L`âne de Ré, le vrai et son image

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L`âne de Ré, le vrai et son image
30 novembre 2010 07h58 - Par PIERRE-MARIE LEMAIRE
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L'âne de Ré, le vrai et son image
Régis Léau se bat contre ceux qui exploitent l'image de ses baudets du Poitou
Sur l'île de Ré, Régis Léau se bat contre ceux qui exploitent l'image de ses baudets du Poitou :
le « gentil paysan » se rebiffe. PHOTO PASCAL COUILLAUD
«Les ânes en
culotte, c'est le
folklore de l'île de
Ré, personne n'en
est
propriétaire,
bien sûr. Mais ces
ânes-là sont à moi
et
leur
image
m'appartient. »
Régis
Léau
commence à en
avoir
ras
la
casquette.
Son
père, André, a
réintroduit
le
baudet du Poitou dans l'île en 1985. Lui-même a repris les rênes en 1996. Et voici que
ce travail d'un quart de siècle, qui a transformé le petit élevage familial en entreprise (à
peu près) viable, est aujourd'hui menacé par quelques indélicats qui veulent lui tondre la
laine sur le dos. Que ses baudets du Poitou soient les monuments les plus
photographiés de l'île réjouit Régis Léau. Mais qu'il les retrouve sous forme de cartes
postales piratées chez le marchand de souvenirs du coin, voilà qui le fait… braire.
Produits dérivés
L'« âne en culotte » est une marque protégée, qu'on se le dise. L'éleveur l'a déposée en
1996 auprès de l'Inpi (Institut national de la propriété industrielle). Il a dessiné un logo et
créé des produits dérivés qu'il commercialise sous son enseigne. Tee-shirts, casquettes,
peluches, cartes postales, savon au lait d'ânesse, le chiffre d'affaires annuel est
d'environ 60 000 euros pour un revenu mensuel proche du Smic. L'élevage de baudets
nourrissant difficilement son homme, cette activité complémentaire lui permet de mettre
un peu de beurre dans les mojhettes.
Régis Léau a noué des partenariats locaux. Gotac Presse distribue ses produits, la
Biscuiterie de Ré et la Savonnerie de Loix utilisent son image en plein accord avec lui.
Elles participent ainsi à la vie de l'entreprise, souligne-t-il. Mais d'autres l'exploitent sans
rien demander à personne. « Mon père avait donné une autorisation à quelques éditeurs
de cartes postales. Mais ils sont aujourd'hui une bonne demi-douzaine qui inonde le
marché. Je vais leur demander d'arrêter. »
Ils sont nombreux à surfer sur la vague. L'âne de l'île de Ré est tendance. Il est cuisiné à
toutes les sauces, servant d'argument commercial pour vendre tout et n'importe quoi.
Régis Léau a deux entreprises dans le collimateur. L'une décline les ânes en culottes sur
tout un tas de supports « made in China », thermomètres, magnets, boules à neige, sets
de table, peluches… Et la seconde n'est autre que la prestigieuse Monnaie de Paris :
elle a frappé une médaille inspirée de la plus connue des photos de l'élevage, celle de
deux ânes qui se font un bisou.
Régis Léau a fait dresser un constat d'huissier. Il a demandé conseil à une juriste
rochelaise spécialisée dans le droit de la propriété intellectuelle. « Les ânes présents sur
l'île de Ré vous appartiennent, lui a-t-elle répondu, vous seriez en conséquence en droit
de vous opposer à la reproduction de leur image par des tiers. » Sauf à en autoriser
l'exploitation contre retombées sonnantes et trébuchantes.
Régis Léau hésite encore à engager des poursuites. Pas procédurier pour un sou, il se
dit plus heureux au milieu de ses ânes qu'avec des avocats. Mais quand même. L'image
qu'il revendique de « gentil paysan » se retourne contre lui. « Mon manque à gagner ?
Je pense que je doublerais mon chiffre d'affaires… », soupire-t-il.
Et puis, un débat juridique sur la propriété intellectuelle de l'âne en culotte, c'est le buzz
assuré !