L`économie selon matante Ginette

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L`économie selon matante Ginette
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L’économie selon matante Ginette
10:26 | Services financiers | Paul Dontigny jr.
Suite aux commentaires que j’ai reçus la semaine dernière au sujet de ma chronique
intitulée «L'économie selon mononcle Roger», il m’a semblé nécessaire de poursuivre
avec l’expérience de matante Ginette.
Je veux maintenant illustrer le véritable processus économique, non pas par la déblatération de
statistiques avec lesquelles on nous endort quotidiennement, mais avec la parabole de matante
Ginette.
Car ne l’oubliez pas, l’économie n’est pas l’étude de l’argent. L’économie est l’étude du
comportement humain face à un monde de ressources limitées.
Depuis 2000, il s’est passé des choses étranges dans les familles américaines. Par exemple en
2003, matante Ginette a appris que son cousin était allé à la banque rencontrer son directeur de
succursale. Ce dernier a félicité le cousin en lui remettant un chèque de 50 000$. « Il s’agit de
l’hypothèque additionnelle que notre banque est prête à vous accorder grâce à la hausse de prix
de votre maison », dit le banquier au cousin qui n’avait pas besoin de prêt additionnel.
Matante Ginette en parla à ses amis quelques semaines plus tard et plusieurs avaient encaissé des
chèques du même genre. Elle en parla ensuite à son frère parce que celui-ci est comptable et il
affirma qu’après la débâcle des actions de 2000 à 2002, le cocooning était revenu à la mode et
que les gens allaient investir pendant des années dans des maisons et chalets. C’est ce que ses
clients lui confiaient.
Matante Ginette en parla à son mari : « Imagine ce qu’on pourrait faire avec un petit bonus de
plus ». On n’a pas voyagé depuis longtemps et on vieillit alors ce serait peut-être le temps d’en
profiter. Son mari suggéra d’attendre le renouvellement de l’hypothèque dans 8 mois et que si
tout allait encore bien … pourquoi pas.
Ce qui fut fait. Notez qu’il s’est passé plus de deux ans entre le moment où les divers mononcles
et matantes ont commencé à se tourner vers l’immobilier et celui où ils sont devenus confortables
avec l’idée de ré-hypothèquer leur maison (home equity loans). À mesure que les gens
acceptaient l’idée, tous les six à neuf mois, les banques offraient des prêts de plus en plus faciles
à gérer et à se faire accorder et à rembourser.
L’idée économique ici est que l’existence et la durée des cycles sont déterminées en grande partie
par la psychologie humaine. Les gouvernements ou les institutions et leur marketing ne peuvent
que tenter de l’influencer. Ils y sont très forts, mais n’oubliez pas que c’est la nature humaine,
avec toute son avidité, tout son désir de se faire plaisir, sa recherche constante de la facilité et de
la gratuité, et parfois sa peur et son anxiété… C’est cette complexe nature humaine qui est
l’économie.
Matante Ginette se retrouve donc en 2007 avec une maison qu’elle habite, un condo initialement
acheté sur plan en Floride qu’elle loue, et un chalet qu’elle a « acheté sans y mettre une cenne ».
Quand on a une hypothèque et que l’on vit dans la maison, la priorité est très simple. Il faut
absolument pouvoir garder la maison. Le cousin, apprend-t-elle par une amie, s’est fait saisir sa
dernière maison et est littéralement sur le pavé. Certains amis ont été avertis par leur banque que
les renouvellements de prêts se feraient à 8,25% et qu’il faudrait maintenant passer une enquête
de crédit complète.
Pourtant, tous les jours aux nouvelles on nous dit que l’économie se porte bien et que l’immobilier
a atteint un plancher. Cela ne semble pas aider son autre frère, mononcle Roger, qui est pris avec
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une maison qu’il tentait de rénover pour la « flipper » et faire un p’tit vingt milles. Elle est à
vendre depuis 8 mois et il a abaissé son prix 3 fois. Il est confiant de vendre toutefois.
Conclusion : l’économie évolue au rythme des changements dans la psychologie des gens. La
psychologie, elle, évolue à différentes vitesses selon les sources d’information qui propagent les
idées, et aussi selon les contraintes physiques. L’immobilier et les prêts hypothécaires ont donc
des cycles beaucoup plus longs que les actions et les prêts sur marge qui se transigent en
quelques minutes.
Le bas de l’immobilier est très probablement loin d’être atteint, notamment à cause de l’effet des
diverses échéances des prêts hypothécaires au cours des 24 prochains mois. À chaque tournée de
renouvellement, un certain pourcentage des proprios auront des problèmes et la maison se
retrouvera en vente… mais pas avant cette date. Il en prend au minimum 9 mois à une banque
pour saisir une maison une fois que la décision est prise de la saisir.
Plus les gens entendent parler de ces histoires personnelles désolantes et tragiques pour au moins
3 millions de familles (estimation pour fin 2007- début 2008), plus l’appétit pour l’achat d’une
nouvelle maison ou d’une plus grosse maison diminuera. Et plus les gentils mononcles et matantes
auront le désir de couper les dépenses et la dette. Beaucoup d’actifs seront mis en vente dans ce
processus. Et c’est là le long et douloureux processus qui mène à la récession.
Pour matante Ginette et mononcle Roger, ce n’est pas la fin du monde. C’est juste des problèmes
financiers. Ils seront plus portés vers la famille et vers des valeurs plus profondes que durant leur
brève période de richesse gratuite illusoire. Et d’ailleurs, ce n’est tout de même pas la première
récession de l’histoire et nous sommes encore là. Reste que le chalet et le condo sont à vendre…
© 2006 LesAffaires.com
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