Combien ça coûte ? Combien ça rapporte … - aozeñ

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Combien ça coûte ? Combien ça rapporte … - aozeñ
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économie
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Comb
Combien ça rapporte …
Pour que la sauce
prenne, il faut trouver le
bon accord entre le lieu,
la carte et la clientèle.
Texte Maxime Buathier
Photos Martin Boudier
C
Notre exemple
Aozeñ, à Rennes
A
39 ans, Pierre Legrand arbore
un CV sans taches : formation auprès
d’aînés prestigieux, Alain Passard et
Alain Ducasse, second d’Alain Senderens chez Lucas Carton. Il y a quatre ans,
il a pris en main le piano de La Coquerie,
chez Lecoq-Gadby, à Rennes, une belle
adresse fraîchement étoilée au Michelin.
L’année dernière, son épouse Caroline
et lui décident de se lancer. Ils choisissent
un établissement où la cuisine est située
au cœur de la salle. Une disposition
atypique qui symbolise leur démarche :
rendre la gastronomie abordable par
le prix et la convivialité des lieux. Pierre
Legrand prépare les plats devant ses
clients, tandis que son épouse assure le
service en salle et la sommellerie. Le nom
Aozeñ, qui combine le breton aozañ
(préparer) et aozenn (ingrédients), donne
le ton. Le couple a l’ambition de servir
« une cuisine saine pour l’homme et utile
pour l’environnement ». Au menu, fruits
et légumes de saison, poissons de ligne
et vins de petits producteurs. En étant
cohérents du logo à l’assiette, les Legrand
ont donné à leur restaurant une identité
forte et lisible pour conquérir le quartier
d’affaires dans lequel ils sont installés.
rise oblige, les Français y regardent à deux fois avant de
pousser la porte d’un restaurant. A midi, ils lui préfèrent
la « gamelle », la vente à emporter ou
le fast-food. Au total, 72 % des repas
pris hors domicile présentent une
addition de moins de 10 euros, boissons comprises. « Ce qui fonctionne
le mieux en ce moment, c’est la restauration rapide haut de gamme qui
propose des produits frais et sains »,
confirme Bernard Boutboul, directeur du cabinet Gira Conseil, spécialiste de la consommation alimentaire hors domicile. La restauration
dite traditionnelle, là où l’on est
servi à table en prenant le temps de
déguster, accuse une baisse de 2 %
de son chiffre d’affaires sur les huit
premiers mois de l’année 2012, selon Gira Conseil. Ce qui ne décourage pas les vocations. Il s’est ouvert
9 595 restaurants en 2012 pour
8 074 fermetures (source CCI
France). La France compte près de
96 500 enseignes où se côtoient crêperies, auberges de campagne
ou encore les trois-étoiles qui
ont valu le classement de la
cuisine française au patrimoine de l’Unesco. Côté tendance émerge une gastronomie abordable rognant des
parts de marché aux restaurants moyen de gamme. Les
jeunes chefs serrent les prix,
au moins à l’heure du déjeuner, et embarquent ­ parfois
leur conjoint dans l’aventure
Sélectionner
pour diminuer les charges.
des ­légumes
C’est la voie qu’ont choisie
cultivés en bio
Caroline et Pierre Legrand en
ou en agriculouvrant leur premier restauture ­raisonnée,
rant à Rennes.
un engagement
pour le chef.
MARS 2013
Un restaurant Les fournisseurs
sont des voisins
L
e chef, qui fait son
­marché chaque matin,
s’annonce locavore. Pas de
grossistes, mais des producteurs de la région,
comme Annie Bertin pour
ses herbes sauvages et ses
légumes, ou Marie-Noëlle
et Paul Renault pour leurs
volailles. Le goût et la fraîcheur ont un coût, que
Pierre Legrand équilibre en
servant merlu et volaille
à midi, bar et pigeon, plus
coûteux, le soir.
Un mois en cuisine…
Ça coûte
Matières
­premières (légumes,
viandes, vin, etc.) :
6 448 € (30 %
du budget)
Remboursement
de l’emprunt :
2 100 € Le couple a
emprunté 150 000 €
(30 000 € d’apport)
pour régler le fonds
de commerce
(120 000 €), le matériel (20 000 €), les
frais d’établissement
(20 000 €), les
­travaux (11 000 €),
le mobilier (9 000 €)
et divers frais.
Loyer du local :
2 450 €.
Salaires (CDI) :
2 316 €.
Salaire du gérant :
1 650 €. Électricité :
380 €.
Gaz : 100 €.
Linge (blanchiment…) : 300 €.
Castalie (système
de filtration de l’eau) :
300 €.
Frais divers
(comptable, fleurs,
­Sacem…) : 4 000 €.
20 044 €
Ça rapporte
Service à table :
18 000 €, dont
4 020 € de vins
et alcools.
Vente de bons
­cadeaux : 2 115 €.
Vente à emporter :
450 €.
Cours de cuisine :
318 €.
20 883 €
A la maison, ou presque
Les Legrand officient l’un aux fourneaux,
l’autre en salle. Voir un chef précédemment à la tête d’un restaurant étoilé
­préparer son assiette participe de l’expérience culinaire. Le lieu faisant le plein,
un serveur a récemment été ­engagé.
Paiement à
carte… cadeau
Deux verres,
c’est mieux (pour
les affaires)
U
n vin est conseillé pour
accompagner chacun
des plats. Tous sont proposés au verre. Pour assurer sa
marge, le restaurant applique un multiplicateur de
quatre sur le prix d’achat,
mais de seulement deux sur
les grands crus afin de garder un prix raisonnable.
L’alcool (apéritifs inclus) est
un poste non négligeable
qui représente 20 % du chiffre d’affaires.
L
es clients peuvent offrir
un cours de cuisine ou
un repas à leurs proches
grâce à l’achat d’une carte
cadeau. Cette technique
commerciale est de plus en
plus utilisée par les restaurateurs qui peuvent ainsi
faire découvrir leur établissement. Aozeñ a vendu
141 bons cadeaux depuis
septembre 2012, soit
8 460 euros. L’argent étant
encaissé avant que le client
ne vienne profiter de son
­repas, l’opération soulage
la trésorerie.
Complet tous les soirs
P
ierre Legrand a eu le
plaisir de voir ses fidèles de La Coquerie pousser
sa porte, sa situation dans
un quartier de bureaux lui
assurant une clientèle d’affaires. Restait à trouver la
bonne équation offre/prix.
Ne disposant que de 25 couverts, il a restreint le choix
au déjeuner à deux entrées,
deux plats et deux desserts
(19 ou 23 euros) et affiche
le même menu pendant une
semaine. Le soir, c’est une
dégustation « à l’aveugle »
(39 ou 47 euros) avec un
menu unique. Avantages :
il limite son stock et travaille avec des produits de
saison. Exemples : sarrasin,
truffe, Saint-Jacques et panais étaient au menu en janvier. Six mois après l’ouverture, les bonnes surprises
s’accumulent. L’Aozeñ fait
le plein le soir, l’addition
moyenne est plus élevée
que prévue grâce au vin et
à quelques suppléments.
Enfin, le restaurant a reçu
plusieurs commandes de
plats à emporter pour des
cocktails ou dîners privés.
Les ateliers culinaires
diversifient les revenus
D
eux soirs par semaine et le samedi
à midi, le restaurant se transforme en
atelier culinaire. Les cours (45 et 60 euros)
sont bien sûr dispensés par Pierre Legrand
et se prolongent d’un dîner avec l’équipe.
Travailler la truffe, apprendre à choisir
un poisson et lever les filets, élaborer des
macarons… L’activité reste un peu en
deçà de ce qui était prévu dans le business
plan mais demeure un produit d’appel
pour les cartes cadeaux.
Les cours de cuisine permettent de fidéliser
la clientèle et de faire connaître l’endroit.
MARS 2013