Anri Sala - kareen wilchen

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Anri Sala - kareen wilchen
Nous allons analyser le travail de l'artiste albanais Anri Sala, en prenant comme point
d'ancrage deux de ses expositions, que nous avons eu l'opportunité de voir, ici, à Paris.
"Entre chien et Loup. When the Night Calls it a Day ", qui date de l'année 2004 et qui a
eu lieu dans le Couvent des Cordeliers, dans le cadre d'expositions hors les murs du
Musée d'art Moderne de la Ville de Paris; et son exposition à la Galerie Chantal Crousel
de l’année dernière.
L’œuvre d’Anri Sala peut se comprendre comme un questionnement sur le rapport entre le
cinéma et les arts plastiques. Elle est le croisement de différentes pratiques : vidéo,
photographie, dessin ; la séparation entre documentaire et fiction; l'image temps, le
mouvement, la durée ; le cinéma comme outil pour donner à voir, à contempler, et générer
une réflexion, un questionnement ; l'idée de faire coexister différents niveaux du réel,
différentes temporalités ; le rapport à la perception, et au langage.
-1-
Entre Chien et Loup. When The Night Calls it a Day.
"Entre chien et loup désigne ce moment où, à la tombée du jour, la nuit gagne, et avec
elle, l'indistinct"1. La pénombre, la "presque" ombre, le clair-obscur, une lumière faible,
tamisée, une zone d'ombre, un entre-deux. C'est cela qui est au cœur, pas seulement de
cette exposition, mais du travail d'Anri Sala. Dans cette exposition, cet entre-deux est
présent non seulement dans les cinq films exposés2, mais aussi dans leur mise en scène
dans l'ancien bâtiment du Couvent des Cordeliers. Toutes les frontières étaient brouillées,
l'espace et le temps rendus improbables. "Cette indétermination se densifie de l'expansion
de chaque œuvre dont aucun mur ne vient limiter un espace difficile à apprécier dans et
hors de l'image" nous dit Suzanne Pagé, dans la préface du catalogue de l'exposition, et
elle nous informe plus loin que "cette exposition a fait l'objet d'un long travail d'élaboration
de la part de l'artiste qui a voulu en assumer très minutieusement l'articulation"3 .
Les films ont été presque tous filmés de nuit, sauf Damini i colori qui a été filmé tant de jour
comme de nuit. Nous sommes face à une scénographie obscure, à une succession de
plans sombres. Pour les premiers quatre films, nous pouvons dire que la palette de l'artiste
se limite au noir et blanc, au contraste de lumières. Et puis, dans Damini i colori, qui est la
dernière vidéo présentée dans l'exposition, une explosion de couleurs. Mais dans
l'absence de couleurs des quatre premières vidéos, il y a une mosaïque de petites
nuances, des petits détails qui font la différence. L'artiste nous invite à faire un effort de
perception. Nous devons nous habituer à la pénombre : tout d'abord à la semi-prénombre
de la salle et puis à la pénombre des vidéos. Nos devons faire une mise au point, comme
celle qu'il fait dans la première vidéo de l'exposition, Time after time, quand il choisit de
1
Susanne Pagé dans la préface d'Anri Sala, Entre Chien et Loup. When The Night Calls it a Day, Musée
d'art moderne de la Ville de Paris/ARC, Paris, 2004, p.7
2
Voir le descriptif de l'exposition, dans l'annexe de ce travail, fait par le Musée d'Art Moderne de la Ville de
Paris et l'artiste lui-même.
3
Susanne Pagé, idem.
-2-
nous montrer soit le cheval au bord de l'autoroute, soit les lumières de la ville derrière
l'autoroute. Le cheval, personnage de cette vidéo, est dans un entre-deux, dans un non-lieu.
Et nous sommes aussi entre deux lieux, celui de la salle d'exposition qui nous est familière4
et celui de la vidéo qui nous parle d'une réalité qui nous est étrangère dans sa
quotidienneté. Nous sommes aussi entre deux temps, la lenteur du film, qui se répète en
boucle, et qui annule le temps réel de la scène filmée qui est plutôt de l'ordre de
l'immédiateté, et notre propre temps qui est mis en question par cette lenteur. Il s'agit d'un
plan séquence fixe dans lequel nous voyons un cheval au bord d'une route la nuit, des
voitures passent, des fenêtres s'illuminent dans le bâtiment qui se trouve derrière la route,
Anri Sala trouve avec ce plan, une manière de faire durer un court moment. C'est une
image sans profondeur de champs et floue qu'Anri Sala joue et déjoue, constantement, en
changeant la mise au point : les lumières des voitures se confondent avec celles des
fenêtres derrières l'autoroute, la vidéo devient un tableau abstrait, un jeu de lumières et de
clairs-obscurs. Le son participe aussi à cette déconstruction, comme dit Julia Garimorth : "en
dépit du caractère réaliste, le son ne livre aucun point de repère temporel. Tout comme
l'action à la base du film, il n'a ni début, ni fin. Time after Time décrit un segment minimal
des faits quotidiens de la réalité, qui ne cessent de se répéter"5.
Entre chien et Loup est un passage entre la quotidienneté et l'étrangeté des images,
passage qui nous permet de glisser de la perception au questionnement et donc à la
réflexion. Au simple regard, il n'y a rien de rare dans l'image d'un cheval au milieu d'une
autoroute, mais il suffit d'avoir le temps d'énoncer cette affirmation pour se rendre compte
de son ambiguïté. Pour qui est-il normal de voir un cheval au milieu d'une autoroute ? Ce
4
Familière pour que nous renvoie à notre être ici et maintenant, à notre être présent, mais dans la familiarité
de ce lieu, il y a déjà, un autre lieu, celui de l'histoire qui est enfermé dans les murs du Couvent des
Cordeliers et avec lequel a joue aussi l'artiste. "Ainsi le clair-obscur dans lequel il a décidé de plonger le
Couvent des Cordeliers renvoie-t-il à l'ambiance générale qui imprègne les cinq films vidéo rassemblés, tout
en récréant la pénombre qui s'attache à l'architecture monastique, propice à la méditation" (à l'écoute des
images, Laurence Bossé, op.cit.p.11)
5
Julia Garimorth, "Le temps déployé", dans le catalogue d'Anri Sala, Entre Chien et Loup. When The Night
Calls it a Day, Musée d'art moderne de la Ville de Paris/ARC, Paris, 2004, p.31
-3-
n'est pas le lieu habituel du cheval ? Quel lieu donne l'homme aux animaux ? Quel est le
rapport entre la nature et l'homme ? Quelle place se donne-t-il, l'homme, par rapport à
l'autre ? Nous croyons-nous maîtres de la nature? Le film, relève-t-il, l'incongruité de la
réalité et des images que l'homme s'invente ? Le film nous parle d'une réalité qui nous
échappe. Anri Sala nous invite, dans ses films, à nous questionner sur ce rapport entre le
réel et l'étrange. Mais c'est l'étrangeté du jour le jour. C'est la quotidienneté de son pays :
l'Albanie. Anri Sala nous confronte aux rapports entre l'homme et les animaux, mais aussi
aux rapports des hommes entre eux, aux jeux de pouvoir. Le cheval est, dans cette vidéo,
enlevé de son environnement habituel, isolé, sans aucune défense, comme l'est de plus en
plus l'homme d'aujourd'hui, comme un homme d'Albanie. L'exposition continue avec la
vidéo Ghostgames, un jeu ambigu inspiré d'un jeu de ballon. La chasse aux crabes, une
ou plusieurs, peu importe car elle n'est jamais prise dans son individualité. Il s'agit encore
du rapport homme-animal, Anri Sala nous montre dans ces vidéos justement notre nonmaîtrise, notre ignorance face à l'autre. On ne sait pas ce qui fait réagir les crabes à la
lumière et fuir. On ne sait non plus ce qui fait au cheval lever sa patte mécaniquement. On
croit apercevoir des signes de peur, mais ces signes c'est nous qui les voyons, qui les
interprétons. C'est l'impossibilité d'une communication directe avec l'autre, éventuellement
l'autre espèce animale, qui est présente dans l'œuvre d'Anri Sala6.
Dans la vidéo suivante, Mixed Behaviour, nous observons un dj qui mixe sous une bâche
plastique, la nuit d'une rébellion, avec des feux d'artifice, chaotiques et organisés
spontanément, en arrière plan. Il mixe, enfermé dans son monde, sans rapport avec
l'extérieur, en essayant d'orquester les feux d'artifice avec sa musique. Le son se mêle aux
6
Ce besoin de l'intermédiation, par le biais de l'interprétation, et du questionnement de la connaissance du
monde et de la limite du langage, est évident dans autre de ses vidéos : Intervista (1998). C'est à partir d'un
vieux film de propagande sur l'Albanie de la fin des années soixante-dix, dans lequel sa mère est
interviewée, qu'est construite son œuvre. Le son du film étant perdu, il part à la quête de la parole et de son
tues, cachés. Il va faire retranscrire la parole perdue par des sourds-muets qui lissent sur les lèvres de sa
mère. Une conscience du passé et de l'histoire s'opère mais par le biais de l'interprétation de ses sourdsmuets. Il s'agit encore de faire parler les images.
-4-
explosions d'un joyeux réveillon ou pourquoi pas d'une guerre. Encore un questionnement
sur notre perception.
La peur du cheval, la peur de la crabe, la violence des bruits de la ville, l'absurdité des
images, l'isolement du dj, nous situent entre deux temps : le temps de l'analyse, de la
réflexion après coup, et le temps de la perception directe, immédiate. Si nous ne restons
que du côté perceptif, nous risquons de ne pas distinguer, différencier, car cela est une
faculté intellectuelle. Nous percevons, par les cinq sens, mais nous distinguons à partir de
l'application des catégories mentales. L'artiste s'intéresse à ce moment où la lumière se fait
incertaine, à ce temps d'inquiétude, d'angoisse, de déshumanisation (d'animalité?). Un
temps où nous ne faisons pas de distinction, où l'individu perd son individualité, comme
dans la troisième vidéo, Lakkat, tournée au Sénégal, où trois enfants, que nous apercevons
avec difficulté, répètent des mots en wolof, décrivant les différentes tonalités entre le blanc
et le noir, que leur dicte un adulte, leur père ou, peut-être, leur maître. Les mots et les
visages perdent leur identité. Le rapport son-image, qui est très important dans le travail
d'Anri Sala, est mis en évidence dans cette vidéo : les paroles sont isolées de l'image, on
les écoute à l'aide d'un casque. La répétition, un élément important de l'exposition, est
l'élément fondamental de cette vidéo. La répétition de sons, d'images, des plans, qui
provoquent une rupture dans le temps.
Damini i colori, qui est une vidéo plus longue que les autres, se situe entre la fiction et le
documentaire. En la regardant, nous nous demandons s'il s'agit bel et bien d'un projet
urbanistique du maire de Tirana, ou s'il s'agit d'une invention, une mise en scène, d'Anri
Sala. Nous nous demandons quelle est la part de fiction et quelle est la part de réalité de
cette vidéo. La vidéo nous informe sur le projet d'urbanisme du maire de Tirana qui
consiste en faire peindre de "couleurs vives" des maisons dans un état auparavant de
grand abandon, une ville presque en ruine. Nous écoutons ce maire dire que, grâce à son
projet pour Tirana, dans la ville la plus pauvre d'Europe, les gens ne parlent que de la
-5-
couleur. Mais nous ne les entendons pas parler. Le visage de ce maire et son discours sont
les seules individualités qui nous sont présentées, dans l'exposition, d'une manière distincte.
Et c'est aussi la seule vidéo qui a été filmée le jour. Mais ce discours distinct et cette
lumière du jour sont là pour remarquer l'absence d'autre discours, celui des habitants de
Tirana à qui la couleur brillante, éclatante, presque violente a été imposée. Un projet
utopique qui évoque les utopies de début du XXe siècle qui effaçaient l'individualité au
profit d'une soi-disant collectivité.
L'absurdité des situations filmées, la répétition, l'isolement, le rapport du temps et de lieu et
non-lieux, l'indistinction tant des animaux comme des personnes filmées. L'inaction et
l'attente de que quelque chose vienne changer cette solitude, cette angoisse, cette
oppression, qui règnent dans les images. Les situations qui montrent des êtres, humains ou
animaux, qui sont pris au piège. L'absence de voix des habitants de Tirana et l'indistinction
des mots dans Lakkat. Tout cela nous montre une forte oppression, imposée de l'extérieur,
à laquelle nous serons confrontés sans échappatoire. Anri Sala nous parle dans ses vidéos
des rapports de pouvoir et de langage particuliers, pour mieux nous parler des problèmes
auxquels toute l'humanité est confrontée.
La peinture est présente dans le travail d'Anri Sala, d'une manière incontestable dans
Damini I colori où la couleur est l'élément principal qui articule la vidéo, mais aussi dans
toutes ses autres vidéos, comme dans Time after Time où l'image, dont le grain est visible,
très pictural et presque minimal, devient à certains moments floue, presque abstraite. Et
dans Lakkat, nous pourrions penser à une succession de tableaux, les images étant d'une
plasticité presque parfaite, comme dans les images où le néon est recouvert des papillons.
Un jeu de lumières, un contraste de clair-obscur, vraiment pictural.
-6-
Anri Sala dira "les choses formelles sont assez importantes, pas parce que je suis attaché à
n'importe quel formalisme mais parce qu'elles sont des choses qui apportent l'image, pas
les choses qui apportent l'explication. Elles sont des choses que vous ne traduisez pas ou
n'expliquez pas par des mots. Je suis intéressé dedans quand la langue ne répond pas aux
besoins que nous avons. C'est quand le visuel devient important. La langue a déjà
beaucoup de puissance dans le monde, encore plus que le sexe"7.
L'exposition à la Galerie ChantaL Crousel.
Dans cette exposition, trois œuvres nous sont proposées, chacune dans une salle
différente: Long Sorrow (2005), Window Drawing (2006), et Passage à côté de l'heure
(2006). En rentrant à la galerie, nous sommes dans une grande salle en semi-pénombre,
au mur, tout à fond, le film Long Sorrow est projeté sur un grand écran qui occupe presque
tout le mur, et qui se détache légèrement à droite du mur de manière à ne pas être tout à
fait parallèle à celui-ci. Des deux côtés de l'écran, il y a deux enceintes qui reproduisent le
son du film : une longue improvisation du saxophoniste Jeemel Moondoc. Le film a été
tourné à Berlin, dans la plus longue barre d'habitation d'Europe connue comme "Langer
Jammer" (longue désolation). Le film est une succession des plans-séquences fixes, à partir
de les rapprochements de la caméra, notre perception change, tout d'abord, il y a l'image
d'une fenêtre entrouverte, nous sommes dans un espace frontière entre extérieur et intérieur.
À l'extérieur de la fenêtre pendant les premiers minutes du film, nous croyons apercevoir un
pot avec des fleurs, mais lentement nous commençons à nous questionner sur ce que nous
voyons, nous nous disons que le pot a la forme des épaules d'une personne et que les
branches de la plante seront les cheveux d'une personne. Nous avançons lentement dans
notre compréhension de la réalité. Notre perception est mise en question. Nous ne
sommes plus sûrs de ce que nous voyons. Tout d'un coup, nous sommes à l'extérieur, nous
7
Propos recueilli dans le texte "Anri Sala at Marian Goodman Gallery", Kim Levin, sur le site
www.villagevoice.com:art:0443,levin,57835,13.html
-7-
voyons un homme noir qui joue du saxophone, et qui a effectivement des fleurs dans ses
cheveux. La réalité de l'image nous dépasse, elle nous montre un homme à l'extérieur
d'une immense barre comme suspendu dans cette frontière entre réel et imaginaire, entre
intérieur et extérieur. Nous voyons la façade de l'immeuble, et l'immensité de ce lieu, nous
percevons, ou devons-nous dire comprenons, sa désolation, mise en image par Anri Sala,
avec cet homme qui joue seul, dans l'absurdité de cet immense environnement qui rend les
échelles humaines impossibles. Ici, ce n'est pas un cheval isolé au milieu d'une autoroute,
mais nous sommes face à la même désolation et la même impotence. C'est un homme
isolé au milieu d'un environnement urbain qui lui est propre, car construit pour et par
l'homme, mais c'est ce même environnement qui l'isole et l'anéanti.
Window Drawing, c'est une vidéo très courte, l'ombre d'une fenêtre projetée sur le mur
d'une pièce, dans cette ombre, on peut essayer de deviner l'extérieur, quand la projection
finie, on voit le dessin de la fenêtre sur le mur blanc et ensuite la vidéo finie avec un fondu
noir. Nous pourrions penser à cette vidéo, comme une métaphore de l'art, la
représentation comme un lien avec le monde qui nous permettrait de connaître dans la
mesure de nos limites l'altérité du monde et donc notre propre altérité.
Anri Sala dit que "c'est difficile de se définir comme artiste, dans la mesure où tout ce que
je fais n'est pas forcément de l'art, mais peut être simplement une manière de «négocier
ma relation au monde»"8, et plus loin, il ajoute : "la notion d'art est devenue tellement large
que je pourrais toujours dire que je fais de l'art. Il en est de même pour ma relation au
cinéma et à la vidéo, qui sont aussi des moyens de négocier avec la réalité"9 Il y a chez
lui, cette idée d'élargir les champs de ses différentes pratiques et de trouver la meilleure
manière de donner à voir la représentation du monde. Il passe d'un medium à l'autre,
8
Entretien d'Anri Sala par Henri Foucault, sur le site : www.ensad.fr/journal/journal18/sala.htm
9
idem.
-8-
toutes ses différentes pratiques se complètent entre elles, pour donner à voir notre propre
ambiguïté avec le monde environnant.
Il dit être "arrivé de manière intuitive de la peinture à la vidéo" et que ce qui lui était
"donné à voir de la représentation du monde en Albanie était trop faible", et qu'il a eu
besoin d'utiliser le flux continu des images. "L'ambiguïté qui existe dans les images en
mouvement (l)'intéresse davantage que celle qui peut exister dans un cadre fixe"10. Mais il
est possible qu'il recourre aussi à la photographie. Ainsi, la photographie, No Barragán
No Cry de 2002 a un rapport avec les vidéos présentées dans ces deux expositions.
Dans cette photographie, Anri Sala a pu trouver le faible équilibre d'une image fixe pour
donner à voir ce que dans d'autres cas le mouvement du cinéma ou de la vidéo est
nécessaire.
Le dessin, dit-il, l'aide à obtenir une clarté d'image et il est toujours présent dans la
conception de ses œuvres. Cette présence du dessin comme partie intégrante du concept
est latente dans Passage à côte de l'heure, une série de huit photographies et huit dessins.
Ce sont des photographies, et de dessins, d'une même image, une image mentale et son
rapport, après l'intervention de l'artiste, avec la réalité. La même image est donnée à voir
des différents points de vue ; avec la sérialité, cette image abstraite, dans le dessin,
"devient signe du temps et de son passage". L'altérité est représentée et mise en rapport à
l'espace et au temps. Cette image devient, une autre image avec une nouvelle perception
temps-espace.
Je vais, pour conclure, citer la réponse qu'Anri Sala donne à Henri Foucault quand celui-ci
lui demande comment faire un choix entre le cinéma et la vidéo :
10
idem.
-9-
" Où peuvent se séparer les eaux du cinéma et celles de la vidéo ? Je ne raisonne pas en
termes de «terres» pour le cinéma et la vidéo, précisément parce qu’on sait que les eaux se
séparent, mais on ne sait jamais sur quelle ligne et à quel point. C’est comme en Albanie,
où il y a deux mers, l’Adriatique et la mer Ionienne. On sait plus ou moins où elles se
séparent, mais jamais précisément. C’est très mystérieux. Finalement, c’est le cheminement
du projet qui impose à la fin, le choix d’une technique". Je crois que cette comparaison
avec les deux mers, peut s'appliquer au travail d'Anri Sala, c'est dans cette faible limite de
la réalité et l'imaginaire qu'il faut situer sa démarche. C'est dans la cohabitation des
différentes œuvres et de différentes pratiques dans l'espace et le temps que se nourrit notre
regard et que notre entendement, malgré toutes ses limites, a lieu. Nous apercevons le
monde et l'autre dans la faible limite d'un entre-deux. L'œuvre d'Anri Sala est une quête de
cet entre-deux. L'art est un moyen de négocier avec la réalité, une manière d'être avec
l'autre.
- 10 -
Bibliographie :
-Anri Sala.. Entre chien et loup. When the night calls it a day, dir. de publ. Musée d'art
moderne de la ville de Paris, Paris, 2004
-Le Prix Marcel Duchamp 2002, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou,
Paris, 2003 [catalogue par gilles Fuchs, Alfred Pacquement, Jean-Pierre Criqui, et al.]
- Moulène-Sala, São Paulo 2002, Santiago de Chile-Mexico OF, la vue qui baisse = vista
cansada = tunel vision, Images en manoeuvres, Marseille , 2002
internet :
www.ensad.fr/journal/journal18/sala.htm
www.ensad.fr/journal/journal18/sala.htm
www.villagevoice.com/art/0443,levin,57835,13.html (village voice > art > A nri Sala
at Marian Goodman Gallery by Kim Levin)
www.mamco.ch/artistes_fichiers/S/sala.html
www.crousel.com
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