évaluation initiale des situations familiales

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évaluation initiale des situations familiales
Septembre 2006
Protection
de l’enfance
ÉVALUATION
INITIALE
DES SITUATIONS
FAMILIALES
sommaire
2 Une évaluation des situations familiales centrée sur la vie quotidienne
Claude VOLKMAR, directeur du CREAI Rhône-Alpes
4 Des pratiques balbutiantes
Pierrine ROBIN, doctorante en sciences de l’éducation
7 Présentation simplifiée de la théorie et de la clinique de l’attachement
Maurice BERGER, chef de service en psychiatrie de l’enfant, CHU de Saint-Etienne
L’expérience québécoise
10 Un programme d’intervention et d’évaluation des situations d’enfants en danger
13 Le guide d’évaluation des capacités parentales
Patrick GRÉGOIRE, conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes
20 Projet de recherche du CREAI Rhône-Alpes dans le cadre d’un appel d’offres de l’ONED
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CREAI RHONE-ALPES
DOSSIER
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
Une évaluation des situations familiales
centrée sur la vie quotidienne
Claude VOLKMAR
Directeur du CREAI Rhône-Alpes
L’Observatoire national de l’enfance en danger ( ONED ) organisait, le 22 juin 2006 à Paris, une
journée d’étude sur les pratiques éducatives innovantes entre l’action éducative à domicile, ou en
milieu ouvert, et le placement.
Paul DURNING, directeur de l’ONED, indique dans une interview 1 que « les travailleurs sociaux qui
suivent ces situations sont probablement plus dans le ‘’ faire avec les parents’’ que dans une réflexion
sur l’analyse de la situation ou la compréhension de sa genèse. Pour schématiser, elles requièrent que
le professionnel travaille plus sur la vie quotidienne que sur l’histoire de la famille ».
Cette petite phrase apparemment anodine contient une révolution pour la culture professionnelle
dans le champ de la protection de l’enfance.
En France, de multiples travaux ont pourtant engagé une utile déconstruction de la complexité
de ce temps d’évaluation initiale éclairant des décisions lourdes de conséquences pour les enfants
et les familles concernés par les mesures de protection, qu’elles soient administratives ou judiciaires.
Qu’il s’agisse, par exemple, de la clarification des registres de la parentalité, mis en évidence par les
travaux de Didier HOUZEL 2, et du risque d’affrontement ou de juxtaposition des systèmes de représentations de différents acteurs ( enseignants, médecins, travailleurs sociaux,…) impliqués dans le
signalement et l’orientation des décisions qui en résultent, ces travaux montrent à l’évidence que
les jugements affectés par ces représentations conduisent à des « synthèses » au fonctionnement
déplorable et à des décisions prises à défaut d’arguments fiables et réfutables.
Ou encore, qu’il s’agisse de l’excellent travail de clarification clinique mené par Maurice BERGER 3,
mettant en évidence la sous-estimation récurrente des désastres développementaux pour l’enfant
d’une mauvaise gestion de son intérêt, cette avancée met en évidence – même si elle brutalise les
professionnels – l’impact négatif de l’idéologie du lien.
Beaucoup d’autres avancées pourraient être évoquées ici, et pourtant leur impact sur les pratiques
d’évaluation des situations familiales demeure très limité.
Plusieurs obstacles peuvent expliquer ces difficultés.
Tout d’abord, il faut souligner – paradoxalement peut-on dire – les effets contreproductifs d’une
culture « ultra » clinique et donc psychologisante, centrée à l’excès sur le refus de toute grille ou de
tout test censé « chosifier » les sujets, accordant en toute situation une primauté à la pratique de
l’entretien individuel. 4
Cette particularité du « case-work » à la française, figé dans le rejet absolu de toute investigation
« intrusive », a beaucoup nui à la mise en œuvre d’une évaluation initiale de qualité des capacités
parentales ( à vrai dire, on ne sait ici quels mots employer tant ils sont encore connotés en France
de manière négative – en tout cas, il semble qu’il faille éviter à tout prix le mot « compétences » pour
les raisons que chacun sait… ou croit savoir !).
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La connaissance de ces capacités parentales paraît pourtant la base indispensable dès que l’on
espère installer, que ce soit provisoire ou durable, une suppléance ( «suffisamment bonne», dirait
WINNICOTT, au risque d’être mal traduit) aux tâches et/ou aux fonctions parentales avec des objectifs
suffisamment précis pour constituer un projet digne de ce nom.
Après ce premier obstacle, il faut ajouter celui – encore plus redoutable – de la division du travail
existant souvent entre les « travailleurs sociaux de l’ASE » et les « éducateurs des MECS », les premiers
gérant les relations avec les parents sans pouvoir suivre leur vie quotidienne, les seconds se centrant
sur l’enfant sans rapport avec la quotidienneté des parents.
L’idée ici n’est pas que toute division du travail serait inopérante et qu’il faille tout confondre, mais
il demeure qu’une telle division résulte plus souvent d’un découpage de prérogatives que d’une
analyse systémique aboutissant à une distinction féconde et opérationnelle des finalités et objectifs
de l’intervention de chacun. Il n’est pas rare, et chacun le sait, que le travailleur social de l’ASE vienne
s’informer auprès de l’équipe de la MECS sur l’évolution de la famille… auprès de laquelle il n’est pas
question qu’intervienne la MECS.
Il faut y ajouter un obstacle inhérent à la pratique du « case-work » qui est précisément celui de la
pratique du « cas par cas » sans recours aux éclairages qu’apportent les séries statistiques. C’est ainsi
qu’en fonction du nombre de parents «alcooliques, violeurs ou psychotiques» rencontrés en un mois,
s’aggrave subitement le « profil global » des parents sans l’objectivation que seule peut apporter une
observation qui s’autorise un peu à quantifier ou à « mettre en tableaux ».
Enfin, pour être complet, il faut ajouter l’impasse descriptive à laquelle aboutit le plus souvent la
primauté accordée à l’évènementiel et à la narration dans la transmission écrite de rapports professionnels. La primauté de l’évènementiel conduit à la dramatisation des évènements « qui passent
la rampe » et deviennent ainsi significatifs pour la construction de nouvelles représentations qui
alimenteront de nouveaux rapports.
La boucle est dès lors bouclée et dans ce contexte, comme l’indique un rapport récent de l’IGAS 5,
l’évaluation des situations familiales reste balbutiante.
Pour suivre encore un peu la réflexion induite par la petite phrase de Paul DURNING ( sans qu’il
puisse être tenu pour responsable de ces propos) et pour qu’advienne une plus grande attention
portée au quotidien des familles, peut-être faut-il, d’une part, un regard plus sociologique accordé
aux conditions socio-économiques qui leur sont faites aujourd’hui avec l’accroissement de la pauvreté dans la société française et, d’autre part, une attention plus grande pour « l’ici et maintenant »
afin de rééquilibrer le débat souvent prédominant sur l’étiologie, les causes et la genèse.
Mais, sans doute plus raisonnablement, faut-il s’en tenir là avant d’être excommunié par le lecteur
pour behaviorisme aggravé !
1 DURNING (P.), «Notre système de protection de l’enfance donne une impression de tout ou rien», in TSA Hebdo,
n°1072, 16 juin 2006, pp 21 et 22.
2 HOUZEL (D.), Les enjeux de la parentalité, Erès, essai,1999.
3 BERGER (M.), L’échec de la protection de l’enfance, Dunod, 2004, 2ème édition.
4 Dont Alain BLANCHET disait qu’il représentait de véritables «charentaises» du travailleur social, in L’enquête et ses
méthodes : l’entretien, Nathan, 1997.
5 Rapport IGAS n°2006-01 (voir note précise en page 6).
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Des pratiques balbutiantes
Pierrine ROBIN
Doctorante en sciences de l’éducation
De nombreux et récents rapports (IGAS, Médiateur des enfants, ONED…) 1 ont mis en avant la
nécessité, dans le dispositif de protection de l’enfance, de formaliser l’évaluation diagnostique des
situations en vue d’objectiver le jugement des professionnels et d’harmoniser les pratiques.
Pour autant, sous cet apparent consensus, l’évaluation reste en France une question controversée
qui n’est pas encore parvenue « à dépasser le stade de la séduction ou de l’invocation », selon les
termes de Michel CROZIER.
« Toujours recommandée, exceptionnellement réalisée », la formalisation de l’évaluation diagnostique est source de vives tensions qui dressent « les institutions comme les professionnels, les uns
contre les autres, au risque de perdre l’objet commun de leurs préoccupations : l’enfant». 2
Aussi les évaluations de situations, s’appuyant sur des référentiels stabilisés et des guides établis,
restent rares en France à l’heure actuelle. Toutefois, il est important de différencier ce constat selon
les secteurs d’intervention et de mettre en lumière les outils d’évaluation existants et les « bonnes
pratiques ».
Dans le domaine médical, des jalons d’évaluation clinique des situations de défaillance parentale
et du développement de l’enfant ont été construits en 1999 par le Docteur Maurice BERGER 3 du CHU
de Saint-Étienne. Cet outil d’évaluation présente un grand intérêt en permettant de rendre compte
de la structuration psychique des parents, de la relation parents-enfant et de la manière dont l’enfant
réagit à la pathologie parentale, cherchant également à évaluer le développement de l’enfant à partir
de critères cognitifs, sociaux, affectifs et familiaux et par la mesure du quotient de développement /
quotient intellectuel. Toutefois, il faut souligner que ces expériences sont encore peu développées
dans les autres établissements hospitaliers.
Dans le champ de la protection judiciaire de l’enfance, le juge pour enfant tient à sa disposition
différents outils stabilisés pour évaluer les situations de maltraitance. Il peut auditionner les parents
et les enfants, recourir à des mesures d’investigations : enquête sociale, consultation d’orientation
éducative PJJ, observation en milieu ouvert, expertise psychologique/psychiatrique.
Par contre, dans le champ de la protection administrative de l’enfance, il n’existe pas en France
d’instruments d’évaluation des situations validés scientifiquement et reconnus nationalement. Les
généogrammes et les critéroscopes proposés par Francis ALFÖLDI 4 sont des outils très simplifiés et
qui ne sont pas accompagnés de procédures de validation. De plus, dans les services d’aide sociale à
l’enfance des conseils généraux, les pratiques institutionnalisées d´évaluation diagnostique restent
pour l’instant balbutiantes.
Toutefois, certains conseils généraux ont cherché à formaliser leurs pratiques en construisant leur
propre guide d’évaluation pour donner des méthodes et des outils à leurs professionnels et renforcer
la qualité des rapports d’évaluation. On peut mentionner ici le guide du signalement, mis en place en
1997 par le Conseil général de Paris 5, qui indique les questionnements à prendre en compte pour
évaluer les situations : les facteurs de risque ( relevant de l’histoire de l’enfant, des caractéristiques
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familiales, des caractéristiques environnementales et du contexte socio-économique ), les indices
de danger ( relevant du comportement de l’enfant, du comportement des adultes et des carences
éducatives et de soins) et les symptômes physiques, psychologiques ou sexuels de maltraitance.
On peut souligner aussi l’initiative du Conseil général du Val-de-Marne 6 de mettre depuis 2005,
à la disposition de ses éducateurs et assistants sociaux, des guides du signalement et de l’évaluation.
Le guide de l’évaluation contient des indications sur les compétences respectives de chacun et des
principes d’intervention ( il est notamment précisé que l’évaluation doit être conduite par deux professionnels, que les parents doivent être informés de la procédure, que le premier entretien doit avoir
lieu en circonscription avec les détenteurs de l’autorité parentale et le(s) enfant(s) concerné(s), que
l’enfant doit être par la suite rencontré seul, qu’une visite à domicile doit être réalisée ) et mentionne
également les éléments à observer dans l’évaluation. Il donne par ailleurs des conseils de rédaction
et de présentation des rapports d’évaluation ( il est notamment recommandé aux professionnels de
décrire les faits objectifs dans l’ordre chronologique et de joindre à l’appui toutes pièces permettant
d’authentifier les dires ). Des documents-type ( fiche de recueil d’information, grille d’entretien, trame
de rapport d’évaluation ) sont annexés au guide pour fournir un appui aux professionnels.
Dans ce même sens, le Conseil général de Meurthe-et-Moselle a élaboré en 1999 des « fiches de
recueil de données » 7 pour systématiser et objectiver l’évaluation, et fournir un support à l’échange
entre professionnels. Le document distingue le recueil des données objectives ( composition de la
famille, logement, budget mensuel ), les informations sur la scolarité de l’enfant, les données sur l’insertion sociale de la famille, les éléments sur la santé de l’enfant et de l’adulte, les informations sur les
relations intrafamiliales et une appréciation des rapports entre la famille et les travailleurs sociaux.
Au-delà du recours à des guides, certains services ASE ont aussi mis en place des commissions de
concertation qui fournissent un support technique à l’évaluation. C’est le cas notamment du Conseil
Général du Calvados 8 avec une commission de régulation rassemblant un responsable territorial de
l’ASE, un conseiller technique « enfance », un médecin et le responsable de la mission « protection de
l’enfance ». Le responsable de la cellule de signalement présente des cas d’informations signalantes
difficiles. La commission, qui se réunit tous les quinze jours, décide s’il y a lieu d’évaluer ou pas et
donne des indications méthodologiques pour l’évaluation. Lorsque que la cellule reçoit des rapports
d’évaluation dont la qualité laisse supposer que la méthode n’était pas bonne, elle en discute avec le
conseiller technique « enfance » qui assure l’interface avec les travailleurs sociaux.
Dans ce même sens, le Conseil général du Rhône et celui de Paris ont mis en place des réunions
de concertation pluriprofessionnelles pour discuter des cas individuels. De même, en Seine-et-Marne,
les directeurs de circonscription animent chaque semaine une commission d’orientation et d’aide à
l’évaluation pour soutenir les professionnels dans leur démarche d’évaluation.
Mais ces outils d’évaluation ne sont pas toujours bien accueillis par les professionnels de terrain,
qui voient là une atteinte à leur marge de réflexion et de décision. Ainsi, une assistante sociale du
Conseil général de Paris nous confiait-elle lors d’un entretien : « on ne sait pas comment s’y prendre,
alors on fait des grilles. On prend les travailleurs sociaux pour des imbéciles, on n’a pas attendu qu ils
nous fassent une grille pour faire une évaluation...». Ces résistances à l’évaluation, liées à la crainte
des professionnels de perdre leur liberté de penser et à l’absence de tradition d’évaluation dans le
secteur médico-social, expliquent pourquoi, même lorsque les outils existent, ceux-ci sont peu utilisés.
Ainsi, un premier bilan effectué sur les instruments les plus anciens 9 a-t-il permis de constater que le
guide du signalement de Paris était peu diffusé et peu utilisé et que les fiches de recueil des données
de Meurthe-et-Moselle souffraient d’une certaine désaffectation.
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Pour susciter l’adhésion des professionnels aux outils d’évaluation, des conseils généraux ( comme
le Val-de-Marne) ont cherché à associer les travailleurs sociaux à la construction de ces instruments. Le
guide d’évaluation du Val-de-Marne, fruit d’un travail collectif, a été rédigé par le conseiller technique
et un représentant des travailleurs sociaux. Une attention particulière a été portée à la formation des
professionnels à l’évaluation puisque la diffusion du guide a été accompagnée d’une demi-journée
de conférence au sein du centre de pédagogie appliquée du Conseil général.
Des bonnes pratiques voient ainsi le jour, mais le recours à l’évaluation formalisée reste encore
balbutiant en France, en comparaison avec son utilisation beaucoup plus systématique dans d’autres
pays comme le Canada où un guide d’évaluation des capacités parentales reconnu nationalement
est à la disposition des professionnels.
C’est pourquoi , sur le recensement et l’analyse des bonnes pratiques en matière de signalement,
le rapport de l’IGAS préconise un référentiel national d’évaluation qui permettrait d’harmoniser les
pratiques sur le territoire et de généraliser le recours à l’évaluation.
1 BOUTEREAU-TICHET (S.), GIORGI (D.), JOURDAIN-MENNINGER (D.), MOYEN (H.), « Recensement et analyse des bonnes
pratiques en matière de signalement, dans le cadre de la politique de la protection de l’enfance », Rapport IGAS
n°2006-011, janvier 2006. Voir http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000257/0000.pdf
NAVES (P.), CATHALA (B.), Rapport sur les accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents, IGAS / IGSJ,
juin 2000. Voir http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/004001642/index.shtml
Rapports annuels 2005 et 2004 du Défenseur des enfants. Voir http://www.defenseurdesenfants.fr
2 GABEL (M.), « Pratique institutionnelles d’évaluation », in DURNING (P.), GABEL (M.) (2002), Evaluation(s) des mal-
traitances, rigueur et prudence, Fleurus, 2002, p. 55.
3 BERGER (M.), L’échec de la protection de l’enfance, op.cit. (voir en page 3).
4 ALFÖLDI (F.), Evaluer la protection de l’enfance, théorie et méthode, Dunod, 2005, 2ème édition.
5 Voir fiche n°15 du rapport IGAS, op. cit.
6 Voir fiche n°20 du rapport IGAS, op. cit.
7 Voir fiche n°21 du rapport IGAS, op. cit.
8 Voir fiche n°19 du rapport IGAS, op. cit.
9 Rapport IGAS, op. cit.
Autre référence bibliographique
BAUDURET (J.-F.), JAEGER (M.), Rénover l’action sociale, Dunod, 2005, 2 ème édition, 342 p.
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Présentation simplifiée de la théorie
et de la clinique de l’attachement
Maurice BERGER
Chef de service en psychiatrie de l’enfant, CHU de Saint-Etienne
La théorie et la clinique de l’attachement ont été décrites par John BOWLBY en 1969, puis ont été
considérablement affinées dans de nombreux autres travaux, en particulier ceux de Mary MAIN et
Jude CASSIDY (1988 et 1998), Charles H. ZEANAH (2002), etc. On considère actuellement qu’elle n’est
pas contradictoire avec la théorie psychanalytique, mais complémentaire (René ROUSSILLON, 2003).
Description
Les processus d’attachement sont une des composantes du lien précoce mère-bébé, les autres
étant les sentiments d’amour et d’ambivalence, les processus de différenciation progressive ( acquisition du sens de l’identité ), etc... chacun de ces processus pouvant avoir une influence sur les autres.
La partie du lien qui concerne l’attachement porte sur la constitution du sentiment de sécurité.
Pour se développer normalement, un enfant a un besoin vital, dès ses premiers mois, au niveau
psychique, d’établir un lien sélectif avec un adulte – figure d’attachement stable, fiable, prévisible,
accessible, capable de comprendre ses besoins et d’apaiser ses tensions, et lui permettant de se sentir
en sécurité. Une figure d’attachement «sécure» est un adulte qui répond au besoin de proximité de
l’enfant chaque fois qu’il est en situation de détresse, de grande inquiétude et qui lui procure alors le
réconfort nécessaire. Une telle relation se manifeste par la notion de «base de sécurité» qui autorise
l’enfant à prendre de la distance sans inquiétude : par la notion de comportement de refuge ( retour
vers la figure d’attachement lorsqu’il perçoit une menace) et par des réactions marquées vis-à-vis de
la séparation involontaire d’avec cette figure d’attachement. Lorsque l’enfant a intériorisé, entre l’âge
de 6 et 9 mois, une image maternelle sécurisante, il développe un sentiment de confiance en lui et
dans les autres qui lui permet de s’éloigner pour explorer le monde.
Un adulte peut permettre à un enfant d’éprouver ce sentiment de sécurité sans être forcément
son parent biologique. Par ailleurs, on sait que les parents ont constitué, bien avant la grossesse, les
modalités d’attachement qu’ils proposent en fonction des images le plus souvent inconscientes
qu’ils ont de leurs propres parents.
Attachement et famille à risque
Les nourrissons nouent des relations d’attachement même avec les parents les plus négligents
et les plus maltraitants, fut-ce au prix de mécanismes de défense fixés parfois en quelques mois. La
question n’est donc pas : « est-ce qu’il y a une relation d’attachement entre cet enfant et ce parent ? »,
mais : « quelle est la qualité de la relation d’attachement entre eux ? » ou « est-ce que cet attachement
permet à l’enfant de se développer normalement sur un plan intellectuel et affectif et lui permet de
devenir autonome dans l’existence ? ». Dans 82% des groupes familiaux à risque ( maltraitance, négligence, maladie mentale d’un parent, toxicomanie... ), l’enfant développe un attachement « insécure
désorganisé-désorienté » qui montre que celui-ci est effrayé, confus, incapable d’utiliser un mode de
contact cohérent. Cela se manifeste par son refus de dépendre de l’adulte même lorsqu’il est anxieux,
l’absence de réaction manifeste à la séparation, l’incapacité de conserver les bons moments sans les
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détruire par la suite, une réaction agressive à toute limite ou exigence, sans capacité d’admettre ses
torts, un état de rage constant ( STEINHAUER, 1999, cité par SAINT-ANTOINE, 1999 ). CYRULNIK précise
qu’un enfant qui présente un attachement désorienté-désorganisé ne peut pas devenir résilient et
que seule l’expérience d’un attachement sécurisant permet la constitution de la résilience. Enfin,
certains enfants auxquels aucun lien n’est proposé présentent une pathologie du non attachement.
Ayant abandonné l’espoir qu’on puisse répondre à leurs besoins, ils se lient de façon superficielle aux
adultes qui sont interchangeables à leurs yeux.
Le plus important est l’aspect pronostique : un enfant qui n’a pas développé avant deux ans une
capacité d’attachement impliquant un minimum de sécurité en conservera de graves séquelles
affectives, sociales et cognitives. L’enfant devient alors lui-même un obstacle à l’élaboration d’un
projet de vie dans un environnement plus favorable, comme un placement familial : « Il apparaît
donc important de travailler à l’établissement d’un lien d’attachement sécure entre le jeune enfant
et ses parents, mais aussi de pouvoir reconnaître rapidement les situations où ce travail s’avérera
impossible, sinon les conséquences sur le développement de l’enfant, en particulier sa socialisation,
seront rapidement irréversibles » ( SAINT ANTOINE, 1999 ).
Même si la nature du lien qui s’établit entre l’enfant et ses parents ne se résume pas aux processus
d’attachement, il manque un axe directeur à un dispositif de protection de l’enfance qui fonctionne
sans avoir cette théorie et cette clinique parmi ses fondements.
Les travaux biologiques
Depuis 1989, nombre de publications scientifiques solides portent sur les conséquences cérébrales
des dysfonctionnements parentaux importants et durables : si l’attitude des parents est vraiment trop
désorganisatrice pour un bébé ou un enfant, ce dernier, stressé en permanence, présente souvent
une élévation anormale et chronique de son taux de cortisol sanguin. Cette élévation entraîne une
atrophie du système limbique ( zone du cerveau droit ) dont l’hippocampe, ce qui se traduit par 10 %
à 15% de neurones en moins, atrophie visible sur les IRM en trois dimensions. Or, c’est dans cette
zone que s’organisent la mémoire affective, la mémoire des apprentissages et les comportements
d’attachement. De plus, l’amygdale, partie du cerveau proche de la précédente, mémorise les affects
de peur et des circuits « en boucle » s’installent entre ces deux zones, organisant des réactions automatiques de peur et, en conséquence, de collage à autrui. Et l’on sait à quel point, même séparés de
parents très angoissants, les enfants maintiennent répétitivement de tels comportements.
Dans plusieurs pays, ces travaux sur les détériorations neurologiques, mises en évidence par des
méthodes précises, sont enseignés dans les écoles de travailleurs sociaux et d’éducateurs. Elles ont
amené les juges des enfants à modifier la manière dont ils appliquaient la loi.
Quelques illustrations cliniques
Les délais judiciaires peuvent être incompatibles avec la nécessité, pour l’enfant petit, de bénéficier
d’une figure d’attachement stable et sécurisante. Il en est de même des longs séjours en pouponnière dépassant quatre mois ( à noter une durée moyenne de séjour de six cents à mille jours dans
certaines pouponnières de la région parisienne ).
Par ailleurs, la multiplication des lieux de vie et l’absence d’adultes référents stables participent à
l’apparition d’un attachement désorienté-désorganisé 1, comme l’illustre l’exemple suivant. Un juge
des enfants me demande de recevoir en expertise un enfant de sept ans dont le comportement au
cours d’une audience judiciaire en septembre 2004 a été très inquiétant. L’enfant évitait tout contact
avec le regard, marchait sur la pointe des pieds, rasait les murs et, dans son internat, restait des heures
seul dans sa chambre à déchirer des bouts de papier. On pouvait penser, à la lecture de l’ordonnance
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d’expertise, que ce garçon avait une structure psychotique. Mais quand je l’ai rencontré en novembre
2004, son contact était bon et il avait récupéré une pensée cohérente ( tout en gardant les difficultés
d’apprentissage ). L’éducatrice qui l’accompagnait m’a indiqué que depuis septembre les trois autres
enfants de son groupe étaient partis, que trois nouveaux jeunes étaient arrivés, qu’il avait été changé
de chambre et que son éducateur référent était parti. Cet enfant a une mère très inconstante qui
reconnaît s’être souvent absentée pour « faire la bamboula » lorsque son fils était bébé et qui peut
actuellement rester longtemps sans lui téléphoner ou ne pas venir aux visites médiatisées avec lui.
De plus, cet enfant n’a bénéficié d’aucune relation stable avec un professionnel. Il est passé dans deux
pouponnières successives, puis dans un internat et il a été en contact avec des dizaines d’éducateurs
et de travailleurs sociaux. Lorsqu’on lui demande vers quelle personne il irait pour dire qu’il a mal ou
qu’il ne se sent pas bien ou qu’il est inquiet, il ne peut donner aucun nom d’adulte passé ou actuel. Il
n’a pu intérioriser aucune image sécurisante si bien qu’il devient confus et sa pensée se désorganise
lorsque son environnement change. On comprend pourquoi il demande à retourner chez sa mère :
malgré son inconstance, c’est le seul visage « fixe » qu’il ait pu repérer dans cette foule d’adultes.
On constate, lorsqu’on est amené à séparer un enfant de ses parents, qu’il ne peut progresser que
si on lui propose une relation d’attachement cohérente et sécurisante qui fasse contrepoids à une
relation parentale souvent très angoissante et insatisfaisante.
Par ailleurs, un enfant qui ne peut pas explorer le monde présente des troubles cognitifs se traduisant par des difficultés d’apprentissage importantes. Dès les premiers mois de la vie, cette atteinte
des capacités de penser peut être repérée par un quotient de développement trop bas. Ceci peut
être aisément évalué grâce à un test simple ( test BRUNET LÉZINE ) qui peut être répété tous les mois
afin d’apprécier l’évolution.
En ce qui concerne l’évolution à l’âge adulte, une enquête réalisée en 2004 montre que 65% des
patients pris en charge dans l’hôpital de jour d’un service de psychiatrie adulte ( hôpital du Vinatier à
Lyon ) furent des enfants insuffisamment ou non protégés de maltraitances physiques ou psychiques
importantes. Tous ces sujets ont été hospitalisés au moins une fois précédemment à temps plein en
psychiatrie adulte, sont suivis depuis plusieurs années et sont dépendants de l’institution psychiatrique. Une autre étude plus précise est en cours pour vérifier ces chiffres. La plupart de ces sujets
présentent des troubles de l’attachement de type désorganisé-désorienté dont il faut préciser qu’ils
sont souvent non traitables, et on ne peut alors qu’effectuer une prescription médicamenteuse au
long cours pour en diminuer les conséquences. Les dispositifs de soins pédiatriques et psychiatriques
sont actuellement saturés par cette pathologie.
Divorce, résidence alternée et troubles de l’attachement
Dans les situations de divorce, des travaux scientifiques précis montrent la fréquence des troubles
d’attachement de type désorganisé-désorienté chez les enfants petits éloignés de manière répétée
et prolongée du parent qui a donné les premiers soins.
En effet, dans le cas d’une décision judiciaire de résidence alternée ( ou d’éloignement de la mère
pendant de longs week-ends ou la moitié des vacances scolaires ), la base de sécurité, le plus souvent
maternelle, est inaccessible à l’enfant pendant une durée trop longue.
1 A noter, en Angleterre, l’obligation pour les services sociaux de « s’assurer que les enfants se sont attachés à un
adulte capable de leur offrir des soins efficaces et la sécurité tout au long de leur enfance ».
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L’expérience québécoise :
un programme d’intervention et d’évaluation
des situations d’enfants en danger
Patrick GRÉGOIRE
Conseiller technique au CREAI Rhône-Alpes
Découvrir un programme qui s’appuie sur des outils cliniques apportant une connaissance de la
situation des enfants à risque, ou en voie d’abandon, facilite l’évitement de deux écueils classiques,
la fascination et la phobie.
Nous avons choisi de présenter le programme d’intervention : « A chaque enfant, son projet de
vie permanent » développé dans le cadre des services de la protection de la jeunesse du Québec.
Expérimenté depuis 2000, il est aujourd’hui utilisé par l’ensemble des équipes offrant des services
aux enfants âgés de 0 à 5 ans. Ses utilisateurs ont une expérience conséquente et procèdent à son
évaluation / adaptation régulière, ce qui lui confère une crédibilité que peu d’outils ou procédures
ont à ce jour.
Ce programme et les outils utilisés commencent à faire référence au-delà du Canada. Le récent
rapport de l’IGAS 1 propose-t-il ainsi « d’objectiver les évaluations à travers l’élaboration d’outils de
recueil et d’analyse des informations ou de référentiels d’évaluation, qui permettent de collationner
les données de manière exhaustive et cohérente, à l’instar de celui utilisé au Canada ».
Les bases théoriques sont celles de la théorie de l’attachement (cf. article du Docteur BERGER ).
Le texte ci-après est principalement constitué d’extraits du document de présentation du
programme rédigé par le Centre Jeunesse de Montréal - Institut Universitaire 2. Le travail a
consisté à les choisir en essayant d’être synthétique et complet, et surtout à ne pas en trahir
la cohérence.
Objectifs et processus
L’objectif général du programme consiste à fournir aux enfants âgés de 0 à 5 ans un milieu de vie
et un environnement stable et permanent qui soit apte à répondre à ses besoins – dont celui de
développer un lien sélectif avec une personne significative ( le parent dans le meilleur des cas ) –
de manière à ce que l’enfant ait devant lui un avenir prévisible, un projet de vie.
L’objectif associé est de réduire le risque que le sujet soit, à l’âge adulte, en situation d’exclusion
sociale, d’errance, d’internement psychiatrique ou de criminalité.
Etape 1 - Le dépistage
Il s’agit de dépister, dans les vingt jours suivant l’assignation au dossier (signalement), les situations à risque de dérive du projet de vie de l’enfant en utilisant de façon systématique une « grille
de dépistage » pour tous les enfants âgés de 0 à 5 ans. Cette grille constitue un support au jugement
clinique, mais elle ne constitue pas un outil psychométrique validé. C’est l’accumulation des facteurs
qui permet à l’intervenant d’évaluer la gravité du risque et la seule conséquence sera alors d’être
intégré dans le programme : « A chaque enfant son projet de vie permanent ».
10
Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales
DOSSIER
Septembre 2006 / CREAI Rhône-Alpes
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L’évaluation porte sur :
la situation familiale : présence de la mère et/ou du père dans la vie de l’enfant, contexte, fratrie...
la capacité de prendre soin de l’enfant en prenant en compte :
– les facteurs de risque associés aux problématiques chez les parents ( problèmes de santé mentale
et antécédents psychiatriques, capacité à assumer les besoins quotidiens physiques, alimentaires,
vestimentaires et/ou hygiéniques, toxicomanie, limites intellectuelles et sociales, mode de vie inapproprié ) ;
– les facteurs de risque associés à l’attitude des parents face aux difficultés de l’enfant. Par exemple,
face à des problèmes émotionnels, hyperactivité, troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles
sphinctériens, troubles alimentaires, le parent :
- reconnaît le problème de l’enfant,
- reconnaît plus ou moins le problème, sans être hostile,
- ne reconnaît pas les difficultés de l’enfant.
la volonté de prendre soin de l’enfant. L’attention est portée sur les indicateurs de risque de dérive
du projet de vie antérieurs au placement : histoires de rejet, de placement et de délaissement dans
la vie du ou des parent(s), ou dans la fratrie de l’enfant étudié, problème d’adaptation à la situation
de grossesse, comportement de rejet ouvert à l’égard de l’enfant dés la petite enfance, discontinuité
dans la présence du ou des parent(s) auprès de l’enfant.
Etape 2 - L’intégration dans le programme et le plan d’intervention
L’intégration dans le programme
Les enfants pour lesquels un risque de dérive du projet de vie existe sont intégrés au programme :
« A chaque enfant son projet de vie permanent ». Par ailleurs, tous les enfants placés entre l’âge de
0 à 5 ans sont automatiquement considérés à risque et entrent dans le programme.
Cette deuxième étape du processus d’intervention permet de faire l’analyse approfondie de la
situation, de poser une hypothèse pronostique et d’effectuer un choix de mesures. Cette analyse est
soutenue par le guide d’évaluation des capacités parentales – adaptation du guide de STEINHAUER
que nous allons présenter.
Une évaluation complémentaire de la situation d’attachement peut être effectuée à l’aide de deux
autres outils :
le Q-sort des comportements maternels de PEDERSON et MORAN (1990) permet d’examiner, pour
les situations d’enfants âgés de 0 à12 mois, la sensibilité maternelle et offre quelques indices sur la
trajectoire éventuelle du type d’attachement. Il comporte quatre-vingt-dix items ;
le Q-set sur le comportement d’attachement de WATERS (1997) permet quant à lui d’examiner la
situation d’attachement des enfants de 2 à 5 ans. Il comporte également quatre-vingt-dix items.
Pour ces deux outils, des connaissances ainsi qu’une expérience en matière de développement
de l’enfant sont nécessaires.
Cette étape est fondée sur le constat qu’il n’existe pas de critères clairs expérimentalement validés
en matière d’évaluation des compétences parentales et que, parmi les cliniciens, se trouvent encore
d’importantes différences de convictions, d’expérience et de formation professionnelles.
Il est important de proposer des repères et des processus cliniques qui aident à effectuer
l’évaluation avec précision et exhaustivité, démarche de nature à assurer une qualité d’intervention plus uniforme et moins aléatoire.
Évaluation initiale des situations familiales / Protection de l’enfance
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
Au cours de cette étape, deux objectifs sont également poursuivis :
clarifier formellement les intentions relatives au « projet de vie » de l’enfant par le ou les parent(s),
transmettre un message clair, dés le début de l’intervention, concernant la primauté des intérêts
de l’enfant dans le cas où les besoins des parents entrent en conflit avec les besoins de celui-ci. Les
parents reçoivent une explication sur le référentiel théorique, les attentes des services de protection
et les conséquences prévisibles s’ils ne se mobilisent pas pour corriger la situation.
Etablir un plan d’intervention
Il s’agit d’un plan qui fait l’objet des engagements mutuels entre les parents et les services.
Lorsque les engagements des parents sont vagues, il est difficile de faire le suivi de l’évolution de
la situation et de fournir les éléments rigoureux qui peuvent être, par exemple, nécessaires aux juges
pour prendre leurs décisions. La nature précise des engagements des parents est consignée au plan
d’intervention. Ceux-ci peuvent concerner les contacts avec l’enfant, les problèmes personnels, le
développement des compétences parentales, l’implication dans la vie courante de l’enfant...
Par ailleurs, les parents ayant besoin d’aide pour changer, il est important de s’assurer que tous les
moyens soient mis en œuvre par la protection de la jeunesse. Le fait de formaliser les engagements
par écrit oblige à plus de rigueur dans leur mise en action. Ceux-ci sont également consignés au plan
d’intervention et peuvent concerner la fréquence, la durée et le rythme des rencontres, les services
relatifs aux problèmes personnels des parents, les services qui visent à développer les compétences
parentales, la référence et l’accompagnement vers des ressources spécialisées...
Il est inscrit dans la loi québécoise que le plan d’intervention soit élaboré dans les quarante-cinq
jours qui suivent l’entrée dans le programme.
Etape 3 - Le suivi systématique
Il s’agit de déterminer l’orientation du projet de vie après six mois d’intervention – voire plus tôt
si la situation l’exige. Pour rappel, la précocité et la durée de la privation d’un lien d’attachement sont
des facteurs de risques associés au développement des troubles de l’attachement. Plus l’enfant est
jeune et plus le temps presse de lui fournir un cadre de vie permettant de développer un lien d’attachement sécurisant.
Ainsi, un suivi systématique de l’évolution de la situation est réalisé après trois mois et six mois
d’intervention au moyen d’un bilan sur :
– le respect des engagements du ou des parent(s),
– le respect des engagements des services de protection.
Ce bilan est réalisé au moyen du même guide d’évaluation des capacités parentales.
Avant de le présenter, deux remarques sont importantes :
l’expérience démontre que, lorsqu’il manque de balises concernant l’échéancier ou la nature des
éléments à observer, le bilan reste vague et incomplet et les décisions risquent d’être reportées ;
un des objectifs du programme est de développer les connaissances par l’analyse des informations
recueillies. Ainsi, dans un système de « monitoring », sont saisis régulièrement des données cliniques
et de gestion de façon à procéder à une évaluation de la pertinence du programme et en particulier
de la conformité entre les actions prescrites et les actions réalisées.
1 Rapport IGAS n°2006-01, op. cit. (voir en page 6).
1 Voir le site http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/evaluation/pdf/programme_projet_vie.pdf
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Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales
DOSSIER
Septembre 2006 / CREAI Rhône-Alpes
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Le guide d’évaluation
des capacités parentales
Le guide d’évaluation des capacités parentales 1 est le résultat de nombreuses adaptations
du guide de STEINHAUER (1996 ) 2. Il a été conçu pour aider les intervenants à estimer de manière
rigoureuse les capacités parentales. Il aide à structurer l’analyse clinique en examinant les principales
dimensions à considérer dans l’évaluation des capacités parentales. Il aide à identifier les forces et les
faiblesses, et à cibler les zones d’intervention devant être priorisées.
La rigueur du processus vise à améliorer la qualité des décisions relatives à l’orientation, à réduire
les délais de décisions et prévenir l’instabilité dans la trajectoire de vie des enfants.
Le guide permet d’identifier les zones de risque et de cerner les éventuels besoins d’évaluations
complémentaires. Il permet de structurer les données d’observation et favorise l’objectivité.
À partir des informations recueillies, l’intervenant doit porter un jugement clinique sur les neuf
dimensions présentées ci-après.
le contexte
l’enfant
la relation
parents-enfants
les parents
1
2
3
5
le contexte socio-familial
la santé et le développement
de l’enfant
l’attachement
le contrôle des impulsions
4
6
les compétences parentales
la reconnaissance
de la responsabilité
7
les facteurs personnels
affectant les capacités parentales
8
le réseau social
9
l’histoire
des services cliniques
Compléter l’outil n’exige pas une expertise dans toutes les dimensions examinées. Pour chacune
des dimensions, un résumé est rédigé qui aide l’intervenant à juger cliniquement si celle-ci constitue
une préoccupation majeure/mineure ou une force majeure/mineure.
1. Le contexte socio familial
La première des dimensions à considérer dans l’évaluation des capacités parentales est celle du
contexte dans lequel vit la famille. Il s’agit pour l’intervenant d’identifier les facteurs de stress dans
les diverses facettes de la vie quotidienne sachant, comme le suggère des études, que le cumul des
difficultés agit de façon exponentielle sur les capacités parentales.
Évaluation initiale des situations familiales / Protection de l’enfance
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
Il est alors important d’identifier les zones problématiques pouvant être éliminées parce que la
suppression d’une seule de ces zones ( un logement plus adéquat, par exemple ) peut avoir un effet
considérable.
Les zones concernent le logement, le quartier, le plan professionnel, les problèmes financiers, les
problèmes personnels touchant les parents, les problèmes liés aux enfants, les problèmes juridiques,
les relations entre les adultes, les problèmes liés à la migration ou au changement de région.
2. Santé et développement de l’enfant
Dès le début du processus d’intervention, il est essentiel d’identifier la présence de retards de développement ou de problèmes de santé, et de voir si les difficultés familiales sont en cause. Sousestimée dans la pratique, cette évaluation de la santé et du développement de l’enfant est pourtant
fondamentale tant au plan clinique que juridique. Elle doit être faite par des professionnels ayant des
compétences reconnues dans ces domaines.
Au plan clinique, les très jeunes enfants traversent des périodes critiques de développement qui
peuvent, à défaut d’une réponse adéquate à leurs besoins, entraîner des séquelles permanentes.
Les retards de développement, qui ne sont pas explicables par des raisons médicales, sont d’ailleurs
reconnus dans la littérature scientifique comme un indicateur de mauvais traitement ou de négligence. Or, les retards de développement associés à un rôle parental déficitaire se rattrapent généralement assez rapidement lorsque l’enfant est placé à temps dans un milieu stimulant ou lorsque
des mesures appropriées sont prises pour assurer la reprise du développement. D’où l’importance
de réagir rapidement et de s’assurer que l’information soit transmise aux intervenants de prise en
charge.
3. L’attachement
La capacité d’établir un lien sélectif avec une figure d’attachement constitue un facteur décisif du
développement normal chez l’enfant. Il est essentiel au développement de la confiance en soi, de la
capacité d’intimité, et capital dans le processus de socialisation.
Un enfant, qui n’aurait pas développé sa capacité d’attachement avant deux ans gardera de graves
séquelles tant au plan social que cognitif.
Quatre facettes seront examinées pour dépister d’éventuels troubles d’attachement chez l’enfant
ou une interaction entre le parent et l’enfant qui pourrait conduire à ces troubles : ce sont l’histoire
d’attachement du parent, les indices des risques d’abandon, les interactions entre parent et enfant
et les indices de troubles de l’attachement chez l’enfant.
Enfin, des connaissances de base sur la théorie de l’attachement sont essentielles pour interpréter
les données recueillies dans cette section.
Les indices de troubles de l’attachement chez l’enfant
Il se peut que l’enfant ait développé des troubles de l’attachement dont les manifestations seront
repérées à l’aide de certains indicateurs.
Lorsque le cumul des indices montre qu’il s’agit d’une préoccupation majeure, un second niveau
d’évaluation devrait être entrepris au moyen du Q-Sort des comportements maternels pour les enfants de 0 à 12 mois ou du Q-Set sur les comportements d’attachement pour ceux de 1 à 4 ans.
Pour être considérées comme des indices, rappelons que les situations doivent avoir fait l’objet de
plusieurs séances d’observation et être un comportement fréquent et habituel chez le parent ou chez
l’enfant. Il ne s’agit pas d’impressions, mais de faits observés.
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Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales
DOSSIER
Septembre 2006 / CREAI Rhône-Alpes
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EXEMPLE • INDICES D'UN TROUBLE D'ATTACHEMENT / 2-6 ANS
Cochez s'il y a présence d'un ou plusieurs de ces indices (comportement habituel )
en fonction du principal donneur de soin
Langage, motricité, cognition
Retards du développement
‰
Aspects physiques
Problèmes de sommeil
‰
Problèmes de santé fréquents : asthme, infections
‰
Problèmes de santé non traité
‰
Retard d'acquisition de la propreté
‰
Retard de croissance (taille, poids)
‰
Troubles d'alimentation
‰
Aspects social et affectif
Absence de contact visuel direct avec son entourage
‰
Fuit le regard lorsqu'on s'adresse à lui
‰
Retiré, isolé, anxieux
‰
Instabilité, crises fréquentes : coups de pied, mord, hurle sans raison apparente
‰
Agressif avec les pairs
‰
Faible tolérance aux refus, aux délais d'attente, aux exigences de la réalité quotidienne
‰
Déambule constamment, obéit peu ou pas du tout, est opposant
‰
Difficulté d'attention, de concentration
‰
Hyperactivité
‰
Réduit la communication au minimum ou au contraire, la recherche auprès de n'importe quel adulte
‰
Expression faible ou nulle des émotions
‰
Émotions réprimées ou encore sans concordance avec la situation du moment
‰
Tentatives de séduction suivies de brusques éclats agressifs
‰
Facilement désemparé devant l'absence de sa mère et nécessitant beaucoup de temps pour être rassuré
‰
Ambivalent dans les contacts : les recherche et les fuit à la fois
‰
Refuse le réconfort
‰
Intrusif et accaparant
‰
Trop facilement familier avec les étrangers
‰
Détruit les bons moments passés avec l'adulte
‰
Ne conserve pas ou détruit les objets personnels
‰
Difficulté d'intégration à la garderie ou à la maternelle
‰
Réalise difficilement des apprentissages, peu intéressé
‰
N'arrive pas à se faire des amis
‰
Comportement agressif envers lui-même ou envers son entourage (parents et pairs)
‰
Affect superficiel (sourires excessifs, rires factices…)
‰
Attitudes « parentéifiées »
‰
Imprudence (témérité) excessive
‰
Vagabondage
‰
Évaluation initiale des situations familiales / Protection de l’enfance
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
4. Les compétences ou habiletés parentales
Les compétences ou habiletés parentales sont la somme des attitudes et conduites favorables au
développement normal d’un enfant. Leur évaluation se fonde sur l’examen des agissements actuels
du parent envers l’enfant, ce qu’il fait dans les faits au moment de l’évaluation.
Il ne faut pas confondre «compétences parentales» avec «capacités parentales», c’est-à-dire ce que
le parent serait capable de faire. Les compétences parentales sont des attributs susceptibles de se
modifier au cours du temps, alors que les capacités parentales ont un caractère de permanence ( par
exemple, une limite associée à une déficience intellectuelle ) ou de chronicité ( par exemple, un parent
toxicomane qui aurait les capacités parentales mais ne les actualiserait pas en raison de sa problématique ). L’actualisation des compétences parentales exige deux éléments fondamentaux : la capacité
et la volonté d’exercer le rôle de parent.
La question examinée dans cette dimension consiste à savoir si l’exercice actuel du rôle parental
( attitudes et conduites ) est favorable ou non au développement normal de l’enfant. Pour cela, deux
types de compétences seront considérées : les compétences générales qui restent essentielles à
toutes les étapes du développement de l’enfant et les compétences spécifiques qui sont associées
aux défis particuliers que doivent relever les enfants à certaines étapes de leur développement.
EXEMPLE • AVOIR UNE ATTITUDE POSITIVE ENVERS L'ENFANT
Mère
Père
Chaleureux et affectueux avec l'enfant
‰
‰
Valorisant (souligne les qualités de l'enfant)
‰
‰
Intéressé aux réalisations de l'enfant
‰
‰
Patient et compréhensif (rarement irritable avec l'enfant)
‰
‰
Tolérant (peu d'agressivité)
‰
‰
Accepte l'enfant (pas de rejet)
‰
‰
Attentes raisonnables et adaptées à l'âge de l'enfant (pas de rigidité)
‰
‰
Mère
Père
Connaît les besoins intellectuels et éducatifs associés à l'âge de l'enfant (stimulation et socialisation)
‰
‰
Procure une stimulation adéquate, crée et s'approprie des occasions d'apprentissage
‰
‰
Fournit du matériel, encourage les activités et le développement d'habiletés
‰
‰
Réagit positivement face aux découvertes de l'enfant
‰
‰
Reconnaît les difficultés dans le rendement intellectuel ou l'apprentissage
‰
‰
Est sensible au retard de développement et va chercher de l'aide le cas échéant
‰
‰
Intérêt vis-à-vis de ce qui se passe à la garderie ou à l'école
‰
‰
A de la considération pour la garderie ou l'école
‰
‰
‰
‰
Assiste aux rencontres de parents sur demande des éducateurs ou des enseignants
‰
‰
Tient compte de l'avis des éducateurs ou des enseignants
‰
‰
Favorise la continuité au groupe d'appartenance de l'enfant (garderie, école)
‰
‰
Soutient l'enfant dans ses activités ou ses devoirs en l'aidant au besoin
‰
‰
EXEMPLE • RÉPONDRE AUX BESOINS INTELLECTUELS ET ÉDUCATIFS DE L'ENFANT
(pas de blâmes pour les difficultés de l'enfant, pas de plaintes multiples, pas de demandes de changer l'enfant de groupe)
Valorise la garderie ou l'école aux yeux de l'enfant
(pas de discrédits ou de compétition avec les éducateurs ou les professeurs)
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Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales
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Septembre 2006 / CREAI Rhône-Alpes
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5. Le contrôle des impulsions
Bien que ce soit un des facteurs personnels qui puissent – entre autres – affecter la compétence
parentale, une analyse plus détaillée est effectuée en raison du fait que les parents qui manquent
de contrôle présentent un grand risque de maltraitance ou d’incohérence.
6. La reconnaissance de la responsabilité
Il s’agit de considérer, dans l’évaluation des capacités parentales, le niveau de reconnaissance par
le parent de sa responsabilité dans la situation problématique. Cette reconnaissance constitue, selon
les études actuelles, un important indicateur de succès dans l’établissement du pronostic.
Pour évaluer le niveau de reconnaissance, il n’est pas suffisant d’examiner ce que dit le parent, il
faut aussi regarder ce qu’il fait. Il peut effectivement y avoir des contradictions entre les intentions et
les accomplissements. Or, pour l’enfant, les intentions ne suffisent pas. S’il faut véritablement donner
la chance au parent de corriger la situation, il faut aussi donner la chance à l’enfant de se développer
normalement.
Mais, comme la relation d’aide exige qu’il y ait un espoir de changement, il arrive que cet espoir
devienne un piège. L’aidant, qui souhaite voir s’accomplir des progrès, pourra trouver dans de petits
progrès un réconfort auquel il s’accrochera. Or, pour l’enfant, le temps presse, le temps joue en sa
défaveur. Une trop longue attente compromet son développement et il est important, en tant que
protecteur des intérêts de l’enfant, d’être au clair sur l’obligation de résultat du parent et cela dans
une courte échéance. Selon l’âge de l’enfant, celui-ci a besoin de pouvoir mesurer les améliorations
réelles de son parent et de voir des changements observables dans sa vie d’enfant.
En ce sens, il est utile de déterminer le niveau de reconnaissance de la responsabilité et de prendre
en considération la véritable mobilisation du parent en vue de changer la situation problématique.
La reconnaissance d’un problème s’exprime verbalement, mais aussi par la mobilisation dans les faits
pour changer ce qui ne va pas.
EXEMPLE • RECONNAISSANCE PAR LA MOBILISATION DANS LES FAITS
Une deuxième série d'énoncés permet de situer le parent par rapport à quatre types de réactions qui peuvent être
adoptées face à la nécessité de changer. À votre avis, quelle position adopte le parent dans les faits ?
‰ IMMOBILISME
Le parent ne reconnaît pas les problèmes et ne change rien dans ses attitudes et ses comportements.
Le parent admet qu'il a des problèmes, mais ne se met pas en action pour changer.
‰ DÉFENSIVE
Le parent dit ne pas admettre la présence de problèmes.
Mais il change dans les faits ses attitudes et ses comportements.
‰ CONFORMISME
Les seuls changements qu'il apporte sont associés au suivi serré de l'intervenant.
‰ ENGAGEMENT
Le parent reconnaît qu'il a des problèmes et se met en action pour changer.
Il profite de l'aide qui lui est offerte.
Évaluation initiale des situations familiales / Protection de l’enfance
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
7. Les facteurs personnels affectant les capacités parentales
L’état psychologique du parent ou certaines limites peuvent affecter ses capacités parentales. Il n’y
a pas toutefois de relation linéaire entre la capacité parentale et la capacité mentale d’une personne.
Certaines personnes perturbées jouent effectivement leur rôle parental de manière relativement
efficace alors que d’autres, ne montrant aucun indice apparent de troubles psychologiques, peuvent
être des parents très destructeurs.
Par ailleurs, certains problèmes personnels affectant la capacité parentale peuvent être compensés
par un support du milieu. Il s’agit donc ici d’estimer ce qui, au plan personnel, constitue un atout ou
un obstacle à l’exercice du rôle parent.
8. Le réseau social
Il s’agit d’évaluer la présence et la qualité des liens personnels et sociaux qui peuvent apporter
un soutien au rôle parental. Si la famille n’a pas de soutien ou est incapable d’utiliser les ressources
du milieu, elle perd une importante source de soulagement de la tension exercée par les nombreux
stress. Or, la réduction du stress favorise une plus grande disponibilité au rôle de parent.
En fait, certaines familles sont caractérisées par un isolement profond, coupées de leur entourage
et des institutions sociales. Cette situation d’isolement a pour effet de réduire l’accès à d’éventuelles
ressources, à du soutien ou de l’aide.
9. L’histoire des services cliniques
Il s’agit de connaître l’utilisation par les parents des services offerts dans le passé. Cette attitude
antérieure à l’égard des divers services cliniques ( orthopédagogie, santé mentale, toxicomanie, etc.)
est un facteur important de prévision de la capacité des parents à profiter des services actuels en vue
de susciter un véritable changement dans l’exercice du rôle parental.
Les facteurs examinés sont la possibilité d’alliance thérapeutique, la perception par les parents des
interventions, l’utilisation qu’ils en ont faite et les changements suscités par les interventions.
En examinant ces différentes facettes, l’intervenant sera en mesure de mieux cerner l’aptitude du
ou des parent(s) à pouvoir profiter des services. Il sera important dans cette évaluation de toujours
faire la part des choses entre ce qui s’est passé dans la réalité et ce qui est teinté des projections ou
de toute autre forme de mécanismes de défense présents chez les parents.
La prédiction du potentiel de changement des parents
L’utilisation du guide permet d’étayer la prise de décisions extrêmement difficiles et lourdes de
conséquence. Les intervenants ont légitimement peur de se tromper mais, dans l’intérêt de l’enfant,
il est cependant essentiel de trancher. Il faut déterminer si la famille sera suffisamment en mesure de
changer pour permettre à l’enfant de se développer normalement et assez rapidement pour éviter
l’apparition de séquelles Personne ne pouvant répondre à cette question avec certitude parce que
personne ne peut prédire l’avenir, cette grille aide à estimer les probabilités de changement chez
les parents.
1 Voir http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/evaluation/pdf/guide_competences_parentales.pdf
2 STEINHAUER (P. D.), Le moindre mal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1996.
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Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales
DOSSIER
Septembre 2006 / CREAI Rhône-Alpes
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EXEMPLE • PRÉDICTION DU POTENTIEL DE CHANGEMENT
Groupe A
POTENTIEL DE CHANGEMENT ENCOURAGEANT
L’état actuel de l’enfant montre qu’il a des problèmes
sérieux même si – jusqu’à récemment – les capacités
parentales et son propre développement semblaient
adéquats. Si l’intervention est rapide et appropriée, le
pronostic est raisonnablement bon quant à la capacité
des parents à pouvoir répondre de nouveau aux besoins
de son enfant de manière à assurer son développement.
Groupe B
HAUT RISQUE DE CHRONICITÉ
Le développement et l’adaptation de l’enfant ont été
compromis de manière chronique et significative. Les
parents sont depuis longtemps incapables de répondre
aux besoins de l’enfant et il y a peu d’indices pour que
la situation puisse se modifier sensiblement, même si
des services sont fournis à la famille.
1. DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
‰ peu ou pas altéré : l’enfant présente les traits caractéristiques d’une bonne progression développementale
et il n’existe que peu ou pas de facteurs interférents.
‰ altéré : l’enfant présente des signes étendus de retard
développemental et d’inadaptation aux plans physique,
cognitif, langagier, intellectuel, émotionnel et social.
2. APPARITION DES PROBLÈMES
‰ récente : un problème récent a provoqué un déséquilibre dans le fonctionnement familial et dans la capacité
des parents à répondre aux besoins de l’enfant.
‰ état chronique : il s’agit d’une incapacité chronique des
parents.
3. TROUBLE PSYCHIATRIQUE AFFECTANT SES CAPACITÉS PARENTALES
‰ absent ou contrôlé: un des parents, présent dans la
maison, ne présente pas de trouble psychiatrique grave,
ou on note la présence d’un trouble psychiatrique mais
d’un bon pronostic de contrôle de la situation.
‰ présent : on note chez l’un des deux parents ou chez les
deux , la présence d’un trouble psychiatrique qui affecte
significativement l’exercice du rôle parental. Les chances
que le trouble s’atténue sont faibles.
4. UTILISATION DES SERVICES DANS LE PASSÉ ET SUCCÈS DE L’INTERVENTION
‰ utilisation des services : l’histoire révèle une capacité
à accepter de l’aide en regard des problèmes psychologiques ou familiaux et d’avoir bénéficié de ces services.
‰ refus des services : les traitements multiples et les tentatives d’aide se sont révélés infructueux. Décision des
parents de mettre fin unilatéralement aux services.
5. COMPÉTENCES PARENTALES ACTUELLES
‰ inadéquates depuis peu
‰ inadéquates depuis longtemps
6. OUVERTURE ACTUELLE, VOLONTÉ DES PARENTS À RECHERCHER ET À UTILISER COURAMMENT DE L’AIDE
‰ présente : des signes de collaboration et d’ouverture
sont présents chez les parents. Ils se manifestent par leur
capacité à échanger à propos d’événements, pensées et
de sentiments dont certains peuvent être incriminants
pour eux, et se montrent ouvert aux observations, impressions et suggestions apportées par l’évaluateur.
‰ absente : manque de collaboration et d’ouverture, participation irrégulière, forte résistance à s’engager dans
un processus de remise en question, décisions prises
unilatéralement et sans discussions.
7. ACCEPTATION DE LA RESPONSABILITÉ PAR LES PARENTS
‰ présente : capacité à reconnaître une part de responsabilité dans les problèmes ou dans les échecs lors des
tentatives du passé. Il n’est pas nécessaire qu’ils assument la responsabilité entière de la situation. Il suffit
qu’ils se montrent ouverts et capables de déterminer
dans quelle mesure ils ont pu contribuer à l’apparition
du problème et à son maintien.
‰ absente : ne reconnaissent aucune responsabilité dans
l’apparition ou le maintien du problème ou dans l’échec
à bénéficier de l’intervention dans le passé.
8. CAPACITÉ À CONTENIR LES TENSIONS
‰ présente : démontrent une certaine capacité à intérioriser des tensions, un niveau de culpabilité raisonnable
étant un indicateur à cet égard.
‰ absente : ne supportent pas la tension. Comportements
de fuite ou d’agressivité ou de passivité extrême.
9. SOUTIEN EXTÉRIEUR ET CAPACITÉ À L’UTILISER
‰ présent : les membres de la famille ont maintenu de
bonnes relations avec la famille étendue, des amis, des
voisins ou des services communautaires et ils peuvent
accepter leur aide et suivre leurs conseils.
‰ absent : famille isolée et incapable d’accepter l’aide ou
le soutien affectif d’amis, de voisins, de membres de la
famille étendue ou encore de professionnels de la santé
mentale le cas échéant.
HYPOTHÈSE PRONOSTIQUE
A
B
AB
Évaluation initiale des situations familiales / Protection de l’enfance
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DOSSIER
CREAI Rhône-Alpes / Septembre 2006
RECHERCHE
Le CREAI Rhône-Alpes a répondu à l’appel d’offres de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED)
en présentant un projet de recherche sur la construction d’outils d’évaluation diagnostique dans les situations
d’enfants en danger. Ce projet a été retenu par le conseil scientifique et le conseil d’administration de l’ONED
et nous vous présentons les grandes lignes de cette recherche.
CONTEXTE
La préoccupation concernant l’élaboration et l’utilisation d’outils d’évaluation diagnostique dans les situations
d’enfants en danger est partagée à la fois par les responsables politiques et techniques et par les familles et
enfants usagers du système de protection de l’enfance. La nécessité de cette évaluation est recommandée par
de nombreux rapports et publications et elle est une préoccupation dans le cadre des modifications législatives
en cours. Mais les expériences, sauf exceptions, restent balbutiantes.
HYPOTHÈSE
Nous faisons l’hypothèse qu’un des obstacles à l’élaboration et à l’utilisation de tels outils est lié à l’absence de
consensus, d’une part, sur ce qu’il est pertinent d’évaluer et, d’autre part, sur les objectifs d’une évaluation de
la situation d’un enfant en danger et de sa famille.
OBJECTIFS
– Définir un cadre partagé pour l’évaluation diagnostique.
– Permettre le développement d’une culture partagée entre les partenaires de la protection de l’enfance.
– Identifier les facteurs de réticences à l’évaluation et les facteurs de réussite de projet d’évaluation.
– Commencer à construire des outils cliniques partagés, théoriquement et méthodologiquement fiables et
testés pour étayer les décisions prises sur une évaluation de la situation.
– Améliorer la situation des enfants et adolescents concernés et leur place d’usager dans le dispositif.
MÉTHODE
Phase 1 : définition du cadre partagé de l’évaluation diagnostique
Il s’agit d’élaborer un référentiel et un cadre partagé de l’évaluation diagnostique. A cet effet, un groupe de
travail composé de personnes concernées, apportant une expertise et représentant les différentes fonctions,
institutions et acteurs de la protection de l’enfance est mis en place.
Phase 2 : adaptation des outils canadiens
Pour nombre d’acteurs, les outils développés au Canada paraissent une base pertinente pour une adaptation au
contexte français. L’équipe de recherche du CREAI Rhône–Alpes adaptera ces outils en fonction du cahier des
charges élaboré par le groupe de travail. Une analyse critique des outils sera proposée à un comité de lecture
élargi comportant une représentation conséquente des responsables territoriaux de la protection de l’enfance.
Phase 3 : tester l’outil d’évaluation
Il sera réalisé en étroite collaboration avec l’ASE et la PJJ d’un département de Rhône-Alpes. Un groupe test,
composé d’acteurs représentant l’ensemble de la chaîne du signalement, proposera une dizaine de situations
qui feront l’objet d’une double évaluation : l’une se conformant aux procédures administratives et aux outils
habituels, l’autre à partir des outils adaptés du modèle canadien.
directeur de la publication Claude VOLKMAR • responsable de rédaction Patrick GRÉGOIRE
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impression Ateliers FMG graphique / ISSN 0766-2637
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Protection de l’enfance / Évaluation initiale des situations familiales