après sa libération (2007) - format pdf
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ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid même forme et la maximum prévu en France: 10 ans. Qui l’a dictée? Et bien clairement: la Guardia Civil. En plus il faut être stupide pour l'admettre en public. Même l'avocate française a été scandalisée. Mais ce ne fut pas tout. Un fonctionnaire de l'ambassade espagnole à Paris a interrompu le procès, durant l’une de ses sessions, pour se réunir de manière privée avec le Président du Tribunal. Non seulement, les avocats de la Défense l'ont fait constaté sur les actes, mais la Procureure elle-même a manifesté sa surprise. Après nous avons su que cet "ambassadeur" était un colonel de la Guardia Civil qui a coordonné la répression dans l’État Français. A partir de ce moment-là, le procès a changé radicalement. Isabel Llaquet, dirigeante du PCE(r) fut arrêté avec six autres militants espagnols le 9 novembre 2000 , à Paris. Cette affaire juridicopolitique est plus connue comme celle des "Sept de Paris". Es-tu surprise d'être sortie de prison? Très, mais pas seulement moi, sinon presque tout le monde. Nous sommes tellement habitués à être condamné sans aucune preuve et à subir tant d'années de prison du fait d'être communiste, que tu as du mal à le croire. Surtout maintenant, après notre illégalisation et avec la Loi des partis: ils ont décidé, par décret, bien qu'ils ne l'aient pas prouvé, que le PCE(r) et les GRAPO sont la même chose. La surprise est très grande. Comment expliques-tu d’être passée de réfugiée politique à être considérée dans l’État français comme «un malfaiteur»? Et bien, j'étais réfugiée politique en Belgique, mais j'allais régulièrement en France. Tout ceci s'explique avec la fameuse "transition" et le fait que les différents gouvernements européens aient apprécié le fait que l'État Espagnol ait retapé l'aspect extérieur de son régime politique. Tant de montages, de jugements en France, en Italie et en Espagne vous sont tombés dessus tout d'un coup... Oui bien sur, ils n'ont obtenu aucune preuve de rien parce qu'elles n'existent pas. Ils les recherchent depuis 30 ans et ils continuent jusqu'à ce jour. Pourquoi? Parce que le fait qu'il y ait des exilé/es politiques dans leur pays était pour eux un problème interne, surtout quand il s'agissait de communistes. Quand Franco vivait, ils ont été obligés de nous admettre et de nous concéder l'asile. Mais une fois que les phalangistes ont caché leur chemise bleue et l'ont mis à la lessive... à partir de là, même s’ils savent qu'il s'agit d'un montage, tout en sachant qu'il n'y a pas eu de rupture comme au Portugal ou en Grèce : ils ont alors affirmé -du jour au lendemainque l'Espagne était passé d'un régime fasciste à une démocratie, en réalité une monarchie imposée par Franco, qui a toujours dit avoir tout laissé ficelé et bien ficelé. Il y a une anecdote qui s'est passé en France... Après le résultat de ta première sentence, le Président du Tribunal se trouvait dans la file d'attente du supermarché avec ton avocate française et elle lui avait demandé comment est-il possible qu'il ait pu te condamner parce qu'il n'y avait pas de preuves et que ton nom avait à peine été mentionné durant le jugement? Le magistrat lui avait répondu qu’il s’était basé sur ce que lui avait indiqué la Guardia Civil Espagnole, c'est vrai? Oui, et ce qui surprend -de prime abord- c'est la fameuse indépendance juridique, non seulement des juges vis à vis du Gouvernement mais, du fait que les juges français sont de véritables marionnettes qui font absolument tout ce que leur dit de faire la police d'autres pays. Il est clair que l'on ne te condamne pas pour tes papiers mais par des pressions politiques que ne sont pas écrites. En plus, ils se sont tellement focalisés sur Manuel qu’ils ont oublié le reste, surtout les femmes. Ils ne nous ont même pas posé de questions. On dirait qu'ils pensaient que nous n'avions rien à dire. Mais après la peine a été collective, tous avec la Mais il y a des gens qui ne croient pas à ces choses. Par exemple que Josefina García Aramburu -en ayant fait sa peine dans son intégralité- continue a être en prison [1]. Qui est-ce qui ment? <[1] À l'heure actuelle Fina est en liberté, depuis le 12 février 2008, après avoir passé -au total- 24 ans de sa vie en prison.> Pour la plupart des gens, il est difficile de croire que Fina soit jugée pour les même choses, ici, en Espagne, tout en sachant qu'elle a déjà été jugée, condamnée et qu’elle a réalisé toute sa peine, en France. Mais il n'y a pas qu'elle, il y a aussi tou/tes les autres camarades qui sont dans cette même situation d’illégalisation déjà résolue par le Tribunal Suprême. Le Ministre de l'Intérieur 1 ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid communisme est des plus douteux: il l’est uniquement dans les paroles et pas dans les faits. Espagnol considère qu'en France, ils ont fait trop peu de temps en détention. Il s'est passé la chose suivante: dans l’État Français, notre sentence fut scandaleuse car -du fait qu'elle soit collective- elle a été très critiquée dans les milieux juridiques français. C'est pour cela qu'ils ont fait une peine en deux étapes: dans un premier temps, ils ont gradué les peines mais cela est apparu insuffisant pour l’État Espagnol. C'est pourquoi ils se dépêchent de la maintenir en prison préventive, c'est-à-dire de la maintenir emprisonnée quatre ans de plus qui -additionnés aux quatre déjà passés en France- feront 8 ans lesquels finalement, correspondent à la condamnation que l'on te donne pour le fait d'être communiste. As-tu perçu du harcèlement, des filatures, de la vigilance ou des menaces en sortant de prison? La vigilance existe mais je me suis proposée de ne plus passer ma vie à regarder derrière moi. Le harcèlement s'exerce sur le milieu familial. Hier, nous avons diné avec un groupe d'amis et de personnes de ma famille et l'un d'entre eux s'est retrouvé avec les roues de sa voiture crevées. Après, il m'a raconté que -quelques jours auparavant- on lui avait cassé les vitres. A part ça, il y a aussi les classiques appels au milieu de la nuit avec des menaces... Il me paraît curieux que tu ais reçu plus de solidarité venant de l'extérieur que de l'intérieur même de l’État espagnol, tu l'attribues à la peur? Je ne crois pas que ce soit ça; il n'y a pas eu plus de solidarité à l'extérieur qu'ici. Ce qui se passe, c'est que celle de l'extérieur est plus visible. Mais effectivement, dans celle de l'intérieur, il y a de la peur et elle ne s'exprime pas ouvertement. Alors, la clandestinité est-elle forcée? Ici on ne peut rien faire librement? La vérité, c'est que l'on te pousse à ça. C'est peu intelligent de leur part. Ce qu'ils essaient de faire, c'est d'empêcher la tendresse des gens quand tu sors, le soutien et la solidarité... On veut que tu te sentes seule, ce qui entre nous est un échec total car même s'il y en beaucoup qui ne partagent pas tes idées, ils sont avec toi, même ces gens-là nous soutiennent. Mais elle existe? Elle ne se manifeste pas ouvertement. Ici, même les organisations vraiment solidaires -comme le Secours Rouge International- sont poursuivies. C'est pour cela qu'il est plus facile pour une organisation de l'extérieur de s'exprimer qu'une organisation d’ici, car ici on te lie immédiatement avec d'autres organisations, tu es fiché et on t'inclut comme faisant partie de celles-ci. Être solidaire d'un prisonnier politique -concrètement avec nous- suppose d’être poursuivi/es. J'ai été surprise durant cette année de prison dans l’État Espagnol: bien qu'il existe tout type de filtres et de censures, on ne te donne jamais une lettre sans expéditeur... Alors tu te rends compte que beaucoup de personnes t'écrivent sans mettre d'expéditeur, mais on ne te donne pas les lettres. Ils veulent se solidariser mais ils ont à juste raison peur de s'identifier. Les dernières mesures répressives sont dirigées contre ceux qui sont autour et cela provoque une pression énorme. 20 ans de clandestinité, 7 ans de prison, quelle est ta perception de la rue? Tu t'attendais à trouver les choses comme ça? Attends que je fasse mes comptes... ça a été au total 22 ans de clandestinité et 12 en prison. Je ne m'y attendais pas car je ne pensais pas sortir. Mais oui, ça m'a fait un choc, pas comme la dernière fois. Mais il faut dire que "l'autre fois" ça été cinq ans et maintenant, cela représente beaucoup plus d'années si l'on additionne les 15 ans antérieurs de clandestinité et d'exil, loin de la vie quotidienne en Espagne. Qu'est ce qui t'as le plus surprise? L'euro? Le téléphone portable? Internet? Tout cela n'existait pas, quand on m'a arrêté. Bon, le téléphone portable et Internet n’étaient pas si répandus qu’aujourd'hui. Les changements techniques ne me surprennent pas mais plutôt le consumérisme. C'est une dérive. Certaines fois, au cours de la nuit, la littérature ouvrière du siècle antérieur me revient en mémoire: quand le patronat -surtout dans les entreprises minièrespayait les ouvriers avec des ‘bons’ et ils avaient l'obligation d'acheter uniquement dans les cantines de leur entreprise. Ainsi, l'argent ne passait pas entre les mains des travailleurs. Maintenant, j'ai l'impression que c'est la même chose. Le salaire des ouvriers se dépose Mais je parlais d'organisations... Je ne vais pas qualifier les organisations que tu sous-entends. Mais il me paraît incroyable qu'une organisation qui se déclare communiste ne soit pas solidaire avec des communistes emprisonnés. Non seulement il existe de la peur; mais il existe quelque chose de plus.. Si une organisation qui se déclare communiste n'est pas solidaire avec les prisonniers communistes, cela signifie que son 2 ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid modules différents: pour que tu ne voies personne, pour que tu ne parles à personne. Il leur est plus difficile de le faire avec les prisonnier/ères politiques Basques car ils/elles sont plus nombreux/euses et ils/elles finissent par se rencontrer dans des modules carcéraux mais avec nous, ils réussissent à nous maintenir –un/e par un/e- sans que l’on se rencontre jamais dans une même cellule. Durant les années 80, nous étions réuni/es mais maintenant ils ont éliminé la vie, le travail et l’étude en commun. L’isolement est très différent. De toute façon, ils ont entamé cette politique pour liquider, démoraliser et noyer psychologiquement les prisonnier/ères politiques y compris à un niveau humain- pour les convertir en animal de cirque ou en marionnettes qui leur baisent les pieds. Et ils l’ont pas réussi. La preuve, c’est que ceux/celles qui sont sorti/es -après 20 ans de détention- l’ont fait avec le moral très haut et ils/elles se sont réincorporé/es immédiatement à la lutte. immédiatement: ou bien à la banque pour payer les dettes et hypothèques, ou bien, dans les grands centres commerciaux. Pourquoi? Parce que le capital a besoin de se reproduire et de s'agrandir constamment, en créant de nouveaux produits dont la plupart sont superflus. Mais ils deviennent des nécessités quotidiennes. Même s’ils ne sont pas nécessaires, les gens ne peuvent plus s'en passer. Maintenant les plus jeunes vendent leur force de travail de manière anticipée. Comme avant. Comme au cours des siècles précédents, ils consomment plus que ce qu'ils gagnent et les ouvriers s'endettent. Ainsi le capital soumet les ouvriers. Ils dépendent de l'entreprise à vie et ils ne peuvent pas arrêter de travailler. Si cette chaîne se casse, l'ouvrier se converti en un déchet de la société. A Bapaume, tu as été dans une prison privée de l’État Français, elles se différencient beaucoup des prisons Espagnoles? En France, il n’existe pas de prison entièrement privée comme aux États-Unis, bien que la tendance soit à la privatisation. Ici, les prisons pour accomplissement des peines sont semiprivées. Autrement dit, la partie correspondante à la sécurité et la vigilance revient à l’État et tout le reste est géré par une entreprise privée dont l’objectif -en tant que telle- est le gain comme n’importe quelle entreprise capitaliste. La différence, c’est qu’ici un/e prisonnier/ère indigent/e mène une vie terrible parce que tout doit être acheté et que tout est très cher. On peut acheter de tout, y compris les meubles pour la cellule. On peut faire la cuisine et faire venir ce qu’on veut de l’extérieur pour manger. Mais uniquement en payant et l’entreprise qui gère la prison garde une partie de cet argent. Déjà, dans les ateliers des prisons étatiques -Françaises ou Espagnoles- l’exploitation est féroce. Et si on parle non seulement de l’atelier, mais aussi de toute la prison la situation est terrifiante. Ils payent des salaires de misère. A propos du département des femmes de la prison de Bapaume, une chose très curieuse, c’est de voir le spectacle quotidien de la vente de la force de travail avec presque une centaine de détenues. Dans une prison publique tout le monde va aux ateliers et s’il n’y a pas de travail: ils ne t’appellent pas. Mais dans les prisons privées, les détenues se rassemblent à 8 heures du matin à la porte du module -à moitié endormies et préparées pour aller travailler- et la responsable sélectionne, une à une, celles qu’elle va employer. Tu as passé la majeure partie de ta condamnation dans les cellules d’isolement : comment ça se passe dedans? Non, la majeure partie, non. En France, le régime préventif est très sévère pour tout le monde, spécialement pour les prisonnier/ères politiques. En Espagne, je suis restée tout le temps en isolement. Par rapport aux cellules que j’ai connues dans les années 80, elles ont beaucoup changées. Ils ont affiné la politique répressive en commençant par la dispersion des prisonnier/ères politiques en appliquant les fameuses classifications, grades, états de dangerosité, etc... Dans la dispersion, ils ont réussi à maintenir les prisonnier/ères politiques isolé/es dans des 3 ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid Régime. Après ces manifestations, ils disparurent. Il se sont mis y compris dans le PSOE qui n’existait pas quand j’étais à l’université. Le PSOE a surgit de tout ces groupes. En 1971, le PSOE était à Toulouse et il était composé d’anciens restés vivants après la guerre. Dans les fabriques, ces groupes de Gauche nous dénonçaient. Ils disaient que nous voulions provoquer un coup d’État pour revenir à la situation antérieure. Avant, la répression était généralisée; elle les affectait eux aussi mais par la suite elle commença à se focaliser sur nous et ils applaudissaient... Ils passèrent du discours sur la dictature du prolétariat à l’acclamation de la dictature fasciste. Dès lors que le Régime leur donna un petit poste, ils se mirent bras dessus, bras dessous avec lui. C’est un marché miniature de la force de travail: identique aux journaliers en Andalousie. Celles qui ne sont quasiment jamais sélectionnée –comme les plus vieilles- ne disposent que de 40 euros par mois avec lesquels elles ne peuvent pas survivre. A Bapaume, il faut travailler toujours debout parce qu’ainsi on travaille plus. Le problème, c’est qu’avec les salaires de l’immigration, le travail en prison n’est plus autant rentable parce qu’au dehors les immigré/es le font pour un salaire équivalent. C’est pourquoi, on ne te donne du travail en prison que si les détenu/es sont très productives et rentables. Nous avons réussi à survivre parce que notre entourage solidaire français -conscient de que les prisons privées sont plus chères- nous envoyait plus d’argent. Approximativement, c’était le double des prisons publiques –comme Fleury-Mérogis- et même ainsi nous vivions avec un budget très étroit. Tu faisais partie de la rafle du Comité Central du PCE(r), en 1977, le jour-même de la proclamation de la dernière Amnistie... Comme date symbolique, ce fut une claire démonstration de ce qui, dès lors, nous attendait. Mais cette Amnistie n’a pas été générale parce qu’une bonne partie des camarades détenu/es -y compris auparavant- sont resté/es incarcéré/es. Ensuite, il en résulta qu’il/elles furent condamné/es pour propagande illégale, la même chose que durant l’époque de Franco. Mais tout ces groupes sont restés tellement satisfaits parce que la presse fasciste disait qu’ils avaient détenus “l’état-major des GRAPO”. Et quand ils nous transférèrent devant le juge, de fait, nous avons inauguré l’Audience Nationale et –le comble- c’est qu’il s’agissait des mêmes juges que nous avions connu durant le Tribunal de l’Ordre Publique, les mêmes figures de la répression franquiste. Comment t’es-tu incorporée à la lutte antifasciste? J’ai acquis progressivement une conscience politique à l’université, jusqu’en 1969. Quand je me suis incorporée, il y avait un mouvement étudiant assez radical et ample. J’étais simplement antifasciste. Par la suite, je me suis rendu compte des différences entre les groupes politiques et j’ai appris à reconnaître les révisionnistes. J’ai découvert que leurs idéaux étaient éloignés des idéaux communistes et qu’ils pensaient uniquement à s’intégrer dans le Régime, après avoir donné quelques répliques pour sauver la façade. Une des premières choses qui a attiré mon attention a été leur politique de réconciliation nationale. Il me paraissait inconcevable qu’ils prêchent la réconciliation avec les bourreaux, ceux qui avaient maintenus le peuple sous la terreur durant 40 ans. J’ai connu l’OMLE [Organisation Marxiste-Léniniste Espagnole] et je m’y suis intégrée. C’était aux alentours de 1971. Comment est la vie clandestine? Certain/es se sont imaginé/es que vous étiez toute la journée planqué/es dans un trou en affutant vos couteaux. Les publicistes du Régime ont tout intérêt à présenter la vie clandestine comme quelque chose d’étrange pour démontrer que le/a clandestin/e est déconnecté/e des problèmes quotidiens, que ce sont des personnes étranges, bizarres. La vérité est plus simple. La clandestinité a pour objectif que la police ne contrôle pas ton travail politique. Une fois que tu es hors de son contrôle, tu mènes une vie normale comme le reste des gens. Tu vas aux réunions, tu fais tes courses, tu vis dans une maison louée... Si tu as le temps, tu vas au ciné ou écouter de la musique, plus tu bouges et plus ta vie est normale. La vie est quasiment la même que celle de n’importe quel/le autre travailleur/euse. Quels souvenirs gardes-tu de la “transition”? J’en conserve deux très nets. Un: la quantité de groupes qui constituaient ce que nous appelions le mouvement domestiqué de Gauche. Ils étaient très radicaux par la parole, ils parlaient sans cesse de la dictature du prolétariat dans les assemblées, quand les gens -en réalité- avaient d’autres problèmes. Ensuite, il se sont intégrés à la légalité pour disparaître immédiatement. Ce fut une chose curieuse. Deux: leur réaction devant notre nonintégration, les fameuses manifestations contre ce qu’ils appelaient le “terrorisme” qui en réalité étaient des manifestations contre nous tous/tes qui ne pouvions avaler le changement en façade du 4 ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid m’avaient détenue durant la matinée et j’étais restée quasiment un jour entier au commissariat. Plus tard, ils m’emmenèrent de nouveau à la Vía Layetana, ils m’étendirent au sol et commença alors une session de coups de poings dans les muscles, le ventre et les seins, jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. Déjà, je ne pouvais plus marcher. Ils me mirent dans une voiture et ils m’emmenèrent à Madrid. Mais le fait d’avoir été auparavant à Barcelone n’était pas mentionné. A l’arrivée, un traumatologue et toute une équipe médicale m’attendaient. Le traumatologue qui s’était présenté comme l’un de ceux qui travaillait pour le Real Madrid m’a fait des radiographies et il m’a plâtré un pied. Ils m’ont étendue au sol dans une couverture et ils ne m’ont plus touchée durant les neufs jours restants. La Loi antiterroriste qui fixait la durée de détention à 10 jours avait déjà été approuvée. Dans mon cas, j’avais été détenue durant 11 ou 12 jours mais ceux de Barcelone ne comptaient pas, ainsi tout restait légal. En arrivant à la prison, j’étais noire comme une africaine dans toutes les parties du corps où j’avais de la chair. De telle sorte que le médecin prit parti. Maintenant, ils le font de façon plus sophistiquée: avec des électrodes et d’autres méthodes qui ne laissent pas autant de traces. Mais à l’époque, tout leur était égal. Ils menaient une campagne sur le changement et quasiment personne ne voulait en savoir plus. En France, c’est différent, plus psychologique. Ils ne te touchent pas mais tu es “sonné/e” parce qu’ils ne te laissent pas dormir, durant les quatre jours de détention. Du Ministère de l’Intérieur où ils t’interrogent, ils t’emmènent dans de petits commissariats proches qui se remplissent de prostitué/es et de petit/es délinquant/es où tu passes les nuits assis/e sur un banc. Comparé à la Police Espagnole, le traitement français paraît raffiné à l’extrême. Durant ton passage par les commissariats estce qu’ils t’ont torturée? Lors de ma détention à Benidorm, en 1977, ils nous ont transférés à Alicante et de là jusqu’à Madrid, en quelques heures. On allait chacun/e dans une voiture, recouvert/es de cagoules avec un policier de chaque côté. Je remarquais qu’il pleuvait et que celui qui conduisait était novice. Les autres policiers lui disaient de faire attention et j’allais les mains menottées derrière le dos, durant tout le voyage. La voiture a fait un tour brusque et je me suis cognée la tête. Grâce à cela, ils ne m’ont pas beaucoup battue. Ils m’ont changé de voiture en me passant les menottes devant. A cette époque, comme nous étions déjà en “démocratie” on ne pouvait être que trois dans un commissariat. Ils nous emmenèrent à l’Audience Nationale. Je passais devant le juge CHAPARRO celui du Tribunal de l’Ordre Public franquiste- qui a prorogé ma détention quelques jours de plus pour nous remettre aux mains de la police. Il s’agissait d’une manœuvre pour contourner les nouvelles Lois. Tu y allais tellement content/e en pensant que tu passais en prison et soudain tu te retrouvais de nouveau à la Puerta del Sol, à la Direction Générale de Sécurité. Retour aux interrogatoires. Ils prolongèrent la détention quelques jours de plus, au total sept. Par la suite, ils légaliseront la prorogation des détentions: ils feront la même chose mais sans passer devant le juge. La seconde détention a eu lieu à Barcelone, le 1er octobre 1980. Les cinq militants des GRAPO de Zamora venaient tout juste de s’enfuirent et ils pensaient que je savais où ils se cachaient. A cette époque, ils commencèrent à utiliser quelque chose qui peut se qualifier de disparition. En t’emmenant à la Via Layetana, ils ne t’enregistraient pas et ils ne te photographiaient pas. Officiellement, tu n’étais pas détenu/e. Ils te mettaient dans un réduit préparé avec la barre. Ils te suspendaient à elle, la bouche en bas et ils te rouaient de coups sur les plantes des pieds et à la tête. J’ai perdu la notion du temps. Quand je n’ai plus rien senti, ils m’ont descendue jusqu’au sol parce que cela n’avait plus de sens de continuer à me battre. Ils ont appelé un médecin qui leur a dit de m’emmener à l’hôpital. Ils m’ont transférée jusqu’à une petite clinique de la zone du port, à Pere Camps. J’ai repris conscience et je me suis rendu compte qu’ils m’inscrivaient sous un faux nom. Le médecin était un vieux collaborateur de la police habitué à faire ce sale travail parce que j’ai entendu qu’il leur disait de cesser de me frapper à la tête et aux pieds. L’infirmière qui était une sœur m’a conseillée d’obéir à la police comme ça il ne m’arriverait plus rien. Les souvenirs sont confus quant au temps mais j’ai pu voir l’heure: ils Certains collectifs ne comprennent pas la réalité de la répression parce qu’on leur permet de réaliser un travail politique légal. Pourquoi? Cette question, c’est à eux qu’il faudrait la poser. Pour moi, il me paraît évident qu’ils nous mettent en détention parce que nous représentons un danger pour le Régime, dans le cas contraire, ils nous laisseraient faire notre travail. S’ils se sont engraissés avec nous c’est parce que le Régime ne peut admettre l’existence d’un vrai Parti Communiste. Autant de sacrifice personnel vaut-il la peine d’être réalisé? Il semble que la répression se répartisse entre peu de personnes mais elle en touche encore plus... 5 ENTRETIEN AVEC UNE DIRIGENTE DU PCE(r) Isabelle LLAQUET 24 décembre 2007 - Comités pour un Secours Rouge International-Madrid Oui, cela c’est l’une des différences avec la dernière époque de Franco. Il y avait alors beaucoup de répression mais comme il y avait aussi de nombreux/ses travailleur/euses et antifascistes en lutte, c’est comme s’ils en prenaient moins. Aujourd’hui, c’est différent. La répression s’est concentrée sur peu d’organisations. A savoir si cela vaut la peine.. Quand quelqu’un s’incorpore à la lutte, il/elle ne peut tenir compte de la répression comme quelque chose de personnel. La lutte ne peut non plus s’estimer en fonction de quelques résultats tangibles, immédiats. De plus, le mot sacrifice ne me plaît pas. Tu ne te sacrifies pas dans le sens que la culture judéo-chrétienne donne à ce mot. Evidemment cela coûte: tu ne vois pas grandir tes enfants, tes parents meurent et tu l’apprends après-coup... Cela fait souffrir et beaucoup. Pour moi, il me paraît inconcevable d’avoir des idéaux, de croire qu’il faut faire quelque chose et de ne pas le faire, par commodité. Je serais incapable de me regarder dans le miroir. Je ne conçois pas de penser d’une manière et d’agir dans un autre sens, de ne pas faire ce que l’on croit, de ne pas faire ce que l’on doit faire. Vu ainsi, ce n’est pas un sacrifice. COMITÉS POUR UN SECOURS ROUGE INTERNATIONAL ARABA (Euskal Herria) Apdo 3205. GASTEIZVITORIA01080.<[email protected]> BIZKAIA (Euskal Herria). <[email protected]> LAPURDI (Euskal Herria) contactSRI-baiona <[email protected]> (Estrémadure) <[email protected]> (Léon/Bierzo) <[email protected]> BARCELONA (Països Catalans) <[email protected]> PONTEVEDRA (Galice) Apdo 3276. VIGO 36080 <[email protected]> A CORUÑA (Galice) <[email protected]> MADRID (Région de Madrid) Apdo 15220MADRID 28080. <[email protected]> SEVILLA (Andalousie) <[email protected]> CORDOBA (Andalousie)Apdo 2125 CORDOBA 14080 <[email protected]> CÁDIZ (Andalousie) <[email protected]> Comment se présente le futur? Tout le contraire de ce que disent les publicistes bourgeois. Le fait qu’il n’y ait pas de futur, ce n’est pas certain. Cette question se relie à la tienne au début sur la situation dans laquelle se trouve la classe ouvrière en général, tout comme les autres couches sociales. On sent que tout cela arrive à sa fin, qu’un cycle arrive à sa fin. Les choses vont s’accélérer. Cela peut être encore supporté mais jusqu’à la chaîne est en train de se rompre. Et elle ne va pas se rompre seulement pour quelquesun/es mais pour des millions. Cette conscience en sommeil se réveillera. Cela se palpe. Cela ne peut pas se passer d’une autre façon. Dans le capitalisme, il n’y a aucune issue. Il a donné de lui tout ce qu’il pouvait donner. Les prochaines années qui nous attendent vont être très convulsives. C’est ce que nous annoncent les capitaines des finances internationales bien qu’ils le cachent sous une marée de chiffres et de données. La crise qu’ils soulèvent va empirer et elle va éclater au niveau économique, social et politique. Les travailleur/euses ne vont pas avoir d’autre solution que de s’organiser et faire face. 24 DÉCEMBRE 2007 (État français) <[email protected]> (État italien) <[email protected]> Tu peux demander des "Programmes" ou informations. Aide-nous à les distribuer et collaborer dans la création et l’extension de nouveaux Comités dans ta localité. Distribue les informations et dénonciations dans ton quartier, localité ou région. Aide et collabore avec la solidarité antifasciste et internationale ! NAZIOARTEKO LAGUNTZA GORRIA SOCORS ROIG INTERNACIONAL SOCORRO ROXO INTERNACIONAL SECOURS ROUGE INTERNATIONAL SOCORRO ROJO INTERNACIONAL [Février 2010, édition en français par contactSRI-Baiona] 6