LIFE Eau et forêt : article 4

Transcription

LIFE Eau et forêt : article 4
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Les graviers de la Drôme
Une ressource qui s’épuise ?
L
e voyageur qui traverse la vallée de la Drôme s’étonne souvent de voir
les grandes quantités de pierres roulées qui s’entassent dans le lit de la rivière. Il
en est de même pour les habitants, parfois inquiets de constater l’engraissement de
certains bancs ou la formation de nouvelles plages cail outeuses après le passage
d’une crue. Ce fut notamment le cas après la grande crue du 3 décembre 2003,
où des engravements importants ont pu se
produire localement. Faut-il en conclure que les
graviers s’accumulent dangereusement dans
la vallée ? Il faut se méfier des apparences…
D’autres personnes, qui côtoient la rivière
depuis de nombreuses années, observent
avec stupéfaction la déstabilisation progressive
de certaines digues ou de certains ponts
sous l’effet d’un enfoncement du lit. N’oublions
Basculement de la culée du Pont
pas que deux ponts ont été sérieusement
des Chaînes suite à la crue du 3
endommagés en moins de dix ans : le Pont décembre 2003 : une conséquence
l’enfoncement du lit, qui induit un
de Mirabel-et-Blacons, qui s’est effondré en de déchaussement
des fondations
1995 et le Pont des Chaînes à Die, déstabilisé
en 2003. Ce phénomène d’affouil ement des ouvrages s’observe de façon courante
le long des rivières qui souffrent d’un manque de graviers. Alors que faut-il penser au
sujet des graviers de la Drôme ? Doivent-ils être considérés comme « une espèce
nuisible » qui prolifère sans limites, ou comme « une espèce en voie de disparition » ?
Les nombreuses recherches scientifiques conduites ces dernières années dans la vallée
permettent aujourd’hui de répondre à cette question, d’expliquer pourquoi il en est ainsi
et d’entrevoir une tendance probable pour les prochaines décennies.
L
Pourquoi la Drôme s’enfonce-t-elle ?
N
ous savons aujourd’hui que
l’enfoncement accéléré de la Drôme est le
résultat de facteurs combinés. Les extractions
massives de graviers, conduites dans les
années 1970 et 1980 selon un rythme industriel,
constituent la cause majeure. Les déclarations
faites pendant ces années permettent
d’avancer un chiffre : on prélevait au bas mot
250 000 m3 de granulats par an dans le lit de
la Drôme, alors que la rivière n’en transporte
annuellement que 40 000 m3. Les endiguements
ont également leur part de responsabilité, car
ils provoquent une accélération des vitesses
d’écoulement par rétrécissement de la largeur
du lit. Ceci contribue à augmenter l’aptitude de
la rivière à creuser son lit. Les conséquences
de ces pratiques ont été aggravées par
l’atténuation de l’érosion dans les montagnes. La
reconquête forestière des pentes a cicatrisé
de façon durable les anciennes griffures, ce
qui explique une diminution importante de la
recharge en graviers depuis les versants
(relire l’article sur les forêts de la Drôme du 28
octobre 2005). C’est à ce dernier phénomène
que s’intéresse le programme LIFE Eau et Forêt.
Le traçage peinture des graviers
permet de connaître les volumes qui
sont transportés après chaque crue
par les torrents et qui parviennent
jusqu’à la Drôme. Ces mesures ont
également montré qu’une pierre qui
roule parcourt en moyenne 500 mètres
par an sur les affluents de la Drôme
La Drôme est une rivière qui
s’incise de façon accélérée
e service des Grandes Forces Hydrauliques de l’ancienne administration des
Eaux et Forêts nous a légué des archives topographiques de grand intérêt pour l’étude
de l’évolution altitudinale du lit de la Drôme. Un profil détail é des pentes de la rivière (on
parle de profil en long) a été levé en 1928, depuis la confluence avec le Rhône jusqu’aux
sources. Il a donc été possible de comparer l’altitude du lit actuel avec la situation du début
du siècle et de mettre en évidence de façon indiscutable un phénomène d’enfoncement
quasi généralisé du fond du lit. Cet enfoncement accéléré, qui peut atteindre 5 mètres par
endroits, ne doit pas être confondu avec le lent travail de creusement de la rivière, qui
conduit, à l’échelle des
temps géologiques, à
la formation des vallées
fluviales. Nous sommes
en présence d’un
dérèglement du système
qui se traduit par des
pertes considérables en
L’évolution de l’altitude du lit de la Drôme entre 1928 et
1995 montre un enfoncement quasi-généralisé de la rivière graviers. On estime que
(Landon, 1999)
la Drôme a ainsi perdu 9
mil ions de mètres cubes de graviers depuis 1928, soit l’équivalent de 900 000 camionsbennes. A titre d’exemple, le volume de l’éboulement du Claps de Luc-en-Diois est estimé
à 1,5 mil ions de mètres cubes. Cette évolution n’a pas été sans conséquences. Elle se
traduit par une instabilité chronique des ouvrages d’art. Les digues sont menacées, des
ponts se sont effondrés et de nombreux seuils font régulièrement l’objet de travaux de
confortement. L’enfoncement de la nappe phréatique, qui accompagne fidèlement celui
de la rivière, implique une diminution importante de la ressource en eau, pouvant même
menacer des captages d’eau potable si le phénomène perdure. La facture écologique
est également loin d’être négligeable : les forêts riveraines se transforment sous l’effet
de l’enfoncement de la nappe et elles s’appauvrissent en terme de biodiversité ;
l’évacuation totale des graviers dans plusieurs tronçons a entraîné la disparition de
certains habitats piscicoles, comme les frayères où se reproduisent les poissons. Enfin,
il n’est pas impossible que les conséquences des crues aient été aggravées par
l’enfoncement du lit, du fait de la déconnexion des anciennes zones d’amortissement des
crues qui se retrouvent aujourd’hui perchées.
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Gagnez un survol du bassin versant en hélicoptère à la découverte de la
rivière Drôme et de ses sédiments...
La Communauté de Communes du Val de Drôme vous invite à suivre notre
série de 6 articles consacrés au bassin versant de la Drôme, ses forêts, ses matériaux
et au programme LIFE Eau et Forêt. Vous pourrez répondre aux questions qui vous
seront posées à l’issue de ces publications. Les prochains articles seront publiés les 9
et 23 décembre dans le Crestois et le journal du Diois, vous pourrez également les
retrouver sur: www.valdedrome.com
Faites nous part de vos remarques sur ces articles, en contactant la CCVD au 04.75.25.66.27.
Direction de la publication : Magalie Vieux Melchior, Sophie Lecacher, Communauté de Communes du Val de Drôme
Expert scientifique : Frédéric Liébault
Conception Graphique : Silicon Worlds
Les extractions de graviers dans le lit mineur: une pratique autrefois généralisée,
aujourd’hui interdite depuis la loi sur l’eau de 1992
La Drôme va-t-elle continuer à s’inciser
dans les prochaines décennies ?
L
a réponse à cette question n’est pas simple. Elle implique une bonne
connaissance des entrées et des sorties de sédiments grossiers à l’échelle du bassin
versant. Les mesures effectuées depuis plusieurs années sur quelques affluents ont
permis de mieux connaître les entrées. On estime qu’elles se chiffrent à 26 000 m3 par
an. Elles sont inférieures aux sorties, qui
sont connues par ail eurs et qui sont
comprises entre 30 000 et 40 000
m3 par an. Le budget est donc en
situation déficitaire, ou plutôt en situation
d’équilibre fragile compte tenu de
l’incertitude qui pèse sur ces chiffres.
Ceci nous amène à penser que la
Drôme devrait continuer à s’inciser
dans les prochaines décennies. Ce
scénario est renforcé par le fait
que les apports sédimentaires des
affluents vont probablement diminuer
dans un avenir proche, car leurs
stocks de graviers se réduisent telle
une peau de chagrin.
V
oilà
pourquoi
nous
proposons
aujourd’hui
de
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r
La cartographie des bancs de graviers
mobiles, a permis de mettre en évidence
ponctuellement les entrées de
l’amenuisement des stocks de graviers en
graviers dans les secteurs les
mouvement sur les affluents de la Drôme.
L’exemple du torrent de Maravel illustre bien
plus déficitaires. C’est ce que
ce phénomène
nous appelons le soutien
de la recharge sédimentaire. Le prochain article présentera plus en
détail le programme LIFE Eau et Forêt dans lequel s’inscrivent ces
opérations pilotes.