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PRB 06-11F
L’ABUS DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
ET LA POLITIQUE PUBLIQUE AU CANADA :
III. NOTIONS ESSENTIELLES
Chantal Collin
Division des affaires politiques et sociales
Le 20 avril 2006
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TABLE DES MATIÈRES
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QU’EST-CE QU’UNE SUBSTANCE PSYCHOACTIVE? .................................................
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QUAND LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES
PSYCHOACTIVES DEVIENT-ELLE UN PROBLÈME?
ABUS DE SUBSTANCES, DÉPENDANCE ET MAUVAIS USAGE ...............................
3
QUI CONSOMME DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES?..........................................
4
POURQUOI LES GENS DEVIENNENT-ILS DÉPENDANTS
DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES? ..........................................................................
5
L’ABUS DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
ET LA POLITIQUE PUBLIQUE AU CANADA :
III. NOTIONS ESSENTIELLES(1)
Des notions telles que l’abus d’une substance psychoactive (SP), la toxicomanie,
et la consommation problématique ont toujours été plutôt ambiguës. Cette ambiguïté présente
des difficultés pour les personnes travaillant dans les domaines de l’éducation, de la prévention,
de la recherche, du traitement, de l’élaboration des politiques, de l’application de la loi et de la
justice pénale qui tentent de régler les problèmes reliés à l’alcool et à d’autres SP. En raison de
la variété de points de vue et de la pluridisciplinarité des intervenants, il existe autant de
définitions de l’abus de SP que de théories sur l’origine de ce phénomène et les solutions
à y apporter. Le choix des termes utilisés pour définir ou décrire un état ou un comportement est
souvent influencé par des considérations socioculturelles et peut être fondé sur des jugements
éthiques ou moraux.
Pour discuter des politiques et des diverses questions relatives à
l’utilisation et à l’abus de SP, il faut tout d’abord comprendre les notions sous-jacentes.
Le présent document, troisième d’une série sur l’abus de substances
psychoactives et la politique publique au Canada, vise à favoriser une meilleure compréhension
de ce phénomène en définissant ce qu’on entend par une substance psychoactive et par l’abus de
telles substances, et en expliquant les termes « dépendance » et « mauvais usage ». De plus,
nous identifierons des groupes précis qui risquent de consommer des SP ou d’en faire un
mauvais usage, et expliquerons brièvement les raisons pour lesquelles certaines personnes
deviennent dépendantes.
(1)
Le présent document est le troisième de la série intitulée L’abus de substances psychoactives et la
politique publique au Canada de la même auteure. Les autres sont les suivants : I. La Stratégie
canadienne antidrogue, PRB 06-15F, II. Les mesures parlementaires (1987 à 2005), PRB 06-05F,
IV. Usage, prévalence et conséquences, PRB 06-19F, et V. L’alcool et les méfaits connexes, PRB 06-20F,
Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 2006.
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QU’EST-CE QU’UNE SUBSTANCE PSYCHOACTIVE?
Le terme « substance psychoactive » désigne toute une gamme de substances,
licites ou illicites, qui, une fois ingérées, ont un effet sur l’esprit, l’humeur ou d’autres processus
mentaux et changent temporairement la manière dont une personne pense, se sent ou agit.
De nombreuses SP sont prescrites légalement au Canada chaque année pour soulager la douleur
ou traiter l’anxiété, la dépression ou l’insomnie. Certaines SP, comme l’alcool et la nicotine,
sont vendues sans ordonnance et sous différentes formes.
D’autres, comme le cannabis,
l’héroïne et la cocaïne, sont régies par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances
(LRCDS)(2), qui en interdit la possession, le trafic, l’importation, l’exportation et la production.
Toutefois, il convient de noter que certaines SP actuellement régies par la LRCDS
peuvent être produites à des fins médicales, et qu’on peut être en possession de ces substances
moyennant une autorisation officielle. Ainsi, la possession et la culture de marijuana à des fins
médicales sont maintenant réglementées en vertu du Règlement sur l’accès à la marihuana à des
fins médicales(3), qui « permet aux personnes atteintes de maladies graves de consommer de la
marijuana, lorsque les traitements conventionnels s’avèrent inappropriés ou n’offrent pas de
soulagement adéquat aux symptômes associés à leur condition médicale ou à leur traitement,
et lorsque la consommation de marijuana peut avoir un effet thérapeutique plus important que les
risques qui y sont associés »(4). De plus, un essai clinique d’un traitement à l’aide d’héroïne a
récemment été approuvé par Santé Canada. L’Initiative nord-américaine sur les médicaments
opiacés (NAOMI)(5) évalue si le traitement d’entretien à l’héroïne constitue une option viable
pour les consommateurs chroniques d’héroïne chez qui tous les autres traitements ont échoué(6).
(2)
Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C.1996, ch. 19
(http://lois.justice.gc.ca/fr/C-38.8/229422.html).
(3)
Santé Canada, Publication du Règlement modifiant le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins
médicales (RAMM) (http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/pubs/precurs/mmar-ramm_f.html).
(4)
Pour de plus amples renseignements sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, consulter le site
Web de Santé Canada (http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/marihuana/index_f.html).
(5)
Initiative nord-américaine sur les médicaments opiacés (NAOMI), document d’information
(http://www.naomistudy.ca/pdfs/naomi_background.pdf).
(6)
John Bermingham, « Ottawa Green-Lights Free Heroin Program », The Province, Vancouver,
19 août 2004.
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QUAND LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES
PSYCHOACTIVES DEVIENT-ELLE UN PROBLÈME?
ABUS DE SUBSTANCES, DÉPENDANCE ET MAUVAIS USAGE
« Abus de substances psychoactives » est une expression largement répandue
mais qui n’a pas le même sens pour tout le monde. Il est donc important de clarifier dès le départ
ce que nous entendons par cette expression. Dans la présente série de publications sur l’abus de
SP et la politique publique, nous avons adopté la définition donnée dans le Manuel diagnostique
et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR)(7), qui décrit ainsi l’abus d’une SP :
Mode d’utilisation inadéquat d’une substance conduisant à une altération du
fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la
présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de
12 mois :
•
utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des
obligations majeures au travail, à l’école ou à la maison;
•
utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être
physiquement dangereux (p. ex. lors de la conduite d’une voiture ou en
faisant fonctionner une machine);
•
problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance;
•
utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux,
persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance.(8)
Le DSM-IV-TR décrit également la dépendance à une substance comme un
« mode d’utilisation inadapté d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou
à une souffrance cliniquement significative », caractérisé par la présence de trois (ou plus) des
manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois :
•
tolérance (c.-à-d. besoin de quantités notablement plus fortes de la substance
pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré, et effet notablement diminué
en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance);
•
sevrage (c.-à-d. syndrome de sevrage caractéristique de la substance et prise
de la même substance ou d’une substance très proche pour soulager ou éviter
les symptômes de sevrage);
(7)
American Psychiatric Association, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : DSM-IV-TR,
4e éd., Washington (D.C.), 1998.
(8)
Ibid.
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•
consommation de la substance en quantité plus importante ou pendant une
période plus prolongée que prévu;
•
désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler
l’utilisation de la substance;
•
beaucoup de temps est consacré à des activités nécessaires pour obtenir la
substance, utiliser la substance ou récupérer de ses effets;
•
des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importants sont
abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance;
•
l’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache qu’elle
a un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible
d’avoir été causé ou exacerbé par la substance.(9)
Dans la présente série de publications, « mauvais usage » signifiera toute
utilisation d’une SP à une fin contraire à la loi ou à l’avis d’un médecin.
QUI CONSOMME DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES?
Bien que l’utilisation ou l’abus de SP puisse toucher tous les Canadiens,
peu importe leur sexe, leur âge, leur origine ethnique, leur niveau d’instruction ou leur statut
professionnel, des études ont révélé que certains groupes présentent un risque plus élevé que
d’autres.
Par exemple, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’utiliser des
médicaments sur ordonnance qui peuvent entraîner une dépendance (p. ex. des tranquillisants,
des analgésiques ou des somnifères)(10).
Les adolescents et les jeunes adultes sont plus
susceptibles que les personnes plus âgées de consommer des substances illicites et de les
consommer de manière plus risquée. La population autochtone semble présenter un risque plus
élevé de développer un problème d’abus de SP(11). Il en va de même pour les criminels(12),
(9)
Ibid.
(10)
Renée A. Cormier, Colleen Anne Dell et Nancy Poole, « Women and Substance Abuse Problems »,
Women’s Health Surveillance Report (BMC Women’s Health 2004), vol. 4 (suppl. 1), S8, 25 août 2004.
(11)
Voir, par exemple, la thèse de Kahà:wi Joslyn Jacobs sur l’abus de SP et la santé physique et mentale
d’une population autochtone urbaine, « Mental Health Issues in an Urban Aboriginal Population: Focus
on Substance Abuse », Montréal, Faculté des études supérieures et de la recherche, Département de
psychiatrie, Université McGill, mars 2000.
(12)
Une étude des besoins en matière de soins de santé des détenus sous responsabilité fédérale
a récemment été publiée dans la Revue canadienne de santé publique, « Évaluation des besoins
en soins de santé des détenus sous responsabilité fédérale », vol. 95, suppl. 1, mars-avril 2004
(http://www.cpha.ca/shared/cjph/archives/CJPH_95_Suppl_1_f.pdf). L’étude a révélé qu’un besoin de
traitement pour un trouble lié à l’usage d’alcool ou de drogue ou des deux est décelé chez 70 p. 100 des
détenus à l’admission.
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les enfants victimes d’abus sexuels, les travailleurs du sexe(13) et les jeunes de la rue(14).
Toutefois, les conséquences néfastes sur le plan de la santé (physique et psychologique), le plan
social et le plan économique qui sont associées à l’abus de SP et à la dépendance touchent
non seulement les personnes qui s’adonnent à un usage abusif, mais également leurs familles et
leurs collectivités.
POURQUOI LES GENS DEVIENNENT-ILS DÉPENDANTS
DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES?
Pourquoi certaines personnes peuvent-elles faire l’expérience des SP sans
problème, ou même en consommer régulièrement pendant de nombreuses années sans devenir
dépendantes, tandis que d’autres développent une dépendance à certaines SP? Les chercheurs ne
sont toujours pas arrivés à un consensus à ce sujet. On ne comprend pas bien la progression
entre les différents stades, de l’expérimentation à la consommation occasionnelle, puis à la
consommation régulière, à l’abus, à la tolérance et à la dépendance. Les chercheurs s’entendent
toutefois sur le fait que la dépendance à une substance ne tient pas à une cause unique,
mais plutôt à de nombreux facteurs complexes et interdépendants qui rendent les gens plus
susceptibles d’abuser des SP et d’en devenir dépendants. La plupart des connaissances actuelles
sur les facteurs entraînant une dépendance à une SP reposent sur deux types de données :
les études de cas concernant des personnes qui sont ou ont été dépendantes à certaines SP et qui
sont entrées en contact, volontairement ou involontairement, avec les services sociaux, de santé
ou juridiques; et la pharmacologie des SP. Nous disposons de beaucoup moins de données sur
les personnes qui consomment des SP régulièrement, mais qui n’ont pas développé de dépendance.
(13)
Par exemple, voir Micheal L. Reckart, « Sex-work Harm Reduction », The Lancet, vol. 366,
décembre 2005 (http://www.thelancet.com).
(14)
Par exemple, voir l’étude récemment réalisée par Shelley Mallett, Doreen Rosenthal et Deborah Keys,
« Young people, drug use and family conflict: Pathways into homelessness », Journal of Adolescence,
vol. 28, no 2, février 2005, p. 185 à 199. Voir aussi Edward M. Adlaf et Yola M. Zdanowicz,
« A Cluster-Analytic Study of Substance Problems and Mental Health Among Street Youths »,
American Journal of Drug and Alcohol Abuse, octobre 1999; et Gary Roberts et al., Preventing
Substance Use Problems Among Young People – A Compendium of Best Practices, coordonné par le
Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies pour le bureau responsable de la
Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada, 2001.
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Il y a autant de facteurs que de théories pouvant expliquer l’abus de SP et la
dépendance : il y a ainsi les théories et facteurs moraux (p. ex. la mauvaise maîtrise de soi),
biologiques/physiologiques (p. ex. une prédisposition génétique, un déséquilibre chimique,
des lésions au système nerveux central), psychologiques (p. ex. des troubles émotionnels ou
comportementaux, une maladie mentale) ou sociologiques (p. ex. une réaction adaptative à un
facteur de stress social, la pression des camarades).
La plupart des experts conviennent
aujourd’hui que l’abus de SP et la dépendance sont des questions si complexes qu’il est
préférable d’adopter une approche pluridisciplinaire (p. ex. un modèle biopsychosocial)(15).
Les facteurs associés à la dépendance peuvent différer de ceux associés à l’abus.
Ainsi, la pression des camarades peut entraîner la consommation ou l’abus, tandis qu’une
prédisposition génétique est plus susceptible de se traduire par une dépendance.
D’autres
facteurs, qui se fondent sur différents niveaux d’observation scientifique, ont été associés à la
dépendance à une SP, soit une propension à la dépendance, la composition pharmacologique de
la SP (si son effet sur le système nerveux central d’un individu peut favoriser le développement
d’une dépendance) et les troubles de santé mentale (dépression, syndrome de stress
post-traumatique, etc.).
(15)
Par exemple, voir Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, A Biopsychosocial Model of
Addiction, juin 2000 (http://www.afm.mb.ca/pdf/BPS-FINAL.pdf).

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