On ne touche pas aux comptes d`épargne

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On ne touche pas aux comptes d`épargne
Economie Actualité
La proposition de mettre fin à l’exonération
fiscale sur les carnets d’épargne, émise par le
ministre Koen Geens fait des remous.
l
Le ministre a toutefois raison sur un point, selon
Test- Achats: trop d’argent “dort” sur ce type de
comptes. Mais il faut davantage d’incitants pour
que le Belge se tourne vers d’autres produits.
l
“On ne touche pas aux
comptes d’épargne”
L
a proposition du ministre
des Finances, Koen Geens
(CD&V), de mettre un
terme à l’avantage fiscal sur le
livret d’épargne (voir “LLB”
11/5) a reçu un “niet” catégori­
que de l’opposition, mais
aussi… de ses partenaires de la
majorité
gouvernementale.
Rappelons, que, selon le minis­
tre, il y a actuellement environ
240 milliards d’euros déposés
sur des livrets d’épargne en
Belgique. Or, pour le moment,
il n’y a pas d’imposition sur les
premiers 1880 euros d’inté­
rêts de ces comptes, qui servi­
raient “très peu à l’économie”.
M. Geens veut ainsi établir à
15% le précompte mobilier sur
le livret d’épargne classique,
tout en prévoyant divers avan­
tages fiscaux pour les produits
financiers à long terme, comme
les bons de caisse et les obliga­
tions de l’Etat belge.
“Autant l’annoncer simple­
ment: l’épargnant belge va être
deux fois le dindon de la farce de
ces propositions, explique Nico­
las Claeys de Test Achats. Soit il
garde son argent sur son carnet
d’épargne et il est taxé davan­
tage, soit il le dépose, comme veut
l’y inciter le gouvernement, vers
l’épargne à long terme qui ne
rapporte rien ou presque plus
rien.” Avec un autre risque, se­
lon M. Claeys: celui de voir blo­
quer son argent pour plusieurs
années, “alors que les taux pour­
raient très bien remonter”.
La proposition de M. Geens a
également été accueillie avec
beaucoup de froideur au sein
de l’actuelle majorité gouver­
nementale. “Ce n’est pas aux pe­
tits épargnants de payer la
crise”, a ainsi lancé le sénateur
Ahmed Laaouej (PS) sur le pla­
24
teau de Mise au Point (RTBF).
Le PTB s’est aussi étonné de
“C’est une mauvaise idée. Le mi­ la sortie du ministre des Finan­
nistre devra revoir sa copie”, a ces. “Aujourd’hui, plutôt que de
averti le député wallon Dimitri taxer les grandes fortunes, on
Fourny (CDH). Pour la députée veut taxer le petit épargnant”, a
fédérale Marie­Christine Mar­ fait remarquer Marco Van
ghem (MR), il ne faut pas “fusti­ Hees.
ger” encore une fois les petits
Du côté des partenaires fla­
épargnants, tout en précisant mands, l’accueil n’est pas plus
qu’elle ne fermait pas complè­ chaleureux. Pour Bruno Tob­
tement la porte à cette propo­ back, il ne faut “pas toucher au
sition. Le président du MR est, carnet d’épargne”. Le président
lui, plus clair. “Il n’y a aucune du SP.A estime qu’il y a encore
raison de remettre cette question suffisamment de gains en capi­
sur la table”, estime Charles tal non taxés qui pourraient
Michel dans un communiqué.
être visés par le ministre des
L’opposition
Finances. Pour
ne s’est pas
Bruno Tobback,
montrée plus
le
carnet
enthousiaste.
d’épargne “reste
Pour
Ecolo,
un produit sûr”.
“cette cacopho­
La présidente
nie est la preuve
de l’Open VLD
évidente de l’in­
Gwendolyn
NICOLAS CLAEYS
capacité de l’ac­
Rutten a aussi
Analyste chez Test-Achats
tuel gouverne­
envoyé une fin
ment fédéral à
de non­recevoir
poser les actes nécessaires à une au ministre des Finances. “Il
véritable réforme du secteur n’est pas question de toucher au
bancaire”. “La réponse du minis­ carnet d’épargne”, dit­elle sur
tre des Finances n’est pas la Twitter. D’après elle, le pro­
bonne”, a expliqué à la RTBF le blème vient du climat fiscal
député Georges Gilkinet instable et non de l’épargnant.
(Ecolo) qui a répété sa proposi­
Selon M. Claeys, le ministre
tion de “livret vert”. “Il faut Geens pointe toutefois un pro­
trouver des formules pour que les blème: il y a actuellement trop
banques jouent leur rôle, selon d’argent “dormant” sur les
Georges Gilkinet. Notre propo­ comptes d’épargne. “Le gouver­
sition c’est une formule intermé­ nement pourrait élargir les pla­
diaire entre le compte d’épargne cements exonérés.” Selon l’ana­
d’aujourd’hui et les bons de lyste, rien ne sert de prendre
caisse où on pose son argent pen­ des mesures “one shot”, il faut
dant longtemps. Exemple, pour envisager la fiscalité d’une ma­
20 000 euros d’économie, je nière “beaucoup plus large”.
garde 10 000 euros sur un “L’Etat devrait offrir plus de sou­
compte épargne et 10000 euros plesse au Belge, lui permettre de
sur un livret vert.” Une solution moduler son épargne en fonction
qui empêcherait que l’argent des moments de sa vie. Parfois on
des épargnes ne file à l’étran­ a besoin d’argent directement,
ger. “Telle qu’exprimée, ce n’est parfois on a l’occasion d’épar­
pas une bonne idée”, a renchéri gner.”
Bernard Clerfayt (FDF).
R.Meu.
“L’épargnant belge
va être deux fois
le dindon de la farce
de ces propositions.”
3 Questions à
JAN VAN DE VEL/REPORTERS
FISCALITÉ
MICHEL VERMAERKE
Administrateur-délégué
de Febelfin, la fédération
belge du secteur financier.
1
Koen Geens lance­t­il
un signal aux banques
en leur disant: “Vous ne
financez pas suffisamment
l’économie réelle?”
Je ne suis pas d’accord.
Depuis 2008, 87 mil­
liards d’euros d’épargne
supplémentaire ont été
versés sur les livrets
d’épargne en Belgique. Or,
chaque euro sur ces comp­
tes, c’est un euro injecté
dans l’économie. Les
entreprises reçoivent des
crédits à de très bonnes
conditions. En Belgique,
les banques ont fait le
nécessaire pour financer
l’économie. En revanche,
la Banque nationale a
souligné qu’il y avait un
problème avec notre
régime fiscal qui attirait
pas mal de banques étran­
gères pour récolter de
l’argent en Belgique, sans
nécessairement l’investir
dans notre économie.
2
Donc vous ne rejetez
pas totalement l’idée
de taxer les comptes
d’épargne?
Nous sommes ouverts à la
discussion, mais ne per­
dons pas les avantages de
notre système actuel, à
savoir le financement à coût
très réduit de notre écono­
mie et la stabilité financière.
Nous sommes en faveur du
maintien du régime pour le
livret d’épargne classique, en
le faisant appliquer par la
déclaration fiscale et pas à la
source. Pour les produits
d’épargne à long terme, nous
plaidons pour que le champ
d’application soit élargi: on
parle des hôpitaux, des
infrastructures routières,
mais pourquoi pas aussi des
prêts hypothécaires pour les
jeunes? Il faut une période de
transition et ne pas brusquer
l’épargnant belge: il ne doit
pas perdre confiance dans
ces produits et leur régime
fiscal.
3
Créer une banque de
données dans laquelle
seraient centralisés tous les
comptes des Belges, est­ce
une bonne idée?
On peut discuter de tout,
mais il faut des propositions
concrètes et détaillées. On a
déjà débattu du secret ban­
caire, et dans le débat, il faut
trouver un juste équilibre
entre les intérêts de l’Etat et
les préoccupations du ci­
toyen. On verra ce que le
politique décide, mais c’est
aussi parfois dans l’intérêt
de l’Etat de nous écouter. On
l’a vu avec le projet du pré­
compte mobilier à 21%+4%,
abandonné après douze mois
d’application. Rien qu’en
frais informatique, cela a
coûté 20 millions d’euros
aux banques…
R.Meu.
La Libre Belgique - lundi 13 mai 2013
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