Janvier 2006 - Conseil National de l`Ordre des Médecins
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Janvier 2006 - Conseil National de l`Ordre des Médecins
Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins le 28 avril 2006 Dr Xavier DEAU Président de la Section Formation et Compétences Médicales ETUDE DE LA PROBLEMATIQUE DES PADHUE (Praticiens à diplôme hors union européenne) Contribution du CNOM et ébauche des solutions élaborées après concertation avec le Ministère de la Santé, la DHOS, l’AUFEMO, les Affaires étrangères et les quatre syndicats représentatifs des PADHUE I. INTRODUCTION II. GENESE DE LA PROBLEMATIQUE DES PADHUE : LE NUMERUS CLAUSUS III. CONDITIONS D’EXERCICE DE LA MÉDECINE EN FRANCE : CADRE LEGAL IV. AUTORISATION D’EXERCER V. LES « NON AUTORISÉS » VI. LES SYNDICATS VII. LA NPA (NOUVELLE PROCÉDURE D’AUTORISATION D’EXERCER) VIII. RÔLE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS IX. SOLUTIONS EVENTUELLES X. LA HAUTE AUTORITE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L’EGALITE (HALDE) XI. CONCLUSION 1 I. INTRODUCTION Depuis quelques années, nous sommes tous témoins du profond malaise qui anime certains médecins à diplôme extra-communautaire travaillant dans nos hôpitaux français, n’ayant pas la plénitude d’exercice. Certains sont en place depuis plus de quinze ans (PADHUE). Ces médecins ont tissé des liens amicaux, familiaux et citoyens sur notre territoire et veulent à juste titre valoriser leur travail dans nos hôpitaux par une reconnaissance équivalente à celle des médecins à diplôme français. Comme le souligne Xavier BERTRAND, Ministre de la Santé, ces médecins souffrent d’une absence de perspective professionnelle et personnelle ; ils ont des parcours professionnels très hétérogènes et ils ont bien souvent été recrutés dans l’illégalité (Ministère 6 avril 2006). Certains d’entre eux effectuent souvent un travail médical ingrat (urgences, gardes…) et sont quelques fois corvéables à merci… Ainsi, existerait-il une « discrimination » quant à leur statut au sein de nos établissements de santé ? II. GENESE DE LA PROBLEMATIQUE DES PADHUE : LE NUMERUS CLAUSUS Le numerus clausus imposé aux étudiants français dès les années 80 est une des étiologies de l’arrivée massive de ces étudiants étrangers depuis les années 90. Deux phénomènes sociologiques graves se sont alors affrontés : 1. échec d’étudiants français au concours de première année avec parfois des notes supérieures à 14, puis internat sélectif sans passerelle existante. 2. arrivée massive de ces médecins étrangers issus de pays en voie de développement. 2 Ces pays avaient d’ores et déjà lourdement investi dans leur formation et ont mal accepté cette fuite de cerveau – pomper les médecins des pays pauvres pour combler le vide démographique de notre pays par trop élitiste pendant que nous envoyons des ONG dans ces mêmes pays !!... Voilà les conséquences scandaleuses d’une politique désastreuse qui avait créé un numerus clausus en pensant naïvement qu’en diminuant le nombre de médecins, on diminuerait les dépenses médicales. III. CONDITIONS D’EXERCICE DE LA MÉDECINE EN FRANCE : CADRE LEGAL Nous nous devons de rappeler que l’exercice de la profession de médecin est régi dans un cadre légal : articles L 4111-1 et L 4131-1 du Code de la Santé Publique – diplôme et autorisation d’exercer. Si les diplômes ont bien souvent été acquis dans des pays extracommunautaires, voyons comment ont été obtenues les autorisations d’exercer. IV. AUTORISATION D’EXERCER Afin de trouver un statut à ces médecins étrangers, trois procédures d’autorisation d’exercice spécifiques ont été élaborées des années 80 aux années 2002 : 1. Procédure du CSCT (Certificat de Synthèse Clinique et Thérapeutique), un écrit puis un oral qui, en cas de succès, permettait simplement de déposer un dossier devant une commission chargée de donner un avis au Ministre. Le Ministre donnait alors ces autorisations en fonction des besoins de médecins de nos hôpitaux – existence de quotas - mais un certain nombre de médecins ayant obtenu avec succès leur CSCT, n’ont pas eu pour autant l’autorisation d’exercice du Ministre, et ainsi devait se contenter d’un exercice de la médecine sous tutelle. 2. Autorisation d’exercice en qualité de PAC (Praticien Adjoint Contractuel). Concours permettant d’accéder à une procédure d’autorisation d’exercer mise en place en 1995 puis modifiée en 1999 en fonction de l’antériorité (3 ans ou 6 ans) de leurs fonctions hospitalières. 3. Commission de Recours, instituée par la loi CMU du 27 juillet 1999, sorte de « rattrapage » pour les recalés du CSCT ou du PAC mais qui avaient cependant déjà 3 10 ans de fonction hospitalière française. Grâce à ces trois procédures CSCT, PAC et Commission, 9 553 autorisations d’exercice ont été délivrées par le Ministre, toutefois les personnes bénéficiant de cette autorisation ne se sont pas pour autant inscrites à l’Ordre. 4. DIS : Diplôme Interuniversitaire de Spécialisation. Devant les carences de recrutement dans certaines spécialités particulièrement pénibles (astreintes, gardes …), nos administrations hospitalières ont promu les DIS à côté des DES dont la seule différence de statut était que le DIS n’était pas qualifiant pour exercer en France. Ainsi sont nés les praticiens DIS, appelés praticiens « associés » sous tutelle d’un titulaire responsable. Ces DIS n’ont donc pas une autorisation pleine et entière d’exercer. V. LES « NON AUTORISÉS » Il reste cependant environ 6 750 praticiens étrangers (PADHUE) n’ayant toujours pas d’autorisation d’exercice légal de la médecine sur le territoire français. Ces chiffres émanent de la DHOS et ont été obtenus sur base déclarative (déclaration émanant des EPS). Voici le décompte de ces praticiens : 4 420 sont étudiants et travaillent en qualité de FFI suivant les formations d’AFS sur 2 ans, d’AFSA sur 1 an. Ces étudiants doivent en principe retourner dans leur pays après ces formations, mais certains d’entre eux multiplient ces formations tout en occupant des postes de FFI en espérant à terme rester sur le territoire français. 2 330 travaillent avec un statut d’«Assistant Associé » ou « Attaché Associé » ou « Faisant Fonction de Chef de Clinique ». Sur ces 2 330 : - environ 200 ont satisfait aux épreuves écrites et orales du CSCT 2001 (dernière session), mais n’ont pas obtenu d’autorisation du fait du quota de postes. - 200 autres ont un simple DIS, mais à priori sans CSCT, ni PAC, - environ 1 900 travaillent légalement dans les hôpitaux français, car recrutés 4 avant la Loi CMU de juillet 1999, sous un statut « d’associé » mais n’ont pas la plénitude d’exercice, soit parce qu’ils ont échoué à toutes les procédures antérieures, soit parce qu’ils ne s’y sont pas soumis. Cependant, afin de comprendre au mieux la complexité de ces « non autorisés », il convient d’expliquer avec exactitude leur parcours : AFS : attestation de formation spécialisée sur 2 ans. Elle s’adresse à des étudiants étrangers en cours de spécialité commencée dans leur pays d’origine, poursuivie pendant 2 ans en France et terminée dans leur pays. AFSA : Attestation de formation spécialisée d’un an. Elle s’adresse à des étudiants déjà spécialistes dans leur pays ; c’est un enseignement complémentaire de perfectionnement dans leur spécialité. Ces étudiants AFS et AFSA ne devraient être accueillis dans nos Facultés qu’après signature d’une convention entre le pays d ‘origine et l’Etat français spécifiant les conditions exactes de recrutement d’enseignement et de durée … En fait, d’une part ces conventions ne sont quasiment jamais signées, laissant libre cours à toutes dérives du parcours de ces étudiants, d’autre part, nos EPS peuvent recruter ces étudiants sur des postes d’interne restés vacants et ces étudiants deviennent alors FFI, éventuellement renouvelables … prolongeant irrégulièrement leur séjour puisque des conventions non signées ne peuvent bien sûr être respectées. Rappelons que les DIS sont appelés à être des praticiens associés travaillant sous la tutelle d’un titulaire responsable. 5 VI. LES SYNDICATS Les quatre syndicats de PADHUE sont : FPS : Fédération des Praticiens de Santé INPADHUE : Intersyndicale Nationale des Praticiens à diplôme hors Union Européenne SNPADHUE : Syndicat National des Praticiens à diplôme hors Union Européenne SMEA-99 : Syndicat des Médecins à Diplômes extra communautaires exerçant avant la Loi CMU 99 Leurs revendications sont sensiblement les mêmes : 1 - Reconnaissance de la NPA – concours pour les nouveaux arrivants sur le territoire français. 2 - NPA - examen pour les praticiens exerçant depuis plus de 3 ans ou 4 ans dans nos hôpitaux publics et ce depuis 1999 avec validation de leur expérience hospitalière sur le territoire français. 3 - NPA - sans examen, ni concours mais passage devant les Commissions d’autorisation d’exercice pour les médecins exerçant depuis plus de 5 à 8 ans selon les syndicats. Par contre, certains syndicats demandent une simple validation des acquis et de l’expérience (VAE). Cette validation n’existe pas encore pour nos professions médicales. VII. La N P A selon le Décret de 2004 La NPA, (Nouvelle Procédure d’Autorisation d’exercer) est issue de la Loi CMU de 1999, organisée par un Décret de 2004 et se déroule en trois phases : 1. Epreuve de vérification des connaissances organisée par spécialité, épreuve linguistique écrite mais relativement sommaire, 6 2. 3 ans de fonctions hospitalières dans des services agréés, avec évaluation du Chef de Service, 3. Passage devant les Commissions ordinales placées sous l’autorité du Ministère de la Santé et chargées de donner un avis au Ministre, en vue de l’autorisation d’exercice (composition mixte Ministère de la santé/ CNOM). Un représentant du Syndicat des PADHUE y siège de droit. Six mille professionnels seraient inscrits pour les épreuves 2005-2006, mais seulement 599 places sont proposées au concours. Que deviendront les 5 401 restants ? Ces 5401 restants sont : soit des praticiens sous statut d’associé, soit des praticiens en formation qui ont vocation à retourner dans leur pays d’origine, soit des praticiens du monde entier qui exercent (ou qui se forment) dans leur pays. Ces 5401 professionnels n’ont donc pas tous pour vocation à devenir médecin en France !! VIII. RÔLE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS Dans une France Républicaine dont les vertus premières sont Liberté – Égalité – Fraternité, le Conseil National de l’Ordre des Médecins se doit de rester attentif et confraternel vis-à-vis de ces médecins à diplômes étrangers, sans pour autant sacrifier la qualité des soins offerts à la population française dont l’Ordre est directement responsable. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins doit contribuer à trouver des solutions compatibles avec la qualité des soins, avec le respect de ces médecins étrangers, sans discrimination stérile qu’elle soit positive ou négative. Ainsi, le Conseil de l’Ordre des Médecins n’a qu’un seul et unique objectif : offrir la qualité et la sécurité des soins à la population française quel que soit le médecin qui prodigue ces soins. Les premières Commissions ordinales NPA ont siégé dès février 2006 et le Ministre comme le Sous-Directeur de la DHOS, M. Marc OBERLIS ont souligné le sérieux avec lequel nos 7 Commissions ordinales travaillent : chaque dossier est étudié et expertisé avec rigueur afin que chaque parcours individuel soit valorisé auprès des membres de la Commission qui rend un avis rigoureux tout en tenant compte des spécificités et de l’hétérogénéité de chaque candidat. Les différents syndicats des médecins hospitaliers ainsi que les syndicats des PADHUE ont tout autant souligné la confiance toute particulière investie dans le travail d’expertise des Commissions Ordre/Ministère NPA. Cette expertise apparaît comme l’élément principal d’une évaluation équitable adaptée au parcours spécifique de chacun de ces médecins PADHUE. IX. SOLUTIONS EVENTUELLES Il est impératif que ces solutions garantissent : - la qualité des soins offerts à nos concitoyens - la dignité et la juste reconnaissance des diplômes et du travail accompli par ces médecins. Est-il acceptable d’employer les mots : quotas – est-ce devenu si incorrect ??, faut-il dire numerus clausus ? ou nombre de postes offerts ou ouverts ?, stocks, reçus/collés ?, ou plus simplement mode de régulation. Par contre, il apparaît indispensable que la sélection des médecins autorisés à travailler sur le territoire français se fasse dès leur arrivée par l’examen concours NPA. Il est aussi indispensable que les praticiens qui travaillent déjà sur le territoire français, soient confirmés selon des modes compatibles avec leurs connaissances et leurs fonctions actuelles. 8 Trois solutions pourraient être envisagées : A – MEDECINS - NOUVEAUX ARRIVANTS : - concours NPA (jusqu’à 4 passages) - 3 ans en établissement public de santé avec certification - Commission d’autorisation d’exercice B – MEDECINS - ayant validé plus de 4 ans dans nos EPS : - examen NPA (jusqu’à 4 passages) - pas de certification car déjà 4 ans d’exercice en EPS - Commission d’autorisation d’exercice. C – MEDECINS - titulaires du CSCT, DIS ayant validé plus de 4 ans dans nos EPS : - passage direct à la Commission d’autorisation d’exercice. Quelles que soient les autorisations d’exercer la médecine en France, il faut définitivement et rigoureusement interdire le recrutement direct de médecins étrangers par nos EPS, respecter des conventions signées des AFS et AFSA, car ces recrutements sauvages par nos administrations sont en partie responsables de l’absence d’identité professionnelle de ces médecins étrangers. Nous avons apprécié que ces solutions aient obtenu un réel consensus lors de la réunion du 6 avril 2006 qui s’est tenue au Ministère de la Santé. X. LA HAUTE AUTORITE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L’EGALITE (HALDE) Cette Haute Autorité, présidée par M. Louis SCHWEITZER, a rendu publique le 8 mars 2006 une délibération du 27 février 2006 dénonçant des inégalités de traitement des médecins à diplôme étranger : « C’est dans l’exploitation qui est faite de leur absence de statut alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques que la discrimination à leur égard se trouve ». 9 Par ailleurs, Louis SCHWEITZER écrit au Ministre de la Santé de bien vouloir informer ses Services « dans un délai de quatre mois des mesures qu’il entend prendre pour mettre fin aux différentes inégalités de traitement. ». XI. CONCLUSION Il n’est pas du rôle du CNOM de s’immiscer directement dans ce débat public, par contre, il nous appartient d’apporter nos réflexions et de rappeler les articles 32 et 71 du Code de déontologie et leurs commentaires. Notre seul impératif ordinal est de garantir la qualité et la sécurité des soins de tout patient résidant sur le territoire français, et il nous apparaît indispensable qu’une France respectueuse de ses valeurs républicaines trouve des solutions respectables pour résoudre définitivement ce triste problème des médecins à diplôme hors union européenne, en proposant une évaluation équitable respectant la spécificité de parcours de ces médecins. Cette évaluation trouve naturellement leur lieu d’élection au sein de nos Commissions Ordre/Ministère. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins demande : le respect de la dignité des praticiens travaillant dans nos hôpitaux, le respect des besoins de la population et surtout le respect de la qualité des soins Le rôle du CNOM ne s’entend qu‘en liaison avec les pouvoirs publics. 10 NPA Nouvelle procédure d’autorisation d’exercer CSCT Certificat de synthèse clinique et thérapeutique Loi n° 72-661 du 13 juillet 1972. FPS Fédération des praticiens de santé PADHUE Praticiens à diplômes hors union européenne VAE Validation des acquis de l’expérience DIS Diplôme inter-universitaire de spécialité Arrêté du 19 janvier 1987. AFS Attestation de formation spécialisée AFSA Attestation de formation spécialisée approfondie C’est l’arrêté du 1er août 1991, paru au Journal Officiel du 30 août 1991 modifié par l’arrêté du 30 décembre 1992 qui précise les conditions d’accession à ces formations. EPS Etablissement Public de Santé AUFEMO Administration Universitaire Francophone et Européenne en Médecine et Odontologie 11