EYB 2014-242362 – Résumé Commission des relations du travail
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EYB 2014-242362 – Résumé Commission des relations du travail
EYB 2014-242362 – Résumé Commission des relations du travail Delgadillo c. Blinds to go Inc. (Le Marché du store inc.) 197783 (approx. 34 page(s)) 18 août 2014 Décideur(s) Monette, Benoît Type d'action PLAINTE en vertu de l'article 123.6 de la Loi sur les normes du travail. REJETÉE. PLAINTE en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail. ACCUEILLIE. Indexation TRAVAIL; CONTRAT DE TRAVAIL; CONTRAT À DURÉE INDÉTERMINÉE; CONGÉDIEMENT DÉGUISÉ; NORMES DU TRAVAIL; RECOURS; PLAINTE POUR CONGÉDIEMENT SANS CAUSE JUSTE ET SUFFISANTE; RECOURS EN CAS DE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE; RÉINTÉGRATION DU SALARIÉ; modification des conditions de travail; employeur refusant les congés accordés en vertu d'une entente; employeur alléguant un abandon volontaire de l'emploi ou une démission; fin d'emploi à l'initiative de l'employeur; indélicatesses de l'employeur ne constituant pas du harcèlement psychologique Résumé Le plaignant a été embauché en 1999 à titre de directeur des technologies de l'information. L'employeur exploite deux usines fabricant différents types de stores. Au fil des années, le plaignant a négocié avec l'employeur diverses ententes concernant sa rémunération. En 2007, l'employeur lui a demandé d'assurer la direction de l'usine de Montréal, et ce, pendant une période de quelques mois afin de lui permettre de former la relève qui assumerait la direction de l'usine. Le plaignant a accepté d'assumer cette nouvelle fonction selon certaines conditions négociées avec l'employeur. Bien que ce dernier affirme que le plaignant acceptait alors que son emploi prendrait fin en 2010 afin de prendre sa retraite, la preuve ne permet pas de conclure à l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée. En l'absence d'une entente explicite à cet effet, le contrat de travail à durée indéterminée du plaignant ne s'est jamais transformé en contrat à durée déterminée. À plusieurs reprises, l'employeur a modifié les conditions de travail du plaignant avec son consentement. En 2009, les parties avaient conclu une entente selon laquelle le plaignant pourrait s'absenter pour des périodes prolongées pour la période de 2010 à 2012 afin de se rendre au Chili où il tentait de démarrer un projet relatif à la production du vin. Cependant, en 2011, l'employeur a modifié unilatéralement cette entente en avisant le plaignant qu'il ne pourrait plus s'absenter pour des périodes prolongées et que s'il s'absentait du 28 février au 22 mai 2012, comme il l'avait annoncé, son absence serait considérée comme un abandon de son poste. La décision de l'employeur de mettre fin à l'emploi du plaignant à la suite de cette dernière absence constitue un congédiement et non un abandon volontaire de l'emploi. Le plaignant n'a jamais manifesté l'intention de démissionner ou d'abandonner son emploi. L'employeur a plutôt procédé à un congédiement déguisé en modifiant l'entente qui permettait au plaignant de s'absenter deux fois par année, pendant au moins trois ans. La plainte à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante doit donc être accueillie. La réintégration ne constitue pas, cependant, une mesure de réparation appropriée compte tenu de la rupture du lien de confiance entre les parties. Quant à la plainte à l'encontre d'une situation de harcèlement psychologique, elle doit être rejetée. Les commentaires reprochés à l'employeur constituaient une indélicatesse ou un manque de tact, mais il ne s'agissait pas de gestes humiliants pouvant être assimilés à du harcèlement. EYB 2014-242362 – Texte intégral COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL CANADA PROVINCE DE QUÉBEC 197783 CM-2012-2892, CM-2012-3959 DATE : 18 août 2014 DATE D'AUDITION : 18 juin 2014 EN PRÉSENCE DE : BENOÎT MONETTE, JUGE ADMINISTRATIF Roberto Delgadillo Plaignant c. Blinds to go Inc. (Le Marché du store inc.) Intimée Roberto Delgadillo (le plaignant) dépose à la Commission des normes du travail, le 15 mars 2012, une plainte selon l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1 (la LNT), dans laquelle il soutient avoir fait l’objet de harcèlement psychologique de la part de Blinds to go Inc. Le Marché du store inc. (l'employeur). La dernière manifestation de cette conduite aurait eu lieu le 5 mars 2012. Il dépose une deuxième plainte selon l’article 124 de la LNT dans laquelle il affirme avoir fait l’objet d’un congédiement sans cause juste et suffisante le 5 mars 2012. LE CONTEXTE [1] La Commission a d'abord entendu le moyen préliminaire de l'employeur selon lequel le plaignant était un cadre supérieur. Il soutenait que le plaignant n'était pas admissible au recours selon les articles 124 et suivants de la LNT. [2] Le 5 juillet 2013, la Commission rejetait par décision interlocutoire ce moyen préliminaire (2013 QCCRT 0327). Les faits relatifs à ce dossier font partie intégrante de la présente affaire. LA PREUVE LA PÉRIODE D'EMPLOI À TITRE DE DIRECTEUR DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION [3] Le plaignant entre au service de l’employeur, le 25 octobre 1999, à titre de directeur des technologies de l’information, bien qu’à l'origine le poste devait en être un de vice-président. Il souligne que son nouvel employeur l'a placé devant le fait accompli et qu'il n'a pas eu d’autre choix que d'accepter le poste de directeur puisqu'il avait déjà avisé son employeur de l'époque, Rôtisserie SaintHubert, de son départ. [4] Nkere Udofia occupe le poste de vice-président de l'entreprise. Il relate que c'est à la suite d'une évaluation complète des besoins de l'entreprise et de l'impact sur l'organisation qu'un poste de directeur des technologies de l'information a été créé plutôt qu'un poste au niveau de la vice-présidence. [5] L’employeur exploite deux usines où l’on fabrique différents types de stores et compte une centaine de magasins de détail. L’entreprise emploie près de 1 000 employés. [6] Lors de son entrée en fonction, le plaignant obtient un salaire de 120 000 $ et un bloc de 40 000 options d’achat d’actions. Plus tard, il en obtient 50 000 autres pour un total de 90 000. [7] En avril 2002, le plaignant reçoit un prêt garanti de 100 000 $ à même les options d'achat d'actions qu'il détient parce que l’employeur a décidé de ne pas rendre l'entreprise publique. Huit autres cadres de l'entreprise ont également bénéficié de ce programme. [8] De son entrée en fonction jusqu’à juillet 2007, le plaignant travaille surtout avec monsieur Udofia, bien que de temps à autre il ait à collaborer avec le président, Stephen Shiller, qui occupe le poste depuis peu, à ce moment. [9] En août 2004, monsieur Udofia propose au plaignant un nouveau plan de rémunération étalée sur une période de cinq ans. Le salaire passe à 200 000 $, auquel s’ajoute un boni annuel. Celui-ci doit être payé au plus tard à la fin de la cinquième année. Il doit atteindre un minimum de 250 000 $ et un maximum d’un million de dollars, selon le performance du plaignant et la rentabilité de l’entreprise. De plus, selon la version du plaignant, monsieur Udofia consent un bloc de 150 000 actions (« restricted stock shares ») au plaignant. Ces actions pouvaient être encaissables progressivement sur cinq ans. La valeur de ces actions était susceptible d'augmenter. [10] En octobre 2006, le plaignant demande à pouvoir encaisser une partie des actions que lui a accordées l'employeur. Il veut aider financièrement sa sœur qui est gravement malade au Chili. [11] Monsieur Udofia nie avoir consenti 150 000 actions au plaignant. Il est vrai que des discussions ont eu lieu sur le sujet, mais elles ne se sont pas concrétisées puisque, par la suite, l'entreprise a décidé de ne pas en émettre. [12] De son côté, Stephen Shiller (monsieur Shiller), le président de l'entreprise, dit au plaignant que les actions qui lui ont été consenties n'ont aucune valeur. Il a proposé de lui faire un autre prêt, celui-ci de l’ordre de grandeur de 35 000 $. [13] Richard Shiller est le frère du président et le responsable du Service des ressources humaines chez l'employeur. En novembre 2006, il présente au plaignant un nouveau document ayant pour effet de consolider les deux prêts que l'employeur lui a accordés totalisant la somme de 135 000 $. [14] Selon Richard Shiller, le plaignant refuse de signer parce que le document prévoit un remboursement alors qu'il avait été convenu en 2002 que le prêt de 100 000 $ serait garanti à même les options d'achats d'action qu'on lui avait accordées. [15] Les parties ont finalement convenu que le plaignant recevra un prêt de 35 000 $ qu'il devra rembourser à même ses bonis. Ce qu'il a fait en août 2007. LA PÉRIODE D'EMPLOI À L'USINE DE MONTRÉAL [16] Le plaignant relate qu'à son arrivée chez l'employeur en 1999, à titre de directeur des technologies d'information, l'employeur venait d'embaucher une nouvelle équipe à la direction afin de diriger l'usine de fabrication de Montréal. Celle-ci devait être en mesure de concrétiser les objectifs stratégiques de l'employeur, soit de fabriquer un produit de qualité dans les 48 heures suivant la commande. [17] L'expérience avec cette nouvelle équipe s'est avérée un échec majeur, celle-ci étant incapable d'atteindre les objectifs de la direction. L'employeur a congédié la tête dirigeante de cette équipe et, par la suite, ses membres ont graduellement tous quitté l'entreprise. Lors de la rencontre de planification (« kick-off meeting ») du 6 février 2007, l'employeur y fait largement référence. [18] Selon le plaignant, l'employeur s'est retrouvé sans équipe de direction pour l'usine de Montréal. Vers la fin de 2006 ou le début de 2007, il a alors demandé au plaignant d'assumer la direction de l'usine de Montréal. [19] Monsieur Shiller relate que vers la fin de 2006 ou au début de 2007, le plaignant lui a confié qu’il entendait prendre sa retraite à la fin de son programme d’incitatifs qui prenait fin au mois de janvier 2010. Il entendait exploiter un vignoble au Chili et il devait y passer beaucoup de temps, puisque la vente de vin impliquait une politique de marketing. [20] Monsieur Shiller en a discuté avec le vice-président, monsieur Udofia. Il fallait assurer la succession du plaignant. Comme monsieur Udofia, un ingénieur, pouvait assumer la direction de l’informatique pendant une certaine période de temps, il a suggéré de muter le plaignant du Service des technologies de l'information à la Direction de l’usine de fabrication de Montréal. [21] Malgré ce transfert à l’usine, la direction croyait que le plaignant pourrait former une personne qui pourrait le remplacer à l’informatique. On pensait à Itesh Barot. On croyait qu’il pourrait également former des candidats capables de lui succéder à la direction de l'usine. [22] Au retour des vacances du plaignant, au mois de mars ou avril 2007, la direction a voulu s’assurer que le plaignant était sur la même longueur d’onde. Elle a proposé un arrangement avec le plaignant. [23] Dans les faits, le plaignant n'était absolument pas intéressé à ce poste de directeur d'usine parce qu'il risquait de perdre son expertise en informatique, ce qui avait une plus grande valeur sur le marché. Selon le plaignant, messieurs Shiller et Udofia ont mis beaucoup de pression pour qu'il accepte le poste. Il a rencontré monsieur Udofia à l'usine du New Jersey. Ce dernier lui a fait comprendre qu'il ne pouvait pas refuser le poste. En contrepartie, l'employeur convenait d'une nouvelle entente. En voici les grandes lignes selon la compréhension du plaignant: 1) Le prêt de 100 000 $ accordé en 2002 est effacé en contrepartie de la remise des actions et des options d'achats d'actions; 2) le plaignant revient à son poste d'origine après une période de 9 à 12 mois passée à l'usine; 3) le salaire de base reste le même; 4) Comme on était à mi-chemin du programme quinquennal de bonis mis en vigueur en 2004 et que le plaignant n'avait touché que 29 000 $ à date, il voulait qu'on lui paie, avant d'assumer le nouveau poste, la moitié, soit : 125 000 $ - 29 000 $ = 96 000 $. [24] Le plaignant et monsieur Udofia se seraient entendus sur cette proposition. Ce dernier aurait dit qu'il communiquerait avec monsieur Shiller, afin de produire un document qui contiendrait les quatre éléments de cette entente. [25] Comme prévu, monsieur Shiller a rencontré le plaignant. Il situe cette rencontre le ou vers le 15 mai 2007, mais les discussions se sont poursuivies durant une semaine. Ils ont discuté de la transition et de la succession. En retour d’un plan de bonis amélioré, le plaignant devait former le personnel afin d’assurer sa relève à l'usine de Montréal. [26] Lors de la rencontre, le plaignant se rend compte que la proposition que lui fait monsieur Shiller n'est pas identique à celle que lui a faite monsieur Udofia. Celle-ci portait sur l’annulation du prêt de 100 000 $ que lui avait fait l’entreprise et de ses conséquences fiscales et, en considération de cet avantage, le plaignant renonçait à son bloc d’options d’actions et aux actions qu'il possédait. Le plaignant exigeait de ne pas passer plus de 9 à 12 mois à l’usine et de pouvoir terminer les deux dernières années à son poste d'origine, soit à titre de directeur des technologies de l'information. Puis, comme il voulait continuer à vivre à Montréal la moitié de l’année, il a été question qu'il travaille à titre de consultant pour l’entreprise six mois par année. [27] Selon la version de monsieur Shiller, celui-ci a griffonné une feuille en inscrivant les paramètres d’une entente. Le plaignant a complété cette feuille en inscrivant certaines données au bas de la page. Il précise que le plaignant était d’accord avec les grandes lignes de ce brouillon. 1) Le plaignant serait en poste à l'usine de fabrication pour une durée de 9 à 12 mois. Il reviendrait dans son poste d'origine à l'été 2008 à raison de 250 000 $ sur une base annuelle; 2) il resterait en emploi encore pour une période d'au moins 18 mois; 3) il pourrait éventuellement travailler à titre de consultant six mois par année; 4) le prêt de 100 000 $ accordé en 2002 serait annulé en retour de la remise des actions et des options d'achats d'actions. [28] Selon monsieur Shiller, le plaignant exigeait aussi qu'on lui paie immédiatement 150 000 $ sur le boni auquel il avait droit en vertu du plan quinquennal conclu en 2004. Monsieur Shiller a refusé cette demande, puisque cette entente prenait fin en janvier 2010. [29] Le plaignant aurait accepté l'offre de l'employeur et aurait demandé que l'on formalise celle-ci par un document. [30] De son côté, le plaignant situe au 19 juin 2007 la rencontre avec monsieur Shiller. Ce dernier a déjà en sa possession un document qu'il remet au plaignant. Avant même que le plaignant en prenne connaissance, monsieur Shiller constate qu'il contient une coquille. C'est l'année 1010 qui apparaît et non 2010. Il fait une correction manuscrite, la paraphe et demande au plaignant de faire de même. [31] Le point 1 du document précise qu'en considération de la remise de ses options d'achats d'actions et ses actions qu'il détenait, le plaignant n'aurait plus à rembourser le prêt de 100 000 $ que lui avait consenti l'employeur. Le point 2 prévoit que le plaignant accepte le poste de directeur d'usine pour une période de 9 à 12 mois au terme de laquelle il reprendra son poste d'origine à titre de directeur des technologies de l'information. Il accepte également de soutenir et former l'équipe qui assumera son remplacement. [32] Le point 3 précise que les derniers détails relatifs au boni du plan quinquennal seront réglés à son échéance, soit le 30 janvier 2010. Enfin, pour le point 4, le plaignant se fait dire par monsieur Shiller qu'il a été ajouté pour des considérations fiscales, afin de pouvoir effacer le prêt de 100 000 $. You have advised Blinds To Go of your intention to terminate your employment relationship with Blinds To Go as of January 31, 2010 but give Blinds To Go the right to retain you as a consultant thereafter during the 6 months of the year when you are not in Chile (but reachable during the other 6 months of year while you are living in Chile.) Terms and conditions of such retention will be discussed at the appropriate time (convenient to both you and Blinds To Go). (reproduit tel quel) [33] Un peu plus tard, le plaignant est allé voir monsieur Shiller relativement à cette dernière clause. Ce dernier lui a dit : « Tu ne me fais pas confiance? » [34] Richard Shiller relate que son frère est venu le voir à la mi-juin 2007. Il lui remet alors une feuille manuscrite qui reflétait le contenu d’une entente intervenue entre le plaignant et son frère. À partir de la feuille manuscrite, son frère lui demande de préparer un document. [35] Puis, Richard Shiller se rend au bureau du plaignant afin de lui présenter le document qu’il avait préparé. Il voulait être sûr qu’il reflète les discussions entre ce dernier et son frère. Le plaignant aurait lu le document et lui aurait répondu que le deuxième paragraphe du point 1 lui causait des problèmes parce qu’il désirait que l’on oublie le prêt de 100 000 $ que l’employeur lui avait consenti. Il désirait également que l’employeur assume les aspects fiscaux de ce prêt. Pour le reste, il ne semblait pas y avoir de problème. [36] Il ne se rappelle pas si le plaignant a souligné qu’il y avait une coquille ou une erreur de frappe sur le document, puisqu’il indiquait l’année 1010 plutôt que 2010. [37] Richard Shiller a alors préparé un second document en faisant les corrections demandées qu’il a présentées au plaignant probablement le même jour. Ce dernier s’est déclaré satisfait. Par la suite, il en a avisé son frère. [38] Monsieur Shiller a revu le plaignant à son bureau avec les deux documents préparés par son frère. Le plaignant en a pris connaissance. Il a trouvé une coquille puisque l'année indiquée était 1010 plutôt 2010. Monsieur Shiller l'a corrigée et les deux hommes l'ont paraphée. Le document a satisfait le plaignant et les deux hommes se sont serré la main. [39] De cette entente, il était clair pour monsieur Shiller que l'emploi du plaignant se terminerait le 30 janvier 2010, soit à la fin du plan de bonis quinquennal. Jamais, par la suite, le plaignant ne l'a contesté. [40] Le plaignant affirme qu'il n'a jamais voulu démissionner de son emploi et qu'il n'a jamais demandé à ce que cette clause soit ajoutée au document. [41] Il ajoute n'avoir jamais discuté de ce document avec le frère de monsieur Shiller, Richard. Dans les faits, Richard Shiller n'a jamais été un interlocuteur pour le plaignant, et ce, pour toute sa période d'emploi. Il discutait avec monsieur Udofia et monsieur Shiller (Stephen) uniquement. [42] Le plaignant débute à l'usine de Montréal au début de juillet 2007. La journée même, l'employeur congédie son prédécesseur, un certain Stéphane Monssen. En juin 2008, il informe son employeur de son désir de reprendre son poste d'origine. L'employeur lui apprend que monsieur Barot, qui a remplacé le plaignant au Service des technologies de l'information, a été transféré aux ÉtatsUnis à titre de directeur bien que tout le reste de l'équipe informatique soit resté à Montréal. [43] À l'été 2008, le plaignant ne revient pas à son poste d'origine malgré une nouvelle demande de sa part. À ce moment, les cadres qu'il a formés à l'usine de Montréal ne sont pas en mesure d'assurer la relève. Monsieur Shiller lui demande de former deux autres gestionnaires, ayant plus de potentiel, qui pourraient le remplacer à la direction de l'usine. Le plaignant accepte. [44] En octobre et novembre 2008, le plaignant doit s'adresser à l'employeur pour le paiement de son boni, alors que tous les autres directeurs l'avaient reçu. LES ABSENCES AU CHILI [45] En mars 2009, le plaignant fait un bilan de sa situation. Il ne croit plus pouvoir retourner à son ancien poste qui a été transféré aux États-Unis et il est en train de perdre toute son expertise en informatique. Il tente alors de se repositionner dans l'entreprise. S'il doit rester à l'usine, il veut avoir la possibilité de se rendre au Chili deux fois par année pour y créer des occasions d'affaires. En retour, il est prêt à former la relève. [46] Le 31 mars 2009, monsieur Shiller reçoit un courriel du plaignant qui l'informe qu'il entend se rendre au Chili deux fois par année. Monsieur Shiller n'est pas enchanté par cette situation, mais les cadres en formation n'étaient pas encore prêts à assumer la relève à l'usine. [47] Monsieur Shiller et le plaignant se sont rencontrés au mois d'avril 2009. Dans un premier temps, ce dernier aurait demandé, une fois de plus, de pouvoir retourner à son ancien poste. Monsieur Shiller lui aurait fait comprendre qu'il avait encore besoin de lui à l'usine. Les deux hommes ont négocié et en seraient venus à une entente. [48] Celle-ci laisse à l'employeur le choix quant à la forme que pourrait prendre le travail du plaignant. Monsieur Shiller a accepté que le plaignant poursuive son travail, à temps partiel, à compter du mois de février 2010. Pendant cette période, il conserverait le statut de salarié. À ce moment, monsieur Shiller refusait d'envisager un statut de consultant. Selon le plaignant, les deux hommes auraient également convenu que le plaignant s'absenterait pour se rendre au Chili, soit deux fois 6 semaines en 2010, deux fois 9 semaines en 2011 et, semble-t-il, deux fois 12 semaines en 2012. En tout temps, le plaignant devrait être joignable. Dans un courriel du 14 décembre 2009, la responsable de la comptabilité écrit au plaignant : « Can you also let me know the months you plan on working in Mtl for next year so that we can budget accordingly?” [49] Monsieur Shiller dit qu'il a consenti à ce que le contrat de travail du plaignant se prolonge d'un an incluant deux absences de six semaines chacune. Il n'y a pas eu d'accord pour que le plaignant poursuivre son travail comme consultant sur une période de trois ans. [50] En mai 2010, même si les choses progressent, les deux cadres formés par le plaignant ne sont pas encore prêts. Le plaignant s'absente pour le Chili deux périodes de six semaines. [51] Pendant ses séjours, le plaignant fait des recherches afin d’acheter des terres pour la culture du raisin destiné à la fabrication du vin. Il fait une offre d’achat à cette occasion. [52] Lors de son deuxième séjour en 2010, il a également négocié pour l’achat d’une terre, mais le propriétaire demandait trop cher. Au bout du compte, il n’a rien acheté. [53] En 2010, le plaignant apprend que le prêt de 100 000 $ consenti en 2002 et garanti par ses options d'achats d'actions a été traité comme un salaire et non comme un gain en capital, tel qu'il avait été convenu à l'époque. À cause de ce traitement fiscal différent, le plaignant subit un manque à gagner de 50 000 $. [54] Le plaignant s'en plaint et après accord avec l'employeur, il réussit à récupérer le montant sous forme d’allocations de dépenses. [55] Puis, le plaignant affirme ne pas avoir reçu son boni pour 2011. [56] Monsieur Shiller précise qu'après la fin du plan quinquennal incitatif en 2010, l'entreprise ne l'a pas renouvelé. Il n’y a pas eu de boni de distribuer après 2010, ni pour le plaignant ni pour aucun autre cadre. [57] En février 2011, le plaignant écrit à monsieur Shiller. Il l'informe qu'il s'absentera deux fois et que chaque absence sera d'une durée de neuf semaines. Monsieur Shiller lui rappelle qu'ils ont convenu de six semaines à l'origine. Le plaignant s'absente pour une autre période de neuf semaines au printemps 2011. À l'automne 2011, le plaignant s'absente pour une autre période de neuf semaines. LES FAITS AYANT MENÉ À LA FIN D'EMPLOI [58] Selon la version de monsieur Shiller, celui-ci n'a jamais consenti à ce que les périodes d'absences du plaignant passent de six à neuf semaines. Bien que frustré, il a accepté ces absences qui n'étaient pas sans causer de problèmes, puisque l'usine demandait la présence d'un directeur à plein temps. [59] Il ajoute qu'il n'a jamais dit au plaignant qu'il resterait au sein de l'entreprise à titre d'employé lorsque la relève sera prête. Il était ouvert à ce qu'il travaille à titre de consultant. [60] À son retour du Chili, à la fin du mois d'octobre 2011, monsieur Shiller informe le plaignant qu'il désire le rencontrer afin de discuter des besoins de l'entreprise et des absences du plaignant pour les années 2012 et 2013. [61] Le plaignant affirme que monsieur Shiller se disait prêt à maintenir la relation contractuelle au-delà de 2011, mais il voulait changer les termes de l'entente d'avril 2009. Dès février 2011, l'employeur remet en question les deux périodes d'absence de neuf semaines. Afin de faire pression sur lui, l'employeur ne lui a pas payé le boni de 2011 et a retenu ses allocations de dépenses. [62] Pour le plaignant, l'employeur ne voulait plus honorer l'entente parce qu'elle lui coûtait chère, d'autant qu'il venait de l'informer que la relève pour l'usine était prête. Dans les faits, l'employeur n'avait plus réellement besoin de lui et c'est la raison pour laquelle monsieur Shiller lui a demandé de démissionner. À 57 ans, le plaignant ne pouvait se permettre de laisser son emploi. [63] Monsieur Shiller lui a parlé d'un contrat de consultant. Le plaignant n'était pas contre, mais il voulait un écrit. [64] Vers la fin de 2011, les événements se précipitent et les choses dégénèrent. Le plaignant rappelle l'entente d'avril 2009. [65] Pour le plaignant, l'employeur changeait encore une fois ses conditions de travail. Dans le même courriel, l'employeur lui dit qu'il était prêt à l'accommoder une dernière fois et, à la fin, lui impose un ultimatum. Il s'est contenté de lui répondre qu'il n'entendait pas démissionner. [66] Monsieur Shiller affirme avoir toujours eu de bonnes relations avec le plaignant, sauf à la fin lorsque ce dernier a tenté d’obtenir de l’argent. Il répète qu’il n’a jamais demandé au plaignant de démissionner. [67] Il réaffirme que le plaignant voulait quitter son emploi pour se rendre au Chili et qu’il n’a fait que l’aider dans ce sens. Il ne lui a jamais demandé de travailler à titre de consultant. [68] Le 1er février 2012, le plaignant écrit à monsieur Shiller, afin de connaître ses intentions. Il l'avise également qu'il entend s'absenter du 28 février au 22 mai 2012. Il avait déjà loué un appartement et sa femme avait obtenu ses vacances. [69] Monsieur Shiller lui répond : Roberto, I am not sure why you are writing me this unless it's for your transition to Chile A per my last exchange with you, I explained that I would not be able to approve another leave of absence, as the business cannot sustain that with someone in a leadership position. Unfortunately, if you do leave, it would be against my explicit directives, and you will be deemed to have abandoned your position. (reproduit tel quel) [70] Le 5 mars 2012, le plaignant reçoit un courriel de l'employeur l'informant de sa fin d'emploi rétroactive au 25 février 2012. [71] Par la suite, il a fait une réclamation à l'assurance-emploi. L'employeur a contesté. La Commission de l’assurance-emploi, après un refus initial, a accepté de lui verser des prestations et l'employeur a porté cette décision en appel. Il s'est désisté quatre jours avant l'audience. [72] Selon le plaignant, l'employeur lui a demandé de démissionner, à de nombreuses reprises. Dans les derniers mois, monsieur Shiller ne lui adressait plus la parole et l’écartait lors des réunions. [73] À la même période, monsieur Barot, le responsable de l’informatique, informe le plaignant que le message véhiculé par l'employeur entourant les circonstances de son départ est qu'il avait quitté l'entreprise pour agir à titre de consultant. Le plaignant souligne que ces faussetés ont affecté sa santé. [74] Le plaignant affirme qu'il ne possède pas de vignoble au Chili et ne tire pas de revenus d'un vignoble. Il est vrai que sa grand-mère a possédé des terres, mais elle a presque tout vendu. C'est finalement, l'un de ses oncles qui a acheté le peu qui restait. [75] Antoine Filion est au service de l’employeur depuis 2007. Auparavant, il était à la Société des alcools du Québec, c’est pourquoi il connaît bien le vin. Après deux ans dans les magasins et à l’usine américaine, il a été muté à l’usine de Montréal, en juillet 2009. [76] Monsieur Filion a travaillé en étroite collaboration avec le plaignant qui avait comme mandat de le former, lui et son collègue Stéphane Benoit, à titre de gestionnaires. Dans les faits, l’objectif de la formation visait à ce qu’ils puissent prendre la relève du plaignant lorsque ce dernier quitterait l’entreprise. C’est effectivement ce qui s’est produit puisqu’à compter du départ du plaignant, au mois de février 2012, ils ont assumé la direction de l’usine de Montréal. [77] Monsieur Filion relate avoir sympathisé avec le plaignant, puisqu’ils aimaient le vin. Ce dernier lui parlait fréquemment de son projet de se rendre au Chili, afin d’exploiter un vignoble. Il disait qu’il possédait une terre avec sa famille et que, pour le moment, il vendait le raisin à une dame du nom d’Apostole afin qu’il soit transformé en vin. Le plaignant ne lui a jamais parlé de son désir de retourner à son poste de directeur de l’informatique après avoir assuré la relève à l’usine. [78] Monsieur Benoit reprend essentiellement les propos de monsieur Filion. Il relate que le plaignant, à son retour du Chili au mois d’octobre 2011, l’aurait avisé ainsi que son collègue Filion, qu’ils étaient prêts à prendre la relève de l’usine de Montréal. Le plaignant aurait transmis cette information à monsieur Shiller. [79] Messieurs Filion et Benoit admettent qu’ils n’étaient nullement au courant des échanges entre monsieur Shiller et le plaignant relativement aux conditions de travail de ce dernier. Ils confirment qu’ils ne possèdent aucun document relatif aux échanges qu’ils ont eu avec le plaignant relativement à son projet de retraite. Les discussions étaient de nature personnelle. [80] Richard Shiller précise que le plaignant lui a confié à quelques reprises qu’il désirait prendre sa retraite à 55 ans. Il disait qu’il voulait ne pas se contenter de vendre le raisin qu’il produisait, mais voulait le transformer en vin et le vendre. Le plaignant lui disait qu’il voulait passer six mois à Montréal et six mois au Chili. [81] Le plaignant affirme que l’employeur, le 9 décembre 2011, l’a obligé à se rendre à son bureau en portant un jeans, alors qu’il s’était toujours présenté en complet cravate. Le 13 décembre, monsieur Shiller lui écrit qu’il croyait que le plaignant se rendait à son bureau afin de récupérer ses affaires. De son côté, monsieur Shiller affirme avoir suggéré au plaignant de venir en jeans parce que ce dernier était en congé. MOTIFS DE LA DÉCISION LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA PLAINTE SELON L'ARTICLE 124 DE LA LNT [82] Dans sa décision interlocutoire du 5 juillet 2013 (2013 QCCRT 0327), la Commission a rejeté le moyen préliminaire de l'employeur selon lequel le plaignant était un cadre supérieur. Elle a décidé qu'il détenait le statut de salarié au sens de la LNT. Les autres conditions d'ouverture du recours sont admises à l'exception de l'existence d'un congédiement. Pour l'employeur, la fin d'emploi du plaignant correspond à un abandon de poste, à une démission, à l'arrivée du terme d'un contrat à durée déterminée ou à des variables de celui-ci. [83] En regard de l'existence ou non d'un congédiement, la Cour d'appel dans l'affaire Lamy c. Kraft ltée, [1990] CanLII 2993 (QCCA) rappelle que la compétence du tribunal ne dépend pas de la qualification faite par l'employeur de son propre geste, puisqu'une telle approche serait trop restrictive. La compétence d'attribution dépend plutôt de la croyance subjective du salarié d'avoir été congédié. Il faut dépasser la qualification du geste posé par l'employeur et analyser les circonstances qui ont mené à la fin d'emploi du salarié. [84] La Commission est d'avis que c'est à tort que l'employeur soutient qu'il revient au salarié de faire la preuve d'un congédiement lorsqu'il y a eu une fin d'emploi. La croyance de ce dernier selon laquelle il a fait l'objet d'un congédiement suffit à remplir cette condition d'ouverture du recours. LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA PLAINTE SELON L'ARTICLE 123.6 DE LA LNT [85] La LNT définit le harcèlement psychologique à l'article 81.18 : LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE 81.18 Pour l'application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. [86] De la définition fournie dans l'article de loi précitée, il ressort que quatre critères doivent être identifiés et prouvés afin d'établir l'existence du harcèlement psychologique : une conduite vexatoire, son caractère hostile, une atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique et un milieu de travail néfaste. [87] Si ces quatre critères sont prouvés, il faut déterminer si l'employeur a fait défaut de respecter les obligations prévues à l’article 81.19 de la LNT. Si la réponse à cette question est négative, il faut rejeter la plainte. [88] Enfin, il ressort également de la doctrine et de la jurisprudence (Bangia c. Nadler, 2006 QCCRT 0419) que la situation doit être examinée dans son ensemble selon la perspective d'une personne raisonnable. [89] La Commission analysera les faits significatifs et pertinents propres à cette plainte. Dans un deuxième temps, la situation sera examinée dans son ensemble. LE CONTEXTE [90] Comme il a déjà été dit, l'employeur plaide l'existence d'un abandon de poste, d'une démission, de l'existence d'un contrat à durée déterminée arrivé à son terme et des variables de celui-ci. Le plaignant plaide l'existence d'une modification substantielle de ses conditions de travail équivalant à un congédiement déguisé au sens où l'entend la Cour suprême dans l'affaire Farber c. Cie Trust Royal, [1997] 1 R.C.S. 846. De plus, l'employeur, pour parvenir à ses fins, aurait commis des actes de harcèlement psychologiques à son endroit [91] La Commission n'entend pas aborder chacune des prétentions des parties et préfère s'en tenir à la compréhension qu'elle a de l'affaire. [92] Ainsi, la Commission identifie quatre étapes distinctes dans la période d'emploi du plaignant. Les faits à l'origine de la plainte se sont surtout déroulés dans la dernière période. Il faut toutefois jeter un regard sur les faits déterminants des périodes précédentes puisqu'ils permettent de comprendre l'ensemble du dossier. 1re période – L'embauche et la période d'emploi à titre de directeur des technologies de l'information – Octobre 1999 à juillet 2007 [93] Le plaignant pose sa candidature pour un poste de vice-président aux technologies de l'information, mais au moment de l'embauche en octobre 1999 l'employeur lui attribue le titre de directeur des technologies de l'information. [94] L'employeur justifie l'attribution du titre de directeur plutôt que de viceprésident à cause des impacts que cela aurait eus sur l'organisation. [95] L'employeur a initié une procédure de recrutement pour un poste de vice-président et, lors de l'embauche, n'accorde au candidat choisi que le niveau de directeur. On pourrait croire, de prime abord, que l'employeur a mal fait ses devoirs lorsqu'il a lancé la procédure de recrutement. [96] Il est manifeste que le plaignant en infère bien autre chose. Celui-ci souligne que lorsqu'il a été informé qu'il détiendrait un poste de directeur, il avait déjà démissionné chez son employeur précédent. [97] Il est incontestable que le plaignant a été placé devant le fait accompli. Celui-ci infère de ce premier geste à son endroit, l'existence d'un modus operandi, d'un mode opératoire ou d'un modèle, dans le comportement et les stratégies de l'employeur, qui se poursuivra jusqu'à son départ. [98] Il est évident que cette décision de l'employeur a créé une frustration certaine chez le plaignant. La Commission reconnaît que ce geste constitue une première modification unilatérale de ses conditions de travail et y reviendra lorsqu'elle fera le bilan de l'affaire. Même s'il n'y a pas eu de preuve d'une perte pécuniaire, il n'en demeure pas moins qu'un poste de directeur et un poste de vice-président, ce n'est pas la même chose. Outre le prestige, il y a la valeur du titre sur le marché. [99] Lors de l'embauche, le plaignant reçoit un salaire de 120 000 $ et 40 000 options d'achat d'actions. En 2002, il recevra un autre bloc de 50 000 options. Il ne pourra pas les réaliser parce que l'employeur a décidé que l'entreprise ne deviendra pas publique. Avec quelques autres cadres de l'entreprise, le plaignant recevra plutôt un prêt de 100 000 $ qu'il n'aura pas à rembourser, puisqu'il est garanti par le bloc d'achat d'actions. [100] Puis, l'employeur crée un programme incitatif quinquennal en 2004. Le plaignant comprend que ce programme comporte deux volets. Le premier volet, un salaire de 200 000 $ accompagné d'un boni de 250 000 $ à un million de dollars qui doit être versé selon la performance et la rentabilité de l'entreprise, le second volet, un bloc de 150 000 actions (« restricted stock shares »). Monsieur Udofia lui aurait dit que ces actions avaient une valeur immédiate. [101] Ce dernier dira qu'il a bien été question d'un bloc d'actions dans le cadre des discussions qu'il a eues avec le plaignant, mais que l'employeur a finalement renoncé à cette formule. [102] En octobre 2006, le plaignant désire encaisser une partie des actions qu'il croit détenir pour aider sa sœur gravement malade au Chili. Monsieur Shiller lui aurait dit que ces actions ne valaient rien. Du témoignage de monsieur Udofia, la Commission comprend plutôt que l'entreprise a décidé de ne pas émettre ce type d'actions. [103] Dans un cas comme dans l'autre, le résultat est le même pour le plaignant puisqu'il n'a rien. [104] Pour une deuxième fois, le plaignant a été placé devant le fait accompli. La Commission retient de la preuve que les discussions entre monsieur Udofia et le plaignant en 2004 avaient établi que celui-ci recevrait un salaire majoré et un boni sur cinq ans (le premier volet). Les témoignages sont contradictoires quant à savoir si le plaignant avait reçu des garanties en regard des actions (le second volet), mais une chose est sûre, c'est qu'elles ont fait l'objet de discussions avec monsieur Udofia afin d'améliorer sa rémunération. [105] L'employeur, pour des considérations peut-être valables, n'a pas émis d'action. Il est quand même étonnant qu'entre 2004 et octobre 2006, le plaignant n'en ait pas été informé. [106] Cette décision de l'employeur constitue une deuxième modification unilatérale de ses conditions de travail. Bien que la preuve n'ait pas quantifié le montant de cet avantage auquel il croyait avoir droit, le plaignant s'est retrouvé devant rien. [107] Peu de temps après, l'employeur lui consent, en novembre 2006, un prêt de 35 000 $ qui s'ajoute à celui de 100 000 $ qu’il lui avait déjà consenti en 2004. 2e période – la direction de l'usine de montréal [108] Monsieur Shiller relate que vers la fin de 2006 ou au début de 2007, le plaignant lui confie qu'il entendait prendre sa retraite à la fin du programme quinquennal incitatif, soit la fin de janvier 2010. Le plaignant désirait partager sa vie entre le Québec et le Chili, son pays d'origine, pour y cultiver et vendre du vin. [109] Sans contredire monsieur Shiller, le plaignant nuance grandement ces propos. Il reconnaît aimer le vin et surtout la culture du vin. Il est d'origine chilienne et il a toujours rêvé d'avoir des projets en ce sens. Il ne s'en est jamais caché et il en a parlé à tous ceux qu'il côtoyait. C'est particulièrement le cas avec les cadres en formation Antoine Filion et Stéphane Benoit. [110] Cela dit, il n'a jamais fixé de terme à son départ. Au contraire, lorsque l'employeur lui consent le prêt de 35 000 $, il écrit à ce dernier qu'il entend continuer à le servir (« to continue to serve BTG in the foreseeable future »). [111] À la même époque, le plaignant relate que monsieur Shiller lui demande d'aller occuper le poste de directeur de l'usine de fabrication de Montréal. Sans entrer dans les détails, il n'est pas contesté que l'équipe en place qui assumait la direction à l'usine avait échoué à atteindre les objectifs fixés. Il lui demandait également de préparer une relève pour la direction de cette usine. [112] Du témoignage de monsieur Shiller, le plaignant aurait accepté de bonne grâce la mutation proposée. Le poste de directeur d'usine constituait en quelque sorte un pont ou une transition entre la carrière du plaignant aux technologies de l'information et celle future de viticulteur. Le plaignant débute à titre de directeur à l'usine de Montréal au début de juillet 2007. [113] L'employeur cristallise ce moment en disant que c'est à compter de l'acceptation par le plaignant d'assumer la direction de l'usine que son contrat de travail s'est transformé de contrat à durée indéterminée à celui de contrat à durée déterminée. Concrètement, le nouveau contrat de travail débutait au premier jour de travail à l'usine et se terminait au jour où la relève serait prête à assumer la direction de l'usine. [114] La Commission ne peut suivre l'employeur sur cette voie. [115] Le Code civil du Québec précise les modalités de la transformation d'un contrat à durée déterminée à celui de contrat à durée indéterminée : 2090. Le contrat de travail est reconduit tacitement pour une durée indéterminée lorsque, après l'arrivée du terme, le salarié continue d'effectuer son travail durant cinq jours, sans opposition de la part de l'employeur. [116] Bien sûr, il est possible que cela se fasse de façon consensuelle également. [117] La loi ne prévoit pas l'inverse. Dans ce cas, une telle transformation estelle possible sans l'accord explicite des deux parties? [118] La Commission doit conclure, à contrario, à la nécessité d'une entente explicite des parties à cet effet. Il n'y a rien de tel dans la présente affaire. [119] Dans l'affaire Lamothe c. J.E. Lortie & Cie ltée, [2003] AZ-50168141 (C.S.), la Cour supérieure écrit : [61] Pour qu'il soit considéré comme un contrat à durée déterminée, le contrat doit contenir des mentions suffisamment explicites pour permettre de conclure qu'il s'agit véritablement de l'intention des parties. Dans certains cas, l'existence de clauses, qui prévoient la possibilité de résilier le contrat en cours d'exercice ou de le renouveler à l'échéance, peuvent en affecter la nature. Il faut aussi distinguer, lorsque c'est nécessaire, la durée de validité du contrat de celle des conditions de travail. [62] Finalement, il importe de noter qu'un tel contrat ne peut se présumer, et que c'est à la partie qui allègue son existence de le prouver. (renvoi omis) [120] Le plaignant a souligné qu'il n'était pas intéressé au poste de directeur d'usine puisque cela lui ferait perdre son expertise dans les technologies de l'information. Jamais cette assertion n'a été contredite. [121] Concrètement, si le plaignant a accepté, c'est parce qu'il n'a pas eu le choix. Il s'est plié à l'insistance de ses supérieurs qui, il faut le dire, ont bonifié sa rémunération. L'entente est écrite dans les termes suivants : June 19, 2007 Dear Roberto, 1. Blinds To Go, Inc. will suspend your obligations to repay your outstanding loan from the company in the amount of $100,000. until February 1, 1010, at which time, assuming that you fulfill your obligations to Blinds To Go, it will forgive the loan together with any accrued interest. We will work with you to minimize the tax impact to that forgiveness and, to the extent that there is personal tax liability (after allowable deductions), then we will pay you a bonus equal to the federal and provincial income taxes that you are required to pay. In consideration of the above, you have agreed to relinquish all rights to any past, stock options, grants or stock rights in Blinds To Go Inc. whether or not they have already been granted or were to be granted sometime in the future. 2. You will spend 9–12 months in our Plant in Montreal in a leadership capacity under the direction of Nkere and Stephen commencing July 01, 2007. You will also lend support, on an as needed basis, to the Information Systems Department in the Store Support Centers in Canada and U.S. Afterwards, you will return to the Montreal Store Support Centre in previous role in Information Systems. 3. You will continue to participate in the 5-year bonus program where you wille earn ¼% of EBITDA of Blinds To Go. The 5-year plan commenced on February 1, 2005 and will end on January 30, 2010 and has a floor of $250,000 and ceiling of $1 million. There will be annual payouts based on then-current earnings and a final calculation will be determined at year-end January 30, 2010. 4. You have advised Blinds To Go of your intention to terminate your employment relationship with Blinds to Go as of January 31, 2010 but give Blinds To Go the right to retain you as a consultant thereafter during the 6 months of the year when you are not in Chile (but reachable during the other 6 months of year while you are living in Chile.) Terms and conditions of such retention will be discussed at the appropriate time (convenient to both you and Blinds To Go). As always we look forward to working with you in the future. Sincerely, Stephen Shiller, President Blinds To Go Inc. (reproduit tel quel) [122] L'une de ces considérations relatives à son acceptation, la deuxième, prévoit que son affectation à la direction de l'usine durera de neuf à douze mois. Il y restera jusqu'à la fin de son emploi, mais cela ne change rien quant à son intention originelle qui était de revenir à terme dans son poste de directeur des technologies de l'information. Cela corrobore son point de vue selon lequel ce poste valait beaucoup plus sur le marché que celui d'un directeur d'usine. [123] Jusqu'ici, il n'y a rien qui convainc la Commission de l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée. [124] La dernière considération à la mutation du plaignant pourrait soutenir la position de l'employeur, puisque le document prévoit la fin d'emploi pour le 31 janvier 2010. Il prévoit également une prolongation possible d'une relation contractuelle, mais pas sous la forme d'un contrat de travail. [125] Si tant est que le contrat originel du plaignant se soit transformé en contrat à durée déterminée, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas resté sous cette forme puisqu'il s'est prolongé jusqu'au 25 février 2012, date de la fin d'emploi du plaignant. Celle-ci va bien au-delà des cinq jours qui, selon les termes de l'article 2090 du Code civil, transforment un contrat de travail à durée déterminée en celui d'un contrat à durée indéterminée. [126] Quant à la partie du témoignage de monsieur Richard Shiller, relativement à la confection du document et aux échanges qu'il a eus avec le plaignant, la Commission ne le retient pas. [127] D'une part, le plaignant affirme n'avoir jamais traité avec Richard Shiller en ce qui a trait à ses conditions de travail, cela se faisait avec monsieur Shiller (Stephen) et monsieur Udofia. Cette affirmation est corroborée par toute la preuve documentaire déposée par les parties dans la présente affaire. Richard Shiller est toujours absent de cette correspondance, même dans celle où il aurait joué un rôle en rencontrant le plaignant, afin de lui présenter les projets que son frère lui avait demandé de préparer. [128] La Commission conclut à l'inexistence d'un contrat à durée déterminée. [129] La mutation du plaignant du poste de directeur des technologies de l'information à celui de directeur d'usine constitue une nouvelle modification de ses conditions de travail. Là encore, celle-ci a été accompagnée d'un ajustement dans la rémunération. 3e Période – Les voyages au Chili [130] Le 20 juin 2008, le plaignant écrit à monsieur Shiller pour lui dire que son mandat à titre de directeur d'usine était rempli et manifeste son désir de reprendre son poste de directeur aux technologies de l'information. [131] Monsieur Shiller lui fait comprendre qu'il a toujours besoin de lui à l'usine. Dans les faits, les cadres qui étaient en formation à ce moment ne répondront pas aux attentes et ne seront pas en mesure d'assumer la relève. Le plaignant devra en former d'autres, ce qui nécessite qu'il continue à diriger l'usine. [132] Le plaignant apprend également que celui qui occupe son ancien poste aux technologies de l'information, monsieur Barot, a été transféré aux États-Unis, bien que le service informatique soit resté à Montréal. [133] Dans les faits, le contrat de travail du plaignant a continuellement évolué. Avant même son arrivée en 1999, lorsque l'employeur lui attribue le titre de directeur plutôt qu'un poste de vice-président, on peut déjà constater l'existence d'une modification de ses conditions de travail. [134] Lorsque l'employeur transforme en prêt, la perte pour le plaignant de ses options d'achat d'actions et, plus tard, de ses actions, l'employeur modifie ses conditions de travail. [135] En juillet 2007, lorsqu'il assume la direction de l'usine, il y a encore une modification de ses conditions de travail. Ici, on pourrait même se poser la question à savoir s'il s'agit ou non d'une modification substantielle de ses conditions de travail considérant l'importance du changement et, surtout, l'impact que cela a sur son cheminement professionnel. [136] Dans l'affaire Lessard c. Ministère des Transports, 2013 QCCRT 0598, la Commission écrit : [20] La jurisprudence de la Commission des relations du travail reconnaît en effet qu’un salarié peut être victime d’un congédiement déguisé, même en l’absence de rupture du lien d’emploi. La décision Brault c. Commission scolaire des Navigateurs, 2010 QCCRT 0570, en est une illustration : [67] Il est bien établi que le fait pour un employeur d’imposer unilatéralement et sans motif une modification fondamentale au contrat de travail de son employé constitue une forme de congédiement déguisé. [68] La Cour suprême définit ce concept dans l’arrêt Farber c. Cie Royal Trust [1997] 1 R.C.S. 846, de la façon suivante : Lorsqu’un employeur décide unilatéralement de modifier de façon substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé et que celui-ci n’accepte pas ces modifications et quitte son emploi, son départ constitue non pas une démission, mais un congédiement. Vu l’absence de congédiement formel de la part de l’employeur, on qualifie cette situation de «congédiement déguisé». En effet, en voulant de manière unilatérale modifier substantiellement les conditions essentielles du contrat d’emploi, l’employeur cesse de respecter ses obligations; il se trouve donc à dénoncer ce contrat [...]. [69] Depuis la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Joyal c. Hôpital du Christ-Roi [1997] R.J.Q.38, il n’est pas nécessaire que le salarié abandonne son emploi, il suffit qu’il ait manifesté son refus des modifications décidées par l’employeur. [70] Or, ce ne sont pas toutes les modifications imposées par l’employeur qui sont susceptibles de constituer un congédiement déguisé. Il faut également que cette modification affecte les conditions essentielles de contrat de travail. [71] En effet, comme le confirme la décision Farber précitée, des changements à la situation de travail du salarié peuvent être explicitement ou implicitement permis par le contrat de travail. C’est le cas, en autres, des modifications qui découlent de l’exercice légitime des droits de direction de l’employeur: Par contre, l’employeur peut faire toutes les modifications à la situation de son employé qui lui sont permises par le contrat, notamment dans le cadre de son pouvoir de direction. D’ailleurs, ces modifications à la situation de l’employé ne constitueront pas des modifications du contrat de travail, mais bien des applications de ce dernier. Cette marge de manœuvre sera plus ou moins grande selon ce qui a été entendu entre les parties lors de la formation du contrat. [137] Ce ne sont pas toutes les modifications au contrat de travail qui sont susceptibles de constituer un congédiement déguisé. Pour être considérées comme telles, les modifications ne doivent pas être permises par le contrat de travail, elles doivent être substantielles et, bien sûr, refusées par le salarié. Refuser une modification ne veut pas dire que le plaignant doit rompre son lien d'emploi. Il pouvait rester en poste et refuser la modification ou encore déposer une plainte à la Commission. [138] Cela dit, le plaignant a accepté les changements concernant son titre d'emploi, la modification de sa rémunération et sa mutation à l'usine de Montréal. Jusqu'ici, il n'a jamais refusé formellement les modifications apportées à ses conditions de travail. En tenant compte de son rapport de force limité, il a plutôt conclu qu'il était préférable de négocier ces modifications. Donc, même si, objectivement, l'une ou la somme des modifications subies depuis son entrée en fonction pourraient avoir constitué une modification substantielle de ses conditions de travail, son acceptation ne permet pas d'identifier l'existence d'une telle modification. [139] En mars 2009, le plaignant est conscient que ses chances de récupérer son poste de directeur des technologies de l'information sont minces, voire inexistantes. Il prend également conscience qu'il est en train de perdre son expertise en informatique. Il tente alors de se repositionner au sein de l'entreprise. [140] Le plaignant fait le raisonnement suivant : il ne peut récupérer son poste aux technologies de l'information, il perd son expertise dans ce domaine et il perdra éventuellement son poste à l'usine lorsque la relève sera prête ou, à tout le moins, on devra reconsidérer son rôle dans l'organisation. Il mise sur la seule carte qu'il détient réellement dans son jeu : il offre un bon rendement, il est plutôt bien perçu par la direction et, surtout, on compte sur lui pour former la relève à l'usine. [141] Le 31 mars 2009, il écrit à l'employeur qu'il entend se rendre au Chili deux fois par année à compter de 2010, afin de réaliser certains projets. Dans le courriel, il indique également à monsieur Shiller qu'il est toujours intéressé à reprendre son poste aux technologies de l'information et qu'il reste ouvert, à plus long terme, à une relation contractuelle qui pourrait prendre diverses formes (« mandate », « consulting fees », « linking up while away », etc.). [142] La Commission interprète ce geste du plaignant comme une volonté de modifier ses conditions de travail. Ici, pour la première fois, cette demande de modification des conditions de travail relève de son initiative. [143] Il ressort de la preuve que monsieur Shiller et le plaignant se sont rencontrés au cours du mois d'avril 2009 et ils ont conclu une entente. Celle-ci portait autant sur les absences du plaignant que sur son rôle dans l'organisation. [144] Pour la Commission, il est clair que l'entente prévoyait que le plaignant pourrait s'absenter deux fois par année pour les trois prochaines années, soit les années 2010 à 2012. Par après, il était entendu que cela ferait l'objet de négociations. En retour, le plaignant devait continuer à assurer la direction de l'usine et s'engageait à former une relève. Le plaignant continuait à recevoir son plein salaire. [145] À la suite de cette entente, le plaignant s'absente, deux fois six semaines, en 2010. Il tente alors d'acheter des terres et de jeter les bases de relations d'affaires. [146] Au début 2011, le plaignant prévient monsieur Shiller qu'il s'absentera deux fois neuf semaines. Le 17 février 2011, monsieur Shiller écrit au plaignant pour lui dire qu'il y avait effectivement une entente entre eux (« a deal is a deal »), mais qu'il croyait que ses absences pour 2011 ne seraient que de six semaines. [147] Le même jour, le plaignant lui rappelle que sa demande initiale portait à terme sur une absence de six mois par année et réitère son offre d'une entente future de type « consultant ». [148] Au printemps 2011, le plaignant s'absente neuf semaines. Il tente encore de jeter les bases d'une relation d'affaires. Il s'absente également à l'automne 2011 où il s'engage dans une relation d'affaires avec des partenaires. Il y prend des engagements. [149] En juillet 2011, le plaignant se plaint de ne pas recevoir le paiement de ses allocations de dépenses. Il s'adresse à la comptabilité qui lui répond avoir besoin d'une autorisation de monsieur Shiller. Le plaignant s'adresse à ce dernier pour être finalement payé en août. [150] Le 1er novembre 2011, monsieur Shiller rencontre le plaignant. Selon la version de ce dernier, monsieur Shiller lui aurait demandé de démissionner et d'agir dorénavant à titre de consultant. Le plaignant aurait répondu être ouvert à une telle proposition, mais il exige des garanties écrites. [151] De son côté, monsieur Shiller nie avoir demandé au plaignant de démissionner et d'agir à titre de consultant. [152] Selon le plaignant, une rencontre se serait tenue le 2 décembre 2011. Les positions respectives des parties auraient été les mêmes qu'au 1 er novembre 2011. 4e Période – La fin d'emploi Le harcèlement psychologique [153] Le 9 décembre 2011, monsieur Shiller écrit au plaignant : I spoke to Nkere. Would you like to come in Monday . Jeans is ok. (reproduit tel quel) [154] Le plaignant infère de cet écrit que monsieur Shiller a voulu l'humilier parce qu'il lui demandait de se présenter à l'usine en jeans. Dans les faits, le plaignant n'a jamais porté de jeans de sa vie. À cette accusation, monsieur Shiller répond que le lundi était le jour de congé du plaignant et qu'il le dispensait de se présenter à l'usine en complet cravate. [155] D'abord, la preuve ne révèle pas que monsieur Shiller savait que le plaignant ne portait jamais de jeans. Il savait cependant que le plaignant portait toujours une tenue soignée. À la limite, la Commission peut reconnaître une indélicatesse, un manque de tact, mais la Commission n'y voit pas de geste humiliant qui pourrait s'assimiler à du harcèlement. [156] Le 13 décembre 2011, le plaignant écrit à monsieur Shiller parce qu'il veut le voir ou lui parler. On convient d'une communication en soirée. Monsieur Shiller écrit : Yes perfect. Call me on my cell. I thought you said you were going in to the plant today to pick up your things. Anyways, if you are there for the day it is good for you to talk to Stephane and Antoine and anyone else and I would appreciate it if you give them your home number and cell so they can reach you with any questions. Also I don't know if there are any procedures you need to tell finance regarding year end but if there is, please talk to Felecia and Luc and send an email with anything else you think they need to know. (reproduit tel quel, à l’exception du soulignement ajouté) [157] Le plaignant infère un geste d'humiliation de la part de l'employeur qui lui demande de venir récupérer ses effets personnels. À son avis, le texte suggère également une demande implicite de démission ou un avis de congédiement. [158] La Commission reconnaît que l’expression « you were going in to the plant today to pick up your things » du paragraphe susmentionné est déroutante, puisque le contexte ne permet pas de lui donner un sens précis. Sans qualificatif qui précède comme l’expression du genre « get out », la Commission ne peut suivre le plaignant. Ce n’est probablement pas sympathique, mais du point de vue d’une personne raisonnable ce n’est pas du harcèlement. [159] Le 15 décembre 2011, monsieur Shiller exprime la position de l'employeur en regard du statut du plaignant dans l'entreprise. Il écrit : [ ] So we concluded with you a special arrangement that would allow us to grow someone in the IT department into a leadership position, would give you a leadership position in the plant on an interim basis, and allow you to pursue your personal project in Chile while assisting us in the transition. We both agreed that this would be beneficial to both you and us. It was a very generous arrangement both in time and money and nobody else in the company benefited from something similar. It was always understood between us that this was a temporary measure that would end when our resources were in place to carry forward which you agreed made the most sense. The position that you held was not a part-time position that could tolerate your paid absence for weeks and weeks at a time- we did this to accomodate you because you were helping us. If you consider yourself an employee of BTG, then you have to agree to act like a responsible employee of BTG– Roberto, I never asked you to leave– that was your idea– if you want to continue working, we have full time positions available for you to fill. Il you do not wish to work full time, either to work on your winery or for any other reason, then you should do the honorable thing and simply resign. I feel like you want to leave but you just want to take some money from the company on the way out– I don't think that is fair or reasonable. […] (reproduit tel quel) [160] De cet extrait, il ressort que monsieur Shiller reconnaît l'existence d'une entente conclue avec le plaignant. Il est implicite que cette entente comportait des absences en retour desquelles le plaignant devait assurer la direction de l'usine et former une relève. [161] Il ressort clairement de sa compréhension que cette entente avait une portée temporaire et qu'elle avait pris fin. Sur ce dernier point, il prend la peine d'indiquer au plaignant que des emplois à temps plein l'attendaient. Cela ne posait pas de problème. [162] Le lendemain, le plaignant lui répond en réitérant sa position. Il rappelle la conclusion d'une entente en avril 2009 relativement à des absences. Celle-ci prévoyait qu'il resterait au service de l'employeur à titre de salarié. Cette entente tenait pour les années 2010 à 2012. Par la suite, des négociations devaient se tenir à nouveau. [163] Pour la Commission, il est évident que l'entente d'avril 2009 avait une portée de trois ans et qu'elle était renouvelable. Cela de l'aveu même de monsieur Shiller. Ce dernier écrit le 31 octobre 2011 : Hi Roberto great to hear from you. welcome back. thought it would be useful to meet tomorrow and discuss the future …what you see happening in Chile and your required absence from the plant over the next year or two .Can we meet at the office on st. joseph at 11 tomorrow before you going to the plant ? (reproduit tel quel, à l’exception du soulignement ajouté) [164] Pourtant, monsieur Shiller écrit le 16 décembre 2011, soit moins de sept semaines plus tard : Roberto, (…) If our business was able to withstand your absence for many weeks at a time for a while, that is no longer the case and you can consider this note as formal notice of that. Our needs have changed and you have to adapt, just like any other employee of BTG. I don't agree that taking 18 weeks off a year is a «term of employment» because il was the result of a special, temporary arrangement. Even so, as I am sure your lawyer will tell you, any term of employment can be modified with proper notice. The position that you can assume within the company is a full time leadership position in any of the 3 aeras we discussed. Your stature, salary and benefits remain unchanged but obviously any of these leadership positions requires you full time presence at work. Il am prepared to discuss an extended leave for several weeks to accomodate you in the short term, but after that, you will have to accept that the needs of your business require your full time attention. That is the long and short of it Roberto. At least, your note is clear- you want severance before discussing anything. Firstly, there is no obligation to pay severance in the Province of Quebec (notice of termination is sufficient); secondly, this is especially so when a person has not been dismissed. (…) Please let me know your decision no later than Monday at 5:00. (reproduit tel quel) [165] Dans ce courriel, monsieur Shiller réitère ce qu'il avait écrit la veille au plaignant. Il pouvait mettre fin à cette entente en offrant un délai raisonnable. Il se dit ouvert à discuter d'une dernière absence de quelques semaines, après quoi le plaignant devra accepter de reprendre le travail à temps plein. Enfin, il interprète les propos du plaignant comme une demande de délai-congé. [166] De son côté, le plaignant interprète mal l'ouverture que lui fait monsieur Shiller lorsque ce dernier accepte de discuter d'une absence pour une période de quelques semaines en 2012. En écrivant qu'il entendait s'absenter du 28 février au 22 mai 2012, monsieur Shiller considère en effet cette réponse comme de l'insubordination. Il lui répond d'ailleurs que s'il devait s'absenter pour cette période, il considérerait le geste comme un abandon de poste. [167] Il y aura d'autres échanges par la suite, mais ils tourneront à vide. Le 5 mars 2012, l'employeur avise le plaignant qu'il a mis fin à son emploi, rétroactivement au 25 février 2012, parce qu'il avait abandonné son poste. [168] Le 30 mars 2012, le plaignant dépose une demande d'assurance-emploi qui sera contestée par l'employeur. Ce dernier a soutenu que le plaignant n'avait pas été congédié, mais avait abandonné son poste. [169] La demande initiale du plaignant est rejetée. Il a fait appel, mais la décision est réformée lors d'une révision à l'interne. L'employeur a fait appel de cette décision, mais il s'est désisté quatre jours avant l'audience. [170] Il ne fait pas de doute que l'employeur a fait la vie dure au plaignant. Cela dit, l'employeur est constant dans ses propos : le plaignant n'a jamais été congédié, il a plutôt abandonné son emploi. C'est la position que l'employeur a maintenue constamment. [171] L'employeur est tenace, voire rancunier, mais ce geste et les précédents ne peuvent être assimilés à du harcèlement du point de vue d'une personne raisonnable. Dans les faits, l'employeur défend son point de vue. La cause juste et suffisante L'abandon d'emploi ou la démission [172] Pour les motifs précités, la Commission a déjà rejeté la position de l'employeur selon laquelle, la fin d'emploi du plaignant correspondait à l'arrivée à terme d'un contrat à durée déterminée. Le 25 février 2012, le plaignant détenait un contrat à durée indéterminée. [173] Dans l'affaire Bouffard c. S. Rossy inc., 2006 QCCRT 0077, la Commission écrit : [17] Lorsqu’il s’agit de déterminer la survenance ou l’existence d’une démission, les principes applicables sont clairement établis par la doctrine et la jurisprudence : « La jurisprudence arbitrale majoritaire est à l’effet que l’employeur doit supporter le fardeau de la preuve de la démission du salarié.L’arbitre Marie-France Bich écrivait ainsi dans l’affaire Turpin c. Le Château de l’Aéroport : C’est donc ultimement à l’employeur que devrait revenir le fardeau de persuader l’arbitre que le salarié a démissionné, et non au salarié de démissionné. démontrer qu’il n’a pas L’arbitre devra conclure en un congédiement déguisé, en l’absence d’une preuve manifeste de l’intention du salarié de laisser son emploi. En effet, la démission a un caractère purement personnel qu’exprime bien l’affaire K-Mart du Canada Ltée c. Côté : Un abandon d’emploi ou un départ volontaire est quelque chose qui se vit personnellement. L’intention de quitter son poste ou son emploi doit être manifeste. Le geste qui exprime une démission s’inscrit dans un contexte volontaire, libre, certain et définitif. MM. D’Aoust, Leclerc et Trudeau ont dégagé la nécessité d’une double volonté, pour conclure à la démission : Pour que la démission soit valable, il faut que deux éléments soient réunis : d’une part, on doit retrouver une intention (volonté interne) et d’autre part, des actes positifs (volonté déclarée). Pour que l’on puisse conclure à la démission, les actes positifs du salarié doivent démontrer une volonté ferme d’abandonner définitivement son emploi. Si les gestes posés révèlent une intention de continuer, sur une autre forme, la relation avec l’employeur, on ne pourra soutenir qu’il y a démission. La volonté interne du salarié doit s’exprimer par un consentement libre et éclairé. Ainsi, refusera-t-on de conclure à la démission si le geste posé par le salarié fut irréfléchi ou si l’ensemble des circonstances ne permet pas de conclure à une décision ferme de rompre la relation de travail. L’arbitre Jean-Pierre Lussier a dégagé dans l’affaire Savard c. M.B. Data Processing une série de règles applicables en matière de démission : A) Toute démission comporte à la fois un élément objectif et subjectif; […] B) La démission est un droit qui appartient à l’employé et non à l’employeur. Elle doit donc être volontaire; […] C) La démission s’apprécie différemment selon que l’intention de démissionner est ou non exprimée; […] D) L’intention de démissionner ne se présume que si la conduite de l’employé est incompatible avec une autre interprétation; […] E) L’expression de son intention de démission n’est pas nécessairement concluante quant à la véritable intention de l’employé; […] F) En cas d’ambiguïté, la jurisprudence refuse généralement de conclure à une démission; […] G) La conduite antérieure et ultérieure des parties constitue un élément pertinent dans l’appréciation de l’existence d’une démission. Ces différents principes dénotent l’extrême prudence des arbitres à conclure à une démission valide. » (références omises) [174] D'abord, la jurisprudence établit clairement que le fardeau de preuve revient à l'employeur. C'est à lui de démontrer l'existence d'un abandon volontaire ou d'une démission. [175] Bien qu'il ressorte de la preuve que l'employeur n'a jamais utilisé le mot «congédiement», le courriel du 5 mars 2012 de monsieur Shiller l'indique : «It is unfortunate that you have ignored my specific request that you remain at work. In the circumstances, I have no choice but to note that you have abandoned your employment with Blinds to Go, effective Saturday, February 25, 2012». La Commission interprète ces propos comme une fin d'emploi prise à l'initiative de l'employeur. On est bien loin d'une démission ou d'un abandon d'emploi. [176] De plus, jamais le plaignant n'a manifesté l'intention de démissionner ou d'abandonner son emploi. Certes, lors de conversations de nature privée, il a fait part aux cadres qu'il formait à l'usine, messieurs Filion et Benoit, de ses rêves et projets à long terme. Il ne fait pas de doute qu'à ce moment, le plaignant leur a fait part de son projet d'exploiter un jour un vignoble au Chili. [177] Cela dit, il faut donner aux projets, dont a fait part le plaignant à messieurs Filion et Benoit, ainsi qu'à Richard Shiller, leur portée réelle. La preuve non contredite, c'est que le plaignant ne possède pas de vignoble au Chili et il n'en exploite pas non plus. Ce que la preuve révèle, c'est que le plaignant s'est rendu au Chili à plusieurs reprises, afin de développer des occasions d'affaires. Point à la ligne. [178] La preuve révèle également que ces personnes ne sont pas des interlocuteurs du plaignant. Ils ne savent rien des négociations qui se sont déroulées entre ce dernier et la direction de l'entreprise. Ils ne savent rien des ententes qui ont été conclues avec l'employeur. [179] Le comportement antérieur des parties reste le meilleur indice dans cette affaire, afin de décider de l'existence ou non d'une démission. [180] La Commission a déjà abordé la question de l'évolution du contrat de travail du plaignant. La preuve révèle que le plaignant a vécu de nombreuses modifications de ses conditions de travail dans le passé. [181] Sa stratégie a toujours été celle de négocier afin d'en arriver à un accord avec l'employeur. Et cela a fonctionné jusqu'à son retour du Chili au mois d'octobre 2011. [182] Le comportement du plaignant à ce moment est en tout point conforme à ce qu'il était lorsqu'il négociait ses conditions de travail dans le passé. [183] C'est l'employeur qui a changé son approche en optant pour une stratégie plus autoritaire et, surtout, en modifiant sa position à plusieurs reprises sur une courte période. [184] Il revenait à l'employeur de démontrer l'existence d'une démission ou d'un abandon d'emploi. Il a échoué. Une modification substantielle des conditions de travail équivalant à un congédiement déguisé [185] La preuve révèle qu'une entente est intervenue entre l'employeur et le plaignant portant sur les absences de ce dernier, à raison de deux fois par année à compter de 2010. La Commission retient que l'entente prévoyait un cadre assez précis pour les trois premières années et que, par la suite, les modalités devaient être renégociées selon les besoins des parties. [186] De plus, il ressort de cette entente que le plaignant devait poursuivre son travail à titre de salarié, l'employeur refusant l'option d'une relation de consultant. En contrepartie, le plaignant devait continuer à assurer la direction de l'usine et s'engageait à former la relève. [187] Le plaignant s'est absenté à deux reprises en 2010 et en 2011. Selon les termes de l'entente, il pouvait s'absenter également à deux reprises pendant l'année 2012. [188] Toutefois, dès le retour du plaignant au printemps 2011, l'employeur remet en question l'entente d'avril 2009, puisque monsieur Shiller trouve qu'une absence de neuf semaines est trop longue. À compter de novembre 2011, il reviendra à la charge à plusieurs reprises, afin de dénoncer cette entente et y mettre fin. [189] La Commission a déjà indiqué que ce ne sont pas toutes les modifications au contrat de travail qui sont susceptibles de constituer un congédiement déguisé. Pour être considérées comme telles, les modifications ne doivent pas être permises par le contrat de travail, elles doivent être substantielles et refusées par le salarié. [190] La Commission ne s'étendra pas longtemps afin de déterminer si les modifications au contrat de travail étaient substantielles. Il y a d'abord une admission implicite des parties à cet effet. Le plaignant soutient qu'il a subi un congédiement déguisé consécutif à une modification substantielle de ses conditions de travail. De son côté, l'employeur soutient, et son procureur l'a répété à plusieurs reprises, que les conditions d'emploi du plaignant étaient exorbitantes en regard des autres employés de l'entreprise. [191] Il est évident que l'employeur a modifié de façon substantielle les conditions de travail du plaignant en mettant fin à l'entente conclue en avril 2009. [192] Il s'agit maintenant de déterminer si ces modifications étaient autorisées par le contrat de travail et, sur ce point, la jurisprudence indique qu'on doit alors se référer à ce qui a été entendu entre les parties lors de la formation du contrat. [193] Il n'y a pas de doute que la Commission doit prendre en compte ce qui a été entendu entre les parties à l'origine. Toutefois, ce principe doit faire l'objet des adaptations nécessaires considérant l'évolution, voire la transformation du contrat de travail au fil des ans. Celui-ci a vraiment beaucoup changé entre 1999 et 2007. [194] Il est inutile de les reprendre une à une, sinon pour dire que le plaignant les a négociées durement. Cela dit, et la Commission y reviendra, le plaignant les a acceptées. [195] Enfin, en avril 2009, une nouvelle entente survient prévoyant les absences du plaignant pour une durée limitée pendant au moins trois ans, deux fois par année. Le plaignant s'absentera effectivement de son travail en 2010 et 2011. Avant que le plaignant puisse se rendre au Chili, en 2012, l'employeur met fin à cette entente. [196] Pour la Commission, il est évident que le contrat de travail tel qu'il avait évolué pendant des années n'autorisait pas l'employeur à en changer unilatéralement les conditions, puisque le plaignant, cette fois-ci, les a refusées. Ces conditions de travail résultaient clairement des discussions, négociations, tractations et compromis que les parties ont menés et consentis au fil des ans et plus particulièrement en mars et avril 2009. Non seulement, cette modification n'était pas autorisée par le contrat, mais elle était à ce point substantielle, en ce sens qu'elle dénaturait complètement l'entente de 2009. Elle équivalait à un congédiement déguisé. [197] Cela dit, même s'il n'est probablement pas nécessaire d'aller plus loin dans l'étude du présent dossier, la Commission juge pertinent de glisser un mot sur les motifs des parties à la base de leur position respective. [198] Pour le plaignant, son refus d'accepter les nouvelles conditions de l'employeur s'explique d'emblée. Il s'était engagé depuis quelques années à l'endroit de partenaires d'affaires au Chili. Il devait les revoir au printemps 2012, pour faire avancer les choses. Il ne pouvait pas faire autrement au risque de perdre toute crédibilité. [199] Il est beaucoup plus difficile d'identifier précisément les motifs de l'employeur à la base de sa décision de modifier les conditions de travail du plaignant. Encore, en octobre 2011, lors du retour du plaignant de son voyage, monsieur Shiller semblait bien disposé à son endroit. C'est vrai, même s'il avait commencé en février 2011 à faire pression sur le plaignant pour modifier certains paramètres de l'entente. La preuve révèle qu'il tardait à payer les allocations de dépenses du plaignant. [200] Réellement, la seule chose qui a changé entre octobre 2011 et le début de l'escalade de l'employeur, c'est la confirmation par le plaignant que la relève était prête à assumer la direction de l'usine de Montréal. [201] Il n'y a rien d'autre qui puisse expliquer le changement de cap de l'employeur. [202] Mettre fin à l'emploi du plaignant, parce que la relève est maintenant prête, ne constitue pas une cause juste et suffisante au sens de l'article 124 de la LNT. Ici, il n'est pas question de difficultés financières, de manque de travail ou encore de suppression de poste. Sur ce dernier point, la Commission rappelle que le poste de directeur des technologies de l'information et celui de directeur d'usine existent toujours. En plus, monsieur Shiller indique au plaignant dans son courriel du 15 décembre 2011:« We have full time positions available for you to fill. » En résumé, ce n'est pas le travail qui manque. [203] La plainte selon l'article 124 de la LNT est accueillie. La demande de réintégration [204] Dans sa plaidoirie, le plaignant a demandé la réintégration. L'employeur n'a pas répliqué à cette position. La Commission en déduit que les deux parties conviennent de la réintégration. [205] Malgré cet accord implicite des parties, la Commission conclut plutôt que la réintégration est impossible aux torts de l'employeur. Il devra donc assumer les coûts relatifs à une non-réintégration. [206] La Commission justifie la non-réintégration par le constat de la perte du lien de confiance entre l’employeur, plus particulièrement son président monsieur Shiller, et le plaignant. [207] Il est clair qu’à compter du mois de novembre 2011, les relations entre les deux hommes se sont détériorées irrémédiablement. Les courriels de l’employeur ne mentent pas. Pour celui-ci, le plaignant voulait exercer une forme de chantage, afin d’obtenir une indemnité de départ. [208] Pour la Commission, il est évident que l’employeur a répliqué en faisant pression sur le plaignant pour qu’il démissionne. Le manque de tact et l’indélicatesse de l’employeur ne constituent peut-être pas du harcèlement, mais ils ont été une source de problèmes pour le plaignant. Ils ont miné sa santé. [209] Enfin, il y a lieu de reprendre un incident regrettable qui s’est produit vers la fin de l’instruction. Pendant que le plaignant témoignait, monsieur Shiller lui a dit : « You are a liar. » Le plaignant s’est alors levé et la Commission a dû lui demander de s’asseoir. [210] En s’exprimant de cette façon, même si cela a dépassé sa pensée, l’employeur a fait son lit. Cet incident exclut d’emblée la réintégration. [211] Dans l'affaire Carrier c. Mittal Canada inc., 2014 QCCA 679, la Cour d'appel écrit : [129] En fait, selon une jurisprudence constante, avalisée par notre cour dès 1985, la réintégration est le remède normal en cas de congédiement sans cause juste et suffisante. C’est l’objectif même du recours prévu par les articles 124 et s. L.n.t. – on pourrait même dire sa raison d’être – et ce qui le distingue du recours de droit commun. Ce n’est pas seulement que la réintégration peut être ordonnée par la CRT, elle doit l’être, à moins que le salarié y renonce ou que l’employeur ne démontre l’existence d’un obstacle réel et sérieux et l’impossibilité ou l’infaisabilité d’une telle mesure. Certes, la CRT jouit d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, mais d’un pouvoir discrétionnaire bien balisé qui ne peut faire fi du principe de la réintégration. (renvoi omis) [212] La Commission est consciente qu'elle s'écarte de l'affaire Carrier, précitée. Toutefois, la réintégration du plaignant, qui était probablement la personne la plus importante de l'organisation, aurait pour effet de paralyser l'entreprise. Cette réalité s'assimile à une impossibilité et, de ce constat, la Commission écarte le principe de la réintégration, aux torts de l'employeur. EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail REJETTE la plainte de harcèlement psychologique; ACCUEILLE la plainte de congédiement fait sans cause juste et suffisante; ANNULE le congédiement imposé le 25 février 2012; DÉCIDE qu’il n’y a pas lieu de réintégrer Roberto Delgadillo dans son emploi; RÉSERVE sa compétence pour réparation appropriées. déterminer les mesures de __________________________________ BENOÎT MONETTE Me Hélène Bergeron, pour le plaignant DROITRAVAIL INC. Me Patrick L. Benaroche, pour l’intimée STIKEMAN ELLIOTT Date de la dernière audience : 18 juin 2014 /ls