA. Une étude menée en collaboration avec l’École nationale vétérinaire de Toulouse, chez 58 chats hypertendus, a révélé un examen échocardiographique anormal pour la majorité des animaux (85 %) (Chetboul et coll, 2003). L’hypertrophie pariétale ventriculaire gauche concentrique (Figures 2 et 3A), symétrique ou non, représentait l’altération la plus fréquente (59 %) sans qu’aucune corrélation n’ait été mise en évidence entre le degré d’hypertrophie pariétale et les valeurs tensionnelles ou encore l’âge des animaux. L’hypertrophie excentrique et l’hypertrophie septale localisée en région sous-aortique (Figures 3B et 3C), étaient retrouvées en proportion moindre mais similaire (13 % chacune). Une dilatation atriale gauche était associée à ces remodelages ventriculaires gauches dans moins d’un tiers des cas (28 %). L’HTA féline a aussi été démontrée comme s’accompagnant d’une modification de l’aorte proximale (dilatation, contours tortueux) (Nelson et coll, 2002). Cœur Figure 4 - Cécité d’apparition brutale chez un chat en raison d’une rétinopathie hypertensive. FIGURE 3 - LES TROIS GRANDS TYPES DE REMODELAGE VENTRICULAIRE GAUCHE ASSOCIÉS À L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE SYSTÉMIQUE CHEZ LE CHAT VD SIV VD Ao VD SIV SIV VG VG VG © Valérie Chetboul AG PLVG 3A - Hypertrophie concentrique. PLVG 3B - Hypertrophie excentrique. PLVG : paroi libre du ventricule gauche SIV : septum interventriculaire VD : cavité ventriculaire droite 328 Échocardiographie en mode 2D, voie parasternale droite, clichés pris en fin de diastole, coupe petit axe transventriculaire (3A et 3B) et grand axe 5 cavités (3C). PLVG 3C - Hypertrophie localisée. VG : cavité ventriculaire gauche. Ao : Aorte AG : Atrium gauche L’hypertrophie pariétale symétrique est concentrique chez l’animal de la Figure 3A et au contraire excentrique chez celui de la Figure 3B avec diamètre ventriculaire gauche respectivement très diminué et normal. Noter (flèche) l’importante déformation du septum interventriculaire localisée en région sous-aortique sur la Figure 3C. 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat Diagnostic > Étape diagnostique n°1 : la suspicion En pratique, l’HTA doit être suspectée lorsque le chat est atteint d’une affection connue comme pouvant être cause potentielle d’HTA (insuffisance rénale et hyperthyroïdie principalement). Les autres circonstances de suspicion sont les suivantes: a) lorsqu’un ou plusieurs symptômes (physiques ou fonctionnels) sont évocateurs d’HTA (Tableau 1) b) lors de cardiomégalie gauche ou de remodelage ventriculaire gauche découverts respectivement à l’examen radiographique ou mieux échocardiographique. Le diagnostic d’HTA peut aussi être établi en dehors de toute suspicion clinique, étiologique, radiographique ou échographique lors de mesure systématique de la PA. L’interprétation des valeurs tensionnelles doit dans ce cas être prudente (ne pas hésiter à renouveler la mesure de PA en l’absence de signe clinique ou de modifications biochimique). La méthode Doppler (Figures 6 et 7) est actuellement recommandée par la majorité des auteurs en raison de sa rapidité et simplicité d’utilisation par rapport à la méthode oscillométrique (Jepson et coll, 2005) et de l’excellente corrélation avec les valeurs obtenues par la méthode de référence c’est-à-dire la mesure directe par cathétérisme (Binns et coll, 1995). Le seul inconvénient de cette technique est la difficulté à parfois déterminer la valeur de la PA diastolique, cet inconvénient devenant cependant caduque pour les opérateurs expérimentés. Plusieurs règles doivent cependant être respectées afin que les valeurs mesurées soient les plus répétables et reproductibles possibles et pour limiter l’hypertension d’anxiété (dénommé “effet blouse blanche”) pouvant conduire à un faux diagnostic d’HTA pathologique. A B C © Valérie Chetboul > Étape diagnostique n°2 de l’HTA féline : la confirmation par la mesure de la PA Figure 5 - Abattement et état de torpeur chez un chat atteint d’hypertension artérielle systémique (pression artérielle systolique = 290 mmHg). TABLEAU 1 - DISTRIBUTION COMPARATIVE DES SIGNES CLINIQUES CHEZ DES CHATS HYPERTENDUS (N=58) ET NORMOTENDUS (N=113), TOUS LES ANIMAUX AYANT ÉTÉ RÉFÉRÉS POUR SUSPICION D’HYPERTENSION ARTÉRIELLE D Figure 6 - Exemple de matériel utilisé pour mesurer la pression artérielle par méthode Doppler. A : appareil - B : manomètre C : brassard occlusif - D : transducteur (8 à 10 MHz). © Valérie Chetboul FIGURE 7 - MESURE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE PAR MÉTHODE DOPPLER CHEZ LE CHAT À LA BASE DE LA QUEUE 7A : Mise en place du brassard à la base de la queue et application du gel ultrasonore distalement. 7B : Gonflement du brassard après avoir repéré le flux artériel, l’animal étant en décubitus sternal (mesure réalisée à la même hauteur que le cœur). Chats hypertendus (n=58) Chats normotendus (n=113) Souffle cardiaque 62 % 72 % Polyuro-polydipsie 53 %* 29 % Lésions rétiniennes (décollement, hémorragies) 48 %** 3% 45 % 71 % Bruit de galop 16 %** 0% Vomissements 15 % 16 % Symptômes nerveux 13 % 13 % Dyspnée - Toux 12 % 17 % Perte de poids 12 % 14 % Autres 1% 17 % Signes cliniques Anorexie-fatigabilité Les symptômes les plus spécifiques (mais non pathognomoniques) d’HTA étaient les lésions rétiniennes**, le bruit de galop** et la polyuro-polydipsie*, seuls à être significativement plus fréquents chez les chats hypertendus que les normotendus (** : p<0.001 ; * : p<0.01). 329 Cœur © Valérie Chetboul (Chetboul et al, 2003). 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat RÈGLES À RESPECTER LORS DE MESURE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE (PA) CHEZ LE CHAT (Stepien et coll, 2004; Snyder et coll, 2006; Brown et coll, ACVIM consensus statement, 2007) 1) Pour limiter l’effet “blouse blanche” et éviter un faux diagnostic d’hypertension pathologique, il est conseillé: • de réaliser l’examen dans une pièce isolée au calme et de préférence en présence du propriétaire; • d’attendre que la fréquence cardiaque se stabilise ou que l’animal se calme pour effectuer ou prendre en compte les mesures; • d’éliminer les premières valeurs de PA, puis de réaliser 3 à 5 mesures consécutives espacées si possible de 30 secondes à 1 minute afin d’en calculer la moyenne; • de ne pas hésiter, en cas de doute (animal stressé et obtention de valeurs de PA au-dessus des limites supérieures : 160 mmHg en systole, 100 mmHg en diastole), à renouveler la mesure soit dans les 48 heures lors de suspicion clinique ou étiologique, soit dans les 15 à 30 jours, hors d’un cadre d’urgence. 2) Pour augmenter la fiabilité de la technique, les règles à respecter sont les suivantes: • il faut que ce soit la ou les mêmes personnes, entraînées à la fois à la technique et à l’équipement, qui soient responsables des mesures de PA au sein d’une même clinique ou d’une même équipe; • la température ambiante de la pièce ne doit pas être trop basse afin d’éviter l’apparition d’une vasoconstriction périphérique qui pourrait majorer la valeur réelle de la PA ou surtout rendre difficile la mesure de PA; • utiliser un brassard adapté (un brassard de trop petite taille peut surestimer la PA et un brassard de trop grande taille peut, inversement, la sous-estimer). • noter, pour la valeur moyenne de PA obtenue, à la fois le nom de l’opérateur, le site d’enregistrement et le nombre de mesures ce dans le but d’effectuer un suivi longitudinal le plus rigoureux possible. TABLEAU 2 - PRINCIPAUX ANTI-HYPERTENSEURS UTILISÉS CHEZ LE CHAT (CLASSES, DOSES) Classes Doses Diurétique Hydrochlorothiazide 2 à 6 mg/kg/j PO en 2 pq Inhibiteur calcique Amlodipine : très efficace chez le chat 0,625 à 1,25 mg/animal/jour (ou 0,18 à 0,3 mg/kg PO 1x/jour) Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (lors d’HTA très modérée, Bénazépril Énalapril Imidapril Ramipril 0,25 à 0,5 mg/kg/j en 1 pq PO 0,25 à 0,5 mg/kg 1 à 2 fois par jour PO 0,5 mg/kg/jour en 1 pq PO 0,125 mg/kg/jour (jusqu’à 0,25 mg/kg si nécessaire) en 1 pq PO -bloquants Propranolol Atenolol 0,1 à 1 mg/kg 2 à 3 fois/j PO ou 2,5 à 5 mg/chat 2 à 3 x/jour PO ou 6,25 à 12,5 mg/chat/1 à 2 fois par jour PO Autres Spironolactone 1-2 mg/kg/j PO lors de protéinurie, ou si effet rénoprotecteur recherché ou en association avec l’amlodipine (en cas d’échec avec l’amlodipine seule) Cœur Substances L’anti-hypertenseur de loin le mieux documenté dans l’espèce féline est l’amlodipine. pq : prise quotidienne - PO : par voie orale. Tableau indicatif. La commercialisation de ces molécules à destination de l’espèce féline varie selon les pays et les lois en vigueur. > Étape diagnostique n°3 de l’HTA féline : la détermination de la cause La découverte d’une HTA chez le chat doit inciter le clinicien à pratiquer en première intention un bilan sanguin simple (dosage de l’urée, de la créatinine et T4) afin de confirmer ou d’infirmer une insuffisance rénale et une hyperthyroïdie. Si les résultats se révèlent normaux, la recherche étiologique doit être poursuivie avant de conclure à une HTA primitive, l’exploration incluant la glycémie, la kaliémie, la natrémie voire l’échographie abdominale à la recherche d’une masse surrénalienne. La recherche d’une protéinurie par le rapport protéine/créatinine urinaire est enfin conseillée, car indépendamment de la cause, elle constitue un facteur pronostique péjoratif (Jepson et coll, 2007). Traitement médical Les anti-hypertenseurs utilisables chez le chat sont présentés dans le Tableau 2. Le besylate d’amlodipine (Amlor ND ®) est de loin l’anti-hypertenseur de choix chez le chat car documenté dans cette espèce, avec une efficacité obtenue dans la majorité des cas sans autre traitement associé (Henik et coll, 1997; Elliott et coll, 2001; Snyder et coll, 2001; Tissier et coll, 2005). L’amlodipine est un inhibiteur calcique de longue action, du groupe des dihydropyridines, s’opposant à l’ouverture des canaux calciques L voltage-dépendant. Sa longue durée d’action (contrairement à celle de la nifédipine) limite les effets secondaires induits par une hypotension brutale (tachycardie, abattement, malaises). L’amlodipine a, 330 1 - L’hypertension artérielle systémique chez le chat de surcroît, peu d’effets négatifs sur l’inotropisme et la conduction. L’amlodipine est à déconseiller lors d’insuffisance hépatique. Le traitement de l’affection primitive sera privilégié lorsqu’il est disponible et qu’il s’agit d’une HTA secondaire. Ainsi, lors d’hyperthyroïdie, une normalisation de la PA peut être obtenue de façon parallèle à la restauration de l’euthyroïdie sans utilisation d’anti-hypertenseur (Snyder et Cooke, 2006). En cas d’urgence (cécité d’apparition brutale ou tachyarythmie importante), il est nécessaire d’obtenir une diminution rapide de la PA par l’utilisation de l’amlodipine (inhibiteur calcique) ou mieux les -bloquants (propranolol, aténolol) qui ont l’avantage de s’opposer directement aux mécanismes d’action des hormones thyroïdiennes sur le système cardio-vasculaire (Tableau 2). Adaptation du niveau de sodium de l’alimentation En raison des données relatives à l’excès de sodium alimentaire issues des modèles animaux d’HTA ou de la médecine humaine (cf. supra), il est souvent admis que l’ingéré de sodium doit être sévèrement revu à la baisse chez le chat hypertendu. Si effectivement, les apports sodés excessifs (1,3 % /MS ou plus) et brutaux doivent être évités lors d’HTA féline (Snyder et Cooke, 2006), aucune étude n’a jusqu’à présent démontré chez le chat le bénéfice de la restriction sodée, à la fois sur les valeurs tensionnelles et sur la durée de vie. Contrairement aux idées reçues, un trop faible apport sodé alimentaire chez le chat serait même plutôt délétère comme le montre l’étude de Buranakarl et coll (2004). Pendant une semaine, trois groupes de chats reçoivent un aliment sec ne différant que par leur taux de sodium: 0,34 % (sur produit brut), 0,65 % et 1,27 %, soit respectivement 0,5 g, 1,4 g et 2,8 g pour 1000 kcal. Un groupe de chats sains (groupe témoin, n=7) est comparé à deux groupes de chats rendus expérimentalement insuffisants rénaux par infarctus rénal (ligature des branches de l’artère rénale) associé soit à une néphrectomie contro-latérale (modèle “remnant kidney ou RK”, n=7), soit à un “wrapping” contro-latéral (modèle “wrapping ou WA”, n=7). © Malik Dans cette même étude (Buranakarl et coll, 2004), l’apport sodé le plus faible (0,5 g/1000 kcal) est également associé: - à une réduction significative du débit de filtration glomérulaire chez les chats témoins par comparaison aux valeurs obtenues dans ce même groupe avec les deux autres régimes, la même constatation ayant été faite dans le groupe WA. - à l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) chez les chats insuffisants rénaux, plus importante dans le groupe WA que dans le groupe RK. Cette activation est caractérisée par une aldostéronémie et un rapport aldostérone/rénine sérique plus élevés par rapport au groupe témoin, ces modifications hormonales étant diminuées avec la supplémentation en NaCl. Cet aliment est aussi associé à une augmentation de la concentration en arginine-vasopressine plasmatique dans le groupe malade RK. - à une hypokaliémie chez les chats sains et plus encore chez les chats insuffisants rénaux, associée à une augmentation de la fraction excrétée de potassium (très marquée dans le modèle WA) à relier en grande partie à l’hyperaldostéronisme, ceci étant potentiellement délétère (risque de néphropathie hypokaliémique et de lésion rénale progressive). Cœur Dans les deux groupes de chats insuffisants rénaux, malgré la prescription d’amlodipine (0,25 mg/kg/24 heures PO), la PA systémique systolique, diastolique et moyenne (mesurée par radiotélémétrie) est augmentée par rapport au groupe témoin, significativement pour le groupe RK et de façon moindre dans le groupe WA. Cependant, dans les trois groupes de chats, aucune influence du niveau de sodium alimentaire n’est constatée, ni sur la fréquence cardiaque, ni sur la variabilité tensionnelle (témoignant d’un baroréflexe conservé y compris chez les animaux malades), ni sur la valeur même de la PA systémique (à la fois systolique, diastolique et moyenne). En d’autres termes, et contrairement aux données publiées chez le rat (Cowley et coll, 1994), le régime hypersodé caractérisé par 2,8 g de Na/1000 kcal n’est pas responsable d’une augmentation de la PA ni chez les chats sains témoins, ce qui rejoint les données obtenues chez le chien sain (Krieger et coll, 1990; Greco et coll, 1994), ni chez les chats insuffisants rénaux. De même, le régime le moins riche en sodium n’induit pas une PA systémique plus basse dans les 2 groupes malades ni dans le groupe témoin. Ce régime n’a donc pas d’effet bénéfique protecteur anti-hypertenseur chez les chats insuffisants rénaux. Ce chat montre une posture typique indiquant une faiblesse musculaire générale, avec un abaissement de la tête et du cou. Cette attitude peut accompagner l’hypokaliémie chez les animaux atteints d’insuffisance rénale, mais se rencontre aussi lorsque l'hypokaliémie a une autre origine. 331 SIV VG © Unité d’Anatomie-Pathologique, ENVA 2 - Les myocardiopathies félines FIGURE 8 - EXEMPLE DE MYOCARDIOPATHIE HYPERTROPHIQUE CHEZ UN CHAT. PLVG 8A : Hypertrophie concentrique symétrique marquée du ventricule gauche d’aspect macroscopique similaire à celui de la Figure 3A. 8B : L’hypertrophie concentrique de la Figure 8A avait été initialement détectée à l’examen échocardiographique (mode 2D, voie parasternale droite, cliché pris en fin de diastole, coupe petit axe transventriculaire). En résumé, les données présentées ci-dessus démontrent qu’une restriction importante du sodium n’est pas recommandée chez le chat hypertendu ou tout au moins chez le chat insuffisant rénal à tendance hypertensive. Une restriction excessive risquerait de stimuler le système rénine-angiotensine-aldostérone, système presseur par excellence, d’aggraver la réduction du débit de filtration glomérulaire et enfin, de favoriser une hypokaliémie en raison d’une élévation de la kaliurèse. Cette même recommandation prévaut chez le chat en bonne santé. Enfin, notons que la prescription d’un régime hypocalorique n’a pas été démontrée chez le chat obèse comme ayant un effet hypotenseur (Snyder et Cooke, 2006), mais peu de données sont disponibles sur le sujet. 2 - Les myocardiopathies félines Les myocardiopathies désignent l’ensemble des affections du myocarde non secondaires à l'atteinte d’un autre élément du système PLVG : paroi libre du ventricule gauche ; cardio-vasculaire (valvulopathie, altération du péricarde ou du sysSIV : septum interventriculaire ; VG : cavité ventriculaire gauche. tème conducteur). Elles sont qualifiées de primitives lorsque leur cause est indéterminée ou tout au moins mal connue; elles sont au contraire dites secondaires lorsque leur origine est bien précisée (cause hormonale, alimentaire, toxique, infectieuse ou infiltrative). L’importance des myocardiopathies chez le chat est liée au fait qu’elles représentent plus de 90 % des cardiopathies acquises dans cette espèce et sont retrouvées chez environ 10 % des chats autopsiés (Fox, 1999). Les myocardiopathies sont des cardiopathies très hétérogènes pouvant être classées selon différents critères. La classification la plus usitée en pratique est celle combinant les caractéristiques à la fois morphologiques, fonctionnelles et lésionnelles. Elle sépare ainsi 4 grands groupes de myocardiopathies, les hypertrophiques (MCH), les dilatées (MCD), les restrictives (MCR) et enfin celles dites “non classées”, encore dénommées intermédiaires. © Paul Pion Cœur Principales caractéristiques Figure 9 - Exemple de myocardiopathie dilatée tauriprive. - Les formes hypertrophiques (Figure 8) se caractérisent, comme leur nom l’indique, par une hypertrophie myocardique concernant le plus souvent la paroi libre du ventricule gauche et/ou le septum interventriculaire. Cette hypertrophie peut être symétrique, asymétrique, ou encore peut rester localisée à la région sous-aortique, aux piliers ou à l’apex, il s’agit là d’hypertrophie dite segmentaire (Fox, 2003; Häggström, 2003). Les MCH rassemblent des formes primitives dont une partie a été démontrée comme étant à déterminisme génétique et qui fera l’objet du paragraphe suivant. S’y ajoutent les MCH secondaires notamment lors d’hyperthyroïdie, d'HTA (voir chapitre 2), d’acromégalie ou lors d’infiltration myocardique inflammatoire ou tumorale (lymphosarcome notamment). - Les formes dilatées, rares par comparaison aux précédentes, peuvent être primitives ou secondaires. Ces dernières regroupent celles dues à la cardiotoxicité de l’adriamycine (inusitée à l’heure actuelle), celles liées à une séquelle de myocardite ou encore à la carence en taurine. La myocardiopathie tauriprive (Figure 9), devenue très rare en raison de la supplémentation en taurine des aliments industriels, fera plus loin l’objet d’un développement spécifique (Pion et coll, 1992 a,b). Les MCD se caractérisent par une baisse de l’inotropisme concernant le ventricule gauche seul ou les deux ventricules simultanément. Des myocardiopathies dilatées affectant sélectivement le cœur droit ont également été décrites (Fox et coll, 2000). - Les formes restrictives, d’expression phénotypique variée, sont caractérisées par une dysfonction myocardique diastolique en raison d’une fibrose endocardique ou le plus souvent endomyocardique 332 2 - Les myocardiopathies félines importante. L’origine de ces formes restrictives est encore mal déterminée (Fox, 2004). La fibrose pourrait être cicatricielle, secondairement à un processus immun, une virose ou une inflammation de voisinage. - Enfin, les myocardiopathies intermédiaires rassemblent l’ensemble des modifications myocardiques non strictement dilatées, hypertrophiques ou restrictives. Elles comprennent entre autres des myocardiopathies primitives associant hypertrophie et dilatation ainsi que diverses infiltrations (exemple: minéralisation myocardique lors d’hypervitaminose D ou lors d’hyperparathyroïdie). Une étude (Gouni et coll, 2006) a porté sur les maladies cardiovasculaires acquises félines (myocardiopathies primitives, HTA et lésions valvulaires dégénératives) diagnostiquées par examen écho-Doppler dans l’Unité de Cardiologie d’Alfort (UCA) entre 2001 et 2005. Sur les 305 chats recrutés, la MCH primitive était de loin l’affection la plus fréquente (197/305, soit 65 % des cas), représentant à elle seule plus de 85 % de l’ensemble des myocardiopathies primitives. La deuxième myocardiopathie était la MCR suivie de la MCD et des myocardiopathies “non classées” ne constituant respectivement que 9 %, 2 % et 1,3 % de l’ensemble des 305 cas de cardiopathies. Données actualisées sur la myocardiopathie hypertrophique primitive > Déterminisme génétique Des prédispositions raciales à la MCH sont décrites: Maine Coon, American Shorthair ou Persan notamment. La MCH est en revanche assez rarement observée chez le Siamois, le Burmese ou l’Abyssin (Kittleson et coll, 1998). Chez le Maine Coon, une forme héréditaire de la maladie a été mise en évidence dans une colonie d’animaux aux États-Unis (Meurs et coll, 2005). La mutation en cause concerne le gène codant pour la myosin binding protein C (MYBPC3), et le mode de transmission décrit est autosomal dominant avec une expressivité variable. Une mutation du même gène mais différente de celle décrite chez le Maine Coon a été retrouvée chez le Ragdoll (Meurs et coll, 2007). Le Maine Coon figure parmi les races prédisposées à la myocardiopathie hypertrophique primitive. Le sexe intervient également dans l’expression de la MCH: la majorité des chats (jusqu’à près de 90% selon les études) affectés par la MCH sont des mâles. En revanche, l’âge paraît moins influencer l’apparition de la maladie qui peut survenir chez des chats âgés de 3 mois à 17 ans, avec une moyenne entre 4 et 7 ans (Fox, 2000). Cœur > Conséquences physiopathologiques L’hypertrophie myocardique gauche caractérisant la MCH est principalement, tout au moins dans un premier temps, à l’origine d’une altération de la fonction diastolique, à la fois dans la toute première période de la diastole (phase de relaxation ou phase active nécessitant de l’énergie) et dans la deuxième et dernière période de la diastole (phase dite de compliance). En effet, en raison à la fois de l’hypertrophie myocardique et surtout des lésions de fibrose fréquemment associées à la MCH, l’élasticité du myocarde est diminuée et la phase de compliance ainsi altérée. De plus, en raison à la fois des altérations coronariennes et de l’ischémie myocardique liée à une diminution “relative” du rapport densité coronarienne/masse myocardique, la phase de la relaxation est aussi altérée. © Y. Lanceau/RC/Maine Coon Cette dysfonction myocardique diastolique conduit à plus ou moins long terme à une dilatation de l’atrium gauche par gêne à la vidange diastolique atriale, puis au développement d’une insuffisance cardiaque gauche et enfin, au stade terminal, d’une insuffisance cardiaque globale. La dilatation atriale gauche est accentuée par la présence, fréquente, de lésions des feuillets mitraux à l’origine d’un reflux systolique mitral. Ce reflux est lui-même majoré par le mouvement anormal des feuillets mitraux, dit mouvement systolique antérieur mitral, qui accompagne les hypertrophies obstructives (l’extrémité des feuillets mitraux venant se déplacer dans la chambre de chasse du ventricule gauche pendant la systole). Des études récentes utilisant une technique d’imagerie ultrasonore moderne (le Doppler tissulaire ou Tissue Doppler imaging [TDI]) ont montré qu’à cette dysfonction diastolique s’associe, plus précocement qu’on ne le pensait jusqu’à maintenant, une dysfonction systolique pouvant contribuer au développement à plus ou moins long terme d’une insuffisance cardiaque congestive (Carlos Sampedrano et coll, 2006; Chetboul et coll, 2006a, b). 333 2 - Les myocardiopathies félines La thrombo-embolie artérielle, définie comme l’oblitération partielle ou totale d’une artère par un caillot sanguin formé distalement, constitue une autre complication potentielle de la MCH. D’après une étude rétrospective réalisée sur 100 cas de thrombo-embolie artérielle chez le chat, la cause la plus fréquente de cette complication est la MCH (Laste et Harpster, 1995). Le thrombus primitif se forme le plus souvent dans l’atrium gauche (surtout lors de dilatation atriale), parfois le ventricule gauche et bien plus rarement les cavités droites sauf lors de dilatation de ces dernières (Laste et Harpster, 1995; Smith et coll, 2003). Dans la majorité des cas (en moyenne 90 %) le thrombus embolisé s’arrête à la trifurcation iliaque à l’origine d’une neuropathie ischémique des deux membres postérieurs. D’autres localisations sont parfois également observées : artères brachiales, cérébrales, mésentériques, pulmonaires et rénales. L’insuffisance cardiaque congestive et les arythmies cardiaques (Smith et coll, 2003) sont fréquemment associées au tableau de thrombo-embolie artérielle (plus de 40 % des cas pour chacune d’entre elles). Métabolisme des acides gras à longue chaîne © Valérie Chetboul Les acides gras à longue chaîne (AGLC) représentent la source d’énergie majeure pour le cœur. Des anomalies du métabolisme des AGLC sont parfois associées à certaines cardiopathies, comme par exemple la MCH chez l’homme (Kelly et Strauss, 1994). Lors de MCH chez l’homme, une déficience en CD36 a été décrite : il s’agit d’un transporteur particulier d’acides gras à longue chaîne, qui aide à l’approvisionnement du myocarde en énergie (Okamoto et coll, 1998; Watanabe et coll, 1998; Nakata et coll, 1999; Hirooka et coll, 2000). Figure 10 - L’auscultation (ici d’un Maine Coon) est un temps fondamental de l’examen clinique cardiovasculaire y compris chez les animaux asymptomatiques. Chez des rats spontanément hypertendus, où l’HTA est associée à une résistance à l’insuline et à une dyslipémie, l’administration d’acides gras à chaîne courte et moyenne (AGCCM) à la dose de 21,5 g/100 g d’aliment permet de restaurer une glycémie normale et de limiter les conséquences de l’hyperinsulinémie et de l’hypertrophie cardiaque (Hajri et coll, 2001). Ces résultats suggèrent qu’un approvisionnement énergétique cellulaire insuffisant pourrait participer au développement de la MCH. D’autres études seraient nécessaires pour confirmer le rôle positif des AGCCM chez le chat atteint de MCH. Ce rôle est inconnu à l’heure actuelle. FIGURE 11 - DÉPISTAGE PRÉCOCE D’UNE MYOCARDIOPATHIE HYPERTROPHIQUE CHEZ UN CHAT DE RACE MAINE COON 11A 11B VG 5,0 VD SIV Vitesse (cm/s) Cœur PAR IMAGERIE ULTRASONORE Chetboul et coll, 2006b S 0,0 -5,0 E -10 VG PLVG A 1,0 1,1 1,2 Temps (s) L’examen échographique conventionnel, en particulier le mode temps-mouvement (11A), ne révèle aucune anomalie. En revanche (11B), l’examen Doppler tissulaire (mode bidimensionnel couleur) révèle un dysfonctionnement diastolique majeur caractérisé par une inversion anormale des ondes E et A (normalement E/A>1), avec présence d’une contraction post-systolique (flèche). Les parois myocardiques gauche et septale se sont hypertrophiées un an plus tard. PLVG : paroi libre du ventricule gauche SIV : septum interventriculaire VD : cavité ventriculaire droite VG : cavité ventriculaire gauche. 334 > Diagnostic Le diagnostic de la MCH passe tout d’abord par un examen clinique soigneux, notamment à la recherche d’anomalies auscultatoires (Figure 10): tachyarythmie, souffle systolique apexien gauche, audible aussi souvent en région sternale, souffle systolique basal gauche lors d’obstruction sous-valvulaire aortique, et bruit de galop. Cependant, l’absence de souffle cardiaque ne peut exclure la présence d’une MCH, car environ 40 % des chats en sont exempts (Rush et coll, 2002). Près de la moitié des chats atteints de MCH sont atteints d’insuffisance cardiaque congestive caractérisée par de la dyspnée restrictive (par œdème pulmonaire et épanchement pleural), de l’ascite ou bien plus rarement de la toux. Les syncopes sont une expression plus rare de la maladie, retrouvées dans moins de 5 % des cas (Rush et coll, 2002). L’examen échocardiographique permet de confirmer directement l’hypertrophie myocardique (quantification précise et localisation) ainsi que ses conséquences cavitaires (dilatation atriale gauche) et hémodynamiques (obstruction sous-valvulaire aortique, hypertension artérielle pulmonaire). Un diagnostic encore plus précoce de MCH peut être obtenu par Doppler tissulaire (Figure 11), qui peut parfois révéler un dysfonctionnement myocardique diastolique ou systolo-diastolique avant même que l’hypertrophie pariétale ne soit décelable par écho- 2 - Les myocardiopathies félines graphie conventionnelle (Chetboul et coll, 2005; Chetboul et coll, 2006a et b). Cette technique peut être particulièrement utile chez les animaux futurs reproducteurs ou chez ceux qualifiés de “douteux”, c’està-dire pour lesquels l’épaisseur myocardique est dans les limites supérieures de la norme. Un test ADN est maintenant disponible permettant de rechercher chez le Maine Coon la mutation du gène codant pour la MYBPC3. Ce test permet de différencier les animaux homozygotes sains, de ceux hétérozygotes ou homozygotes atteints. Cependant, ce statut génétique ne préjuge pas forcément de l’atteinte myocardique (présence ou absence, importante quantitative). En effet (données non publiées issues de l’UCA), la récolte depuis plus de deux ans maintenant de données complètes (cliniques, échographiques et TDI) chez des chats de race Maine Coon (plus d’une centaine) a montré que certains animaux hétérozygotes peuvent rester asymptomatiques de nombreuses années, dont certains avec des examens échographiques conventionnels voire TDI normaux. Inversement, quelques rares chats testés génétiquement “normaux” (homozygotes sains) peuvent malgré tout présenter des signes de MCH à l’examen échographique et/ou au TDI, laissant sous-entendre que, tout au moins dans cette race, la MCH n’est pas liée à un seul et unique gène. En pratique, si les propriétaires en ont les moyens, l’idéal est donc par précaution de coupler test ADN et imagerie ultrasonore. > Pronostic et principes thérapeutiques La MCH est une cardiopathie grave en raison de ses complications potentielles incluant l’insuffisance cardiaque congestive (46 % des cas) ou encore les accidents de thrombo-embolie artérielle (16,5 % des cas) et les risques rythmiques à l’origine de mort subite (Rush et coll, 2002). Dans l’étude rétrospective de Rush et coll (2002) ayant inclus 260 chats atteints de MCH, la médiane de survie déterminée chez les animaux ayant survécu plus de 24 heures était de 709 jours avec une grande variabilité (2 à 4418 jours). Les animaux dont la maladie n’avait pas d’expression clinique avaient le meilleur taux de survie (médiane de 1129 jours). Inversement, ceux ayant présenté un accident de thrombo-embolie artérielle avait le taux de survie de plus bas (médiane de 184 jours). La gravité des complications thrombo-emboliques du chat est retrouvée dans d’autres études, comme celle de Smith et coll (2003) ayant montré une médiane de survie de 117 jours, et de 77 jours seulement si une insuffisance cardiaque était associée à l’accident thrombo-embolique. Cœur Le traitement de la MCH fait appel aux différentes classes de médicaments présentées dans le Tableau 3: les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les inhibiteurs calciques de la famille des benzothiazépines et les béta-bloquants. Lors d’insuffisance cardiaque congestive, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine seront préférés en raison des résultats préliminaires de l’étude de Fox et coll (Multicenter Feline Chonic Failure Study) (Fox, 2003). Des études sont cependant nécessaires afin de mieux comprendre la place comparative de chacune de ces classes dans le traitement de la MCH féline. La myocardiopathie tauriprive Avant la fin des années 1980, la myocardiopathie dilatée (MCD) était plus fréquente que la MCH dans la population féline (Fox, 1999). Depuis, une meilleure connaissance des besoins réels en taurine du chat a permis de faire considérablement baisser l’incidence de cette cardiopathie. La taurine a été mise en évidence en 1827, dans la bile de taureau (Bos taurus), d’où son nom. Il s’agit d’un acide amino-sulfoné. (H+3 N - CH2 - CH2 - SO–3) La taurine n’entre pas dans la composition des polypeptides et ne fait donc pas partie des constituants des protéines. Sous forme libre, elle est surtout présente dans les tissus suivants: les muscles striés (dont le myocarde), le système nerveux central, la rétine et le foie (Zelikovic et coll, 1989). La taurine exerce un rôle de protection membranaire et régule la fonction contractile du myocarde. Un apport insuffisant en taurine peut ainsi être à l'origine d'un dysfonctionnement du myocarde, lui-même pouvant se compliquer d'insuffisance cardiaque congestive (Pion et coll, 1992a,b). 335 2 - Les myocardiopathies félines TABLEAU 3 - GRANDES FAMILLES THÉRAPEUTIQUES UTILISABLES LORS DE MYOCARDIOPATHIE HYPERTROPHIQUE FÉLINE Médicaments Propriétés Dose, voie d’administration IECA (énalapril, bénazépril, ramipril, imidapril) - Diminution de la pré- et post-charge d’où réduction des symptômes d’insuffisance cardiaque - Effets anti-ischémiques par diminution de la post-charge (donc diminution des contraintes systoliques du myocarde) et vasodilatation coronarienne - Effets anti-hypertrophiques et de diminution du remodelage. - Bénazépril : 0,5 mg/kg/jour en 1 pq per os (forme appétente disponible) - Imidapril, seul IECA sous forme liquide : 0,5 mg/kg/jour en 1 pq per os soit directement dans la gueule soit déposé sur la nourriture (grand avantage chez le chat). Innocuité à long terme documentée - Enalapril : 0,5 mg/kg 1 à 2 fois/jour per os - Ramipril : 0,125 mg/kg/jour (jusqu’à 0,25 mg/kg) en 1 pq per os. Inhibiteurs calciques de la famille des benzothiazépines (diltiazem) - Amélioration directe de la fonction diastolique - Effet chronotrope <0 modéré, bénéfique pour l’altération diastolique et l’ischémie - Effets anti-ischémiques par vasodilatation coronarienne et baisse de la consommation en O2 du myocarde - Effets anti-hypertrophiques - Baisse possible du gradient sous-aortique Diltiazem reconditionné : - forme “courte action” : 1,75 à 2,5 mg/kg 3 fois/jour ou 7,5 mg/chat 3 fois/jour per os - forme à libération prolongée : 5 à 10 mg/kg/jour en 1 pq per os -bloquants (aténolol, propranolol) - Effet bénéfique indirect sur l’altération diastolique et l’ischémie principalement par augmentation du temps de remplissage ventriculaire et coronarien (chronotrope <0) - Indiqués lors de MCH avec tachyarythmie majeure ou gradient sous-aortique systolique important - Propranolol déconseillé lors d’insuffisance cardiaque en raison de l’inhibition des récepteurs 2 - Propranolol : 0,1 à 1 mg/kg 2 à 3 x/jour per os ou 2,5 à 5 mg/chat/jour 2 à 3 x/jour (en commençant par les doses faibles) - Aténolol : 0,2 à 1 mg/kg 1 (à 2 x/j) x/jour per os ou 6,25 à 12,5 mg/chat/jour 1 (à 2) x/jour (en commençant par les doses faibles). Aucun des médicaments cités n’a à ce jour en France une autorisation de mise sur le marché pour l’indication “cardiopathie” ou “insuffisance cardiaque” dans l’espèce féline. IECA : Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. > Déterminisme génétique Cœur La taurine est synthétisée principalement dans le foie, à partir des acides aminés soufrés, la méthionine et la cystéine (Figure 12), grâce à l’action de plusieurs enzymes dont la cystéine dioxygénase et l’acide cystéine-sulfinique décarboxylase. Chez le chat, la biosynthèse de taurine à partir de ses précurseurs est insuffisante pour couvrir les besoins de l’organisme car l’activité de ces enzymes hépatiques est très faible (notamment comparativement au chien qui produit beaucoup plus de taurine). Un apport alimentaire en taurine est donc indispensable. Le besoin en taurine du chat représente un exemple unique d’exigence nutritionnelle qui varie suivant la flore intestinale favorisée par tel ou tel type d’alimentation (Backus et coll, 2002). En effet, la mesure de la quantité d’hydrogène expiré par les chats (reflet de leurs fermentations intestinales) montre que les aliments humides en conserve favorisent la prolifération d’une flore bactérienne intestinale qui consomme plus de taurine que la flore associée à des aliments secs extrudés (Morris et coll, 1994; Backus et coll, 1994; Kim et coll, 1996a,b). Les pertes en taurine sont liées au niveau protéique de l’aliment et au traitement thermique appliqué dans la fabrication des aliments en conserve. Les aliments humides en conserve pour chat doivent donc être plus concentrés en taurine (1,7 g/kg MS) que les aliments secs (1 g/kg MS). 336 Le chat est non seulement un faible producteur mais aussi un gros consommateur de taurine: il l’utilise obligatoirement pour la conjugaison des acides biliaires, à la différence de l’homme et du rat qui peuvent utiliser la glycine à cet effet (Morris et coll, 1987). La production des sels biliaires implique des pertes continues en taurine, car une partie non négligeable n’est pas récupérée par la circulation entérohépatique et est éliminée dans les fèces (Figure 13). Pourquoi le métabolisme des chats a t-il évolué vers une synthèse très limitée d’un nutriment aussi indispensable que la taurine? En réponse à cette question, il faut remarquer que la taurine est un des acides aminés les plus abondants dans les tissus animaux (viscères surtout). Le chat ne court donc pas le risque d’un déficit en taurine lorsqu’il a accès à un régime carné. Dans ces conditions, la synthèse de taurine représenterait au contraire un gaspillage énergétique. Le chat privilégie une voie métabolique alternative à partir de la désamination et de la désulfuration de la cystéine: plutôt que de synthétiser de la taurine, cette voie conduit à la synthèse de pyruvate, qui entre dans le métabolisme énergétique. > Conséquences physiopathologiques de la carence en taurine Lorsqu’un chat est carencé, les concentrations en taurine de l’organisme chutent en quelques jours à quelques mois suivant les tissus: la chute concerne d’abord le plasma, puis le sang total, ensuite les muscles, et enfin la rétine et le tissu nerveux (Pacioretty et coll, 2001). 2 - Les myocardiopathies félines FIGURE 12 - VOIES DE SYNTHÈSE HÉPATIQUE DE LA TAURINE À PARTIR DES ACIDES AMINÉS SOUFRÉS D’après Morris, 2002 Méthionine Cystéine Cystéine désulphydrase Pyruvate + H2S NH3 Cystéine aminotransférase Cystéine dioxygénase Cystéine sulfino-acide GLU -Mercaptopyruvate Chez le chat, la cystéine dioxygénase et l’acide cystéine-sulfinique décarboxylase sont faiblement actives (flèches en pointillés), ce qui diminue l’intensité de la synthèse de taurine. La cystéine est surtout transformée en pyruvate, qui produit un substrat énergétique. Acide cystéine sulfinique décarboxylase Hypotaurine -Mercaptopyruvate sulfurtransférase Pyruvate + H2S Depuis 1987, la carence en taurine est connue pour être la cause majeure de MCD chez le chat (Pion, 1987). Cette affection est réversible lorsque de taurine est administrée à temps. Les chats atteints présentent des modifications anatomiques du cœur mais pas de lésion histologique qui puisse faire suspecter une atteinte organique du tissu cardiaque. Les mécanismes physiopathologiques pouvant expliquer comment la carence en taurine affecte la fonction cardiaque sont mal connus. La taurine influence les flux ioniques de calcium et de sodium dans le myocarde et elle joue donc un rôle de régulation sur l’activité myocardique systolique et diastolique (Novotny et coll, 1991). L’interaction entre la taurine et le calcium (caractérisée par la libération spontanée de calcium par le réticulum et l’augmentation de la sensibilité des myofilaments pour le calcium) contribue à son effet inotrope positif. Taurine FIGURE 13 - CYCLE ENTÉRO-HÉPATIQUE DE LA TAURINE Acide chénodésoxycholique Cholestérol Acide cholique Taurine Canal biliaire Vésicule biliaire Foie Duodénum Cœur a-KG Veine porte Taurocholate Taurine + Cholate Désoxycholate Iléon Côlon > Diagnostic Le rôle de la taurine dans la MCD chez le chat a été mis en évidence il y a une vingtaine d’années (Pion et coll, 1987). Les signes cliniques peuvent beaucoup varier selon les individus. Une carence expérimentale en taurine engendre souvent simultanément l’apparition d’une dégénérescence centrale irréversible de la rétine (Figure 14) (en moins de 6 mois, avec cécité totale en moins de 2 ans) et d’une MCD à des degrés divers en 2 à 4 ans. Certains chats nourris avec un aliment carencé en taurine peuvent ne souffrir que de l’une des affections ou même ne montrer aucun signe clinique. 337 Lorsque la MCD tauriprive se développe, les propriétaires sont souvent alertés par l’apparition brutale d’une dyspnée en raison du développement d’une insuffisance cardiaque congestive. Les examens échographiques mettent en évidence une fraction de raccourcissement diminuée (Figure 15) avec augmentation du diamètre systolique du ventricule gauche, puis une dilatation ventriculaire gauche à la fois systolique et diastolique associée à un amincissement des parois. Dans les formes évoluées, les quatre cavités cardiaques sont dilatées. © P. Pion 2 - Les myocardiopathies félines La carence en taurine peut également affecter la reproduction (baisse de la fertilité chez le mâle et chez la femelle, résorptions fœtales, avortements, malformations des chatons nouveaux nés) et induire des retards de croissance. Figure 14 - Dégénérescence centrale de la rétine chez un chat souffrant de carence en taurine. Chez le chat en bonne santé, la concentration plasmatique en taurine est supérieure à 50 nmol/mL (Pacioretty et coll, 2001) mais cette concentration ne reflète que les apports récents en taurine. Elle est influencée par le jeûne et ne renseigne pas sur les réserves de l’organisme. De plus, le résultat peut être artificiellement surévalué chez les chats souffrant de thrombo-embolie systémique. Les cellules de la lignée blanche et les plaquettes étant riches en taurine, la concentration plasmatique peut être modifiée lors d’hémolyse ou de mauvaise rétraction du caillot. Pour établir le diagnostic de certitude de la carence en taurine, il est indispensable de mesurer le niveau de taurine dans le sang total qui reflète bien la concentration en taurine du myocarde et des muscles striés. Ce niveau est supérieur à 250 nmol/mL chez le chat en bonne santé (Pacioretty et coll, 2001): en cas de valeur inférieure, la carence est confirmée. Cœur © P. Pion > Traitement Figure 15 - Examen échographique lors de myocardiopathie dilatée tauriprive (mode temps-mouvement) avant supplémentation en taurine (à gauche) et après (à droite). Lors de myocardiopathie dilatée tauriprive (à gauche), l’examen échographique met en évidence une diminution de la fraction de raccourcissement et une dilatation cavitaire gauche, modifications réversibles après apport de taurine (à droite). ESD: diamètre télésystolique du ventricule gauche. EDD: diamètre télédiastolique du ventricule gauche. Il est classiquement recommandé de distribuer un aliment équilibré en taurine et de supplémenter le régime alimentaire des chats atteints de MCD avec 250 mg de taurine deux fois par jour (Freeman, 2000). Si l’insuffisance cardiaque du chat peut être rapidement contrôlée, le pronostic est favorable. Normalement, l’amélioration des signes cliniques devient évidente en 1 à 2 semaines de supplémentation, ce délai correspondant à la récupération d’un niveau plasmatique normal. En revanche, 3 à 6 semaines minimum sont nécessaires pour constater une amélioration des signes radiographiques et échocardiographiques. Même lorsque l’évolution est rapidement favorable, la supplémentation en taurine doit être continuée pendant plusieurs mois. Certains cas de MCD tauriprive ne répondent pas à l’administration de taurine. L’explication de ces cas particuliers n’est pas encore élucidée. Néanmoins, pour ces animaux dits “résistants”, il est tout de même conseillé de poursuivre la supplémentation en taurine à raison de 250 mg deux fois par jour (Freeman, 2000). > Prévention Avant 1987, les niveaux de taurine classiquement utilisés dans les aliments en conserve pour chats étaient souvent insuffisants pour maintenir les concentrations plasmatique et sanguine à des valeurs normales. Depuis que la pathogénie de la MCD est mieux comprise et que le rôle de la taurine a été clarifié, les fabricants d’aliments pour chats ont revu les niveaux de taurine à la hausse et l’incidence des cas de MCD est maintenant très faible (Pion et coll, 1992a,b). Pour maintenir la concentration plasmatique et sanguine en taurine dans une fourchette de référence physiologique, il faut que l’alimentation du chat contienne au moins 1 g de taurine/kg MS lorsqu’il s’agit d’un aliment sec. Dans un aliment humide en conserve, le niveau minimum est de 1,7 g/kg MS (NRC 2006). Aucun effet délétère de la taurine sur la santé n’a été montré, même à des doses supérieures à 10 g/kg MS dans des aliments de concentration énergétique voisine de 4500 kcal/kg (NRC, 2006). 338 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat Bien que peu de données relatives au traitement diététique spécifique des cardiopathies du chat soient disponibles dans la littérature, plusieurs recommandations générales peuvent être émises en extrapolant à partir d’autres espèces et en tenant compte des particularités métaboliques félines. Adapter la concentration énergétique de l’alimentation à la composition corporelle du chat L’indice de composition corporelle d’un chat atteint de cardiopathie est très variable. Maintenir un poids optimal chez le chat cardiaque fait donc partie des objectifs à se fixer pendant le traitement. > Cachexie La perte de poids importante et la fonte musculaire accompagnent moins fréquemment les cardiopathies chez le chat que chez le chien (Freeman, 2000). La “cachexie cardiaque” ne se manifeste généralement pas avant d’avoir atteint un stade avancé d’insuffisance cardiaque et se caractérise par une fonte musculaire parfois rapide. Le myocarde lui-même n’est pas à l’abri du catabolisme protéique général. En plus d’affaiblir les défenses immunitaires et d’exacerber la faiblesse générale, la cachexie cardiaque peut ainsi contribuer à la progression de la cardiopathie. La “cachexie cardiaque” repose sur un déterminisme multifactoriel: anorexie, besoin énergétique accru, altérations métaboliques, mauvaise irrigation sanguine des tissus, mais aussi complication d’insuffisance rénale qu’elle soit primitive ou secondaire à l’atteinte cardiovasculaire (Figure 16). Tout ce qui peut être fait pour favoriser la consommation alimentaire spontanée du chat cachectique doit donc être entrepris: appétence rehaussée de l’aliment (voir recommandations ci-dessous à propos des niveaux de protéines et de sodium à respecter), distribution fréquente de petites quantités à chaque fois, réchauffement des aliments humides, etc. Afin de réduire le volume de la ration, la densité énergétique doit être augmentée (grâce à l’élévation du niveau de matières grasses et à la diminution du taux de fibres alimentaires). > Chats souffrant d’excès de poids Cœur Environ 35 % de la clientèle vétérinaire féline présente un excès de poids (Lund et coll, 2006), or quelle que soit l’espèce, l’obésité est associée à un risque cardiovasculaire accru. Une restriction des apports caloriques en vue de faire perdre de la masse grasse à un chat à la fois cardiaque et obèse s’avère ainsi souhaitable, ce d’autant plus que l’excès de poids per se rend l’animal intolérant à l’effort. Fournir des protéines et des acides aminés pour lutter contre le risque de cachexie Il a longtemps été conseillé de réduire le taux protéique des régimes destinés aux animaux insuffisants cardiaques pour protéger la fonction rénale, car atteintes rénale et cardiaque sont souvent liées (McClellan et coll, 2004; Nicolle et coll, 2007). Mais ces recommandations ne sont plus d’actualité (voir chapitre 7), surtout chez le chat, fort consommateur de protéines et incapable de s’adapter à un régime hypoprotéique. Une restriction protéique ne ferait qu’ajouter au risque de développement de la cachexie cardiaque et de l’intolérance à l’exercice. Les aliments pour chats cardiaques doivent donc au moins couvrir les besoins minimaux de l’animal (à raison de 60 à 70 g de protéines/1000 kcal) (Freeman, 2002). © Valérie Chetboul Certaines études faites chez des rongeurs ont montré qu’à très long terme, une restriction des apports alimentaires réduit le niveau du stress oxydatif et exerce un effet protecteur contre certaines maladies dégénératives, notamment les myocardiopathies (Kemi et coll, 2000; Guo et coll, 2002). Ceci à notre connaissance n’a pas été étudié chez le chat. Figure 16 - “Cachexie cardiaque” chez un chat insuffisant rénal et souffrant d’hypertension artérielle systémique. (Pression artérielle systolique : 170 mm Hg) Le chat cardiaque a de nombreuses raisons de ne plus vouloir manger : en plus de la fatigue inhérente à la maladie, les médicaments prescrits peuvent provoquer de la nausée et les restrictions diététiques souvent imposées par les aliments diététiques (ex : taux bas en protéines et en sodium) sont susceptibles de nuire à l’appétence du régime. 339 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat > Supplémenter en taurine La place particulière de la taurine dans le métabolisme du chat a largement été développée dans le paragraphe consacré à la myocardiopathie tauriprive. Des études ont montré qu’une supplémentation alimentaire en taurine permet d’augmenter la concentration en taurine du myocarde à la fois chez le chat sain et le chat insuffisant cardiaque (Fox et Sturman, 1992). Compte tenu du rôle protecteur et inotrope positif de la taurine sur le fonctionnement cardiaque, la supplémentation en taurine peut être encouragée, quelle que soit la cardiopathie en cause. La recommandation se situe autour de 625 mg/1000 kcal (Freeman, 2002). Il existe une relation de réciprocité entre la taurine et le potassium; la taurine freine la fuite du potassium en dehors de la cellule alors que le potassium prévient les pertes de taurine par le myocarde. Une supplémentation en taurine (>625 mg/1000 kcal) pourrait donc être particulièrement intéressante chez les chats exposés à une carence en potassium, par exemple lorsque la fonction rénale est diminuée (Dow et coll, 1992). > Surveiller le taux d’arginine de l’aliment Le chat, à la différence d’autres espèces, est incapable de synthétiser l’arginine. Cet acide aminé est donc indispensable pour lui dans son alimentation. De plus, le régime riche en protéines du chat induit un haut niveau de besoin en arginine puisque cet acide aminé participe à la détoxification ammoniacale. FIGURE 17 - ORIGINE DU MONOXYDE D’AZOTE (NO) N0 synthétase (NOS) Cœur arginine + O2 Le NO a également un effet antithrombotique (Moncada et coll, 1991). Une étude a montré que les chats atteints de MCH associée à une thrombo-embolie artérielle présentent des niveaux d’arginine circulante inférieurs à ceux mesurés chez des chats sains ou souffrant de myocardiopathie non compliquée (McMichael et coll, 2000). Une supplémentation en arginine pourrait ainsi avoir des effets bénéfiques en cas de cardiopathie associée à une thrombo-embolie artérielle, mais ceci reste à démontrer. Le NRC recommande un niveau d’au moins 1,93 g/1000 kcal chez le chat sain mais les niveaux requis lors de maladie cardiaque restent à déterminer. NO + citrulline Oxygène Azote Carbone Hydrogène La réaction est catalysée par une enzyme, la NO synthétase (NOS). Il existe trois formes de NOS : La NOS endothéliale (eNOS) : nécessaire pour le maintien d’un tonus vasculaire normal. La NOS neuronale (nNOS). L’eNOS et la nNOS sont des formes constitutives toujours présentes mais en faibles quantités. La NOS inductible (iNOS) dont l’activité dépend des stimulations par divers médiateurs inflammatoires, notamment les cytokines, le Tumor Necrosis Factor (TNF) et l’interleukine 1 (IL-1), et aussi par les radicaux libres. 340 L’arginine est un précurseur du monoxyde d’azote (NO) (Figure 17). Le NO est produit par l’endothélium vasculaire: il joue le rôle d’un facteur relaxant pour le système vasculaire et participe ainsi à la régulation de la PA. Chez l’homme et chez les rongeurs, une supplémentation en arginine permet d’augmenter la production de NO (Lerman et coll, 1998). Privilégier les acides gras oméga-3 à longue chaîne La composition des matières grasses alimentaires (en particulier le rapport entre acides gras insaturés oméga-6 et oméga-3) influence la fluidité membranaire ainsi que d’autres facteurs hémodynamiques. En cardiologie, de nombreuses études se sont penchées sur le rôle potentiel des acides gras oméga 3. Chez l’homme et chez le chien cardiaque, des concentrations plasmatiques plus faibles en acide eicosapentaénoïque (EPA; 20:5n-3) et en acide docosahexaénoïque (DHA; 22:6n-6) ont été mises en évidence, quelle que soit la maladie sous-jacente (Freeman et coll, 1998), ce qui suggère dans ce cas particulier une augmentation de l’utilisation des acides gras oméga-3. Même si peu d’études ont été faites chez le chat, les propriétés des acides gras oméga-3 méritent d’être résumées ici. Bien que l’huile de lin contienne des taux élevés d’acide -linolénique, il ne s’agit que d’un précurseur des acides gras EPA et DHA et la capacité à réaliser la conversion est extrêmement réduite chez le chat (Figure 18). La supplémentation en EPA et DHA implique l’utilisation d’huiles de poissons entiers. L’huile de foie de morue ne doit pas être utilisée en raison de la possibilité d’une toxicité par excès de vitamines A et D. Normalement, avec une alimentation standard, les membranes plasmatiques contiennent de très faibles concentrations d’acides gras oméga-3, mais les taux peuvent être augmentés lorsque l’alimentation est supplémentée avec de l’huile de poisson. Par exemple, chez des chats recevant pendant 4 semaines une supplémentation de 180 mg de DHA et de 117 mg d’EPA/chat/jour, le niveau d’EPA dans les phospho- > Action antithrombotique Les acides gras oméga-3 à longue chaîne sont connus pour leur rôle antithrombotique. Cette propriété pourrait être très intéressante chez le chat, espèce où l’activation plaquettaire est vite déclenchée (Welles et coll, 1994). Le fait d’augmenter nettement le niveau d’acides gras oméga-3 (1,03 g/kg vs 0,07 g/kg dans l’aliment témoin) et de diminuer le niveau d’acides gras oméga-6 (1,20 g/kg vs 1,34 g/kg dans l’aliment témoin) permet de diminuer l’agrégation et l’activation plaquettaire chez des chats sains au 112e jour (Saker et coll, 1998). En revanche, aucune étude ne permet aujourd’hui de prévoir l’effet d’une supplémentation en oméga-3 lors de MCH féline. > Effet anti-inflammatoire FIGURE 18 - VOIES DE SYNTHÈSE DES ACIDES GRAS À LONGUE CHAÎNE DES FAMILLES OMÉGA 3 ET OMÉGA 6 Acides gras oméga-6 Acide linoléique C18:2 (n-6) Désaturase 6 Acide -linoléique C18:3 (n-6) Élongase Acide dihomo -linoléique C20:3 (n-6) Désaturase 5 Acide arachidonique C20:4 (n-6) Acides gras oméga-3 Acide -linoléique C18:3 (n-3) Désaturase 6 + Élongase Acide eicosatétraénoïque C20:4 (n-3) Désaturase 5 Acide eicosapentaénoïque (EPA) C20:5 (n-3) Désaturase 6 + Élongase Acide docosahexaénoïque (DHA) C22:6 (n-3) Chez le chat, la faible activité de la désaturase 6 implique un risque particulier de carence en EPA et DHA si l’alimentation n’est pas assez riche en ces acides gras oméga-3 à longue chaîne. 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat lipides plasmatiques augmente de 70 % et celui de DHA est multiplié par 3,4 (Filburn et Griffin, 2005). Un enrichissement de l’alimentation en EPA et DHA peut faciliter la péroxydation membranaire par les radicaux libres (Meydani et coll, 1991) mais cet effet indésirable peut être minimisé en jouant sur le niveau de vitamine E de l’aliment. Chez les rongeurs, augmenter la part des acides gras oméga-3 à longue chaîne au sein des matières grasses de l’aliment permet de réduire la production des eicosanoïdes des séries 2 et 4, issus de l’acide arachidonique dont l’activité est pro-inflammatoire (Broughton et Wade, 2001). En revanche, la production de leucotriènes (LT) de la série 5, anti-inflammatoire, est stimulée. Lors d’insuffisance cardiaque chez l’homme, les acides gras oméga-3 à longue chaîne diminuent la production des cytokines inflammatoires, le TNF et l’IL-1 (Levine et coll, 1990). Or ces cytokines favorisent la “cachexie cardiaque”, en augmentant le besoin énergétique et le catabolisme musculaire (Mahoney et Tisdale, 1988). En régulant l’expression des protéosomes, l’EPA exerce ainsi un effet inhibiteur sur la perte de masse maigre (Whitehouse et coll, 2001). Cœur Chez le chien cardiaque, une supplémentation en EPA (27 mg/kg de poids/jour) et DHA (18 mg/kg de poids/jour), permet d’améliorer la consommation alimentaire, de réduire la production de cytokines inflammatoires, et donc de réduire la cachexie (Freeman et coll, 1998). À notre connaissance, aucune information concernant le chat cardiaque n’est à ce jour disponible. > Effet antiarythmogène Plusieurs études ont mis en évidence le rôle antiarythmogène de l’EPA et du DHA chez les rongeurs et le chien (Kang et Leaf, 1996; Charnock, 2000; Smith et coll, 2007). Le mode d’action reposerait sur une capacité des acides gras oméga 3 à longue chaîne à moduler les flux de sodium et de calcium à l’intérieur des myocytes (Gerbi et coll, 1997). L’arythmie étant souvent l’un des premiers signes de MCH chez le chat, la supplémentation en EPA et DHA pourrait donc être conseillée dès les premiers stades de cardiopathie mais, à notre connaissance, aucune information n’est disponible sur le sujet. > Régulation de la fonction endothéliale Les acides gras EPA et DHA sont impliqués dans la régulation de la fonction endothéliale, sans doute en modulant la production de NO (Kristensen et coll, 2001). Chez l’homme, une supplémentation induit en effet une vasodilatation (Kenny et coll, 1992). Des doses très élevées (>3 g/jour) entraînent même une réduction de la PA chez des individus hypertendus non traités (Kris-Etherton et coll, 2002). Cet effet reste à déterminer chez le chat. 341 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat > Recommandations d’apport Il existe un débat pour savoir si c’est la dose d’acides gras oméga-3 ou plutôt le ratio entre les acides gras oméga-6 et oméga-3 qui est le plus important pour observer les effets bénéfiques des acides gras oméga-3 (NRC, 2006). Certains résultats plaident en faveur de l’importance de la dose totale d’oméga-3, cependant le rapport oméga-6:oméga-3 doit également être maintenu aussi bas que possible afin de promouvoir l’effet anti-inflammatoire des acides gras oméga-3 (Grimm et coll, 2002). À la lumière des résultats obtenus chez l’homme, il paraît raisonnable de recommander de tripler la quantité d’acides gras oméga 3 classiquement recommandée chez le chat sain, soit au moins 0,06 g/jour correspondant à une concentration dans l’aliment de 0,10 à 0,35 g/1000 kcal (Freeman, 2002). Surveiller l’équilibre minéral > Sodium et chlore Il est classiquement recommandé de nourrir les chats cardiaques avec un aliment très pauvre en sodium. Des données chez le chien montrent cependant qu’une telle restriction peut ne pas être bénéfique lorsque la maladie cardiaque est peu avancée. Un niveau de sodium trop bas pourrait en effet activer le SRAA alors que les traitements médicaux à visée cardiaque cherchent au contraire à l’inhiber. La restriction du sodium (jusqu’à 0,5 g/1000 kcal) ne se justifie donc que lorsque la cardiopathie a atteint le stade d’insuffisance cardiaque congestive. C’est en général le chlorure de sodium qui est utilisé comme source de sodium alimentaire. Les études portant sur l’influence du sodium ne font donc pas de différence entre l’influence respective des deux éléments. Cependant, certaines données obtenues chez le rat indiquent que le chlore pourrait aussi influencer l’activité de la rénine plasmatique (Kotchen et coll, 1980). Dans l’état actuel des connaissances, la seule préconisation est de veiller à respecter un niveau de chlore modéré dans l’alimentation. > Potassium Cœur Le potassium est un électrolyte intracellulaire dont il est important de suivre la concentration plasmatique chez l’animal cardiaque recevant un traitement médical (bien que le niveau plasmatique ne soit pas un bon reflet des réserves de l’organisme). L’hypokaliémie peut en effet survenir lors de prescription de diurétiques (exemple du furosémide) ainsi que lors d’insuffisance rénale chronique. Les symptômes associés à l’hypokaliémie sont essentiellement la faiblesse musculaire et les troubles du rythme cardiaque (Linder, 1991). L’hypokaliémie potentialise de plus la toxicité de la digoxine. Comme précédemment exposé, il existe une relation de réciprocité entre la taurine et le potassium. Ainsi, chez les chats cardiopathes hypokaliémiques il paraît logique de conseiller une double supplémentation: en potassium et en taurine. Les IECA, souvent utilisés lors de cardiopathie chez l’homme comme chez l’animal, présentent théoriquement un risque d’hyperkaliémie en stimulant la réabsorption rénale du potassium (Lefebvre et coll, 2007). Ce risque d’hyperkalémie, minimisé par la prescription de furosémide, semble en pratique négligeable chez l’animal (Lefebvre et coll, 2007). Il a par exemple été démontré chez le chien l’absence de modification significative de la kaliémie lors de l’utilisation au long cours d’un IECA (Pouchelon et coll, 2004). Ainsi, même chez un chat traité par un IECA, le niveau de potassium de l’aliment ne devrait pas être modifié par rapport à un aliment d’entretien (1,5 à 2 g/1000 kcal). > Magnésium Le magnésium est un cofacteur essentiel dans des centaines de réactions enzymatiques impliquant le métabolisme des glucides et des acides gras. Le bon fonctionnement du muscle cardiaque dépend du juste équilibre entre magnésium et calcium. Le magnésium joue donc un rôle important dans la fonction cardiovasculaire normale et une carence en magnésium est impliquée dans de nombreuses cardiopathies chez différentes espèces (Rush et coll, 2000; Gottlieb et coll, 1990). Comme dans le cas du potassium, un traitement diurétique peut augmenter les pertes urinaires en magnésium, d’où un risque d’hypomagnésiémie à l’origine d’arythmies et de diminution de l’inotropisme. Le magnésium plasmatique n’est pas un bon indicateur des réserves de l’organisme et l’hypo342 > Équilibre phospho-calcique En raison de l’association fréquente entre cardiopathie et insuffisance rénale (McClellan et coll, 2004; Nicolle et coll, 2007), il faut veiller à bien limiter le phosphore dans les aliments pour chats cardiaques afin de prévenir le risque d’hyperparathyroïdisme secondaire à une insuffisance d’élimination rénale du phosphore (voir chapitre 7). 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat magnésiémie est rarement rencontrée en pratique (Freeman, 2000). Ainsi, d’après une enquête réalisée chez des chats hospitalisés, aucune modification significative de la magnésiémie n’a été retrouvée associée aux cardiopathies (Toll et coll, 2002). Dans une autre étude réalisée chez des chats atteints de MCH, l’intérêt d’une supplémentation en magnésium n’a pas été clairement mis en évidence (Freeman et coll, 1997). Il n’existe donc pas aujourd’hui d’argument en faveur d’une augmentation du taux de magnésium de l’aliment au-dessus d’un niveau d’entretien (soit 0,12 à 0,25 g/1000 kcal) pour les chats cardiaques. TABLEAU 4 - VITAMINES DU GROUPE B Noms Abréviations Thiamine Riboflavine Acide pantothénique Pyridoxine Biotine Acide folique Cobalamine Niacine Choline B1 B2 B5 B6 B8 B9 B12 PP Ch Pallier les carences éventuelles > Vitamines du groupe B Le chat a un besoin naturellement élevé en vitamines du groupe B (Burger, 1993) (Tableau 4). Le risque de carence lors d’insuffisance cardiaque résulte à la fois de l’anorexie et de la perte urinaire en vitamines hydrosolubles secondaire à l’utilisation de diurétiques (Rieck et coll, 1999). Une étude (McMichael et coll, 2000) a montré que les concentrations plasmatiques en vitamines B6 et B12 étaient significativement plus basses chez les chats atteints de MCH que chez les chats sains. La même étude montre qu’il existe même une corrélation entre les taux plasmatiques de vitamines B6, B12, d’acide folique d’une part, et la taille de l’atrium gauche d’autre part. Le rôle de ces nutriments dans le développement de la MCH (primitif ou secondaire) n’est cependant pas encore élucidé. Les chats cardiaques ont donc sans doute des besoins en vitamines B plus importants que les chats en bonne santé. Par mesure de précaution, les aliments préparés à visée cardiaque devraient donc contenir des taux 2 à 3 fois plus élevés de vitamines hydrosolubles que les aliments d’entretien. > L-carnitine Une carence en carnitine a été décrite associée à une MCD chez l’homme ainsi que dans certaines races canines comme le Boxer, le Doberman et le Cocker Spaniel (Brevetti et coll, 1991; Helton et coll, 2000; Keen et coll, 1991). Comme il a été suggéré que la MCH puisse être associée à un trouble du métabolisme des acides gras (cf. supra), la L-carnitine pourrait avoir un rôle favorable en évitant l’accumulation intracellulaire de ces derniers dans le myocarde (Lango et coll, 2001). Ainsi, chez l’homme, une supplémentation en L-carnitine (3-4 g/jour), associée à un retrait des acides gras à longue chaîne, améliore l’état des patients atteints de MCH (Bautista et coll, 1990). Des données manquent cependant chez le chat pour conseiller un niveau utile de supplémentation. Renforcer les défenses antioxydantes Le rôle potentiel des antioxydants dans la prévention et le traitement des maladies cardiaques humaines a été largement étudié. Les radicaux libres sont des sous-produits du métabolisme de l’oxygène contre lesquels l’organisme assure normalement sa défense en produisant des antioxydants endogènes. Un déséquilibre entre la production d’oxydants et la protection par les antioxydants (stress oxydatif) pourrait augmenter le risque de cardiopathie (Figure 20). Les antioxydants sont produits dans l’organisme, Cœur La L-carnitine est une amine quaternaire produite surtout dans le foie à partir de la lysine et de la méthionine (Figure 19). Elle est présente dans tous les muscles striés, mais le myocarde contient 95 % des réserves de l’organisme. Son rôle principal consiste à permettre le transport des acides gras à longue chaîne à l’intérieur des mitochondries afin de permettre leur oxydation en vue de la production d’énergie. FIGURE 19 - MOLÉCULE DE CARNITINE N+ O- Découverte en 1905, la L-carnitine est synthétisée chez le chien à partir de la lysine et de la méthionine en présence de la vitamine C et de la pyridoxine (vitamine B6). C’est une amine quaternaire qui se comporte comme une vitamine hydrosoluble. La carnitine peut être synthétisée sous formes D et L, mais seule la forme L a un intérêt nutritionnel. 343 3 - Recommandations diététiques lors de cardiopathie chez le chat FIGURE 20 - ORIGINE DU STRESS OXYDATIF mais ils peuvent également être fournis sous une forme exogène. Les principaux antioxydants sont des enzymes (la superoxyde dismutase et son cofacteur, le cuivre, la catalase, la glutathion péroxydase et son cofacteur, le sélénium) et des agents bloquants des radicaux libres (la vitamine E, la vitamine C, le glutathion, la taurine, les pigments caroténoïdes). Les recherches s’orientent aujourd’hui vers de nouvelles substances antioxydantes comme les polyphénols. Différentes substances antioxydantes seront passées successivement en revue ci-dessous, mais il faut garder à l’esprit que l’efficacité potentielle est toujours meilleure en utilisant un mélange d’antioxydants qui agissent en synergie dans les différentes zones sensibles de la cellule: membrane, organites intracellulaires ou noyau. Antioxydants d’origine endogène et exogène : - enzymes (superoxyde dismutase, catalase, glutathion péroxydase) + - inhibiteurs de l’oxydation (vitamine C, vitamine E, glutathion et -carotène) > Vitamine E Radicaux libres Un déséquilibre entre la production de radicaux libres et les défenses antioxydantes de l’organisme crée un stress oxydatif. L’effet antioxydant de la vitamine E (-tocophérol) est étudié depuis de nombreuses années. Dans le domaine cardio-vasculaire, de multiples études mettent en avant son rôle bénéfique, surtout à travers deux effets particuliers: - maintien de la relaxation du tissu endothélial grâce au NO (Plotnick et coll, 1997) - réduction de l’adhésion et de l’agrégation plaquettaire (Mower et Steiner, 1982; Calzada et coll, 1997). Son rôle a surtout été mis en évidence chez l’homme atteint d’athérosclérose. Un déséquilibre entre la production d’oxydants et d’antioxydants a été mis en évidence chez des chiens atteints de MCD avec insuffisance cardiaque (Freeman et coll, 1999). Au fur et à mesure que la cardiopathie s’aggrave, les animaux produisent d’avantage d’oxydants (le malondialdéhyde est utilisé comme marqueur de la péroxydation des lipides) et présentent de plus faibles taux de vitamine E (Freeman et coll, 1999). Le stress oxydatif jouerait donc bien un rôle dans l’évolution de la MCD. Des observations similaires ont d’ailleurs été faites dans le cadre d’une étude récente chez des chiens souffrant d’insuffisance cardiaque secondaire, soit à une maladie valvulaire dégénérative, soit à une MCD. Cœur À la lumière des données obtenues chez l’homme et le chien, il n’y a pas à attendre d’effet négatif mais au contraire un effet bénéfique de l’apport supplémentaire en vitamine E chez le chat cardiaque. Ceci reste cependant à déterminer, les études faisant à l’heure actuelle défaut dans cette espèce. Le niveau optimal de la supplémentation dépend de la quantité d’acides gras insaturés présente dans l’aliment. > Vitamine C La vitamine C est une vitamine hydrosoluble. En plus de prévenir l’oxydation des lipoprotéines LDL, la vitamine C est connue pour faciliter la régénération de la vitamine E. Des études chez l’homme montrent qu’une dose unique de vitamine C (2000 mg) ou l’administration de 500 mg/jour pendant 4 semaines favorise la vasodilatation chez des patients atteints de maladie coronarienne (Kugiyama et coll, 1998). En revanche, aucune donnée spécifique n’est disponible chez le chat qui est par ailleurs capable de la synthétiser. > Cuivre Chez des rats déficients en cuivre et génétiquement sensibles à la MCH, un haut niveau de matières grasses saturées par rapport aux AGPI (2:1) exacerbe les anomalies cardiaques induites par la carence en cuivre (Jalili et coll, 1995). Ces informations suggèrent que le cuivre pourrait être impliqué dans la MCH, bien que rien ne permette aujourd’hui de modifier les recommandations usuelles vis-à-vis du cuivre (1,25 à 7 mg/1000 kcal chez le chat), d’autant plus que ce dernier en excès devient pro-oxydant. 344 Conclusion > Coenzyme Q10 (CoQ10) Le coenzyme Q10, (aussi appelé ubiquinone) est un antioxydant naturellement présent dans les mitochondries. Il agit au long de la chaîne de transfert d’électrons qui produit l’énergie et améliore la production de cette dernière en shuntant les éléments défectueux de la chaîne respiratoire (Rosenfeldt et coll, 2002). Un certain nombre d’études chez l’homme a mis en évidence son intérêt potentiel lors de pathologie cardiovasculaire. > Flavonoïdes Les flavonoïdes sont des substances appartenant à la famille des polyphénols extraits des végétaux. Des études épidémiologiques réalisées chez l’homme ont mis en avant une relation inverse entre la consommation de fruits et légumes, riches en flavonoïdes, et le risque cardio-vasculaire (Steinmetz et Potter, 1996). Dans le cadre de la pathologie cardiovasculaire, de très nombreuses études in vivo et in vitro ont montré l’intérêt de la consommation de sources variées de flavonoïdes: thé noir et vert (Duffy et coll, 2001a,b; Geleijnse et coll, 2002), jus de raisin (Keevil et coll, 2000) et vin rouge (Rimm et coll, 1996; Rein et coll, 2000a). Les flavonoïdes possèdent plusieurs modes d’action: en plus de leur activité antioxydante, ils exercent une action antithrombotique (Rein et coll, 2000b) et, à travers l’augmentation de la production endothéliale de NO, ils ont un effet vasodilateur (Karim et coll, 2000). Leur rôle bénéfique chez le chat cardiopathe reste à déterminer. > Sélénium Le sélénium est un oligo-élément essentiel qui fait partie intégrante de la glutathion péroxydase, une enzyme à activité antioxydante. Il agit en synergie avec la vitamine E. Le niveau d’apport en sélénium doit être bien maîtrisé car les niveaux minimum et maximum tolérables pour la santé sont relativement proches. Un apport adéquat en sélénium va de pair avec la couverture des besoins en glutamate, cystéine et glycine, nécessaires à la synthèse du glutathion. > Taurine Cœur Outre son rôle majeur dans l’inotropisme cardiaque, la taurine exerce aussi une activité antioxydante qui protège le myocarde au niveau membranaire. Conclusion La première grande règle diététique lors de cardiopathie chez le chat est de s’opposer à la survenue de la cachexie, elle-même pouvant contribuer à la progression de la cardiopathie. Ceci peut être obtenu par différents moyens: augmentation du niveau protéique et de l'apport en acides gras oméga-3 de l'aliment, encouragement à l'alimentation spontanée, etc. La supplémentation en taurine est nécessaire lors de MCD (notamment tauriprive). Elle est aussi indiquée lors d’hypokaliémie. Les aliments hyposodés ne seront réservés qu’aux animaux symptomatiques (avec signes d’insuffisance cardiaque), car utilisés trop précocement dans l’avancement de la maladie, ils peuvent provoquer des effets inverses de ceux désirés, comme la stimulation du système rénine angiotensine-aldostérone. Malheureusement, aucune donnée n'est disponible dans l’espèce féline concernant les acides gras oméga-3 à longue chaîne, dont le rôle antithrombotique et antiarythmique (démontré dans d’autres espèces) serait intéressant dans le cas particulier du chat cardiopathe. La même remarque s’applique aux antioxydants. 345 Questions fréquemment posées Questions fréquemment posées à propos des maladies cardiovasculaires acquises du chat Q R Mon chat est atteint de myocardiopathie hypertrophique compensée : son alimentation doit-elle obligatoirement être hyposodée ? Il est classiquement recommandé de nourrir les chats cardiaques avec un aliment très pauvre en sodium. Des données montrent cependant qu’une telle restriction ne serait pas bénéfique lorsque la maladie cardiaque est compensée. Un niveau de sodium trop bas stimule le système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA), ce qui peut avoir des effets néfastes sur les fonctions rénales et cardiaques du chat. Mon chat est atteint de myocardiopathie hypertrophique décompensée (antécédents de crise d’œdème pulmonaire) : son alimentation doit-elle obligatoirement être hyposodée et différente d’avant (lorsque la myocardiopathie était compensée) ? Cœur Mon chat est atteint d’hypertension artérielle systémique : son alimentation doit-elle obligatoirement être hyposodée ? Mon chat est atteint d’hypertension artérielle systémique secondairement à une insuffisance rénale chronique : un aliment “spécifique insuffisance rénale” est-il adapté ou y a-t-il des mesures diététiques supplémentaires à prendre ? La restriction du sodium (jusqu’à 0,5 g/1000 kcal) se justifie lorsque la cardiopathie a atteint le stade d’insuffisance cardiaque congestive. Certains résultats obtenus chez le rat suggèrent qu’un approvisionnement énergétique cellulaire insuffisant pourrait participer au développement de la myocardiopathie hypertrophique; l’administration d’acides gras à chaîne courte et moyenne permettrait de limiter les conséquences de l’hypertrophie cardiaque. Leur intérêt chez le chat reste inconnu pour l’instant. Les apports sodés importants (> 2 g/1000 kcal) doivent être évités mais des études cliniques font défaut pour savoir si l’alimentation hyposodée facilite le traitement médical destiné à contrôler la pression artérielle. Une restriction importante du sodium n’est pas recommandée chez le chat hypertendu. Une restriction excessive risquerait de stimuler le SRAA, système presseur par excellence, et de favoriser une hypokaliémie en raison d’une élévation des pertes urinaires en potassium. Les régimes destinés aux chats insuffisants rénaux contiennent des niveaux bas ou modérés de sodium (0,5-1 g/1000 kcal) (voir chapitre 7). Chez les chats insuffisants rénaux présentant une nette élévation de la pression artérielle, la restriction de la consommation de chlorure de sodium ne suffit cependant pas à prévenir l’hypertension artérielle qui doit être traitée médicalement. Parmi les autres nutriments pouvant aider à contrôler la tension artérielle figurent: - l’arginine: précurseur du monoxyde d’azote (NO•), qui participe à la régulation de la pression artérielle - les acides gras oméga-3, EPA et DHA: chez l’homme, des doses très élevées (>3 g/jour) entraînent un effet vasodilatateur et une réduction de la pression artérielle. Cet effet reste à déterminer chez le chat. Mon chat est atteint à la fois de myocardiopathie hypertrophique décompensée et d’insuffisance rénale chronique : quel type d’aliment prescrire au mieux ? Un aliment formulé pour chat insuffisant rénal dont le niveau de Na est d’environ 0,5 g/1000 kcal est recommandé. La réduction du niveau de phosphore dans cet aliment ralentira la progression de la maladie rénale. D’autre part, les aliments à objectif rénal sont enrichis en acides gras oméga3, ce qui est également intéressant lors de cardiopathie. Mon chat est obèse et atteint de myocardiopathie hypertrophique : quel type d’aliment prescrire ? La priorité consiste à mettre en place un traitement médical et un régime alimentaire visant à soutenir au mieux la fonction cardiaque. Ensuite, une restriction de l’apport énergétique s’avère souhaitable car l’obésité est associée à un risque cardio-vasculaire accru. Certaines études faites chez des rongeurs ont montré qu’une restriction alimentaire réduit le niveau du stress oxydatif et exerce un effet protecteur contre certaines maladies dégénératives, notamment les myocardiopathies. Ceci n’a pas été étudié chez le chat. 346 Questions fréquemment posées R Quand faut-il suspecter une carence en taurine lors de myocardiopathie dilatée ? Depuis la fin des années 1980, la carence en taurine chez le chat est devenue rare car les aliments commerciaux contiennent généralement un niveau suffisant de taurine. Cette carence peut cependant encore être suspectée lorsque le chat est nourri avec une ration ménagère, un régime végétarien ou des aliments de mauvaise qualité. Un dosage de taurine dans le sang total permet d’établir un diagnostic de certitude. La dégénérescence rétinienne centrale étant irréversible, elle permet de déterminer si le chat a été nourri pendant plusieurs mois avec un régime déficient en taurine au cours de sa vie, pas si son régime actuel est carencé. Faut-il prescrire des suppléments de potassium aux chats cardiaques ? L’hypokaliémie peut apparaître lors de prescription de diurétiques (exemple: furosémide). Une hypokaliémie survient également chez environ 20 % des chats insuffisants rénaux et elle augmente alors le risque d’hypertension (voir chapitre 7). L’hypokaliémie potentialise de plus la toxicité de la digoxine. Chez les chats cardiopathes, la correction de l’hypokaliémie grâce à une supplémentation en potassium est donc vivement recommandée. En revanche, en l’absence d’hypokaliémie, la supplémentation n’est pas nécessaire. Chez un chat traité par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, stimulant la réabsorption rénale du potassium, le niveau de potassium de l’aliment ne devrait pas être modifié par rapport à un aliment d’entretien (1,5 à 2 g/1000 kcal). Cœur Q 347 Références Références Backus RC, Morris JG, Rogers QR. Microbial degradation of taurine in fecal cultures of cats given commercial and purified diets. J Nutr 1994; 124: 2540S–2545S. Calzada C, Bruckdorfer KR, Rice-Evans CA. The influence of antioxidant nutrients on platelet function in healthy volunteers. Atheroscl 1997; 128: 97-105. Duffy SJ, Vita JA, Holbrook M, et al. Effect of acute and chronic tea consumption on platelet aggregation in patients with coronary artery disease. Art Throm Vasc Biol 2001b 21: 1084-1092. Backus RC, Puryear LM, Crouse BA, et al. 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Elle est absente du monde végétal, mais présente dans la plupart des tissus animaux. Soixante-quinze pour cent de la taurine se trouvent dans les muscles striés, sous forme libre à l’intérieur des cellules (Dillon, 1991). Rappels physiologiques En se conjuguant avec des acides choliques, la taurine permet la synthèse hépatique des sels biliaires. C'est son rôle le mieux connu. Mais la taurine agit aussi surtout comme un osmorégulateur, en influençant les flux de calcium entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule (Schaffer et Kramer, 1980). C'est par ce mécanisme : - qu'elle intervient dans les mécanismes d'aggrégation plaquettaire - qu'elle module l’excitabilité des neurones - et qu'elle influence le fonctionnement du muscle cardiaque (Freeman, 1998). 352 RÔLES MAJEURS DE LA TAURINE CHEZ LES MAMMIFÈRES (d’après Huxtable, 1987) Organes cibles Rôles majeurs Foie Synthèse des sels biliaires Œil Intégrité de la rétine Cœur - Effet inotrope - Rôle antiarythmique - Intégrité des cellules du muscle cardiaque Système nerveux - Développement et intégrité du tissu nerveux - Effet anticonvusif Appareil reproducteur - Facteur de mobilité des spermatozoïdes - Développement in utero Muscles Facteur de stabilisation des membranes des myocytes Divers - Mécanismes de coagulation - Réactions immunitaires - Régulation de la cholestérolémie - Régulation de la glycosurie - Régulation de la glycogénèse - Activité antioxydante Informations nutritionnelles Royal Canin Les rôles majeurs de la taurine sont résumés dans le tableau. Conséquences d’une carence en taurine chez le chat Depuis 1975, de nombreuses publications mentionnent son caractère essentiel chez le chat. Une carence alimentaire en taurine chez le chat provoque en effet des affections variées dont les principales sont : - cécité et dégénérescence rétinienne (Hayes et coll, 1975) - troubles de la reproduction et retard de croissance (Sturman et coll, 1986) - myocardiopathie dilatée (MCD) (Pion et coll, 1987). - troubles nerveux (Sturman et coll, 1985) Un niveau d’au moins 0,10 % de la matière sèche (MS) dans un aliment sec ou 0,17 % MS dans un aliment humide en conserve permet de prévenir la carence en taurine (NRC, 2006). La différence s’explique par un catabolisme plus important de la taurine par la flore digestive lors de la consommation d’aliments humides en conserve. Conséquences de la carence en taurine sur la vision du chat Chez le chat, le fonctionnement rétinien normal dépend d’un apport suffisant en taurine (Hayes et coll, 1975). Une carence totale en taurine pendant 25 semaines se traduit par une concentration en taurine réduite à 16-25 % du niveau normal dans la rétine (Pasantes-Morales et coll, 1986). Ce déficit induit des altérations de l’intégrité des photorécepteurs cellulaires et de la structure sous-jacente du tapetum lucidum. Si une correction alimentaire n’intervient pas rapidement, l’atrophie des photorécepteurs entraîne une cécité qui s’installe progressivement, de manière irréversible. Ce phénomène est indépendant du niveau de stimulation de la rétine par la lumière. Conséquences de la carence en taurine sur la fonction de reproduction du chat et la croissance des chatons Plusieurs études se sont attachées à mesurer l’impact de la teneur alimentaire en taurine sur la fonction de reproduction. Les performances des chattes nourries avec un aliment déficient en taurine, pendant au moins 6 mois avant la mise à la reproduction, sont nettement inférieures à celles du groupe témoin ; les chatons survivants, issus des © Y. Lanceau/RC/British Shorthair Cœur - déformations du squelette (Sturman et coll, 1985) - hyperagrégation plaquettaire (Hayes et coll, 1989) - perturbations du système immunitaire (Schuller-Lewis et coll, 1988). Le besoin spécifique du chat en taurine s’explique par plusieurs éléments concomitants : - le chat synthétise peu de taurine à cause d’une très faible activité enzymatique de la décarboxylase nécessaire à la conversion de la cystéine en taurine (acide cystéine-sulfinique décarboxylase). Son activité est environ 100 fois inférieure à ce qu’elle est chez le chien; - le chat consomme beaucoup de taurine pour la conjugaison des acides biliaires. La carence en taurine affecte la fonction de reproduction et peut entraîner des anomalies de développement chez les chatons. 353 Informations nutritionnelles Royal Canin mères carencées en taurine, présentent des troubles moteurs d’origine neurologiques (Sturman et coll, 1986). La croissance la plus importante des chatons est enregistrée chez ceux nés des mères recevant un niveau “normal” de taurine (0,2 %) (Sturman et coll, 1992). Un niveau élevé de taurine (1 %) n’a pas d’effet secondaire apparent sur la reproduction et la santé des chatons nés pendant l’essai (Sturman et coll, 1992). Effet d’une supplémentation en taurine chez des chats atteints de myocardiopathie tauriprive Cœur La MCD tauriprive est liée à un défaut de contractilité du myocarde (voir précédemment) mais les signes cliniques de l’affection peuvent être réversibles si une supplémentation adéquate en taurine est mise en place, à condition que le traitement soit précoce et que l’affection n’ait pas atteint un stade trop avancé. La posologie conseillée est de 250 mg de taurine par chat, deux fois par jour (par voie orale). Une telle supplémentation permet d’obtenir une rémission en 2 à 4 mois chez 65 % des chats (Pion et coll, 1987). Conclusion La myocardiopathie tauriprive illustre le lien qui peut exister entre l’équilibre nutritionnel et le fonctionnement cardiaque. Les cas de MCD sont devenus rares chez le chat car la très grande majorité des aliments préparés pour chats contiennent maintenant un niveau adéquat de taurine pour prévenir son apparition. Les résultats de 37 cas ainsi traités sont présentés par Pion et coll (1992) : - un décès précoce (dans les 30 premiers jours de la supplémentation) est enregistré chez 14 (38 %) chats; - une amélioration nette des signes cliniques et échocardiographiques est notée chez 22 chats (59 %). La survie est alors supérieure à 240 jours. L’état clinique de ces chats reste stable malgré l’arrêt de tout traitement médical (sauf la supplémentation en taurine). Références Pasantes-Morales H, Domínguez L, Campomanes MA, et al. Retinal degeneration induced by taurine deficiency in light-deprived cats. Exp Eye Res 1986; 43: 55-60. Sturman JA, Gargano AD, Messing JM, et al. Feline maternal taurine deficiency: effect on mother and offspring. J Nutr 1986; 116: 655-667. Pion PD, Kittleson MD, Rogers QR, et al. Myocardial failure in cats associated with low plasma taurine: a reversible cardiomyopathy. Science 1987; 237: 764-768. Sturman JA, Messing JM. 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