Marques BtoB

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Marques BtoB
actu des profs
MARQUES B TO B
Rendre visible
l’invisible…
Ils ont à leur actif cinq ouvrages communs, devenus de véritables références dans
le domaine du marketing et de la communication – à l’exemple de Pentacom. Le
dernier-né : Marques B to B, propose une vision entièrement revisitée du management
de la marque en B to B. Rencontre avec Philippe Malaval et Christophe Bénaroya, deux
enseignants-chercheurs du Groupe ESC Toulouse, qui veulent donner légitimité et
visibilité aux fournisseurs français.
TBScope : Dans votre dernier ouvrage, Marques B
to B, vous incitez les sous-traitants à acquérir de la
visibilité. Cela signifie-t-il que les fournisseurs français
n’ont pas à cette heure la culture de la marque ?
Philippe Malaval : Effectivement, la plupart d’entre eux vivent
dans l’ombre complète de leurs clients. C’est ainsi depuis
toujours et ils ne voient pas l’intérêt de faire évoluer les choses.
Prenons deux exemples. D’abord avec une société familiale
installée à Millau, dans l’Aveyron. Fondée en 1852, la Mégisserie
Richard est reconnue pour son savoir-faire dans la fabrication
de peaux d’agneaux haut de gamme, destinées à l’industrie du
luxe. Ses produits sont utilisés pour la confection de vêtements,
de chaussures, en maroquinerie et ganterie par les plus grandes
maisons, comme Hermès et Vuitton. Ils sont parmi les seuls
à proposer des peaux d’agneau de très grande qualité et dans
des coloris très modernes. Ils ne vendent pas seulement une
matière, mais une compétence pointue. Pourtant, ils sont
complètement invisibles lorsque vous achetez le produit fini.
Autre exemple avec un équipementier automobile, Faurecia,
un des leaders du siège automobile dans le monde. Ses produits
équipent la plupart des véhicules de toutes marques, mais
le consommateur final ne le sait pas. À l’inverse, Recaro,
une entreprise allemande de taille plus modeste, a réussi à
imposer la présence de son logo sur les sièges de véhicules
premium. Une visibilité importante qui devient aujourd’hui
capitale et passe par une véritable stratégie de marque.
TBScope : En quoi le fait de développer une stratégie de
visibilité pour sortir du statut de sous-traitant présentet-il un avantage majeur pour les entreprises B to B ?
TBSCOPE
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Christophe Bénaroya : Cela leur permet d’avoir plus de
poids dans les appels d’offres, dont elles sont largement
tributaires. Si elles se cantonnent aux seconds rôles, elles ne
peuvent appuyer sur aucun levier final pour améliorer leur
rapport de forces avec les puissants donneurs d’ordre.
La plupart des entreprises B to B disposent d’une solide
orientation technologique, avec des savoir-faire et des
techniques sophistiquées qui reposent sur le dynamisme et
les efforts d’équipes à forte culture ingénieur. Mais la primauté
technologique seule ne suffit plus à emporter des marchés.
Nombre de fournisseurs, parfois moins talentueux sur le
plan technologique, parviennent à engranger de nombreux
contrats en adoptant une orientation client différente et en
mettant en place une approche marketing qui prend en compte
les différents niveaux de clientèle tout au long de la filière.
Agir sur le plan commercial, mais aussi sur les aspects
communication et marketing, devient vital.
TBScope : Pourtant, la notion de marque est
parfois malmenée par le grand public, non ?
Christophe Bénaroya : Entrée en phase de maturité, la
marque B to C souffre, et ce n’est pas près d’être fini, si elle
ne se ressource pas ! Une banalisation due en partie au
développement des marques distributeurs, puis du harddiscount, dans les produits de grande consommation
et, simultanément, à une certaine passivité des marques
traditionnelles. Les fournisseurs de ces produits MDD sont
aisément interchangeables en fonction du prix proposé par
les différents sous-traitants. Le financier l’emporte ainsi sur
l’industriel dans le mix proposé aux consommateurs. Dans ces
actu des profs
Philippe Malaval
conditions, quid du respect et de la proximité du client final ?
Autre paramètre : le développement des courants
alternatifs qui s’opposent intellectuellement à la notion de
marque, en raison des dérives qui lui sont commodément
imputées (prix, influences comportementales…).
Christophe Bénaroya
À lire
absolument…
TBScope : Le client final intervient-il dans le B to B ?
Philippe Malaval : Indirectement, oui, car en tant que
consommateur, il se montre de plus en plus exigeant sur la
composition des produits qu’il achète. Quand il s’offre un
ordinateur, il s’intéresse à la technologie qui l’équipe, type Intel
ou AMD. Pour d’autres produits, il sera en quête d’authenticité
et de sincérité : le petit salé lui plaira davantage s’il a été
cuisiné avec des lentilles du Puy, une marque AOC garante
de qualité. Actuellement, les fournisseurs ont une vraie carte
à jouer, car ils sont de plus en plus garants de la légitimité
du produit final. Nike l’a compris en soulignant la présence
de Gore-Tex dans ses produits. Une aubaine pour la société
WL Gore & Associates, qui a breveté ce tissu en 1969 et a eu
l’intelligence d’en faire une marque, devenue son principal
capital. La part des actifs immatériels (marques et brevets)
ne cesse d’augmenter dans la valeur totale des entreprises, au
détriment des actifs matériels. Aux professionnels du B to B de
s’adapter pour être en phase avec cette évolution structurelle,
et en particulier aux entreprises françaises de rattraper leur
retard sur leurs homologues américaines et allemandes !
MARQUES B TO B,
par Philippe Malaval et Christophe Bénaroya
Ed Pearson Education France - 2010
Se voulant très opérationnel, ce livre fourmille d’exemples concrets
et de recommandations à la fois stratégiques et pratiques pour
aider les dirigeants des entreprises B to B à mettre en place une
politique de marque efficace, en fonction du destinataire final :
tB to B to C, lorsque la marque s’adresse aux clients
consommateurs des produits finis fabriqués par
l’organisation cliente (Varilux, TetraPak…),
tB to B to E, lorsque la marque se destine in fine aux employés
de la structure cliente, privée ou publique (Sodexo, Sperian…),
tB to B to U, quand la marque cible un usager d’un équipement
public, acquis par une collectivité locale (Alstom, Vinci…).
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