La bataille de Vimy - Ambassade de France au Canada

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La bataille de Vimy - Ambassade de France au Canada
La bataille de Vimy
Documents :
1. Discours :
a.
Allocution prononcée par M. François Mitterrand,
Président de la République lors de la cérémonie de
commémoration du 75ème anniversaire de la bataille de Vimy :
Monsieur le Premier ministre,
Sur cette terre canadienne, auprès de ce monument qui célèbre le sacrifice de soldats canadiens, en
ces lieux qui célèbrent l'amitié du premier jour, puis de tous les jours entre le Canada et la France, je considérais qu'il
vous appartenait d'exprimer nos sentiments communs, c'est ce que vous venez de faire et je vous en remercie. Je
suis venu à vos côtés, aux côtés des personnalités canadiennes qui vous accompagnent, de Mme MULRONEY et
particulièrement des vétérans qui sont ici, afin d'apporter le témoignage de la France, afin de vous dire très
simplement que restent aussi présents dans la mémoire française le sacrifice des Canadiens, l'amitié de votre pays,
la pérennité de nos liens.
Comment ne pas éprouver le sentiment de gravité alors qu'il y a seulement 75 ans sur cette crête
tragiquement fameuse tant de vies ont été exposées, tant de vies ont été sacrifiées. Tout autour, c'est la terre de
France. Ici, la conquête fut celle de vos soldats. Ils sont venus se porter au secours de la France, menacée dans sa
propre existence. Ils sont venus de si loin et vous venez de l'évoquer, des franges du Pacifique aux bords de
l'Atlantique, mais de l'autre côté, souche commune sans doute pour beaucoup. L'histoire se faisait, ici et là, chacun
de son côté, jusqu'au jour où le Canada a décidé de renouer les liens que l'histoire avait tissés, de leur rendre
présence et vie pour le sacrifice suprême. Les divisions qui composaient le corps d'armée canadien ont pris part aux
plus dures batailles du nord de notre pays. Les troupes canadiennes ont payé le plus lourd tribu et démontré si besoin
était la vaillance de votre peuple.
Vous l'avez rappelé, en ce matin du 9 avril 1917, lors de l'offensive dite "d'Artois", quatre divisions
canadiennes montaient à l'assaut de la Crête de Vimy et capturaient une position réputée imprenable, mais à quel
prix ? Ici même, plus de 3500 jeunes hommes de chez vous y ont laissé la vie.
Je sais l'importance de cette bataille pour l'histoire du Canada et vous venez de le rappeler. Sacrifice
partagé où, pour la première fois, vos soldats combattaient sous les couleurs du Canada, là s'est scellée la solidarité
qui nous lie. A ceux qui ont participé à cette bataille et qui vous entourent aujourd'hui, M. le Premier ministre, et qui
par leur présence affirment la permanence dans notre mémoire du rôle glorieux joué par eux et par leurs frères, je
veux dire à quel point leur présence nous émeut, à quel point nous voudrions leur dire beaucoup plus et beaucoup
mieux ce que nous, patriotes français, nous ressentons pour ce noble geste qui les a conduit à connaître ici la plus
dure épreuve de leur vie.
L'impressionnant effort de guerre soutenu par votre pays, vous l'avez également dit, 66 000 de ses fils sont
venus mourir sur nos champs de bataille, illustre la générosité de toute une nation qui en dépit de sa diversité n'hésita
pas devant l'accomplissement de ce qu'elle considérait comme un même devoir. Loin de se replier sur un égoïsme
prudent qui eut été bien légitime et de considérer que le conflit qui déchirait l'Europe lui était étranger, le Canada
traçait à l'époque la voie qu'il allait suivre avec courage, lucidité pour la défense universelle de la liberté. Et sachez
que la France, non plus, n'a pas oublié le sacrifice de ceux qui sont venus à ses côtés, que ce geste là reste et
restera à jamais présent dans nos mémoires, geste renouvelé par votre pays à l'époque du second conflit mondial
avec le même élan, le même sens du sacrifice et la même amitié.
Vous serez demain à Dieppe, M. le Premier ministre, et vous y trouverez un lieu tout aussi symbolique qui
marquera de la même façon ce que fut et ce qu'est la valeur de vos soldats. Ainsi, à deux reprises, le Canada a
partagé avec la France le poids des combats pour notre libération. Puissions nous dire que ceux qui sont tombés ici,
à l'endroit que marque ce gigantesque monument, puissions-nous dire qu'ils ne sont pas morts en vain ! Question que
l'on pose toujours lorsqu'on tombe pour la patrie : sera-t-elle reconnaissante, méritera-t-elle le sacrifice, saura-t-elle
tirer profit pour ses fils de la guerre gagnée pour construire la paix ?
Le même attachement de nos deux pays à des valeurs communes, une même volonté de défendre ces
valeurs chaque fois qu'elles sont mises en cause, tout cela s'est naturellement traduit après les luttes que je viens
d'évoquer par notre adhésion à la même Alliance, Alliance qui depuis quarante ans exprime sans avoir jamais été
en défaut, la solidarité transatlantique.
Nous l'estimons toujours vivante, aujourd'hui et pour l'avenir prévisible, composante essentielle de notre
sécurité, garantie pour l'avenir de l'Europe, pour que ce continent ne soit plus le théâtre de tragiques affrontements
de guerres civiles qui ont été proches de détruire nos peuples. Sans doute les concepts et les stratégies de défense
doivent-ils être adaptés aux évolutions politiques en cours en Europe, sans doute les changements intervenus vont-ils
conduire les Européens à prendre une part plus importante pour leur propre sécurité. Il est souhaitable et sain qu'ils le
fassent dans des conditions de complémentarité qui permettront à nos liens d'alliance de durer tandis que
s'affirmera l'identité européenne.
Mais rien ne doit porter atteinte à la solidarité fondamentale qui unit notre Europe à ses amis et alliés
canadiens et américains. Vous le comprendrez mieux que personne, M. le Premier ministre, vous qui êtes Québécois,
de souche irlandaise, symbole dans votre personne de ce lien vivant, celui que vous souhaitez pour votre pays et qui
marque bien la nature de nos propres solidarités. En temps de guerre, nous venons de le dire ; en temps de paix c'est
notre tâche d'aujourd'hui, nous avons beaucoup fait ensemble pour que réussisse cette Conférence pour la Sécurité
et la Coopération en Europe, cadre unique rassemblant sur un pied de totale égalité, souveraineté, dignité, tous les
Etats, cinquante et un désormais, parties prenantes à la sécurité de l'Europe. Ensemble, la France et le Canada
oeuvrent pour consolider la démocratie, pour affirmer le respect des droits de l'homme, pour promouvoir la libre
circulation des hommes et des idées, pour favoriser la prévention et le règlement pacifique des conflits.
Ailleurs, dans le monde, qu'il s'agisse de l'univers de la francophonie, de l'aide au développement, des opérations de
maintien de la paix au titre des Nations-Unies, en Yougoslavie, au Cambodge, partout dans le monde, nous restons
côte à côte, je le pense dans le même esprit fraternel. Il me semblait qu'après vous, il convenait que je pusse le dire
ici, et j'ai voulu vous accompagner, vous tous amis canadiens. Vous ne pouviez douter de la France, et la présence
de cette foule venue des environs est bien une preuve supplémentaire que notre cœur bat à l'unisson, et ces
paroles sont dites qui se veulent de vie et d'espérance près du tombeau où reposent vos morts qui sont aussi les
nôtres. Comme nous apercevons sur cette belle terre la naissance du printemps et donc du renouveau, la force de
la pérennité, ce qui nous attache au souvenir des morts, la valeur de leur message, les mots se bousculeraient si l'on
voulait tout dire et je peux me limiter à un seul d'entre eux pour vous, M. le Premier ministre, pour vous Mesdames et
Messieurs canadiens, et pour vos morts, un seul mot : le merci de la France.
b.
Allocution prononcée par Mme Adrienne Clarkson,
Gouverneure Générale du Canada, lors de la cérémonie de
commémoration du 80ème anniversaire de la bataille de Vimy :
Vimy (France), le mercredi 9 avril 1997
Monsieur le ministre Pasquini, Monsieur le ministre MacAulay, Chers amis de la France et du Canada,
Sur les lignes de front dans deux guerres mondiales, la France a porté l'étendard de la civilisation - et y a payé un très
lourd tribut.
Et les deux tours de ce monument, qui se dressent sur ce terrain que vous nous avez donné, honorent à la fois le
Canada et la France.
Deux fois dans ce siècle, des Canadiens sont venus lutter à vos côtés pour rétablir la liberté.
Ces hommes et ces femmes venaient de tous les coins de notre pays. Natifs du Canada et d'ailleurs, autochtones,
francophones, anglophones, et membres de toutes nos communautés.
Mais ils sont tous venus comme Canadiens, pour défendre des idéaux qu'ils partageaient : la démocratie et la paix.
Je voudrais parler directement aux soldats du Canada qui ont combattu dans deux guerres mondiales. Et je
m'adresse d'abord aux six courageux vétérans de la Première Guerre mondiale.
Lorsque la grande guerre a éclaté, vous étiez jeunes, à peine des hommes. Et aux yeux du reste du monde, le
Canada était à peine un pays.
Vous et vos camarades aviez traversé l'océan pour rejoindre les champs de la mort. Vous avez vécu dans des
tranchées avec les rats, les poux et la boue, et vous avez combattu au milieu des canons, des barbelés et du sang.
Ceux d'entre vous qui avaient grandi dans une ferme ont vu leurs camarades fauchés comme le blé dans les
champs.
Beaucoup de nos alliés avaient tenté de prendre la crête de Vimy. L'ennemi pensait que personne n'y parviendrait.
Mais il y quatre-vingts ans jour pour jour, les Canadiens ont marché à l'assaut de cette crête et ont poursuivi leur
avance jusqu'à ce que la plaine de Douai s'ouvre devant eux.
Devant votre victoire à Vimy, le jeune Canada a pris conscience de sa force.
Courcelette, Vimy, la cote 70 et Lens, Passchendaele, Cambrai, Amiens : ces noms étaient synonymes de mort, mais
aussi de naissance, alors que notre jeune nation s'affirmait sur la scène mondiale.
Lorsque la Grande Guerre prit fin, le Canada prit sa place à la table des nations souveraines.
Nous avons mérité cette place grâce à vous, à vos compagnons d'armes et aux soixante-sept mille qui ont donné
leur vie, afin que la liberté survive.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons encore répondu à l'appel d'outre-mer.
Les hommes et les femmes qui sont ici aujourd'hui ont combattu la machine la plus meurtrière que l'humanité ait
alors connue.
Avec vos courageux alliés, vous avez sauvé la liberté. Votre vaillance et vos sacrifices ont instauré la paix.
Et le Canada vous en sera éternellement reconnaissant.
Cependant, toutes les tombes de toutes les guerres soulèvent la question : qu'est-ce que ces hommes et ces
femmes auraient apporté au monde, si nous les avions laissés vivre?
Depuis ces guerres, des efforts sont faits pour promouvoir et maintenir la paix. Ainsi, les casques bleus du Canada et
de la France oeuvrent ensemble en ex-Yougoslavie, à Haïti, et ailleurs.
Messieurs les ministres, ces deux grandes guerres nous ont appris plusieurs leçons.
Elles nous ont appris à nous unir pour mieux nous défendre.
Elles nous ont appris à respecter les droits de la personne pour assurer notre liberté.
Elles nous ont appris à coopérer pour accroître notre bien-être.
Et nous avons beaucoup accompli au cours des cinquante dernières années.
Mais la route devant nous reste longue.
Puissions-nous trouver dans le courage et la bravoure de nos soldats ... morts ici à Vimy et ailleurs ... l'inspiration
requise pour atteindre leurs idéaux de paix et démocratie.
Et puissions-nous toujours nous montrer dignes de ces soldats qui reposent ensemble en terre française.
c.
Allocution prononcée par M. Dominique de Villepin,
Premier ministre, en l’honneur du 90ème anniversaire de la bataille
de la crête de Vimy:
Majesté,
Monsieur le Premier ministre du Canada,
Mesdames et Messieurs les ministres
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le préfet,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs
Nous sommes réunis aujourd’hui devant le monument à la mémoire des soldats canadiens tués lors de la bataille de
Vimy.
Il y a quatre-vingt dix ans, le lundi de Pâques de l’année 1917, une offensive alliée s’attaquait ici à une forteresse
ennemie, une forteresse protégée par du béton armé, des barbelés, des nids de mitrailleuses, des mines et des
tranchées, une forteresse qui avait déjà coûté la vie à plus de 150 000 soldats de l’entente.
Ninety years ago this Easter Monday, after a week of shelling the enemy lines, in driving sleet thirty-five thousand
Canadian soldiers launched their assault. Beneath a deluge of fire, they advanced towards the German defences.
By midnight on Tuesday, Vimy Ridge had fallen. Three thousand six hundred Canadian troops were dead and eleven
thousands wounded. By their courage and their spirit of sacrifice, those who fought at Vimy struck one of the first of
the blows that opened the way to victory a year and a half later.
Altogether sixty-six thousand Canadians, all volunteers, many of them so young, coming from all over Canada, were
to give their lives for this war fought so far from home. They did so out of solidarity with Great Britain and with France,
their brothers. That is why on July twenty-sixth nineteen thirty-six, King Edward the eighth, your uncle, Madam,
inaugurated this monument of commemoration and gratitude.
Your nation, Mr. Prime Minister, displayed this same solidarity again at Dieppe on August nineteenth nineteen fortytwo, and on D-Day, when Canadian troops were in the front line on Juno Beach, paving the way for the Liberation of
Europe.
Les héros de Vimy sont morts pour défendre des valeurs qui depuis n’ont cessé de nous unir et de nous rassembler :
des valeurs de paix, de liberté, de tolérance et de respect de l’homme. Ces valeurs, nos démocraties doivent
continuer à les défendre partout à travers le monde. C’est pour cela que nous nous engageons ensemble pour
sauvegarder la paix en Bosnie, en République démocratique du Congo, en Haïti ou en Afghanistan. C’est pourquoi
je veux, au nom de la France, rendre un hommage solennel aux soldats canadiens tombés sur le sol français. J’ai
également une pensée émue pour les six militaires canadiens qui ont trouvé la mort hier alors qu’ils accomplissaient
leur devoir en Afghanistan.
A nos alliés britanniques, je veux exprimer notre indéfectible reconnaissance.
Sur cette terre d’Artois qui a tant souffert, et où nos alliés ont été nos libérateurs, la France dit merci au Canada.
Thank you Canada.
Aux vétérans de la grande guerre, je veux dire avec émotion, l’admiration et la profonde gratitude de la nation
toute entière.
Honneur aux soldats canadiens ! Honneur au Canada !
Vive la République ! Vive la France !