MTP BISMUT Samuel
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Rapport COLIBRI Idée de progrès Le Japon et l'espoir en la jeunesse BISMUT Samuel (TL Orientale - Lycée JULES GUESDE) Idée de progrès : Le Japon et l'espoir en la jeunesse Du 17 octobre au 7 novembre 2015, j'ai participé au voyage au Japon organisé par l'association Colibri, et ainsi découvert Tokyo et ses environs pendant trois semaines en famille d'accueil. Ce fut pour moi une expérience unique et enrichissante dont j'aimerais vous faire part. Pendant trois semaines, j'ai fréquenté le lycée de l'université Waseda. J'ai essayé durant cette courte période de visiter de nombreux quartiers de Tokyo, de parler avec le plus d'habitants possible, entre les membres de ma famille d'accueil, les élèves et les professeurs de mon lycée d'accueil, etc. J'ai eu l'occasion de découvrir tout un pan de la société japonaise qui m'était absolument inconnu. Ne sachant que peu de choses sur cette société, j'avais une vision très archétypale du mode de vie japonais dont on dit souvent qu'il est difficile et ne laisse pas de place pour l'épanouissement individuel. Ce séjour m'a permis de nuancer cette vision. Je pense en effet qu'il y a beaucoup à apprendre de la culture et du mode de vie japonnais. Dans ce rapport, je voudrais rendre hommage à la modernité et au désir de progrès japonais, qui m'ont frappé pendant mon séjour, mais en insistant sur l'aspect humain et épanouissant de ce mode de vie et en me focalisant sur la jeunesse japonaise. J'aimerais rendre compte tout d'abord de la vie sociale et des divertissements des jeunes au Japon, puis du système éducatif japonais. Ces deux points sont en effets ceux auxquels j'ai pu être confronté, ayant passé une grande partie du séjour au lycée. Finalement, je parlerai de la diffusion des idées progressistes au Japon. → La vie sociale et les divertissements des jeunes aux Japon La vie en société est pour les Japonais une chose importante, si ce n'est la chose la plus importante. On considère en effet qu'afin qu'une société fonctionne correctement, les individus doivent s'entendre entre eux ou du moins ne pas rejeter l'autre et coexister. Cela passe notamment par le divertissement et la vie sociale. C'est pourquoi, contrairement aux idées reçues, on laisse aux jeunes beaucoup de place pour les loisirs et beaucoup de liberté, et cela dès le collège/lycée ; les cours au Japon se terminent tôt et la plupart des élèves japonnais sortent après le lycée (s'amusent aux game centers, aux karaokés, mangent ensemble). Cela crée une réelle cohésion de groupe qu'il est rare de trouver dans la société française. Une autre chose m'a surpris lors de mon séjour, c'est l'ampleur et la fréquence des événements que la ville de Tokyo organise et leur importance pour les Tokyoïtes. Pendant les trois semaines de mon séjour, j'ai pu assister aux événements suivants (aux alentours de Tokorozawa) ; -Le festival d'automne (aki-matsuri) du quartier de Hon-Kawagoe (photo n°1) ; festival traditionnel où des musiciens, percussionnistes, flûtistes et des danseurs masqués paradent dans les rue de HonKawagoe jusqu'à tard le soir. Tous les commerçants sortent leurs étalages. -Le festival de Kôkû-kôen - base aérienne de Tokyo - (photo n°2) ; festival qui mêle de nombreuses expositions sur l'aviation japonaise d'avant guerre et des démonstrations de percussions traditionnelles (Taïko). -La démonstration d'acrobaties aériennes de Kôkû-kôen ; une foule se déplace jusqu'à la base militaire de Kôkû-kôen pour assister aux acrobaties aérienne des pilotes de l'armée de l'air japonaise. Finalement, je voudrais rendre hommage à la capacité d'intégration des groupe de jeunes japonais. En effet, pendant mon séjour, je me sentais comme appartenant aux groupes et aux cercles d'amis de mon correspondant et de ma classe. Même s'il est vrai que les jeunes Japonais n'osent pas vraiment aller vers les étrangers (car ils n'osent généralement pas parler français ou anglais), ils m'ont complètement intégré lorsque j'allais discuter avec eux. Ils m'ont aussi énormément aidé en japonais, lorsque je le leur demandais. Même si je ne suis resté que trois semaines avec eux, je me sens encore comme appartenant à leur classe et suis resté en contact avec la plupart d'entre eux. Pour cela je leur doit beaucoup. →La vie dans un lycée japonais – le système éducatif Il y a beaucoup à dire sur la vie lycéenne japonaise, en grande partie parce qu'elle est complètement différente de notre vie lycéenne française. J'évoquerai ici quelques points qui m'ont surpris de mon point de vue occidental. Tout d'abord, je dois avertir que mon expérience du système scolaire japonais était très particulière. En effet, le lycée qui m'a accueilli (lycée Waseda) est considéré comme l'un des meilleurs lycées de Tokyo et les élèves, étant sélectionnés sur concours – très sélectif – n'ont pas à passer d'examens spéciaux pour rentrer à l'université. Cependant, bien que les étudiants de Waseda soit parmi les meilleurs étudiants du Japon, ils n'étaient aucunement différents des autres étudiants et tout à fait accessibles. D'autre part, le campus Waseda dans lequel j'étudiais était un campus non mixte, chose étonnante même au Japon, et d'autant plus pour moi. Sur ce point je n'ai pas vraiment d'avis. Certains dise que les lycées non mixtes permettent de mieux travailler, d'autre disent qu'ils sont un frein à la sociabilité des étudiant et les infantilise mais je n'ai constaté ni l'un ni l'autre de ces deux effets supposés. Dans le lycée Waseda, comme il n'y a pas la pression de l'examen que l'on trouve dans la plupart des lycées japonais, l'ambiance est beaucoup plus détendue et les règles bien plus permissives que d'ordinaire ; il n'y a en effet aucun règlement intérieur (par conséquent le port de l'uniforme était optionnel, ce qui est rare pour un lycée japonais). Cette permissivité m'a beaucoup surpris, le lycée dans lequel j'étais se rapprochait bien plus d'une université française que d'un lycée français. Selon moi, cette liberté donnée aux étudiants constitue un réel enseignement d'indépendance et leur apprend à se prendre en main, ce qui est très compliqué en France (et dans certains lycées japonais) où les règles tendent à infantiliser les lycéens. Cependant, bien qu'il n'y ait que très peu de règles, il y a au Japon un très grand respect profondément ancré d'une part du corps enseignent (sensei), d'autre part des élèves plus âgés (senpaï). En effet, le métier d'enseignant est l'un des métiers les plus respectés, sinon le métier le plus respecté ; les élèves usent le langage et les formules de politesse les plus respectueux quand ils leur adressent la parole, saluent leur professeurs en s'inclinant à chaque début et fin de cours, comme un rituel. En ce qui concerne les élèves plus âgés, on m'a souvent expliqué que l'on doit apprendre d'eux car comme ils sont plus avancés dans la vie et dans les études, ils sont un guide qu'il est important d'écouter et une source d'enseignement proche de nous. Pourtant, malgré ce respect très profondément ancré dans la culture japonaise, il ne m'a jamais semblé que les Japonais ne confondent « respect » et « obéissance » en obéissant aveuglément, sans réflexion à leurs supérieurs. Il est au Japon très important de savoir tenir compte des conseils de personnes plus avancées que soi, mais il est aussi important d'avoir son libre-arbitre, même dans une société qui favorise le groupe au détriment de l'individu. Un dernier point m'a frappé pendant mon séjour. En effet je fais ici la distinction entre ce qui relève de l'éducation et ce qui relève du loisir ou de la formation à la vie sociale, mais il faut savoir qu'au Japon, la limite entre ces deux principes est bien plus floue qu'en France. Ainsi, la grande majorité lycéens participent assidûment aux activités de club (bukatsu) supervisées par les professeurs du lycée, et aux entraînements sportifs du matin dans l'enceinte du lycée. Pendant mon séjour, je participais aux clubs de musique et d'athlétisme – qui faisaient partie des clubs les moins stricts – et bien qu'ils ne soient pas de véritables cours, que l'ambiance y soit très détendue et que ces clubs ne soient pas même obligatoires, je pense qu'ils font entièrement partie de l'enseignement que reçoivent les lycéens japonais (et c'est pourquoi je le range dans cette catégorie). C'est en effet un enseignement à la fois d'autonomie et de solidarité, dans la mesure où ces clubs sont autogérés, qu'ils permettent de faire vivre des passions mais aussi dans la mesure où ils rassemblent les jeunes autour de projets communs à faire aboutir ensemble. Certains élèves prennent ces clubs très aux sérieux et orientent même leurs études en fonction de ces clubs. Par exemple, un élève de ma classe étudiait le Français car il espérait recevoir des cours d'escrime de haut niveau par des maîtres français. Cet investissement m'a beaucoup étonné en tant que Français. → La diffusion des idées progressistes au Japon Avant de parler de l'évolution récente des mentalités japonaises, je voudrais rappeler ce qu'est traditionnellement le Japon, car il faut reconnaître que la société japonaise a des valeurs conservatrices profondément ancrées dans les esprits. Cela est d'autant plus vrai que d'une part la moyenne d'âge au Japon est bien plus élevée qu'en France et d'autre part seulement 5 % des Japonais sont d'origine étrangère. Souvent ces derniers ne sont malheureusement pas considérés comme Japonais à part entière. La société japonaise doit donc faire face à tous les problèmes que cela engendre (comme la discrimination à l'emploi, qui touche non seulement les Japonais d'origine étrangère mais aussi les femmes japonaises, qui souvent ne peuvent qu'être femme au foyer). Pourtant, je n'ai absolument pas senti cet esprit conservateur durant mon séjour. Au contraire, tous les Japonais auxquels j'ai eu l'occasion de parler tenaient des propos bien plus progressistes que la plupart des Français. En effet, face à cet esprit conservateur poussé à l'extrême, de nouvelles idées ont émergé progressivement. Les nouvelles générations de Japonais sont en effet bien plus tolérante que les précédentes. Cela est renforcé par la façon dont le Japon est tourné vers l'avenir, donc vers la jeunesse. Je pense que cette politique influe toute la société en diffusant de nouvelles valeurs, parfois bien plus modernes que les valeurs occidentales. Par exemple, le droit à l'avortement est bien mieux accepté au Japon qu'en Occident : les seuls contestataires au droit à l'avortement au Japon sont les partis « pro-life » américains. Il faut tout de même nuancer ces propos car je ne fréquentais que des jeunes élèves de Waseda qui ont l'habitude d'échanger avec des étudiants étrangers. On peut supposer qu'ils sont bien plus ouverts et engagés sur ces questions que les Japonais moyens. Cependant, c'est quand même cette image que je garde du Japon : un Japon ouvert, en constant progrès dans l'acceptation de l'autre, et déjà très avancé en ce qui concerne la vie en société. Même si sur certains points – comme l'accès aux contraceptions ou l'inégalité homme/ femme – le Japon a un lourd retard, on constate une nette évolution qui tend à perdurer encore longtemps, grâce en partie aux nombreux Japonais qui s'engagent pour défendre les causes qui leurs tiennent à cœur. Ainsi pendant mon séjour, j'ai eu l'occasion d'assister à l'une des premières unions entre deux femmes au Japon, dans le quartier de Shibuya. Le sujet des mariages entre personnes du même sexe était jusqu'à présent tabou mais dernièrement, les choses ont beaucoup évolué grâce à l'implication de jeunes militants. Finalement, on pourrait penser que ces évolutions attiserait un conflit intergénérationnel au sein de la société japonaise. Il est vrai que deux mondes coexistent au Japon ; un monde traditionnel et conservateur, et un monde moderne parfois même excessivement moderne. Pourtant, leur coexistence n'a pas l'air de poser le moindre problème, et ces deux parties de la société évoluent ensemble en sachant accepter les compromis. C'est pourquoi, même si les mentalités japonaises évoluent lentement – en tout cas moins rapidement que dans les pays occidentaux – les progrès semblent s'inscrire sur la durée, et la société évolue sûrement. On pourrait citer par exemple les nombreuses manifestations contre le programme de réarmement de Shinzô Abe, contre lequel le Japon entier s'était soulevées, nouvelles et anciennes générations, ensemble. → Conclusion Je dirai pour conclure, pour lier mon expérience de vie à Tokyo avec la notion d'idée de progrès, que le Japon est un pays modernissime : c'est une société en constante évolution. On pense instinctivement, quand on parle de modernité et du progrès japonais, à l'urbanisation extrême, à la recherche scientifique (comme les technologies de pointe, la biologie, la médecine etc.) ou encore à la valorisation du capital culturel japonais – qui est un des plus conséquent dans le monde – dans le tourisme. De plus, le Japon est un pays riche, puissant au niveau politique et économique. Cependant, j'ai voulu montrer le progrès sous son aspect social. Je voulais comprendre comment une société telle la société au Japon – et particulièrement à Tokyo – peut fonctionner correctement et continuer à progresser avec plus de 1.000 habitant/km², comment ce mode de vie urbain peut être épanouissant pour l'individu. J'ai ici développé ce que je considère comme essentiel, en ce qui concerne le progrès au Japon : l'intérêt que la société a de former sa jeunesse de telle sorte à ce qu'elle puisse prendre son indépendance, vivre pleinement, mais aussi influencer toute la société dans le bon sens, surtout en ce qui concerne l'évolution des mentalités. La société japonaise avance et progresse ainsi quoi qu'il arrive, il est alors un défi d'orienter ce progrès vers la meilleure des voies entre l'épanouissement des individus et l'intérêt de la société entière, un défi lancé aux générations futures. Ainsi, pour former la jeunesse, j'ai évoqué ici deux aspects qui me semblent indispensables : d'une part l'éducation scolaire, d'autre part l'éducation sociale. Le système japonais fait en sorte de fusionner les deux, c'est pourquoi il est parfois difficile de discerner ce qui relève du scolaire et ce qui relève du social, tant les deux sont intimement liés, ils ne sont que deux faces d'une même pièce. Je voudrais finir ce rapport en évoquant ce qui, selon moi, fait la force de la culture japonaise : sa manière de ne pas opposer le progrès à la tradition, mais au contraire à toujours chercher à concilier les deux ensemble. En effet, si la modernité est effectivement le contraire de la tradition, le progrès consiste au Japon à tendre entre les deux, en prenant le meilleur des deux, et parfois en unifiant les deux pour construire une meilleure société, c'est cette image du Japon que j'ai retenue quand je suis rentré en France, et c'est celle que je retiens encore à présent.