Mouvements sociaux `à la française`

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Mouvements sociaux `à la française`
Systémique et Politique
MOUVEMENTS SOCIAUX "À LA FRANÇAISE"
1995-2006
Essai systémographique
Pierre F. Gonod
1 Mai 2006
Cette étude reprend des analyses précédentes, et non publiées, de mouvements sociaux en France de la
période 1995-2005, vus d'un point de vue systémique. Elle est actualisée par le décryptage de la
révolte sociale contre le CPE de mars 2006, elle en fait la comparaison, continuités, différences et
ruptures entre ces mouvements.
1 LA REVOLTE SOCIALE DE NOV-DEC 1995
ESSAI SYSTEMOGRAPHIQUE
La France a été secouée par un conflit social d’une ampleur exceptionnelle qui a surpris la plupart des
politologues, français et étrangers. Les notes qui suivent ont été rédigées durant les événements. Elles
ont été conservées en l’état. Sans doute aurait-il été possible, et souhaitable, d’en approfondir l’analyse
et de lui donner une dimension plus substantielle. Mais leur objet est de montrer, sur le vif, les
possibilités d’interprétation systémique d’événements majeurs.
Cet essai présente trois caractéristiques méthodologiques: 1 il commence par une description d’état et
de processus; 2 il utilise un modèle de représentation systémique de la vie politique, 3 il associe
formes graphique et littéraire.
I LES REFERENCES THEORIQUES ESSENTIELLES DE L’ESSAI
1 Descriptions d’état et de processus
Herbert A. SIMON les définit ainsi: “les (descriptions d’état) caractérisent le monde tel que
nous le percevons; elles nous donnent un critère pour identifier les objets souvent en modélisant les
objets eux-mêmes. Les (descriptions de processus) caractérisent le monde dans lequel nous agissons.
Elles nous donnent les moyens pour produire ou pour engendrer des objets ayant des caractéristiques
désirées. Le passage d’un type de description à l’autre signifie celui du monde perçu au monde
actionné... or la résolution des problèmes demande un transfert permanent des descriptions d’état aux
descriptions de processus au sein d’une même réalité complexe... nous posons un problème en donnant
une description de sa solution. Notre tâche consiste à découvrir une séquence qui produise l’état désiré
à partir de l’état initial”1.
•Le processus est un stade fondamental de la description du système et de l’anticipation. La
notion de processus est corrélative de celle d’évolution. Le processus est une séquence de phénomènes
dynamiques, en mouvement. C’est tout changement dans le temps de matière, d’énergie ou
d’information qui se produit dans le système traitant ces variables d’entrée et menant aux variables de
sortie.
Les processus se combinent entre eux à différents niveaux d’agrégation. Les processus agrégés
impliquent de nombreux acteurs dont les intérêts peuvent être coopératifs ou opposés. L’identification
des processus et de leur contrôle est décisive pour la prospective. La réponse à la question “qui les
contrôle?” donne la liste des acteurs impliqués. Celle “comment contrôlent-ils?”, donne la liste des
options politiques pour chaque acteur.
Il existe des processus dirigés, intentionnels, et d’autres sans buts, inintentionnels. Le
processus est en définitive un triplet système-temps-acteurs. Il résulte de l’état du système, de sa mise
en mouvement passée, présente, future, par des acteurs, au cours du temps.
2 Un modèle de représentation du système politique
David Easton 2 a développé un modèle systémique de la vie politique dont on résumera
quelques traits essentiels, tout au moins pour le présent essai. Il porte sur les transactions entre le
système et son environnement. La vie politique est considérée comme un mécanisme entrées-sorties.
Les inputs proviennent de l’environnement sociétal. Ils sont constitués d’exigences et de soutiens.
1
2
Simon H.A. "La science des systèmes, science de l'artificiel" Epi 1984
Easton D. "A system analysis of political life" John Willey & son NewYork 1965
1
•Les exigences sont les demandes adressées au système politique. Elles pénètrent ce dernier
après une conversion des besoins en exigences. Cette première conversion s’effectue selon deux
mécanismes de régulation, la régulation structurale qui fait appel à la notion de portier et à des rôles
spécialisés dans la formulation des exigences politiques, et la régulation culturelle qui complète les
freins mis en place par le système politique.
•La réduction, ou agrégation, des exigences politiques est un des principaux instruments de
régulation du flux des exigences spécifiques et variées en exigence globale. C’est une fonction
assumée, notamment, par les partis politiques et les syndicats. Le système politique comprend donc
des structures de réduction, des rôles spécialisés dans la réduction des exigences, des points de
combinaison et de réduction de la demande.
•C’est après cette réduction que le système peut traiter les exigences, formuler des priorités,
avancer des propositions de décision (en anglais “issues”). Les “issues” portent sur le fond de la
matière ou sur les moyens d’action.
Le système peut être soumis à une accumulation d’exigences, souvent contradictoires, pouvant
créer une surcharge. Le système politique peut répondre à celle-ci de différentes manières: en
satisfaisant les exigences dans la limite de ses possibilités, en réduisant la surcharge par le filtrage des
demandes, en s’adaptant à la situation, en développant le soutien, le support dont il bénéficie.
•La notion de soutien lie le système politique à son environnement. Sans soutien le système
s’effondre devant la moindre surcharge. Il faut distinguer entre l’effondrement et l’érosion du soutien
qui correspond à l’idée d’usure du pouvoir. C’est le rapport entre les niveaux des demandes et des
soutiens qui mesure le degré de l’érosion.
•Il y a trois objets de soutien dans le système politique: la communauté, le régime et les
autorités.
La communauté politique est le fondement du système politique. Les luttes politiques, les
conflits de classe ne sont pas pour autant des clivages communautaires. Pour qu’il y ait fracture il faut
que les lignes de partage coïncident. La communauté politique cherche à prévenir ce danger par la
socialisation politique, l’attachement à la communauté nationale, l’intégration culturelle.
Le soutien du régime politique est celui apporté à l’ensemble des règles du jeu nécessaires au
fonctionnement du système politique. Ces règles comprennent les normes, la structure du pouvoir.
Le soutien des autorités est celui apporté aux titulaires des rôles d’autorité, reposant sur leur
légitimité.
•Les outputs, c’est-à-dire les productions du système politique, sont des décisions et des
actions. Elles résultent d’une seconde conversion en son au sein, celle des “issues”. En rétroaction
elles opèrent l’environnement, produisant des effets qui donnent naissance à de nouvelles exigences et
à de nouveaux soutiens. Ainsi se développent des boucles rétroactives, des relations dialectiques
ininterrompues entre les entrées et les sorties du système.
3 Systémographie, graphique et mappings
La conception générale, la “systémique” a été entendue comme “un art méthodologique qui
recherche les théories et instruments analytiques appropriés à chaque cas”. C’est pourquoi la théorie
d’Easton a été utilisée, malgré les critiques qu’elle a pu soulever dans les années 70. La modélisation
de la vie politique a été prolongée par sa systémographie graphique, dont les “mappings” sont des
instruments.
•Les mappings sont des instruments nouveaux de la systémique et de la prospective.
Originellement un mapping désigne l’assignation de chaque élément à un ensemble (exemple un
modèle mathématique ou conceptuel), celle d’un élément du même ensemble à un autre ensemble, le
procès d’établir des correspondances une par une ou à plusieurs. Le mapping est, comme la
systémique, dont il est partie, un art méthodologique, un procès incrémental. Cette démarche est
heuristique, étendant ainsi le sens originel.
II LE MAPPING DE LA SITUATION SOCIALE AVANT LES GREVES DE NOV-DEC 1995
2
La figure 1 schématise la situation d’état, les processus en cours, les exigences de la société française,
les problèmes pour le gouvernement, et les décisions du gouvernement Juppé. Elle dispense de longs
commentaires.
•La situation d’état est structurée par le statut des générations et par les problèmes sociaux
correspondants. Leur perception avait conduit le candidat à la présidence de la République, Jacques
Chirac, au constat d’une fracture sociale, c’est-à-dire à l’existence d’une menace pour la communauté
nationale.
•Les processus en cours vont dans le sens d’une menace d’aggravation de la fracture sociale. Il faut
donc les inverser. Tel était le sens de la campagne, des promesses et de la victoire aux élections de J.
Chirac. Cette victoire marquait le point de rencontre entre la volonté politique de changer des
tendances négatives et le positif des exigences, d’espérance et justice sociale de la grande majorité de
la société. Car, sur un autre registre, Lionel Jospin exprimait, lui aussi, la même demande au nom de
l’opposition. On peut donc parler d’une surcharge des exigences.
•Confronté désormais à celles-ci le gouvernement doit faire face à des problèmes qui sont des
héritages de la situation d’état et des processus en mouvement, mais aussi de ses promesses
électorales. Durant six mois il flotte entre les mesures à court terme sans que se manifeste la politique
audacieuse et dynamique annoncée. Les sondages d’opinion montrent un désenchantement vis-à-vis
du Président et du Premier Ministre. Intervient alors le “plan Juppé”.
III LOGIQUE ET CONTRADICTIONS DES DECISIONS GOUVERNEMENTALES
La figure 2 relie les problèmes posés au gouvernement avec les décisions prises.
•Ces dernières sont dominées par le changement de cap annoncé par J. Chirac le 20 octobre 1995. Dès
lors la priorité devient la réduction des déficits. Et celle-ci se comprend par rapport à la priorité des
priorités: établir la monnaie unique conformément au calendrier établi. Les économistes sont très
divisés sur le bien-fondé technique de cette réforme monétaire. La monnaie unique est présentée
comme le chemin nécessaire vers l’unité politique. Or si l’Euro voit le jour, il est clair qu’il n’existera
que comme conséquence de l’union politique. Celle-ci est la finalité, et non pas la monnaie unique,
bien qu’il existe des relations circulaires entre elles. Mais ce n’est pas au nom de la monnaie unique
que les peuples européens, le peuple français en premier, accepteront les sacrifices demandés pour la
résorption des déficits.
•Le plan Juppé suit la logique inhérente au recentrage décidé. Après les mesures fiscales de l’été
concernant le relèvement de la TVA et celui du SMUG, l’allongement à 40 annuités de l’ouverture des
droits à la retraite pour les salariés du secteur privé, suit la présentation du programme de réduction du
déficit du budget social. Tout ceci est bien connu et il n’est pas besoin de rappeler l’inventaire des
mesures annoncées.
•Cette logique, saluée par la majorité parlementaire, est grosse cependant de contradictions par rapport
aux objectifs initiaux de résorption du chômage par un retour à la croissance, lui même subordonné à
la reprise de la consommation , qui suppose un climat de confiance.
Le schéma vertueux confiance ⁄ consommation ⁄ croissance, réduction du chômage est sur le fond
altéré par des contradictions. Ainsi la ponction fiscale de la TVA le nouvel impôt RDS, l’annonce,
abandonnée plus tard, de la fiscalisation des allocations familiales -quelles qu’en soient, par ailleurs
les justifications - sont contraires à la relance de la consommation, et, partant à la croissance et à la
résorption du chômage. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait qu’avec les économie réalisées sur le
budget de l’état, et avec des ressources provenant d’une réforme fiscale, le gouvernement puisse
impulser plus directement des créations d’emplois. Mais la réforme fiscale est programmée pour plus
tard, la création directe d’emplois dans le secteur public est contraire à la philosophie politique néolibérale. La promesse d’aboutir en deux ans à une réduction appréciable du chômage ne peut donc pas
être tenue. Mais, cet objectif, bien qu’il continue à être proclamé, n’est plus la priorité réelle.
L’opinion le ressent. Le plan Juppé centré sur la réduction des déficits du budget social s’accompagne
d’un contrat de plan de la SNCF, vite interprété comme la remise en cause des avantages acquis. Le
3
contrôle du parlement sur l’équilibre des comptes de la sécurité sociale est assimilé par Force Ouvrière
et la CGT à une étatisation. Le débat s’ouvre dans le pays sur les mesures. Des intellectuels de gauche
et la direction de la CFTC soutiennent le principe de la réforme de la sécurité sociale, et certaines des
mesures annoncées. Mais le rejet global l’emporte largement, l’opinion affiche une impressionnante
solidarité avec les luttes du secteur public. De nombreux travailleurs du privé, neutralisés par la crainte
de la perte d’emploi et atteints par le recul de la retraite, s’identifient avec ces luttes. Dès lors les
conflits multiples convergent, s’unissent dans une autre rationalité: le refus pour les salariés d’être
dépouillés d’avantages sociaux souvent acquis de haute lutte. Quelque chose bascule. Le conflit se
transforme en une révolte de la société française. La confiance chute et avec elle le moteur du cercle
vertueux.
IV LA SYSTEMOGRAPHIE DU PROCES POLITIQUE DU PLAN JUPPE
La figure 3 est, dans sa partie 3 a, une représentation graphique du modèle de EASTON, et dans sa
partie 3 b, en relation avec cette dernière, celle du procès politique du plan Juppé.
•Le gouvernement est soumis à la surcharge des exigences et de ses propres promesses, c’est
“l’overstress”. Pour traiter ces demandes le gouvernement ne procède pas à une concertation de ses
partenaires sociaux, afin de combiner et réduire les exigences par une négociation qui requerrait du
temps et soulèverait des oppositions prévisibles. Il pense faire passer en force un ensemble de mesures
qu’il juge indispensables pour la nouvelle priorité définie. Il procède alors selon une logique
introvertie qui est en concordance avec la pensée économique dominante. De fait le plan reçoit le
support de la majorité parlementaire qui apprécie sa portée et sa cohérence. L’initiative appartient au
Premier Ministre et place sur la défensive ses adversaires et d’autres partenaires sociaux. Le plan est la
marque, pour reprendre une distinction de Henry Kissinger, d’un “organized policy making” et non
d’un “incidental policy making” (fortuit). Dans le premier cas ce sont les actions qui engendrent les
événements, dans le second ce sont les événements qui déclenchent les actions réactives. Le plan
déclenche bien les événements, mais pas ceux souhaités.
• Les réformes annoncées constituent un” paquet”, difficile à vendre en détail à l’opinion. Son image
globale est perçue comme une menace contre le niveau de vie et les statuts spéciaux. Entre le niveau
des exigences et les réformes l’écart est grand. La déception est d’autant plus forte que les espérances
l’ont été et que l’élection présidentielle est récente. De “l’overstress” on passe à “l’overdose”.
Les courbes de soutien au gouvernement et aux grévistes évoluent en sens inverse, déclinent et
montent. Le niveau des soutiens est proche de l’effondrement. Il ne s’écroule pas cependant car le
support de la majorité parlementaire se maintient. Il n’est au demeurant guère d’autre choix dans la
perspective des élections législatives de 1998. Contrairement à mai 1968 où la légitimité du système
politique était mise en cause, il n’en est pas de même fin 95. Il n’y a pas de “chienlit”. Les syndicats
s’appuient sur les mouvements de la base, mais ils gardent la maîtrise de la situation. Ils connaissent
aussi et respectent les règles du jeu du régime politique.
La concertation est à l’ordre du jour, on ne revient certes pas à la phase de la transformation des
demandes en “issues”, mais en fait, à travers la discussion des modalités des mesures, à celle de la
transformation des “issues” en décisions. Le rapport de force, toutefois, n’est plus le même.
V UN EVENEMENT EXCEPTIONNEL : UN FRONT SOCIAL INTERGENERATIONS
La figure 4 montre comment les mouvements sociaux de novembre-décembre 95 ont crée une
nouvelle situation d’état caractérisée par une solidarité intergénérations.
•La comparaison avec mai 68 a été esquissée plus haut. Il faut y ajouter d’autres différences. Si on a
pu dire en 68 que la Sorbonne n’était pas la France, en 95 la révolte n’est pas seulement parisienne,
elle touche, quelquefois plus profondément, la province.
En 68 une énorme distance culturelle et politique séparait une minorité d’étudiants gauchistes de la
classe ouvrière. Les premiers voulaient rompre avec la société de consommation, la sacralisation du
travail, et avec des tabous culturels, les seconds aspiraient à améliorer leur niveau de vie et leurs
4
conditions de travail. On peut difficilement conclure de cet ensemble qu’il y avait surcharge des
exigences. Ou plus précisément les demandes des ouvriers pouvaient recevoir une solution classique
alors que celles, idéologiques, des premiers, ne pouvaient pas se transformer en “issue” pour décision.
En 95 les étudiants revendiquent un enseignement leur permettant d’entrer dans de bonnes conditions
dans la vie active. Il ne s’agit plus de désacralisation du travail mais d’en avoir un.
La massification des enseignements supérieurs crée une osmose plus forte entre étudiants et salariés.
La communication s’établit entre les revendications des uns et des autres. Une mutation des valeurs
s’esquisse dans la jeune génération, à la volonté de jouissance et de puissance des “30 glorieuses” tend
à se substituer la générosité et de nouvelles solidarités. L’incertitude de garder un emploi rend plus
sensible le montant des retraites. L’allongement de la durée de la vie, la jouissance de la retraite, sont
en relation circulaire avec le maintien de la santé. Cette dernière devient la priorité des exigences, et
par là même les dépenses de santé. Une chaîne de solidarité relie ainsi plusieurs générations.
La situation nouvelle est que réalité objective et sentiment subjectif se renforcent mutuellement.
• La situation d’état se trouve profondément modifiée par le cycle nouveau, actions programmées,
événements inopinés, actions réactives à court terme.
La situation d’état et les processus en mouvement ne doivent pas seulement être interprétés par rapport
aux menaces perçues, réelles ou non, du plan Juppé, mais par rapport à ses “manques”. La
comparaison des exigences et des décisions du gouvernement montre que les manques ressentis sont
plus importants que les menaces perçues. Le mouvement social prend alors la signification d’une
révolte non pas seulement contre des mesures, mais pour quelque chose d’autre. Ce quelque chose,
multiple, chaotique, qui va des exigences immédiates jusqu’à la redéfinition des valeurs, qui mûrit
sans avoir encore émergé de la transformation entrées-sorties du système politique, certains le
nomment projet de société. C’est la dimension pour passer d’une révolte à une révolution.
Pierre F. GONOD 18 février 1996
5
Mapping de la situation sociale avant les grêves de novembre-décembre 1995
situation d’état
processus en cours
statut des générations
troisième âge
maintien droits acquis
vieillissement de la population
retraités
adultes en activité
exigences
évolution du nombre d’actifs
santé pour tous
self-réalisation
temps libre
fonctionnaires
maintien statuts
salariés secteur public
salariés secteur privé
nouvelles embauches
jeunes
chômeurs
augmentation des salaires
déclin taux de reproduction
arrivées sur le marché du travail
sdf exclus
problèmes sociaux
absence de projet
crise universités
chômage
saturation avec la rigueur
répartition inégale
fracture sociale
compétition écon. sauvage
croissance faible
insécurité croissante
massification enseignement sup.
investissements de productivité
restructurations-licenciements
freinage consommation
réduction de la demande
accroissement des inégalités
promesses J. Chirac
problèmes pour le gouvernement
monnaie unique 1997
relance de la croissance
avenir pour les jeunes
logement social
solidarités
perspectives sociétales
réduction durée du travail
diminution du chômage
amélioration niveau de vie
société moins inégalitaire
espérance et justice sociale
décisions du gouvernement Juppé
engagement monnaie unique
stimulation de la croissance
relance consommation
création d’emplois
réduction déficits
budget
sécurité sociale
régimes spéciaux
fiscalité
incitations à l’embauche
résorption du chômage
résorption déficits
40 annuitéspour la retraite
orientation Sécu par le Parlement
nouvel impôt R.D.S.
augmentation cotisations sociales
augmentation TVA
fiscalisation allocations familiales
privatisations
mobilisation de l’épargne
mesures fiscales incitatives à la
mobilisation de l’épargne
confiance des investisseurs
PFG 31-12-95
Fig.1
6
Fig 2
Logique et contradictions des décisions gouvernementales
problèmes pour le gouvernement
décisions du gouvernement Juppé
monnaie unique 1997
engagement monnaie unique
stimulation de la croissance
■ relance de la croissance
relance consommation ■
incitations à l’embauche ■
création d’emplois
résorption du chômage■
résorption déficits
réduction déficits
budget
sécurité sociale
régimes spéciaux
fiscalité
privatisations
mobilisation de l’épargne
■
■
recentrage des priorités
40 annuitéspour la retraite ■
orientation Sécu par le Parlement■
■ nouvel impôt R.D.S.
■
■ augmentation cotisations sociales■
■ augmentation TVA
■
■ fiscalisation allocations familiales ■
■
mesures fiscales incitatives à la
mobilisation de l’épargne
■ confiance des investisseurs
boucle à influence positive
boucle à influence négative
PFG 3-1-96
7
Fig 3
SYSTEMOGRAPHIE DU PROCES POLITIQUE DU GOUVERNEMENT JUPPE
REPRESENTATION SYSTEMIQUE DU PROCES POLITIQUE
besoins
demandes
combinaison-réduction
points d'entrée
environnements
décisions
le système politique
environnements
“policy making” organisé :
les actions engendrent les événements
S
D1
attentes
T
opinion publique
motivations
D3
besoins
intérêts
préférences
U
R
D4
inputs
idéologie
Oa
D5
outputs
D2
Ob
V
D6
I
Oc
D7
W
R
D8
I
On
Dn
feedback
points de réduction et de combinaison
D1....n: différentes demandes
S à W canaux d'écoulement de la demande
conversion en "issues"(questions à débattre)
Oa...n , conversion en outputs
flots des outputs dans les environnements
disparition de la demande
échelle de support
support haut ou positif
acceptation passive, acceptation, ou indifférence
support bas ou négatif
support décroissant
support croissant
LE PROCES POLITIQUE DU PLAN JUPPÉ
besoins
exigences
demandes
environnements
décisions
le système politique
environnements
Oa
D1
opinion publique
idéologie
Ob
D2
motivations
besoins
overstress
intérêts
préférences
Od
D3
D4
D5
Priorités et mesures
non concertées avec
les partenaires sociaux
D6
outputs
attentes
inputs
maintien droits acquis
santé pour tous
self-réalisation
temps libre
maintien statuts
nouvelles embauches
augmentation des salaires
avenir pour les jeunes
logement social
solidarités
perspectives sociétales
réduction durée du travail
diminution du chômage
amélioration niveau de vie
société moins inégalitaire
logique introvertie
points d'entrée
Oe
Of
Og
D7
Oh
D8
décisions du gouvernement Juppé
engagement monnaie unique
résorption déficits
stimulation de la croissance
résorption du chômage
incitations à l’embauche
nouvel impôt RDS
40 annuités pour la retraite
orientation Sécu par le Parlement
augmentation TVA
fiscalisation allocations familiales
mesures fiscales incitatives à la
mobilisation de l’épargne
On
Dn
feedback
D1....n: différentes demandes
S à W canaux d'écoulement de la demande
disparition de la demande
points de réduction et de combinaison
conversion en "issues"(questions à débattre)
Oa...n , conversion en outputs
flots des outputs dans les environnements
“paquet” de réformes
overdose
espérance et justice sociale
niveau des exigences
promesses J. Chirac
déception
crise de confiance
en rétroaction des événements inopinés
risquent de faire perdre
la maîtrise d’un “policy making” organisé et
de provoquer
un “policy making “ fortuit et réactif où les
événements déclenchent les actions, limitent
les libertés d’action, et l’horizon au court
terme
soutiens
niveau de soutien parlementaire
niveau de soutien de l’opinion aux grévistes
niveau des soutiens
niveau de soutien de l’opinion à J. Chirac et A. Juppé
temps
PFG 3-1-96
8
Fig 4
UN EVENEMENT EXCEPTIONNEL : UN FRONT SOCIAL INTERGENERATIONS
situation d’état
décisions du gouvernement Juppé
engagement monnaie unique
stimulation de la croissance
exigences
statut des générations
maintien droits acquis
troisième âge
santé pour tous
self-réalisation
temps libre
retraités
adultes en activité
incitations à l’embauche
résorption du chômage
résorption déficits
fonctionnaires
maintien statuts
salariés secteur public
nouvelles embauches
salariés secteur privé
augmentation des salaires
jeunes
avenir pour les jeunes
chômeurs
40 annuitéspour la retraite
orientation Sécu par le Parlement
nouvel impôt R.D.S.
augmentation cotisations sociales
sdf exclus
problèmes sociaux
logement social
solidarités
augmentation TVA
fiscalisation allocations familiales
absence de projet
perspectives sociétales
mesures fiscales incitatives à la
mobilisation de l’épargne
chômage
crise universités
menaces perçues
comment le Plan Juppé a-t-il été ressenti par les salariés
saturation avec la rigueur
réduction durée du travail
diminution du chômage
amélioration niveau de vie
répartition inégale
société moins inégalitaire
fracture sociale
nouvelle situation d’état
manques
espérance et justice sociale
ce qu’il est advenu: un large front de protestation sociale
statut des générations
•les mesures à l’encontre des régimes de retraite sont vues
comme des menaces futures par les actifs
•la lutte des cheminots contre le contrat de plan de la SNCF
est ressentie comme un barrage aux licenciements
et aux sacrifices à sens unique
•les salariés du secteur privé, au statut souvent vulnérable et
sous la menace du chômage, et, partant conduits à la
modération revendicative, s’identifient avec les grêves des
salariés du secteur public
•les étudiants se mobilisent contre la détérioration des
conditions de fonctionnement de l’Université et pour une
qualité des enseignements permettant une entrée dans la vie
active
troisième âge
retraités
soutien de la majorité des retraités aux mouvements sociaux
adultes en activité
fonctionnaires
salariés secteur public
participation active des salariés du secteur public et
soustien d’un grand nombre de salariés du privé
compréhension du public malgré les difficultés dues aux grèves
salariés secteur privé
jeunes
conjonction des grêves universitaires avec celles du
secteur public
chômeurs
sdf exclus
problèmes sociaux
absence de projet
solidarité intergénérations
crise universités
chômage
saturation avec la rigueur
répartition inégale
PFG 3-1-96
9
2 INTERLUDE
Fig 5
"Mapping" de la crise des lycées
représentation culturelle
les perspectives
les cadres dirigeants
l'idéologie de l'économie
de marché
la trappe des premiers cycles
du supérieur
conflits de valeurs
"driving forces "
Le vide laissé par
l'écroulement des grandes
idéologies
la compétition internationale
le désir des objets
de consommation
l'argent
la prise en main de son destin
la réussite
l'emploi bien payé
les "gagneurs"
l'échec scolaire
les perdants
démocratiser la gestion
des établissements
absence de formation
la différenciation avec les
représentations des parents
travaux sans intérêt et mal payés
la solidarité
le chômage
la technologie
dualisme des qualifications
exigence d'une formation élevée
la massification du secondaire
la générosité de la jeunesse
l'individualisme
l'exclusion
les conditions matérielles
de l'éducation
s
u
r
les professeurs
c
l'insuffisance des traitements h
a
r
la baisse du statut
g
des enseignants
e
la crise du recrutement
l'inquiétude
l’insuffisance des
installations
le stress
la baisse de qualité de
l’enseignement
les décisions négociées
le manque de surveillants
la sécurité dans les lycées
les conditions
matérielles de
l'éducation
l'hyper centralisation
administrative et la
sous-administration locale
conflits de
valeurs
"driving forces"
l'insuffisance des
installations
l'osmose lycée-rue
crédit 4 Milliards F
l'environnement urbain
la révolte
les banlieues-ghettos
l'inoccupation
l'ennui
les milieux familiaux
défavorisés
les bandes
la surcharge
l'argent
démocratiser
la gestion
la technologie
le manque de
surveillants
la population immigrée
le racisme
représentation
culturelle
la violence
l'hyper centralisation
administrative et la
sous-administration
locale
la casse
revendications des lycéens
affectation prioritaire des
crédits par le gouvernement
PFG 17 février 1998
10
3 CHRONIQUE : LA SUITE DU GRAND SPECTACLE SOCIAL
POST-SCRIPTUM EN 2006 DE L’ESSAI SYSTÉMOGRAPHIQUE
Tout à été dit… ou presque, sur la secousse du mouvement anti-CPE. Politiques, syndicalistes,
journalistes, chroniqueurs, sociologues, ont multiplié les analyses pour essayer de comprendre. Je
n’aurais pas l’outrecuidance d’y ajouter des éclairages nouveaux, mais je pense qu’il n’est pas inutile
de mettre un peu d’ordre dans ce fatras d’opinions. La « systémique » peut y aider.
Elle concernera, d’abord un « mapping » de la situation sociale avant les grèves anti-CPE. Ensuite, ce
« mapping » sera comparé avec la situation sociale avant les grèves de novembre-décembre 1995 (voir
précédemment fig 1). Enfin, un retour sur la flambée des banlieues de la fin 2005 permettra de montrer
les différences avec la révolte anti-CPE et les caractéristiques des acteurs du mouvement social de
février-mars 2006.
• Quand on compare les mappings 1995 et 2005 on est frappé à la fois par les similitudes et les
différences.
Les exigences du corps social en 2005 ne diffèrent guère de celles de 1995. C’est dire que les
générations n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes à leurs attentes et espérances.
La situation d’état et les processus en cours, par contre, ont connu des modifications.
Ainsi la mutation anthropologue en cours depuis deux décennies a marqué, dans la dernière, la
situation des jeunes et celle de l’Université, tandis que la globalisation croissante opérait pleinement la
société française, des boucles récursives reliaient ces composants de la situation d’état. Ce qui a
conduit à une évolution de la structure.
Il y a évidemment la pérennité de certains processus, tel le vieillissement de la population. Le déclin
des arrivées sur le marché du travail commence avec l’épuisement, depuis longtemps, du « babyboom » d’après guerre. La massification de l’enseignement secondaire et supérieur a toujours un
volant d’inertie. L'économie continue à traîner sa léthargie avec une croissance molle, tandis que les
investissements de productivité continuent à prédominer sur ceux d'extension, et que s'amplifie le
couplage des restructurations et des licenciements. Les inégalités continuent à s'accroître.
Mais il y a modification et apparition d'autres processus essentiels. Ce sont la fragilisation des classes
moyennes issues des "30 glorieuses" et de leur stabilisation relative dans la période 1975-95,
l'apparition de travailleurs pauvres, la multiplication des exclus, Sdf, chômeurs, perdants de toutes
sortes, dans l'impossibilité de se loger avec la montée en flèche des prix de l'immobilier, toute une
partie de la population a basculé dans une nouvelle pauvreté. La sécurité ne concerne plus seulement
celle des personnes et des biens, mais celle de l'emploi. Elle frappe de plein fouet nombre de seniors,
et fait planer une menace sur le montant des retraites.
Et puis, il y a les jeunes. Il sont loin, comme on le verra, de constituer un ensemble homogène, mais il
y a des groupes identifiables. En premier lieu, les jeunes sortis sans formation du système scolaire et
galérant entre chômage, petits boulots mal payés, travail à temps partiel, intérims, et CDD répétitifs
dans le meilleur des cas. À l'extrémité les jeunes des ghettos de banlieues, descendants d'immigrés
Nord-Africains et de Noirs, sans qualification et en rupture d'identité. En second lieu les jeunes
diplômés qui éprouvent des difficultés à entrer sur le marché du travail, et restent sous l'abri et la
dépendance du logis familial. Dans cette catégorie on trouve aussi les étudiants qui ont choisi des
filières bouchées. Il y a ceux, qui visaient moins haut dans l'échelle sociale, mais qui ont reçu une
formation professionnelle et les apprentis. Enfin l'élite sélectionnée des grandes écoles qui est recrutée
par les entreprises parfois avant leur sortie de l'école.
Il faut dire aussi que, généralement, ces jeunes ont mal été préparés à affronter les difficiles combats
de la nouvelle société, de la "société du risque"3. C'est pourquoi il est particulièrement remarquable de
3
Sans développer ici les conditions psychosociologiques qui conditionnent désormais l'enfant, je renvoie à
l'entretien de Paul Yonnet dans l'Express du 2 mars 2006 dans lequel il explique pourquoi et comment l'enfant a
acquis une autonomie et une puissance de décision familiale, à rapprocher du pamphlet de Régis Debray contre
11
voir la réactivité, la détermination et le volontarisme de la jeunesse engagée dans le mouvement antiCPE. La cohorte 2006 marque une rupture générationnelle. Car c'est elle qui a été à la pointe du
mouvement, ce qui n'était pas le cas en novembre-décembre 1995 où elle accompagnait le mouvement
des salariés contre le plan Juppé, alors que cette fois-ci c'est ce dernier qui a été en position
d'auxiliaire.
Autre comparaison, le niveau des soutiens des mesures gouvernementales en 1995 et 2006. Comme il
a été noté précédemment, David Easton a développé un modèle systémique de la vie politique qui
incorpore la question du soutien. Sans soutien le système s'effondre à la moindre surcharge. En 1995 et
2006, le pouvoir politique s'est érodé -sans pour autant s'effondrer. Mais puisque la "surcharge" du
CPE était moins lourde que celle du Plan Juppé, il s'ensuit, d'une part, que le pouvoir actuel est plus
vulnérable que celui de 1995, et d'autre part, que la lutte anti-CPE cristallisait un flot d'exigences
implicites. Le régime politique, par son style et son incohérence apparente de promulgation et de nonapplication de la loi, est sorti affaibli, et avec lui, les autorités, autre composante de l'objet du soutien.
Le positionnement intergénérationnel est, par ailleurs, intéressant à analyser. La convergence en 1995
concernait les salariés du secteur public, soutenus par une partie de ceux du privé, conduits à la
modération par suite des menaces de chômage, des retraités et des étudiants, déjà mobilisés contre la
détérioration des conditions de fonctionnement de l'Université. En 2006 il s'agit pour ces derniers
d'une révolte contre la perspective de la légalisation de la précarité. Une posture tournée, cette fois-ci,
vers le futur. La convergence s'effectue avec une tout autre ampleur avec les salariés, y compris du
privé qui vivent eux la précarité. Il y a osmose entre les élèves et étudiants issus des milieux
populaires et leurs parents des classes moyennes menacées 4. Et fait remarquable avec des retraités, des
"papys" sinon de la belle époque, du moins de celle de la croissance et de la confiance dans l'avenir.
Un avenir où l'horizon n'était pas celui de la globalisation.
La globalisation était sans doute en marche en 1995, mais elle a atteint un stade qualitatif nouveau au
cours des dix dernières années. Entre autres manifestations, l'information instantanée et le choc des
images créent une autre perception du monde Le culte de l'immédiat imprègne désormais la société. Il
en de même des nouveaux moyens de communication, le téléphone mobile et Internet. Mais par
rapport à l'emploi, et singulièrement en France, l'essentiel est la nouvelle étape franchie par le
capitalisme avec la globalisation, et, en son sein, la domination du capitalisme financier.
La mutation du capitalisme français dans ce cadre est passée sous silence. Il faut rappeler cependant
qu'une de ses caractéristiques a été l'exportation des capitaux. Lénine pouvait écrire que les rentiers
français vivaient de "la tonte des coupons" ! La géographie des placements français différait de celle
de l'empire anglais. Les deux guerres mondiales, et particulièrement la dernière, portèrent un rude
coup aux avoirs, notamment ceux de Europe de l'Est. La décolonisation, enfin, rendit impératif le repli
sur l'Hexagone. Ces conditions objectives furent un facteur primordial d'explication de la dynamique
du capitalisme français des cinquante dernières années. Changent ces conditions, et, pourrait-on dire,
le naturel reprend le dessus…Il s'ensuit que le retour de l'emploi sur le territoire sera particulièrement
difficile et créera des conflits violents.
L'Europe n'étant pas un projet identifiable pour les jeunes, ainsi que le vote référendaire l'a montré, la
perspective est, soit, pour quelques uns la fuite vers l'univers anglo-saxon, soit, pour la grande majorité
le combat dans le champ français.
Un regard en arrière montre que le front social intergénérations de 1995 n'a pas débouché sur un projet
de société. La révolte n'est pas passée à la "révolution". L'introuvable "projet de société" est
aujourd'hui au cœur de la réflexion et de l'agitation politiques. Rien n'est joué. Mais ce qui est sûr c'est
que la structure de la situation d'état en 2006 n'est plus celle de 1995. Et partant la crise devient
structurelle.
la dictature du jeunisse "Le plan vermeil " Gallimard 2005, "la société du risque" d'Ulrich Beck Aubier 2001,
sans oublier, sur un autre plan, celui de la gouvernance, l'essai décapant de Michel Schneider "Big mother,
psychopathologie de la vie politique" Odile Jacob 2002, où maternage et câlinage sont les deux mamelles du
pouvoir.
4
Rien à voir avec mai 1968 et la coupure culturelle et idéologique entre protestataires étudiants et parents des
classes aisées.
12
Mapping de la situation sociale avant les grêves de mars 2006
situation d’état 2005
processus en cours
statut des générations
troisième âge
retraités
vieillissement de la population
début retraite génération
“baby-boom” 1945-65
remplacements de nombre d’actifs
adultes en activité
jeunes
jeunes sans formation :
chômage, précarité, petits
boulots mal payés, CDD
jeunes diplomés :
entrée difficile et tardive sur
le marché du travail,
déclin taux de reproduction et des
arrivées sur le marché du travail
permanence du chômage, plus
fort dans les quartiers déhérités
et les générations d’immigrés
révolte des jeunes des banlieues
fin 2005
hébergement parental
déqualification des emplois par
rapport aux diplomes
exigences
amélioration niveau de vie
maintien droits acquis,
santé pour tous
maintien des exigences : statuts,
augmentation des salaires, selfréalisation, temps de loisirs...
crise universités
massification enseignement sup.
sdf , exclus et mal logés
boom des prix de l’immobilier
difficultés accrues pour se loger
retour tendance historique
du capitalisme français:
exportation des capitaux
délocalisation d’activités
analyses du déclin Français
croissance faible
investissements de productivité
restructurations-licenciements
freinage consommation
réduction de la demande
logement social
accroissement des inégalités
instabilité et insécurité croissante
de l’emploi
société moins inégalitaire
globalisation
nouvelle étape du capitalisme
domination capitalisme financier
répartition inégale
absence de projet
fracture(s) sociale(s)
générationnelles
salariales
éducatives
entre “élites” et le peuple
désaffection pour l’U.E.
moins d’avenir pour les jeunes
diminution du chômage
nouvelle politique :
Sécurisation-Emploi-Formation
perspectives sociétales solidaires
espérance et justice sociale
contexte politique et problèmes
pour le gouvernement De Villepin
promesses J. Chirac de 1995
élection de juin 2002
échec de la majorité aux élections régionales de 2004
échec du référendum du 28 mai 2005
majorité parle mentaire n’est plus représentative de l’opinion
rivalité Sarkozy-Villepin pour l’élection présidentielle 2007
décisions du gouvernement
priorité absolue à l’emploi
contrat C NE
utilisation article 49.3
contrat CPE
13
PFG 20-04-2006
DE LA FLAMBÉE DES BANLIEUES AUX MANIFS ANTI-CPE
Ce n’était pas la même chose !
Flambée octobre 2005
manif mars 2006
C'est un fait, en février-mars 2006 de puissantes manifestations pacifiques anti-CPE ont en lieu dans
les banlieues qui avaient flambé à la fin 2005, particulièrement en Seine-Saint-Denis. La crainte des
maires de ces communes était précisément que l'incendie se rallume. Il n'en a rien été, il est utile de
comprendre pourquoi.
Après la grande flambée j'avais fait un essai sur la typologie identitaire des émeutiers, le bouclage de
leurs issues dans un "jeu des 4 coins" de la famille, du logement, de l'éducation et de la famille5.
J'y suivais leurs "cartes identitaires" des premières et secondes générations d'immigrés (à travers
l'exemple des Algériens) dans les contextes de l'époque auxquelles elles se réfèrent.
Ces cartes remontent à la fin de la guerre en 1945 et concernent la première et la seconde génération
d'immigrés en France.
Elles contiennent 3 pôles : l'Islam, l'Algérie, et la France.
• Pour les "parents" (1945-1965) les références primordiales étaient l'Algérie et l'Islam. La France était
perçue à la fois à la fois comme puissance colonisatrice et vecteur de progrès du monde industrialisé.
De la guerre d'Algérie menée contre l'armée occupante, surgira un fort sentiment nationaliste.
• La première génération d'immigrés (1965-1985) jouit d'une situation exceptionnelle. C'est la période
d'une croissance exceptionnelle, de quasi plein emploi et de recherche outremer de main d'œuvre. Dès
lors l'importance du pays d'origine et de l'Islam se relativise et la référence française occupe d'avantage
d'espace identitaire. L'intégration dans la société française est en perspective. Elle signifie un travail, la
sécurité sociale, le regroupement familial, la scolarisation, un logement dans les nouvelles cités. Leurs
enfants naissent en France et sont Français.
À partir de 1975, la situation se complique, le cycle de croissance d'après guerre, 1945-1975, s'achève,
le chômage apparaît tandis que l'immigration croît.
• La seconde génération d'immigrés (1985-2005 connaît une situation dramatiquement dégradée. Les
enfants de la première génération sont mal scolarisés, sans formation suffisante pour un marché du
travail exigeant en qualifications et rétrécit. Le racisme se manifeste à l'embauche. L'exemple des
jeunes diplomés empêchés à l'embauche décourage nombre d'élèves qui décrochent de l'école.
L'ascenseur social ne fonctionne plus. Les barres et les tours des grands ensembles se détériorent. La
société de consommation ambiante est une frustation pour ceux qui n'y entrent pas. Certains jeunes
tombent dans le trafic et la délinquance. Des bandes se constituent, comme c'est le cas depuis très
longtemps dans les grandes villes américaines. Les images de la télévision suggèrent de nouveaux
héros : ceux de l'Intifada. Et ceci, où paradoxalement, les références à l'Islam et au pays d'origine
s'estompent. Mais, aussi, celle de la France républicaine, laïque, égalitaire et fraternelle. Il n'y a pas de
réponse à la question qu'on se pose à vingt ans "Qu'est-ce que je fais de ma vie ?". Ou plutôt il y en a
une "No futur !".
5
Essai publié dans Newropeans Magazine du 29-11-2005.
14
Commence alors pour ces enfants d'immigrés un curieux jeu des quatre coins. Un modèle existentiel
"normal" est à la rencontre de 4 pôles : La famille, l'éducation, le travail, le logement. Ces 4 pôles sont
interconnectés et convergent vers un mode de vie. Le modèle réel en est très éloigné. Les 4 coins ont
des barrières qui en interdisent l'entrée. Les phénomènes d'exclusion se réunissent en boucle. Les
négatifs s'additionnent, et l'on sait en systémique, que les processus positifs quand ils se cumulent
conduisent à des explosions (par exemple la démographie).
L'explosion de trois semaines de violences est à la mesure des frustrations. Elle a pris des formes
symboliques. Violences vis-à-vis de l'État et de sa police, de l'éducation et de ses écoles, du travail
avec ses usines, de la société de consommation avec ses voitures…Le passage du virtuel, du jeu, au
réel, est une réponse à l'interrogation "Qui suis-je ?". "Je suis" quand je passe à la télé, quand j'ai
marqué la possession de mon territoire par le feu et les ruines. La "rage des banlieues" a créé
l'événement mondial sous le regard lucide et sans complaisance de la presse mondiale6. Et suscité
l'inquiétude7. Parmi toutes les explications avancées, je privilégierais celle d'Ulrich Beck8. Pour lui, les
origines des émeutes dans les banlieues françaises dépassent le cadre national"... "En fait, nous
assistons à l'émergence d'une nouvelle ligne de conflit au XXIe siècle. La question clé est la suivante :
que va-t-il arriver à ceux qui restent exclus du meilleur des mondes de la globalisation ?"... "Autrefois,
les riches avaient besoin des pauvres pour s'enrichir. Les nouveaux riches de la mondialisation n'ont
plus besoin des pauvres. Voilà pourquoi les enfants français d'immigrés africains ou maghrébins, qui
vivent une existence sans perspectives dans la périphérie des grandes villes, ne sont pas seulement
pauvres, pas seulement chômeurs. … La violence dans les banlieues serait donc au fond le signe d'une
"révolte des inutiles". "L'économie mondialisée peut croître sans eux. Les gouvernements peuvent être
élus sans leurs voix. Ces jeunes sont des citoyens sur le papier, mais en réalité ils sont des noncitoyens et constituent donc une accusation vivante de tous les autres. Même le mouvement ouvrier ne
sait pas comment les appréhender."
Sans réfuter les causes profondes, globales, de la révolte Emmanuel Todd9 y discerne une autre
signification. "Il n'y a rien dans les événements eux-mêmes qui sépare radicalement les enfants
d'immigrés du reste de la société française. J'y vois exactement le contraire. J'interprète les événements
comme un refus de marginalisation… Je lis leur révolte comme une aspiration à l'égalité". Alors il y at-il une nouvelle perspective d'intégration française ?
Quelques signes laissent espérer. Il y a d'abord le comportement de nombreuses jeunes filles
maghrébines et noires qui, par leur assiduité et leur ténacité à l'école, cherchent à forcer le destin. Il y a
ceux, qui, contre tous les obstacles, ont pu se faire une place dans les entreprises et les localités. Il y a
ceux qui n'ont pas baissé les bras dans les mouvements associatifs. Il y a enfin le civisme dont a fait
preuve la grande partie de la population française, y compris, malgré leur colère les victimes des
exactions 10.
Une nouvelle identité pour ceux qui l'ont perdue est donc à rebâtir. Il faut définir ce que signifie être
français aujourd'hui11. Edgar Morin prend en compte la montée de l'affirmation identitaire et pense que
"l'unité doit permettre la diversité" 12. Mais l'unité française, minée par la fracture sociale, stigmatisée
mais non traitée, et qui n'affecte pas seulement la partie des descendants d'immigrés, mais des couches
sociales plus nombreuses, requiert maintenant un grand projet sociétal. Difficile à concevoir et mettre
6
Voir le supplément spécial "La rage des banlieues" Courrier International N 785.
Voir dans ce Numéro l'article de Trevor Phillips "Vu de Grande-Bretagne, Nous sommes tous concernés". Il n'y
a pas que les pays d'Europe Occidentale, ainsi, en Pologne, où l'immigration est très faible, le tabloïd varsovien
Super Express explique que la situation des grandes agglomérations et des importants centres industriels peut à
terme devenir explosive.
8
Courrier international N 784 du 15 novembre 2005
9
Interview Le Monde du 12-11-2005
10
Cela aurait pu tourner plus mal, notamment par la constitution de milices civiques manipulées par l'extrême
droite. Si le pire a été évité, on le doit, aussi, au sang-froid et au professionnalisme des forces de l'ordre.
11
Voir l'article de Frank Furedi "Des hommes politiques fatigués" CI N° 785.
12
Interview dans l'Express du 17 -11-2005.
7
15
en œuvre dans les conditions de la mondialisation et du contexte européen actuel. Mais s'il y a une
"exception française" pourquoi pas celle-là ?
On trouvera en annexes les cartes identitaires, le "jeu des 4 coins" et la révolte des jeunes de
banlieues issus de l'immigration
La jeunesse ? Non les jeunesses !
Les mouvements sociaux de 2005-2006 montrent que, contrairement, à des jugements hâtifs, il n'y a
pas la jeunesse, mais des jeunesses. Sans doute, bien des facteurs d'homogénéité existent, tels que les
mœurs, les vêtements, les portables, la musique, le sport, l'alimentation …Mais ils n'effacent pas les
différenciations sociales, voire ethniques et religieuses.
Les étudiants et lycéens dans la rue en 2006, comprenaient bien dans leurs rangs des descendants
d'immigrés, mais l'essentiel n'est pas là. Dans leur grande majorité c'étaient des enfants issus des
classes moyennes et populaires.
Ils avaient un mode existentiel "normal" entre famille, logement et études. Ce n'était pas
l'enfermement identitaire marqué par les boucles récursives négatives des phénomènes d'exclusion et
qui explosera dans la révolte en banlieue. En fait, dans le jeu des 4 coins, contrairement aux jeunes
révoltés, une seule porte paraissait bloquée : celle de l'emploi. Ce qui, entre autres raisons explique la
pugnacité exceptionnelle des opposants au CPE. Mais cet unanimisme ne doit pas pour autant masquer
les différenciations sociales. On a essayé précédemment d'identifier quelques groupes à côté de ceux
des ghettos de banlieues : jeunes sans formation, diplômés mal orientés et sans emploi, apprentis et
jeunes en formation, intérimaires, sélectionnés des grandes écoles… Ils ne sont pas tous égaux. Les
inégalités sociales se reproduisent à travers eux.
Les différenciations se font d'abord au sein de la famille, selon la naissance et l'argent. Critères
corrélés avec ceux du logement, qui crée des conditions favorables ou défavorables aux études. Ces
deux fondations sont des conditions permissives de l'éducation, de l'entrée dans les bons ou les
mauvais lycées, de l'orientation dans les filières, de l'échec scolaire ou de la sélection pour les grandes
écoles. Le système de l'éducation est en cause.
Éducation, Emploi : les modélisations nécessaires
Les débats actuels rajeunissent… Mais ce n'est pas drôle ! La réforme du système de l'éducation ne
peut être le résultat d'un bricolage improvisé. Il faut comprendre sa complexité et ses articulations avec
le système de l'emploi, mais aussi avec ceux de la science et de la technologie. En bref, le système des
systèmes.
J'ai eu l'occasion d'en tenter la modélisation il y a 25 ans dans le cadre des travaux de l'Institut
International de la Planification de l'Education de l'UNESCO13. Ce retour m'a fait mesurer
l'importance de la régression intellectuelle et du réductionnisme d'aujourd'hui. Même s'il est
maintenant politiquement correct de ne plus parler de "planification", pourtant s'il est un secteur où
elle reste nécessaire c'est bien celui de l'éducation. Non seulement en raison du facteur
démographique, mais de l'évolution des besoins et de la technologie, et de ses perspectives, qui
imprègne nos sociétés. L'éducation est une puissance lourde et lente. La transformer n'est pas l'affaire
des fièvres politiques immédiates, mais s'inscrit dans la longue durée, 20 à 25 ans. La modélisation du
système et de ceux avec lesquels elle est en transactions, n'est pas un gadget, c'est une condition de
l'action. La modélisation inclut la question des finalités et des choix culturels et politiques essentiels.
De même celle de l'emploi montre la complexité des interrelations de ses composants, dont l'évolution
technologique est un des moteurs.
C'est pourquoi j'ai reproduit en Annexes une Analyse du système de l'éducation et un "Mapping de
l'emploi" un peu moins simplistes que les représentations courantes ■
13
Pierre Gonod "Pour une planification conjointe de l'éducation et de la technologie" IIPE-UNESCO 1981.
16
ANNEXES
CARTES IDENTITAIRES*
1945
contexte
ISLAM
nés en Algérie
ALGÉRIE
LES PARENTS
L’islam et le Pays sont les référents
La France a une perception duale :
colonisateur et émancipateur
FRANCE
guerre mondiale
décolonisation
indépendance de l’Algérie
nationalisme
1965
20 ans qu’est-ce que je fais de ma vie ?
espoir de’une vie meilleure après la guerre mondiale
et l’indépendanc algérienne
1965
ISLAM
ALGÉRIE
Perspective d’intégration
dans la société française
nés en France
1er GÉNÉRATION
FRANCE
L’islam et le pays ne sont plus
les valeurs dominantes
L’intégration en France devient le
référent
1985
20 ans qu’est-ce que je fais de ma vie ?
EUROPE
espoir d’un autre mode de vie et de l’ascension sociale
nés en Europe
rétrésissement de l’espace identitaire
1985
ISLAM
nés en France
2005
Pertes de repères
Qui suis-je ?
2ème GÉNÉRATION
recul ou disparition des
FRANCE
référents : L’Islam, le Pays,
la France
20 ans qu’est-ce que je fais de ma vie ?
EUROPE
nés en Europe
ALGÉRIE
blocages dans la société française
pas de projet européen
frustations, violences
cycle économique
des “30 glorieuses”
1945-1975
croissance économique
quasi plein emploi
besoins de main d’œuvre
immigration massive
1975 rupture cycle
rapatriement familial
sécurité sociale
française
scolarisation
croissance faible
apparition du chômage
mondialisation
nouvelles technologies
qualifications élevées
échec scolaire
chômage de masse
discrimination embauche
racisme
pénurie de logements
concentration urbaine
trafics
délinquance
information TV, portables
NO FUTUR !
* à travers le cas de l’immigration algérienne
PFG 18-11-2005
17
le jeu des 4 coins des jeunes issus de l’immigration
un modèle existentiel “normal”
FAMILLE
mœurs
religion
origine
EDUCATION
MODE DE VIE
LOGEMENT
TRAVAIL
le modèle réel
+
FAMILLE
mœurs
religion
origine
+
+
EDUCATION
+
MODE DE VIE
+
LOGEMENT
++
+
les barrières
+
l’addition
des moins
TRAVAIL
des phénomènes d’exclusion (négatifs) quand ils s’additionnent (+)
engendrent des processus cumulatifs qui conduisent à des explosions
PFGonod 18-11-2005
18
retours de flammes
destructuration familiale
parents, soeurs..dominés
retour vers l’islamisme
FAMILLE
mœurs
religion
origine
EDUCATION
écoles
communautarisme
de bandes
le grand jeu
des images
de la TV
Je suis !
police
2ème GÉNÉRATION
frustations
cités,
voitures
outils de travail
violences
symboliques
LOGEMENT
TRAVAIL
2005
20 ans qu’est-ce que je fais de ma vie ?
une nouvelle identité
ISLAM
CULTURE
RELIGIONS
DIVERSES
nés en France
ASCENDANCES
DIVERS PAYS
ALGÉRIE
2ème er 3ème GÉNÉRATIONS
nés en Europe
Nouvelles
Perspective d’intégration
dans la société française
et en Europe
EUROPE
FRANCE
PROJET SOCIAL
PF GONOD 17-11-2005
19
le jeu des 4 coins des étudiants et lycéens
en 2006
un modèle existentiel “normal”
FAMILLE
EDUCATION
MODE DE VIE
LOGEMENT
TRAVAIL
le modèle réel
FAMILLE
argent
naissance
EDUCATION
+
-
bons lycées
sélection grandes écoles
-
mauvaise filière
+
échec scolaire
absence formation
MODE DE VIE
barrière à l’entrée
LOGEMENT
bonne condition
d’étude
TRAVAIL
+
mauvaise condition
d’étude
-
recrutement aisé
+
-
chômage
petits boulots
précarité CDD
PFGonod 20-04-2006
20
Annexe
L'ENSEMBLE "EDUCATION" *
* extrait de Pierre F. GONOD "Pour une planification conjointe de l'éducation et de la technologie"
Institut International de Planification de l'Education UNESCO 1981
1) Éducation, champ culturel, modèles de connaissance, modèles culturels
L'éducation peut se définir "comme la mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation de
l'individu à la production, à la recherche et à renseignement"14. Selon cette conception le processus de
transformation input-output de 1'éducation peut se ramener à l'entrée d'élèves et à la sortie de
"produits" répartis, dans ces trois fonctions.
L'analyse économique permet de distinguer les "produits" selon "leur degré de finition" : les "produits
finis" (les diplômés), les "sous-produits" (ceux qui vont jusqu'au terme des études mais partent sans
obtenir le diplôme), les "produits semi-finis" (ceux qui partent sans avoir fini le cycle), et
particulièrement dans les pays en développement ceux qui partent avant la fin de l'enseignement
primaire et retournent le plus fréquemment à l'analphabétisme. Les déperditions d'effectifs (abandons,
redoublements) entrent dans la mesure du taux de rendement du système éducatif1 .
La fonction de l'enseignement suppose la dissémination du savoir existant, ancien et nouveau
considéré comme nécessaire à l'exercice des 3 fonctions de la production, de la recherche et de
l'enseignement. En ce sens "l'éducation peut être regardée comme une modalité de "reproduction" du
savoir, ce terme se comprend... comme reproduction au niveau idéologique des conditions
économiques et sociales existantes. Autrement dit, ce qui est en jeu ce n'est pas seulement le savoir
nécessaire à la production et à ses activités intellectuelles annexées, c'est aussi le savoir propre à la
perpétuation des rapports de production"1.
L'éducation est donc un puissant stabilisateur de révolution das systèmes sociaux. Cette
conclusion ont partagée par d'autres auteurs, mais pour d'autres raisons.
D'abord parce que l'école "est le seul système qui agisse de manière relativement homogène sur
la majorité do la population"15.
Ensuite, en raison de la "dynamique propre du système éducatif qui s'apparente à la reproduction
asexuée" ... "Ce sont les professeurs qui engendrent les professeurs ... l'auto-reproduction des
professeurs et les contraintes d'une grande organisation assurant, génération après génération, par le
biais des programmes et des méthodes d'enseignement, la diffusion stable de la science et do la culture
de la société telles qu'elles sont perçues par le système éducatif."16.
Mais celui-ci n'cst pas seulement un stabilisateur de l'évolution des systèmes sociaux, il est aussi un
déstabilisateur : "c'est autour de cette dynamique à double fonctionnement que s'organisent les liaisons
du système éducatif avec les autres sous-systèmes"3 .
Le système éducatif ne serait qu'un stabilisateur des systèmes sociaux - et des rapports do
production en particulier - s'il ne fournissait que des "produits" destinés à l'économie, à la science et à
lui-même. Mais ce ne sont pas ses seuls "outputs".
14
J.L. MAUNOURY - "Economie du savoir" Armand Colin 1972
L. GEMINARD "L'enseignement éclaté" Cllasterman 1973
16
J.LESOURNE "Les systèmes du destin" Dalloz économie 1977.
15
21
Le système éducatif, au niveau des enseignements inférieur et universitaire, contribue a la
création du "champ culturel" de la société, dont 1'aspect le plus essentiel de cette activité est la
constitution de "modèles de connaissance"17.
Ces modèles renouvellent nos visions du monde
"À cette création de connaissance s'ajoute un autre rôle culturel fondamental. Une société en même
temps qu'elle développe une praxis de connaissance, se représente sa créativité et élabore un "modèle
culturel" qui oriente son action sur elle-même".
Dans les sociétés industrielles avancées "où l'action de la société sur elle-même est puissante,
cette créativité est saisie "pratiquement" et c'est la science elle-même qui forme le modèle culturel
de la société." On peut préciser, la science, et la technologie.
Le système éducatif apparaît ainsi exercer plusieurs rôles. Bien qu'ils n'en aient pas le monopole,
l'enseignement supérieur et 1'Université exercent d'abord un rôle de transformation de 1'information
scientifique et technique en modèles de connaissances, c'est-à-dire en informations cognitives
structurées. Ensuite un rôle de contribution à la formation des modèles culturels "opérés" -et
révolutionnés - directement dans les sociétés industrielles avancées par la science et la technologie.
Enfin, à ses divers niveaux le système éducatif remplit le rôle de diffuseur dos nouvelles valeurs de la
société.
Le sous-système d'interaction de la culture et de l'éducation peut tout aussi bien être un régulateur
qu'un dérégulateur. Les changements culturels s'effectuaient, en général, lentement et en profondeur.
Dans le monde contemporain la rapidité du changement, 1'intensification des liaisons entre les cultures
de tous les groupes, 1'incohérence des systèmes culturels sous le choc des bouleversements des
connaissances et de la société, caractérisent la dynamique culturelle actuelle.
Les vitesses et les ampleurs des évolutions du modèle culturel et du système éducatif peuvent
différer.
Vues sous cet aspect les crises de 1'enseignement ne sont généralement pas des manifestations
d'immobilisme. Elles peuvent intervenir alors même que le système éducatif fait preuve d'une
créativité incessante. Par sa contribution même aux modèles culturels le système éducatif crée les
conditions de son propre ébranlement. Mais ceux-ci sont opérés directement par des systèmes à
révolution plus rapide, la science et surtout, la technologie.
Le monde des objets techniques est aujourd'hui intégré dans 1es modèles culturels. C'est un cadre de
référence aussi bien pour les enseignants que pour les enseignés. Le jeune enfant va à l'école avec un
"champ intellectuel"2 largement déterminé par la réalité ambiante du monde vécu.
Dans une telle situation, l'inertie institutionnelle, et d'autres facteurs peuvent jouer le rôle d'un frein
puissant à la cadence des évolutions, mais ce n'est plus celui d'un régulateur dans le sens antérieur, tout
au moins dans les sociétés industrielles avancées. La fonction du système éducatif dans le savoir
propre à la perpétuation des rapports de production obéit aussi à cette dynamique à double
fonctionnement.
"Le modèle culturel d'une société n'est pas l'idéologie d'une classe dirigeante; il est un élément
essentiel du champ culturel dans lequel ce forment les conflits de classe, et les classes antagonistes
luttent pour l'appropriation du modèle culturel, comme pour celle des moyens de production." 4
Ce n'est pas l'objet de cette analyse de traiter, ni de débattre des rapports complexes entre champ,
modèles culturels et idéologie. Rapports au demeurant très controversés. Au risque de simplifier le
propos on ne bornera à noter que, dans cette conception, le champ et le modèle culturels appartiennent
à toute la société. Mais le champ est la figure englobante du modèle. Et c'est parce qu'il appartient à
toute la société et qu'à son tour il régule celle-ci, que le modèle culturel est lieu et enjeu de la lutte de
classes.
Ainsi le système éducatif, les enseignants et, de plus en plus précocement aujourd'hui, les enseignés,
ne sont pas des éléments passifs dans ce champ conflictuel. Ils y sont impliqués.
Dans ces conditions il ne faut pas s'étonner que les finalités, missions et objectifs de l'enseignement
soient l'objet de contestation, y compris au sein du corps enseignant, et que le modèle pédagogique à
17
Alain TOURAINE "Université et société aux Etats-Unis" 1972
22
mettre en œuvre provoque des affrontements qui ne sont pas toujours des querelles de chapelles mais
l'opposition de conceptions radicalement différentes des buts à atteindre.
Ainsi, des enseignants peuvent être amenés à récuser une finalité étroitement économique de
l'enseignement.
L'élève entrant dans le cycle de l'enseignement ne peut être assimilé à un matériau brut à
façonner pour un usage déterminé a. l'avance. "L'élève est un être humain… on ne forme pas, il
se forme et en se formant intervient comme un élément de l'entreprise.... il se développe ''dans
un environnement familial, social, et 1'environnement éducatif."2
Le débat pédagogique est dans le fond un débat sur les finalités.
La maïeutique peut se présenter comme le symétrique, ou l'autre face de la pédagogie, elle implique à
terme une révision profonde de cette dernière : le processus d'apprentissage (learning), tend à prendre
le pas sur celui d'enseignement (teaching)18.
À travers les mutations de l'acte éducatif, des relations moins univoques entre éducateurs et
élèves, jusqu'au perpétuel aller et retour envisagé, au mouvement humble et créateur qui s'impose à
1'éducateur et à 1'élève, jusqu'à la pratique libératrice de l'école opposée à la pratique domesticatrice19,
ce sont plus que des changements de techniques pédagogiques; ce sont de nouvelles attitudes et
relations entre les hommes qui sont amorcées.
Les relations entre le système éducatif, les modèles de connaissance, le champ culturel et les modèles
culturels de la société sont donc très complexes. Elles vont varier selon les sociétés en fonction :
a) du degré de pénétration de la science et de la technologie dans les modèles culturels, b) de la
contribution du système éducatif considéré à l'élaboration du modèle de connaissance et à sa diffusion,
c) de l'apport du propre système national et scientifique au modèle culturel et de la proportion des
transferts venant d'autres sociétés, d) de 1'autonomie relative des systèmes de la société, du degré do
sécularisation culturelle20 (et de la culture politique, du degré de consensus de la société vis-à-vis du
système éducatif. Ces paramètres sont complexes mais ils ne sont pas insaisissables. Ils devraient
pouvoir être identifiés par des indicateurs conçus à ce dessein.
2) Le système éducatif, points de repères
On ne s'attachera pas à une description du système éducatif, maintes fois faite - et parfois en
étudiant les problèmes par l'analyse des systèmes. 0n bornera le propos à des points de repères qui
peuvent aider à s'orienter dans l'analyse du système de systèmes éducation-science-technologie.
Un système historique, vivant et social
• L'éducation est un "système historique"21 qui a eu une ontogène 2 . L'histoire en pèse sur le présent et,
malgré les évolutions, changements, bouleversements, en conserve des vestiges.
Mais quelles qu'en soient les spécificités présentes, la configuration des cléments qui les composent,
les systèmes éducatifs présentent, dans l'espace, sinon dans le temps, des caractéristiques extrinsèques
communes et stables.
18
Edgar FAURE et alias "Apprendre à être" UNESCO Fayard 1972
19
Paulo FREIRE - "Quelques idées insolites sur 1'éducateur" -Document de la Commission Internationale sur le
Développement de 1'éducation - Opinion No 36 - Unesco Paris 1971.
20
Processus par lequel les individus deviennent de plus on plus rationnels, analytiques, empiriques dans leur
action politique (G. Almond et Bingham Povell "comparative politics. A developmental approach" Little
Brow & Co 1966)
21
Yves BAREL "Prospective et analyse de systèmes" La Documentation française, février 1971
23
1 - Les relations de leurs éléments sont téléologiques. La rupture de consensus sur les finalités de
1'éducation dans certaines sociétés industrielles avancées ne doit pas masquer que 1e désaccord porte
sur la définition de celles-ci et non sur leur existence.
2 - Les relations entre leurs classes-repères22 sont des relations d'ordre.
L'invariant du système est que les cycles de renseignement se succèdent selon les âges des élèves. Le
découpage peut en changer, la succession des cycles n'en demeure pas moins. L'éducation est un
"processus d'opérations irréversibles"1 .La notion d'ordre et de séquence temporelles est si évidente
qu'elle peut amener à établir des algorithmes éducatifs23.
3 - Les relations entre émetteurs et récepteurs de l'éducation no sont pas des relations de transfert, au
sens algébrique.
La transmission d'une information éducative et son assimilation par le récepteur n'appauvrit pas,
ne vide pas, la classe de départ de l'émission. "Le stock de savoir ne se détériore pas par l'usage
» chaque unité de savoir peut être infiniment divisée ou reproduite sans subir aucune altération."
4 L'éducation - réexaminée à la lumière de la théorie de 1'information - apparaît un processus de
formation et de modification des "représentations".
Celles-ci sont synonymes de " champ intellectuel" d'un individu, catégorie qui correspond à celle de
"champ culturel" pour la société. Par "représentations" on entend, toutes structures (modèle, image,
maquette) abstraites ou concrètes dont les caractéristiques tendent à symboliser ou à correspondre
d'une manière ou d'une autre avec celles d'une autre structure".
L'information peut être définie comme ce qui s'ajoute à une représentation.24. L'effet d'une information
est un changement dans la représentation. L'information forme ou transforme les représentations.
L'assimilation est une plasticité structurelle de formation et de transformation des représentations..
L'apprentissage est, dans le fond, l'observation d'une information, d'une information "vécue" et sa
mémorisation. La gradualité de l'apprentissage crée des cadres intériorisés successifs de
représentations.
5 - Les systèmes s'autoreproduisent. Ainsi qu'il a été noté, les professeurs engendrent les professeurs.
Les enseignants créent leurs méthodes pédagogiques. Les relations obéissent à une causalité circulaire.
Les méthodes de connaissances se transmettent et assurent la stabilité des concepts scientifiques,
catégories philosophiques, et notions idéologiques25 jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par d'autres
modèles.
6- Le système éducatif, véritable "carrefour de communication" avec tous les autres systèmes ne peut
avoir un changement pédagogique important que s'il reçoit une impulsion de l'extérieur mais la
profondeur de ses mécanismes d'autoreproduction exige pour que ce changement soit effectif qu'il soit
aussi "opéré" de 1'intérieur. Proposition qui peut être reformulée négativement : le système éducatif est
"inopérable" seulement de l'extérieur et de l'intérieur isolément. Sa réforme nécessite la conjonction de
ces deux conditions26.
22
P. DELATTRE "Système-structure-fonction. Essai d'analyse épistémologique.recherches interdisciplinaires
Maloine Doin 1971
23
L.N. LANDS - Algorithmization in leaming and instruction" -translated of russian Educational technology -Englewood Cliffs N.J. 1974.
24
C. MAC KAY- "Information mechanisms and meaning "- MIT Press, Cambrige Mas.
1969
25
A. BADIOU - Le concept de modèle - Maspéro 1972
26
Ceci explique l'échec relatif de la planification de l'éducation dans les années cinquante et soixante
qui a été centrée exclusivement sur les paramètres d'ensemble du système d'éducation
considéré de l'extérieur et en a ignoré le comportement interne (P.Coombs)
24
3 La modélisation de l'ensemble de systèmes de l'éducation, l'emploi, la science et la technologie, la
culture
Vues avec le recul du temps, les premières projections des économistes qui se lancèrent dans la
planification de 1'éducation apparaissent naïvement mécanicistes Elles ont été inopérationnelles
principalement parce qu'elles n'étaient pas susceptibles d'appréhender correctement la riche complexité
du progrès technique et supposaient une société sans conflits, sans classes, sans unités actives dotées
de pouvoirs différents»
Le dilemme maintenant posé conduit à deux attitudes extrêmes.
•La première consiste à préconiser d'établir les programmes scolaires et universitaires en fonction des
prévisions de 1'emploi. C'est le "modèle technocratique" de 1'enseignement qui suppose une
économie planifiée au maximum. II a le mérite d'apporter aux actuels déshérités l'espérance d'une
promotion. Il Implique une domination et un contrôle social de la science et de la technologie, dont on
est loin.
•La seconde consiste à penser que "les débouchés peuvent être ce que la société veut qu'ils soient.
Traduit en termes pédagogiques plus précis, cela veut dire que l'enseignement peut s'organiser et se
développer suivant une politique propre au système éducatif en situation de dialogue avec l'ensemble
de la société et non avec les seuls secteurs de 1'économie."
Ce modèle pédagogique peut être un "modèle humaniste" au sens le plus noble du terme (et non au
sens d'une culture de classe). Il peut devenir un "modèle libertaire" si, par excès, les finalités de
1'enseignement sont entièrement laissées à la discrétion de chaque enseignant qui modifierait les
programmes en fonction des idées qu'il se fait personnellement de l'homme et de la société.
Posée plus brutalement, l'alternative serait : adapter renseignement et les hommes aux tâches de la
production, ou adapter les tâches en fonction de 1'éducation reçue et d'une certaine conception de
l'homme.
Le dilemme n'est pas si simple. S'il se posait du reste uniquement en ces termes, il n'y aurait aucune
chance d'une solution au profit de l'une ou l'autre des attitudes extrêmes.
La prise en considération "d'une pluralité de phénomènes" permet d'envisager d'autres solutions2
Dans la réalité contemporaine, il est vrai que 1'enseignement s'essouffle à s'adapter à révolution des
techniques et des emplois. Les temps de révolution sont différents. Le changement technique est plus
rapide que celui de 1'emploi. L'adaptation éducative est la plus lente des trois.
Mais l'organisation sociale de l'éducation modèle la nomenclature des emplois, les niveaux de
qualification, les statuts sociaux. Il s'agit d'une lente mais puissante induction. Et tout un subtil
système d'interactions connecte des éléments de 1'emploi, de l'éducation, de la technologie.
Il s'agit d'en repérer les clés.
Le système des systèmes est le siège de formidables contradictions
•Au niveau du système éducatif, la contradiction principale se manifeste entre le caractère
téléologique des relations et fonctions du système éducatif et l'absence d'un système d'objectifs
finalisés.
•Au niveau du système scientifico-technique, la contradiction principale se manifeste entre la
désintégration des savoirs scientifiques et techniques et la fonction objectivement intégrante des
technologies par les objets techniques.
•Au niveau du système technico-économique, la contradiction principale concerne la nature sociale
des savoirs scientifiques et technologiques et leur appropriation par l'entreprise privée.
•Au niveau de 1'emploi, ces contradictions se projettent par le conflit entre le dynamisme de
révolution du progrès technique et l'action régulatrice des groupes socio-professionnels, entre la
tendance à la réduction de la nomenclature des métiers en conséquence de la logique de l'objet
technique et la multiplication des statuts provenant de la segmentation des curricula, des "status"
résultant des examens, diplômes, et spécialisations professionnelles et, dans les pays en
développement, de la diversification structurelle.
25
•Les modèles culturels qui sont les régulateurs principaux de l'ensemble sont déstabilisés par la crise
du système éducatif et par la force de pénétration de la science et de la technologie dans les sociétés
industrielles avancées.
•La révolution de l'information crée, en dehors de renseignement, une puissante source d'Informations
sélectives.
L'école a perdu le monopole de 1'information cognitive, susceptible de modifier la configuration
antérieure de la représentation. Par là même, les nécessités du contenu pédagogique des relations
élèves-enseignants changent. Généralement, les systèmes éducatifs réagissent à ce défi par une
réponse de même nature que celui-ci. En se plaçant sur le même terrain, ils se condamnent à aggraver
leur crise. L'extension par adjonction et juxtaposition des disciplines provoque un flot désordonné
d'informations27.
Faute de regrouper les savoirs, les systèmes éducatifs s'avèrent de moins en moins capables de
procurer les informations à contenu structurel élevé qui permettraient d'organiser la totalité des
informations reçues, de l'extérieur et de l'intérieur. Ils sont menacés de lente désintégration, surtout au
sommet où les fissures sont moins visibles.
L'individualisation des savoirs, besoin profond du développement de 1'individu spécifique ne peut pas
non plus recevoir une réponse par la multiplication à 1'infini des curricula pédagogiques. Cette
tendance qui se rattache au "modèle pédagogique humaniste", conjuguée à la désintégration des
savoirs scientifiques et techniques dans les conditions de la crise des systèmes éducatifs introduit une
autre contradiction à l'intérieur de ceux-ci.
Elle est présentement désagrégatrice quelqu'en soit le bien-fondé humain. Elle ne peut recevoir qu'une
réponse dérisoire dans un enseignement en miettes.
La dialectique de 1'individualisation des savoirs suppose, d'abord des savoirs intégrés dans le système
éducatif, et, ensuite ou parallèlement, des réponses par un réseau souple et infiniment diversifié, en
dehors du système institutionnel de 1'éducation.
Dans le regroupement et la généralisation des savoirs, celui de 1'enseignement technologique tient un
rôle pivot. Il permet d'agir sur les points névralgiques du complexe de systèmes.
L'intégration des technologies, la refonte des curricula sont la base de départ pour amorcer de
nouvelles boucles causales.
Les élèves acquérant des champs intellectuels élargis, plus structurés, produiront eux-mêmes, par la
suite, des modèles de connaissance remembrant 1'espace mental, des créateurs scientifiques et
technologiques intradisciplinaires. Les modèles de connaissance remembrés opéreront les modèles
culturels.
L'intégration des technologies est la condition de la "possession" de la technique, de la démystification
des mystères de sa nature, de sa "démocratisation".
C'est cette démocratisation des connaissances qui peut permettre l'émergence de commandes sociales
pour la création et le transfert des technologies. La culture technologique, fondue dans les modèles
culturels, créerait, par niveaux de conscience successifs une contre-conformité ou une conformité
sociale nouvelle induisant les mécanismes de la conception et des transferts technologiques.
La généralisation de la culture technologique, depuis les premiers âges scolaires jusqu'aux enseignants
supérieurs, est la condition de la domination de la technique.
Elle nécessite à terme de grands outils intellectuels, typologie des technologies, organologie générale,
mécanologie, un langage commun aux technologies. Mais, on a suffisamment de données pour
entreprendre en première approximation, une révision des curricula sans subordonner celle-ci à
1'élaboration d'une systématique technologique.
C'est surtout au niveau des enseignements supérieurs que 1'enseignement polytechnique devrait être
implanté ou élargi. La systématique technologique devrait progressivement faciliter le regroupement
des savoirs. L'élargissement des champs Intellectuels est compatible, par l'élagage d'informations non
essentielles, la combinaison des connaissances, avec le raccourcissement de la durée des cycles.
27
Ces lignes ont été écrites il y a 25 ans. Aujourd'hui, avec tous les nouveaux moyens de communication,
Internet en particulier, le constat est encore plus valable. L'école n'a plus le monopole de l'information cognitive,
plus que jamais sa fonction est d'apprendre à apprendre, de permettre d'ordonner la masse des informations
disponibles.
26
A terme, les nouvelles "sorties" du système éducatif et les premiers regroupements des savoirs qui en
seraient à 1'origine devraient produire de nouveaux modèles de connaissances qui, à leur tour,
susciteraient d'autres regroupements des savoirs. Les nouveaux modèles de connaissance opéreraient
les modèles pédagogiques en voie de constitution. Mais 1'existence de ces derniers supposé que la
recherche pédagogique ait atteint un niveau opérationnel et surtout la présence d'un système d'objectifs
éducatifs.
Malgré des progrès dus au transfert et à 1'assimilation de nombreuses connaissances scientifiques, la
recherche pédagogique présente deux lacunes essentielles. La première tient au caractère désintégré
des recherches, lié à l'absence d'une problématique générale, elle-même résultat de la désintégration
des connaissances et de traditions de recherches empiriques. La seconde tient à 1'absence d'évaluation
des niveaux supérieurs de 1'enseignement. Ceux-ci produisant généralement les dirigeants des
sociétés, tant industrielles qu'en développement, 1'évaluation de 1'éducation conduirait sinon à
1'autocritique, du moins à une réflexion critique, des classes ou groupes dirigeants. Circonstances qui
ne favorisent pas, en plus des difficultés techniques de celle-ci, 1'évaluation des enseignements
supérieurs.
De nouveaux consensus éducatifs sont nécessaires dans de nombreux pays pour permettre
1'élaboration de modèles pédagogiques. Le système éducatif ne peut fixer seul son propre système
d'objectifs.
Le rôle du système politique
C'est au système politique de jouer le rôle de point de combinaison et de réduction des besoins en
demandes et en "Issues". C'est du procès politique que doit surgir un système explicite d'objectifs.
Cette transformation est elle-même complexe. Le système politique est opéré par le modèle culturel.
Rappelons que celui-ci n'est pas l'idéologie d'une classe dirigeante, mais un "élément essentiel du
champ culturel dans lequel se forment des conflits de classes". C'est dans le cadre de ce champ
culturel commun à une société que le système politique opère des choix en fonction de la structure
interne de celle-ci et de 1'idéologie dominante représentée au pouvoir. La transformation modèle
culturel - système objectif de 1'enseignement est donc sous la dépendance des rapports de classes. Les
classes antagonistes luttent pour 1'appropriation du modèle culturel. L'orientation du système éducatif
est le moyen principal de 1'appropriation du modèle culturel.
L'analyse du système éducatif démontre, par ailleurs, que pour que les changements proposés et
décidés deviennent effectifs, il faut qu'ils soient aussi opérés de l'intérieur. Le système politique seul
peut -et doit- assigner des finalités et des buts. Il ne peut définir des objectifs précis à chaque niveau
sans la participation du système éducatif… Le procès politique peut résoudre par des compromis
successifs les conflits neutralisants, et débloquer les issues.. : Son espace de manœuvre, la profondeur
de son action, sa vitesse de réalisation sont objectiveront limités par le structure interne de la société.
La régulation du système éducatif n'est cependant pas possible sans la fixation d'un système d'objectif.
Elle nécessite aussi d'avancer dans la définition, même partielle, de modèles pédagogiques. Ce qui
implique d'amplifier, accélérer les recherches pédagogiques.
La maîtrise de la technologie nécessite, de son côté, la réconciliation des savoirs désagrégés.; et de la
nature intégrante de l'objet technique. L'élaboration de typologie d'organologie générale et de
mécanologie, sont les connaissances fondamentales qui peuvent être les constituants d'une culture
technologique et de sa démocratisation. A plus court terme le regroupement des savoirs
technologiques peut se faire par la modification des curricula éducatifs et la création ou l'élargissement
de l'enseignement polytechnique au niveau des enseignements supérieurs.
Comme il a été analysé cette modification essentielle introduirait une nouvelle boucle do causalitité
sur les modèles de connaissance, les modèles culturels, la création technologique.
La domination du système technologique, comme celle du système éducatif, n'est possible que s'il est
opéré, à la fois, de l'extérieur et de l'intérieur.
La maîtrise éducationnelle suppose la régulation des savoirs et productions technologiques. La
domination de la technologie suppose la maîtrise du système éducationnel. C'est là peut-être la plus
importante conclusion de cette analyse. Elle a de nombreuses implications.
27
Mapping du chômage ( d'après Jean-William Lapierre, modifié)
+
politique sociale
(transferts, charges
sociales, allocations)
croissance demographique
des pays du tiers monde
S6
emigration
immigration
duree legale du travail
avec possibilite d'heures
supplementaires
evolution du statut
des femmes en pays
industrialises
S1
installation des
industries de maind'œuvre dans des
pays du "tiers monde"
augmentation
des depenses de
sante et retraites
S2
progres medical
(esperance de vie
allongée)
S1
deplacement des
pôles de
developpement
vers le pacifique
speculation boursiere
et monetaire
internationalisation
du marche
et de la production
progres
technique
S5
ideologie
scientiste productiviste
Légende
O-
marche du
travail
O-
automatisation
informatisation
D+
travail temporaire
societe
duale
chomage
travail noir
O+/O- D+/-
comportements
vis-à-vis du travail
investissements
de productivité
inadaptation
de la formation
guerre économique
et l'orientation
des jeunes
ideologie
de la competition
augmentaton
de la productivite
S4
D+
O+:O-
S3
concentration
et mobilite
des capitaux
recherche
scientifique
S1
S6
S4
inertie du
systeme
d'enseignement
cycle économie mondiale
O+ augmentation offres d'emplois
O- diminution offres d'emplois
D+ augmentation demandes d'emplois
D- diminution demandes d'emplois
S1 processus relevant du systeme biosocial
S4 processus relevant du systeme dialogique
Õ variations offres en dents de scie
D+/- simultanement augmentation demande d'emplois peu qualifies
et diminution ou stagnation demande d'emplois tres qualifies
S2 processus relevant du systeme ecologique
S3 processus relevant du systeme economique
S5 processus relevant du systeme symbolique (ou "poetique)
S6 processus relevant du systeme politique
relation
interaction
boucles de retroaction PFG février 1998
28

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