rapport de synthese - Aix
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rapport de synthese - Aix
UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE - AIX-MARSEILLE III FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE INSTITUT D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES EN DROIT DE LA COMMUNICATION RAPPORT DE SYNTHÈSE Présenté par Guy DROUOT LE MÉDIATEUR DANS LES MÉDIAS Rencontres d’Aix-en-Provence, 12 mai 2004 RAPPORT DE SYNTHESE par M. Guy Drouot Élaborer la synthèse des travaux de cette journée n’est pas une tâche aisée, tant les échanges ont été riches et denses. Ce qui prouve par ailleurs que la fonction de médiation est complexe et que les contours du rôle du médiateur ne sont pas faciles à esquisser. Je crois cependant qu’il est possible de regrouper le contenu de nos débats autour de quelques thèmes : le contexte de la médiation, le statut du médiateur, le pouvoir du médiateur, le contenu rédactionnel sur lequel porte la médiation. Enfin, il restera à s’interroger sur l’avenir : où va la médiation ? 1. Le contexte de la médiation Le développement de la médiation, depuis plus de vingt ans, est-il l’expression d’un phénomène de mode, ou répond-il, au contraire à un besoin profond de la société actuelle ? Je pencherai plutôt pour la seconde option. Il convient cependant de placer la médiation dans son contexte socio-politique et même économique. S’agissant du contexte politique, Geneviève GUICHENEY a très justement évoqué l’idée d’un recul de la démocratie dans les systèmes pluralistes. En se plaçant d’eux-mêmes, par leurs agissements, dans une situation d’« extraterritorialité » confinant à l’impunité, les dirigeants politiques ont fini par se trouver en situation d’irresponsabilité. C’est précisément ce comportement qu’observent, de leur côté, les journalistes vis-à-vis du lecteur ou du téléspectateur. On assiste à une sorte de dégringolade, à un recul du sens des responsabilités des médias. Cela pose la question de la formation des journalistes. Cette formation devrait comporter davantage de sensibilisation à la déontologie et à l’éthique. S’agissant du contexte économique, peut déplorer que le statut de l’information ait considérablement changé. L’information, considérée autrefois comme un bien culturel, est devenue une marchandise, un produit monnayable. Autre question relevant du contexte : est-il nécessaire d’être en présence d’un conflit pour faire jouer la médiation ? Les définitions que j’ai citées dans le propos introductif impliquaient effectivement cette idée : la médiation ne se justifie que parce qu’il y a des conflits à régler. Or, Noël COPIN a fait remarquer à juste titre que cela n’était pas nécessaire. En effet, le travail du médiateur peut également s’exercer au quotidien et de manière permanente, comme Marie LAIGNEAU-BIGNON nous l’a montré, à propos des remarquables chroniques que publie Robert SOLÉ dans Le Monde. La survenance d’un litige n’est donc pas indispensable à l’intervention du médiateur. Ce qui nous conduit à revoir les définitions du médiateur. Une définition pertinente a été proposée par Philippe LABARDE : « le médiateur est l’interface entre ceux qui font et ceux qui protestent ». 2. Le statut du médiateur Nos échanges ont permis de dégager les éléments du statut du médiateur. Parmi eux, figure sa position par rapport à l’entreprise. Le médiateur doit-il être interne ou externe à l’institution ? À radio France et RFI il est externe, alors qu’à France Télévisions, c’est l’inverse. La véritable question n’est donc pas là. L’essentiel est que le médiateur ait la qualité de journaliste professionnel. C’est même une condition sine qua non pour exercer la mission car la connaissance des arcanes du métier est indispensable pour mieux analyser les points de vue en présence. Vient ensuite le mode de nomination. Dans tous les cas examinés ce jour, le médiateur est choisi et nommé par le chef de l’entreprise : PDG pour la radio ou la télévision, directeur de la publication pour la presse écrite. Le problème majeur qui se pose alors est celui de l’indépendance du médiateur vis-à-vis de la personne qui l’a nommé. Enfin, le régime des incompatibilités (le médiateur ne peut participer à l’activité rédactionnelle et ne peut posséder d’intérêt dans l’entreprise), la règle de l’inamovibilité (le médiateur ne peut être révoqué dans l’exercice de son mandat) et la possibilité du renouvellement du mandat ont été mises en évidence par tous les rapporteurs et confirmées par les médiateurs présents. J’ajouterai, pour compléter l’examen du statut, l’existence d’une règle non écrite, mais qui n’en a pas moins toute son importance : celle de sa légitimité du médiateur. En effet on peut se poser la question de savoir ce qui justifie l’intervention du médiateur. Celui-ci est-il reconnu et accepté par les parties en cause ? Cette légitimité apparaît dans le respect réciproque que le médiateur entretient avec le public. La légitimité doit apparaître également dans cette indépendance que le médiateur revendique. Envers sa direction mais également envers le public. C’est probablement la raison pour laquelle Philippe LABARDE reconnaît que le médiateur doit « plus que jamais faire la preuve de sa légitimité ». 3. Le pouvoir du médiateur Même s’il ne détient pas statutairement de pouvoir de sanction -Jean-Claude Allanic a signalé avec pertinence les deux pièges qu’il convenait d’éviter à tout prix : le « médiateuralibi » et le « médiateur-justicier »-, le médiateur n’exerce pas moins un pouvoir d’influence. Quelque chose qui se rapproche davantage de l’influence morale. Geneviève GUICHENEY nous a dit qu’il était dans la nature de la médiation de rechercher le consensus et d’être acceptée. Il peut cependant arriver au médiateur de ressentir un sentiment d’impuissance. Geneviève GUICHENEY évoque le traitement des obsèques d’Éric Tabarly par les journaux télévisés, complètement éclipsées par la couverture de la coupe du monde de foot-ball. JeanClaude ALLANIC relativise ce pessimisme en précisant que le médiateur détient une sorte de pouvoir, ne serait-ce qu’en s’exprimant. Il peut chercher à éviter le pire. Ainsi, dans l’affaire Mazerolle-Pujadas, le médiateur a eu le pouvoir de requalifier les faits. Ce qui était dénoncé au départ comme une « faute professionnelle » est devenu, après l’intervention du médiateur, une « maladresse ». Quels que soient ses pouvoirs, le médiateur doit posséder un certain nombre de qualités humaines : être à l’écoute, avoir une certaine sensibilité, être psychologue et diplomate. 4. Le contenu rédactionnel Le vocabulaire -la sémantique, a rectifié Philippe LABARDE- occupe une place importante dans l’activité du médiateur des médias. Ce dernier est en effet quasi quotidiennement saisi à propos de l’utilisation de tel mot à la place de tel autre. On a évoqué la polémique relative à la nomination de M. Aïssa Dermouche : « préfet musulman » ou « préfet issu de l’immigration » ? De même, faut-il proscrire « Tsahal » pour désigner l’armée israélienne ? Convient-il d’écrire « mur de séparation » ou « barrière de sécurité » ? Le média sera automatiquement catalogué en fonction du mot ou de l’expression utilisé. Le public est de plus en plus exigeant de ce point de vue. Le journaliste doit porter une attention toute particulière à la sémantique. Dans l’affaire Mazerolle-Pujadas précitée, Olivier Mazerolle n’a-t-il pas déclaré avoir utilisé « les bons mots, la bonne formule » ? Le choix retenu pour qualifier l’événement peut produire un impact insoupçonné et redoutable sur le public. Le journaliste qui traite l’information au quotidien doit hiérarchiser les différents sujets qu’il entend développer. Il doit veiller à ne pas éclipser l’essentiel. C’est à ce moment précis que le médiateur doit intervenir. Veiller à ce que le choix des mots soit soupesé, que chaque terme soit juste -tâche souvent délicate- est l’une des responsabilités qui incombe au médiateur. 5. L’avenir de la médiation Il n’existe pas de modèle unique de médiation. Celle-ci s’exerce en fonction des mœurs et des cultures. Pour Xavier PHILIPPE, le type de médiation caractérise l’appartenance à un système de valeurs. Elle varie même selon le média considéré : les modalités de la médiation exercée par Robert SOLÉ, présentent de nombreuses nuances par rapport à celle qu’exercent ses confrères de l’audiovisuel. Les débats de cette journée on montré que la force du médiateur résidait justement dans la souplesse qui caractérise son statut, ainsi que ses modalités d’action. Geneviève GUICHENEY a même ajouté que « le flou et l’ambiguïté » qui entourent le statut lui convenaient parfaitement. Noël COPIN surenchérit en affirmant qu’il assume l’ambiguïté et le « mou » caractérisant la médiation par rapport au juridisme de la loi. On demande aujourd’hui au médiateur de s’adapter non seulement à son époque mais également aux principes de son employeur. Il faut tendre sans cesse vers plus de souplesse. Où allons-nous ? Il n’y a pas de voie unique ! Prenons par exemple le modèle de la « Common law ». Ce dernier comporte, dans son système de médiation, une instance de révision et d’appel qui fait défaut dans notre pays. Le rôle de la Press Complaints Commission, analysé par Juraiporn JOYJAROEN, a été comparé à celui que joue le médiateur de Radio Canada, analysé par Laurie SAMAMA : tous deux agissent comme des instances de révision. Le médiateur est au cœur du métier de journaliste. En amont, il est en contact avec celui qui prépare l’information et doit rester attentif au message qu’il fait passer et en aval, il doit répondre au public qui reçoit cette information. Le médiateur doit se méfier de la « médiation-alibi » dénoncée par Jean-Claude ALLANIC, parce qu’elle ne peut être que stérile. Il doit également prendre garde à ne pas remplir le rôle d’un « justicier ». L’exercice de la médiation doit s’effectuer sans prendre parti ce qui distingue le médiateur du justicier. Le médiateur doit user de psychologie et se montrer tel un vrai diplomate afin de ne pas heurter la sensibilité de ceux qui se plaignent. Nous avons parlé des qualités du médiateur idéal. Madame, Messieurs, vous nous avez montré aujourd’hui que vous possédiez ces qualités. Je vous remercie.