donne nous le pain quotidien-2 - Catholique

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donne nous le pain quotidien-2 - Catholique
Semaine pour Dieu – Topo III
Donne nous aujourd’hui notre pain quotidien
C’est la demande la plus modeste, la moins intéressante du Notre Père… mais c’est
peut être aussi celle qui nous touche le plus directement.
Le pain ce n’est peut être pas grand-chose par rapport au pardon ou au Règne de
Dieu… Il n’empêche, il tient la place centrale dans le NP. Il est la 4ème des 7 demandes. Pile
poil au centre ! Avec cette demande, le changement de ton est incontestable. De souhaits
exprimés au passif, nous passons à l’actif et à l’impératif « Donne nous ». Cette place
centrale du pain dans le NP ne devrait pas nous étonner quand on constate la place que le pain
tient dans les Evangiles. La multiplication des pains, par exemple, est un récit capital dans les
Evangiles. On le retrouve à deux reprises chez St Mat et St Mc. Il est présent aussi chez St Lc
et, fait plus rare, il figure aussi chez St Jn. Rares sont les évènements rapportés de la même
façon dans les 4 Evangiles. Sans compter que St Jean consacre pratiquement tout un chapitre
(le 6ème) au discours de Jésus sur le pain de Vie.
De quel pain s’agit-il ? Certainement d’abord du pain matériel mais on peut élargir le
sens de ce mot à tous les besoins de la journée, tout ce qui nous est nécessaire et indispensable
pour vivre. Quant à ce qui qualifie ce pain, le fait qu’il soit « notre » et qu’il soit
« quotidien » les traductions sont variables et le sens difficile à fixer de façon définitive. Luc
semble plus prévoyant que Mt puisqu’il ne nous invite pas à demander seulement le « pain de
ce jour » mais le « pain de chaque jour »…
On peut entendre derrière cette formule « pain de ce jour » du NP, une allusion à la
manne qui était donnée par Dieu au jour le jour, afin que le peuple renouvelle chaque jour sa
confiance en Dieu. « C'est lui qui, pour toi, a fait jaillir l'eau de la roche la plus dure. C'est
lui qui, dans le désert, t'a donné la manne - cette nourriture inconnue de tes pères - pour te
faire connaître la pauvreté et pour t'éprouver afin de te rendre heureux » Dt 8,16
Mais on peut aussi traduire « pain de ce jour » par « pain essentiel, nécessaire,
vital ». Le pain demandé serait alors plus qu’essentiel, surnaturel. Dans ce cas ce pain
désignerait la Parole de Dieu, le pain de vie, l’Eucharistie. « L’homme ne vit pas seulement
de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de dieu » entendrons-nous toute à l’heure
dans la bouche même de Jésus lors de sa confrontation avec le tentateur. Cette dimension
spirituelle de la 4ème demande du Notre Père n’est pas à exclure. Il est peu vraisemblable que
ce soit là le sens premier mais Dieu ne méprise aucune des dimensions de l’être humain, et
certainement pas sa dimension spi…
Il y a bien sûr un risque d’interpréter de façon erronée cette demande du Notre Père.
Puisque Dieu nous nourrit, puisque c’est lui qui pourvoit à nos besoins, alors il suffit
d’attendre que cela nous tombe tout cuit dans le bec ! Loin s’en faut. Dieu, nous le savons
bien, a choisi de nous associer à son œuvre, nous le verrons lorsque nous aborderons la
demande qui touche à la venue de son Règne. Dieu n’a pas fait tomber la manne sans que
Moise ne l’ait d’abord prié. Plus nettement encore, Jésus n’a pas distribué à manger à la foule
avant qu’un de ses disciples n’ait recueilli 5 pains et 3 poissons et que tous se soient montrés
prêt à agir sur l’ordre du seigneur. Il n’y a pas dans cette 4ème demande du NP une quelconque
manifestation d’un désengagement de l’homme !
« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidie » est donc aussi à entendre comme :
« donne aux hommes de ce temps assez d’intelligence, d’énergie et de générosité pour que
tous puissent manger à leur faim ». Prier le NP et s’engager dans une ONG n’est pas
contradictoire. Ce qui serait contradictoire serait de prier et de ne rien faire !
Si le NP ne cherche pas à nous désengager de notre responsabilité par rapport à la
création, il vise, cela dit, à nous prémunir contre la folie de l’orgueil qui consisterait à croire
que je suis la source, le principe premier de toute chose. Il est bon pour nous de savoir que ce
monde est un cadeau de Dieu, que ma propre existence est un don de Dieu pour que je
grandisse en humanité, que le pain, « fruit de la terre et du travail des hommes » est aussi un
don et non un simple produit. Le don ouvre à la joie. Le dû ouvre à l’envie… Demander à Dieu
le pain quotidien, c'est reconnaître notre lien vital à Lui. Je ne suis pas Dieu, j'ai besoin de Dieu pour
vivre. J'ai confiance en Dieu. Tout cela se vit particulièrement dans la messe où je suis nourri du pain de
la parole et de l'eucharistie… sans rien faire que de venir les mains ouvertes en apportant le fruit de mon
travail !
Après avoir découvert que le pain dont il est question dans cette 4ème demande du NP peut
prendre des sens différents, nous pouvons maintenant nous interroger sur l’attitude, l’état
d’esprit dans lequel nous pouvons prier :
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1/ Le NP est la prière des disciples itinérants que Jésus a envoyé deux par deux
« Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N'emportez ni
argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route. Restez
dans la maison qui vous accueillera, mangeant et buvant ce que l'on vous servira
(Lc10.3-5). Cela suppose une extrême pauvreté et une confiance à toute épreuve. C’est
l’interprétation la plus radicale de cette 4ème demande du Notre Père. Des saints
comme François d’Assise l’ont entendu comme cela… Nous ne sommes peut être pas
tous appelés à l’entendre ainsi !
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2/ Le NP est la prière du disciple en général. A savoir la prière de tous ceux qui ont
décidé de suivre Jésus et s’en remette à lui plus qu’à leurs propres richesses. Ils
demandent seulement à être aidé, jour après jour. Sur quoi nous appuyons nous ?
Voilà la question que l’on retrouve dans la bouche de tous les prophètes de l’AT : estce que vous allez vous en remettre à la solidité de vos alliances, à la puissance de vos
armées, à la qualité de vos glaives à la rapidité de vos chars ou bien à Dieu seul ? Pas
évident si on en croit l’histoire d’Israël… pas évident si l’on en croit nos propres
histoires !
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3/ Le NP est la prière de l’homme qui se sait fragile. « C'est pourquoi je vous dis :
Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour
votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et
le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni
semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père
céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? D'ailleurs, qui d'entre
vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ? » Mt 6.25-27.
C’est la prière de confiance dans l’affliction. Elle vise à nous établir dans
l’aujourd’hui. Sois content de ce que le Seigneur te donne aujourd’hui, demain
s’inquiétera de lui-même. Jean 23 priait ainsi :
Rien qu'aujourd'hui, j'essaierai de vivre exclusivement la journée sans tenter de
résoudre le problème de toute ma vie.
Je serai heureux rien qu'aujourd'hui, dans la certitude d'avoir été créé pour le
bonheur non seulement dans l'autre monde mais également dans celui-ci.
Rien qu'aujourd'hui, je m'adapterai aux circonstances sans prétendre que cellesci se plient à tous mes désirs.
Rien qu'aujourd'hui, je croirai fermement, même si les circonstances prouvent le
contraire, que la bonne providence de Dieu s'occupe de moi comme si rien d'autre
n'existait au monde.
Rien qu'aujourd'hui, je ne craindrai pas. Et tout spécialement je n'aurai pas peur
d'apprécier ce qui est beau et de croire en la bonté.
Je suis en mesure de faire le bien pendant douze heures ce qui ne saurait me
décourager comme si je pensais que je dois le faire toute ma vie durant.
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4/ Le NP est la prière du fidèle qui désire ardemment le pain qu’est Jésus, pain de
la vie éternelle et qui le demande dès maintenant. « Le pain de Dieu, c'est celui qui
descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur,
donne-nous de ce pain-là, toujours. Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la
vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura
plus jamais soif. () Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu'un
mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair,
donnée pour que le monde ait la vie. » Jn6.32-35 + 48-51
Toutes ces façons de prier le Notre Père sont valables et les différentes variations de sens
autour de cette demande de pain sont suffisamment vaste, pour que chacun y mette ce qui
l’habite aujourd’hui comme désir, besoin…
Prier en demandant au Père de nous donner aujourd’hui notre pain quotidien, conduit à
5 attitudes spirituelles :
-
1/ Apprendre à savoir se contenter du nécessaire Comment est-ce que je prie ? estce que je suis toujours dans la demande ou bien est-ce que je suis capable de repérer ce
que le Seigneur me donne et l’en remercier. Le Prêtre avec lequel je vivais au Togo
avait cette étrange habitude de dire à longueur de journée « Merci Seigneur ». « Mon
père, j’ai terminé tel travail… » « Merci Seigneur » / « j’ai discuté avec telle
personne » « Merci Seigneur » etc… Cela avait le don de m’exaspérer. Je me rends
compte, maintenant qu’il est décédé, combien cet homme avait compris que si nous
considérons chaque petite chose de notre vie quotidienne comme un don de Dieu,
alors notre vie devient un émerveillement !
- 2/ Grandir dans la confiance filialle au Père. Il n’y a pas de confiance sans une
forme s’abandon… C’est le principe même de la confiance que de se remettre pour une
part entre les mains de l’autre puisque je n’ai pas toutes les cartes en mains… Dans le
registre de la vie spirituelle, nous touchons là à un point central et des plus difficile que
l’acte d’abandon à Dieu. C’est pour moi, Charles de Foucault, qui a rédigé le plus bel
acte d’abandon. C’est le sien que je voudrai vous lire maintenant :
Mon Père, je me remets entre Vos mains ; je m’abandonne à Vous, je me confie
à Vous. Faites de moi tout ce qu’il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de moi, Je
Vous remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout. Pourvu que Votre volonté se fasse en moi,
pourvu que Votre volonté se fasse en toutes vos créatures, je ne désire rien d’autre,
mon Dieu.
Je remets mon âme entre Vos mains ; je Vous la donne, mon Dieu, avec tout
l’amour de mon coeur, parce que je Vous aime, et que ce m’est un besoin d’amour
de me donner. Je me remets entre Vos mains avec une infinie confiance, car Vous
êtes mon Père.
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3/ Avoir un vrai souci de solidarité. N’oublions surtout pas que cette 4ème demande
du NP est faîte au pluriel. « donne nous notre pain quotidien » et pas « donne moi
mon pain quotidien ». Demander à Dieu du pain pour moi comme pour les autres
implique de porter le soucis concret que tous aient du pain. Quelle place dans ma vie
pour le partage, la solidarité avec les plus pauvres ; quelle place aussi pour
l’engagement dans le combat pour la justice ?
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4/ S’abandonner à la providence plutôt que de tout vouloir calculer, anticiper.
Savons-nous tout confier au Père en dépassant les préoccupations et la peur du
lendemain comme l’exprimait la prière de Jean 23 ou sommes nous toujours
préoccupés de garantir nos arrières et notre futur ? Equilibre difficile à trouver quand
on est parents et que l’on a aussi à assurer les conditions de vie des enfants et leur
avenir.
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5/ Renouveler notre confiance dans l’Eucharistie, notre pain quotidien. Seuls nous
n’y arriverons pas. Nous avons besoin de la force que nous offre la communion au
Corps et à la Parole du Christ. Comment vivons nous la célébration de l’Eucharistie ?
quel désir nous habite lorsqu’arrive le dimanche ? Quelle conscience avons nous du
« pain de vie » que nous recevons. Je peux vous partager que je suis profondément
ému, lorsque je donne la communion, de voir ses frères et sœurs qui viennent les bras
croisés pour recevoir la bénédiction de Dieu. Ils viennent de prier le NP avec moi et ils
ont demandé, comme moi, que le Père leur donne le Pain de ce jour mais ce pain ils
n’y ont pas accès et c’est douloureux pour eux et pourtant, par fidélité à l’Eglise du
Christ, ils acceptent de s’en priver. Je suis admiratif de leur courage et je leur suis très
reconnaissant de me rappeler, par leur démarche, combien ce pain que je viens de
recevoir n’est pas un pain comme un autre mais bien le Christ vraiment vivant. Je me
souviens de ce couple de divorcés remariés qui me témoignaient avec émotion qu’il y
avait toujours quelqu’un de la communauté qui au moment d’aller communier, leur
glisser à l’oreille : « je vais communier pour toi ». « Donne nous aujourd’hui notre
pain de ce jour. »
Conclusion
Avec cette 4ème demande du NP, nous sommes entrés dans la seconde partie de la
prière que le Christ nous a donné, celle dans laquelle nous demandons de façons insistante et
autoritaire (ce ne sont que des impératifs adressés à Dieu) que Dieu s’intéresse à nous, à nos
soucis. Les 4 demandes que nous exprimons dans cette seconde partie nous renseignent sur ce
que Jésus considère comme les biens essentiels pour être humain : le pain, la paix, la liberté
face aux pièges du mensonge et du mal.
Nous voici maintenant invité tout particulièrement à prier à partir de cette demande
confiante de pain ? Nous pouvons le faire soit avec le discours de Jésus sur le pain de vie Jn
6,32-58 ou celui sur la providence Mt 6,25-34. Nous pouvons aussi prier avec la prière de Ch
de Foucault ou celle de Jean 23.

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