Conference de M. Serge DASSAULT
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Conference de M. Serge DASSAULT
Conference de M. Serge DASSAULT Genève, 26 juin 1985 Institut international d'études soda/es Case postale 6 Téléphone 99 61 11 CH 1211 Genève 22 Télégrammes LABINST Introduction par M. Elimane KANE Directeur de l'Institut international d'études sociales Mesdames, Messieurs, C'est notre très grande joie et notre fierté de pouvoir vous presenter une conference sur le theme de la participation, theme qui, je sais, ne laisse personne indifferent. Certes, ii a été, a certains egards, et surtout a ses debuts, relativement controversé et a donné lieu a l'expression de points de vue très opposes et a des pratiques très différentes. Mais la notion et la pratique de la participation ont fait beaucoup de chemin, même si les entendements a cet egard sont parfois différents, et elles tendent a devenir universelles. Je suis très heureux que M. Serge Dassault ait accepte de venir nous en parler. Le nom de Dassault est connu. L'Ambassadeur BarbozaCarneiro disait tout a l'heure: <<Le grand Dassault, le grand Marcel Dassault.>> M. Serge Dassault a un nom. Comme on dit en France, le plus difficile pour lui était de se faire un prénom. Et il l'a fait de brillante facon. M. Dassault est ingénieur, ancien elève de l'Ecole polytechnique, ancien élêve de l'Ecole nationale supérieure de l'aéronautique. S'il était difficile a M. Dassault de se faire un prénom, ii était peut-être encore plus difficile pour un <<fils a papa>> d'entrer a Polytechnique et a l'Ecole supérieure de l'aeronautique. En tout cas, ii lui aurait été beaucoup plus facile de ne pas y entrer. Après ses etudes, M. Dassault est entré a la <<Générale Aeronautique Marcel Dassault>> en 1951. Il y a dirige plusieurs des travaux relatifs aux essais en vol des Mystères et, en particuher, il a contribue de facon decisive a la génération des Mirages III et IV. En 1963, M. Dassault quitte la <<Générale Aéronautique Marcel Dassault>> pour prendre la direction de ha <<Société Electronique Marcel Dassault>>, qui deviendra en 1982 <l'Electronique Serge Dassault>>, qui s'est spécialisée dans le materiel electronique de haute technologie; Nous avons parmi nous aujourd'hui un vrai patron qui dirige effectivement une entreprise employant directement trois mille personnes. M. Dassault est un patron qui a des idées, j'ai pu le constater au cours des deux heures que je viens de passer avec lui. Ii parle de la participation avec conviction. Ii a pubhié un remarquable ouvrage intitulé <<La 5 gestion participative>> et nombre d'articles sur la question. Ii pratique la participation dans son entreprise avec sérieux et succès. C'est donc une experience directe et personnelle qu'il a bien voulu partager aujourd'hui avec nous. Mais cette experience s'étend au-delà de son entreprise; je rappelle que M. Dassault preside l'Association francaise pour la partici- pation dans les entreprises et qu'il a été président et rapporteur de la Commission du CNPF sur la participation active. Je donne la parole a M. Dassault. 6 La gestion participative par M. Serge DASSAULT président-directeur général de l'Electronique Serge Dassault, France Quelle crise? On pane beaucoup de crise depuis dix ans et l'on a tort d'utiliser ce mot qui signifie un état transitoire dü a des conditions exceptionnelles qui modifient brutalement une situation donnée. En réalité, les conditions exceptionnelles deviennent normales et l'état transitoire, permanent. Le choc pétrolier est devenu un fait, l'agressivité industrielle et commerciale du Japon, une donnée du problème, le montant des prélèvements obligatoires plus élevé en France qu'ailleurs est un handicap permanent. En vérité, ii ne s'agit pas d'une crise déclenchée par les autres pays, mais par chacun d'entre eux, et d'une inadaptation du système industniel, social, économique, politique qui multiplie les contradictions. Contradiction entre Ia structure industrielle et l'environnement concurrentiel international Les entreprises, encore trop tournées vers des activités en déclin, avec un personnel surabondant, sont a bout de souffle et n'investissent pas. Contradiction entre les attentes des salaries et ce que leur offrent les entreprises Les salaries veulent, aujourd'hui, travailler dans une organisation dynamique et humaine, faire un travail utile, pouvoir utiliser leurs connaissances et leur imagination. L'entreprise devrait compter en priorité sur l'adhésion de son personnel pour élever ses performances. Contradiction entre le social et l'economique Ii ne faut plus considérer les avantages sociaux qui coütent, en oppo- sition avec l'économique qui rapporte. L'erreur a été de croire trop 9 longtemps a l'antinomie entre le social et l'économique, ce qui a conforte le principe de Ia lutte des classes. En vérité, le social et I'économique ne peuvent évoluer que parallèlement et non l'un contre l'autre. II faut aussi se méfier du faux progrès social qui donne des avantages aux salaries au detriment de 1' entreprise et qui finalement se retournera contre les salaries. Le vrai progrès social est celui qui profite a la fois aux salaries et a l'entreprise. C'est aussi celui de la qualité de la vie au travail et la possibilité donnée a chacun d'exercer une responsabilité. On a trop ion gtemps considéré le salarié comme une main. II est aussi une tête et surtout un cceur. Contradiction entre productivité et emploi La nécessité absolue d'apporter des progrès technologiques dans la fabrication réduit les emplois existants et compromet le plein emploi. Ii serait cependant criminel d'y renoncer car on supprimerait ainsi l'amélioration permanente et indispensable de la productivité. Ii faut créer des emplois nouveaux dans d'autres secteurs et y adapter les chômeurs. Le partage du travail n'est pas une solution et les reductions d'horaires ne peuvent qu'aggraver les charges et compromettre l'existence des entreprises, donc de l'emploi. Contradiction entre ía rigidite de fait et Ia flexibilite nécessaire La flexibilité, l'adaptativité, Ia souplesse, c'est la vie, et mëme la survie pour les hommes comme pour les entreprises. Tout change et ii faut s'adapter en permanence au changement des goUts des clients, des modes, des concurrents, des technologies, des besoins, des matières premières, des composants. Les rigidités tuent les entreprises, qu'elles soient internes comme les structures trop hiérarchisées, les cloisons étanches entre les services, les classifications professionnelles désuètes, le manque d'information, la démotivation du personnel insuffisamment impliqué, ou qu'elles soient externes comme la legislation trop contraignante, la reglementation trop paralysante, le pouvoir syndical trop envahissant et irresponsable, les contraintes sur les licenciements, la rigidité professionnelle, géographique des salaries qui ne veulent changer ni d'entreprise, ni de métier, ni de commune, et la pression fiscale qui tue les investissements. Contradiction entre le role de l'entreprise et son image L'entreprise est contestée par l'opinion publique. Le patron est mal aimé. Ii est tour a tour exploiteur s'il réussit, ou incapable s'il échoue. 10 Contradiction entre l'entreprise et l'enseignement L'enseignement est toujours en retard sur les besoins de l'économie, sinon ignore par elle et réciproquement. Ii devrait, au contraire, coller aux besoins de l'économie puisqu'il débouche sur elle et adapter les matiêres enseignées, le nombre d'étudiants formés dans les différentes disciplines a ses demandes. Contradiction entre les partenaires de I'entreprise et sa finalité Les salaries de l'entreprise doivent comprendre que sa finalité doit être de satisfaire en priorité les clients. Dans un contexte de concurrence internationale, de plus en plus rude avec des pays a coUts de production pour assurer la moms élevés, l'entreprise doit tout mettre en satisfaction des clients en leur proposant un produit ou un service de qualité parfaite. La qualité doit ëtre définie dans son sens large, c'esta-dire par l'aptitude du produit a satisfaire les clients par son coüt, son délai, sa presentation, son service, sa fiabilité. La qualité n'est plus un luxe mais une nécessité. Ainsi toutes les contradictions que nous venons d'énumérer aboutissent a des situations de gaspillage, de mauvaise qualite de travail, de rendement insuffisant, d'absentéisme, de démotivation, de conflits sociaux, de diminution de compétitivité, de perte de clientele, de difficultés financières et de faillite. Tous ces problèmes proviennent en tout, ou en partie, de conflits de relations entre les salaries et leur entreprise. Celle-ci ne leur offre pas ce qu'ils attendent, non pas tellement sur le plan des rémunérations qui ont été codifiées, mais, en particulier, sur l'utilisation insuffisante de leur capacité et de leur competence, sur les relations hiérarchiques ou interpersonnelles trop rigides ou froides, sur l'intérêt trop réduit de leur tra- vail trop répétitif, sur un manque d'information, sur une reconnaissance insuffisante de leur dignité, et sur un manque de consideration, d'oü une degradation de la productivité, de la qualité du travail et du climat social. Un changement de mentalité L'entreprise, pour répondre a la fois aux besoins de ses clients en leur fournissant les produits qui leur conviennent, aux besoins de ses salaries en leur apportant la satisfaction et l'enrichissement qui leur sont 11 nécessaires et aux besoins de ses actionnaires en leur degageant des profits substantiels, doit changer de mentalité, d'organisation et de structure. Elle doit opérer une veritable revolution culturelle, pour survivre, pour permettre a l'économie de se développer et au chomage de disparaItre. Elle doit oublier les complexes capitalistes, les theories de lutte des classes et s'orienter résolument vers une cooperation participative de ses trois partenaires: les salaries, la direction et les actionnaires, pour satisfaire en priorité les clients. Ii lui faut s'adapter aux evolutions des marches et des produits, proliter des evolutions technologiques, motiver son personnel et s'ouvrir a l'environnement. Ii lui faut réduire ses coüts de production, investir ses propres ressources humaines en utilisant leur capacité de créativité et d'innovation, mieux impliquer son personnel a toutes les decisions, l'informer, le responsabiliser, l'intéresser a ses résultats et, finalement, le rendre actionnaire. Pour obtenir ces résultats, ii faut appliquer la gestion participative. D'oiI vient la gestion participative? La gestion participative est l'application a l'entreprise des principes fondamentaux qui régissent les relations humaines dans tous les groupes sociaux, aussi bien familiaux, sportifs, culturels, politiques, militaires et professionnels. Tous ces groupes, quelle que soit leur importance, obéissent aux mêmes lois, valables des que deux personnes vivent ou travaillent ensemble. Pour que le groupe fonctionne au mieux, c'est-ã-dire travaille en équipe, ii faut d'abord qu'il ait un chef reconnu, et que celui-ci respecte les principes suivants. Ii doit d'abord jouer pleinement son role de chef, de guide, de celui qui sait oü il va, oü l'on va, de celui en qui on a confiance pour résoudre les problèmes. Ii doit faire en sorte que des motifs d'insatisfaction ne se développent pas, soit entre les membres du groupe, soit entre eux et lui. Or, ces motifs d'insatisfaction sont universels et toujours les mêmes. Ils sont dus aux besoins d'être, de savoir, depouvoir et d'avoir. Ils doivent être satisfaits simultanément pour que le groupe fonctionne normalement. Suivant l'activité du groupe, l'un ou l'autre de ces besoins peut être prioritaire, mais le chef du groupe doit se préocduper de leur satisfaction optimale. Etudions rapidement chacun de ces besoins. 12 Le besoin d'être Ii est satisfait par Ia consideration. C'est un besoin fondamental. Son insatisfaction déclenche les révoltes, voire les revolutions, par ceux qui se sentent mal considérés. C'est la dignité d'homme qui doit être reconnue pour tous les membres du groupe et ce, plus particulièrement, par le chef de qui doit venir la consideration. Le besoin de savoir Ii est satisfait par la communication. Chaque membre du groupe a besoin de savoir pourquoi ii agit, ce que les autres font, pourquoi ii recoit tel ordre, pourquoi ii doit agir de telle facon et pas d'une autre. Ii doit aussi pouvoir s'exprimer, indiquer ses espoirs et ses doutes, proposer des solutions aux problêmes du groupe. Le chef doit agir en participatif et non en directif. Les troupes les plus disciplinées ne marchent bien que si elles comprennent ce qu'on leur demande de faire. Ce principe de communication est fondamental et doit être appliqué même quand l'equipe est réduite a deux personnes. Que vous agissiez avec votre principal collaborateur, votre secrétaire ou votre épouse, le problème est le même, et je serais étonné que vous ne ressentiez pas de leur part un certain mécontentement quand vous ne leur dites pas tout ce que vous faites, ou que vous ne leur demandez pas, de temps en temps, leur avis. Combien de fois j'ai entendu la secrétaire d'un correspondant absent me dire d'un air désabusé: <<Ii ne me dit jamais oü ii Va.>> Au contraire, quand toute I'équipe sait ce que chacun fait, et pourquoi ii le fait, tout va déjà beaucoup mieux. Le besoin de pouvoir Ii correspond a un autre besoin fondamental qui est celui de la responsabilité. Tout le monde veut être responsable de quelque chose, et des le plus jeune age. Car la responsabilité, c'est la satisfaction d'être utile, d'apporter quelque chose au groupe, de se distinguer des autres. L'absence de responsabilité avilit et même, j'ose le dire, tue. C'est le problème le plus dramatique des chômeurs, en dehors de leurs problèmes financiers, et des retraités qui, devenus inutiles, ne jouissent pas très longtemps de leur retraite. Chacun veut pouvoir decider, au moms dans son cadre d'activité qui le concerne particulièrement. La direction du groupe doit, là aussi, être participative et non hierarchique. Ii ne s'agit évidemment pas d'autogestion ou de cogestion, mais de reporter jusqu'au niveau le plus bas les 13 decisions qui peuvent y être prises et le concernent. Ii importe au chef de bien définir les responsabilités de chacun. On s'apercoit souvent qu'un groupe, dont les responsabilités des membres sont ma! définies, ne fonctionne pas bien. Ou c'est le chef qui decide de tout, ou chacun fait le tra- vail de l'autre. Le besoin d'avoir II ne se pose réellement que dans les groupes professionnels, mais peut se traduire aussi bien par des honneurs, des titres, des récompenses, que par des moyens financiers. On y reviendra quand on parlera des entreprises. Si j'ai voulu donner cet aperçu psychologique, c'est pour montrer que les problèmes des relations humaines dans l'entreprise ne sont qu'un cas particulier des relations humaines en général et que le problème du chef d'entreprise avec ses salaries est en réalité le problème d'un chef avec ses hommes dans n'importe quel groupe humain. Le chef d'entreprise doit aussi apprendre a être un chef, en mëme temps qu'un gestionnaire et un technicien. C'est parce que l'on n'apprend pas cela dans les écoles que les chefs d'entreprise sont beaucoup plus a l'aise avec les machines qu'avec les hommes et que leur grande erreur a été de laisser les hommes aux syndicats. us ont ainsi compromis l'avenir de leur entre- prise. Ii faut qu'ils réapprennent leur métier de chef et qu'ils sachent que, pour fabriquer de bons produits, ii faut qu'ils s'occupent euxmêmes de leurs hommes et qu'ils s'en préoccupent en priorité sans laisser aux syndicats la possibilité de remplir le vide qu'ils ont eux-mêmes créé. C'est cela la gestion participative: s'occuper en priorité des salaries dont le comportement fera ou non le succès de l'entreprise. La gestion participative La gestion participative consiste tout simplement, pour le chef d'entreprise, a s'occuper en priorité de ses cadres et de ses salaries, et non de ses syndicats. Car ce qui compte avant tout, dans une entreprise, cc sont les cadres et les salaries, qui font un travail productif, c'est leur motivation, c'est leur degré de satisfaction ou d'insatisfaction. Ce sont eux qui font que l'entreprise est performante ou non. Les salaries deviennent sensibles aux consignes syndicales lorsqu'ils sont mécontents ou inquiets, et lorsqu'ils croient que Ia direction ne s'occupe pas d'eux et 14 qu'elle ne leur explique rien. S'ils sont satisfaits, aucune consigne syndicale ne les fera bouger. Ii s'agit donc de les satisfaire ou, tout au moms, de leur expliquer les raisons pour lesquelles on ne peut pas touj ours les satisfaire. Pour le chef d'entreprise, la vie de tous les jours n'est faite que de problêmes multiples a résoudre rapidement, avec les matériels en panne, les banquiers réticents, les clients mécontents, l'Etat contraignant. Ii ne doit pas être démotivé par un autre front qui s'ouvre dans son dos avec ses salaries pour lesquels, en réalité, ii se bat en permanence chaque jour. Mais si les salaries sont mal considérés, mal formés, mal informés, sans responsabilités, us sont inquiets et mécontents et saisissent la momdre occasion de montrer leur mécontentement. Tout rentrera dans l'ordre avec l'application de la gestion participative. Nous avons vu qu'eIle consistait en l'application, a l'entreprise, des principes généraux de relations humaines consistant a satisfaire simultanément les besoins de consideration, de savoir, de pouvoir et d'avoir. La gestion participative consistera donc a réaliser deux grandes actions: — la participation a l'action pour satisfaire les besoins d'être, de savoir, de pouvoir; — la participation aux résultats pour satisfaire les besoins d'avoir. Mais avant de détailler les méthodes permettant de satisfaire ces besoins, il faut effectuer, pour l'ensemble du personnel, sans exception, une formation économique très complete. C'est l'apprentissage du langage sans lequel l'emploi des mots ne signifierait rien pour les intéressés. La formation économique La formation économique doit porter sur trois éléments distincts: microéconomie, c'est-à-dire tout ce qui concerne la gestion de l'entreprise: le bilan, le compte d'exploitation; les problèmes finan- — La ciers: la trésorerie, les emprunts, le profit et son utilisation, les investissements en usine, machines, etudes de produits nouveaux, etc. — La macroéconomie, c'est-à-dire le budget de l'Etat, la monnaie, le chomage, l'inflation, la balance commerciale, les emprunts. c'est-à-dire les responsabilités du dirigeant; les cinq partenaires de l'entreprise, qui sont l'Etat, les actionnaires, le personnel, la direction, les clients; et la finalité de l'entreprise. — L'entreprise, 15 Cette formation permettra de dissiper immédiatement un grand nombre de malentendus. Elle montrera a chaque membre du personnel l'ampleur des tâches a accomplir, la nécessité de l'autofinancement et du profit, l'impossibilité d'augmenter les charges sans augmenter les prix. 11 comprendra — ce qui est fondamental — que ce n'est jamais le patron qui paie les revendications, mais que c'est le client, et ainsi le slogan syndical: <<le patron peut payer>> n'aura plus de prise sur lui, ce qui sera déjà un événement considerable. Mais le principal est encore de montrer au personnel que le partenaire le plus important c'est le client. Chaque partenaire joue un role fondamental et complémentaire et peut par sa pression compromettre les autres et desservir l'entreprise. Si l'Etat exige trop d'impôts ou réglemente trop, ii paralyse et démotive la direction. Si les actionnaires demandent trop de dividendes et n'investissent pas assez, us compromettent l'avenir de l'entreprise. Si le personnel est trop exigeant, travaille moms et revendique des augmentations de salaires, la qualité baisse, les prix augmentent, les délais ne sont pas tenus et les clients disparaissent. Si la direction n'est pas participative, le climat social est mauvais, le personnel mécontent et Ia rentabilité baisse. Si le client est mécontent de la qualité, des délais ou du prix, il va acheter ailleurs et l'avenir du personnel et de l'entreprise est compromis. En réalité, les intérêts des actionnaires, de 1'Etat et des salaries sont étroitement lies. Ensemble, us doivent tout faire pour satisfaire les . clients dont l'avenir de l'entreprise depend. Lorsque tous les salaries de l'entreprise seront convaincus de la nécessité absolue de donner satisfaction aux clients et de tout sacrifier pour cela, la gestion participative aura commence son effet bénéfique. D'ailleurs, l'une des raisons du succès des entreprises japonaises c'est d'avoir compris depuis Iongtemps cette evidence et de l'avoir mise en application avec les cercles de qua- lité, dont le but n'est rien d'autre que de mobiliser tous les salaries a l'amélioration de la qualité pour la satisfaction des clients. La consideration Le besoin d'être est celui qui a été, peut-être, jusqu'à present le plus negligé par les chefs d'entreprise vis-à-vis de leur personnel. C'est un problème difficile car ii est lie a des attitudes et des relations entre les hommes. Si cette attitude est méprisante, la consideration n'est pas reconnue; Si cette attitude est déférente, tout change. C'est La reconnaissance du respect dü a l'autre, respect pour sa personne, pour ses idées, pour ses actions. C'est une attitude fondamentale car chacun aime être 16 apprécié, être considéré, être félicité, a quelque niveau que ce soit, aussi bien le plus élevé que le plus bas. L'amélioration de l'environnement et des conditions de travail répond aussi au besoin d'être. Tous ces besoins sont complémentaires car, même si Ufl salarié est informé et responsable, si son action n'eSt pas reconnue comme essentielle et s'il n'est pas considéré et félicité, ii n'est pas heureux et ii se démotive. Les problèmes sont ainsi toujours les mêmes. Etre considéré, être félicité, être encourage, savoir que l'on est content du travail fait, sont les besoins fondamentaux propres a chaque individu. La consideration ne coüte rien, c'est peut-être pour cela qu'elle est si difficile a appliquer car on n'en mesure pas suffisamment l'importance pour les autres. La consideration est difficile a mettre en ceuvre car elle implique pour celui qui la donne une reduction de son autoconsidéra- tion. Celui qui se considère comme supérieur a ceux qui l'entourent n'est pas enclin a leur reconnaltre une certaine consideration. Considérer les autres, c'est se considérer un peu moms soi-même, c'est reconnaItre que les autres peuvent avoir un avis different du sien et certaine humilité, dont ii faudra tenir compte, c'est faire preuve c'est ne pas se prendre trop au sérieux ou se considérer comme infail- lible. C'est une question de caractére et d'éducation et surtout de volonté. Et puis Ia consideration que l'on accorde aux autres depend aussi de celle que l'on recoit soi-même. La consideration est une opération en cascade qui part du chef ou du responsable. Si celui qui est place au plus haut echelon du groupe se considère seul comme infaillible et n'accorde a ses collaborateurs qu'un souverain dédain, il est fort improbable que ceux-là soient peu enclins a accorder eux-mêmes a leurs pro- pres collaborateurs une quelconque consideration. Frustrés par leur chef, us agiront de même avec les autres, ne voyant pas pourquoi ils accorderaient aux autres ce qu'on leur refuse a eux. La consideration ne descendra pas en cascade et tous vivront un régime de type directif, avec une succession de grands et de petits chefs qui tous seront mécontents et qui se vengeront sur leurs subordonnés du traitement qu'ils subissent eux-mêmes. Le groupe sera grippe et ne fonctionnera pas bien. Au contraire, si le chef considère ses subordonnés, s'il les traite d'égal a égal, s'il les consulte, s'il les informe, s'il reconnaIt ses erreurs, la consideration pourra descendre en cascade jusqu'aux echelons les plus bas, sauf si Ufl chef ou un petit chef refuse a un echelon quelconque de transmettre le message. 17 Les besoins de savoir et de pouvoir ou Ia participation a I'action La participation a l'action et qui n'est pas financière concerne les besoins de savoir et de pouvoir. Besoin de savoir Ii nécessite la mise en place d'une large information directe. Elle doit être réalisée d'abord par le chef d'entreprise lui-même sous forme d'une reunion genérale regroupant l'ensemble du personnel, au moms une fois par an. Cette reunion permet de dissiper bien des malentendus, de donner des informations vraies, de parler des réalités de l'entreprise, de ses réussites comme de ses échecs, de son avenir, de ses résultats financiers et de ses difficultés éventuelles. Le chef d'entreprise, en parlant a tout son personnel, prend une autre dimension d'abord plus proche, plus humaine, plus réelle surtout. On le voit, on l'entend, on l'écoute, on l'apprécie. Les salaries sont flattés de cette marque d'intérêt a leur égard, leur dignité en sort renforcée. us ne se sentent plus des numéros anonymes, mais des hommes intégrés d'un coup a une grande équipe a laquelle ils sont associés. Une fois que le patron aura explique qu'il ne peut pas payer n'importe quoi, les syndicats qui utilisent le slogan éternel: <<le patron peut payer>> perdront leur crédibilité. Ces reunions devront ëtre suivies de beaucoup d'autres avec les cadres, dans les services, puis dans les ateliers. Ii faut instituer des reunions qui satisferont les salaries, des reunions oü ils pourront s'exprimer avec leur hiérarchie sur les problèmes qui les préoccupent et qui permettront a Ia direction de l'entreprise de mieux comprendre leurs problèmes. Ii s'agit de mettre ainsi en place des cercies de progrès et de qualité dont nous reparlerons tout a l'heure car ils permettent de satisfaire en même temps pratiquement tous les besoins non financiers intervenant dans la gestion participative. Besoin de pouvoir Le besoin de pouvoir peut être résolu par la décentralisation qui doit permettre le plus possible de delegations de responsabilités et d'initiatives. Ii ne s'agit pas d'une quelconque cogestion ou autogestion, mais de donner a chacun les responsabilités qui lui incombent dans son travail. Ii faut laisser a chaque niveau Ia responsabilité des decisions le concernant. 18 La décentralisation se concrétise par les structures par produit, la gestion budgétaire, les unites autonomes, l'enrichissement des tâches, la mobilité de poste, les cercies de qualité et de progrès, etc. Les responsabilités peuvent aussi bien concerner l'organisation du travail, I'aménagement des ateliers, le choix des machines, les méthodes, etc. Ii y a un grand nombre de méthodes qui permettent l'application pratique de la gestion participative dans son aspect non financier, a-dire permettant Ia satisfaction des besoins d'être, de savoir et de pouvoir. Examinons en particulier les cercles de qualité et le projet d' entreprise. Les cercles de qualite La qualite d'un produit ou d'un service est son aptitude a satisfaire les besoins des clients. La qualité des produits et des services ne se décrète pas. Elle est le résultat d'une politique de qualite. Elle depend de la qualité des outils et des processus, de la qualité de la vie au travail, de la qualite de l'organisation. La qualité de la vie au travail depend de l'ensemble des conditions matérielles, psychologiques et morales qui permettent le développement et l'épanouissement de la personne humaine dans le travail: environnement sam pour la sante et la sécurité, développement des compétences et possibilité de progrês, respect des droits individuels et collectifs, amélioration de la vie hors travail (trajet, logement), rémunération equitable. Mise en place d'une politique de Ia qualité par Ia direction générale Elle doit faire partie des critères de performances. La démarche qualité s'applique a la conception du produit, au processus de fabrication, a la fabrication, a la commercialisation et a l'après-vente. Le contrôle qualité s'effectue a posteriori, la gestion qualite s'effectue a priori, a tous les stades de la production depuis la conception. Ii ne s'agit pas seulement de tenir les prix, les délais, la quantité produite, mais aussi et surtout la qualite. Etat d'esprit qualité La qualite c'est l'affaire de tous, c'est un engagement stratégique de la direction génerale, un état d'esprit de responsabilité a tous les niveaux, une formation de tout le personnel, une capacité d'expression et de resolution au niveau du personnel d'exécution. La qualite est un effort de longue haleine, un travail et un souci de tous les instants. Un cercle de qualité est un petit groupe constitué avec des opérateurs sur les lieux mêmes oü travaillent les membres du groupe pour executer 19 volontairement des activités de recherche de la qualité. 11 doit assurer sa part dans l'action globale de gestion de Ia qualité de l'entreprise, le développement personnel de ses membres, le perfectionnement de leurs activités. Ii doit faire appel aux techniques statistiques. Ii doit contribuer au développement de l'entreprise, respecter l'homme et donner un sens a son travail, permettre Ia pleine expression de ses capacités. C'est une mutation d'esprit pour tous ceux qui, habitués a raisonner essentiellement sur des critères de quantité, doivent prendre en charge la qualité. Ii constitue un lieu d'apprentissage. Ii oblige a une pratique efficace de delegation. Ii pousse chacun a acquérir de nouvelles compétences. Le projet d'entreprise L'entreprise qui n'a pas de projet ne risque pas de réaliser et d'avoir de l'avenir. <<Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindrex (Sun Tzu). <<II n'y a pas de vents favorables pour celui qui ne connaIt pas son port>> (Seneque). Un projet d'entreprise c'est l'énoncé d'un dessein pour celle-ci. Ii doit refléter la réalité et l'avenir. 11 doit être mobilisateur, raisonnable, ambitieux et coherent. 11 doit s'appuyer sur les techniques et technologies nouvelles: sur les domaines d'activités actuels et souhaités présen- tant un marché potentiel important national et international, et sur l'analyse de la concurrence nationale et internationale. Ii doit être une ambition sociale, de garantie du plein emploi, de perfectionnement des compétences technologiques, d'être les meilleurs, de faire des profits. 11 doit être conçu avec ceux qui auront a l'appliquer. C'est une erreur de croire qu'il y a d'un côté ceux qui pensent et de l'autre ceux qui exécutent. Les chances de survie d'une entreprise sont si faibles qu'elle doit utiliser les idées de tous jusqu'aux plus modestes. Pour les Européens, le management, c'est l'art de faire passer les idées des chefs dans les mains des exécutants. Pour les Japonais, c'est l'art de mobiliser l'intelligence de tous les membres d'une entreprise au service d'un projet. Le besoin d'avoir ou Ia participation aux résultats Le probléme d'avoir est celui sur lequel, jusqu'à present, les syndicats, les gouvernements ont le plus agi, car ii est le plus facile a exprimer, mais aussi le plus difficile a réaliser et le plus dangereux a appli- quer. C'est le probléme des rémunérations, des augmentations de 20 salaire, des ressources, mais aussi celui de l'intéressement et de l'actionnariat. Dans toutes les entreprises, le veritable problème concerne ceux qui ont le moms de ressources. C'est donc pour eux qu'il faut d'abord agir. Les salaires On peut agir sur les salaires d'une facon simple en augmentant plus rapidement les rémunérations les plus basses, sans toucher pour cela a la hiérarchie. C'est absolument indispensable et cela devrait être une règle génerale dans toutes les entreprises. Cela peut se faire aisément par la méthode du plancher d'augmentation identique pour tous, jusqu'à un certain niveau de rémunération mensuelle. A chaque pour-cent d'augmentation générale des salaires, on peut decider d'un plancher de cinquante, soixante ou soixante-dix francs suivant le niveau des salaires de l'entreprise. Ainsi, par exemple, avec un plancher de cinquante francs tous les salaires mensuels inférieurs a cinq mule francs recoivent cinquante francs, et au-delà, I pour cent. Les salaires inférieurs a cinq mule francs recevront non pas 1 pour cent mais d'autant plus que leur salaire est plus faible. Les divers éléments legaux de Ia participation financière en France us concernent: (Ordonnance de 1959) a distribution immediate; participation (Ordonnance de 1967) a distribution differee; — l'actionnariat des salaries (Lois de 1967 et 1973); — les options sur les actions (Loi du 31 décembre 1970). — l'intéressement — Ia Le partage des benéfices avec l'intéressement (Ordonnance de 1959) et Ia participation (Ordonnance de 1967) La meilleure facon d'augmenter les rémunérations en fonction des possibilités des entreprises est l'intéressement aux bénéfices. Ii a été institué des 1959, de facon facultative, et confirmé ensuite en 1967 par une ordonnance obligatoire. L'intéressement aux bénéfices est la meilleure méthode de partage de l'augmentation des richesses. L'intéressement aux bénéfices démystifie le profit et en montre l'importance et la nécessité a tous les salaries puisqu'ils en profitent eux-mêmes. Ii change leur état d'esprit. us s'aperçoivent ainsi qu'ils ne travaillent plus uniquement pour le patron, mais aussi pour eux. Cette méthode est Ia seule qui per21 mette d'augmenter le pouvoir d'achat sans augmenter les coUts de production, donc l'inflation. L'application de l'Ordonnance de 1967, qui est obligatoire, n'a pas donné tous les résultats souhaitables dans ce domaine, car son applica- tion nécessite l'obligation d'epargne pendant cinq ans. Elle n'est pas motivante et son calcul est ma! compris. Ii faudrait obtenir !a suppression de !'ob!igation d'épargne et en laisser l'initiative a chaque salarié. L'Ordonnance de 1959 L'Ordonnance de 1959, facultative, plus souple et sans obligation d'epargne, est beaucoup plus motivante. Elle devrait être generalisee surtout lorsque l'échelle mobile est supprimée, car reconnue comme inflationniste. Toutes !es entreprises devraient compenser la perte du pouvoir d'achat de leurs salaries par un intéressement type 1959, dont les sommes ainsi distribuées ne supportent pas les charges sur salaires. Un accord doit être signé entre Ia direction et une organisation syndicale spécifiant le mode de ca!cul et de repartition de !'intéressement. Elle s'applique aux entreprises de moms de cent salaries. Lorsqu'il n'y a pas de representation syndicale, il suffit d'un vote favorab!e de tous !es salaries. Contrairement aux apprehensions des chefs d'entreprise, !a distribution d'une partie des bénéfices au personnel est un des éléments les plus efficaces pour en augmenter le montant. Les Amencams l'ont résumé dans Ia formule: sharing profit—making profit (partager le profit, c'est faire des profits). L 'actionnariat L'actionnariat devrait permettre aux salaries de devenir actionnaires de leur propre entreprise. Encore faut-il que cet actionnariat ne soit pas une obligation ou un cadeau, car cela lui enlèvera toute efficacité et toute motivation. La decision doit pouvoir ëtre prise par chaque salarié individuellement et ii doit payer !ui-même ses actions. Des modifications juridiques devraient faciliter l'actionnariat pour les sociétés non cotées en leur permettant de racheter !es actions de leur personnel. Dans toutes les entreprises oU les salaries sont devenus des action- naires volontairement, et non obligatoirement, !eur état d'esprit a change complètement. us se sont préoccupés, non seulement de !eurs rémunérations, mais aussi des profits et de Ia va!eur des actions liées directement a ces profits et a la sante de l'entreprise elle-même, et, comme par hasard, les sirènes syndicales ne sont plus entendues. A la Société Majorette de M. Emile Véron, ii n'y a plus de syndicats. Son système consiste a utiliser 1'Ordonnance de 1967, dont il a supprimé le 22 coefficient 1/2, uniquement en actions de son entreprise. L'ensemble de son personnel est devenu actionnaire. II fait ainsi passer, dit-il, peu a peu son personnel du compte d'exploitation (poste salaires) au bilan (poste capital). Principales modalités d'application de l'actionnariat Option de souscription d'actions (Loi du 31 décembre 1970) Elle est possible pour les sociétés non cotées. L'assemblée genérale extraordinaire doit accorder, au profit des bénéficiaires, des options d'achat d'actions avec renonciation des actionnaires a leur droit préférentiel de souscription pour les actions qui seront ainsi émises au fur et a mesure des levees d'option par le personnel. Les modalités de fixation du prix de souscription sont fixées par le conseil d'administration pour le jour oü l'option est consentie. La revente des actions est interdite pendant cinq ans si l'action est nominative, et exonérée d'impôt. La durée d'option est de cinq ans. Des limites d'attribution a un salarié et des limites du capital ainsi distribué sont fixées. Option d'achat Même régime mais réservée aux sociétés cotéeS en bourse, qui se procurent les actions nécessaires par rachat en bourse. Souscription (ou achats d'action) réservée aux salaries Elle est réservée aux sociétés cotées en bourse. Pour la souscription, il s'agit d'une augmentation de capital réservée aux salaries. Pour l'achat, la société rachète en bourse les actions nécessaires. Les actions sont incessibles pendant cinq ans. Le montant préleve sur les salaires pour l'achat des actions est exonéré de l'impôt sur le revenu dans la limite de trois mule francs. L'abondement de la société, limité a trois mule francs, deductibles des bénéfices imposables, n'est pas assujetti a Ia taxe sur les salaires ni aux cotisations de sécurité sociale. La participation financiêre dans les différents pays Etats- Unis Elle a pris un essor remarquable a l'initiative des entreprises et a lar- gement repondu a l'attente des salaries. La participation financière fournit a un grand nombre de salaries américains l'essentiel de leurs retraites complémentaires ou de leur prime de licenciement. Des enquê- tes ont montré que les sociétés qui pratiquaient la participation aux 23 bénéfices ou au capital obtenaient, grace a une meilleure motivation de leur personnel, des résultats supérieurs a ceux des autres firmes. Ii y a plusieurs types de plans: les <<profit-sharing plans>> (participation aux bénéfices) qui peuvent être <<cash>> (distribution immediate) ou <<deferred>> (distribution différée avec epargne); — les <<stock options plans>> (plans d'option sur actions pour les cadres); — les <<employee stock ownership plans>> (plans pour l'actionnariat des salaries); — les <<stock purchase plans>> (plans d'achat d'actions); — le <<saving plan>> (epargne salariale). Ces plans prévoient la creation par l'entreprise d'un fonds special ou <<trust>> qui acquiert des valeurs mobilières dont des actions de l'entre- prise. Les fonds proviennent de l'épargne volontaire des salaries, des distributions de bénéfices ou de versements effectués par l'entreprise (abondement). Les titres sont remis aux salaries a l'issue de leur vie professionnelle ou a leur depart de l'entreprise. Ils concourent a Ia formation de patrimoine de fin de carrière et a l'alimentation des retraites. Ces plans bénéficient d'avantages fiscaux pour les salaries des entreprises. Royaume- Uni Des plans de participation aux bénéfices ne concernent que 2 pour cent des salaries anglais. Ils existent sous deux formes: distribution immediate ou actions dans l'entreprise. II existe aussi des plans d'epargne SAYE (save as you earn), des plans d'options pour les dirigeants. Les formules utilisées mettent en le bénéfice ou la valeur ajoutée ou le chiffre d'affaires. REpublique fedérale d'Allemagne Des dispositions juridiques et fiscales ont permis de stimuler l'épargne volontaire grace a des deductions fiscales, de combiner l'épargne salariale et les investissements, d'assurer aux salaries une participation directe aux bénéfices et au capital des entreprises par les lois. Pays-B as Des plans de participation aux bénéfices et aux actions sont établis sans réglementation. Des plans d'epargne sont encourages par une Ordonnance de 1962 qui institue trois modes d'epargne volontaire: l'épargne a prime. l'epargne bloquée alimentée par les bénéfices et le salaire épargne. Différents projets de participation collective aux superbénéfices, contrOlée par les syndicats, n'ont pas vu le jour. 24 Suede Ii existe en Suede des plans d'epargne et des regimes facultatifs de participations aux bénéfices. Des projets de fonds collectifs, contrôlés par les syndicats, ont fait l'objet d'une vive controverse. Communauté européenne La Commission recommande le développement des systèmes de par- ticipation financière des salaries par la participation aux profits, aux plus-values ou au capital, qui pourrait être rendue obligatoire par voie legislative ou négociée entre les partenaires sociaux. Conclusion Ainsi, la gestion participative déborde très largement la participation financière qui n'en est qu'un élément. Elle devient un nouveau mode de direction de gestion économique et sociale. Elle s'adapte a toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles et leurs activités. Elle concerne les problèmes de relations humaines et sociales, problèmes qui sont partout les mêmes des que des hommes et des femmes travaillent ensemble. Cette méthode réconcilie les hommes, supprime les malentendus, empêche les conflits, et, finalement, profite a tout le monde, aussi bien aux salaries qu'aux actionnaires. Elle redonne a 1"entreprise sa veritable finalité qui est de satisfaire en priorité les clients en leur fournissant des produits de qualite. C'est une méthode globale qui doit tenir compte de tous les éléments indiqués pour être efficace. Elle supprime les motifs d'insatisfaction en développant Ia communication, les responsabilités, la consideration, le en adaptant l'avoir aux possibilités de l'entreprise. La gestion participative n'est ni une duperie, ni une utopie, mais une réalité, car elle est utilisée dans beaucoup d'entreprises francaises et étrangères, aux Etats-Unis et au Japon. Elle est une des raisons de la réussite industrielle du Japon qui realise une implication beaucoup plus grande des salaries dans leur travail et une recherche permanente de la valorisation des hommes dont le potentiel et la competence sont considérés comme la ressource essentielle. Ainsi, avec la gestion participative, les salaries informés, responsables, conscients des problèmes de l'entreprise, soucieux des besoins des clients et de la qualité, intéressés aux bénéfices et parfois action- naires, deviennent de véritables associés pour lesquels le consensus 25 social remplace avantageusement la lutte des classes. Au lieu de continuer a se déchirer dans les conflits sociaux, les revendications et les greyes qui sont le plus sür moyen de développer le chomage et l'inflation, la gestion participative, grace au consensus obtenu des salaries, pourra permettre aux entreprises de se développer dans Ia paix sociale, de mieux affronter la competition internationale et de réduire le chomage et l'inflation. Nous devons faire face a une situation difficile aggravée par des années de social-démocratie et de socialisme en France. Mais ii serait vain de penser que la solution viendra d'en haut, qu'un gouvernement quelconque prendra, tout a coup, des decisions miraculeuses qui résoudront nos problèmes. Certes, un certain nombre de dispositions fiscales et sociales faciliteraient notre action. Mais le fond du problème ne depend que des chefs d'entreprise. Sauront-ils oui ou non associer leurs salaries leur action? Sauront-ils oui ou non mettre en place l'entreprise 2000 participative qui maItrise les technologies et l'information qui anticipe, qui réagit vite, qui assure la qualite, qui sait que la bataille ne se gagne pas sans l'intelligence et l'ardeur de tous, mais avec des hommes et des femmes toujours mieux informés, mieux responsabilises, mieux impliques dans les decisions majeures, ayant compris combien la contribution de chacun est essentielle, combien la ressource humaine est au ceur de la performance économique? C'est la question fondamentale a laquelle ii faut répondre oui sans de longue haleine, car rien n'est plus long hésiter. Mais c'est une et plus difficile que de changer les mentalités par persuasion et c'est bien parce que ce sera long qu'il faut commencer tout de suite. 26 DISCUSSION M. Kane Nous vous sommes très reconnaissants, M. Dassault, de cet exposé de grande qualité sur un sujet très complexe. Je suis sUr que nombre de participants aimeraient le prolonger par des questions ou en exprimant leurs vues. Je demande maintenant a tous ceux qui le souhaitent de se manifester. M. Okougou (directeur de l'Organisation des employeurs du Nigeria) Tout d'abord, j'aimerais féliciter le conférencier pour son excellent exposé que l'on pourrait très bien décrire en citant le titre d'un livre: What they do not teach you at the Harvard Business School. Je pense que M. Dassault nous a dit ce qu'aucune école de gestion n'enseigne. Mais je souhaite poser deux questions. Premièrement, en tant qu'employeur ayant une grande experience, pouvez-vous nous dire ce que devrait être, a votre avis, le role des employeurs dans le domaine de la creation d'emplois? Deuxièmement, vous nous avez dit qu'une organisation est un être vivant, qui doit donc s'adapter aux changements. Mais, lorsque vous vous adaptez et que vous effectuez des changements, que devient la culture de l'entreprise, la manière dont elle a l'habitude de faire les choses? Change-t-on la culture, la philosophie d'une entreprise? Et quels effets cela a-t-il sur les motivations des salaries? M. Dassault Je / vous remercie de cette question. Le role de l'employeur dans le domaine de Ia creation d'emplois est fondamental, car ce sont les employeurs qui créent les emplois, s'ils en ont la volonté, la possibilité financière et la possibilité commerciale, c'est-à-dire celle de trouver des 27 marches. C'est pourquoi, une des maniêres de résoudre le problème du chomage c'est de motiver l'employeur pour qu'il crée des emplois, et non de l'en decourager par des lois contraignantes. Ainsi, en France, nous avons un problème a résoudre: ii y a tellement de lois qui découragent l'employeur d'embaucher qu'il n'embauche plus. Ii faut donc commencer par supprimer ces contraintes ou ces lois qui dissuadent l'employeur d'embaucher et d'investir, c'est-à-dire qu'il faut lui donner la possibilité d'adapter son personnel a ses besoins, de fixer ses prix, de fixer ses horaires, de pouvoir fixer aussi les vacances, ce qui n'est pas le cas en France. Si, au contraire, pour l'employeur embaucher est un moyen d'améliorer la rentabilité de I'entreprise et de Ia développer, il embauchera. S'il peut emprunter dans des banques et que, pour emprunter, on ne lui demande pas, comme c'est le cas en France, d'hypothéquer tous ses biens propres, ii empruntera. Si on l'empêche d'emprunter, ii n'investira pas. Ainsi donc le rOle de l'employeur dans le développement de la creation d'emplois est fondamental et ii faut tout faire pour que l'employeur ait intérêt a développer son entreprise, qu'il ne paie pas trop d'impôts, qu'il puisse être maître chez lui et qu'il puisse emprunter ou financer ses investissements. Voilà, en résumé, ce qu'il faudrait faire pour réduire le chomage, en France et partout ailleurs, car le problème est le même pour tous. La deuxième question est un peu plus vague: face aux changements, que deviennent la culture et la philosophie de l'entreprise? Le changement dans une entreprise c'est une adaptation technologique permanente. Je travaille dans une activité electronique de haute technologie, oU il faut faire en sorte d'être toujours a la pointe. 11 faut donc s'adapter en permanence aux changements, aux machines nouvelles, aux techniques nouvelles, aux composants nouveaux, mais cela ne modifie pas la philosophie de l'entreprise, bien au contraire. Ii faut que, dans cette action, l'ensemble du personnel soit associé et formé a de nouvelles qualifications. Ainsi, chez bus, plus personne ne fait de soudures; on utilise des composants spéciaux intégrés et on realise des soudures au microscope; ce sont des techniques différentes et on forme les jeunes a ces nouvelles techniques. Mais on ne change pas la philosophie, qui est toujours la même, a savoir développer l'entreprise et trouver de nouveaux produits et surtout de nouveaux clients. M. Blonde! (délégué, représentant des travailleurs francais, Force Ouvriêre) M. le Président, je voudrais avant tout vous remercier pour cette initiative et j'aimerais aussi vous remercier de me tolérer. J'ai été invite et, 28 a ce titre, je crois qu'il est bon que le président Dassault soit venu expo- ser son experience sur un problème qui est encore, ii faut l'avouer, y compris dans notre pays, un problème controversé. Je voudrais en premier lieu le remercier de sa franchise et, complémentairement, lui dire qu'il m'est particulièrement agréable de discuter avec lui, loin des contingences nationales, même si physiquement nous ne sommes pas très loin du pays. Mais il ne s'agit pas d'un débat a l'intérieur du pays, ce qui veut dire que mon propos et le sien ne prendront pas le caractère idéolo- gique ou pseudo-politique qu'on pourrait leur prêter. J'ai donc bien écouté ce que le président Dassault nous a dit et j'ai quelques questions a Iui poser. Tout d'abord, j'aimerais qu'iI nous precise si dans son esprit la par- ticipation, telle qu'il l'entend, n'a pas fondamentalement des limites, c'est-à-dire qu'elle se situe au niveau de l'entreprise, et peut-être pas de n'importe quelle entreprise. Je voudrais savoir si l'expérience pourrait être généralisée et si, dans des entreprises qui seraient du mode des <<canards les quatre postulats choisis Sont possibles, c'esta-dire applicables, ou eSt-ce que le président Dassault ne bénéficie pas, grace a son activité, d'un secteur plus particulier qui se prête a certaines choses, et je pense notamment aux résultats financiers qui ne sont pas aussi négligeables, selon moi; qu'il veuille bien le préciser. Deuxièmement, j'aimerais qu'il nous dise si cette experience est transposable dans des pays qui n'ont pas d'industrie. Est-ce que demain, en Afrique, on peut envisager de développer des entreprises en partant de ce principe, de ce concept assez original de participation? Troisiêmement, je voudrais lui demander, et ii comprendra bien mon souci, quel est dans son esprit le devenir de ce que certains appellent les structures intermédiaires, c'est-à-dire les organisations de représentation, et en particulier les organisations syndicales. J'ai cru cornprendre, mais c'était au detour d'une phrase, que l'information il fallait bien la faire pour les syndicats, parce que c'est obligatoire, mais que ce n'était pas l'essentiel, et le président Dassault a eu la gentillesse de nous préciser qu'il faisait, lui, une fois par an un exposé oü il présentait la situation et les objectifs de l'entreprise a l'ensemble du personnel. Ces trois considerations étant dites, vous me permettrez, M. le président, d'être un petit peu critique. Ii ne faut pas trop m'en vouloir, je suis représentatif de ce que je considère les intérêts des travailleurs. Mais sur l'une des questions qui vous ont été posées, j'ai été quelque peu choque de votre réponse, et il est dans mes habitudes de poser clairement mes questions. L'employeur n'aurait pas envie d'embaucher, disiez-vous. Et vous avez fait quelques références a des contraintes. On ne va pas ouvrir ici le débat sur la flexibilité, cela crée des soucis aussi bien au CNPF / 29 qu'aux organisations syndicales, mais la notion même <ne pas avoir envie d'embaucher> m'ennuie, parce que cela pose un problème de fond. Nous sommes en economic de marché. A partir du moment oü ii y a du travail, a partir du moment oü vous parlez de clientele, oü ii y a une demande soutenue, je n'ose pas croire que dans aucun pays ii existe un employeur qui, parce qu'il n'en a pas envie, ne satisfait pas la demande en n'embauchant point. Je crois que le role de l'employeur, le role social de l'entreprise, c'est effectivement d'embaucher. Et de cette facon, je sais un petit peu perverse, de poser Ia question, je redéfinirai une nouveile fois les relations et Ia dialectique entre l'economique et le social. Est-ce qu'en fait ce n'est pas le débat perpétuel? Est-ce que ce n'est pas la demande et la revendication, et le moyen d'adaptation des employeurs a satisfaire celles-ci, qui font évoluer Ia société? M. Dassault Je vous remercie de vos questions intéressantes et qui montrent que je ne me suis pas encore suffisamment bien fait comprendre. D'abord, je voudrais vous dire que, Si VOUS considérez représenter les intérêts des travailleurs, moi aussi. C'est déjà un premier point. Je représente les mêmes intérêts que vous, et je les représente aussi bien que vous, que vous les syndicats en general, et peut-ëtre mieux parfois, car je sais ce qui peut se faire et ce qui ne peut pas se faire. Et les syndicats ne le savent pas touj ours. Mais je vais répondre a vos questions: Y a-t-il des limites ala participation? Est-ce que l'expérience peut être généralisée? Oui, je vous l'ai dit, et je pourrais vous en donner quelques exemples, la gestion participative est particulièrement utile aux entreprises en difficulté et elle peut les aider a se sortir de leurs difficultés, car la gestion participative n'est pas uniquement financiêre — elle est beaucoup plus que cela — et si die réussit dans mon entreprise — c'était votre deuxième question — ce n'est pas parce que nous faisons des béndfices, c'est parce que nous appliquons l'ensemble de la méthode. A titre illustratif, je vous citerai le cas d'une entreprise francaise qui était, en 1981, dans une situation dramatique: pertes énormes, difficultés de trésorerie, banques qui ne paient plus, menace de fermer l'usine et de licencier tout le personnel. Un des fils du patron décida alors qu'il fallait sauver l'entreprise. Qu'a-t-il fait? Ii a appliqué Ia gestion participative. II a commence par réunir le personnel et a l'informer de Ia situation; il a propose une réorganisation de i'cntrcprise avec une reduction des sãlaires de l'ordre de 20 pour cent, mais sans licenciements; ii leur a dit que, si l'entreprise faisait des bénéfices, us auraient droit a des intéressements; et il leur a aussi donné des 30 possibilités d'actionnariat. Résultat: en 1984, le chiffre d'affaires a doublé, et us ont fait plus de 100 millions de bénéfices. Voici un autre exemple: En France, une petite entreprise de dix personnes, qui était en faillite, a été reprise par un patron qui a appliqué tout de suite l'actionnariat. Tout marchait mal et ii commence a donner des actions, ii faut le faire, pourtant l'initiative a été payante. Le personnel devenu actjonnaire s'est intéressé a I'affaire et a décidé de travailler davantage et de réduire les dépenses; aujourd'hui l'entreprise compte deux cent soixante personnes, dont cent vingt salaries actionnaires. Ainsi la méthode fonctionne encore mieux dans les entreprises qui ne marchent pas, car elle permet de les faire marcher en rendant aux salariés la conscience de la valeur de l'entreprise, qui est leur outil de travail, et en les) rendant responsables, informés et actionnaires. Donc cette experience est transposable dans les pays qui n'ont pas d'industrie. C'est une méthode psychologique: satisfaire des hommes qui vivent et travaillent ensemble, dans un certain but, quel qu'il soit. Donc, dans les pays qui n'ont pas d'industrie, ou dans les pays agricoles, ou dans les pays qui veulent créer des entreprises, ii faut commencer par réunir les gens, les informer et leur donner des responsabilités. Et, quand ii y aura des bénéfices, leur en donner, mais évidemment cela ne vient pas tout de suite. En ce qui concerne les organisations syndicales, je n'ai rien contre elles, mais ii se trouve que certaines — pas FO — ne traduisent pas toujours dans la forme réelle les informations qu'on leur donne. Cela m'est arrivé un certain nombre de fois; on informe le comité d'entreprise des résultats, et on s'apercoit que l'information est transformée par les syndicats ou les comités d'entreprise. Ii y a une vingtaine d'années, j'avais réuni le comité d'entreprise pour l'informer que l'entreprise avait réalisé dix ou vingt millions de francs de bénéfices et je leur ai explique comment ces bénéfices avaient été distribués entre les actionnaires et combien il en restait dans l'usine. Le lendemain ily avait un tract: <<Dassault s'est mis vingt millions dans la poche. D'abord je ne m'étais rien mis dans la poche, ensuite il ne s'agissait pas de vingt millions, ni de dix, peut-être de deux ou trois, distribués a tous les actionnaires, le reste a l'entreprise. Voilà un exemple type de transformation de I'information pour tromper les salaries. Si les syndicats — je travaille beaucoup avec la CGC dans mon entreprise, et j'ai de très bonnes relations avec elle — acceptent de jouer le jeu, c'est-à-dire le jeu de l'information dans les deux sens et sans trafiquer les résultats, alors on peut très bien travailler a Ia gestion participative avec des syndicats. Par ailleurs, vous dites que vous êtes choqué de voir qu'il y a des patrons qui n'embauchent pas. Mais pourquoi ne le font-ils pas? us 31 n'embauchent pas parce qu'ils ne peuvent pas licencier, c'est la principale raison, du moms en France, car ii y a une règle qui, a partir de cmquante salaries, oblige une entreprise a avoir ce qu'on appelle un comité d'entreprise. C'est pourquoi vous trouvez, en France, des milliers d'entreprises qui s'arrêtent a quarante-neuf salaries et qui n'embaucheront jamais le cinquantième. C'est ce qu'on appelle le seuil social. Ainsi donc ii y a des règles en France, des habitudes, qui font qu'il existe des patrons — et on peut le regretter — qui refusent des commandes pour ne pas embaucher. Ii faut comprendre que, tant qu'en France on n'aura pas la liberté totale d'embauche et de licenciement, on continuera a avoir du chômage. Cela ne veut pas dire que tous les problèmes seront résolus, mais on améliorera quand même la situation. Donc Ia gestion participative s'applique a tous, y compris aux <<canards boiteux>>, elle n'est pas du tout contre aucune organisation syndicale, mais elle demande a coopérer, et il faut être conscient que maintenant l'intérêt des travailleurs coincide avec celui de l'entreprise. M. Kane J'aimerais revenir sur une question qu'a posée M. Blondel, a savoir quel est le role des organisations des travailleurs dans ce système de gestion participative. Y a-t-il vraiment un role qui leur est assigné, qui leur est propose, ou est-ce que finalement cette participation, cette gestion participative n'a pas tendance a ignorer les syndicats et a s'adresser directement au travailleur lui-même, et a finalement court-circuiter les organisations syndicales? M. Dassault Comme vous le savez, les organisations syndicales valent ce que valent leurs électeurs. Elles n'existent que parce qu'il y a des salaries qui votent pour I'une ou pour l'autre. Or, ii se trouve que, dans un grand nombre d'entreprises qui appliquent Ia gestion participative, les salaries ne votent plus. Cela veut peut-être dire qu'ils n'ont plus besoin des syndicats, je n'en sais rien. Mais, a partir du moment üü les salaries sont satisfaits et oU us sont convaincus que le meilleur défenseur de leurs intérêts c'est le patron, cela change beaucoup de choses. Néanmoins, cela est vrai a condition que le patron agisse comme je l'ai indiqué, ce qui n'est pas touj ours le cas. Pour mon compte, je dis souvent au personnel, quand je convoque Ia reunion annuelle, que le meilleur délégue syndical c'est moi, ce n'est pas le syndicat, car lui va demander une augmentation de salaire, ii va demander des reductions d'horaires, etc., et 32 après cela, je vais être oblige de vous licencier car je ne pourrai pas vendre mes produits parce qu'ils seront trop chers ou bien parce que, suite aux reductions d'horaires, le travail ne sera pas fait dans les délais et que le client passera ses commandes a une autre société. Ii faut tout de même comprendre qu'une entreprise c'est un tout, qu'il ne s'agit pas seulement de défendre les intérêts des salaries, mais des clients en priorite. Ii faut que le client — et c'est cc que n'ont pas compris les syndicats en France — puisse être satisfait, sinon ii n'y a pas d'entreprise. Une entreprise sans clients disparaIt. 11 faut donc qu'il y ait un changement de mentalité des chefs d'entreprise et des syndicats pour prendre en compte tous ces problèmes qui ne sont pas simples, arrêter de faire de l'idéologie et de la demagogie et se convaincre qu'il faut travailler tous ensemble. Je ne suis pas contre les syndicats; les syndicats ont un role de relais, d'information, mais ii faut qu'ils comprennent qu'une entreprise n'est pas une vache a lait, qu'il y a des limites et que, dans certains cas, ii faut réduire les salaires et investir. Heureusement notre gouvernement socialiste a compris qu'il fallait supprimer !'échelle mobile des salaires. C'est très important. Car dire que l'indice des prix ayant augmenté, ii faut augmenter les salaires pour qu'il n'y ait pas de perte du pouvoir d'achat, c'est la meilleure facon d'entretenir l'inflation et de compromettre !'activité de l'entreprise. Donc, dans certains cas, ii faut réduire le pouvoir d'achat, et, dans d'autres, quand on peut l'augmenter, parce qu'on fait des bénéfices, on le fait et on distribue les bénéfices. Mais ii faut d'abord que l'entreprise survive, ii faut qu'ellc se développe et ii faut garantir l'emploi, c'est le plus important. Mais ii vaut mieux garantir l'emploi et réduire Ic pouvoir d'achat, car on ne peut pas garantir les deux a la fois. M. Gladstone (chef du Département des relations professionnelles et de l'administration du travail du BIT) J'aimerais remercier le président Dassault pour ses remarques sur la gestion participative établie et acquise dans beaucoup d'entrcprises, mais il y a toujours cette question delicate du role du syndicat, et j'aimerais la poser sous un aspect un peu different de celui de M. Kane ou de M. Blonde!, c'est-à-dire dans le contexte des réformes des lois Auroux en France, qui renforcent les pouvoirs des syndicats au niveau de l'entreprise, de l'atelier et qui prévoient une négociation annuelle. Comment ces développements vont-ils ou pourraient-ils influencer vos concepts de cette gestion participative que, comme je le disais, flu! ne peut contester? Quelle sera la direction a prendre, si les lois Auroux et sur- tout Ia négociation au niveau de l'entreprise prennent un essor en 33 France? II faudra, a mon avis, une nouvelle adaptation qui pourrait aller a l'encontre, éventuellement, de vos concepts si clairement énoncés ici. M. Dassault Ma réponse, je vais vous Ia donner clairement; ii faut supprimer les lois Auroux. Elles ne servent a rien et font perdre le temps de l'entreprise ou du chef d'entreprise. On perd son temps a discuter, a négocier. Et que negocie-t-on? Qu'est-ce que cela signifie négocier une fois par an? On ne peut pas négocier les salaires. Cela ne se négocie pas, on fait ce que l'on peut. Ii y a aussi le problême des discussions sur le lieu de travail, mais cela se fait dejà, ii y a des cercles de qualité qui le font. La veritable question est de savoir ce que l'on cherche. Que cherchent les employeurs, que cherchent les salaries, que cherchent les syndi- cats? C'est simple, c'est faire travailler le maximum de salaries, les payer le mieux possible, les satisfaire et les rendre heureux. Ii n'y a pas trente-six méthodes. Ce n'est pas une loi qui y arrivera, ce n'est pas un syndicat non plus, ce n'est pas forcément un patron. C'est pour cela que c'est difficile; parce que c'est un état d'esprit. C'est prendre conscience qu'on travaille en équipe, qu'il n'y a plus cet obstacle salarié-patron, qu'on agit ensemble dans le meme but et qu'il n'est pas question de dire qu'on paie le moms possible pour gagner le plus possible. Ii faut payer cc que l'on peut, gagner cc que l'on peut, partager et associer, former et informer et faire en sorte que les gens soient heureux de ce qu'ils font et qu'ils travaillent dans de bonnes conditions. Quand on ne peut pas le faire, il faut Ic dire, prendre conscience des difficultés et faire prendre conscience a tous que le probléme de l'entreprise c'est difficile, qu'un patron n'est pas quelqu'un qui reste toute la journée dans son bureau a fumer un cigare et a boire du whisky. Un patron c'est quelqu'un qui se donne du mal, qui cherche d'abord des clients, qui va verifier que ses produits sont bons, qui a des idées, quelquefois bonnes, quelquefois mauvaises, pour orienter l'entreprise dans certains secteurs, qui se donne beaucoup de mal et qui réussit ou qui ne réussit pas. Ii est clair que quelquefois ii n'y arrive pas, mais ii faut reconnaItre que cc n'est pas touj ours facile. Une chose est sure — et notre président Mitterrand qui commence a comprendre les problèmes a dit dans un recent discours cc que je dis moi-même depuis dix ans: <Une entreprise n'est pas une caisse dans laquelle on puise de l'argent pour le distribuer largement aux salaries ou sur laquelle le patron est assis et qu'il ne veut pas libérer.>> Une entreprise c'est une organisation qui doit gagner de l'argent par le travail des 34 gens et ii ne faut pas l'épuiser par des contraintes ou des prélèvements qui finalement la feront disparaItre. Ii faut arrêter de dire: <<On est contre les patrons, on est contre les syndicats, on est contre les salaries.>> Ii faut dire: <<On travaille tous ensemble, Ia main dans la main pour développer l'entreprise, pour développer l'emploi, pour que tout le monde gagne le maximum, pour que l'entreprise puisse investir, pour satisfaire les clients.>> Quel est le role des syndicats? C'est de défendre les intérêts des travailleurs. Mais encore faut-il que ce soit vrai, que ce soit vraiment les intérêts des travailleurs qu'ils défendent. Or, on ne defend pas les intérêts des travailleurs en réclamant des augmentations de salaire, ce n'est pas vrai. Au contraire, on les conduit au chomage. Ii faut s'en rendre compte. Aussi faut-il que tout le monde s'associe avec un bon esprit de cooperation sans se combattre. On est ensemble, on est sur le même bateau. Ii ne faut pas qu'il coule. Ii faut qu'il aille au port et comme je l'ai dit tout a l'heure, a condition de savoir oü ii est. Un participant (Tchecoslovaque) Je vais tout d'abord remercier M. le Président Dassault pour son exposé oü il nous a donné un point de vue d'employeur de manière bien franche. Je ne vais pas entrer dans la polémique sur les opinions qu'iI a exprimées, parce que je me situe personnellement de l'autre côté de la barrière. Mais je voudrais seulement poser une petite question. Les idées qui ont été exposées ici ne sont pas nouvelles. Je me rappelle avoir lu, ii y a une trentaine d'années, un livre francais qui s'intitulait: La rémuné- ration et Ia participation, oO étaient déjà exprimées ces idées; c'était d'ailleurs en liaison avec le projet du Président de Gaulle. Alors ma question est la suivante: Comment est-il possible, ou bien pour quelles raisons les idées qui ont été exprimées il y a une trentaine d'années n'ont-elles pas fait beaucoup de progres? Pourquoi en est-on toujours a un stade d'expérimentation? M. Dassault Tout d'abord, je vous remercie de parler francais, car vous ëtes tchécoslovaque; c'est une excellente chose. Ces idées ne sont pas nouvelles. Je sais qu'en France, en 1880, ii y a eu une entreprise de peinture, qui a décidé, a la stupeur générale, parce qu'à l'époque c'était nouveau, de distribuer une partie de ses bénéfices a son personnel, pour, disait-elle déjà, mieux le motiver. Les choses sont longues a évoluer et a passer dans les meurs. Effectivement de Gaulle a commence a en parler en 35 1959, et ii en parlait déjà avant, mais ii considérait uniquement l'aspect financier, pas l'aspect actions, comme je l'ai indiqué, qui est plus nouveau. Pourquoi est-ce difficile a appliquer? Parce que c'est quelque chose qui ne peut pas s'imposer si on n'en a pas compris l'intérêt et la nécessité. C'est une question d'etat d'esprit, de mentalité et de volonté. Et cela depend du patron, du chef d'entreprise. Ii faut donc d'abord convaincre les patrons, et les syndicats aussi, parce que l'intérët de la méthode, c'est que les deux travaillent ensemble. Malheureusement, ii y a une peur ou une inquietude du patron, parce qu'on a dévoyé la participation en France, et je crois aussi a l'étranger, en Republique fédérale d'Allemagne par exemple, par des operations qu'on appelait Ia cogestion. Les patrons, les chefs d'entreprise ont peur de perdre une partie de leurs pouvoirs et de ne plus pouvoir diriger leur entreprise, c'est cela le fond du problème. us ont peur que ces méthodes ne leur enlèvent une partie du pouvoir. Ii faut donc que ces méthodes soient bien adaptées au maintien du pouvoir. C'est pour cette raison que je suis oppose a la cogestion. La cogestion cela voulait dire qu'il fallait qu'il y ait — ce qui se fait maintenant dans certaines entreprises nationalisées en France — des représentants du personnel au conseil d'administration, avec droit de vote. La belle affaire! Qu'est-ce que ça change? Ou bien ces représentants du personnel deviennent de véritables administrateurs, et alors ce n'était pas la peine, parce qu'ils ont compris leur role, ou bien us n'ont pas compris leur role et us viennent au conseil d'administration pour revendiquer, et a ce moment-là us font capoter l'entreprise. Ce n'est pas cela qui satisfera les salaries. C'est l'action directe, c'est l'action sur le personnel directement. Donc ces idées ont du mal passer parce que les principaux responsables ont peur que le gouvernement ne leur enlève leur pouvoir, ne leur enlève leurs bénéfices. Ii faut donc bien expliquer aux chefs d'entreprise que, en appliquant cette méthode, us ne perdront pas leur pouvoir, mais qu'au contraire un pouvoir partagé, expliqué, admis est beaucoup plus efficace qu'un pouvoir dictatorial, impose, non explique, et mal exécuté. Ii faut donc convaincre, c'est difficile et c'est long a mettre en place et a faire comprendre. En France, j'ai réussi, c'est déjà un exploit, a faire admettre cette méthode par le CNPF francais, il ne le voulait pas. Maintenant le CNPF admet la gestion participative, qu'il appelle <<la participation active>> pour ne pas utiliser le même mot. Personnellement je préfère Ia gestion participative. Mais c'est un travail de longue haleine et c'est long parce que c'est une méthode qui ne peut pas être imposée par une loi ou par un gouvernement. C'est une mentalité nouvelle. On nous a trop intoxiqués — et on l'est encore aujourd'hui — par 36 Ia lutte des classes, on est intoxiqué par le marxisme, on est intoxiqué par la lutte profit-salaire qui n'existe pas, a condition de faire ce qui faut, évidemment. Donc ii faut se désintoxiquer par la gestion participative. M. Harari (chef du Bureau de programmation et de gestion du BIT) Merci, M. le Président. Ce n'est pas en tant que fonctionnaire du BIT que je pane, mais en tant que participant a cette très intéressante reunion. M. Dassault, je vous remercie de cet exposé et je vous en félicite, parce qu'il est très vif et três intéressant. II est clair que tout le monde n'est pas nécessairement d'accord, mais vous l'avez très bien présenté. Je vous félicite aussi pour la facon dont vous gérez votre entre- prise. D'ailleurs, si j'étais patron, trés probablement je suivrais certames de vos idées parce qu'il me semble effectivement que, de ce point de vue-là, les résultats soient payants pour les raisons que vous avez expliquées. Cela dit, je ne sais pas s'il s'agit de sémantique, mais le theme de votre intervention, c'est la participation. Or ii y a plusieurs formes de participation, plusieurs concepts de participation. Vous avez a un moment donné parlé même d'association, vous avez dit que les employés se retrouvent finalement un peu associés a l'affaire quand ii s'agit de la participation aux bénéfices. Cependant, je reprends vos quatre préceptes principaux. Vous avez pane de l'importance de ce que vous avez appelé <l'être>>, en fait la consideration. Mais de qui cette consideration vient-elle? Elle vient du haut vers le bas. 11 s'agit de féliciter les gens pour ce qu'ils font quand us le font bien. Vous avez pane en deuxième notion du <savoir>>. Là aussi l'information vient du haut vers le bas, finalement. Vous réunissez votre personnel, vous lui dites oü en sont les choses. Je ne critique pas, je trouve que c'est très bien. Je pane du concept de participation. Le troisième volet c'est le <<pouvoir>>, donc la delegation de responsabilités, la décentralisation. D'oü vient la decision de cette delegation de responsabilités? Elle est prise par le patron. Et quand ii s'agit de <<l'avoir>>, donc de la participation aux bénéfices, le fait que l'on donne aux employes l'option d'acheter des actions a des prix intéressants, là encore la decision d'aller de l'avant vient des patrons de l'entreprise. Donc, oui bien stir, c'est une participation, et je crois qu'elle est très bonne, mais elle donne finalement a l'employé un role passif par rapport au patron, c'est-à-dire qu'il reçoit cet esprit de participation du haut vers le has. Cela est très different, je le concois bien stir, de la directive absolue et du manque de participation absolue que vous critiquez, et je suis d'accord avec vous, mais même la participation est décidée de facon hierarchique. Or, je trouve que dans une entreprise, et vous l'avez 37 dit vous-même, ii faut un leader, et finalement tout dépendra de l'attitude de ce leader. Tout ce que vous avez présenté marche trés bien et les gens sont contents tant que le patron, si Ofl veut parler d'un patron, ou les gestionnaires en general, ont ce genre d'attitude. Mais est-ce que cela ne rend pas le travailleur, l'employé, trop dépendant, de ce fait, de l'attitude du patron? Et c'est là oü je m'interroge — je m'en excuse car on vous a pose la question a plusieurs reprises — sur le role éventuel des syndicats. Car l'appartenance a un syndicat donne au moms a l'employé un sentiment de participation active par rapport a ce que je percois, peut-être a tort, vous m'en excuserez, comme une participation passive. Cela dit, je trouve que ce que vous faites est trés bien, je ne suis pas critique mais, pour moi, le sens de participation en tant qu'institution, en tant que concept, est sans doute different. Ii donne un role aux syndicats, qu'on ne leur reconnaIt peut-être pas dans les entreprises qui marchent bien, mais qui du point de vue institutionnel les rend nécessaires. M. Dassault Vous avez raison de dire que la gestion participative vient d'en haut. Effectivement, si die ne vient pas d'en haut, elle ne vient pas. Done tout depend de l'attitude du patron ou de la direction, qui peut soit changer et faire en sorte qu'elle devienne participative, ou ne pas changer et on en revient finalement au cas précédent. Cependant, le role de la gestion participative est justement de rendre le salarié actif et non pas passif. Je suis d'accord quand vous dites que la consideration vient d'en haut, mais chacun peut l'utiliser vis-à-vis de ceux qui sont sous ses ordres. C'est aussi valable pour la dactylo et son chef de service que pour le vice-président directeur general vis-à-vis de son président. C'est le même problème de relations humaines. Mais, en ce qui concerne le savoir, l'information, effectivement j'ai dit qu'elle venait du haut vers le bas, mais elle remonte aussi; l'intérêt de la methode, c'est de la faire remonter. Ii faut non seulement que le personnel soit informé de ce qui se passe dans l'entreprise par la direction, mais il faut aussi que Ia direction sache ce qui ne va pas dans l'entreprise. Ii faut qu'elle sache pourquoi le personnel est mécontent. II faut done que l'information remonte. Dans le cadre de reunions oü l'on est cinq cents ou mule, je suis d'accord que Ia discussion est faible, bien qu'elle peut quand mëme quelquefois s'établir. Mais dans le cas d'autres reunions organisées a une échelle plus réduite, ii est possible de percevoir des inquiétudes ou des demandes d'information qui viennent du bas. Done il ne faut pas que l'information circule en sens unique. II faut que l'information remonte, et là le personnel a un role a jouer. 38 Quand je pane de <<décentralisation>>, ii est clair qu'elle est décidée par le patron. Mais une fois en place, elle est faite pour ne pas rendre le salarié passif. Au contraire, elle lui donne des possibilités d'agir, de réagir, de donner son avis; on voit d'ailleurs maintenant dans beaucoup d'entreprises citer des salaries qui ont réussi, par des propositions, a améliorer la rentabilité de la fabrication et de l'entreprise. C'est l'un des intérêts de ce qu'on appelle les cercies de qualité. L'objectif de la méthode est donc de favoriser une participation active, oü les salaries ont un role a jouer. La méthode que je vous ai expliquée consiste justement a rendre actif et dynamique le salarié mdividuel. Par contre, quand ii y a relation unique direction-syndicat, c'est alors que le salarié est passif, parce qu'il recoit l'information du syndicat et qu'elle ne remonte pas; ii y a, comme on dit en electronique, la diode, cela passe d'un côté, mais pas de I'autre, ou cela se transforme, ou ii y a modification. L'intérët de la méthode c'est que l'on considère chaque individu comme responsable, et comme ayant a être informé. En France, ii y a le comité d'entreprise, et l'obligation est faite par la Ioi d'informer le comité d'entreprise. Mais le salarié n'est pas forcément mis au courant. Et si le syndicat, comme je l'ai dit tout a l'heure, n'informe pas, ou transforme l'information pour sa propagande, cela ne marche pas. Ii faut donc que le salarié puisse ëtre mis au courant personnellement d'un certain nombre de choses, sans intermédiaire, sans echelon, sans représentant. Pour que le personnel soit content, c'est individuellement qu'il doit l'être. Ce n'est pas parce qu'il aura un représentant au conseil d'administration qu'individuellement le salanié se sentira, disons, mieux défendu, ou plus responsable. Ce n'est pas vrai. Ii se sentira plus responsable si on lui donne a lui, personnellement, des responsabilités dans son travail. Enfin toute la méthode, contrairement a ce que vous dites, consiste justement a faire de la participation active, c'est-à-dire le theme du CNPF, et non pas de la participation passive, donc a rendre individuellement le salarié responsable et informé, lui, et non son représentant. M. Blonde! II n'est pas coutume de poser deux fois des questions, et je m'en excuse. Mais c'est a Ia fois la réponse du conférencier et la richesse du sujet qui me conduisent a revenir encore sur certaines choses. J'ai le sentiment qu'autant le président Dassault que moi-même nous travaillons avec des slogans et des clichés. J'ai entendu parler de problèmes comme l'échelle mobile. En France l'échelle mobile n'a jamais existé. C'est 39 clair. On a utilisé dans les négociations les indices des prix comme réfé- rence, mais le résultat pouvait être en decà de l'indice des prix et j'ai même signé des accords qui étaient en deca. J'en ai signé aussi qui étaient en dessus, rassurez-vous, mais ii n'y a jamais eu une échelle mobile claire, sauf pour le SMIC. Mais on ne va pas entrer dans la technique d'analyse francaise et puis, M. le Président, vous me pardonnerez de vous en faire l'amical reproche publiquement, vous vivez encore sur la lutte des classes. Moi qui pense connaItre la matière, je ne suis pas sUr que nous parlions de la même chose quand nous évoquons la lutte des classes, ni que nous ayons les mêmes concepts. Le marxisme est évidemment quelque chose de suffisamment riche pour qu'on en discute pendant quelques heures, mais ce n'est pas nous qui trouverons la vérité dans ce domaine. Ce que vous voulez essayer de faire comprendre, y compris aux organisations syndicales, c'est que nous sommes les partisans d'une idéologie; le terme est impropre, il est trop large, suranné, dépassé. Je suis le produit de ceux qui sont les adhérents de mon organisation et je revendique le droit d'exprimer ce qu'ils pensent. Et pour ce faire j'utilise une méthode qui s'appelle, du moms en pays démocratique, la representation par délégation. Et vous me faites peur quand vous dites: <Ecoutez, on ne peut plus discuter les salaires, ce n'est même plus Ia peine de les discuter, les employeurs font par definition ce qu'ils peuvent, et les syndicats ou les représentants des travailleurs n'ont plus a s'exprimer parce que nous faisons tout.>, J'en suis navré car ces problèmes de productivité, ces problèmes d'arbitrage de repartition de la part qui revient aux actionnaires, de la part qui revient aux salaries, etc., ce sont des problèmes oü il faut, par la négociation, trouver une solution. Et là, le syndicat doit intervenir. Je sais bien que nous n'épuiserons pas le sujet aujourd'hui, mais je voudrais vous dire que je ne crois pas que ce soit a travers le rejet d'une réalité sociale qu'on puisse trouver une solution. J'aimerais aussi reprendre mon problème initial. Je vous ai demandé tout a l'heure si votre méthode de gestion était transmissible ou transposable a d'autres entreprises, y compris les <<canards boiteux>>, et j'ai aussi pane de 1'Afrique, mais j'aurais Pu parler de l'ensemble des pays en développement. Pourtant, imaginons que nous vous suivions. Dans un pays industrialisé comme la France, toutes les entreprises sont gérées de la facon que vous préconisez, avec un ajustement au niveau de l'entreprise. Je vous ai bien entendu, Président Dassault, lorsque vous avez dit qu'il y avait trop de charges. Mais dans le conflit permanent entre le patronat et les organisations syndicales — et quand je dit conflit, ce ne sont pas les barricades, je veux dire dans le dialogue permanent, dans la participation paritaire ou tripartite, pour employer le jar40 gon de cette maison — ii y a eu toute une série de réalisations sociales qui soutiennent l'économie. 11 faut savoir que dans le pays, vous le savez comme moi, le budget social de Ia nation est plus important que le bud- get de l'Etat. Cela veut dire qu'il y a une redistribution, qu'il y a une situation de fait économique des salaries, qui est le produit même du dialogue entre le patronat et les syndicats dans une société comme Ia France. Et je crams qu'en ajustant les salaires au niveau des moyens de l'entreprise on ne rende complètement secondaire tout ce produit qui n'est plus du tout maintenant un produit auxiliaire, mais qui est la réalité sociale du pays, et je dirais même Ia réalité économique. M. Dassault Je vais essayer de répondre rapidement. Je ne travaille pas avec des slogans, je travaille avec la réalité de tous les jours, que je perçois non seulement dans mon entreprise, mais aussi dans d'autres. On ne va pas reprendre la discussion de la representation, la discussion des salaires. Pourquoi voulez-vous que l'on discute des salaires? Si les delegués du personnel, au lieu de demander purement et simplement, chaque mois, des augmentations de salaire de l'ordre de 2 ou 3 pour cent pour cornpenser l'augmentation du coilt de Ia vie, posaient la question en d'autres termes, a savoir: si on augmente de 3 pour cent l'ensemble des salaires, de combien le bénéfice va-t-il baisser? alors ii serait possible de discuter des salaires. Mais tant que l'on dira dans l'absolu: ii faut augmenter les salaires de 2 pour cent pour que le pouvoir d'achat ne baisse pas, il faut réduire les horaires, etc., cela ne marchera pas. M. Blondel C'est cela que vous appelez la gestion participative? Alors vous n'avez pas encore réussi a convaincre vos travailleurs. M. Dassault Mais ce ne sont pas les travailleurs qui réclament, ce sont les syndicats. Les travailleurs eux ne disent nell. En voici la meilleure preuve: a Ia reunion générale du personnel que j'ai tenue au mois de mai, ii n'y a donc pas longtemps, j'ai explique au personnel qu'on ne pouvait pas augmenter les salaires comme les syndicats le demandaient. Le délégue syndical avait pris la parole pour demander une augmentation des salaires de 2 a 3 pour cent. Et j'ai répondu a tout le personnel present: <<On n'augmentera plus les salaires jusqu'à Ia fin de l'année.>> C'est tout juste 41 si je n'ai pas été applaudi. Parce que le personnel, et non les syndicats, a compris qu'on avait déjà fait un gros effort avec l'intérêt sur le bénéfice, avec les augmentations, que leur niveau de salaire était quand même assez élevé, et qu'on ne pouvait pas faire plus. Et même, a la fin, lorsque j'ai demandé aux membres du personnel ce qu'ils avaient pensé de la reunion, ils m'ont dit qu'ils étaient satisfaits, que les syndicats ne parlaient que des salaires, mais qu'eux, les travailleurs, voulaient parler d'autre chose. Vous parlez des réalisations sociales et de la redistribution, mais on en crève, M. Blondel. Et si aujourd'hui Ia France est en décroissance économique avec 3 millions de chômeurs, et peut-être trois millions et demi bientôt, c'est parce que l'on crève de toutes ces redistri- butions, parce qu'il y en a trop, parce qu'on a trop de charges et parce que maintenant les Japonais, les Coréens, les Singapouriens et les autres travaillent aussi bien que nous pour beaucoup moms cher, et que les clients achètent leurs produits et non les nôtres. Alors il faut faire très attention a tous ces problémes, tous ces avantages, tous ces acquis sociaux, qui n'en sont pas forcément et qui font qu'aujourd'hui on est en train de crever. C'est pour cela que la gestion participative, qui consiste a faire ce que I'on peut faire, mais a condition de le faire — je Suis d'accord qu'il y a beaucoup de patrons qui n'ont rien compris — est valable. Dans certaines entreprises il vaut mieux ne pas augmenter d'un sou les salaires et investir, mais ii faut l'expliquer. Or ce ne sont pas les syndicats qui comprendront cela. M. Said (représentant des employeurs) Je voudrais, M. le Président, vous remercier pour votre exposé magistral. En tant qu'enseignant j'envie la clarté de l'exposition. En tant que représentant des employeurs je dois dire que je dois souscrire a cette méthode qui est trés séduisante. Mais pour les raisons qu'a exposees M. Blondel, je ne sais pas si — car nous ne vivons pas seuls dans ce monde — les syndicats vont accepter des droits octroyés, parce que nous ne sommes plus au temps de la charte et qu'ils ont des droits bien précis qu'ils revendiquent et qu'ils voudraient voir satisfaits. D'autre part, le dialogue syndicats/organisations patronales dépasse le cadre de l'entreprise. Pour donner mon avis sur Ia question posée par M. Blondel: Estcc que cette méthode est transposable ou transferable? — et il a nommé I'Afrique — je dirais que nos centrales syndicales en Afrique ne se con- tentent pas de revendiquer des droits au sein de l'entreprise, mais qu'elles essaient par l'interrnCdiaire de l'entreprise d'arriver a une redistribution des revenus, etc. Personnellement, en tant qu'employeur, je souscrirais volontiers a une méthode qui va contenter tout le monde et 42 surtout nous permettre de nous débarrasser des syndicats, ce serait excellent. Mais comme on ne peut pas contenter tout le monde, ii y a ces centrales syndicales, et je dis bien les centrales syndicales, je ne dis pas les syndicats au sein de l'entreprise, qui sont là et qui ont leur mot a dire, dans nos pays africains du moms. Quant a l'intéressement aux bénéfices, c'est une excellente chose, mais est-ce que cela ne va pas amener les travailleurs ou leurs représentants a demander un droit de regard sur Ia gestion financière de l'entreprise et est-ce que cela ne va pas déboucher sur la cogestion? C'est ma question. M. Dassault Je ne veux pas revenir sur le problème syndical, mais il faut bien se dire que notre seul but est de satisfaire les salaries et de satisfaire les clients, avec ou sans les syndicats. Comme je vous l'ai dit tout a l'heure, il y a des entreprises oü l'on applique la gestion participative, oü il n'y a plus de syndicat parce que le personnel ne vote plus, parce qu'il n'y a plus de candidat, et cela marche trés bien. Que les syndicats discutent a I'échelle nationale un certain nombre de choses, c'est possible, encore faut-il dans Ia méthode bien comprendre que ce qui est bon pour une entreprise n'est pas nécessairement bon pour l'autre. La notion de regle generale, applicable a tous — mêmes salaires, mêmes horaires, mêmes avantages, que l'on fasse des bénéfices ou que l'on fasse faillite — n'est pas possible. Ii faut donc s'adapter a Ia situation. C'est pour cela que Ia méthode, c'est la méthode de l'entreprise elle-même. En ce qui concerne la participation aux bénéfices, ii n'y a pas de problème. Et il ne faut pas craindre, en tout cas si l'opération n'est pas encore faite dans certains pays africains, qu'il y ait une amorce de cogestion, en tout cas en France cela n'a pas du tout été le cas. Par contre, je souhaiterais fortement pouvoir vous aider a appliquer la méthode dans certains pays oü elle n'est pas encore adoptée, parce qu'elle est extrêmement efficace et profitable a tous. M. Dror (Section de la participation et des politiques du personnel du Département des relations professionnelles et de l'administration du BIT) Merci M. le Président. J'aimerais vous remercier pour cette conférence fort intéressante et fort franche aussi, et vous poser deux questions. Premièrement, comment se fait-il que cette gestion participative dont vous nous avez parlé ne soit pas tellement appréciée par les employeurs? Car il me semble que l'organisation des employeurs en 43 France n'a adopté cette nouvelle approche que tout récemment. Et ii y a beaucoup d'autres pays a économie de marché oü elle n'existe pas, oü ii n'y a pas un consensus parmi les employeurs sur ce mode de gestion. Deuxièmement, dans l'économie nationale de presque tous les pays, ii y a un secteur qui devient de plus en plus important, de plus en plus grand, du point de vue des effectifs, du point de vue du budget et du point de vue de l'activité économique proprement dite, et qui est le secteur public, pas seulement la fonction publique, mais le secteur public. Dans ce secteur, la question du règlement des salaires, (<l'avoir>>, cc que vous avez appelé 'xl'avoir>, n'a pas la même flexibilité que dans une entreprise privée. Aussi la question que j'aimerais vous poser est la suivante: Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous envisageriez l'application de la gestion participative dans ce secteur qui n'est pas seulement très important du point de vue des chiffres d'affaires, si l'on peut dire, mais auSSi du point de vue de l'influence, des principes d'organisalion des travailleurs, de l'importance des syndicats, etc.? M. Dassault Je croiS que j'ai déjà un peu répondu a Ia premiere question: Pourquoi n'applique-t-on pas davantage la gestion participative aujourd'hui, alors qu'elle date de trente ans, et même de plus? Pourquoi les employeurs ne se sont-ils pas tous précipités sur cette méthode miracle pour résoudre leurs problèmes? Je crois que c'est parce que d'abord il y a un manque d'information, un manque de crédibilité peut-être, une crainte: Est-ce qu'on ne va pas avoir le contrôle complet des syndicats ou des salaries sur nos comptes, est-ce qu'on ne va pas perdre nos pouvoirs, est-ce qu'on va pouvoir continuer a diriger nos entreprises? Ii y a une crainte réelle parce qu'on a beaucoup utilisé cc mot de participation, de cogestion, d'autogestion, et que finalement on ne sait plus très bien de quoi on parle. C'est pour cela que j'ai essayé de redéfinir cette méthode sous cette forme. C'est pour cela qu'il y a dans beaucoup de pays, et cc serait très heureux si l'on pouvait peut-être, dans le cadre du Bureau international du Travail ou de I'Institut international d'études sociales que dirige M. Kane, se pencher sur cc problème et l'étudier plus profondément pour tous les pays, parce que c'est une méthode universelle, internationale, qui s'applique a tous les pays, quels que soient le niveau de développement et Ic niveau d'organisation. Et je crois que cc serait une bonne chose que cette gestion participative devienne internationale et que chaque pays prenne en compte cette méthode qui est simple et qui depend des hommes et non des groupes; c'est cela Ic changement. En cc qui concerne son application dans les secteurs publics ou 44 nationalisés, c'est aussi facile et aussi difficile. C'est peut-être plus difficile parce que les presidents nommés par 1'Etat sont peut-être moms libres — et encore cela depend des cas, de la politique interne de l'entreprise. Mais quand on met a part le problème des salaires, tout ce quej'ai dit sur l'avoir, sur l'être, le savoir et le pouvoir, est applicable dans toutes les organisations publiques. Je connais des entreprises, des usines de l'aérospatiale, en France, oU on applique la méthode, oü le directeur de l'usine réunit son personnel. Personne ne peut vous interdire de réunir votre personnel et de lui parler. Personne ne vous interdit d'organiser votre travail en décentralisant et en demandant l'avis des uns et des autres, c'est universel. Seulement cela depend du président, du directeur de l'usine, et c'est pour cela que le premier objectif c'est de convaincre les responsables des entreprises. Les jeunes, qui démarrent dans la vie, qui créent leur entreprise, seront plus enclins au depart a adopter cette idée, parce que la difficulté, je ne dis pas qu'elle vient des vieux — parce que je ne suis plus trés jeune non plus — mais elle vient de ceux qui n'ont jamais appliqué la méthode. Je connais des chefs d'entreprise qui ne veulent pas en entendre parler, qui ne veulent pas changer; ils considèrent que c'est a eux de decider et que leurs employés n'ont qu'à obéir et que, puisque cela a toujours fonctionné de cette manière, ii n'y a pas de raison pour que cela ne continue pas. Ils reconnaissent bien qu'il y a des grèves de temps en temps, mais ils les considèrent comme un mal nécessaire. Personnellement, je crois que ce n'est pas la bonne formule; la grève n'est pas une nécessité, mon entreprise n'a pas eu un jour de grève depuis que j'ai appliqué cette méthode de gestion, c'est-à-dire depuis quinze ou seize ans. En fait, je crois que l'inconvénient de cette méthode c'est qu'elle est trop simple et qu'on ne croit pas qu'elle est facile a appliquer. Pourtant, c'est facile, a condition de vouloir et d'y croire. Je serais trés heureux si, a la suite de cette reunion, il pouvait y avoir au sein de l'Organisation internationale du Travail une cellule de réflexion, ne serait-ce que pour étu- dier ce qui se fait réellement dans chaque pays. C'est intéressant pour nous comme pour vous de savoir ce qui se fait ailleurs et d'avoir des rapports sur ce qui se fait dans chaque pays; parce que cela donne des idées. Quand je dis que je réunis tout mon personnel, une fois par an, cela en conduit d'autres a faire pareil. Cela ne pose aucun problème et c'est très bénéfique. Donc l'exemple est important, l'exemple de tout ce qui se passe dans chaque pays est important. Au Japon, par exemple, une des raisons des succès industriels vient de cette méthode qui y est appliquee avec succès depuis longtemps. Au Japon, Ia decision est prise par tout le monde, enfin ii y a une très grande concertation, information, intéressement a des bonus, etc., et cela donne de bons résultats. 45 S.E.M. l'AmbassadeurBarboza-Carneiro (membre du Conseil del'Institut international d'études sociales) M. le Président Dassault, j'ai entendu avec un vif intérêt votre exposé, votre belle lecon. Et comme les lecons a la jeunesse m'intéressent énormément, surtout depuis la fondation de cet institut, a laquelle j'ai pris une certaine part puisque j'étais membre du comité qui a rédigé les statuts de l'institut, je me suis demandé si M. le Directeur de l'Institut voudrait bien vous prier de venir lors du cours international de stagiaires, qui s'adresse a de jeunes cadres provenant de milieux gouvernementaux et d'organisations d'employeurs et de travailleurs des pays en développement, leur expliquer l'expérience que vous menez dans votre entreprise. J'ai eu plaisir a vous écouter, moi qui depuis longtemps suis avec enthousiasme l'ceuvre sociale que M. votre Pére a réalisée et qui fait l'admiration de tous ceux qui se préoccupent de ces problèmes. Quand j'étais jeune, j'ai suivi de près l'évolution des idées du patronat dans mon pays, le Brésil, vis-à-vis des masses ouvrières. J'ai vécu les années de revolution sociale au Brésil lors du Gouvernement du Président Vardas, qui a réussi a doter Ic Brésil d'une legislation sociale. C'est grace a l'initiative d'un grand patron brésilien que deux grandes organisations ont vu le jour au Brésil. Ii s'agit de l'Institut pour la formation des techniciens, des ouvriers de différents secteurs de l'industrie qui ont besoin d'une formation spéciale et d'une autre organisation qui vise non seulement a l'éducation des jeunes apprentis mais également a l'assistance a l'ouvrier sous tous ses rapports. Je me suis également intéressé a l'expérience japonaise. J'ai été au Japon comme ambassadeur du Brésil et j'ai suivi de près la situation du proletariat japonais. Ii existe une conscience de la solidarité des patrons japonais et du proletariat comme je n'en ai vu dans aucun autre pays. Je vous remercie, M. le Président, d'avoir mentionné ces résultats que nous constatons aujourd'hui un peu partout par l'accroissement formidable qui s'est produit dans les échanges commerciaux entre le Japon et l'Occident. Je vous remercie de la belle lecon que vous nous avez donnée sur votre propre experience. Vous suivez là une tradition de famille qui honore la France et qui enrichit tous ceux qui dans le monde se préoccupent de ces grands problèmes. Je vous remercie. M. Dassault Merci beaucoup, M. l'Ambassadeur, de tout ce que vous avez dit. Si je peux participer ici a d'autres reunions, en particulier avec des jeunes de tous les pays, je serais trés heureux de pouvoir revenir et de pouvoir 46 expliquer dans d'autres conditions cette méthode et les informer de ce que nous faisons en France et de ce que j'espère pouvoir un jour voir se réaliser le plus possible partout dans le monde. Merci de vos aimables paroles, M. l'Ambassadeur, merci d'avoir pane en francais, cela m'a beaucoup touché. Une participante Vous avez dit que votre méthode — qui ressemble d'ailleurs assez étrangement a celle d'un Américain, Thomas Gordon, que vous connaissez sans doute, et qu'il a développée depuis déjà plusieurs années aux Etats-Unis, avec plus ou moms les mémes buts — permet de supprimer le vote, l'élection de représentants syndicaux. Alors si dans l'avenir, dans un pays comme la France par exemple, et étendu aussi a d'autres pays, il n'y a plus de représentants syndicaux, je me demande ce que va devenir le tripartisme de l'OIT. Qu'en pensez-vous? M. Dassault Je ne pense pas qu'on aille aussi loin. Ce que je souhaite, c'est que les représentants syndicaux prennent conscience de ce que peut ou ne peut pas faire l'entreprise et arrêtent de faire cc que j'appelle de la revendication a priori. Ii faut que les syndicats changent, les patrons doivent changer bien sür, mais les syndicats aussi, pour que tout fonctionne dans de bonnes conditions, pour qu'il y ait le maximum d'emplois et le maximum de revenus et de satisfaction. Si les syndicats participent a cette operation, c'est parfait; s'ils ne veulent pas y participer, s'ils se mettent en dehors, c'est regrettable pour eux. Ii faut qu'ils comprennent qu'il faut changer d'attitude et que Ia méthode qui consiste a réclamer toujours plus d'avantages sociaux n'est plus possible et qu'elle atteint finalement le résultat inverse, a savoir la reduction des emplois et les faillites des entreprises. II n'y a qu'un juge de paix: le profit et le client. Ce que je souhaite donc, c'est que l'ensemble des syndicats en prennent conscience; ii faut qu'ils sachent ce qu'il y a dans la caisse pour savoir si cc qu'ils demandent peut être payé. Ii faut prendre conscience des véritables problèmes, il faut prendre conscience de la réalité, et il faut admettre qu'aussi bien les syndicats que les patrons défendent les intérêts des travailleurs. M. Kane Merci, M. Dassault. Je pense qu'à cette heure tardive tout le monde me sera trés reconnaissant de ne rien ajouter a cette conference et au 47 débat extrêmement riche qui l'a suivie et qui a montré, M. Dassault, I'intérêt qu'ont suscité votre conference et le sujet. Je vous remercie au nom du Directeur general du BIT, M. Francis Blanchard, qui, retenu par les travaux de la 71 e Session de Ia Conference internationale du Tra- vail, n'a pu, comme il le souhaitait, être present parmi nous. Je vous remercie également au nom de mes collegues et en mon nom personnel d'avoir accepté d'être notre hôte et de partager avec nous votre si riche experience. Je voudrais egalement remercier tous ceux qui sont venus, en particulier notre doyen, M. 1'Ambassadeur Barboza-Carneiro, d'être encore ici, si tard. 48