Arrivera-t-on vraiment au e-Learning à l`université?

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Arrivera-t-on vraiment au e-Learning à l`université?
Arrivera-t-on vraiment au e-Learning à l’université?
Ann-Louise Davidson Ph.D.
Université Concordia (Canada)
David Waddington Ph.D.
Université Concordia (Canada)
Résumé
Ce texte présente un propos critique sur le e-Learning à l’université dans lequel nous nous
penchons sur la question suivante : « Est-ce que notre utilisation actuelle des technologies
nous permet vraiment de faire du e-Learning à l’université? ».
Nous commençons par peindre un tableau qui fait état des technologies utilisées en société.
Nous décrivons ensuite les technologies présentement en vogue dans nos établissements
d’enseignement universitaire, celles qui sont proscrites et celles qui « manquent de sérieux ».
À partir de cette description, nous nous posons une seconde question : « Quel est le scénario
idéal pour l’application du e-Learning à l’université ? ». Pour répondre à cette question, nous
portons un premier regard critique pour soulever l’incohérence entre les objets technologiques
adoptés dans nos institutions universitaires pour le e-Learning et sur la manière dont les
étudiants se servent des technologies en société. Nous portons un deuxième regard critique
sur la question du e-Learning à l’université, qui a pour but de discuter de l’efficacité des
technologies utilisées pour l’apprentissage, la collaboration et le développement des processus
cognitifs de haut niveau. Nous appuyons notre propos autant sur des exemples de cours en
face-à-face que sur des exemples de cours @ distance. Comme ce sujet se superpose à la
question de la qualité de l’apprentissage à l’université, nous proposons aussi une
argumentation quant à la valeur ajoutée des technologies. Nous concluons avec quelques
recommandations pour ceux qui sont désireux s’engager dans le processus de manière
critique.
Mots clés: e-learning; enseignement supérieur ; médias sociaux ; technologies de l’éducation
Introduction
Ce texte vise à offrir un point de vue sur l’état du e-Learning à l’université. Nous puisons nos
arguments à l’intérieur du contexte dans lequel nous œuvrons ainsi que dans la littérature afin
d’en faire la description. À partir de cette description, nous tentons de répondre à la question
suivante : « Est-ce que notre utilisation actuelle des technologies nous permet vraiment de faire
du e-Learning à l’université? ». Cette question nous mène à poser deux regards critiques. Le
premier regard critique soulève les controverses du e-Learning à l’université. Le deuxième
regard critique se penche sur la question de l’apprentissage. Entres autres, nous argumentons
que le e-Learning n’est pas garant de meilleurs apprentissage si certaines conditions ne sont
pas satisfaites.
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État de la question du e-Learning à l’université
Dans la foulée des travaux qui portent sur le e-Learning, nous nous intéressons aux discours
qui portent précisément sur la valeur ajoutée du e-Learning à l’université. Il y a certes
beaucoup d’engouement autour du sujet chez toutes les parties prenantes, incluant les
apprenants, les professeurs et les cadres administratifs. Certains soutiennent que l’avenir des
universités ne peut pas se passer du e-Learning tandis que d’autres résistent au e-Learning.
Les arguments sont aussi valides d’un camp que de l’autre. Les motifs des résistances au eLearning sont bien connus et se résument fréquemment aux facteurs suivants: l’appui
institutionnel et de l’administration, la préparation des étudiants à apprendre en ligne, les
compétences technologiques des professeurs, le temps, l’appui technique et l’intégrité
académique (Betts, 1998, Schifter, 2002; Oomen-Early & Murphy, 2008). Même si ces
résistances sont toutes bien justifiées par ceux qui les défendent, il demeure que la nouvelle
génération d’étudiants sollicite l’intégration des technologies et du e-Learning même dans les
cours dits plus traditionnels, soit les cours qui ont lieu dans une salle de classe, avec un
professeur et des étudiants présents.
Malgré le fait que certains résistent au e-Learning, dans la conjecture actuelle nous sommes
obligés d’accepter qu’on n’y échappera pas. La question de la place du e-Learning à
l’université ne se pose plus. Elle s’impose. Nous l’avons vu dans l’introduction, il existe des
forces beaucoup plus puissantes que l’ensemble des résistances manifestées par la
communauté universitaire. La question que nous posons n’est donc pas de savoir si nous
devons adhérer à l’idée du e-Learning, mais bien de se demander quelles sont les meilleures
modalités d’intégration du e-Learning à l’université. Dans cette perspective, nous nous
penchons sur la question suivante : Est-ce que notre utilisation actuelle des technologies nous
permet vraiment de faire du e-Learning à l’université?
Premier regard critique : Controverse du e-Learning à l’université
Nous portons un premier regard critique pour soulever l’incohérence entre les objets
technologiques adoptés dans nos institutions universitaires pour le e-Learning et sur la manière
dont les étudiants se servent des technologies en société. Autrement dit, nous nous
demandons si le e-Learning tient sa promesse d’une éducation plus authentique, qui permet
aux apprenants de développer des processus cognitifs de haut niveau, voire d’apporter une
valeur ajoutée à l’apprentissage.
Nous situons notre propos dans la condition actuelle, marquée par la présence des
technologies numériques dans les pays développés et par un ralentissement économique
mondial. Il y a quelques années, nous faisions allusion aux NTIC (nouvelles technologies de
l’information et des communications) et ensuite aux TIC (technologies de l’information et des
communications) au moment l’effet TIC n’avait plus rien de nouveau en apparence. À ce
moment, les technologies devenaient un objet de recherche, de travail et d’enseignement dans
les milieux universitaires. Puis, les expressions Web 1.0, 2.0, 3.0, 4.0 sont nées au fur et à
mesure que les technologies évoluaient, et qu’on venait à en comprendre leurs fonctions. Les
TIC, telles qu’on les connaissaient il y a dix ans sont devenues les technologies ambiantes
(ubiquitous technologies) (Weiser, 1991; Weiser, Gold, Seely Brown, 1999). Selon Weiser, “Les
technologies les plus puissantes sont celles qui se tissent à l’intérieur du quotidien jusqu’à ce
qu’elles deviennent imperceptibles (1991, p.94). Cette definition est similaire à ce que Joël de
Rosnay (1995) décrit comme étant les TR (technologies de la relation). Avec les technologies
ambiantes et les TR, l’ordinateur physique tel qu’on le connaît, est en train de disparaître
graduellement. Pour accéder aux technologies, l’humain passe dorénavant par des objets
divers, qui lui permettent d’accéder au nuage. Très bientôt, nous serons la première génération
d’humain à se promener dans un réel qui sera superposé d’un univers technologique. En
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réalité, nous sommes déjà en de vivre cette condition à notre insu, condition que la réalité
augmentée rendra plus explicite lorsqu’elle prendra son envolée.
Pendant que les technologies évoluent encore au rythme de l’entreprise, nos institutions
universitaires continuent de les adopter au rythme lent des institutions qui adoptent une
nouvelle pensée ou un nouveau paradigme. De nombreuses universités, comme l’Université de
Phoenix, qui ont vu le potentiel financier du e-Learning adhèrent à l’idée d’offrir des cours ou
dans certains cas, des programmes entiers en ligne. D’autres, plus timides ou plus militantes
résistent au e-Learning. Chose certaine, dans les deux cas, l’institution régularise les
technologies par le biais de ses politiques d’adoption de ces dernières. Certains systèmes de
gestion de cours sont adoptés (BlackBoard, WebCT, Moodle, FirstClass, Adobe Connect,
Lotus Notes) parce qu’ils ont le potentiel de rencontrer les objectifs de l’institution. Il y a aussi
quelques professeurs, qui n’ont pas peur de prendre des risques et d’investir du temps, qui
utilisent la technologie Wiki et la balladodiffusion (Podcasts) pour la prestation bi-modale des
cours (Blended Learning) par conviction que ces technologies peuvent améliorer l’écoute active
des étudiants, d’offrir un modèle pour appuyer l’écriture et la communication orale, de travailler
sur des projets de groupes (Anzai, 2008). Par contre, d’autres technologies qui « manquent de
sérieux » ou dont les enjeux éthiques sont tellement dérangeants sont proscrites. Parmi ces
technologies, nous retrouvons Facebook, Twitter, le iPod ou la messagerie texte. Alors que ces
technologies sont utilisées au quotidien en société, par des masses importantes d’individus, à
l’université ces technologies n’ont pas encore leur raison d’être.
À cette étape de notre argumentation, nous sommes forcés à nous demander si le e-Learning
est utilisé à bon escient dans nos universités, ou si nous faisons que nous plier aux exigences
du marché des technologies, ou à leur présence dans nos institutions. Nous argumentons que
le simple fait d’utiliser des systèmes de gestion de contenus ou des systèmes de gestion des
apprentissages, qui sont en fait le plus souvent de simples réceptacles qui permettent de
déposer et de récupérer des documents ou des collections d’outils qui permettent d’envoyer
des courriels, de clavarder, de suivre des forums de discussion, ne suffit pas. Depuis quelques
années, les plates-formes d’apprentissage en ligne sous licence « open source » telles que
Moodle semblaient très prometteuses à cause de leur capacité de favoriser la collaboration
entre les apprenants. Toutefois, nous constatons que Moodle est le plus souvent utilisé pour
annexer des documents .pdf, .doc ou .ppt. D’ailleurs, les particularités de la plate-forme ne
permettent pas de favoriser la collaboration autant qu’on le croyait.
Ce type d’utilisation des technologies semble très étranger au type d’utilisation qu’une grande
masse de population en fait en société. Nul besoin de citer les études empiriques pour
constater qu’en société, les gens continuent à s’échanger des documents. Toutefois, une
grande partie des interactions entre la population et l’environnement technologique se fait dans
le nuage et ce, à partir de divers objets cliquables, qui permettent soit d’accéder et de gérer
l’information, d’interagir avec d’autres personnes, de participer à des réseaux sociaux, de coconstruire et de co-apprendre.
Nul besoin d’être chercheur pour constater qu’en société, une grande partie de la population
qui a accès aux technologies n’apprend plus de la façon traditionnelle. En effet, l’apprentissage
en société est loin de correspondre à la séquence « le professeur dit, l’étudiant prend des
notes, les mémorise et les restitue aussi fidèlement que possible sur l’examen ». Dans un
quotidien où un gadget n’attend pas l’autre, un contexte où l’on peut critiquer que chacun
adopte la technologie au rythme de la publicité, sans être très critique de ce qu’il consomme,
plus personne n’a besoin d’attendre pour obtenir tel ou tel objet d’information, ou pour entrer en
contact avec telle ou telle personne.
Tout cet argument revient à la question d’accessibilité, que nous abordons sous l’angle de la
cohérence entre l’expérience que l’étudiant a avec les technologies en société et l’expérience
qui est offerte à l’université avec le e-Learning. Dans la perspective de Dewey, il devrait exister
une continuité entre la communauté et les pratiques de vies rencontrées au quotidien. Un des
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problèmes que nous soulevons avec Moodle et FirstClass, par exemple, c’est que ces
technologies ne sont pas cohérentes avec les expériences des étudiants, qui le soir,
communiquent et collaborent avec leurs amis et leur famille par l’entremise de Skype, MSN, ou
Facebook. En ce sens, les technologies utilisées pour le e-Learning sont dans une certaine
mesure inaccessibles même si l’université les fournit gratuitement aux étudiants.
Deuxième regard critique : Un meilleur apprentissage?
Notre deuxième regard critique sur la question du e-Learning à l’université se penche sur la
question de l’efficacité des technologies utilisées pour l’apprentissage, la collaboration et le
développement des processus cognitifs de haut niveau.
Depuis le début du vingtième siècle, les avancées des sciences de l’éducation nous portent à
croire que la pédagogie innovatrice est susceptible de favoriser des conditions authentiques
garantes d’un apprentissage durable. Effectivement, depuis une vingtaine d’années la cognition
distribuée, l’apprentissage collaboratif, les communautés de pratique (CoP), les communautés
d’apprentissage (CA) l’apprentissage par problème, l’évaluation des compétences, sont tous
des concepts très à la mode. Ces concepts sont appuyés par les textes des philosophes de
l’éducation tels que Dewey, Piaget, Von Glasersfeld, et Wenger pour en nommer quelques uns.
Malgré ces avancées dans les sciences de l’éducation, plusieurs des théories semblent avoir
de la difficulté à se traduire dans la pratique et ce, surtout lorsqu’il est question de jumeler la
pédagogie avec la technologie. À titre d’exemple, nous soulignons le contraste qu’il semble
exister entre la vision de Lave et Wenger (1991) des communautés de pratiques (CoP) et l’état
actuel des communautés d’apprentissage en ligne. D’une part, une CoP est définie comme
« un réseau social continu et actif d'individus qui partagent et développent des connaissances,
des croyances, des valeurs, une histoire et des expériences concentrées qui se chevauchent,
autour d’une pratique commune ou de buts communs» (Traduction libre, Barab, Makinster,
Scheckler, 2003). D’autre part, les communautés en ligne sont fréquemment des communautés
instantanées, qui se créent aussi vite que le temps de produire une page Web et d’inviter
quelques collègues de classe à bavarder sur un sujet quelconque.
L’idée des communautés instantanées va aussi à l’encontre de la vision de Dewey (1916,
1927). En effet, Dewey différencie l’association de la communauté. Dans sa vision, une
association est faible et n’importe quelle agglomération de personnes constitue une
association. Toutefois, une communauté dépasse le simple fait de s’associer à d’autres
personnes. Dewey soutient que les membres d’une communauté doivent être orientés vers un
but commun pour que ces derniers puissent constituer une vraie communauté (Dewey, 1927,
p. 151). Il s’agit là d’un concept de communauté qui est très demandant. Il est donc possible
que dans le contexte des communautés en ligne, cette idée soit trop exigeante pour les
professeurs d’université. Toutefois, il demeure qu’il est intéressant de s’en servir comme
standard lorsqu’on identifie des communautés floues ou faibles.
En effet, à l’université nous avons tendance à opter pour des communautés instantanées en
ligne. En fait, nous n’avons pas le choix de le faire puisque la nature d’une classe fera toujours
en sorte que la communauté de pratique sera instantanée. Une classe, par définition, est un
groupe qui est instantanément mis ensemble. Nous pouvons certes critiquer la classe, mais
nous n’y pouvons rien et le problème n’est pas totalement attribuable à cette structure. En effet,
le problème réside dans le fait que les communautés instantanées sont souvent faibles et peu
définies. Les outils technologiques que nous pourrions utiliser pour créer et facilité des
communautés de classe ne sont pas utilisés. Ce qui est en cause à ce problème relève autant
des outils qui sont disponibles dans nos institutions universitaires, que des processus cognitifs
des acteurs qui sont aux prises avec les technologies numériques sans avoir eu le temps de
réfléchir au meilleur moyen de les implanter.
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D’une part, nous pouvons nous demander si les technologies, telles que WebCT, First Class et
Moodle, qui sont disponibles pour enseigner à l’université facilitent le type de collaboration
souhaité par Lave et Wenger et par Dewey. La question est à peine posée qu’elle est à moitié
répondue puisque ces logiciels sont proposés –et imposés, à la communauté universitaire pour
leur capacité de gestion de contenu. Bien entendu, leur capacité d’accueillir la collaboration
entre les membres d’un cours est fortement soulignée. Toutefois, ces logiciels sont loin de
posséder les qualités des médias sociaux tels que Facebook et Twitter. Pire encore, à
l’université nous imposons souvent l’usage d’un logiciel au sein duquel une communauté
forcée d’étudiants doit interagir pour obtenir des points. Là encore, Dewey ferait la différence
entre « avoir quelque chose à dire » et « devoir dire quelque chose » (Dewey, 1900, p. 56).
D’autre part, nous l’avons mentionné précédemment, les étudiants utilisent une multitude
d’objets numériques au quotidien et l’université gagnerait à mettre ces technologies à profit
dans le design de ses cours. Toutefois, certains profs sont réticents à utiliser ces technologies
et sont réticents à permettre leur utilisation. En cause à ces réticences, nous retrouvons les
arguments usuels tels que : le manque d’appui administratif, les compétences technologiques,
le manque de temps, la question de la propriété intellectuelle et le doute que ces technologies
seront vite dépassées par la prochaine vague de technologies (Betts, 1998; Oomen-Early, &
Murphy, 2009; Schifter, 2002).
D’une perspective plus radicale, Warnick et Waddington (2004) comparaient certaines
technologies éducationnelles, telles que les logiciels d’exercices et les quiz en ligne, qui
peuvent mener vers un monde éducationnel dans lequel la couleur n’existe pas, un monde
monochrome. Adoptant la perspective Heideggerienne, ils suggéraient que les technologies
éducationnelles ont la capacité de réduire la qualité des expériences chez les étudiants. Les
technologies éducationnelles pourraient créer un isolement chez les étudiants, isolement qui
éventuellement allait créer l’ennui et la solitude. Selon Warnick et Waddington, ce qui est
critique est d’employer les technologies pour enrichir les expériences des étudiants, de les
brancher avec différents aspects du monde. En leurs termes, les technologies ont la capacité
d’aplatir ou d’élargir les expériences et ce fait souligne l’importance de choisir des formes de eLearning avec prudence.
Malgré ces arguments, comme le souligne Cicco (2009), le e-Learning « is here to stay » dans
les collèges et les universités à travers le monde. Nous sommes donc obligés de réfléchir à
des conditions qui pourront faire en sorte que le e-Learning se fasse de manière efficace, et
qu’elle contribue à améliorer les expériences éducationnelles des étudiants. Par contre, même
si de nombreuses recherches ont été menées pour mieux comprendre le e-Learning depuis la
fin des années 90, il nous reste encore beaucoup à faire pour comprendre la dynamique du eLearning à l’université ou du moins, pour comprendre les relations possibles entre les
technologies et la pédagogie.
Dans une tentative d’identifier les relations entre un modèle de pédagogie et un modèle de
compétences TIC, Davidson (2005, 2007) avait pris comme postulat de base que si une telle
relation pouvait être identifiée, il fallait que ce soit à partir des choix conscients que fait une
personne enseignante lorsqu’elle crée des activités à partir des propriété des deux objets, soit
de la pédagogie et des TIC. Dans une étude de cas sur le processus de choix des formateurs
d’enseignants lorsqu’ils créent des activités pédagogiques dans lesquelles ils intègrent les TIC,
Davidson (2007) avait identifié deux tendances. La première tendance décrivait les activités
pédagogiques individuelles. Dans ces activités, les formateurs d’enseignants avaient tendance
à viser des activités cognitives de haut niveau telles que la recherche, l’analyse, la synthèse et
l’évaluation de documents numériques. La deuxième tendance décrivait les activités
pédagogiques de groupe. Dans ces activités, les formateurs avaient tendance à viser des
activités cognitives de surface, telles que la compréhension et l’application de connaissances.
Ces tendances à produire de telles activités soulèvent un problème central à la question. En
éducation, les acteurs ont fréquemment tendance à réfléchir sur la dimension pédagogique. Dit
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autrement, la question « quelle stratégie pédagogique pour quelle fin pédagogique? » est
souvent posée. Toutefois, quand il est question de technologies, la première réaction est
souvent soit d’utiliser une technologie déjà connue et utilisée, soit d’utiliser une technologie
imposée par les universités. Dit autrement, la question « quelle technologie pour quelle
interaction technologique? » est rarement posée.
Il nous semble urgent de réfléchir à cette question. Depuis la dernière décennie, plusieurs
événements tels que l’attentat terroriste à New York, la guerre en Afghanistan et en Irak, la
crise économique, et récemment, la menace de pandémie de grippe H1N1 ont changé les
comportements des gens. De plus en plus de gens ont besoin de s’engager dans un processus
d’apprentissage à vie, que ce soit pour obtenir un emploi, garder leur emplois ou gravir les
échelons ou simplement, pour leur croissance personnelle. Ces gens, faisant partie de la
masse de population qui a non seulement adopté la technologie Internet, mais qui a aussi de
nombreuses technologies numériques dans leurs poches, pourraient non seulement bénéficier
de la valeur ajoutée d’une nouvelle génération de e-Learning qui est à la fois adaptée aux
besoins politiques des institutions universitaires, mais aussi adaptée à la réalité que vivent ces
personnes au quotidien.
Certes, il existe plusieurs initiatives à grande échelle telles que le projet OLPC des laboratoires
MIT au Massachusetts, qui ont eu du succès, mais un succès mitigé dans le sens où le projet
était une menace au profit des compagnies qui devaient produire ces Net books. Il existe aussi
plusieurs projets innovateurs à petite échelle. Par exemple, à l’University of Ontario Institute of
Technology (OUIT), tous les étudiants inscrits au baccalauréat en éducation doivent se
procurer un ordinateur portable afin d’intégrer les technologies dans leurs salles de classe et
pour leur propre perfectionnement professionnel. Ce faisant, ils enseignent à leurs élèves
comment les technologies peuvent être utilisées pour apprendre. Une université japonaise a
tenté l’expérience de la balladodiffusion et des Wiki avec des étudiants inscrits dans un cours
d’anglais (Anzai, 2009). Toutefois, ces initiatives restent locales. Elles obtiennent des résultats
autant positifs que négatifs, comme pour toute initiative innovatrice.
Toutefois, le temps est venu d’admettre qu’avec les technologies numériques, le rapport au
monde a changé et par conséquent, la clientèle a changé (Fillion, Limayem, Laferrière, et
Mantha, 2009). Tel que suggéré par le rapport du Conseil Canadien de l’Apprentissage (CCA)
sur l’ État de l’apprentissage virtuel au Canada, ce qu’il faut pour faire un changement, « les
sociétés qui ne tirent pas parti d’un tel potentiel pourraient bien accumuler un important retard »
(CCA, p.5) et le Canada a pris un retard sur l’apprentissage virtuel depuis les dix dernières
années. Ce retard est attribuable au fait que l’adoption de l’apprentissage virtuel est plus lente
que prévu et qu’elle n’a pas encore révolutionné l’apprentissage puisque notre pays « ne
dispose pas d’aucune approche détaillée et cohérente pour aligner l’immense potentiel de
l’apprentissage virtuel à ne définition clairement formulée et informée de ce qui peut ou devrait
être fait » (CCA, p.7).
Conclusion
Pour conclure, il est évident que nous avons encore beaucoup de chemin à faire et beaucoup
d’embûches à rencontrer avant d’arriver à une expérience de e-Learning qui intégrerait les
grandes théories de l’éducation et qui se jumellerait à la mouvance des technologies
numériques. Toutefois, il reste que le e-Learning présente un potentiel énorme et nous n’avons
pas d’autre choix que d’y faire face. Certes, il s’agit d’une science naissante et faute d’avoir
une théorie globale du e-Learning, nous travaillons dans un flou conceptuel difficile à tolérer
étant donné les pressions de performance.
Nous en profitons donc pour offrir une synthèse de nos idées préliminaires pour rendre le eLearning plus authentique et efficace. Malgré le fait que nous n’ayons pas présenté une
argumentation formelle pour les idées suivantes dans ce texte, les deux regards critiques que
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nous avons offerts indiquent que ces recommandations peuvent être intéressantes pour les
futures recherches:
1. Quand la situation s’y prête, tentez de créer des communautés en présence et en
ligne à la fois. Autrement dit, évitez de vous appuyer exclusivement sur les
technologies quand vous le pouvez.
2. Ne considérez pas les technologies comme une fin en soi. Utiliser les technologies
parce que c’est innovateur ou parce qu’elles sont disponibles n’est pas suffisant
pour améliorer l’apprentissage chez les étudiants.
3. Comme dans les communautés en présence, les communautés en ligne ne peuvent
pas être créées, ni maintenues sans un effort continu. Par ailleurs, la définition de
communauté de Dewey est peut-être trop drastique pour le contexte contemporain.
Toutefois les professeurs bien avisés devraient travailler vers des buts concrets
avec leurs communautés d’étudiants et pour faciliter la poursuite de ces buts.
4. Les logiciels utilisés pour le e-Learning tels que Moodle ont l’affordance de
reproduire les pires éléments de l’éducation traditionnelle. Isoler l’étudiant devant
l’ordinateur pour que ce dernier fasse des tâches fastidieuses est un piège que les
professeurs auraient intérêt à éviter. Dans le design des activités, il est essentiel de
penser à des tâches et à des problèmes authentiques, intéressants et qui
présentent des défis de haut niveau.
5. Augmenter l’utilisation de simulations riches et captivantes et commencer à intégrer
des éléments des jeux électroniques dans ces simulations pour les rendre plus
efficaces (Gee, 2007).
6. Travailler dans une perspective de e-Learning qui vise réduction de l’écart entre les
établissements éducatifs et la vraie vie. Tel que nous le mentionnons
précédemment, les solutions de e-Learning qui sont offertes aux étudiants sont
souvent en discontinuité avec les technologies qu’ils utilisent dans leur quotidien.
Cette situation est souvent combinée par le fait que les logiciels utilisés pour le eLearning dans les universités sont souvent moins efficaces que logiciels « open
source » qui sont disponibles à l’extérieur du contexte universitaire.
Si nous offrons ces recommandations, c’est que comme plusieurs, nous posons l’hypothèse
que très bientôt, les technologies numériques telles que nous les connaissons à travers de
multiples objets cliquables, leurs contenants physiques seront intégrés à nos vêtements et à
notre univers et donneront lieu à des technologies beaucoup plus organiques. Déjà, de Rosnay
(1995) les surnommait « les technologies de la relation » (TR). Il utilisait la métaphore du
cerveau planétaire, pour lequel nous sommes les neurones. Nous faisons partie d’un plus
grand système dans lequel se superposent plusieurs autres systèmes. Entre autres,
l’écosystème du nuage Internet qui est accessible par des objets cliquables. Éventuellement,
nous allons nous balader dans un monde dans lequel l'interface technologique se superposera
sans objet cliquable. Cette double interface deviendra un seul univers dans lequel les humains
vont vivre, penser et interagir. Si cette hypothèse métaphorique est sur le point de devenir
vraie, que faut-il faire pour penser le design du e-Learning à l’université?
Nous sommes loin d’être arrivés à bon port avec cette question. Il nous reste encore tout un
travail concret à faire pour commencer à penser notre enseignement en utilisant les
technologies employées par nos étudiants. Nous n’argumentons pas qu’il faille nécessairement
adopter toutes les technologies qui résident dans leurs poches. Toutefois, nous prenons la
position que si nous commencions à expérimenter avec certaines technologies présentement à
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la mode dès maintenant, nous serons mieux préparés pour affronter les défis de la prochaine
vague de technologies.
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Authors
Ann-Louise Davidson Ph.D.
Université Concordia
Department of Education
Montréal, Quebec
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David Waddington Ph.D.
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Name of the publication: eLearning Papers
ISSN: 1887-1542
Publisher: elearningeuropa.info
Edited by: P.A.U. Education, S.L.
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Nº 21 • September 2010 • ISSN 1887-1542
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