Théorie des Nombres et Applications : Volume 1 Philippe Elbaz
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Théorie des Nombres et Applications : Volume 1 Philippe Elbaz
Théorie des Nombres et Applications : Volume 1 Philippe Elbaz-Vincent Philippe Michel Institut Fourier E-mail address: [email protected] EPFL E-mail address: [email protected] Table des matières Chapitre 1. Le Théorème des Nombres Premiers 1. La méthode d’Euler 2. La méthode de Chebychef 3. La méthode de Nair 5 7 8 13 Chapitre 2. Sommation de fonctions arithmétiques 1. Approximation par une intégrale, Intégration par parties 2. Convolution de Dirichlet 3. Application au comptage des nombres premiers 4. Fonctions multiplicatives 5. Exercices 15 16 18 20 22 23 Chapitre 3. Série de Dirichlet 1. Rappel sur les séries entières 2. Séries de Dirichlet 3. Séries de Dirichlet et fonctions multiplicatives 4. Les séries L 5. Fonctions arithmétiques : Formulaire RAPPEL 25 25 26 29 32 35 Chapitre 4. Le Théorème de la Progression Arithmétique 1. Caractères d’un groupe abélien fini 2. Caractères de Dirichlet 3. Début de la preuve du Théorème 4.3 4. Non-annulation des fonctions L de Dirichlet au point 1 37 38 43 45 46 Chapitre 5. Le mémoire de Riemann 51 Chapitre 6. L’équation fonctionnelle 1. Quelques transformations intégrales 2. Transformée de Mellin 3. L’équation fonctionnelle de la fonction ζ de Riemann 55 55 59 62 Chapitre 7. La factorisation d’Hadamard 1. Fonctions d’ordre borné 2. Première estimation des zéros 65 65 66 Chapitre 8. Les formules explicites 1. Application au comptage des zéros de ζ. 2. Les formules explicites de Weil 71 71 73 Chapitre 9. Le Théorème de Hadamard-de la Vallée-Poussin 77 3 CHAPITRE 1 Le Théorème des Nombres Premiers On connait depuis Euclide qu’il y a un infinitude des nombres premiers. En constatant par l’absurde supposons qu’il n’existe que les nombres premiers p 1 , p 2 , . . . , p n . Et puis le nombre p 1 p 2 · · · p n +1 doit être un premier. Dans cette partie on va s’intéresser à quantifier cet énoncé : pour cela on définit la fonction de comptage π(x) = |{p ∈ P , p É x}|. Le théorème d’Euclide dit donc que π(x) → +∞ quand x → +∞ et la question qui se pose est à quelle vitesse ? On peut faire assez facilement des expériences de comptage des nombres premiers : il faut d’abord en dresser la liste jusqu’à une certaine limite. Une méthode simple et systématique est donnée par le crible d’Érathostène : (1) On fait la liste de tous les entiers jusqu’à X . (2) On biffe 1 (qui n’est pas premier) (3) On garde 2 et on biffe tous ses autres multiples (4) On garde 3 et on biffe tous les multiples de 3 qui n’ont pas déjà été éliminés (5) . . . (6) le premier nombre non biffé à l’étape précédente est automatiquement premier, on le garde et on biffe ces multiples (7) . . . Par exemple pour X = 30, on obtient 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 23 5 7 23 5 23 5 9 11 13 7 11 7 11 15 17 19 13 17 13 17 21 23 25 19 23 25 19 23 19 23 27 29 29 29 ··· 23 5 7 11 13 17 29 Remarque 1.1. Dans l’exemple précédent, on remarque qu’on obtient la liste des nombres premiers É X dès la troisième étape (quand on biffe les multiples de 5). Cela s’explique simplement par le critère suivant : p Un entier n Ê 2 est composé, si et seulement si ilp admet un diviseur d vérifiant 1 < dpÉ n . Preuve. En effet si n admet un divisieur 1 < d É n alors n > 1 et d 6= 1, n parce que n < n . Ainsi n est composé. Réciproquement, n un nombre composé et d 6= 1, n un diviseur, le nombre 5 6 1. LE THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS n/d est également un diviseur de n (le diviseur complémentaire, n = d .(n/d )) qui vérifie 1 < n/d < n . Posant alors d 0 := min(d , n/d ), on a 1 < d0 É p n. Ainsi, on obtient la liste de tous les nombres premiers < 49 dès qu’on a biffé les multiples de 5 parce que 72 = 49. Observons que l’espacement entre les nombres premiers consécutifs semble s’accroı̂tre ce qui suggère que l’ensemble des premier doit être de moins en moins dense. A la suite d’expériences de comptage beaucoup plus intensives, Gauss et Legendre, indépendament, ont formulé aux alentour de l’année 1795 une conjecture donnant une formula asymptotique pour π(x) : la conjecture des nombres premiers. Une centaine d’années plus tard (1896) cette conjecture fût démontrée par Hadamard et de la Vallée-Poussin et devint ainsi le Théorème des Nombres Premiers : Théorème (Théorème des Nombres Premiers (TNP)). Quand x → +∞, π(x) ∼ Jacques Hadamard (1865-1963) x . log x Charles-Jean de La Vallée Poussin (1866-1962) Remarque 1.2. Quelque remarques sur la notation : Soit f ,g deux fonctions sur R avec g non-nulle pour x suffisament grand. On écrit f ∼ g si et seulement si f (x) → 1 quand x → ∞. g (x) Si g est non-nulle la notation f = O(g ) veut dire qu’il existe une constante absolue C tel que | f (x)| É C g (x) pour tous les x dans la domaine de f et g . On peut dire aussi f ¿ g , qui veut dire la même chose que f = O(g ). De temps en temps on écrit également f = O ε (g ) ou f ¿ε g qui veut dire que la constante implicite peut aussi dépend sur le paramètre ε. Finalement, on dit f = o(g ) si pour tout ε > 0 il existe un consant N > 0 tel que | f (x)| É εg (x) pour x Ê N . 1. LA MÉTHODE D’EULER 7 Remarque 1.3. Dans les années 1830, Dirichlet avait formulé la conjecture des nombres premiers sous une forme un peu différente : introduisant la fonction suivante, appelée logarithme integral Z x Li(x) := 2 dt , log t il avait conjecturé que π(x) ∼ Li(x). x log x (faire une intégration par parties) cette formulation de la conjecture est Comme Li(x) ∼ bien équivalente à l’originale ; cependant la formulation de Dirichlet est meilleure : comme on va le voir, la preuve du TNP fournit en fait le développement asymptotique suivant π(x) = Li(x) + O(x exp(−c q log x)) pour c > 0 une constante absolue. Exercice(s) 1.4. Montrer que Li(x) = x x x + + O( 3 ). 2 log x log x log x p Comme la fonction x exp(−c log x) est négligeable devant la fonction π(x) − x log2 x on a x x Ê log x log2 x pour x assez grand, alors que π(x) − Li(x) = o( x log2 x ) quand x → +∞. En fait la célèbre Hypothèse de Riemann (voir ci-après) prédit que π(x) = Li(x) + O(x 1/2 log2 x). 1. La méthode d’Euler Avec un peu de soin, la preuve d’Euclide peut être modifiée pour fournir une minoration explicite de π(x) ; celle-ci est très mauvaise. C’est une autre preuve de l’infinitude des nombres premiers, due à Euler qui ouvrit la voie à la preuve du TNP et d’une certaine manière constitue le point de départ de la théorie analytique des nombres. La méthode d’Euler est de nature combinatoire et analytique et est basée sur la série “zeta” introduite par lui-même : pour s > 1, on consière la série convergente ζ(s) = X 1 . s nÊ1 n Par comparaison série-intégrale, on a ζ(s) = X 1 Z +∞ d x 1 Ê = → +∞, s → 1+ . s s n x s − 1 1 nÊ1 L’observation fondamentale d’Euler est le fait que le Théorème Fondamental de l’Arithmétique permet d’exprimer ζ(s) en fonction des nombres premiers : pour s > 1 considérons pour chaque nombre premier p la série ζp (s) = 1 + 1 1 1 + 2 s +···+ α s +... s p (p ) (p ) 8 1. LE THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS (ie. la série ζ “restreinte” aux puissances de p ) c’est une série géométrique qui vaut ζp (s) = (1 − 1 −1 ) . ps Ainsi, par unicité de la factorisation dans le Théorème Fondamental de l’Arithmétique, ζ2 (s)ζ3 (s) = XX 1 α α s α2 ,α3 Ê0 (22 33 ) est la série ζ “restreinte” aux entiers dont la décomposition en puissance de nombre premiers ne contient que des 2 et des 3 ; de même ζ2 (s)ζ3 (s)ζ5 (s) est la série ζ “restreinte” aux entiers dont la décomposition en puissance de nombre premiers ne contient que des 2 des 3 et et des 5... Supposont que P = {2, 3, 5, · · · , p max } est fini, poursuivant le raisonnement précédent, on obtient l’identité : ζ(s) = (1.1) Y Y X 1 1 = ζp (s) = (1 − s )−1 s p nÊ1 n p∈P p∈P Comme le produit p∈P (1 − p1s )−1 est fini et que pour tout p premier, ζp (s) est bien défini en s = 1 (et vaut 1 − 1/p ), on voit que ζ(s) devrait avoir une limite finie quand s → 1+ : une contradiction, donc P est infini. En fait on montrera bientôt que, bien que P soit infini, l’identié (1.1) est valide pour s > 1 (le produit infini converge et vaut ζ(s)). La méthode d’Euler permet alors d’avoir des résultats quantitatifs précis sur le comptage des nombres premier : prenons le logarithme de l’identité (1.1) : pour s > 1, on a Q log(ζ(s)) = − X log(1 − p X¡ 1 1 ¢ X 1 1 )= + O( 2s ) = + O(1) s s s p p p p p p D’autre part, on a vu que log(ζ(s)) Ê log( Ainsi pour s > 1, 1 ) = − log(s − 1). s −1 X 1 Ê − log(s − 1) + O(1). s p p Faisant tendre s vers 1, on obtient donc (par convergence dominée) que Théorème. La série X1 p p est divergente. 2. La méthode de Chebychef Nous commençerons par le resultat suivant dû a Chebycheff (∼ 1850), qui n’utilise que des méthodes élémentaires et qui donne le bon ordre de grandeur pour la fonction π(x) : Théorème 1.5. Il existe des constantes 0 < c < C telles que pour x Ê 2 on ait c x x É π(x) É C . log x log x 2. LA MÉTHODE DE CHEBYCHEF 9 Preuve. Soit n Ê 1, considérons sa factorielle Y n! = k. 1ÉkÉn La méthode de Chebychef est basée sur le fait que ce nombre n! est divisible (et n’est divisible que) par tous les nombres premier É n . Commençons par rappeler la Définition 1.6. Pour n ∈ Z − {0} et p un nombre premier la valuation p -adique de n , v p (n) est le plus grand entier α Ê 0 tel que p α divise n : ie. p α |n et p α+1 6 |n . En particulier on a n= Y p v p (n) = p|n Y p v p (n) . p∈P Si n = 0 on pose v p (0) = ∞. Notons que v p (nm) = v p (n) + v p (m) pour tous n, m ∈ N. On a donc n! = Y p v p (n!) , de plus v p (n!) Ê 1 pour tout p É n. pÉn Ainsi en prenant le logarithme de cette expression on a X log(n!) = v p (n!) log(p). pÉn On évalue les deux cotés de cette identité. Considérons la partie de gauche log(n!) = X log k. kÉn Cette dernière somme peut être évaluée en la comparant avec l’ intégrale n Z 1 log t d t = n log n − n + 1 (voir le chapitre suivant) et on trouve (1.2) log(n!) = X log k = n log n − n + O(log n). kÉn Ainsi, on obtient que X v p (n!) log(p) = n log n − n + O(log n). pÉn Nous avons maintenant besoin d’évaluer la valuation v p (n!). Soit k un entier, la valuation v p (k) (le plus grand exposant α tel que p α divise k ) vaut v p (k) = max(α Ê 0, p α |k) = X 1 αÊ1 p α |k et donc (intervertissant les sommations) on a v p (n!) = X 1ÉkÉn v p (k) = X X 1= 1ÉkÉn αÊ1 p α |k X X αÊ1 1ÉkÉn p α |k avec x 7→ [x] = X 1ÉkÉx 1 = x − {x} 1= X n [ α ], αÊ1 p 10 1. LE THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS désignant la fonction partie entière de x ({x} désigne la partie fractionnaire) ; on a utilisé les identités X 1= 1ÉkÉn p α |k X 1Ék 0 Én/p α 1=[ n ]. pα On a donc X (1.3) log p pÉn X [ αÊ1 p α Én n ] = n log n − n + O(log n). pα Evaluons la somme X αÊ1 p α Én [ n ]; pα comme [x] É x , cette somme est majorée par X αÊ1 p α Én [ X n n n n 1 n n ]É = = (1 + O( )) = + O( 2 ) α α p p(1 − 1/p) p p p p αÊ1 p On a donc n log n − n + O(log n) É n X pÉn log p( X log p 1 1 + O( 2 )) = n + O(n) p p pÉn p car X log p = O(1); 2 pÉn p on a donc, divisant par n X log p Ê log n + O(1) pÉn p ce qui montre encore que l’ensemble des nombres premiers est infini. 2.1. Le coefficient binomial. Cette approche ne permet cependant pas d’obtenir la fonction de comptage des nombres premiers : le problème est que le “poids” v p (n!) varie beaucoup quand p varie entre 2 et n . Pour y remédier, Chebycheff considère à la place de n l’entier n!, le coefficient du binome C 2n = (2n)!/(n!)2 : Par (1.2), on voit d’abord que n logC 2n = (2n log 2n − 2n + O(log n)) − 2(n log n − n + O(log n)) = (log 4)n + O(log 2n). Remarque 1.7. On peut obtenir cette formule asymptotique de manière plus élémentaire : on a 2n X k C 2n = (1 + 1)2n k=0 n et on sait bien que parmi les 2n + 1 termes de cette somme, C 2n est le plus grand. Ainsi (1 + 1)2n n É C 2n É (1 + 1)2n 2n + 1 donc prenant le log, on obtient n logC 2n = 2n(log 2) + O(log n). 2. LA MÉTHODE DE CHEBYCHEF 11 n Remarquons que C 2n est divisible par tous les nombres premiers de l’intervalle ]n, 2n]. Posant θ(x) := X log p, pÉx on a donc n log(C 2n )= (1.4) X pÉ2n n v p (C 2n ) log p Ê log p = θ(2n) − θ(n). X n<pÉ2n On obtient que pour tout n Ê 2 θ(2n) − θ(n) É (log 2)2n. Etant donné un nombre réel x Ê 2, il existe toujours un entier pair 2n tel que 0 É x − 2n É 2 ; utilisant le fait que θ(x) − θ(2n) É log x, et 0 É θ(x/2) − θ(n), on voit que pour tout x Ê 2 θ(x) − θ(x/2) É (log 2)x + O(log x). et utilisant cette inégalité avec x, x/2, x/4, ... etc, (O(log x) fois) on en déduit que θ(x) = X θ(x/2k ) − θ(x/2k+1 ) É kÊ0 X (log 2) 0Ék¿log x x 2k É (2 log 2)x + O(log2 x). On en deduit facilement une majoration pour π(x) avec le bon ordre de grandeur : on a π(x) = X 1= pÉx X pÉx 1/2 1+ X 1, x 1/2 <pÉx le premier terme est majoré par x 1/2 alors que le second terme vérifie X x 1/2 <pÉx 1É 1 X log(x 1/2 ) x 1/2 <pÉx log p = 2 x (θ(x) − θ(x 1/2 )) É 2(log 4) + O(x 1/2 ) log x log x et donc π(x) É 2(log 4) x + O(x 1/2 ). log x Remarque 1.8. Par un argument un peu plus élaboré (intégration par parties, voir le chapı̂tre suivant), on peut montrer que π(x) É (log 4) x 1 (1 + O( )), x → +∞. log x log x 12 1. LE THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS 2.2. Minoration. Pour obtenir une minoration, il nous faut être plus précis sur la valeur n de v p (C 2n ) : on a n v p (C 2n ) = v p (2n!) − 2v p (n!) = X X 2n n n $( α ) [ α ] − 2[ α ] = p p αÊ1 αÊ1 p avec $(x) : x → [2x] − 2[x] = 2{x} − {2x}. Cette fonction est periodique de période 1 et vaut $(x) = ( 0 x ∈ [0, 1/2[ 1 x ∈ [1/2, 1[. En particulier, elle varie donc beaucoup moins que la fonction x 7→ [x]. Observant que, pour p É 2n le nombre de terme non nuls de la somme X αÊ1 $( n ) pα est borné par α É log 2n/ log p et comme $(n/p α ) É 1, on obtient la majoration n logC 2n = (log 4)n + O(log n) = (1.5) X log p pÉ2n X αÊ1 $( X n log 2n ) É log p = (log 2n)π(2n). α p log p pÉ2n Ainsi, on obtient la minoration (log 2) 2n + O(1) É π(2n) log 2n et plus généralement, pour tout entier x Ê 2 (log 2) x log x (1 + O( )) É π(x). log x x On en déduit également une minoration pour la fonction θ(x) : θ(x) = X pÉx 1/2 log p+ X log p Ê (log x 1/2 )(π(x)−π(x 1/2 )+O(x 1/2 log x) = x 1/2 <pÉx 1 log xπ(x)+O(x 1/2 log x) 2 et donc log 2 log x x(1 + O( )) 2 x On a donc montré l’existence de constantes 0 < c < C telles que pour tout x Ê 2 x x É π(x) É C . (1.7) cx É θ(x) É C x, c log x log x θ(x) Ê (1.6) Remarque 1.9. Avec un peu plus de soin, on peut montrer que les constances c et C peuvent être prises arbitrairement proches de log 2 et 2 log 2 respectivement au moins quand x est assez grand. (cf. Exercice 1.10). Exercice(s) 1.10. En remplaçant x 1/2 part une autre valeur dans les découpages π(x) = X pÉx 1/2 1+ X x 1/2 <pÉx 1, θ(x) = X pÉx 1/2 log p + X x 1/2 <pÉx log p 3. LA MÉTHODE DE NAIR 13 montrer que log 2 + o(1) É π(x) θ(x) , É 2 log 2 + o(1), x → +∞. x/ log x x On déduit du théorème de Chebychef l’estimation asymptotique suivante Théorème (Mertens). On a X log p = log x + O(1). pÉx p Preuve. Revenons à (1.3) : pour n Ê 2, X log p X [ 1Éα, p α Én pÉn n ] = n log n − n + O(log n). pα La contribution des α Ê 2 au terme de gauche est bornée par X X log p pÉn 2Éα, p α Én [ X X n X log p n ]É log p ¿n = O(n). α α 2 p pÉn pÉn p 2Éα p Considérant le reste et écrivant [n/p] = n/p + O(1) on obtient X n + O( log p) = n log n − n + O(log n) + O(n). p pÉn pÉn P et donc par la majoration de Chebychef pÉn log p = O(n), on trouve que X n log p = n log n + O(n). p pÉn X log p On conclut en divisant cette dernière égalité par n . Exercice(s) 1.11. Montrer que X log p p,kÊ2 p k Éx pk = O(1), x → ∞. 3. La méthode de Nair En 1982, Nair a donné une version trés élégante de la minoration de π(x) dans la méthode de Chebychef. Exercice(s) 1.12. Un autre démonstration du Théorème de Chebychef. Soit n Ê 1 un entier, on note dn le ppcm des entiers 1, 2, . . . , n : d n = [1, 2, . . . , n − 1, n]. Soit I n , l’integrale 1 Z In = 0 x n (1 − x)n d x. (1) Montrer les inégalités 0 < I n É 4−n . 1 . (2) Montrer que I n · d2n+1 est un entier, puis que I n Ê d2n+1 14 1. LE THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS (3) Montrer que log(2n + 1) ] log p où v p ( j ) est la valuation en p de l’entier j et [x] désigne la partie entière de x . Puis max j =1,...,2n+1 v p ( j ) = [ en déduire que X log d 2n+1 = log p[ pÉ2n+1 log(2n + 1) ] = ψ(2n + 1) log p avec ψ(x) = X log p. p,kÊ1 p k Éx (4) Déduire des questions précédents que pour tout n Ê 1, ψ(2n + 1) Ê (log 2) · 2n puis que pour tout réel x Ê 2, ψ(x) Ê (log 2)(x − 2). (5) Montrer que π(x) Ê (log 2 + o(1)) x . log x CHAPITRE 2 Sommation de fonctions arithmétiques Dans ce chapitre, on va donner quelques méthodes de base pour évaluer des sommes sur les entiers. Les termes de ces sommes sont appellées fonctions arithmétiques. Définition 2.1. Une fonction arithmétique est une fonction à valeurs complexes de l’ensemble des entiers positifs, f : NÊ1 → C. On note A le C-espace vectoriel des fonctions arithmétiques. Exemple(s) 2.2. (1) La fonction constante égale à 1 1 : n 7→ 1, (2) La ”fonction de Dirac” en 1 δ1 : n 7→ ( 1, 0 n=1 n 6= 1 , (3) La fonction caractéristique de l’ensemble des nombres premiers, 1P : n 7→ ( 1, n=p ∈P n 6∈ P 0 , (4) Cette même fonction pondérée par log, log .1P : n 7→ log(n)1P (n); (5) La fonction de von Mangolt, Λ : n 7→ n = p α, α Ê 1 ( log p, n 6= p α 0 Bien que d’apparence artificielle, cette dernière fonction apparait naturellement dans l’étude des nombres premiers et joue un rôle fondamental. Définition 2.3. Soit f une fonction arithmétique, la fonction sommatoire de f est la fonction définie sur RÊ0 par X x 7→ M f (x) = f (n). 1ÉnÉx C’est une fonction constante par morceaux et dans ce chapitre, on va donner des méthodes pour étudier la question suivante : Problème. Etant donné une fonction arithmétique f , déterminer le comportement de M f (x) quand x → +∞. Exemple(s) 2.4. (2) π(x) = M1P (x) = (1) M1 (x) = P P 1ÉnÉx = [x] = x + O(1). pÉx 1. 15 16 2. SOMMATION DE FONCTIONS ARITHMÉTIQUES (3) θ(x) := M1P . log (x) = (4) ψ(x) := MΛ (x) = P pÉx log p, P 1<p α Éx log p . En guide d’exemple, on va comparer θ(x) et ψ(x). Observons d’abord que θ(x) É ψ(x); plus précisement, on a ψ(x) = θ(x) + X log p. p α Éx αÊ2 On a X p α Éx αÊ2 log p = X p pÉ x É log x log p X p α Éx αÊ2 X 1É X log p[ pÉx 1/2 log x ] log p 1 ¿ x 1/2 log x pÉx 1/2 Ainsi ψ(x) = θ(x) + O(x 1/2 log x) On l’a vu que par la méthode de Chebychef, θ(x) À x (cf. (1.6)) et on en déduit que ψ(x) ∼ θ(x). (2.1) 1. Approximation par une intégrale, Intégration par parties Si f est laR restriction à N>0 d’une fonction continue sur R, M f (x) est souvent bien approximée par 1x f (t )d t . Par exemple si f est monotone, on a Théorème 2.5 (comparaison séries/integrales). x Z (2.2) M f (x) = 1 f (t )d t + O(| f (1)| + | f (x)|). Preuve. Supposons f croissante ; le résultat se déduit par sommation de l’inégalité pour n Ê 2 : Z n n−1 Z f (t )d t É f (n) É n+1 f (t )d t . n Par exemple, on a (2.3) M log (x) = X x Z log(n) = nÉx 1 log(t )d t + O(log(x)) = x log x − x + O(log x). Le résultat suivant permet d’évaluer la fonction sommatoire d’un produit d’une fonction arithmetique quelconque par une fonction “lisse” : Théorème 2.6 (Integration par partie). Soit g une fonction arithmétique ; soient a < b ∈ R+ et f : [a, b] → C une fonction de classe C 1 . On a M f g (b) − M f g (a) = X a<nÉb f (n)g (n) = [ f (t )M g (t )]tt =b =a − Z b a M g (t ) f 0 (t )d t Z = f (b)M g (b) − f (a)M g (a) − b a f 0 (t )M g (t )d t 1. APPROXIMATION PAR UNE INTÉGRALE, INTÉGRATION PAR PARTIES 17 Preuve. Supposons d’abord que b = a + 1 = n + 1 ∈ N>0 : [M g (x) f x=b (x)]x=a − Z b a M g (x) f 0 (x)d x = M g (n + 1) f (n + 1) − M g (n). f (n) − M g (n)( f (n + 1) − f (n)) = f (n + 1).g (n + 1) = M f g (n + 1) − M f g (n) par additivité on étend la formule à a É b ∈ N>0 . puis on passe aux a, b réels généraux Remarque 2.7. On notera l’analogie entre cette formule et la formule d’integration classique : si f est C 1 et g est continue, on a b Z f (t )g (t )d t = [ f (t )G(t )]ba − a où b f 0 (t )G(t )d t a x Z G(x) = Z g (t )d t 1 est une primitive de g . Exemple(s) 2.8. On a θ(x) = X X log(p) = pÉx log(n)1P (n) 2ÉnÉx = π(x) log(x) − log(2) − x Z 2 = π(x) log(x) + O(1) + O( x Z 2 dt t dt ) log(t ) π(t ) x ) = π(x) log(x) + O( log x l’avant dernière inégalité résultant du théorème de Chebychef. En particulier comme π(x) À x/ log x on voit que θ(x) = π(x) log(x)(1 + o(1)). Ainsi par (2.1) on a les équivalence suivantes concernant le TNP : π(x) ∼ x ⇐⇒ θ(x) ∼ x ⇐⇒ ψ(x) ∼ x. log x C’est en fait la dernière équivalence que Hadamard-De la Vallée-Poussin ont démontrée dans leur preuve du TNP. Exercice(s) 2.9. (1) Montrer que le TNP equivaut a p n ∼ n log n où p n est le n-ième nombre premier. (2) Estimer la somme P pÉx p (on admettra le TNP). Corollaire 2.10 (Formule d’Euler Mac-Laurin). Soit f une fonction de classe C 1 sur R>0 , et soit ψ1 (x) := x − [x] − 1/2 = {x} − 1/2; on a pour x > 1 x Z M f (x) = 1 x Z f (t )d t + 1 ψ1 (t ) f 0 (t )d t − ψ1 (1) f (1) − ψ1 (x) f (x) 18 2. SOMMATION DE FONCTIONS ARITHMÉTIQUES en particulier x Z |M f (x) − f (t )d t | É 1 x Z 1 | f 0 (t )|d t + | f (1)| + | f (x)|. Exercice(s) 2.11. Preuver Cor 2.10. Indication : Considérez la fonction arithmétique constante égale à g = 1 (M1 (x) = [x]), et utilisez le lemme d’intégration par parties. Remarque 2.12. On a ψ1 (x) = B 1 ({x}) où B 1 (x) = x −1/2. Ce polynôme est appellé premier polynôme de Bernoulli. Remarque 2.13. L’intéret dans cette formule est que la fonction g n’est pas nécéssairement monotone. Exercice(s) 2.14. Montrer que M log (x) = log n = x log x − x − ψ1 (x) log x + c + O(x −1 ) X nÉx où c est une certaine constante. 2. Convolution de Dirichlet La convolution de Dirichlet est une loi de composition sur l’ensemble des fonctions arithmétiques qui rend compte de la structure multiplicative de l’ensemble des entiers. Soient f , g ∈ A , on définit f ∗ g ∈ A en posant X f ∗ g (n) = X f (a)g (b) = ab=n f (d )g (n/d ). d |n Proposition 2.15. (A , +, ∗) a une structure de C-algèbre commutative, associative, d’élément neutre la fonction δ1 (Rappeller Exemplaire 2.2). L’ensemble des éléments inversibles de l’algèbre A , est A × = { f ∈ A , f (1) 6= 0}. Pour f ∈ A , on note f × (−1) son inverse pour la convolution de Dirichlet. Preuve. On ne vérifiera que certains points, le reste est laissé en exercices : — Commutativité f ∗ g (n) = X f (a)g (b) = ab=n X g (a) f (b) = g ∗ f (n) ab=n — Elément neutre : f ∗ δ1 (n) = X f (n/d )δ1 (d ) = f (n/1) = f (n) d |n donc δ1 est bien l’élément neutre. — Unités : Si f est inversible d’inverse f (−1) alors f ∗ f (−1) (1) = δ1 (1) = 1 = f (1) f (−1) (1) donc f (1) 6= 0. Soit f t.q. f (1) 6= 0 on cherche g ∈ A qui vérifie f ∗ g = δ1 , en particulier f ∗ g (1) = f (1)g (1) = 1 donc g (1) = 1/ f (1). Pour tout n > 1 f ∗ g (n) = δ1 (n) = 0 = X X f (d )g (n/d ) = g (n) f (1) + d |n donc g (n) = − f (d )g (n/d ) d |n,d >1 X 1 f (d )g (n/d ) f (1) d |n,d >1 comme n/d < n si d > 1, g (n) est determiné par les valeurs de g aux entiers É n/2, on définit g par récurrence. 2. CONVOLUTION DE DIRICHLET 19 Notation. Si f est une fonction arithmétique et k ∈ N, on notera la convolution itérée k fois de f sous la forme f (∗k) = f ∗ f ∗ · · · ∗ f ( k fois), et si f est inversible on étant cette notation aux entiers relatifs de manière évidente : ie. f (∗−k) = ( f (−1) )∗k 2.1. Exemples. (1) 1 ∗ 1(n) = P d |n 1 =: d (n) est le nombre de diviseurs de n . P (2) 1 ∗ 1 ∗ 1(n) = abc=n 1 =: d3 (n) est le nombre de représentations de n comme produit de trois entiers et plus généralement d k (n) := 1(∗k) (n) = 1 ∗ · · · ∗ 1(n) = X 1 d 1 ...d k =n est le nombre de représentation de n comme produit de k entiers. (3) On a log = Λ ∗ 1, log(n) = En effet si n = Q p X Λ(d ). d |n p αp log(n) = log( Y p αp ) = X p X X log(p) = p 1ÉαÉαp αp log(p) = p X p α |n log(p) = X Λ(d ). d |n 2.2. Formule d’inversion de Moebius. La fonction de Moebius est par définition l’inverse de la fonction constante 1 : µ := 1(−1) , µ(1) = 1, µ(n) = − X µ(d ). d |n d <n Dans la section suivante on va montrer que (1) µ(n) = 0 si n est divisible par un carré 6= 1 (ie. il existe p premier t.q. p 2 |n ). (2) µ(n) = (−1)r si n est sans facteurs carrés et à r facteurs premiers : n = p 1 p 2 . . . p r avec p i premiers. Théorème 2.16 (Formule d’inversion de Moebius). Soient f , g ∈ A , les identités suivantes sont équivalentes (1) Pour tout n , f (n) = P (2) Pour tout n , g (n) = P d |n g (d ). d |n µ(d ) f (n/d ). Preuve. La première identité est équivalente à f = g ∗1 et la deuxième à g = f ∗µ et il est clair que f = g ∗ 1 ⇐⇒ f ∗ µ = g ∗ 1 ∗ µ ⇐⇒ f ∗ µ = g ∗ (1 ∗ µ) ⇐⇒ f ∗ µ = g . Ainsi on a Λ(n) = X d |n µ(d ) log(n/d ) = X d |n µ(d ) log(n) − X d |n µ(d ) log(d ) = − X d |n µ(d ) log(d ). 20 2. SOMMATION DE FONCTIONS ARITHMÉTIQUES Exercice(s) 2.17. On définit la fonction d’Euler ϕ := Id ∗ µ. — Montrer que ϕ(q) = |(Z/q Z)× | = |{1 É a É q, (a, q) = 1}| (Indication : utilisez et démontrez la formule suivante : δ(a,q)=1 = µ(d ) ). X d |a, d |q — Montrer pour d |n que |(Z/n Z)d | = ϕ(d ) où |(Z/n Z)d | est le nombre d’elements d’ordre d et que n= X |(Z/n Z)d | = d |n X ϕ(d ) = (1 ∗ ϕ)(n). d |n 3. Application au comptage des nombres premiers Théorème 2.18 (Mertens). On a (2.4) X log(p) X Λ(n) = log(x) + O(1), = log(x) + O(1) p pÉx nÉx n (2.5) X 1 = log log(x) + O(1). pÉx p Preuve. On a déjà vu la dexième formule, mais la convolution de Dirichlet nous donne une manière très courte à la montrer. On a X log p X Λ(n) X log p X log p = O(1) et comme , = + α p pα nÉx n pÉx p p α Éx p α Éx αÊ2 αÊ2 les deux égalités de (2.4) sont équivalentes. La troisième égalité (2.5) résulte de (2.4) par une intégration par parties. Pour montrer la première partie de (2.4), on évalue de deux manières la somme X M log (x) = log(n). nÉx D’une part X log(n) = x log x + O(x). nÉx D’autre part log = Λ ∗ 1 et X log(n) = nÉx XX Λ(d ) = nÉx d |n = X Λ(d ) d Éx X 1 mÉx/d X X x x Λ(d ) + O( Λ(d )) Λ(d )[ ] = d d d Éx d Éx d Éx X (on a utilisé que [x] = x + O(1)). Par le théorème de Chebychef X d Éx Λ(d ) = X pÉx log p + log p = O(x) + O(x 1/2 log x) = O(x) XX pÉx 1/2 , p α Éx et donc x log x + O(x) = X nÉx log(n) = x X Λ(d ) + O(x) d Éx d 3. APPLICATION AU COMPTAGE DES NOMBRES PREMIERS 21 ce qui donne le résultat en divisant les deux termes par x . Exercice(s) 2.19. Dans tout ce qui suit, p désigne un nombre premier. Considérons les fonctions suivantes : θ(x) = X log p; ψ(x) = pÉx X M (x) = X Λ(n); nÉx µ(n); H (x) = nÉx X µ(n) log n. nÉx (1) Montrer la relation suivante : ψ(x) = θ(x 1/m ). X 1ÉmÉlog x/ log 2 En déduire les inégalités : 0É (log x)2 ψ(x) θ(x) − É p . x x 2 x log 2 (2) Voir que la partie (1) nous donne encore une preuve que les assertions suivantes sont équivalentes : π(x) log x =1; (a) (TNP) limx→∞ x θ(x) (b) limx→∞ x = 1 ; ψ(x) (c) limx→∞ x = 1. (3) Montrer la relation suivante : M (x) H (x) − = o(1), x → ∞. x x log x (4) En utilisant que µ ∗ 1 = δ, montrer que pour x Ê 1 X µ(n) hxi n nÉx = 1. (5) Montrer que pour n Ê 1, Λ(n) = − X µ(d ) log d d |n donc, µ(n) log n = − X µ(d )Λ(n/d ). d |n (6) Montrer que H (x) = − X µ(n)ψ(x/n). nÉx En déduire que si ψ(x) = x + o(x) alors H (x) = o(x log x), ainsi que M (x) = o(x). (7) (Question de challenge ! !) Montrer que si M (x) = o(x) alors ψ(x) = x + o(x). 22 2. SOMMATION DE FONCTIONS ARITHMÉTIQUES 4. Fonctions multiplicatives Définition 2.20. Une fonction arithmétique f non nulle est multiplicative (resp. complètement multiplicative) si et seulement si elle vérifie : — pour tous m, n Ê 1 premiers entre eux on a f (mn) = f (m) f (n) (resp. pour tous m, n Ê 1, f (mn) = f (m) f (n).) En particulier, une fonction multiplicative vérifie f (1) = 1 et elle est déterminée entièrement par ses valeurs aux puissances de nombres premiers (resp. par ses valeurs aux nombres preQ miers). Soit p α kn si p α | n mais p α+1 - n . Si n = p αp kn p αp , on a f (n) = f ( Y p αp kn p αp ) = Y p αp kn f (p αp ) (r esp. f (n) = f ( Y p αp kn p αp ) = Y f (p)αp .) p αp kn Proposition 2.21. Si f et g sont multiplicatives, alors f ∗ g et f (−1) sont multiplicatives. Preuve. Si (m, n) = 1 alors l’ensemble des diviseurs de mn , {d Ê 1, d |mn} est en bijection avec l’ensemble {(d1 , d2 ), d1 |m, d2 |n} des paires de diviseurs de m et n , la bijection est donnée par les deux application réciproques l’une de l’autre d 7→ ((d , m), (d , n)), (d 1 , d 2 ) 7→ d 1 d 2 . etant donné deux fonction multiplicatives, f , g et m, n premiers entre eux on a f ∗ g (mn) = X f (d )g ( d |mn XX m n mn )= ) f (d 1 d 2 )g ( d d1 d2 d 1 |m,d 2 |n XX X m n m X n = f (d 1 ) f (d 2 )g ( )g ( ) = ( f (d 1 )g ( ))( f (d 2 )g ( )). d d d d 1 2 1 2 d 1 |m,d 2 |n d 1 |m d 2 |n De même si g = f (−1) , comme f (1) = 1, on a pour m, n > 1 X g (mn) = f (1)g (mn) = − d |mn d >1 f (d )g ( XX mn m n )=− f (d 1 ) f (d 2 )g ( )g ( ) d d1 d2 d |m,d |n 1 2 d 1 d 2 >1 = − f ∗ g (m) f ∗ g (n) + f (1)g (m) f (1)g (n) = g (m)g (n) car f ∗ g (m) = f ∗ g (n) = 0. Remarque 2.22. Par contre si f est complètement multiplicative, f (−1) ne l’est pas nécéssairement (eg. 1 et µ). 4.1. Exemples. Comme les fonction 1 et Id sont multiplicatives, µ = 1(−1) , ainsi que d = 1 ∗ 1, d k = d k−1 ∗ 1 ou ϕ = Id ∗ µ le sont. Il suffit donc de calculer ces fonctions sur les puissances de nombres premiers : pour α Ê 0, l’ensemble des diviseurs de p α est de la forme {p β , 0 É β É α}. On trouve donc d (p α ) = |{0 É β É α}| = α + 1, et plus généralement d k (p α ) = |{(β1 , · · · , βk ) ∈ Nk , β1 + · · · + βk = α}|. La relation µ ∗ 1 = δ, donne pour α Ê 1 µ(1) = 1, X βÉα µ(p β ) = 0 5. EXERCICES 23 dont on déduit µ(1) = 1, µ(p) = −1, µ(p α ) = 0 α Ê 2. Utilisant l’égalité ϕ = Id ∗ µ, on obtient alors ϕ(1) = 1, ϕ(p α ) = p α − p α − 1 = p α (1 − Ainsi pour n = Q p α kn p d (n) = Y p α kn α 1 ) p , on obtient (α + 1), µ(n) = Y p α kn µ(p α ), ϕ(n) = Y p α kn (p α − p α−1 ) = n Y (1 − p|n 1 ). p 5. Exercices Exercice(s) 2.23. Montrer que X d (n) = x log x + O(x) nÉx puis que pour k Ê 3 X d k (n) = x logk−1 x + O(x logk−2 x). nÉx Exercice(s) 2.24. (La méthode hyperbole de Dirichlet) (1) Soient f , g deux fonctions arithmétiques. On note par F,G leurs fonctions sommatoires. Pour 1 É y É x , on a X f ∗ g (n) = nÉx X g (n)F (x/n) + nÉy X f (m)G(x/m) − F (x/y)G(y). mÉx/y (2) Rappelons la fonction de nombre de diviseurs d (n) = d’Euler Mac-Laurin, montrer le développement P d |n 1. En utilisant la formule X 1 1 = log x + γ + O( ), n x nÉx où γ := 1 − 1∞ {tt 2} d t est la constante d’Euler. (3) Montrer R X p d (n) = x(log x + 2γ − 1) + O( x) nÉx où γ est la constante d’Euler. Exercice(s) 2.25. (1) Soit f une fonction multiplicative telle que f (p α ) → 0 si p α → ∞. Montrer que f (n) → 0 si n → ∞. (2) Montrer que pour tout ² > 0, on a d (n) = O ² (n ² ). Exercice(s) 2.26. Soit n un entier positif. On définit ω(n) comme le nombre de diviseurs premiers de n . Par exemple, ω(6) = 2, ω(12) = 2, ω(p) = 1. (1) Montrer que ω(n) É log n/ log 2. 24 2. SOMMATION DE FONCTIONS ARITHMÉTIQUES (2) Justifier l’estimation X log p p p|n à =O ω(n) X log p i =1 ! i pi , n → ∞, où p i est le i -ème nombre premier. (3) Montrer que ω(n) · log p ω(n) = O(1), n → ∞. p ω(n) (4) En déduire X log p p p|n = O(log log n), n → ∞. p Exercice(s) 2.27. Soit A l’ensemble des entiers n tels que p|n ⇒ p É n , On veut étudier la fonction Q A (x) = #A ∩ [1, x]. On note pour tout nombre premier p B p = {p, 2p, . . . , (p − 1)p}. (1) Montrer que N∗ − A = S p Bp (2) Montrer que Q A (x) = [x] − et que B p ∩ B q = ;. X (p − 1) − pÉx 1/2 x [ ]. p x 1/2 <pÉx X (3) Donner un équivalent de Q A (x) quand x → +∞. Exercice(s) 2.28. On pose Λ2 = µ∗log2 . Le but de cet exercice est de démontrer l’application suivante du théorème de Mertens, due à Selberg : X Λ2 (n) = 2x log x + O(x). nÉx (1) Montrer les estimations suivantes : P µ(n) (a) | nÉx n | É 1. P Indication : utiliser nÉx µ ∗ 1 = 1. P (b) nÉx (log n)2 = x(log x)2 − 2x log x + 2x + O((log x)2 ). ¢k ¡ P (c) nÉx log nx = O k (x) pour tout k > 0. (2) Montrer X nÉx Λ2 (n) = x ´ X µ(m) x ³ x log log − 2 + O(x). m m mÉx m (3) Montrer X µ(m) X µ(m) X µ(m) m x log = 1 − γ + O( ) = O(1), m x mÉx m mÉx m mÉx m où γ est la constante d’Euler. P Indication : utiliser la partie (1) de l’Exercice 1 sous la forme log x = kÉx 1/k − γ + O(1/x). (4) Montrer ´ X Λ(n) X µ(m) X µ(m) x ³ x x log log − 2 = + log x − (γ + 2) log + O(1) m m m n m m mÉx nÉx mÉx et conclure. Indication : montrer Λ = µ ∗ log. CHAPITRE 3 Série de Dirichlet 1. Rappel sur les séries entières Etant donné une suite à valeurs complexes a = (an )nÊ0 , sa série entière associée est la série X F (a, q) = an q n . nÊ0 Soit ρ son rayon de convergence qu’on suppose strictement positif (en particulier |an | = n o(( 1.01 ρ ) ), n → +∞). La série F (a, q) définit alors une fonction holomorphe dans le disque ouvert {q ∈ C, |q| < ρ} et la donnée de cette fonction détermine la suite a (formules de Cauchy). Soit b = (bn ) une autre suite dont la série entière associée F (b, q) = bn q n X nÊ0 est de rayon de convergence ρ 0 > 0 alors le produit F (a, q)F (b, q) définit une série entière de rayon de convergence ρ 00 Ê min(ρ, ρ 0 ) cn q n , cn = X F (c, q) = F (a, q)F (b, q) = nÊ0 X al bm . l +m=n Ce type de relation ouvre la porte à l’étude de problèmes arithmétiques par des voies analytiques : par exemple, consiérons a = (r ä (n))nÊ0 : 2 2 a n = r ä (n) = |{m ∈ Z, m = n}| = 1 0 si n est un carré Ê 1, ; si n = 0, sinon sa série associée est F (q) = 1 + 2 X 2 q m = 1 + 2θ(q) mÊ1 et son rayon de convergence vaut 1. Les puissances de cette série sont de la forme (k Ê 1) F (q)k = X r k (n)q n nÊ0 où r k (n) = |{(m 1 , · · · , m k ) ∈ Z, m 12 + · · · + m k2 = n}|, est le nombre de manières de représenter n comme somme de k carrés d’entiers. La fonction F (q) admet des propriétés analytique qui permettent d’étudier le comportement de ces nombres de représentations. D’autre part, comme on va le voir plus loin, cette fonction (à un changement de variable près) est fortement liée à la fonction ζ de Riemann. 25 26 3. SÉRIE DE DIRICHLET 2. Séries de Dirichlet Les séries de Dirichlet sont aux fonctions arithmétiques ce que les séries entières sont aux suites numériques. Soit f une fonction arithmétique, la série de Dirichlet associée à f est la série de la variable complexe s s 7→ L( f , s) = X f (n) . s nÊ1 n Définition 3.1. Une fonction arithmétique f : NÊ1 → C est à croissance polynomiale si elle satisfait à l’une des conditions équivalentes suivantes — Il existe une constante A ∈ R (dépendant de f ) telle que | f (n)| = O(n A ). — Il existe σ ∈ R tel que la série L( f , σ) soit absolument convergente. Dans ce cas on note σ f = inf{σ ∈ R, L( f , σ) converge absolument} ∈ R ∪ {−∞}; La quantité σ f est appelée abscisse de convergence absolue de L( f , s). Exercice(s) 3.2. Montrer que les deux conditions au-dessus sont équivalentes. L’abscisse de convergence absolue est l’analogue pour les série de Dirichlet du rayon de convergence pour une série entière : Proposition 3.3. Soit f une fonction arithmétique à croissance polynomiale et σ f son abscisse de convergence absolue. Pour tout σ > σ f , la série L( f , s) converge absolument uniformément dans le demi-plan {s ∈ C, ℜs Ê σ} et définit une fonction holomorphe dans le demi-plan {s ∈ C, ℜs > σ f } ; dans ce domaine, la dérivée de L( f , s) est la série de Dirichlet de la fonction arithmétique − log . f : n 7→ − log(n) f (n), i .e. L( f , s)0 = L(− f . log, s) = X − log(n) f (n) n ns dont l’abscisse de convergence absolue vaut σ f . Preuve. Soit σ > σ f , alors uniformément pour ℜs Ê σ on a | f (n)| | f (n)| É |n s | nσ P f (n) et donc la série de fonctions holomorphes nÊ1 n s est uniformément absolument majorée P | f (n)| par la série absolument convergente nÊ1 n σ , et donc converge uniformément sur ℜes Ê σ et définit donc une fonction holomorphe sur ℜes > σ. Il résulte des formules de Cauchy que la dérivée L( f , s)0 est donnée par la série des dérivées, à savoir X nÊ1 f (n)(n −s )0 = X − log(n) f (n) n ns = L(− f . log, s), cette série de Dirichlet est donc convergente pour s tel que ℜes > σ f . Appliquant ce raisonnement à la fonction arithmétique n 7→ | f (n)| on voit que L(− f . log, s) est absolument convergente pour ℜes > σ f : σ− f . log É σ f . D’autre part, comme f (n) log(n) Ê f (n), n Ê 3, σ− f . log Ê σ f d’ou l’égalité. Le lemme suivant est très utile : il montre qu’une fonction arithmétique à croissance polynomiale est déterminée par sa série de Dirichlet : 2. SÉRIES DE DIRICHLET 27 Lemme 3.4. Soient f , g deux fonctions arithmétiques à croissance polynomiale. On suppose que pour tout s contenu dans un ouvert (non-vide) du demi-plan {s, ℜes > max(σ f , σg )} on a L( f , s) = L(g , s) alors f = g . Preuve. Quitte à remplacer f par f − g on peut supposer que g = 0 et que L( f , s) = 0 pour s dans un ouvert du demi-plan {s, ℜes > σ f }. comme cette fonction est holomorphe, elle est identiquement nulle dans ce demi-plan. Quitte à remplacer f par f × Id−(σ f −1) : n 7→ f (n)n −(σ f −1) on peut supposer que σ f É 1 et en particulier que f (n) = O(1). Suposons f 6≡ 0 et soit n 0 le plus petit entier tel que f (n) 6= 0 ; on a pour ℜes > 2 0= X f (n) f (n 0 ) ¡ X f (n) ¢ n 0s = , 1 + s s n0 f (n 0 ) nÊn0 +1 n s nÊn 0 n alors on a 0 = 1+ n 0s X f (n 0 ) nÊn0 +1 f (n) ns (n 0 )/n 0s parce que f ne s’annule pas. Comme f est bornée, on voit (en comparant avec une intégrale) que pour ℜs > 2 X nÊn 0 +1 et donc 0 = 1+ f (n) 1 = O( ) ns ℜ(s − 1)(n 0 + 1)ℜs−1 n 0s f (n) 1 = 1 + O( ) f (n 0 ) nÊn0 +1 n s ℜs − 1 X qui donne une contracdiction quand ℜs → +∞. L’intéret principal de l’introduction des séries de Dirichlet est le suivant Théorème 3.5. Soient f , g ∈ A avec σ f , σg < ∞, alors σ f ∗g É max(σ f , σg ) et pour ℜs > max(σ f , σg ) L( f ∗ g , s) = L( f , s)L(g , s). Preuve. Soit ℜs > max(σ f , σg ) alors (toutes les identités et inversions de sommations sont justifiées par le fait qu’on somme des termes positifs) P X | f ∗ g (n)| X | ab=n f (a)g (b)| = |n s | n ℜs nÊ1 nÊ1 P X ab=n | f (a)||g (b)| É (ab)ℜs nÊ1 X | f (a)||g (b)| X | f (a)| X |g (b)| = = <∞ ℜs ℜs (ab)ℜs a a a,bÊ1 bÊ1 b donc σ f ∗g É max(σ f , σg ) ; de plus pour ℜs > max(σ f , σg ) par convergence absolue on peut regrouper les termes arbitrairement ce qui donne L( f , s)L(g , s) = L( f ∗ g , s). Exercice(s) 3.6. Montrer que si σ f 6= σg , σ f ∗g = max(σ f , σg ). 28 3. SÉRIE DE DIRICHLET Corollaire 3.7. Supposons que f est inversible (pour la convolution de Dirichlet) et que σ f , σ f (−1) < +∞ alors pour ℜs > max(σ f , σ f −1 ) on a L( f , s)L( f (−1) , s) = 1. En particulier, L( f , s) ne s’annule pas dans le demi-plan {ℜs > max(σ f , σ f −1 )} . 2.1. Exemples. Pour f ≡ 1 on a L(1, s) = X 1 = ζ(s), σ1 = 1. s nÊ1 n La fonction de Moebius est l’inverse de la fonction 1 ; on a vu que |µ(n)| É 1 et donc σµ É 1. De plus on a X |µ(n)| X 1 Ê =∞ n nÊ1 pÊ2 p donc σµ = 1 ; on voit donc que pour ℜes > 1, ζ(s) ne s’annule pas et que L(µ, s) = X µ(n) n ns = 1 . ζ(s) – Soit d la fonction nombre de diviseurs : on a d = 1 ∗ 1 et donc σd É 1 (en fait comme d (n) Ê 1, σd = 1) et pour ℜs > 1, on a L(d , s) = ζ(s)2 . – La fonction d’Euler ϕ vaut µ ∗ Id et comme σId = 2 et σµ = 1, σϕ É 2 (par l’exercice précédent σϕ = 2) et pour ℜes > 2, on a L(ϕ, s) = L(µ, s)L(Id, s) = ζ(s − 1) . ζ(s) – La fonction de von Mangoldt Λ = log ∗µ et donc L(Λ, s) = L(log, s)L(µ, s) = − ζ0 (s) . ζ(s) On a σΛ É 1 et comme la série nÊ1 Λ(n) diverge, σΛ = 1. Comme ζ(s) ne s’annule pas pour n ℜes > 1, son logarithme log ζ(s) est bien définit -à une constante additive près- et holomorphe sur ce demi-plan et sa dérivée (la dérivée logarithmique) vaut précisèment P (log ζ(s))0 = dlogζ(s) = − ζ0 (s) . ζ(s) Exercice(s) 3.8. On pose Λ2 = µ ∗ (log)2 . 0 (s) (1) Montrer (D(s, Λ) =)L(s, Λ) = − ζζ(s) . (2) Déduire de ζ00 ζ = ³ 0 ´0 ζ ζ + ³ 0 ´2 ζ ζ l’égalité Λ2 = Λ log +Λ ∗ Λ. Utiliser ceci pour montrer que pour n > 1, on a Λ2 (n) = 0 si et seulement si n a plus de deux facteurs premiers. Exercice(s) 3.9. Soient µ(·) la fonction de Möbius et ζ(·) la fonction zêta de Riemann. 2 On rappelle l’évaluation, produite en Suisse, ζ(2) = π6 . (1) Montrer L(s, µ) = ζ(s)−1 . 3. SÉRIES DE DIRICHLET ET FONCTIONS MULTIPLICATIVES 29 (2) Montrer les estimations suivantes : P µ(n) (a) nÉx n 2 = π62 + O( x1 ). P ϕ(n) (b) nÉx n = π62 x + O(log x). © ª (3) Pour r Ê 0, soit Nr le nombre d’éléments de l’ensemble (m, n) ∈ [1, r ] × [1, r ] ∩ Z2 tels que (m, n) = 1 . Montrer Nr = 6 2 r + O(r log r ). π2 ζ(s) , en déduire µ2 (n) = (4) Densité des entiers sans facteurs carrés. Montrer L(s, µ2 ) = ζ(2s) P d 2 |n µ(d ) et conclure X µ2 (n) = nÉx p 6 x + O( x). π2 Soient a, m deux entiers premiers entre eux. Montrer que µ2 (n) = X nÉx,n≡a (mod m) p x Y (1 − p −2 ) + O( x). m p -m (i.e. on trouve la même proportion d’entiers sans facteurs carrés dans chaque classe de congruence.) Q P µ(n) Indication : montrer nÊ1,(n,m)=1 n 2 = p -m (1 − p −2 ). 3. Séries de Dirichlet et fonctions multiplicatives Théorème 3.10. Soit f ∈ A une fonction multiplicative et croissance polynomiale, alors pour tout σ > σ f on a, (1) pour tout p premier la série L p ( f , s) := X f (p α ) αs αÊ0 p converge absolument uniformément dans le demi-plan ℜs Ê σ ; on l’appelle le facteur local de f en p . (2) De plus on a L( f , s) = Y L p ( f , s) = lim Y P →+∞ pÉP p L p ( f , s) et la convergence est uniforme dans ce demi-plan. (3) De façon plus précise, si on note L >P ( f , s) = limP 0 →+∞ Q P <pÉP 0 L p ( f , s) alors quand P → +∞ L >P ( f , s) → 1 uniformément dans tout demi-plan ℜs Ê σ, σ > σ f . (4) Réciproquement, si f est une fonction arithmétique telle que σ f < ∞ et f (1) = 1 et si L( f , s) vérifie L( f , s) = Y L p ( f , s) = lim p pour s À 1 alors f est multiplicative. Y P →+∞ pÉP L p ( f , s) 30 3. SÉRIE DE DIRICHLET Preuve. (1) Soit ℜs Ê σ, alors X αÊ0 | f (p α )|/|p αs | É X | f (n)|/n σ < ∞, n d’où la convergence absolue uniforme de L p ( f , s). (2) Pour P Ê 2, notons p1 < p2 < · · · < pk É P l’ensemble des nombres premiers É P , alors α α Y pÉP L p ( f , s) = f (p 1 1 ) . . . f (p k k ) X α α (p 1 1 . . . p k k )s α1 ,...,αk Ê0 α = α f (p 1 1 . . . p k k ) X αk s α1 α1 ,...,αk Ê0 (p 1 . . . p k ) = X nÊ1 p|n⇒pÉP f (n) ns ainsi un entier qui n’est pas dans la somme précédente a au moins un diviseur premier > P et est donc > P : Y X σ |L( f , s) − L p ( f , s)| É pÉP | f (n)|/n → 0, P → +∞ n>P avec convergence uniforme. (3) On va maintenant montrer que quand P → +∞, L >P ( f , s) := Y L p ( f , s) p>P tend vers 1 uniformément dans tout demi-plan ℜs Ê σ > σ f . On a p>P L p ( f , s) est la série de Dirichlet de la fonction multiplicative f P qui vaut 0 si n a un facteur premier É P et f (n) sinon (pour n = 1, f (1) = 1 car 1 n’a pas de facteur premier et en particulier aucun facteur premier É P ). Il est clair que σ f P < σ f . On a Q Y X L p ( f , s) = n p|n→p>P p>P f (n) = 1+ ns et donc | Y X L p ( f , s) − 1| É p>P n>1 p|n→p>P X n>1 p|n→p>P f (n) ns | f (n)| X | f (n)| É → 0. σ nσ n>P n (4) Réciproquement, soit fe l’unique fonction multiplicative définie par fe(n) = Y f (p α ). p α ||n Alors σ fe É σ f + 1 : en effet pour σ > σ f , | f (n)|/n σ = o(1) et donc pour n assez grand (disons n Ê N ) | f (n)|/n σ < 1 ; on en déduit que Y f (p α ) Y f (p α ) Y f (p α ) fe(n) = = = O(1) ασ nσ p ασ p α ||n p ασ p α ||n p p α ||n p α ÉN p α >N et donc que L( fe, s) converge absolument pour ℜs > σ + 1 et alors L( fe, s) = Y p L p ( fe, s) = Y L p ( f , s). p On a donc pour ℜs assez grand L( fe, s) = X fe(n) X f (n) = L( f , s) = ; s s n n n n 3. SÉRIES DE DIRICHLET ET FONCTIONS MULTIPLICATIVES cela implique par le Lemme 3.4 que pour tout n Ê 1, f (n) = f˜(n). 31 Corollaire 3.11. Si f est completement multiplicative, pour ℜs > σ f , on a L( f , s) = Y (1 − p f (p) −1 ) ps Ces résultats de factorisation en produit Eulérien permettent une première localisation des zéros de L( f , s) : Proposition 3.12. Soit f ∈ A × une fonction multiplicative. Soit σ > σ f ; le nombre de facteurs locaux L p ( f , s) qui ont un zero dans le demi-plan ℜes Ê σ est fini et les zeros de L( f , s) dans ce demi-plan sont exactement les zeros des facteurs locaux L p ( f , s). Plus précisément, il existe P tel que Y p>P L p ( f , s) = Q L( f , s) p<P L p ( f , s) ne s’annule pas pour ℜes Ê σ. Ainsi les zéros de L( f , s) dans le demi-plan de convergence absolue sont exactement les zéros des facteurs locaux L p ( f , s). Preuve. Soit σ > σ f ; on a vu que si p est assez grand, pour tout s avec ℜes Ê σ |L p ( f , s) − 1| É 1/2 ainsi le nombre de facteurs locaux qui s’annulent dans le demi-plan ℜes Ê σ est fini. D’autre P | f (n)| part, on a vu prècèdemment que si P est assez grand et ℜes Ê σ |L >P ( f , s)−1| É n>P n σ < 1/2 donc L >P ( f , s) ne s’annule pas dans le demi-plan ℜs Ê σ. 3.1. Exemples. Pour ℜs > 1, ζ(s) = X µ(n) Y X 1 Y 1 1 = (1 − s )−1 , = (1 − s ) = 1/ζ(s); s s p p p p nÊ1 n nÊ1 n ζ(s) ne s’annule pas pour ℜs > 1. ℜs > 1, Y X τ(n) 1 = ζ(s)2 = (1 − s )−2 , s p p nÊ1 n L(τ(−1) , s) = ζ(s)−2 = Y p ℜs > 2, (1 − 1 2 + ). p s p 2s X ϕ(n) ζ(s − 1) Y 1 − p −s Y X 1 pα = = ( ) = (1 + (1 − ) ) s 1−s ζ(s) p p αs p p 1−p nÊ1 n αÊ1 Exercice(s) 3.13. Pour n = p 1a1 p 2a2 . . . p kak , on pose α(n) = a1 a2 . . . an et α(1) = 1. (1) Montrer que L(α, s) = maine, on a l’égalité α(n) nÊ1 n s P converge absolument pour ℜes > 2 et que dans ce do- L(α, s) = ζ(s) ζ(2s)ζ(3s) ζ(6s) (2) En déduire que l’abscisse de convergence absolue de L(α, s) est 1. (3) On note β, la fonction arithmétique définie par 1 ∗ β = α. Montrer que β est multiplicative, calculer β(p). 32 3. SÉRIE DE DIRICHLET (4) Calculer sa série L associée, L(β, s) = X β(n) , s nÊ1 n puis montrer que l’abscisse de convergence absolue de L(β, s) vaut 1/2. (5) En déduire par une IPP que X |β(n)| = O(y 3/4 ). nÉy (6) En utilisant la décomposition α(n) = (1 ∗ β)(n) = X α(n) = nÉx P d |n β(d ) montrer l’équivalent ζ(2)ζ(3) x + O(x 3/4 ) ζ(6) Exercice(s) 3.14. Montrer que pour ℜes > 1, on a ζ(s) = Z ∞ X 1 dt = s [t ]t −s s t 1 nÊ1 n et en écrivant t = [t ] + {t } montrer que ζ(s) − s s −1 se prolonge en une fonction holomorphe dans le domaine ℜs > 0. 4. Les séries L Les séries de Dirichlet qui apparaisent le plus souvent en théorie des nombres sont liés à des séries de la forme suivante qu’on appellera “séries L ”. Entre autres propriété les séries L , sont des séries de Dirichlet de la forme suivante : soit d Ê 1 un entier et π = (πp )p = ((Vp , Φp ))p une suite (indexée par les nombres premiers) de paires formées de (1) un C-espace vectoriel Vp de dimension d , (2) un endomorphisme Φp : Vp → Vp ; ces valeurs propres sont notées {χp,i , i = 1 · · · , d }. On associe à chaque paire πp , un polynôme de degré É d qui vérifie P p (0) = 1 P (πp , X ) := det(IdVp − X Φp ) = d Y (1 − χp,i X ), i =1 (c’est une sorte de ”polynôme caractéristique” de l’endomorphisme Φp ) et un facteur local L(πp , s) := P (πp , p −s )−1 = d Y (1 − i =1 χp,i ps )−1 , s ∈ C qui définit une fonction méromorphe sur C. On fait l’hypothèse suivante concernant les valeurs propres des Φp : Il existe A ∈ R telle que pour tout p et tout i = 1, · · · , d |χp,i | É p A . Alors, pour chaque p , la série entière P (πp , X )−1 converge pour |X | < p −A et écrivant son développement de Taylor X P (πp , X )−1 = on a αÊ0 λπ (1) = P (πp , 0) = 1, λπ (p α ) = λπ (p α )X α ; X α1 +···+αd =α α α d 1 χp,1 × · · · × χp,d 4. LES SÉRIES L et pour ℜs > A , on a L(πp , s) = X αÊ0 33 λπ (p α )p −αs . Considérons le fonction multiplicative définie par λπ (n) = Y p αp λπ (p αp ). kn On a la Proposition 3.15. La fonction multiplicative n → λπ (n) est a croissance polynomiale et sa série de Dirichlet associaée est L(π, s) = X λπ (n) Y = L(πp , s) s p nÊ1 n et son abscisse de convergence absolue vérifie σπ É A + 1 et cette fonction ne s’annule pas pour ℜs > A + 1. Preuve. On a |λπ (p α )| É avec dd (n) = 1 (∗d ) X α1 +···+αd =α |χp,1 |α1 × · · · × |χp,d |αd É p A X α1 +···+αd =α 1 = p A d d (p α ) (n) est la fonction diviseurs d’ordre d . On a donc Y |λπ (n)| = | λπ (p αp )| É n A d d (n) p αp kn et comme la’abscisse de convergence de la série L de la fonction n → dd (n) vaut 1 (car L(dd , s) = L(1, s)d = ζ(s)d ), la série L(π, s) converge absoluement pour ℜs > A+1. Cette fonction ne s’annule pas pour ℜs > A + 1 car d’après la Prop. 3.12, ses seuls zéros possible dans ce demi-plan sont ceux des facteur locaux L(πp , s) = d Y (1 − i =1 χp,i ps )−1 qui ne s’annulent pas sur C. 4.1. Dérivé logarithmique d’une série L . étant donné f une fonction méromorphe sur un ouvert Ω ⊂ C , la dérivée logarithmique de f est la fonction dlog f : s 7→ f 0 (s) . f (s) Cette fonction est méromorphe sur Ω et l’ensemble de ses poles est formé de la réunion des zéros et des poles de f . En effet, il résulte de la règle de Leibniz ( f × g )0 = f 0 × g + f × g 0 que (3.1) dlog( f × g ) = f 0 ×g + f ×g0 = dlog f + dlogg . f ×g En particulier si ρ est un zéro ou un pôle de f , on peut écrire f (s) = (s − ρ)mρ g (s) 34 3. SÉRIE DE DIRICHLET pour mρ ∈ Z (c’est l’ordre de f en ρ ) et g (s) une fonction holomorphe au voisinage de ρ et ne s’annulant pas en ρ . On a donc au voisinage de ρ dlog f (s) = mρ s −ρ + dlogg (s) qui est une fonction méromorphe avec un pôle simple en s = ρ de résidu mρ (l’ordre de f en s 0 ). On va appliquer cette construction à la série L(π, s) et on va notamment voir que la propriété d’additivité (3.1) “passe” au produit Eulérien. Théorème 3.16. Soit L(π, s) comme ci-dessus, la fonction dlogL(π, s) est holomorphe pour ℜe > A + 1 et, pour ℜs > A + 1, on a l’identité suivante : X Λπ (n) L 0 (π, s) −dlogL(π, s) = − , = L(Λπ , s) = s L(π, s) nÊ1 n ( α log p(χα si n = p α , α Ê 1 p,1 + · · · + χp,d ) Λπ (n) = 0 sinon. Preuve. On a |Λπ (n)| É d Λ(n)n A donc la série L(Λπ , s) converge absolument pour ℜs > A + 1 et définit une fonction holomorphe dans ce demi-plan. Soit P Ê 2, on a pour s contenu dans un compact K du demi-plan {ℜs > A + 1} Y L(π, s) = L(πp , s) pÉP Y L(πp , s) = L ÉP (π, s)L >P (π, s) p>P et donc dlogL(π, s) = dlogL ÉP (π, s) + dlogL >P (π, s) Comme L >P (π, s) → 1 uniformément sur K quand P → +∞ on a dlogL >P (π, s) → 0 et donc dlogL(π, s) = lim dlogL ÉP (π, s) = lim P →∞ X P →∞ pÉP dlogL(πp , s). On a dlogL(πp , s) = dlog d Y (1 − i =1 =− χp,i ps )−1 = − d X dlog(1 − χp,i ps i =1 )=− d X i =1 log p χp,i χp,i s p (1 − p s ) d X log p X X Λπ (p α ) α χ = − , p,i αs αs αÊ1 p αÊ1 p i =1 en utilisant l’identité valable pour ℜs > A + 1 χp,i p s (1 − χp,i ps ) = α X χp,i αÊ1 p αs . Ainsi dlogL(π, s) = −L(Λπ , s) 5. FONCTIONS ARITHMÉTIQUES : FORMULAIRE RAPPEL 5. Fonctions arithmétiques : Formulaire RAPPEL f L(s) e e(n) = δn=1 1 Q 1 1(n) = 1 ζ(s) = p (1 − p1s )−1 Q 1 1 µ µ(p 1 . . . p r ) = (−1)r , µ(a 2 b) = 0 µ = 1(−1) , µ ∗ 1 = e ζ(s) = p (1 − p s ) 0 log −ζ (s) ( log(n) α log p si n = p ζ0 Λ Λ(n) = log = 1 ∗ Λ, Λ = µ ∗ log − ζ (s) 0 si non Q ζ(s−1) ϕ ϕ(n) = n p|n (1 − p1 ) ϕ = Id ∗µ ζ(s) d d (n) = |{d Ê 1, d |n}| d = 1∗1 ζ2 (s) 35 CHAPITRE 4 Le Théorème de la Progression Arithmétique Définition 4.1. Une progression arithmétique est un sous-ensemble non-vide de Z vérifiant la propriété suivante : il existe un entier positif q > 0 tel que la distance entre deux entiers consécutifs de cet ensemble est toujours q . L’entier q s’appelle le module de la progression arithmétique. Il est facile de voir que les progressions arithmétiques de module q sont de la forme L q,a = a + q Z ⊂ Z. où a est un entier. Remarquons que si a ≡ a 0 (q), on a L q,a = L q,a 0 . Ainsi les progressions arithmétiques de module q sont indexées par les classes de congruence modulo q (ie. par l’anneau Z/q Z) ; il y en a donc q . Ainsi n appartient à L q,a ssi n ≡ a(q). Ainsi la classe a de a modulo q est appellée classe de la progression arithmetique. On écrira indifférement L q,a ou L q,a et par abus de language, on parlera pour l’entier a de la classe de la progression arithmétique. Comme L q,a est infini il est naturel de se demander si son intersection avec les nombres premiers P , l’est aussi : c’est presque toujours le cas Théorème (de la progression arithmétique de Dirichlet, TPA). Soient a, q > 0 deux entiers premiers entre eux, alors l’ensemble P q,a = P ∩ L q,a est infini ; autrement dit, il existe une infinité de nombres premiers p ≡ a(mod q) (ie. de la forme p = qk + a avec k ∈ Z). Remarque 4.2. La condition “a et q premiers entre eux” est nécessaire. En effet, si (a, q) 6= 1 alors il n’y a au plus un seul p premier de la forme qn + a (la seule possibilité est p = (a, q)). En d’autres termes, les classes de congruences contenant une infinité de nombres premiers sont exactement celles de (Z/q Z)× . Dans la lignée du TNP, on peut poser des question plus précise sur la densité de l’ensemble P q,a . On pose donc π(x; q, a) := |P q,a ∩ [1, x]| = |{p É x, p ≡ a(q)}| = X 1 p≡a(q) la fonction de comptage de cet ensemble. Au début du 20ème siècle, Landau a montré la généralisation suivant du TNP : Théorème (Landau). Soient a, q premiers entre eux alors π(x; q, a) = 1 x 1 π(x)(1 + o(1)) = (1 + o(1)). ϕ(q) ϕ(q) log x 37 38 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE Si p > q , alors p se trouve nécessairement dans l’une des progressions arithmétiques dont la classe est première à q . Le Théorème de Dirichlet dit que chacune des classes de congruence dans (Z/q Z)× est atteinte une infinité de fois. Le Théorème de Landau dit que la proportion asymptotique de nombres premiers tombant dans une telle classe de congruence ne dépend pas de cette classe : asymptotiquement il n’y a pas de classe “privilégiée”). Dans ce chapitre on ne montrera pas le théorème de Landau mais plus simplement l’analogue du Thm de Mertens Théorème 4.3. On a pour a, q premiers entre eux et x → +∞ (4.1) X Λ(n) 1 = log(x) + O(1), n ϕ(q) nÉx n≡a(q) (4.2) X log(p) 1 = log(x) + O(1) p ϕ(q) pÉx p≡a(q) X pÉx p≡a(q) 1 1 = log log(x) + O(1). p ϕ(q) La méthode (due à Dirichlet) consistera à trouver une expression “agréable” du point de vue analytique de la condition de congruence n ≡ a(q) puis à la convertir dans la sommation sur les nombres premiers. Le point crucial est la structure de groupe (abélien) de l’ensemble (Z/q Z)× . 1. Caractères d’un groupe abélien fini Soit G un groupe abélien fini ; on note e l’élément neutre. Soit C (G) = CG = { f : G 7→ C}, l’espace vectoriel des fonctions de G dans C. C’est un espace vectoriel (et même une algèbre avec la multiplication de deux fonctions) complexe de dimension |G|, dont une C-base est donnée par l’ensemble ( B0 = {δg , g ∈ G}, δg (g 0 ) = 1, g0 = g 0, g 0 6= g . On a en effet pour f ∈ C (G), la décomposition f = X f (g )δg , g et il est facile de voir que B0 est libre. L’espace C (G) est munis d’un produit scalaire hermitien (4.3) 〈 f , f 0 〉 := 1 X f (g ) f 0 (g ) |G| g ∈G pour lequel la base B0 est orthogonale : 〈δg , δ0g 〉 = ( 1 1 1 δg =g 0 = × |G| |G| 0 si g = g 0 . si g = 6 g0 Bien entendu ces considérations sont valables pour un ensemble fini quelconque. Cependant, pour G un groupe abélien, C (G) possède un base orthonormée canonique provenant de la structure de groupe de G . 1. CARACTÈRES D’UN GROUPE ABÉLIEN FINI 39 Comme G est un groupe, il agit sur lui-même par translations. Cette action induit une action de G sur C (G) : à chaque élément g de G on associe l’endomorphisme T g ∈ End(C (G)) défini par T g : f → T g f : g 0 → T g f (g 0 ) := f (g g 0 ). On vérifie facilement que T g ◦ T g 0 = T g g 0 , Te = IdC (G) , dont on déduit que T g est inversible, d’inverse (T g )−1 = T g −1 et donc l’application T : g 7→ T g définit en fait un morphisme de groupes T : G 7→ Aut(C (G)). De plus comme G est abélien, les éléments de T g , g ∈ G commutent entre eux : Tg ◦ Tg 0 = Tg g 0 = Tg 0 g = Tg 0 ◦ Tg . De plus, on a 〈T g f , T g f 0 〉 = 1 X 1 X f (g g 0 ) f 0 (g g 0 ) = f (g ) f 0 (g ) = 〈 f , f 0 〉. |G| g 0 ∈G |G| g ∈G Ainsi {T g , g ∈ G} est un ensemble d’isométries (pour le produit scalaire hermitien (4.3)) qui commutent entre elles deux à deux. On rappelle le théorème spectral : Théorème (théorème spectral). Soit (V, 〈 , 〉) un espace hermitien de dimension finie et T ⊂ End(V ) un ensemble d’endomorphismes commutant entre eux deux à deux, alors il existe une base orthonormée de V formée de vecteurs propres de tous les éléments de T si et seulement si chaque T ∈ T est normal (c.à.d. que T T ∗ = T ∗ T ). Exercice(s) 4.4. On preuve le théorème. Supposons tout d’abord que T = {T }. (1) Direction ⇒. On suppose que V a une base orthonormale des vecteurs propres pour T . Montrer que T est normal. (En fait, le même chose marche pour un ensemble d’endomorphismes T .) (2) Direction ⇐. Montrer qu’il existe une base orthonormale de V telle que la matrice de T dans cette base est triangulaire supérieure. On s’appelle cette base {e 1 , . . . , e n }. (3) Direction ⇐. Calculer ||Te 1 ||2 et ||T ∗ e 1 ||2 . On suppose maintenant que T est normal. Conclure que la première linge et colonne de la matrice de T dans partie (2) ont des 0 dans chaque place excepter pour la diagonale. (4) Direction ⇐. Montrer que la matrice de T dans partie (2) est diagonale. Conclure que nous avons montrer le théorème. (5) Direction ⇐. On suppose que T1 et T2 sont commutant. Montrer qu’ils ont une vecteur propre en commun. Indication : T2 a une valeur propre λ. Envisager l’espace propre E λ . Montrer que la théorème est vrai pour deux applications T1 et T2 par faisant chaque l’espace propre une à la fois. (6) Direction ⇐. Conclure que la théorème est vraie pour un ensemble fini quelconque. Dans le cas présent, le théorème spectral implique que C (G) possède une base orthonormée formée de vecteus propres des T g : la preuve du théorème suivant implique qu’à normalisation et permutation près une telle base est unique : 40 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE Théorème 4.5. Il existe une unique base orthonormée Gb = {χ} de C (G) formée de vecteurs propres de tous les T g qui vérifient χ(e) = 1 pour tout χ ∈ Gb. On a l’égalité Gb = HomZ (G, C× ) où HomZ (G, C× ) désigne l’ensemble des morphismes de groupes de G vers C× . Cet ensemble est un groupe : le groupe des caractères de G , ou encore le dual de G . Preuve. L’ensemble {T g , g ∈ G} est une famille d’opérateur hermitiens et donc autoadjoints qui commutent deux à deux. Par le théorème spectral cette famille est diagonalisable dans une base orthonormée. Soit {ψ} une telle base : les ψ sont donc vecteurs propres (non-nuls) de tous les T g et on a pour tout g , (4.4) T g ψ(x) = ψ(g x) = χψ (g )ψ(x), où χψ (g ) désigne la valeur propre de T g associée au vecteur propre ψ. On associe donc à tout ψ, une fonction χψ ∈ C (G) définie par χψ : g → χψ (g ). On a Te ψ = Id(ψ) = χψ (e)ψ = ψ, T g ◦ T g 0 ψ = T g g 0 ψ = χψ (g )χψ (g 0 )ψ = χψ (g g 0 )ψ T g−1 ψ = T g −1 ψ = χψ (g −1 )ψ = (χψ (g ))−1 ψ, ainsi (comme ψ 6≡ 0), on a pour tout g , g 0 ∈ G χψ (e) = 1, χψ (g g 0 ) = χψ (g )χψ (g 0 ), χψ (g −1 ) = χψ (g )−1 . En d’autre termes χψ est un morphisme de groupes de G dans C× . Notons également que comme G est fini, on a, par le théoréme de Lagrange, pour tout χ ∈ Hom(G, C× ), χ(g |G| ) = χ(e) = 1 = χ(g )|G| et donc χ est à valeurs dans µ|G| l’ensemble des racnes |G|-ièmes de l’unité. En particulier χψ (g ) est un nombre complexe de module 1 pour tout g et (4.5) 〈χψ , χψ 〉 = 1 X 1 X χψ (g )χψ (g ) = 1 = 1. |G| g ∈G |G| g ∈G Comme ψ est non-nulle, soit g 0 tel que ψ(g 0 ) 6= 0, par (4.4), on a pour tout g , ψ(g ) = χψ (g )ψ(e) et comme ψ 6≡ 0, ψ(e) 6= 0, ainsi χψ (g ) = 1 1 ψ(g ) ⇒ χψ = ψ ψ(e) ψ(e) ie. χψ appartient au sous-espace C.ψ engendré par ψ. Comme les χψ sont tous non-nuls (χψ (e) = 1), la famille {χψ } =: Gb est une base orthonormée de C (G) qui est contenue dans Hom(G, C× ). Montrons qu’en fait tout élément de Hom(G, C× ) appartient à {χψ } : Inversement soit ψ ∈ Hom(G, C× ) ; alors ψ appartient a C (G) et comme ψ 6≡ 0 (ψ(e) = 1), il existe χ ∈ Gb tel que 〈ψ, χ〉 6= 0. Alors, on a pour tout g , 0 6= 〈ψ, χ〉 = 〈T g ψ, T g χ〉 = 1 X ψ(g g 0 )χ(g g 0 ) = ψ(g )χ(g )〈ψ, χ〉; |G| g 0 ∈G 1. CARACTÈRES D’UN GROUPE ABÉLIEN FINI 41 ainsi pour tout g , ψ(g )χ(g ) = 1 c’est à dire ψ(g ) = χ(g ). Ceci montre que Gb = Hom(G, C× ). Exercice(s) 4.6. Bidual. Soit x ∈ G . Pour χ ∈ Ĝ on pose T x (χ) := χ(x). Montrer que T x est un caractère de Ĝ et que l’application x 7→ T x est un isomorphisme entre G et Ĝˆ . 1.1. Propriétés des caractères. On extrait de la preuve précédente les propriétés importantes suivantes. 1.1.1. Structure de groupe. L’ensemble Gb = Hom(G, C× ) a une structure naturelle de groupe (on l’appelle le groupe dual de G ) via la multiplication des fonctions : pour χ, χ0 ∈ Gb on définit χ.χ0 : g 7→ χ(g )χ0 (g ), χ−1 : g 7→ χ(g )−1 ; χ.χ0 et χ−1 sont évidemment des caractères. L’élément neutre de Gb est la fonction constante égale à 1, qu’on note χ0 : g 7→ 1 et qu’on appelle le caractère trivial. Dit autrement, et de façon pédante, Gb est un sous-groupe du groupe des unités de l’algèbre C (G) munie de la multiplication des fonctions, f , f 0 ∈ C (G) : f . f 0 : g 7→ f (g ) f 0 (g ). 1.1.2. Unitarité. On a montré que b = dimC (G) = |G|; |G| en particulier (Théorème de Lagrange) pour tout χ ∈ Gb, χ|G| = χ0 c’est à dire que pour tout g ∈G χ(g )|G| = 1, autrement dit, les caractères sont à valeurs dans le groupe des racines |G|-ièmes de l’unité µ|G| = {ζ ∈ C, ζ|G| = 1}. On dit qu’ils sont unitaires. En particulier pour tout g χ(g )−1 = χ(g ), i .e. χ−1 = χ le conjugué complexe de χ. 1.1.3. Relations d’orthogonalité. Proposition 4.7. On a : (4.6) (4.7) δχ=χ0 = 1 X χ(g 0 )χ0 (g 0 ) |G| g 0 ∈G δg =g 0 = 1 X χ(g )χ(g 0 ) |G| χ∈Gb 42 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE Preuve. La première relation est la relation d’orthogonalité (4.5) : 〈χ, χ0 〉 = δχ=χ0 . Pour montrer la seconde relation considérons la decomposition de δg dans la base Gb : (4.8) δg = X 1 X X 1 X 〈δg , χ〉χ = ( δg (g 0 )χ(g 0 )).χ = χ(g )χ |G| χ g 0 ∈G |G| χ χ évaluant cette identité en g 0 , on obtient la relation (4.7). Remarque 4.8. L’expression (4.8) est la décomposition de Fourier de la fonction δg . C’est cette expression qui va nous être utile dans la suite. Exercice(s) 4.9. Transformée de Fourier. Soit F : G → C une fonction. On définit F̂ : Ĝ → C par F̂ (χ) = 1 X F (g )χ̄(g ). |G| g ∈G Montrer la formule d’inversion, c-à-d F (g ) = X χ F̂ (χ)χ(g ). Que vaut F̂ˆ ? 1.2. Caractères d’un groupe cyclique. Soit G =< g > un groupe cyclique de générateur g ; notons q son ordre ; un caractère χ de g est complètement déterminé par sa valeur en g , χ(g ) : pour tout g 0 ∈ G , on pose g 0 = g m , m ∈ Z et χ(g 0 ) = χ(g )m . Notons que cela ne dépend 0 pas du choix de m ∈ Z : si g 0 = g m alors m 0 ≡ m(mod q) et 0 0 χ(g m ) = χ(g )m χ(g )m −m = χ(g m ) car χ(g ) est une racine q -ième de l’unité. Ainsi toute racine q -ième de l’unité ζ définit de manière unique un caractère de G en posant χ(g m ) = ζm . En d’autre termes on a la Proposition 4.10. Soit G un groupe cyclique d’ordre q . Le choix d’un générateur de G détermine un isomorphisme entre le groupe des racines q -ièmes de l’unité et le groupe Gb. Cet isomorphisme est donné par ζ ∈ µq 7→ χ : g m → χ(g m ) := ζm . Dans le cas du groupe Z/q Z, les caractères (dits caractères additifs) sont donnés explicitement par les fonctions x ψn : x(mod q) 7→ e(n ). q Notons que ψn ne dépend que de la classe de n modulo q et n(mod q) 7→ ψn est l’isomorphisme recherché. 2. CARACTÈRES DE DIRICHLET 43 Remarque 4.11. Notons que µq est un groupe cyclique d’ordre q engendré par l’exponentielle complexe 1 ζq = e( ), e(x) := exp(2πi x). q On a donc Gb ' µq ' Z/q Z ' G. Notons que c’est isomorphisme n’est pas canonique car il dépend du choix du générateur g . b Plus généralement, que pour tout groupe abélien G , on a G ' G. á Exercice(s) 4.12. Isomorphisme non-canonique avec le dual. Montrer G 1 ×G 2 ' Ĝ 1 × Ĝ 2 , avec G 1 ,G 2 des groupes finis abéliens. En déduire que G est isomorphe à Ĝ . Indication : traiter en premier le cas G cyclique. Exercice(s) 4.13. Induction/Restriction. Soit H < G un sous groupe de G , — montrer que si χ est un caractère de G alors χ|H est un caractère de H . — Soit r es |H l’application (restriction à H ). Montrer que ker r es |H peut s’identifier à . G/H — Montrer que res|H est surjective : i.e. pour tout χ0 ∈ Ĥ , il existe χ ∈ Gb qui prolonge χ0 . Pour cela on considérera la fonction F (g ) = X χ(g ). χ∈Gb Calculer cette fonction. Soit χ0 un caractère de H . Montrer que 1 X 0 b χ|H = χ0 }|. χ (h)F (h) = |{χ ∈ G, |H | h∈H On a donc la suite exacte → Gb → Ĥ → 1 1 → G/H qui est duale de la suite 1 → H → G → G/H → 1. 2. Caractères de Dirichlet On va maintenant appliquer cette théorie aux groupes multiplicatifs (Z/q Z)× . Définition 4.14. Soit q Ê 1 un entier ; les caractères du groupe abélien (Z/q Z)× sont appelés caractères de Dirichlet de module q . Le caractère trivial (la fonction constante égale à 1) sera noté χ0 . 2.1. Fonction arithmétique associé à un caractère de Dirichlet. Soit χ ∈ (á Z/q Z)× un caractère. On prolonge cette fonction par zero en une fonction sur Z/q Z puis on la prolonge en une fonction sur Z en la composant avec la réduction modulo q : χ(n) = ( χ(n mod q), 0 (n, q) = 1 (n, q) > 1. Par abus de langage, la fonction arithmétique ainsi obtenue sera encore appelée “caractère de Dirichlet”. En particulier χ définit une fonction arithmétique, périodique de période q , 44 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE qui s’annule sur les entiers non-premiers à q ; c’est une fonction arithmétique complètement multiplicative : ∀m, n ∈ Z, χ(mn) = χ(m)χ(n). Les relations d’orthogonalité (4.6) et (4.7) s’écrivent alors δχ=χ0 = (4.9) X 1 χ(a)χ0 (a) ϕ(q) a mod q Pour (ab, q) = 1, δa≡b mod q = (4.10) 1 X χ(a)χ(b). ϕ(q) χ Exercice(s) 4.15. Soit G(m) := (Z/m Z)∗ . ? (a) Quel est le cardinal de G(m) . (b) Montrer que pour m ∈ {2, 4, 8}, on a χ2 = 1 (caractère trivial) pour tout χ ∈ G(m) (c) Pour un entier impair n , on note n̄ son image dans G(m). Trouver deux polynômes ², ω de façon à ce que le caractère non trivial de G(4) est donné par n̄ 7→ (−1)²(n) et les caractères non triviaux de G(8) sont donnés par n̄ 7→ (−1)²(n) , n̄ 7→ (−1)ω(n) , n̄ 7→ (−1)²(n)+ω(n) . On considère alors la série de Dirichlet associée à cette fonction L(χ, s) := X χ(n) . s nÊ1 n Comme |χ(n)| É 1, cette série est absolument convergente pour ℜes > 1 et dans ce domaine, on a L(χ, s) = Y (1 − p χ(p) −1 ) . ps On obtient ainsi une série L au sens de la section 4. Dans ce cas precis Vp = C et l’endomorphisme Φp : x → χ(p)x est la multiplication par le scalaire χ(p). Proposition 4.16. Soit χ mod q un caractère de Dirichlet. — Si χ = χ0 , on a pour ℜes > 1, L(χ0 , s) = Y p|q (1 − 1 )ζ(s) ps qui admet un prolongement holomorphe au demi-plan ℜes > 0. — Si χ 6= χ0 , la série L(χ, s) converge uniformément sur les compacts du demi-plan ℜes > 0 et définit donc une fonction holomorphe dans ce domaine. Plus précisement on a pour ℜes > 0 X χ(n) q|s| −σ = L(χ, s) + O( X ). s σ 1ÉnÉX n (4.11) Preuve. Si χ = χ0 , alors L(χ0 , s) = Y p (1 − Y χ0 (p) −1 1 1 −1 Y ) = ) = (1 − s )ζ(s). (1 − s ps p p p|q p, (p,q)=1 L’énoncé résulte du prolongement méromorphe de ζ au demi-plan ℜs > 0 (cf. l’exercice 3.14). 3. DÉBUT DE LA PREUVE DU THÉORÈME ?? 45 Si χ est non trivial, on a pour tout intervalle I de longueur q exactement X χ(n) = 0 n∈I en effet I étant de longueur q contient exactement une fois chaque classe de Z/q Z et l’égalité résulte de la relation d’orthogonalité (4.9) en prenant χ0 = χ0 . Ainsi pout tout t , on a |M χ (t )| É q. Par intégration par partie, on a alors Z X X χ(n) −s M χ (t )t −s−1 d t . = X M χ (X ) − 1 + s s 1 1ÉnÉX n Comme Mχ (t ) est bornée, pour σ = ℜes > 0, le premier terme tend vers 0 et l’intégrale est absolument convergente ; ainsi la série converge. Par le même argument, on a Z ∞ X χ(n) X χ(n) £ ¤ −s ∞ L(χ, s) − M χ (t )t −s−1 d t = = M χ (t )t X +s s s n n X 1ÉnÉX n>X |s| q X −σ → 0, X → +∞ σ P χ(n) ¿ q X −σ + ce qui démontre (4.11). Cette majoration montre que 1ÉnÉX n s converge uniformément vers L(χ, s) sur les compacts du demi-plan ℜes > 0. On en déduit l’holomorphie de L(χ, s) dans ce domaine. 3. Début de la preuve du Théorème 4.3 Par des arguments élémentaires il suffit de prouver la première identité : on a par (4.10) X Λ(n) 1 X = χ(a)S χ (x) n ϕ(q) χ(q) nÉx (4.12) n≡a(q) avec S χ (x) = Si χ = χ0 , S χ0 (x) = X nÉx (n,q)=1 X χ(n) Λ(n). nÉx n X 1 Λ(n) X Λ(n) X = − log p = log(x) + O q (1) α n nÉx n p|q αÊ1 p p α Éx et donc la contribution de ce terme à la somme (4.12) est de log(x) + O q (1). Pour conclure il suffit de montrer que pour tout χ 6= χ0 , S χ (x) = X χ(n) Λ(n) = O q (1). nÉx n Pour calculer S χ (x), on considère la somme Tχ (x) = X nÉx log(n) χ(n) ; n par integration par partie et utilisant le fait que Mχ (x) est bornée si χ 6= χ0 , on voit que Tχ (x) = O(1). 46 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE D’autre part, utilisant l’égalité log = 1 ∗ Λ, on a X χ(a) X χ(b) Λ(a) aÉx a bÉx/a b X χ(a) ¡ a ¢ = Λ(a) L(χ, 1) + O( ) x aÉx a = L(χ, 1)S χ (x) + O(1) Tχ (x) = par la majoration de Chebycheff. Ainsi si on montre que L(χ, 1) 6= 0, on aura (4.13) S χ (x) = O(1), se qui concluera la preuve du Théorème 4.3. La non-annulation de L(χ, s) en s = 1 est le point clef de la preuve du Théorème de Dirichlet ; elle sera montrée dans la prochaine Section Exercice(s) 4.17. Soient χ1 et χ2 deux caractères quadratiques. Montrer que ζ(s)L(χ1 , s)L(χ2 , s)L(χ1 χ2 , s) est une série de Dirichlet à coefficients positifs. Exercice(s) 4.18. Soit χ un caractère non-trivial de module q , montrer que pour σ = ℜes ∈]0, 1], L(χ, s) ¿ (q|s|)1−σ log(2q|s|), L 0 (χ, s) ¿ (q|s|)1−σ log2 (2q|s|) 4. Non-annulation des fonctions L de Dirichlet au point 1 Théorème 4.19 (Dirichlet). Soit χ(mod q) un caractère non-trivial, alors L(χ, 1) 6= 0. On va donner deux preuves de ce théorème : l’une n’utilisant que de l’analyse réelle, l’autre passant par l’analyse complexe. Quelque soit la preuve une point clef est l’utilisation d’argument de positivité. 4.1. Preuve par l’analyse complexe. L’idée est la suivante : on considère le produit de toutes les fonctions L de Dirichlet Y χ(q) L(χ, s) = L(χ0 , s) Y χ6=χ0 L(χ, s) = L q (s). C’est une série de Dirichlet (celle de la fonction multiplicative n 7→ a q (n) obtenue comme convolée des caractères de module q ), L q (s) = X a q (n) nÊ1 ns et on va voir que les coefficients a q (n) sont positifs ou nuls pour tout n Ê 1 ; on va également montrer que pour n premier avec q , a q (n ϕ(q) ) Ê 1. 4. NON-ANNULATION DES FONCTIONS L DE DIRICHLET AU POINT 1 47 On en déduit que l’abscisse de convergence σq de a q vérifie σq Ê 1/ϕ(q) (on a a priori σq É 1 car a q est la convolée de fonctions arithmétiques d’abscisses de convergence égales à 1) : en effet, pour σ = 1/ϕ(q) X a q (n)/n σ Ê nÊ1 a q (m ϕ(q) )/m ϕ(q)σ Ê X mÊ1 (m,q)=1 X 1/m = +∞. mÊ1 (m,q)=1 Par la proposition 4.16, L q (s) admet un prolongement méromorphe au demi-plan ℜs > 0 dont le seul pôle possible dans ce domaine est en s = 1 . Si on suppose maintenant qu’il existe un caractère χ tel que L(χ, s) s’annule en s = 1, comme le pôle de L(χ0 , s) en 1 est simple, la fonction L q (s) sera holomorphe en s = 1 et donc dans tout le demi-plan {s, ℜs > 0}. Le Lemme de Landau ci-dessous, l’holomorphie de L q (s) dans le demi-plan {s, ℜs > 0} et le fait que les a q (n) sont positifs ou nuls implique alors que l’abscisse de convergence de L q (s) est en fait É 0, contradiction ! Lemme 4.20 (Landau). Soit L(s) = X f (n) s nÊ1 n une série de Dirichlet d’abscisse de convergence σ f finie et dont les coefficients f (n) sont positifs ou nuls ; alors L(s) n’admet pas de prolongement holomorphe au voisinage du point σf . Preuve. Quitte a remplacer L(s) par L(s − σ f ) on peut supposer σ f = 0. Supposons que L(s) admette un prolongement holomorphe dans un disque ouvert D centré en σ f = 0 alors L(s) et toutes ses dérivées definissent des fonctions holomorphes dans le domaine D ∪ {s, Res > 0}. Remarquons que l’on a X f (n) = L(0). nÊ1 C’est une conséquence du théorème de convergence monotone et on rappelle l’argument cidessous : comme on a f (n) Ê 0 , la fonction σ ∈]0, 1] 7→ L(σ) = f (n)/n σ X nÊ1 est décroissante et est majorée par sa limite quand σ → 0+ qui est L(0). D’autre part pour tout N Ê 1, X nÉN f (n) = lim+ X σ→0 nÉN f (n)/n σ É lim+ L(σ) = L(0), σ→0 ce qui montre la convergence de la somme précédente. On calcule la limite en notant que pour tout σ > 0, on a L(σ) = X f (n)/n σ É nÊ1 X f (n), nÊ1 et en faisant tendre σ vers 0. Considérons la dérivée d’ordre k de L(s) : pour ℜs > 0 elle est donnée par L(s)(k) = (−1)k X f (n)(log n)k . ns nÊ1 Comme f (n)(log n)k est positif ou nul, le même argument que précédemment donne que (−1)k X nÊ1 f (n)(log n)k = L (k) (0). 48 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE Soit σ < 0 et contenu dans D , L(σ) se calcule par son développement de Taylor en 0 : X L (k) (0) k X (−σ)k X f (n)(log n)k . σ = k! k! nÊ1 kÊ0 kÊ0 L(σ) = Comme (−σ)k Ê 0 les terme de cette double somme sont positifs ou nuls et on peut les permuter : L(σ) = X f (n) nÊ1 X (−σ log n)k X X f (n) . = f (n) exp(−σ log n) = σ k! nÊ1 nÊ1 n kÊ0 Ainsi la série L(s) convergerait pour un σ < 0 ce qui contredit le fait que σ f = 0. 4.2. Positivité des a q (n). La fonction n 7→ a q (n) étant multiplicative, il suffit de montrer que a q (p k ) Ê 0 pour p premier et k Ê 0. Il suffit donc de montrer que les coefficients de L q,p (s) = Y χ L p (χ, s) = Y χ (1 − χ(p)p −s )−1 = X a q (p k ) kÊ1 p ks sont positifs ou nuls. Si p divise q , L q,p (s) = 1 ; on peut donc supposer que p est premier avec q . Posant z = p −s (de sorte que |z| < 1 si ℜs > 0), on considère la série entière (convergente) E (z) = Y χ (1 − χ(p)z)−1 = X a q (p k )z k . kÊ0 Prenant le logarithme, on a log(E (z)) = X χ log((1 − χ(p)z)−1 ) = X zk X = χ(p k ) = kÊ1 k χ XX χ kÊ1 X ϕ(q) kÊ1 p k ≡1(q) χ(p)k zk X X zk = χ(p k ) k k χ kÊ1 zk . k On voit donc que log(E (z)) est un série entière à coefficient positifs ou nuls ; comme E (z) = exp(log(E (z))) = 1 + log(E (z)) + (log(E (z)))l log(E (z))2 +···+ +... 2 l! on voit que les coefficients de E (z) sont eux aussi positifs ou nuls. Notons également que pour k = ϕ(q), p ϕ(q) ≡ 1(q) car (théorème de Lagrange) l’ordre d’un élément d’un groupe (ici p(mod q)) divise toujours l’ordre du groupe (ici (Z/q Z)× ). On voit donc que le coefficient d’ordre ϕ(q) de log(E (z)) vaut 1 et on en déduit que le coefficient d’ordre ϕ(q) de E (z) est Ê 1. Cela permettrait déjà d’en déduire que l’abscisse de convergence de L q (s) est Ê 1/ϕ(q). On va faire un peu mieux et calculer complètement L q (s). Soit e p l’ordre de p(mod q) dans (Z/q Z)× , on a log(E (z)) = ϕ(q) ϕ(q) X z e p k ϕ(q) − = log((1 − z e p )−1 ) = log((1 − z e p ) e p ) e p kÊ1 k ep et donc E (z) = 1 (1 − z e p ) ϕ(q) ep = (1 + z e p + z 2e p + . . . ) ϕ(q) ep , 4. NON-ANNULATION DES FONCTIONS L DE DIRICHLET AU POINT 1 49 et 1 L q,p (s) = (1 − p e1p s ) ϕ(q) ep X a q (p k ) = kÊ0 p ks . On en déduit que les a q (p k ) sont des entiers positifs ou nuls tels que a q (p k ) Ê 1 si k est un multiple de ϕ(q) et donc que pour tout entier n premier avec q , a q (n ϕ(q) ) Ê 1. Exercice(s) 4.21. Le but de cet exercice est de démontrer que L(1, χ) 6= 0 si χ n’est pas un caractère réel. On rappelle les formules Λ = µ ∗ log et X log nÉx x = O(x) n et la définition de S χ qui est trouvé à la section 3. (1) Montrer que S χ (x) = − log x + L(1, χ) X χ(a) x µ(a) log + O q (1). a a aÉx En déduire que S χ (x) = δχ log x + O q (1) avec si χ = χ0 1 δχ = 0 si χ 6= χ0 , L(1, χ) 6= 0 −1 si χ 6= χ0 , L(1, χ) = 0 (2) Utilisant P nÉx,n≡1 (mod q) Λ(n) n Ê 0, montrer que X δχ Ê 0. χ (3) Conclure. Exercice(s) 4.22. On veut compléter l’Exercice 4.21 en montrant que L(1, χ) 6= 0 si χ est réel. On suppose donc χ(n) ∈ {±1}, ∀(n, q) = 1. Écrivons τχ = 1 ∗ χ,Uχ (x) = X τχ (n) nÉx n 1/2 . (0) Montrer que τχ (n) Ê 0, ∀n ∈ N. (1) Montrer que 1 log(x) + O(1). 2 Indication : montrer que τχ (n 2 ) Ê 1, ∀n ∈ N. Uχ (x) Ê (2) Montrer que X n −1/2 = 2x 1/2 + c + O(x −1/2 ), nÉx avec c une constante absolue. (3) Rappelons que Proposition 4.16 nous dit que X χ(a) = L(1, χ) + O q (1/y) aÉy a 50 4. LE THÉORÈME DE LA PROGRESSION ARITHMÉTIQUE et X χ(a) aÉy a 1/2 = L(1/2, χ) + O q (y −1/2 ). Montrer que pour x, y, b fixés X χ(a) y<aÉx/b a 1/2 = O q ((x/b)−1/2 ) + O q (y −1/2 ). (4) Montrer que Uχ (x) = 2x 1/2 L(1, χ) + O(1). Indication : On utiliserait la méthode d’hyberbole (voir exercice 2.24). (5) Conclure. CHAPITRE 5 Le mémoire de Riemann Il y a 150 ans, en 1859, Riemann publia sont célèbre mémoire Uber die anzahl.... : dans ce mémoire, Riemann jette les bases de l’étude des propriétés analytiques de la fonction “zeta” ζ(s) = (5.1) X 1 Y 1 = (1 − s )−1 , ℜs > 1 s p p nÊ1 n en tant que fonction de la variable complexe et la relation entre celles ci et le problème du comptage des nombres premiers. Ainsi, Riemann mentionne une formule “explicite”, démontrée plus tard par von Mangolt reliant la fonction sommatoire de la fonction Λ, M Λ (x) = X Λ(n) nÉx à une somme sur les zéros de ζ(s). une formule asymptotique pour MΛ (x) quand x → +∞. Riemann montre que les zéros “non-triviaux” de ζ sont en nombre infini et donne une formule asymptotique de leur nombre. C’est également à cette occasion qu’il formule sa célèbre hypothèse l’hypothèse de Riemann qui prédit que les zéros non-triviaux sont tous situé sur la droite ℜes = 1/2. La preuve de cette hypothèse est un des problèmes les plus important des mathématiques : pour sa résolution, l’Institut américain Clay à promis une récompense de 1000000 USD à son auteur. Prolongement analytique. La fonction ζ(s) admet un prolongement méromorphe à C. Elle est holomorphe partout sauf en s = 1, ou elle admet un pôle simple de résidu égal à 1 Equation fonctionnelle. Soit Λ(s) := ζ∞ (s)ζ(s) avec ζ∞ (s) = π−s/2 Γ(s/2). Alors Λ(s) admet un prolongement analytique à C avec deux poles simples en s = 0, 1 et vérifie pour s 6= 0, 1 Λ(s) = Λ(1 − s). Dans cet énoncé, Γ(s) désigne la fonction Γ d’Euler Γ(s) = Exercice(s) 5.1. ∞ Z e −t t s 0 dt . t (1) En utilisant une IPP, montrer que Γ(s + 1) = sΓ(s), ℜ(s) > 0. En déduire que Γ(s) se prolonge en une fonction méromorphe sur C. Trouver les pôles et les résidus. 51 52 5. LE MÉMOIRE DE RIEMANN (2) Considérons l’intégrale n³ Z I (n, s) = 0 1− u ´n s−1 u d u, ℜ(s) > 0. n Montrer que I (n, s) = n s n! , ℜ(s) > 0. s(s + 1) · · · (s + n) lim I (n, s) = Γ(s). n→∞ En déduire la formule d’Euler-Gauss s(s + 1) · · · (s + n − 1) 1 = lim . Γ(s) n→∞ (n − 1)!n s (3) Rappelons la constante d’Euler γ. Montrer que l’on a ¶ µ ∞ ³ Y s´ 1 1 −s 1+ =s , ℜ(s) > 0. 1+ Γ(s) n n n=1 ∞ ³ Y 1 s ´ −s/n = se γs 1+ e . Γ(s) n n=1 Montrer aussi que le membre à droite de la dernière équation converge pour tout s ∈ C, donc définit une fonction holomorphe. En particulier, Γ(s) ne s’annule jamais. (4) Rappelons la formule ¶ ∞ µ Y sin πs s2 1− 2 . =s π n n=1 Montrer que l’on a sin πs 1 = . Γ(s)Γ(1 − s) π p En déduire Γ(1/2) = π. (5) (Formule de duplication) Montrer que l’on a Γ(1/2)Γ(2s) = 22s−1 Γ(s)Γ(s + 1/2). Exercice(s) 5.2. On veut obtenir une formule asymptotique de type Stirling de la fonction gamma. Admettons la formule d’Euler-Maclaurin sous la forme générale X x Z f (n) = nÉx 1 f (t )d t + l X j (−1) ψ j (t ) f ( j −1) x+ (t )|1− + (−1)l +1 x Z j =1 1 ψl (t ) f (l ) (t )d t , avec les fonctions ψl déterminées par ψ1 (t ) = {t } − 1/2; Z t Z 1 ψl +1 (t ) − ψl +1 (0) = ψl (u)d u, ψl +1 (t )d t = 0. 0 Ici, la notation g (t )|b+ a− 0 signifie g (t )|b+ a− = g (b+) − g (a−) = lim g (t ) − lim g (t ). t →b,t >b t →a,t <a 5. LE MÉMOIRE DE RIEMANN 53 (1) Montrer que, pour s en dehors de la semi-droite {s ∈ R : s É 0}, on a 1 1 log Γ(s) = (s − ) log s − s + log 2π + Ω1 (s), 2 2 où log Γ(s) est défini par 1 s(s + 1) · · · (s + n − 1) , = lim n→∞ Γ(s) (n − 1)!n s et où ψ2 (0) − ψ2 (u) d u. (u + s)2 0 Z ∞ 1 ψ2 (u) 1 d u. log 2π = 1 − + 2 12 u2 1 Ω1 (s) = Indication : Z ∞ Indication de l’indication : on utilisera la formule de duplication et puis le fait que Ω1 (x) = O(1/x). (2) Soit s = ρe i ϕ avec ρ > 0, −π < ϕ < π. Montrer que l’on a la majoration |Ω1 (s)| É 1 8 ∞ Z 0 ³ du ϕ ´−2 É cos /(8ρ). |s + u|2 2 (3) Soient a É b deux nombre réels, |t | Ê 1. Alors, pour a É σ É b et |t | → +∞ on a uniformément Γ(s) = p 1 π iπ 2πe − 2 |t | |t |σ−1/2 e i t (log |t |−1) e sg n(t ) 2 (σ− 2 ) (1 + O a,b (|t |−1 )). On a vu que, compte-tenu de la factorisation en produit eulérien (5.1), ζ(s) ne s’annule pas pour ℜs > 1. Comme Γ(s) ne s’annule pas sur C, on déduit de l’équation fonctionnelle précèdente que Λ(s) ne s’annule pas pour ℜs < 0 ou ℜs > 1. En revanche comme Γ(s/2) a des pôles simple aux entiers négatifs pairs, ζ(s) s’annule à l’ordre 1 en s = −2, −4, . . . . Ces zéros sont appelés les zéros triviaux de ζ, et les zéros non-triviaux de ζ sont les zéros de Λ(s) et ils sont contenus dans la bande critique {s ∈ C, ℜs ∈ [0, 1]}. Riemann a donné une formule asymptotique pour les compter : Comptage des Zeros. Pour T Ê 0, soit N (T ) = |{ρ = β + i t , ζ(ρ) = 0, β ∈ [0, 1], |t | É T }| le nombre de zéros non-triviaux de hauteur É T . On a N (T ) = T T log( ) + O(log(2 + |T |)). π 2π Cette formule de comptage peut être déduite de la formule suivante qui relie les zeros de ζaux nombres premiers : Formule explicite. Soit f ∈ Cc∞ (R>0 ) et +∞ Z fe(s) = 0 f (x)x s dx x sa transformée de Mellin. Soit fˇ(x) = x −1 f (x −1 ). On a l’identité Z X ¡ ζ0∞ ¢ ζ0 1 ˇ e ( f (n) + f (n))Λ(n) = f (1) + (s) + ∞ (1 − s) fe(s)d s − 2πi ζ∞ ζ∞ nÊ1 (1/2) X ζ(ρ)=0 ℜρ∈[0,1] fe(ρ). 54 5. LE MÉMOIRE DE RIEMANN Dans ce chapı̂tre et les suivants nous établissons les différents points du mémoire de Riemann en les généralisant aux fonctions L des caractères de Dirichlet. CHAPITRE 6 L’équation fonctionnelle 1. Quelques transformations intégrales La théorie de Fourier décrit la structure de l’espaces des fonctions sur la droite rélle R en tentant compte du fait que (R, +) est un groupe commutatif pour l’addition. Elle permet d’écrire les fonctions 1 de R comme ”combinaison linéaire” de fonctions adaptées à la structure de groupe, les caractères dont nous avons rencontrer des examples quand nous avons parlé des groupes abéliens finis. 1.1. Les caractères de R. Définition 6.1. Soit (G, +) un groupe abélien topologique (un groupe abélien muni d’une structure d’espace topologique pour laquelle l’addition + : (x 1 , x 2 ) → x 1 + x 2 et l’inversion [−1] : x → −x sont continues), l’ensemble des caractères de G est l’ensemble Homc (G, C× ) des homomorphismes de groupes continus de G vers (C× , ×). Cet ensemble est un groupe commutatif pour la multiplication des fonctions. Un caractère est unitaire si il est à valeurs dans le cercle unité C(1) = {z ∈ C× , |z| = 1}. On note Gb the sous-groupe des caractères unitaires. Remarque 6.2. Si G est compact alors tout caractère est unitaire : soit ψ un caractère alors ψ(G) est un sous-groupe compact de C× et est donc contenu dans C(1) (s’il existe z ∈ ψ(G) tel que |z| 6= 1 alors pour tout n ∈ Z, z n ∈ ψ(G) mais z n → 0 ou +∞ suivant que |z| < 1 ou |z| > 1.) Théorème 6.3. L’application y ∈ C 7→ ψ y : x 7→ e(x y) est un isomorphisme de groupes (C, +) ' Homc (R, C× ). la restriction de cette application à R est un isomorphisme de groupes b. (R, +) ' R Démonstration. Il est clair que cette application est un morphisme de groupes injectif : si y est tel que pour tout x , x 7→ e(x y) = 1 alors y doit être nul car sa dérivée (en x ) vaut 2πi ye(x y) = 0. Montrons qu’elle est surjective : soit ψ ∈ Homc (R, C× ) et Ψ(x) = Z x 0 ψ(t )d t sa primitive (ψ est continue donc intégrable), on a Ψ(x + y) = x+y Z 0 ψ(t )d t = x Z 0 ψ(t )d t + 1. au moins celles qui sont suffisament régulières 55 y Z 0 ψ(x + t )d t = Ψ(x) + ψ(x)Ψ(y). 56 6. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE Fixons y tel que Ψ(y) 6= 0 (un tel y existe sinon Ψ0 (y) = ψ(y) = 0 ce qui est impossible), on dédui de l’identité précédente que x → 7 ψ(x) est dérivable et que ψ(x + y) = ψ(x)ψ(y) = ψ(x) + ψ0 (x)Ψ(y) et donc ψ0 (x) ψ(y) − 1 = ψ(x) Ψ(y) et donc posant u = ψ(y)−1 Ψ(y) on voit que ψ(x) = C exp(ux) et de plus on a C = 1 en évaluant l’égalité précédente en x = 0. Corollaire 6.4. L’application n ∈ Z 7→ ψn : x 7→ e(nx) est un isomorphisme de groupes (Z, +) ' Homc (R/Z, C× ) = R /Z. Démonstration. L’égalité Homc (R/Z, C× ) = R /Z tient au fait que R/Z est compact (cf. la remarque ci-dessus). Soit ψ ∈ R/Z alors ψ définit un caractère unitaire sur R qui vaut 1 sur Z et est donc de la forme ψ(x) = e(nx) avec n ∈ R. Comme ψ(1) = 1 = exp(2πi n) on a que n ∈ Z. Le reste suit. 1.2. La classe de Schwartz. On dit qu’une fonction f : R → C appartient à la classe de Schwartz, S (R), si f ∈ C ∞ (R) et que f et toutes ses dérivées sont à décroissance rapide : c’est à dire, pour tout A Ê 0 et tout entier j Ê 0 f ( j ) (x) ¿ j ,N (1 + |x|)−A . 1.3. Transformée de Fourier. On note e(x) := exp(2πi x) ; soit f ∈ S (R), la transformée de Fourier de f est la fonction Z f (x)e(−x y)d x. fb : y → R Comme f est à décroissance rapide, on voit que l’intégrale précédente converge absolument uniformement sur R et qu’elle définit une fonction infiniment dérivable et ses dérivées valent (6.1) fb( j ) (y) = Z j f (y), avec M f : x → (−2πi x) f (x). (−2πi x) j f (x)e(−x y)d x = M R Notons également que par intégration par parties, on a pour y 6= 0 (6.2) fb(y) = 1 2πi y Z f 0 (x)e(−x y)d x = 1 b0 f (y), 2πi y et en itérant, on obtient pour tout j Ê 1 1 jd fb(y) = ( ) f ( j ) (y). 2πi y Ce calcul est justifié par la décroissance rapide des dérivées de f . Ainsi pour |y| Ê 1 , on a pour tout j Ê 0 Z fb(y) ¿ j |y|− j | f ( j ) (x)|d x ¿ j , f |y|− j , 1. QUELQUES TRANSFORMATIONS INTÉGRALES 57 ainsi fb(y) est à décroissance rapide. Comme pour tout j Ê 0, M j f ∈ S (R), en utilisant (6.1), on voit que ses dérivées la sont également : en d’autres termes Proposition 6.5. la transformée de Fourier envoie S (R) dans S (R). 1.3.1. Comportement de la transformée de Fourier par translations. Soit h ∈ R, on note [+h] l’action de “translation par h ” sur l’espace des fonctions sur R [+h] f : x 7→ f (x + h). L’espace de Schwartz, S (R), est invariant par [+h] et vérifie (par changement de variable) la formule suivante f (y) = e(−h y) fb(y). [+h] En particulier en considérant la transformée de Fourier du quotient [+h] f (x) − f (x) f (x + h) − f (x) = h h et en passant à la limite, on obtient (6.2) d f 0 (y) = (2πi y) fb(y). (6.3) et pour tout j Ê 0 f ( j ) (y) = (2πi y) j fb(y). (6.4) 1.3.2. Comportement de la transformée de Fourier par homothéties. Soit λ ∈ R× , on note [×λ] “l’homothétie de rapport λ” sur l’espace des fonctions sur R [×λ] f : x 7→ f (λx). Alors, par changement de variable, on a pour f ∈ S (R), f (y) = 1 fb(y/λ) = 1 [×λ−1 ] fb(y). [×λ] |λ| |λ| 1.3.3. Formule d’inversion de Fourier. C’est l’un des résultat les plus important de la théorie de la transformée de Fourier : pour f ∈ S (R) (6.5) b = f −1 , i e. fb b(x) = f (−x) fb 2 1.3.4. Transformée de la Gausienne. Soit f (x) = e−πx alors (6.6) fb(y) = f (y). 1.4. Formule de Poisson. Proposition 6.6. Soit f ∈ S (R) une fonction dans la classe de Schwartz. On a la formule de Poisson : pour u ∈ R X X f (n + u) = n∈Z fb(n)e(nu). n∈Z Preuve. Posons f Z (u) := X f (n + u). n∈Z Comme f ∈ S (R), la série qui définit f Z converge uniformement ainsi que la série construite à partir des dérivées de f : on en déduit que f Z ∈ C ∞ (R). De plus f Z est périodique de période 1. Ainsi par décomposition de Fourier on a f Z (u) = X n∈Z c f Z (n)e(nu) 58 6. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE avec 1 Z c f Z (n) = 0 1 Z = X ( 0 X Z 1 Z f Z (u)e(−nu)d u = X ( 0 f (m + u))e(−nu)d u m∈Z f (m + u)e(−n(u + m)))d u = m∈Z m+1 m∈Z m X Z 1 m∈Z 0 f (m + u)e(−n(u + m))d u f (u)e(−nu)d u = fb(n) On va utiliser cette formule pour analyser la fonction sommatoire d’une fonction dans les progressions arithmétiques : Corollaire 6.7. Soit q, a ∈ Z, q 6= 0, on a X f (n) = n≡a (mod q) an 1 X bn f ( )e( ). q m∈Z q q Preuve. On a X f (n) = n≡a (mod q) X X f (qn + a) = n∈Z f (q(n + n∈Z X a a )) = [×q] f (n + ) q q n∈Z X n an f (n)e( an ) = 1 = [×q] fb( )e( ). q q n∈Z q q n∈Z X Exercice(s) 6.8. Cet exercice est dû à Stein et Shakarchi, livre 1, chapitre 5. (1) Soit f et g les fonctions sur R définissent par f (x) = ( 1 si |x| É 1 sinon 0 et g (x) = ( 1 − |x| 0 si |x| É 1 sinon. Montrer que sin(2πξ) fb(ξ) = πξ et µ gb(ξ) = sin(πξ) πξ ¶2 avec fb(0) = 2 et gb(0) = 1. (2) Soit α ∈ R − Z. Utiliser la fonction g au-dessus et la formule de Poisson pour montrer que 1 π2 = . 2 (sin πα)2 n=−∞ (n + α) ∞ X On admet la formule d’inversion pour g . 2. TRANSFORMÉE DE MELLIN 59 (3) Montrer que 1 π = (n + α) tan πα n=−∞ ∞ X quand α ∈ R − Z. Indication : Tout d’abord prouver-le dans le cas où 0 < α < 1. Que veut dire précisement la série sur le côté gauche de la formule en haut ? Evaluer-la en α = 1/2. 2. Transformée de Mellin Soit f ∈ C ∞ (RÊ0 ) une fonction qui quand x → +∞ est à décroissance rapide ainsi que toutes ses dérivés ; la transformée de Mellin de f est définie pour ℜs > 0 par Z f (x)x s d × x. fe(s) = R>0 Dans cette égalité, on a posé d × x := dx ; x notons que cette mesure est invariante par les translation de (R>0 , ×) x 7→ y x . L’integrale fe(s) converge en 0 car ℜs > 0 et en ∞ car f décroit rapidement. La convergence est uniforme sur les compacts de ℜs > 0 et définit une fonction holomorphe de s . Notons que si f vérifie f (x) = O(x N ) (quand x → 0) alors fe(s) définit une fonction holomorphe pour ℜs > −N . Par intégration par parties, on a fe0 (s) = −(s − 1) fe(s − 1). (6.7) En particulier comme fe0 (s) est définie pour ℜs > 0, cela définit par prolongement analytique R∞ fe(s) pour ℜs > −1 avec un pole simple en s = 0 de résidu − fe0 (1) = − 0 f 0 (y)d y = f (0). Si de plus f s’annule en 0 alors fe(s) est holomorphe pour ℜs > −1 et plus généralement, si toutes ses dérivées de f jusqu’à l’ordre n Ê 0 s’annulent en 0 alors fe(s) est holomorphe pour ℜs > −(n +1). Par ailleurs l’itération de (6.7) implique (−1)n (n) (s + n) fg s(s + 1) . . . (s + n − 1) implique que pour tout n Ê 0, |ℜs| É σ et |ℑs| Ê 1 on a 1 (6.8) | fe(s)| ¿σ, f ,n . (|s|)n fe(s) = 2.1. Exemple : la fonction Γ. La fonction Γ est par définition la transformée de Mellin de la fonction x 7→ exp(−x) : −x (s) = Γ(s) := eg ∞ Z e −x x s d × x. 0 Cette fonction vérifie pour ℜs > 0 sΓ(s) = Γ(s + 1). Γ(n + 1) = n!. Ainsi Γ(s) admet un prolongement holomorphe à C avec des poles en s = −n , n ∈ N de résidus (−1)n /n!. 2.2. Homotheties. Soit λ > 0, on a f (s) = λ−s fe(s). [×λ] 60 6. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE 2.3. Transformée de Mellin et Transformée de Fourier. Soit f ∈ Cc∞ (R>0 ), on définit g ∈ Cc∞ (R) par changement de variable f (y) = g (log y), g (x) = f (exp(x)) En particulier fe(s) définit une fonction holomorphe sur C. On a, posant s = σ + i t ∞ Z fe(s) = 0 +∞ Z = +∞ Z g (log y) exp(s log y)d y/y = g (x) exp(σx)e( −∞ g (x) exp(sx)d x −∞ xt t )d x = g á exp(σx)( ). 2π 2π En particulier, utilisant (6.5), on obtient Z Z gá exp(σx)( fe(σ + i t )d t = R R t )d t = 2πg exp(0) = 2π f (1) 2π que l’on peut encore écrire 1 2πi Z fe(s)d s = f (1). (σ) Remplaçant f par f y , on obtient la Formule d’inversion de Mellin : pour tout y > 0 et tout σ∈R Z 1 2πi fe(s)y −s d s = f (y). (σ) Notons que cette formule reste valable pour tout f ∈ S (R) si on suppose que σ > 0. Exercice(s) 6.9. Pour chaque fonction en bas, calculer sa transformée de Mellin fe(s) et déterminer oú sont les pôles de ses prolongements meromorphiques. Montrer la borne dans les bandes verticales au-dessous. (1) Soit ℜ(s) > 0 et soit ( 1 si t ∈ [0, 1] f (t ) = 0 si t > 1. Montrer que fe(s) ¿σ |s|−1 . (la constante peut dépendre sur ℜ(s) = σ.) (2) Soit s ∈ C et soit ( 1 si t ∈ [1, 2] f (t ) = 0 sinon . Montrer que fe(s) ¿σ |s|−1 . (la constante peut dépendre sur ℜ(s) = σ.) (3) Soit ℜ(s) > 0 et soit ( 1−t si t ∈ [0, 1] f (t ) = 0 si t > 1. Montrer que fe(s) ¿σ |s|−2 . (la constante peut dépendre sur ℜ(s) = σ.) (4) Soient 0 < ℜ(s) < 1 et f (t ) = cos(t ). Montrer que ³ s´ fe(s) = Γ(s) cos π 2 et fe(s) ¿σ |s|σ−1/2 . (la constante peut dépendre sur ℜ(s) = σ.) Indication : Utiliser le théorème des résidus de l’analyse complexe, et le théorème de Stirling qu’on a montré dans l’exercice 5.2. 2. TRANSFORMÉE DE MELLIN 61 (5) Soient −1 < ℜ(s) < 1 et f (t ) = sin(t ). Montrer que ³ s´ fe(s) = Γ(s) sin π 2 et fe(s) ¿σ |s|σ−1/2 . (la constante peut dépendre sur ℜ(s) = σ.) Indication : Utiliser le théorème des résidus de l’analyse complexe, et le théorème de Stirling qu’on a montré dans l’exercice 5.2. Exercice(s) 6.10. Soit f (t ), t > 0 une fonction bornée, nulle au voisinage de 0 et localement intégrable. Sa transformée est définé par ∞ Z fe(s) = f (t )t s 0 dt t quand ℜ(s) < 0. Suppons même que fe(s) admet un prolongement analytique dans un voisinage du demi-plan {s, ℜ(s) É 0}. (1) Pour chaque T > 0, posons T Z feT (s) = f (t )t s 0 dt . t Montrer que feT (s) est bien définie pour tout s ∈ C. (2) Soient R > 0 grand, et δ > 0 petit, et C la borne de la région {s ∈ C : |s| = R, ℜ(s) É δ}, tels que fe(s) soit holomorphe sur et à l’intérieur de C . Expliquer pourquoi on a 1 fe(0) − feT (0) = 2πi µ ¶ s2 d s ( fe(s) − feT (s))T −s 1 + 2 . R s C Z (3) Soit C + = C ∩ {s : ℜ(s) < 0}. Montrer que sur C + on a BT ℜ(s) | fe(s) − feT (s)| É , |ℜ(s)| avec B = supt Ê0 | f (t )|. En déduire que | 1 2πi µ ¶ s2 d s B ( fe(s) − feT (s))T −s 1 + 2 |É . R s R C+ Z (4) Soit C − = C ∩ {s : ℜ(s) > 0}. Montrer que 1 | 2πi Z C− 1 lim T →∞ 2πi µ ¶ s2 d s B −s e f T (s)T 1+ 2 |É , R s R Z C− µ ¶ s2 d s −s e f (s)T 1+ 2 = 0. R s (5) Conclure que ∞ Z f (t ) 0 existe et est égale à fe(0). dt t 62 6. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE 3. L’équation fonctionnelle de la fonction ζ de Riemann Théorème. Soit Λ(s) = ζ∞ (s)ζ(s) ζ∞ (s) = π−s/2 Γ(s/2), ℜs > 1. Cette fonction se prolonge méromorphiquement à C, est holomorphe sur holomorphe sur C − {0, 1} et a des pôles simples en s = 0, 1 ; elle vérifie l’équation fonctionelle Λ(s) = Λ(1 − s). En particulier, la fonction ζ(s) = nÊ1 n1s , ℜs > 1 se prolonge en une fonction méromorphe sur C, holomorphe sur C − {1}, avec un pôle simple en s = 1 de résidu 1. Elle vérifie l’équation fonctionnelle ³ ´ P ζ(s) = 2s πs−1 sin πs Γ(1 − s)ζ(1 − s). 2 Preuve. La deuxième partie concernant ζ(s) résulte de la première et du fait que ζ∞ (s) ne s’annule pas sur C et a un pôle simple en s = 0. Le principe de la preuve de la première partie consiste à faire apparaı̂tre la série ζ(s), via la propriété d’invariance par homothétie de la transformée de Mellin §2.2. Plus précisément soit f ∈ S (R) et ℜs > 1, on a pour tout n Ê 1, f (s) = fe(s)n −s [×n] et donc fe(s)ζ(s) = X f f n (s) = nÊ1 XZ f (nx)x s d × x = Z ( nÊ1 R>0 X f (nx))x s d × x. R>0 nÊ1 Dans la derniére égalité, l’intervertion de la somme et de l’intégrale est justifiée car pour tout x > 0 et tout A Ê 2 X X (1 + nx)−A ¿ A min(x −1 , x −A ) | f (nx)| ¿ A nÊ1 nÊ1 comme on le voit en distinguant les cas x < 1 et x Ê 1 ; ainsi la double somme est absolument uniformément convergente dans toute bande verticale {s ∈ C, ℜes ∈ [a, b]} avec 1 < a É b . En fait l’intégrale précédente est absolument convergente en +∞ pour tout s ∈ C mais pourrait diverger en 0 si ℜs < 1. On subdivise donc l’intégrale en deux intégrales 1 Z Z ··· = R>0 0 ∞ Z ···+ ··· 1 Dans la première, on fait le changement de variable x ↔ 1/x , on obtient alors ∞ Z fe(s)ζ(s) = X ( 1 f (n/x))x −s d × x + nÊ1 ∞ Z ( 1 X f (nx))x s d × x. nÊ1 Supposons f paire ; on a alors X nÊ1 f (n/x) = 1 X 1 f (n/x) − f (0) 2 n∈Z 2 appliquant la formule de Poisson au premier terme et appliquant §1.3.2 avec λ = 1/x , on obtient X 1 fb(nx). f (n/x) = ( fb(0)x − f (0)) + x 2 nÊ1 nÊ1 X On a ∞ Z 1 1 b 1 fb(0) f (0) ( f (0)x − f (0))x −s d × x = − ( + ) 2 2 1−s s 3. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE DE LA FONCTION ζ DE RIEMANN 63 et donc (6.9) Z ∞ X Z ∞ X 1 fb(0) f (0) ( fb(nx))x 1−s d × x. ( f (nx))x s d × x + fe(s)ζ(s) = − ( + )+ 2 1−s s 1 1 nÊ1 nÊ1 Comme f et fb sont à décroissance rapide quand x → +∞, on a pour tout A Ê 0 et tout x Ê 1 X f (nx), nÊ1 X fb(nx) ¿ A x −A nÊ1 et les deux intégrales précédentes convergent absolument et uniformément dans tout bande verticale {s ∈ C, ℜes ∈ [a, b]}, avec a < b ∈ R ; ces integrales définissent donc des fonctions holomorphes sur C. Ainsi la fonction s 7→ fe(s)ζ(s) admet un prolongement méromorphe à C, holomorphe sur C−{0, 1} et avec au plus deux pôles simples en s = 0, 1. D’autre part si on remplace f par fb et s par 1 − s dans l’identité précédente et qu’ on utilise que b(x) = f (−x) = f (x), fb on obtient une equation fonctionnelle Théorème 6.11. Soit f ∈ S (R), paire, alors la fonction définie pour ℜs > 1 s → f˜(s)ζ(s) admet un prolongement mésomorphe à C avec au plus deux pôles simples en s = 0, 1 de résidus en s = 0, s = 1 − f (0)/2, fˆ(0)/2 et vérifie l’équation fonctionnelle b(1 − s)ζ(1 − s). fe(s)ζ(s) = fe En particulier, si f est telle que fb = f , on obtient fe(s)ζ(s) = fe(1 − s)ζ(1 − s). Un exemple d’une telle fonction est la Gausienne f (x) = exp(−πx 2 ) (6.10) qui vérifie 1 1 ã fe(s) = π−s/2 exp(−y)(s/2) = π−s/2 Γ(s/2). 2 2 Exercice(s) 6.12 (Heilbronn 1938). 1 2πi Z c+i ∞ c−i ∞ 1) Montrer que pour tout c > 1 et x > 0, ζ(s)Γ(s/2)(πx)−s/2 d s = 2 ∞ X n=1 2 e −πn x . 64 6. L’ÉQUATION FONCTIONNELLE 2) On définit pour ℑ(z) > 0 la fonction theta θ(z) = X e(n 2 z/2). n∈Z Montrer que pour ℜ(z) = 0, ¶ −1 θ(z) = θ . z (−i z)1/2 1 µ La fonction θ(z) est un exemple d’une forme modulaire. Indication : Utiliser l’équation fonctionelle. CHAPITRE 7 La factorisation d’Hadamard Dans ce chapı̂tre, on établit un formule (dite de factorisation de Hadamard) qui exprime les fonctions L comme un produit infini indexé par leurs zéros. En fait cette factorisation est valable pour un classe très générale de fonctions holomorphe : celles d’ordre É 1. 1. Fonctions d’ordre borné Définition 7.1. Soit α Ê 0, Une fonction f : s → f (s) holomorphe sur C est dite d’ordre borné si il existe une constante α Ê 0 telle que, pour tout s ∈ C et tout ε > 0, on a | f (s)| ¿ε, f exp(|s|α+ε ). On dira que f est d’ordre É α. On dira que f est d’ordre α, si elle est d’ordre É α mais pas d’ordre É α0 pour tout α0 < α. Exemple(s) 7.2. Un polynôme est une fonction d’ordre 0. La fonction exponentielle s → exp(s) est d’ordre 1. Plus généralement, une fonction de la forme s → exp(P (s)) avec P un polynôme est d’ordre degP . Le dernier exemple est une fonction d’ordre α = deg(P ) qui ne s’annule pas sur C ; on a la réciproque suivante : Lemme 7.3. Une fonction d’ordre É α qui ne s’annule pas sur C est de la forme f (s) = exp(P (s)) avec P un polynùme de degrè É α. Preuve. Puisque f (s) ne s’annule pas, la fonction logarithme g (s) = log( f (s)) est bien définie et holomorphe sur C. Considérons son développement de Taylor en s = 0 g (s) = X cn s n nÊ0 on va montrer que c n = 0 si n > α ce qui donnera le résultat. On a pour R > 0 (formules de Cauchy) Z cn = Par hypothèse, on a 1 Rn g (R.e(x))e(−nx)d x. [0,1] ℜg (s) = log | f (s)| É C ε, f R α+ε , |s| É R; supposons que l’on ait la majoration plus forte |g (s)| ¿ε, f R α+ε , |s| É R, alors, on aurait |c n | ¿ε, f R α+ε−n 65 66 7. LA FACTORISATION D’HADAMARD qui impliquerais la conclusion recherchée. Malheureusement on ne dispose que d’une majoration de la partie réelle de g (s) ; cela va nous obliger à quelques contortions : on décompose c n en sa partie réelle et sa partie imaginaire, c n = an + i bn . Posant s = R.e(x) on a ℜg (s) = a n R n cos(2πnx) − X nÊ0 b n R n sin(2πnx) X nÊ1 et ainsi an R n = 2 Z [0,1] ℜg (s) cos(2πnx)d x et donc Z n |a n |R É 2 Z [0,1] |ℜg (R.e(x))|d x = 2 en effet Z 2 [0,1] On note que [0,1] ¡ ¢ |ℜg (R.e(x))| + ℜg (R.e(x)) d x − 2a 0 , ℜg (R.e(x))d x = 2a 0 . |ℜg (R.e(x))| + ℜg (R.e(x)) = 2max(0, ℜg (R.e(x))) É C ε, f R α+ε et donc, pour n > α |a n | É (R α+ε−n + 2|a 0 |R −n ) → 0 R → +∞. Le même raisonnement ( en remplaçant cos(2πnx) par sin(2πnx)) montre que pour n > α, b n = 0 et ainsi c n = 0. Remarque 7.4. Notons que la conclusion du Lemme 7.3 reste valide si la condition suivante (et a priori plus faible) sur f est satisfaite : Il existe une suite de réels positifs (R n )nÊ0 vérifiant R n → +∞, n → +∞ et telle que pour tout n Ê 0, tout ε > 0, et tout s ∈ C de module |s| = R n , on ait f (s) ¿ f ,ε exp(|s|α+ε ). En fait, par le principe du maximum, cette dernière condition implique que f est d’ordre au plus α. 2. Première estimation des zéros Pour R > 0, notons Z ( f , R) := {ρ ∈ C, f (ρ) = 0, |ρ| É R} ⊂ Z ( f ) := {ρ ∈ C, f (ρ) = 0}, l’ensemble des zéros de f contenus dans le disque de rayon R et l’ensemble de tous les zéros de f dans C. Dans la suite, la convention suivante sera commode : étant donné k : Z ( f ) → C une fonction définie sur Z ( f ), les expressions X " k(ρ)", " ρ∈Z ( f ,R) Y k(ρ)" ρ∈Z ( f ,R) seront utilisées comme raccourcit pour la somme et le produit suivant X m(ρ)k(ρ), ρ∈Z ( f ,R) k(ρ)m(ρ) Y ρ∈Z ( f ,R) où m(ρ) est l’ordre d’annulation de f en ρ (ou encore la multiplicité de ρ ). En particulier, la notation X N ( f , R) := 1 ρ∈Z ( f ,R) 2. PREMIÈRE ESTIMATION DES ZÉROS 67 désignera le nombre de zéros de f de module É R compté avec multiplicité. Théorème 7.5. Soit f une fonction d’ordre É α ; pour tout R , et tout ε > 0, on a la majoration N ( f , R) ¿ε, f R α+ε . En particulier la série 1 α+ε ρ∈Z ( f ) 1 + |ρ| X converge. La preuve utilise la formule suivante : Proposition (formule de Jensen). Soit R > 0 et f une fonction holomorphe dans un voisinage du disque {s ∈ C, |s| É R}. Supposons que f ne s’annule ni en 0 ni sur le cercle de rayon R , {s ∈ C, |s| = R} ; on a l’égalité Z [0,1] log | f (R.e(t ))/ f (0)|d t = log Y R X R = log |ρ| |ρ| ρ ρ où ρ parcourt l’ensemble des zéros de f de module É R (comptés avec multiplicité). Preuve. On factorise f (s) en f (s) = F (s) Y ρ (s − ρ) avec F (s) une fonction holomorphe et ne s’annulant pas pour |s| É R . On a alors log | f (s)/ f (0)| = log |F (s)/F (0)| + X ρ log |(s − ρ)/ρ| et il suffit de montrer l’égalité de l’énoncé pour chaque terme de la somme ci-dessus. Pour le premier terme on a log |F (s)/F (0)| = ℜ log F (s)/F (0) et log F (s)/F (0) est une fonction holomorphe au voisinage du disque de rayon R et qui s’annule au point s = 0, le fait que R log(F (R.e(t ))/F (0))d t = 0 résulte du théorème des résidus. Pour les autres termes on re[0,1] marque que log |(Re(t ) − ρ)/ρ| = log(R/|ρ|) + log |1 − R ρ e(t )| R ρ ρ et le fait que [0,1] log |1 − R e(t )|d t = 0 résulte du fait que la fonction s → log(1 − R s) est une fonction holomorphe au voisinage du disque unité s’annulant en 0. Preuve. (du théorème 7.5) On peut toujours supposer que f (0) 6= 0 quitte à remplacer f (s) par f (s)/s m pour m Ê 0 un entier convenable (la nouvelle fonction reste d’ordre É α). Soit R > 0, quitte à remplacer R par R 0 avec R 0 − R ∈ [0, 1], on peut supposer que f ne s’annule pas sur le cercle de rayon 2R . Soit ρ ∈ Z ( f , R) alors log(2R/|ρ|) Ê log 2 et donc la formule de Jensen nous donne alors que (log 2)N ( f , R) É X |ρ|ÉR log(2R/|ρ|) É X |ρ|<2R Z log(2R/|ρ|) = [0,1] log | f (2R.e(t ))/ f (0)|d t . Comme f est d’ordre É α, cette dernière intègrale est majorée par ¿ε (2R)α+ε pour tout ε > 0. 68 7. LA FACTORISATION D’HADAMARD Théorème 7.6 (Factorisation de Hadamard). Soit f (s) une fonction holomorphe d’ordre au plus 1 telle que f (0) 6= 0, alors on a Y f (s) = A exp(bs) (1 − ρ∈Z ( f ) s s/ρ )e ρ 0 avec A = f (0), b = f (0)/ f (0) et le produit est uniformément convergent sur les compacts de C. Preuve. soit K ⊂ C un compact ; K ∩ Z ( f ) est fini et pour s ∈ K et ρ 6∈ K un zéro, on a (1 − s s/ρ 1 )e = 1 + O K ( 2 ). ρ |ρ| Comme la série ρ |ρ|1 2 converge, on en déduit la convergence du produit infini uniformément sur tout compact de C. Considérons le produit infini P Y h(s) = (1 − ρ∈Z ( f ) s s/ρ )e ; ρ par construction la fonction f (s)/h(s) est holomorphe et ne s’annule pas sur C. Nous allons maintenant montrer que le quotient est une fonction d’ordre au plus 1, d’après le Lemme 7.3, cela impliquera que f (s)/h(s) = exp(a +bs) et on pourra conclure. Plus précisément nous allons montrer que f /h vérifie la condition de la Remarque 7.4. D’après le théorème 7.5, il existe n 0 tel que pour tout n Ê n 0 , il existe R n ∈ [n, n+1[ vérifiant pour tout zéro ρ ∈ Z ( f ) ||ρ| − R n | Ê 1/(4n 2 ). (7.1) En effet il suffit de décomposer l’anneau d’épaisseur 1 {s ∈ C, |s| ∈ [n, n + 1[} en 2(n+1)2 sous-anneaux disjoints d’épaisseur 1/(2(n+1)2 ). Si chacun de ces anneaux contenait un zéro de f , le disque de rayon n +1 contiendrait au moins Ê 2(n +1)2 zéros ce qui contredirait le théorème 7.5 pour n assez grand... Soit n Ê n 0 + 100 et s tel que |s| = R n , on veut minorer |h(s)|, pour cela il suffit de majorer log(|h(s)|−1 ) = − X ρ log |(1 − s s/ρ )e | ρ et on dècompose la somme en trois parties log(|h(s)|−1 ) = − X ···− |ρ|É|s|−1 X ···− |ρ|−|s|∈]−1,1] X ... |ρ|Ê|s|+1 Soit ρ apparaissant dans le premier terme, on a − log |(1 − s s/ρ s s |s| )e | = − log |1 − | − ℜ( ) É log R n + ρ ρ ρ |ρ| et donc le premier terme est majoré par X |ρ|ÉR n −1 log R n + X R n1+ε Rn ¿ε N ( f , R n ) log R n + ¿ε R n1+ε ; 1+ε |ρ| |ρ|ÉR n −1 |ρ| Dans cette majoration on a utilisé le fait que pour ε > 0 | Rn Rn Rn | Ê 1 ⇒ | |1+ε Ê | |. ρ ρ ρ 2. PREMIÈRE ESTIMATION DES ZÉROS 69 Le second terme est majoré en valeur absolue par log(R n3 ) ¿ε, f R n1+ε . X |ρ|−|s|∈]−1,1] car pour de tels ρ , on a par (7.1) R n−3 ¿ |(1 − s s/ρ )e | ¿ 1 ρ Le troisième terme est majoré en valeur absolue par X log(1 + O( |ρ|Ê1+R n X X |s|2 )) ¿ R n2 /|ρ|2 É R n1+ε 1/|ρ|1+ε ¿ε R n1+ε 2 |ρ| |ρ|Ê1+R n |ρ|Ê1+R n (comme |s|/|ρ| < 1 on l’obtient en prenant le dévelopement de Taylor (1 − s/ρ)e s/ρ = 1 + O(|s|2 /|ρ|2 )). Ainsi, on obtient la majoration |h(s)|−1 ¿ε, f exp(R n1+ε ), pour tout ε > 0. Il existe donc une suite (R n )nÊ0 , R n → +∞ telle que tout n , tout ε > 0 et s de module R n , on ait | f (s)/h(s)| ¿ε exp(R n1+ε ). Par la Remarque 7.4, on obtient que (comme f (s)/h(s) ne s’annule pas sur C) f (s)/h(s) = exp(a + bs) pour a, b ∈ C. Notons que pour tout ρ (1 − d s s s/ρ = 1, =0 )e (1 − )es/ρ ρ ds ρ |s=0 |s=0 et donc h(0) = 1, h 0 (0) = 0, ea = f (0), b = f 0 (0)/ea = f 0 (0)/ f (0). Le théorème de factorisation admet le corollaire suivant : Corollaire 7.7. Pour tout s ∈ C − Z ( f ), on a d log f (s) := X 1 f 0 (s) 1 =b+ − . f (s) ρ−s ρ∈Z ( f ) ρ De plus la convergence de la série de droite est uniforme sur les compacts K ⊂ C, tels que K ∩ Z ( f ) = ;. Preuve. Par convergence uniforme du produit infini sur les compacts, on a (par les formules de Cauchy) s s/ρ 0 X ((1 − ρ )e ) X s s/ρ 0 s s/ρ 0 Y (1 − 0 )e f (s) = b f (s) + A exp(bs) ((1 − )e ) = b f (s) + A exp(bs)h(s) s s/ρ ρ ρ ρ ρ (1 − ρ )e ρ 0 6=ρ 0 et donc pour tout s 6∈ Z ( f ) s s/ρ 0 X ((1 − ρ )e ) X 1 f 0 (s) 1 =b+ − . s s/ρ = b + f (s) ρ−s ρ (1 − ρ )e ρ∈Z ( f ) ρ 70 7. LA FACTORISATION D’HADAMARD Comme pour s 6= ρ 1 1 1 − = O s,s−ρ ( 2 ) ρ ρ−s |ρ| la série converge uniformément sur les compacts qui évitent Z ( f ). Les exercices suivants viennent de Stein et Shakarchi, livre 2. Exercice(s) 7.8. Établir les proprietés suivant des produits infini. P Q 1) Montrer que si |an |2 est convergent, alors le produit (1+an ) converge à une limite P non-nulle si et seulement si an converge. P 2) Trouver un exemple d’une suite des nombres complexes {an } tels que an converge Q mais (1 + an ) diverge. Q P 3) Trouver aussi un exemple tel que (1 + an ) converge et an diverge. Exercice(s) 7.9. Preuver que pour chaque z ∈ C le produit au-dessous converge, et cos(z/2) cos(z/4) cos(z/8) · · · = ∞ Y cos(z/2k ) = k=1 sin z . z Indication : Utiliser le fait que sin 2z = 2 sin z cos z . Exercice(s) 7.10. Preuver que si |z| < 1 alors (1 + z)(1 + z 2 )(1 + z 4 )(1 + z 8 ) · · · = ∞ Y k=0 k (1 + z 2 ) = 1 . 1−z Exercice(s) 7.11. Trouver les produits de Hadamard pour (1) e z − 1 ; (2) cos πz . Q Q∞ 2 2 2 2 2 Indication : Les réponses sont e z/2 z ∞ n=1 (1 + z /4n π ) et n=0 (1 − 4z /(2n + 1) ), respectivement. CHAPITRE 8 Les formules explicites On va appliquer la théorie précédente à la fonction holomorphe ξ(s) := s(1 − s)ζ∞ (s)ζ(s). Proposition 8.1. Cette fonction est d’ordre au plus 1. Preuve. Par l’équation fonctionnelle, on a ξ(s) = ξ(1 − s); on peut donc supposer que ℜes > 1/2 ; par (6.9) et (6.10) on a (8.1) ξ(s) = −1 + 2s(1 − s) ∞ Z ( 1 X e −πn 2 x 2 s × )x d x + 2s(1 − s) nÊ1 −πn 2 x 2 ∞ Z ( 1 X e−πn 2 2 x )x 1−s d × x. nÊ1 2 ¿ e−πx et pour σ Ê 1/2 Z ∞ Z ∞ X 2 2 2 σ e−πx x σ d × x ¿ π−σ/2 Γ( ) ¿ε exp(|s|1+ε ). ( e−πn x )x s d × x ¿ 2 1 1 nÊ1 Pour x Ê 1, on a P nÊ1 e d’autre part, on a pour pour σ Ê 1/2 ∞ Z ( 1 X e−πn 2 2 x )x 1−s d × x ¿ 1 nÊ1 et cela conclut la preuve. 1. Application au comptage des zéros de ζ. Rappelons que l’ensemble Z (ξ) de zéros de ξ(s) est précisément l’ensemble des zéros nontriviaux de ζ(s) (les zéros que ne sont pas des entiers négatifs pairs). Notons que par les équations fonctionnelles, le fait que Γ(s) ne s’annule pas sur C et le fait que ζ ne s’annule pas pour ℜs > 1, on a Z (ξ) ⊂ {s, ℜs ∈ [0, 1]}. On utilisera la notation générique suivante pour un tel zéro ρ = β + i γ, β ∈ [0, 1], γ ∈ R. Prenant la dérivée logarithmique on voit que (8.2) X 1 ζ0 1 1 ζ0 1 ξ0 (s) = + + ∞ (s) + (s) = b + − . ξ s s − 1 ζ∞ ζ ρ−s ρ∈Z (ξ) ρ Notons que ξ(s) = ξ(s) : 71 72 8. LES FORMULES EXPLICITES Cela ce voit en considérant la représentation intégrale (8.1) et en observant que pour s ∈ C et x ∈ R>0 , on a x s = x s . Il en résulte que le multi-ensemble Z (ξ) est stable par la conjugaison complexe (ρ 7→ ρ préserve l’ensemble des zéros ainsi que leur multiplicité). Ainsi X 1 1 1 X 1 1 1 1 − = ( + − − ). ρ − s 2 ρ∈Z (ξ) ρ ρ ρ − s ρ − s ρ∈Z (ξ) ρ Dans cette dernière somme isolons les termes 1/ρ + 1/ρ : on a 2β 1 1 + = 2 , β ∈ [0, 1] ρ ρ |ρ| et donc X 1 1 X 1 + ¿ < ∞. 2 ρ ρ |ρ| ρ∈Z (ξ) ρ Il en résulte que la série 1 X 1 1 ( + ) 2 ρ∈Z (ξ) s − ρ s − ρ est uniformément convergente sur les compacts de C − Z (ξ). On a donc montré Proposition 8.2. On a pour tout s 6∈ Z (ξ), − X∗ 1 ζ0 1 1 ζ0 (s) = + − + ∞ (s) + O(1). ζ s s − 1 ρ∈Z (ξ) s − ρ ζ∞ Dans cette sommation, on a fait la convention que l’on a regroupé les termes de la somme suivant les paires (ρ, ρ) : 1 1 X 1 1 = + s − ρ 2 s − ρ s − ρ ρ∈Z (ξ) ρ∈Z (ξ) X On va maintenant se servir de cette identité pour compter plus finement les zéros de ξ : posont N (T ) = |{ρ = β + i γ ∈ Z (ξ), |γ| É T }| Exercice(s) 8.3. Soit s = 2 + i T . Montrer que ζ0∞ ζ∞ (s) ¿ log(2 + T ). Corollaire 8.4. Pour tout T Ê 1, N (T + 1) − N (T ) = O(log(2 + T )) et N (T ) = O(T log(T + 1)). Démonstration. Soit s = 2 + i T , par l’exercise au-dessus (avec la convention précédente concernant la sommation) 1 = O(log(2 + |T |)) ρ∈Z (ξ) ρ − s X Prenons la partie réelle de cette identité : on a (β ∈ [0, 1]) ℜ( 1 2−β 1 1 1 )= Ê Ê Ê δ|γ−T |É1 2 2 2 2 ρ−s |s − ρ| |2 − β| + |γ − T | 4 + |γ − T | 5 2. LES FORMULES EXPLICITES DE WEIL et donc N (T + 1) − N (T − 1) É 10 X ℜ( 73 1 ) = O(log(2 + T )). ρ−s La deuxième partie se déduit par intégration par parties 2. Les formules explicites de Weil Dans cette section on démontre la formule Formule explicite. Soit f ∈ Cc∞ (R>0 ) et +∞ Z fe(s) = f (x)x s 0 dx x sa transformée de Mellin. Soit fˇ(x) = x −1 f (x −1 ). On a l’identité Z X X ¡ ζ0∞ ¢ ζ0 1 ˇ ˜ ˜ ( f (n) + f (n))Λ(n) = f (1) + f (0) + (s) + ∞ (1 − s) fe(s)d s − fe(ρ). 2πi ζ∞ ζ∞ nÊ1 ρ∈Z (ξ) (1/2) β∈[0,1] Preuve. On calcule de deux manières différentes l’intégrale 1 2πi Pour ℜes > 1 on a d log ξ(s) = Z f˜(s)d log ξ(s)d s (3/2) X Λ(n) 1 1 + + d log ζ∞ (s) − s s s −1 nÊ1 n si bien d’en intervertissant les sommations, on obtient grâce à la formule d’inversion de Mellin 1 2πi Z (3/2) 1 f˜(s)d log ξ(s)d s = 2πi = 1 2πi Z Z (2) Z X ζ0 1 1 1 ( + + ∞ (s)) fe(s)d s − f˜(s)n −s d s Λ(n) s s − 1 ζ∞ 2πi nÊ1 (2) X ζ0 1 1 ( + + ∞ (s)) fe(s)d s − Λ(n) f (n). s s − 1 ζ∞ nÊ1 (3/2) On va maintenant calculer cette intégrale par déformation de contour. Soit T > 0 et R T le rectangle dont les sommets sont en 3/2 ± i T et −1/2 ± i T ; par ailleurs on peut choisir T aussi grand qu’on veut de sorte que ∀ρ ∈ Z (ξ), |T ± γ| À 1 log(T + 2) On a (l’intégration se faisant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) 1 2πi Z f˜(s)d log ξ(s)d s = X ress=ρ f˜(s)d log(ξ(s)) = ζ(ρ)=0, σ∈[0,1], |t |ÉT RT X f˜(ρ). ζ(ρ)=0, σ∈[0,1], |t |ÉT Quand T → +∞ les intégrales le long des segments horizontaux tendent vers 0. On obtient donc Z Z 1 f˜(ρ) = 2πi ζ(ρ)=0, X σ∈[0,1] ···− (3/2) 1 2πi ··· (−1/2) (observons que la série converge car f˜(s) ¿ (1 + |ℑs|)−A pour tout A À 0 par (6.8)). 74 8. LES FORMULES EXPLICITES On effectue alors le changement de variable s ↔ 1 − s et on utilise l’équation fonctionnelle d log ξ(s) = −d log ξ(1 − s) qui donne 1 f˜(ρ) = 2πi ζ(ρ)=0, Z X (3/2) σ∈[0,1] 1 2πi = Z ( f˜(s) + f˜(1 − s))d log ξ(s)d s X ζ0 1 1 + ∞ (s))( f˜(s) + f˜(1 − s))d s − Λ(n)( f (n) + fˇ(n)) ( + s s − 1 ζ∞ nÊ1 (3/2) A reste à calculer 1 2πi 1 1 1 ( + )( f˜(s) + f˜(1 − s))d s = f˜(1) + f˜(0) + s s −1 2πi Z (3/2) Z 1 1 ( + )( f˜(s) + f˜(1 − s))d s s s −1 (1/2) par décalage de contour ( on passe un pole en s = 1 de residu f˜(1)+ f˜(0)). Faisant le changement de variable s ↔ 1 − s on obtient 1 2πi Z 1 1 1 )( f˜(s) + f˜(1 − s))d s = − − ( + s s −1 2πi (1/2) Z ( (1/2) 1 1 − )( f˜(1 − s) + f˜(s))d s = 0 1−s s On montre maintenant comment une région sans zéros convenable implique le Théorème des nombres premiers avec un terme d’erreur explicite : dans le chapitre suivant on montrera le Théorème 8.5 (Hadamard/de la Vallée-Poussin). Il existe c > 0 telle que ζ(s) ne s’annule pas dans la région (s = σ + i t ) σ Ê 1− c . log(2 + |t |) Corollaire 8.6. Il existe C > 0, telle que pour f ∈ C c∞ (R>0 ) et X Ê 2 Z q n f (x)d x + O f (X exp(−C log X )). Λ(n) f ( ) = X X R nÊ1 X Démonstration. Soit f X (x) = f (x/X ), on a f˜X (s) = f˜(s)X s et la formule explicite donne pour X assez grand (de sorte que f (X n) = 0 si n Ê 1) X Λ(n) f ( nÊ1 Z Z Z ¡ ζ0∞ ¢ ζ0 n dx 1 )=X f (x)d x + f (x) + (s) + ∞ (1 − s) fe(s)X s d s X x 2πi ζ∞ ζ∞ R R (1/2) − X fe(ρ)X ρ . ζ(ρ)=0 ℜρ∈[0,1] Le second terme est un O f (1), le troisième est bornée par O f (X 1/2 ) (car |X s | = X 1/2 pour ℜs = 1/2) et pour le quatrième on a (écrivant ρ = β + i γ) X ζ(ρ)=0 β∈[0,1] | fe(β + i γ)|X β É X X ζ(ρ)=0 β∈[0,1] | fe(β + i γ)|X c − log(2+|γ|) =X X ζ(ρ)=0 β∈[0,1] | fe(β + i γ)|e c log X − log(2+|γ|) . 2. LES FORMULES EXPLICITES DE WEIL 75 On fait la décomposition X ··· = ζ(ρ)=0 ℜρ∈[0,1] X ρ p log(2+|γ|)É log X ···+ X ρ p log(2+|γ|)> log X ··· Le premier terme est majoré par ¿ exp(−c q q X log X ) | fe(β + i γ)| ¿ exp(−c log X ) ζ(ρ)=0 β∈[0,1] et le second par ¿ X ρ p log(2+|γ|)> log X q e | f (β + i γ)| ¿ exp(− log X ), en utilisant le fait que | fe(β + i γ)| ¿ (1 + |γ|)−2 quand γ → ∞. Remarque 8.7. Le corollaire précédent “compte” les nombres premiers p dans une fenêtre de taille ∼ X quand ceux-ci sont pondérés par log p. f (p/X ) où f est une fonction (lisse a support compact) fixée. Ce choix a permit d’utiliser la décroissance rapide de | fe(β + i γ)| qui résulte de la méthode d’intégration par partie appliquée p deux fois à la transformée de Mellin. La constante implicite dans le terme O f (X exp(−C log X )) dépend donc directement de la taille de f et de ses deux premières dérivées. En choisissant des fonctions f convenables qui peuvent dépendre de X , on peut par des argument d’approximation, remplacer le terme f (n/X ) par la fonction caractéristique de l’intervalle [1, X ] et obtenir X Λ(n) = X + O(X exp(−C 0 q log X )), nÉX 0 avec C > 0 une constante absolue ce qui est la formulation originale du Théorème des Nombres Premiers. Ces argument relève de l’analyse classique et pas de la théorie analytique de la fonction ζ ; pour cette raison nous avons préfère donner la version ci-dessus qui contient toutes les idées éssentielles. Exercice(s) 8.8. Soient X ,U ∈ RÊ0 avec U É X . 1) Montrer que pour tout tel X ,U il existe f X ,U (x) une fonction sur RÊ0 deux fois continuament différentiable et telle que f X ,U (x) = 1 identiquement si 0 É x É X et identiquement égal à zéro si X +U É x pour laquelle f X0 ,U (x) ¿ U −1 et f X00,U (x) ¿ U −2 avec support que dans l’intervale ]X , X +U [. (Les constantes seraient absolues.) 2) Montrer que la transformée de Mellin f X ,U définée d’abord pour ℜs > 0 admet un prolongement méromorphique dans ℜs > −2, holomorphe partout sauf pour pôles simples en 0 et −1 qui satisfait la borne X σ+1 , |s||s + 1|U où la constante implicite dépend seulement sur σ = ℜs et aucun autre paramètre. 3) Soit an une fonction arithmétique telle que an ¿ε n ε . On suppose que sa série de f X ,U (s) ¿σ Dirichlet L(s, a) = ∞ a X n , s n n=1 76 8. LES FORMULES EXPLICITES défini d’abord pour ℜs > 1 admet un prolongement méromorphique dans ℜs > 0, holomorphe partout sauf pour un pôle simple en s = 1 de résidu A . De plus on suppose que L(s, a) satisfait une borne L(σ + i t , a) ¿σ (1 + |t |)1−δ pour un δ > 0 fixé. Montrer que X a n f (n) = A fe(1) + O ε (X 1+ε /U ). nÊ1 4) Montrer que X a n = AX + O ε (X 1/2+ε ). nÉX Exercice(s) 8.9. En utilisant une fonction similaire de cela dans l’exercice au-dessus montrer le TNP dans la forme classique : X Λ(n) = X + O(X exp(−C 0 q log X )). nÉX Exercice(s) 8.10. Soit τ ∈ R avec |τ| É x . En remplaçant d log ξ(s) par d log ξ(s + i τ) audessus, montrer une formule explicite pour la somme X ( f (n) + fˇ(n))Λ(n)n −i τ nÊ1 et puis l’utiliser pour montrer que X nÊ1 Λ(n)n −i τ Z q n 1−i τ f (x)x −i τ d x + O f (X exp(−C log X )). f ( )=X X R CHAPITRE 9 Le Théorème de Hadamard-de la Vallée-Poussin Comme on l’a vu les zéros des fonctions ξ(s) sont tous situés dans la bande critique {s ∈ C, Res ∈ [0, 1]}; cela résulte du fait que ζ(s) ne s’annule pas pour ℜs > 1, du fait que la fonction Γ ne s’annule pas sur C et de l’équation fonctionelle satisfaite par ξ(s). Dans ce chapı̂tre on va améliorer cette zone de non-annulation et montrer que ξ(s) ne s’annule pas pour s légèrement à l’intérieur de la bande critique Théorème 9.1. Il existe une constante c > 0 telle que Z (ξ) ⊂ {s ∈ C, ℜs É 1 − C }. log(2 + |ℑs|) Ainsi ζ(s) ne s’annule pas pour (9.1) ℜs Ê 1 − c . log(2 + |ℑs|) Pour γ0 ∈ R, posons ¤ £ L γ0 (s) := ζ(s)[ζ(s + i γ0 )ζ(s − i γ0 )]2 ζ(s)2 ζ(s + 2i γ0 )ζ(s − 2i γ0 ) . Exercice(s) 9.2. En utilisant la série de Dirichlet de log ζ(s) montrer que pour s > 1 un nombre réel |ζ(s)3 ζ(s + i t )4 ζ(s + 2i t )| Ê 1. L0 Lemme 9.3. La série de Dirichlet − L γγ0 (s) est à coefficients positifs ou nuls. 0 Soit ρ 0 = β0 + i γ0 un zéro de ζ(s) avec γ0 6= 0 ; ainsi β0 − i γ0 est également un zéro et par construction β0 est un zéro de L γ0 (s) d’ordre au moins 4 − 3 si β0 = 1 et au moins 4 si β0 < 1. Si β0 est trop proche de 1, cela va entrer en contradiction avec le fait que les coefficients de L 0γ − L γ0 (s) sont positifs. 0 Soit s > 1 un réel, on a − L 0γ0 L γ0 (s) = X 3 3 1 1 1 1 − +2( + )+ + +O(log(2+|γ0 |)) s −1 ρ s −ρ s + i γ0 − ρ s − i γ0 − ρ s + 2i γ0 − ρ s − 2i γ0 − ρ le term de gauche étant positif ou nul. Prenant la partie réelle de part et d’autre et utilisant le fait que pour tout ρ et pour s > 1 Ê ℜρ , on a ℜ( 1 1 1 ), ℜ( ), ℜ( ) Ê 0, s −ρ s ± i γ0 − ρ s ± 2i γ0 − ρ 77 78 9. LE THÉORÈME DE HADAMARD-DE LA VALLÉE-POUSSIN on obtient en se restreignant à la partie réelle de 2 1 1 +2 s + i γ0 − ρ s − i γ0 − ρ 0 avec ρ = ρ 0 et ρ 0 = ρ 0 , l’inégalité 4 3 É +C log(2 + |γ0 |) s − β0 s − 1 4 1 − β0 Ê (s − 1)( − 1) 3 +C log(2 + |γ0 |)(σ − 1) et en prenant 1 s − 1 = (C log(2 + |γ0 |))−1 , 2 on obtient (utilisant le fait que 4 > 3) 1 4 1 − β0 Ê ( − 1)(C log(2 + |γ0 |))−1 À log(2 + |γ0 |))−1 2 3 + 1/2 car 4 > 3 + 1/2.