Décision 10934 - Régie des marchés agricoles et alimentaires du

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Décision 10934 - Régie des marchés agricoles et alimentaires du
RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC
Dossier :
Décision :
10934
Date :
21 septembre 2016
Président :
André Rivet
Régisseurs :
Gaétan Busque
Daniel Diorio
OBJET :
170-07-10-19
Demande d’exemption de l’application de l’article 74 du Règlement sur les quotas
des producteurs d’œufs de consommation du Québec
FERME DES PETITS ŒUFS
Organisme demandeur
Et
FÉDÉRATION DES PRODUCTEURS D’ŒUFS DU QUÉBEC
Mise en cause
DÉCISION
DEMANDE
[1]
La Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) reçoit, le
25 février 2016, de Ferme des Petits œufs une demande d’exemption de l’application de l’article
74 du Règlement sur les quotas des producteurs d’œufs de consommation du Québec1 (le
Règlement) afin de pouvoir vendre son quota par le système centralisé de vente de quota
conformément aux articles 55 et suivants du Règlement.
[2]
Dans sa demande, Ferme des Petits œufs demande la tenue d’urgence d’une séance
publique pour présenter ses arguments à la Régie.
[3]
Le 11 mars 2016, la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (la Fédération)
transmet à la Régie une copie de la lettre adressée à la procureure de Ferme des Petits œufs,
1
RLRQ, c. M–35.1, r. 239.
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l’informant que la Fédération n’interviendrait pas dans ce dossier et qu’elle s’en remettait à la
décision de la Régie.
[4]
Dans les circonstances, la Régie décide de ne pas tenir de séance publique et de traiter
la demande sur dossier.
CADRE JURIDIQUE
- Cadre législatif
[5]
Les articles 5 et 36 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires
et de la pêche2 s’appliquent dans le présent dossier :
5.
La Régie a pour fonctions de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des
produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les
différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production
et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la
protection de l’intérêt public.
La Régie exerce les mêmes fonctions dans le cadre de la mise en marché des produits de la
pêche.
36.
La Régie peut, aux conditions et pour la période qu’elle détermine :
1°
exempter de l’application totale ou partielle de l’acte constitutif d’une chambre, d’un plan,
d’un règlement ou d’une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société
engagée dans la production ou la mise en marché d’un produit agricole ou la mise en marché
d’un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits ;
2°
exclure d’un plan conjoint ou d’un règlement ou de la compétence d’une chambre, toute
classe ou variété de produits agricoles ou de la pêche.
La Régie publie à la Gazette officielle du Québec toute décision qu’elle prend en application du
paragraphe 2° du premier alinéa.
- Cadre réglementaire
[6]
Les articles 55, 73, 74, 74.1 et 74.2 s’appliquent ou sont aussi d’intérêt dans ce dossier :
55.
La Fédération opère et administre un système centralisé de vente de quota,
constituant un mode administratif de gestion des transferts de quota et où les ventes de
quota sont conclues sur la base des jumelages effectués par la Fédération,
conformément aux règles de la présente section.
La Fédération confie à un agent externe lié à elle par convention les tâches de recevoir et
compiler les offres de vente et d’achat d’unités de quota, de recevoir les acomptes et le
paiement des acheteurs et de remettre le prix de vente au vendeur dans les délais prévus
à la présente section.
On entend par « jumelage » l’acte par lequel la Fédération lie une quantité d’unités de
quota offerte en vente à une quantité d’unités de quota visée par une offre d’achat
2
RLRQ, c. M-35.1.
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déposée. Le jumelage n’équivaut pas à la vente du quota; il oblige toutefois les offrants à
finaliser la vente par le paiement du prix au plus tard dans le délai imparti par l’article 64.
73.
La Fédération peut octroyer un quota à partir de la réserve et aux conditions de
l’article 74, jusqu’à concurrence du nombre de pondeuses qu’un producteur lui a déclaré
pendant les années de production sans quota, à ce producteur lorsqu’il satisfait aux
exigences suivantes:
1°
son exploitation avicole est située sur le territoire couvert par les municipalités
régionales de comté d’Avignon, de Bonaventure, de Rocher-Percé, de la Côte-de-Gaspé
et de la Haute-Gaspésie;
2°
il a, de 1990 à 2005, produit des œufs de consommation sans quota, informé la
Fédération de cette production et a été régulièrement inspecté par celle-ci.
74.
Le quota octroyé en vertu de l’article 73:
1°
n’est pas affecté par les variations du quota global;
2°
ne peut être transféré qu’à une personne domiciliée sur le territoire décrit au
paragraphe 1 de l’article 73 et qui continuera à y exploiter le quota.
74.1. La Fédération octroie sur demande au titulaire visé par l’article 73, un prêt
d’unités de quota pris à partir de la réserve. Ce prêt ne peut excéder la différence entre
5000 et le nombre d’unités de quota qu’il exploite à titre de titulaire ou de mandataire.
Les œufs produits conformément à ce quota:
1°
ne sont pas visés par le programme de produit industriel des Producteurs d’œufs
du Canada;
2°
doivent être mis en marché à l’intérieur du territoire couvert par les municipalités
régionales de comté d’Avignon, de Bonaventure, de Rocher-Percé, de la Côte-de-laGaspésie et de Haute-Gaspésie.
74.2.
La portion de quota prêté en vertu de l’article 74.1:
1°
n’est pas affectée par la variation du quota global;
2°
ne peut être transférée qu’à un membre de la famille immédiate du producteur
domicilié sur le territoire décrit au paragraphe 2 de l’article 74.1 qui continue l’exploitation
du quota.
OBSERVATIONS
- Ferme des Petits œufs
[7]
Ferme des Petits œufs commence sa production, à New Richmond en Gaspésie, en
2010, alors qu’elle achète un quota de 1 738 unités. Elle assure elle-même la classification de
sa production et fait sa propre mise en marché pour approvisionner directement les
consommateurs des municipalités régionales de comté d’Avignon, Bonaventure et Rocher
Percé.
[8]
Ferme des Petits œufs est une société en participation composée de M. Rodrigue
Leblanc (Leblanc), M. Danny Whitton (Whitton) et sa conjointe, Mme Liette Poirier (Poirier).
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[9]
Les installations de Ferme des Petits œufs sont logées sur l’exploitation agricole de
Leblanc en vertu d’un bail de quinze ans publié au bureau de la circonscription foncière de
New Richmond. Le couple Whitton-Poirier s’occupe de la production, de la mise en marché et
de l’administration de Ferme des Petits œufs.
[10]
En avril 2011, Ferme des Petits œufs obtient de la Fédération un prêt de 762 unités de
quota. Elle procède alors à l’agrandissement et l’aménagement du poulailler de même qu’à
l’acquisition d’équipements afin de loger jusqu’à 5 000 poules.
[11]
Dès 2012, l’instabilité du marché régional et la concurrence des grandes chaînes
d’alimentation affectent la rentabilité de l’entreprise. Ferme des Petits œufs s’avère incapable
d’affronter la concurrence malgré la qualité de sa production, le recours à un consultant et au
suivi des recommandations de ce dernier, l’aide de la Fédération, le refinancement de sa dette,
la patience des créanciers et les démarches pour conclure des ententes avec des chaînes
d’alimentation pour écouler sa production.
[12]
En avril 2014, les associés de Ferme des Petits œufs constatent des problématiques
additionnelles, notamment au plan financier, et souhaitent mettre fin à leurs opérations dans un
contexte de planification ordonnée. En juillet de la même année, ils publient une annonce dans
La Terre de chez nous pour mettre en vente le quota de 1 768 unités acquis en 2010 et
effectuent des démarches afin de trouver un acheteur dans la région de la Gaspésie – Îles-dela-Madeleine, conformément aux dispositions de l’article 74 du Règlement. Ces démarches
s’avèrent infructueuses.
[13]
En décembre 2014, alors que Ferme des Petits œufs est en arrêt de paiement en capital
et intérêt, les principaux intervenants se réunissent pour faire une mise à jour du dossier. Le
couple Whitton-Poirier exprime clairement son désir de poursuivre l’exploitation de leur
entreprise, mais pas sous le seuil de rentabilité. De nouvelles options sont envisagées.
[14]
La situation ne s’améliore pas en 2015. Ferme des Petits œufs constate que le prix de
vente obtenu pour ses œufs est à la baisse et se situe en deçà de ses coûts d’opérations. De
plus, des investissements s’avèrent nécessaires pour remplacer la moitié des cages qui ont
atteint la fin de leur vie utile ainsi que pour adapter le poste de classification afin de permettre la
traçabilité des œufs produits à Ferme des Petits œufs, devenue nécessaire et essentielle à la
filière de production avicole et des besoins des grandes chaînes.
[15]
Les propriétaires souhaitent mettre un terme à l’hémorragie financière de leur entreprise
tout en respectant les créanciers.
- Fédération des producteurs d’œufs du Québec
[16]
Dans une lettre adressée à la procureure de Ferme des Petits œufs, le 11 mars 2016, la
Fédération rappelle les modifications qu’elle a apportées à la réglementation pour soutenir la
production d’œufs dans la région de la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine. Ferme des Petits œufs
a été en mesure de profiter de ces modifications réglementaires.
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[17]
Ainsi, en 2011, la modification apportée au Règlement a permis à Ferme des Petits
œufs d’augmenter sa production grâce à l’octroi de droits d’utilisation additionnels l’autorisant à
passer d’un troupeau de 1 768 unités de quota à un troupeau de 5 000 unités de quota.
L’augmentation provenait du programme de pondoir en commun pour 2 500 unités et d’une
attribution de 762 unités sans frais à partir de la réserve.
[18]
La seconde modification apportée au Règlement, en 2013, a permis que les droits
d’utilisation accordés à Ferme des Petits œufs proviennent de la réserve plutôt que du
programme de pondoir en commun ce qui lui a évité des frais. La même année, une
modification au Règlement sur la contribution pour l’application et l’administration du plan
conjoint des producteurs d’œufs de consommation du Québec3 a fait en sorte de lui permettre
de ne payer que les contributions couvrant l’administration provinciale au lieu de devoir défrayer
l’ensemble des contributions qui couvrent l’intervention provinciale du produit industriel,
l’administration des producteurs d’œufs du Canada et le programme des produits industriels.
[19]
Elle indique aussi avoir soutenu Ferme des Petits œufs dans ses efforts de
restructuration financière et ses démarches de mise en marché de sa production.
[20]
Reconnaissant les efforts de Ferme des Petits œufs, la Fédération dit comprendre qu’il
soit difficile de couvrir l’ensemble des dépenses lorsqu’on a à assumer la production et la mise
en marché dans un marché fluctuant, notamment en raison du tourisme, comme celui de la
Gaspésie. Elle indique qu’à sa réunion du 4 mars 2016, le conseil d’administration de la
Fédération a résolu de ne pas intervenir relativement à la demande d’exemption déposée à la
Régie par Ferme des Petits œufs.
ANALYSE ET DÉCISION
[21]
La Régie constate que Ferme des Petits œufs assume elle-même la mise en marché de
son produit sous la contrainte de vendre sa production sur un marché régional limité, mais non
exclusif.
[22]
De taille relativement modeste, sa structure financière lui impose des charges qui ne lui
permettent pas d’atteindre le seuil de la rentabilité et de demeurer compétitive par rapport à la
concurrence sur le plan des prix.
[23]
La Régie note la volonté des propriétaires de mettre un terme à l’hémorragie financière
de leur entreprise dans le respect de ses créanciers. Elle note aussi les efforts demeurés vains
pour conserver le quota de 1 768 unités dans la région de la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine
ainsi que l’absence d’une relève familiale pour assurer la poursuite de l’entreprise.
[24]
La Régie note que les propriétaires souhaitent être en mesure de disposer du quota
acquis en 2010 par le biais du système centralisé de vente des quotas administré par la
Fédération. Pour ce faire, ils doivent être exemptés de l’application de l’article 74 du Règlement
qui édicte, au paragraphe 2, que ce quota ne peut être transféré qu’à une personne domiciliée
sur le territoire décrit au paragraphe 1 de l’article 73 et qui continuera à y exploiter le quota.
3
RLRQ, c. M-35.1, r. 233.
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[25]
La Régie constate que malgré la publication d’une offre de vente à La Terre de cheznous et les démarches effectuées auprès de divers intervenants de la région de la Gaspésie –
Îles-de-la-Madeleine, aucun acheteur ne s’est montré intéressé à poursuivre l’exploitation de
l’entreprise dans le cadre strict imposé par le Règlement.
[26]
La Régie prend aussi acte que la Fédération ne s’oppose pas à l’exemption demandée
par Ferme des Petits œufs qui souhaite vendre, sur le Système centralisé de vente de quota, le
quota de 1 738 unités acheté en 2010.
[27]
Dans les circonstances, la Régie juge opportun d’accorder l’exemption demandée.
POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU
QUÉBEC :
ACCUEILLE la demande d’exemption de l’application de l’article 74 du Règlement sur les
quotas des producteurs d’œufs de consommation du Québec de Ferme des Petits œufs.
EXEMPTE Ferme des Petits œufs de l’application de l’article 74 du Règlement sur les quotas
des producteurs d’œufs de consommation du Québec de manière à ce que le quota de
1 738 unités détenu par Ferme des Petits œufs puisse être vendu par le biais du Système
centralisé de vente de quotas.
(s) André Rivet
(s) Daniel Diorio
(s) Gaétan Busque

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