capes externe anglais 2004 (1) - Département d`études anglophones
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capes externe anglais 2004 (1) - Département d`études anglophones
MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE Direction des personnels enseignants des lycées et collèges CAPES EXTERNE ANGLAIS 2004 (1) Concours externe de recrutement des professeurs certifiés et concours d’accès à des listes d’aptitude (CAFEP) Rapport présenté par Mireille GOLASZEWSKI Inspecteur général de l'Education nationale Présidente du jury 1 CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PEDAGOGIQUE LES RAPPORTS DES JURYS DES CONCOURS SONT ETABLIS SOUS LA RESPONSABILITE DES PRESIDENTS DE JURY. 2 SOMMAIRE 1. Liste des membres du jury …………………………..… 3 2. Mot de la Présidente ……………..…………………..… 15 3. Tableau de statistiques ……………………………...… 19 4. Epreuves écrites 4.1 Composition en français ( coefficient 1) ………………… 21 4.2 Commentaire dirigé en anglais ( coefficient 1) ………….. 38 4.3 Epreuve de Traduction : Version et Thème ( coefficient 1) .50 Suite du rapport sur d’autres fichiers en ligne : CAPESEXT20042.pdf 5. Epreuves orales Epreuve pré professionnelle sur dossier ( EPP) ( coefficient 3) Epreuve en langue étrangère ( ELE) ( coefficient3) Composantes : Exposé et entretien Faits de Langue Compréhension/Restitution Anglais oral 6. Dossiers ELE 8 ELE 9 ELE 16 EPP 5 EPP 18 EPP 26 Fichier : ELE8.pdf Fichier : ELE9.pdf Fichier : ELE16.pdf Fichier : EPP5.pdf Fichier : EPP18.pdf Fichier : EPP26.pdf Autres dossiers EPP Autres dossiers ELE Fichier : AutresEPP.pdf Fichier : AutresELE.pdf Texte officiel ( http://www.education.gouv.fr/bo) 3 1. Liste des membres du jury Présidente Mme Mireille GOLASZEWSKI Inspecteur général de l'éducation nationale Académie DE PARIS Vice-présidente Mme Liliane GALLET BLANCHARD Professeur des universités Académie DE PARIS Secrétaire général M Philippe FRANCE Professeur agrégé Académie DE PARIS Membres du jury M Stéphane ACHARD Professeur certifié Académie DE GRENOBLE Mme Sylvie AGOSTINI Professeur agrégé Académie DE CORSE Mme Hélène AJI Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M René ALLADA YE Maître de conférences des universités Académie DE TOULOUSE M Emmanuel ALVAREZ ZUBILLAGA Professeur agrégé Académie DE CRETEIL M Philippe ARDAN Professeur certifié Académie DE VERSAILLES M Jacques AUDOUS Maître de conférences des universités Académie DE NANTES M Christian AUER Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG M Georges BADIOU Professeur agrégé AcadémieDE CLERMONT-FERRAND M Pascal BARDET Maître de conférences des universités Académie DE TOULOUSE 4 Mme Anne Isabelle BARON CARVAIS Maître de conférences des universités Académie DE LILLE M Jean Bernard BASSE Maître de conférences des universités Académie DE VERSAILLES Mme Valérie BAUDIER Maître dé conférences des universités Académie DE TOULOUSE M Hédi BEN ABBES Maître de conférences des universités Académie DE BESANCON M Mokhtar BEN BARKA Professeur des universités Académie DE NANTES M Yves BERNAUD Professeur agrégé Académie DE REIMS M Franck BIZOUARN Professeur certifié Académie DE PARIS Mme Sylvie BLAVIGNAC Inspecteur d'académie Inspecteur pédagogique régional Académie DE VERSAILLES Mme Angela BLAZY Professeur agrégé AcadémieDE CLERMONT-FERRAND M Marc BONINI Professeur agrégé Académie DE NANTES M Emmanuel BONNEROT Professeur agrégé Académie DE LYON M Rémy BOULARD Professeur agrégé Académie DE REIMS M Franck BOURCEREAU Professeur agrégé Académie DE LILLE M Philippe BOURRON Professeur agrégé Académie D'AIX-MARSEILLE M Jean Jacques BRAUL T Professeur agrégé Académie DE VERSAILLE Mme Shirley BRICOUT Professeur agrégé Académie DE RENNES M Yves BRILLET Professeur agrégé Académie DE LILLE 5 M Laurent BURY Maître de conférences des universités Académie DE PARIS Mme Denise BUTLER Professeur agrégé AcadémieDE CLERMOND-FERRAND M Claude CAILLATE Professeur agrégé Académie DE PARIS Mme Marie Paule CANOU FABRIS Professeur certifié Académie DE TOULOUSE M Laurent CARPENTIER Professeur certifié Académie DE DIJON M Jean Claude CAUVIN Professeur agrégé Académie DE CLERMONT Mme Josette CHARENTON Inspecteur d'académie Inspecteur pédagogique régionalAcadémie DE BORDEAUX M Laurent CHATEL Maître de conférences des universités Académie DE PARIS Mme Myriam CHOULEUR Professeur agrégé Académie DE REIMS Mme Geneviève CHUTO JOZ ROLAND Professeur agrégé Académie DE CRETEIL Mme Michèle CLAUDEL STAINTHORPE Professeur agrégé Académie DE DIJON Mme Véronica CLINET Professeur agrégé Académie DE TOULOUSE Mme Nathalie COCHOY Maître de conférences des universités Académie DE TOULOUSE Mme Geneviève COHEN CHEMINET Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M Olivier COLANGELO Professeur certifié Académie DE NICE Mme Karyn COSTA Professeur agrégé Académie D'AIX-MARSEILLE 6 M Yves COSTA Professeur agrégé Académie DE NICE M Raphael COSTAMBEYS KEMPCZYNSKI Maître de conférences des universités Académie DE PARIS Mme Cécile COTTENCEAU Professeur certifié Académie DE CAEN M Gérard COUCHOUD Professeur agrégé Académie DE PARIS Mme Claire COUSTEAU Professeur certifié Académie DE TOULOUSE Mme Taina COUZIC Maître de conférences des universités Académie DE NANTES Mme Maryvonne D'ARRAS Professeur agrégé Académie DE LILLE Mme Marie Jeanne DA COL RICHERT Maître de conférences des universités Académie DE STRASBOURG Mme Hélène DACHEZ Maître de conférences des universités Académie DE TOULOUSE Mme Françoise DASSY Professeur agrégé Académie DE PARIS M Benoît DEPARDIEU Maître de conférences des universités Académie DE ROUEN Mme Christine DES BOIS Professeur agrégé Académie DE GRENOBLE M Jean Jacques DHUMES Professeur agrégé AcadémieDE CLERMONT-FERRAND Mme Evelyne DIRASSOUIAN Professeur agrégé Académie DE VERSAILLE Mme Marianne DOMBALL Professeur certifié Académie DE STRASBOURG Mme Pascale DROUET Maître de conférences des universités Académie DE LIMOGES M Frédéric DUC Professeur certifié Académie DE DIJON 7 M Laurent DUHAUPAS Professeur agrégé Académie D'AMIENS Mme Ellen DULEU BURRE Professeur certifié Académie DE BORDEAUX M Jean Marc DUMONT Professeur certifié Académie DE BORDEAUX Mme Anne DUNAN Maître de conférences des universités Académie DE MONTPELLIER Mme Marylène DURUPT Professeur agrégé Académie DE GRENOBLE Mme Elizabeth DUTERTRE Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M Joel ESPESSET Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG M Philippe ESTIER Professeur certifié Académie DE REIMS Mme Janet FAURET Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG M Gilles FERIEL Professeur certifié Académie D'AMIENS M Hugo FOESSEL Professeur agrégé Académie DE NANCY-METZ M Jean François FONTAINE Inspecteur pédagogique régional/Inspecteur d'académie. Académie DE RENNES M Daniel FRIZOT Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG Mme Annie FROMENT Professeur certifié Académie DE GRENOBLE Mme Nadia FUCHS Professeur agrégé Académie DE NICE M Jean Pierre GABEREL Professeur agrégé Académie DE BESANCON Mme Isabelle GADOIN Maître de conférences des universités Académie DE PARIS 8 Mme Aline GAME Professeur agrégé Académie DE GRENOBLE M Yves GASTINEAU Professeur agrégé Académie DE RENNES Mme Isabelle GAUDY CAMPBELL Maître de conférences des universités Académie DE NANCY-METZ M François GAVILLON Maître de conférences des universités Académie DE RENNES M Olivier GEOFFROY Professeur agrégé Académie DE PARIS M Fabien GERGES Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG Mme Laurence GIOVANNONI Professeur agrégé Académie D'AIX-MARSEILLE M Michel GOFFART Professeur de chaire supérieure Académie DE NANCY-METZ M Charlotte GOULD Professeur agrégé Académie DE PARIS Mme Raphaelle GOUTTEFANGEAS Professeur agrégé Académie DE BORDEAUX Mme Vanessa GUIGNERY Maître de conférences des universités Académie DE PARIS Mme Jacqueline HAMRIT Professeur agrégé Académie DE LILLE Mme Susan HAYTER Professeur agrégé Académie DE BORDEAUX M Jean Philippe HEBERLE Maître de conférences des universités Académie DE NANCY-METZ Mme Jane HENTGES Maître de conférences des universités Académie DE BORDEAUX Mme Isabelle HERVOUET FARRAR Maître de conférences des universités AcadémieDE CLERMONT-FERRAND M Stephen HICKS Professeur certifié Académie D'ORLEANS-TOURS 9 M Michael HINCHCLIFFE Maître de conférences des universités Académie D'AIX-MARSEILLE Mme Hélène HORY Professeur agrégé Académie DE MONTPELLIER Mme Anne HOUDON Professeur agrégé Académie DE BESANCON Mme Ruth HUART Professeur des universités Académie DE PARIS Mme Claudine JUNG Professeur agrégé Académie DE NANCY-METZ M Alain JAMBIN Inspecteur pédagogique régional/Inspecteur d'académieAcadémie DE TOULOUSE M David JAMES Professeur agrégé Académie DE LYON M Christian JEREMIE Maître de conférences des universités Académie DE LYON Mme Martine JOBERT Inspecteur pédagogique régional/Inspecteur d'académieAcadémie D'AMIENS M Gérald KENNY Professeur agrégé Académie DE TOULOUSE M Alain KERHERVE Maître de conférences des universités Académie DE RENNES M Stephan KUJAWSKI Professeur agrégé Académie D'AMIENS Mme Edwige LABESSE Professeur agrégé Académie DE CRETEIL Mme Isabelle LABROUJLLERE Professeur certifié Académie D'AIX-MARSEILLE M Patrice LARROQUE Maître de conférences des universités Académie DE MONTPELLIER Mme Florence LASSERRE Professeur agrégé Académie DE CAEN 10 Mme Michael LAVIN Professeur agrégé Académie DE LILLE Mme Isabelle LE CORFF Maître de conférences des universités Académie DE RENNES Mme Hélène LE SAUX Professeur agrégé Académie DE LYON M Daniel LECLERC Professeur agrégé Académie DE LILLE M Philippe LELONG Professeur certifié Académie DE CRETEIL M Frédéric LEMAITRE Professeur agrégé Académie D'AMIENS Mme Michèle LEPERD Professeur certifié Académie DE CAEN Mme Christine LORRE Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M Brian LOWREY Maître de conférences des universités Académie D'AMIENS Mme Brigitte MACADRE Maître de conférences des universités Académie DE REIMS Mme Monique MAGADOUX Professeur agrégé AcadémieDE CLERMONT-FERRAND Mme Richard MAIRE Maître de conférences des universités Académie DE NANCY-METZ Mme Laurence MANFRINI Professeur agrégé Académie DE CRETEIL Mme Sophie MANTRANT Maître de conférences des universités Académie DE STRASBOURG M Bruno MARCHEBOUT Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES M Régis MAUROY Maître de conférences des universités Académie DE LIMOGES Mme Delphine MELIERES Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES 11 Mme Stéphanie MEMETEAU GITTON Professeur agrégé Académie DE RENNES Mme Charlotte METGE Professeur certifié Académie DE CRETEIL Mme Fabienne MOINE PEREZ Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES M René Pierre MONDON Professeur agrégé Académie DE LYON M Adrian MORFEE Maître de conférences des universités Académie DE RENNES Mme Laure NAFISSI Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES Mme Anne Marie O'CONNELL Professeur agrégé Académie DE TOULOUSE M Laurent OLLIER Professeur agrégé Académie DE CRETEIL Mme Dominique PARMENTIER Professeur agrégé Académie DE DIJON M Bruno PASCAL Professeur agrégé Académie DE CAEN Mme Félicie PASTORE Professeur agrégé Académie DE LYON M Danielle PAYCHA Maître de conférences des universités Académie DE VERSAILLES M Daniel PEL TZMAN Maître de conférences des universités Académie DE BESANCON M Bruno PIERRE Professeur agrégé Académie DE NANTES Mme Nathalie PIERRET Professeur certifié Académie DE REIMS M Christian PLANCHAIS Professeur agrégé Académie D'AMIENS 12 Mme Catherine PUZZO Maître de conférences des universités Académie DE TOULOUSE Mme Geneviève QUENAULT Professeur certifié Académie DE CAEN M Damien REINHARDT Professeur agrégé Académie DE STRASBOURG Mme Valérie RESTOIN Professeur certifié Académie DE LIMOGES Mme Floriane REVIRON Maître de conférences des universités Académie DE DIJON M Bertrand RICHET Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M. Frédéric ROBERT Maître de conférences des universités Académie DE L YON M Christophe ROBIN Maître de conférences des universités Académie DE LlLLE M Yann ROBLOU Maître de conférences des universités Académie DE LlLLE Mme Agnés ROCHE LATJHA Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES M Emmanuel ROUDAUT Maître de conférences des universités Académie DE LILLE Mme Zeenat SALEH Maître de conférences des universités Académie DE BESANCON M Gérard SELBACH Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M Jean Yves SELLIN Professeur agrégé Académie DE NANTES Mme Viviane SERFATY Maître de conférences des universités Académie DE STRASBOURG Mme Marie Christine SIMEONI Professeur certifié Académie DE CORSE M Lee SMART Professeur agrégé Académie DE LYON 13 Mme Penny STARFIELD KUPIEC Maître de conférences des universités Académie DE PARIS M John STEVEN Professeur agrégé Académie DE CAEN M François Xavier TAINTURIER Professeur agrégé Académie DE BESANCON Mme Marie Thérèse THIERY Inspecteur pédagogique régional/Inspecteur d'académieAcadémie DE REIMS M Luc THUILLEAUX Professeur agrégé Académie DE BORDEAUX Mme Benjamine TOUSSAINT THIRIET Professeur agrégé Académie DE VERSAILLES Mme Jenifer TRANIER Professeur certifié Académie DE CAEN Mme Danielle TROILLET Maître de conférences des universités Académie DE BORDEAUX Mme Béatrice TROTIGNON Maître de conférences des universités Académie DE PARIS Mme Susan TROUVE FINDING Maître de conférences des universités Académie DE POITIERS M Michael VALLEE Maître de conférences des universités Académie D'AIX-MARSEILLE M Bertrand VITTE COQ Professeur agrégé Académie DE ROUEN M Hervé WATTEZ Professeur agrégé Académie DE LIMOGES M Guillaume WINTER Professeur agrégé Académie DE LiLLE 14 2. Mot de la Présidente La maquette des épreuves du CAPES Externe d’anglais mise en place en 2000 est toujours en vigueur. Aucune modification n’est prévue à ce jour. Bien qu’il soit toujours problématique de comparer les sessions entre elles, un fait significatif semble émerger des statistiques des quatre dernières années : la baisse du nombre des candidats qui composent véritablement aux trois épreuves d’écrit semble endiguée. Rappelons que l’absence à l’une des trois épreuves vaut élimination du candidat. Il est bon aussi de souligner que l’épreuve de traduction comporte une version et un thème. Ne pas effectuer l’un de ces deux exercices expose les candidats aventureux à une soustraction de points difficilement rattrapable. Seuls quelques uns, il est vrai, s’y sont risqués et cela s’est avéré regrettable au vu des notes obtenues par ailleurs aux deux autres épreuves. Les trois épreuves d’écrit ont le même coefficient 1. Les modalités des épreuves écrites sont régies par le texte du Journal Officiel du 27 Mai 1999 et du BO n° 39 du 2 Novembre 2000.Les nouveaux programmes, pour la session 2005 ont fait l’objet d’une publication dans un numéro spécial du BO n° 5 du 20 Mai 2004. Ces documents sont disponibles sur le site Education Nationale. S’agissant de la question au programme de civilisation : William Morris, News from Nowhere, le commentaire porterait exclusivement sur une partie de l’œuvre elle-même. Les candidats savent à quel point il est utile de se reporter aux rapports précédents. Celui de 2003 est en ligne sur le site du Ministère de l’Education Nationale qui recevra aussi fin août celui de 2004. Les professeurs membres du jury y prodiguent de nombreux conseils méthodologiques transférables d’une année sur l’autre. La charpente d’un commentaire en langue étrangère ( de littérature ou de civilisation) ou d’une composition en français( de civilisation ou de littérature) obéit à des règles : raisonnement logique, art de la construction, gradation des idées exprimées, leur appui sur une bonne connaissance des œuvres ou questions au programme, conviction d’un raisonnement percutant, qui s’apprennent par la lecture d’exercices rédigés par les membres du jury, et par la pratique au cours de l’année de préparation. Il en va de même pour l’épreuve de Traduction. Version et Thème mettent en œuvre ces activités de passage d’une langue à une autre. “ Passage ”, c'est-à-dire appropriation du sens dans la langue de départ, basculement dans la langue d’arrivée et résolution, chemin faisant, des phénomènes culturels qui rendent la traduction difficile, sinon toujours infidèle sur certains aspects. L’exercice met en jeu de nombreuses activités mentales et linguistiques qui, elles aussi ne s’improvisent pas. Il faut avoir au préalable réfléchi sur certaines limites de cet art de la traduction pour être mieux à même de cerner la difficulté, même courante, et y apporter une solution raisonnée et aussi proche que possible de ce que les deux langues permettent dans leur interface. Les trois épreuves font l'objet d'une double correction. A l’écrit, comme à l’oral, candidats francophones ou anglophones trouvent les uns et les autres, matière à exprimer leurs compétences dans les deux langues. C’est aussi le cas pour les deux épreuves d’oral, à coefficient égal. L’épreuve en langue étrangère se décompose en analyse et synthèse d’un dossier, en anglais, suivies d’un entretien avec le jury, présentation de faits de langue soulignés dans un des textes du dossier et non assortis d’une étiquette orientant l’analyse (présentation en français, non suivie de questions du jury), épreuve de compréhension et de restitution d’un document sonore authentique, en français. Cette partie ne fait pas, elle non plus, l’objet de questions de la part du jury. Cette épreuve est dense et 15 les candidats se reporteront avec profit à la présentation détaillée et illustrée de ces trois composantes explicitée dans les chapitres de ce rapport. L’épreuve pré professionnelle sur dossier, en français comporte un exposé suivi d’un entretien. Le texte de cadrage du Journal Officiel du 27 Mai 1999 en définit clairement les objectifs. Les documents d’intérêt didactique et pédagogique sont de longueurs variées, sans excès cependant. Leur lecture n’est pas uniforme, certaines pages- plus longues que d’autres- présentant des batteries d’exercices dont il faut saisir seulement la démarche initiale. Cette épreuve pré professionnelle, comme son nom l’indique ne requiert pas une expérience professionnelle, non exigible des candidats au CAPES externe. Les qualités d’expression en langue française entrent pour un tiers dans la notation de cette épreuve. De même, pour l’épreuve en langue étrangère, la qualité de l’anglais oral vaut pour un tiers de la note. Il est absolument nécessaire que des anglicistes, futurs professeurs, s’entraînent à la pratique d’une langue correcte aux plans syntaxique, grammatical et phonologique, fluide, et authentique. Leur anglais oral servira de modèle aux élèves dont ils auront la responsabilité et qui, pour la grande majorité d’entre eux, n’ont pas d’autres formes d’exposition à la langue que celle qu’ils trouvent dans la salle de classe. Pour certains candidats le niveau inacceptable de leur anglais parlé s’est avéré rédhibitoire. La pluralité des diverses activités des deux épreuves d’oral ne va pas sans un souci d’équilibre dans le montage des sujets .Les domaines du monde anglophone et américain ont été ventilés de sorte qu’il n’y ait pas de redondance. L’équité d’évaluation des candidats a prévalu tout au long de l’oral, par l’application stricte de barèmes communs, par la rotation des membres du jury et par le fait que chaque candidat a été évalué sur ses deux épreuves d’oral par deux binômes de professeurs différents. Les notes obtenues à la première épreuve ne sont pas communiquées aux deuxièmes évaluateurs : les candidats sont toujours appréciés sur la performance qu’ils effectuent, au moment où ils l’effectuent, et les deux épreuves d’oral, au même coefficient, s’additionnent, sans qu’il n’y ait de préjugé préalable. Les vingt réceptions de cohortes de candidats, tous les deux jours, et pendant trois heures ( 2X120 candidats) nous ont permis, à partir du même texte lu ( principe d’équité) de leur préciser certains points et les attentes des membres du jury, si par “ attentes ” l’on entend recommandations ou mises en garde contre de possibles dérives. Il n’y a aucun dogmatisme chez le jury qui sait toujours apprécier des présentations claires et convaincantes, argumentées, dépourvues de tout jargon, et des échanges authentiques .L’éventail des notes a été très ouvert, de 0,5 à 19,5, ce qui montre le désir du jury de tirer les notes vers les extrémités, ce qui se conçoit pour une évaluation de concours. Ce qui prouve aussi qu’il a été possible d’entendre des prestations de très haut niveau. Les demi points ont été utilisés, à l’écrit comme à l’oral, afin de faciliter le classement des candidats. Les “ notes ” reçues par ces derniers (et les décimales pourraient étonner) rendent en réalité compte de ce classement. Il est à souligner qu’à l’écrit comme à l’oral, la barre d’admissibilité et d’admission ont été satisfaisantes et tous les postes du CAPES et du CAFEP ont été pourvus. Ces séances d’accueil des candidats ont été les bienvenues : elles ont permis aux candidats de dédramatiser la situation à la veille des épreuves et pour nous, de répondre à quelques questions. Nous avons eu là l’occasion de “ rencontrer ” ces jeunes si désireux de franchir le cap et de voir à quel point leur motivation est forte. Si elle reflète un regain d’intérêt pour le métier d’enseignant, alors nous ne pouvons que nous réjouir en effet. Je tiens à remercier ici tous les membres du jury pour leur grand professionnalisme et leur respect des codes déontologiques : équité dans le traitement des candidats, accueil de ces derniers. Ils offrent 16 aussi dans ce rapport leurs contributions éclairantes aux futurs candidats et font la démonstration que ce qui leur est demandé est du domaine du “ possible ” même si les exigences restent élevées : il en va de la qualité du recrutement des futurs enseignants. J’insisterai encore ici sur le nécessaire niveau d’anglais parlé et conseillerai aux futurs candidats de s’entraîner régulièrement. Les outils à leur disposition ne manquent pas aujourd’hui. Nous espérons que ceux qui n’ont pas eu la chance d’être reçus cette année se représenteront l’année prochaine et trouveront dans ce rapport et dans les précédents, matière à combler leurs lacunes. Comme par le passé, il ne sera pas possible de répondre aux demandes individuelles. Et nous doutons de l’intérêt de demander à avoir connaissance des copies d’écrit : décontextualisées, lues sans être passées au crible des barèmes, lues isolément ( alors que la notion même de concours requiert le principe de comparaison), elles ne peuvent guère fournir de réponses. Celles-ci, nous le répétons, sont bien plutôt inscrites dans les rapports rédigés par les membres du jury. Le nombre élevé de candidats admissibles par rapport au nombre de postes mis au concours (x2,46) aura permis à un nombre important de candidats de faire cette première expérience d’un oral qui doit les motiver pour parfaire leur préparation. C’est dans ce sens aussi que je les encourage à lire ce rapport : il est un trait d’union entre eux et les membres du jury, objet d’information et de communication et outil de travail. Mireille Golaszewski Inspecteur général d’anglais Présidente du jury 17 3. Tableau de statistiques Admissibilité Inscrits Hommes Femmes Non Admissibles Hommes Femmes 1692 247 éliminés CAPES CAFEP 5318 799 1034 107 4284 692 3993 569 2062 271 370 24 Admissibilité Inscrits Présents Moyenne Moy. Note Note admissibles supérieure inférieure CAPES Epreuve 101 Epreuve 102 Epreuve 103 CAFEP Epreuve 101 Epreuve 102 Epreuve 103 Admissibilité 5318 5318 5318 4100 4038 4069 0 07 0 07 0 07 0 09 0 09 01 0 01 9 01 8 01 7 000 000 000 799 799 799 589 580 592 0 07 0 06 0 07 0 09 0 09 0 09 01 7 01 8 01 6 000 000 0 01 Hommes Femmes Non Admis Hommes Femmes 695 101 Moy. Moy. Non admissibles éliminés CAPES CAFEP 7,18 6,69 Admission Admissibles 9,09 8,77 éliminés CAPES CAFEP 2068* 271 372 24 1696 247 2004 266 836 110 141 9 Admission Admissibles Présents Moyenne Moy. Admis Note Note supérieure inférieure CAPES Epreuve 204 Epreuve 205 CAFEP Epreuve 204 Epreuve 205 Admission 2068 2068 2007 2005 0 08 0 07 01 0 01 1 01 8 02 0 0 01 0 01 271 271 266 266 0 07 0 08 0 09 01 2 01 5 01 8 0 01 0 01 Moy. non- Moy. Admis Moy. Barre éliminés CAPES CAFEP 0 08 0 08 supérieure 01 0 01 0 017 014 0 08 0 08 18 EPREUVES ECRITES 19 4.1 Composition en français (Durée 5 heures) Sujet : “ Les pouvoirs de l’illusion dans A Streetcar Named Desire ” (en prenant compte le texte du dramaturge et l’adaptation du cinéaste). Bilan de la session 2004 I. Méthodologie La composition en français portait cette année sur un élément du programme de littérature, A Streetcar Named Desire, pièce de T. Williams et film d'E. Kazan. Avant de revenir plus en détail sur le sujet et la manière dont on pouvait l'aborder, il ne paraît pas inutile de dresser un bilan plus général de l'épreuve, autant pour tirer les enseignements de cette session que pour permettre aux futurs candidats d'augmenter leurs chances de succès en préparant efficacement la session 2005. Commençons par dire que la dissertation est avant toute chose un exercice classique, très codifié, aux règles aussi précises que simples, et qu'on attend d'un futur professeur certifié qu'il fasse la preuve de sa capacité à accomplir cet exercice avec une aisance au moins minimale. Évoquer le caractère extrêmement normé de cette épreuve nous incite à définir ou redéfinir quelques-uns de ses aspects fondamentaux, ce qui permettra de formuler quelques observations sur les copies soumises au jury à l'occasion des épreuves de mars dernier et de formuler quelques conseils. 1. Une dissertation est une question La première chose sur laquelle il convient d'insister est la nature même de l'exercice. Elle n'a pas toujours été bien comprise. Assez nombreux sont les candidats qui confondent la dissertation avec un exercice de récitation. Sans s'interroger sur ce que l'on attend vraiment d'eux, ils se lancent dans de longs développements directement tirés des cours auxquels ils ont assistés, des études critiques qu'ils ont pu lire, ou de corrigés de dissertations rédigées dans le cadre de leur préparation et dont le sujet leur paraît approcher celui du concours. Outre le fait que ces restitutions ne s'effectuent pas toujours avec la fidélité souhaitée, ou en citant ses sources, elles sont systématiquement inopérantes car elles tentent d'opposer une réponse toute faite et apprise par coeur à une question spécifique et qui exige (demande) qu'on la considère comme telle. Entendons-nous : le cours et les études critiques ne sont pas inutiles tant s'en faut ! Il est simplement fondamental d'apprendre à les utiliser intelligemment, c'est-à-dire comme des outils dont on va se servir pour régler des problèmes précis. On peut aisément comprendre qu'un(e) candidat(e) sérieux(se), s'étant abondamment préparé sur chaque oeuvre, souhaite “ rentabiliser ” ses efforts. On peut également imaginer qu'il est rassurant le jour de l'épreuve de penser que l'on est en terrain connu et sûr parce que l'on restitue une partie entière d'un cours. Il n'en reste pas moins que cette manière de procéder qui relève du “ plaquage ” pur et simple, mène systématiquement à des résultats catastrophiques et d'autant plus douloureusement ressentis qu'ils font suite à un travail important. On comprend la déception des candidats concernés, mais ils ne pourront éviter de connaître pareille mésaventure qu'en améliorant leur compréhension de la nature même de l'épreuve. Ce qu'il faut absolument saisir, et accepter, car c'est une règle fondamentale du jeu, c'est que la dissertation est toujours une question à laquelle il faut tenter d'apporter une réponse nuancée en ouvrant un débat. En ce sens, il est essentiel de chercher à problématiser. Les correcteurs de l'épreuve ont soulignés cette année que les meilleurs travaux étaient ceux qui reposaient sur des interrogations véritables, une problématique réelle explorée dans l'ensemble de la copie. Le départ s'est donc d'abord effectué cette année entre les candidats qui ont accepté de prendre le sujet pour ce qu'il était (une question spécifique) et ceux qui se sont contentés de réciter une leçon trop bien apprise. Cette distinction restera centrale dans les années à venir car c'est une pierre angulaire de la 20 dissertation. 2. Le sujet, tout le sujet, et rien que le sujet Comme chacun sait, une dissertation, c'est d'abord un sujet à traiter. Cette entame pourra sembler simple et même simpliste. Il n'en reste pas moins que le premier obstacle à la réussite des candidats est souvent une lecture insuffisamment rigoureuse ou parfois tout bonnement erronée du sujet. Insistons d'abord sur un point élémentaire : il faut lire le sujet, et tout le sujet. Les copies de cette session ont souvent pêché par faiblesse à ce niveau. Confrontés à un sujet un peu complexe, les pouvoirs de l'illusion, nombreux sont les candidats qui ont simplement “ décidé ”, consciemment ou non, de ne prendre en compte que l'un des deux termes, le plus souvent “ illusion ”. Le sujet d'origine se trouvait ainsi transformé en “ l'illusion dans SND ”, ce qui, certes, ôtait au sujet une part de sa difficulté, mais présentait un inconvénient majeur : ce n'était plus le sujet du concours. Il est bien évident que l'épreuve n'est pas un contexte facile pour les candidats, forcément tendus, et à ce titre plus susceptibles de commettre des erreurs à l'abri desquels ils se trouvent d'ordinaire. Mais il importe de répéter ici des conseils de prude bon sens: il faut d'abord lire le sujet très attentivement et très rigoureusement en s'attachant à ce qu'il est et non à ce que l'on pourrait souhaiter qu'il soit. Cette lucidité minimale met à l'abri de sévères déconvenues. 3. Pas de dissertation sans exemple L'une des difficultés de la dissertation, comme chacun sait, réside dans le fait qu'elle oblige le candidat à prendre en considération l'oeuvre dans son intégralité. L'exercice impose donc une connaissance très solide de l'oeuvre sur laquelle elle porte. Connaissance des personnages et de l'intrigue bien sûr (c'est un minimum) mais aussi de certains enjeux liés à sa composition. Soulignons rapidement qu'une intrigue mal maîtrisée ou des noms de personnages erronés ou mal orthographiés privent très rapidement un travail de toute crédibilité. Si Streetcar est une pièce relativement courte, la tâche se compliquait un peu cette année du fait de la présence au programme du film de Kazan, film qu'il fallait avoir vu et étudié afin d'être en mesure de l'inclure dans sa réflexion globale. La partie plus spécifiquement consacrée au traitement du sujet abordera ce point de manière plus précise, mais il est important de souligner que les candidats doivent absolument prendre en compte tous les supports, lorsque ceux-ci sont multiples, sauf à risquer d'être partiellement hors-sujet. Se cantonner à une exploitation du texte dans le sujet de cette année était une lourde erreur. La connaissance globale et précise de l'oeuvre est d'autant plus indispensable qu'une dissertation n'est pas un travail d'ordre théorique, encore moins une accumulation de généralités. Il faut accepter pour traiter le sujet “ d'aller sur le terrain ”, et ce terrain c'est l'oeuvre. On attend donc des candidats qu'ils évitent les allusions et étayent leur propos grâce à des références claires au texte (et cette année au film). Le principe de base est des plus simples : une idée, un exemple. Qu'attendra-t-on en fait d'exemples ? Les citations sont bien entendu bienvenues, mais il est évident que, sans le support du texte, on ne peut pas les multiplier. Les références précises à tel ou tel moment du texte (ou du film) ne posent pas de problème à un(e) candidat(e) bien préparé(e). Ces références doivent être systématiques et précises pour soutenir convenablement l'argumentation mise en place. 4. Pas de dissertation sans plan et pas de plan sans but Cette mise en place de l'argumentation m'amène au point suivant : l'organisation du travail. Commençons par un constat plutôt optimiste : les correcteurs ont cette année constaté que, dans la majorité des copies, les règles élémentaires de la dissertation étaient connues et, tant bien que mal, respectées. Les copies sans introduction claire et sans plan étaient largement minoritaire, une excellente chose. Ce constat positif étant posé, on peut ajouter que la majorité des candidats pourraient encore progresser sensiblement dans leur maîtrise de l'organisation du devoir. Deux principes peuvent être rappelés à l'attention des futurs candidats : - Un plan n'est pas une “ série de parties ” que l'on plaque sur un sujet pour donner au devoir une 21 apparence de progression rationnelle. Les correcteurs ont cette année souvent déploré le fait de se trouver face à des copies privées de toute dynamique réelle. - Un bon plan est un moyen plus qu'une fin : il doit permettre de mener à bien une démonstration dont la problématisation du sujet à laquelle nous faisions allusion plus haut va fixer l'objectif. En bref, il faut savoir où on se propose d'aller, ce que l'on souhaite démontrer, pour tracer l'itinéraire, le plan qui permettra d'atteindre le but en question. Méconnaître cette réalité de bon sens revient à se condamner à mettre systématiquement la charrue avant les boeufs. 5. Pas de dissertation sans maîtrise de la langue Dernier point élémentaire : on ne peut rédiger une dissertation sans avoir une maîtrise consommée de la langue française. Evitons les ambiguïtés : on n'attend pas des candidats qu'ils écrivent comme Chateaubriand (même s'ils gagneraient sans doute à fréquenter un peu plus sa prose...) mais qu'ils s'attachent à deux choses qui, à défaut d'atteindre à l'élégance, paraissent minimales chez de futurs enseignants : - écrire un français d'une correction grammaticale et syntaxique impeccable, ce qui est loin d'être le cas dans l'immense majorité des cas. - disposer d'une langue riche et précise, notamment lorsque l'on aborde, ce qui est inévitable en littérature, le terrain critique. Les lacunes terminologiques sur des notions élémentaires sont particulièrement mal accueillies. Compte tenu du nombre de copies dans lesquelles le niveau du français écrit était plutôt médiocre, il nous a paru important de répertorier brièvement les erreurs et défaillances les plus fréquentes. Outre une langue relativement pauvre et/ou familière, les copies présentaient des déficiences en orthographe et en grammaire qui témoignent d'un manque de réflexion sur le fonctionnement de la langue française. Ce n'est guère agréable, certes, et le propos du rapport n'est pas de se transformer en collection d'erreurs, mais il ne paraît pas totalement inutile de passer en revue les plus fréquentes, en espérant que les futurs candidats sauront se montrer plus vigilants. On a donc surtout regretté les choses suivantes : Les fautes d’orthographe portant sur les noms propres des personnages, des auteurs, des acteurs, des lieux : Kolwaski*, Hung Sheppherd*, Sheip Huntley*, Mitche*, Elias Kazan*, Eliah Kazan*, Tenesse Williams*, Viviane Leigh*, Bel Reve*, Louisianne*, Elisian Fields*, le prix Pulizzer*, Walt Whiteman* (ou Wittman*), Nathaniel Hawthorn*, Vincent Vang Gogh*, Art Crane*, Glass Messagerie*,, etc. A cette occasion, il semble nécessaire de rappeler que les noms propres en français ne prennent pas la marque de pluriel, contrairement à l’anglais : les Kowalski. Les fautes (nombreuses) de doubles consonnes, dues ou non à l’influence de l’anglais. On attend de candidats au CAPES externe qu’ils sachent orthographier des mots tels que dysfonctionnement, indicible, leitmotiv, idyllique, in medias res, schizophrénie, dionysiaque, étymologiquement, huis clos, a fortiori, a priori, ainsi que connaître l’expression “ le Code Napoléon ”, de savoir que la “ gent ” ne prend pas de “ e ” final, et d’être à même de faire la différence entre “ mettre à jour ” et “ mettre au jour ”, faute il est vrai récurrente dans les média français. La conjugaison de certains verbes, qui ne sont pourtant pas réputés des plus difficiles, semble problématique : renvoit*, dépeind*, contiend*, boient*, parcoure*, pert*, atteind*, signifit*, essait*… Certains verbes donnent même lieu à une véritable hécatombe : “ créer ” en est probablement le plus bel exemple. Rappelons-en rapidement les formes correctes : je crée, il a créé, elle a été créée, il seront créés, elles avaient été créées. Ce dernier problème est sans doute lié à l’ignorance des règles d’accord du participe passé et de la quasi disparition dans certaines copies des accents, qu’ils soient graves aigus ou circonflexes. Ainsi, non seulement 22 - - - - les participes passés ne sont-ils pas accordés en genre et en nombre, mais ils sont parfois confondus avec des formes de l’indicatif (punit, choisit, trahit, connut, rétrécit, prit, subit), ce qui dénote un manque de capacité d’analyse grammaticale. Les problèmes d’accords en genre et en nombre dans le groupe nominal. A part les erreurs sur le genre de certains mots comme échappatoire (féminin), bon nombre de fautes sont commises par étourderie et faute de relecture attentive : des mouvements*, seul* l’histoire, réalité trop dur*. La faute la plus fréquente étant : l’un des plus grand* poète*. Les barbarismes du genre approximité*, rassurance*, chasme*, sinistreté*, cathartie*. Les problèmes de niveau de langue. Exemple : en toc, se faire un film, plein d’hommes, un gros “ bang ”, une vie de jet set, Blanche drague le mari de sa sœur, etc. Les règles d’emploi des majuscules en français sont différentes de celles qui s’appliquent en anglais. Les adjectifs de nationalité ne prennent pas la majuscule en français, les noms de mois non plus. Une meilleure application de ces règles permettrait d’éviter des confusions fâcheuses telles que : le Sud Américain pour le Sud américain. Rappelons aussi que dans une copie de concours il convient d’éviter les abréviations. On citera pour exemple ms (mais), i.e. , égalemt, pr (pour), ls (les), ds (dans). Autre point faible de nombreux candidats : la ponctuation. Si le point est bien employé, il n’en va pas de même de la virgule, du point virgule, des guillemets, des tirets, voire des points de suspension. A ce propos, rappelons que les virgules sont obligatoires dans les structures appositives et les relatives non déterminatives. Pour finir, il faut éviter de mélanger l’anglais et le français dans la même phrase, ce qui donne l’impression que l’on ne maîtrise en fait aucune des deux langues. Exemple : elle “misrepresent(s) ”, elle se sent “ trapped ”, une forme de “ magic ”. Les citations en anglais doivent être introduites en français, puis commentées en français. II. Pistes de lecture Définitions et mots clef “ Pouvoirs ” : mise en jeu de la notion de capacité, mais encore plus de celle d'autorité. “ Illusion ” : illosiun “ moquerie ” ; illusio, de ludere “ jouer ”. 1.1. Erreur de perception causée par une fausse apparence. 1.2. Interprétation erronée de la perception sensorielle de faits ou d’objets réels. 1.3. Apparence dépourvue de réalité ; 2.1. Opinion fausse, croyance erronée, qui abuse l’esprit par son caractère séduisant, 2.2. Le pouvoir, la force de l’illusion. L’homme a besoin de l’illusion. Faire illusion : duper, tromper, en donnant de la réalité une apparence flatteuse. Il cherche à faire illusion. Contr. Certitude, réalité, réel, vérité. Déception, désillusion. (Le Nouveau Petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française). Quelques mots clef : apparition, apparences, artifice, bluff, camouflage, charme, costume, décorations, déguisement, duperie, embellissements, enchantement, fabrication, faux-semblant, glamour, hallucination, imaginaire, jeu, leurre, lucidité, magie, mascarade, masque, mensonge, mimique, mystification, mythe, ornements, piège, recréation, refuge, ruse, secret, séduction, sortilège, subterfuge, travestissement, tromperie, vedettariat, vérité/contrevérité, victime. Remarques préliminaires Compte tenu de la consigne qui soulignait les rapports entre un texte de théâtre (écrit pour être joué sur scène) et un film, la composition ne devait pas ignorer l'interprétation, véritable relecture de la pièce, proposée par Elia Kazan. SI un ancrage solide dans le texte de Williams était essentiel, il 23 ne fallait pas oublier de commenter le travail de montage et le jeu de caméra chez Kazan. Si dans l’ensemble, les candidats semblaient avoir lu et étudié le texte du dramaturge américain, ils n’ont pas porté un intérêt critique identique à l’analyse de sa transposition à l’écran par le cinéaste Elia Kazan. En effet, si l’on trouvait, dans la grande majorité des copies, des références à des passages précis de la pièce de théâtre, il n’en était pas de même pour le film, autre support, tout aussi essentiel, du sujet proposé. Cette négligence était d’autant plus inadmissible que le sujet était très explicitement accompagné d’une consigne rappelant l’aspect double – à la fois dramaturgique et cinématographique – des analyses attendues. Illusionniste d’un autre genre, Kazan s'appuya sur des procédés techniques qui renforcent certains effets de la pièce de Williams, particulièrement les traits expressionnistes, tout en apportant des accentuations et des tonalités différentes, à la fois en raison des choix effectués par le cinéaste et des moyens d'expression propres au cinéma. C'est à l'exploration conjointe des procédés de création, de fabrication délibérée et savamment construite d'une illusion artistique que les candidats étaient invités, notamment à travers l'analyse des impressions supplémentaires d'artifice offerts par le travail cinématographique. Ainsi, on pouvait s'interroger, par exemple, sur les multiples effets d'écran, de cloisons, de masques, de rideaux et/ou de voilages qui jalonnent les deux œuvres. De même, les jeux d'ombres et de lumières, tout comme la gestuelle et le vestimentaire pouvaient faire l'objet d'analyses pertinentes. Sans oublier l'agencement de l’espace scénique, la création d'un lieu sonore et musical qui met en place un espace symbolique, un puissant “ off scene ” imaginaire qui ne cesse d'interpeller le lecteur-spectateur de Streetcar. Tout en rendant possibles les analyses relatives à la féminité représentée comme un lieu d’illusions par excellence, comme un topos à la fois individuel et collectif où le fictif et le fantasmatique rejoignent le social, le culturel et l'historique, le sujet de cette année ouvrait la voie aux élaborations sur “ l’art de la semblance ”, fondé sur la création d’une illusion sans laquelle la littérature, le théâtre pas plus que le cinéma n’existeraient. Sans le “ faux ” artistique, difficile de parler de la “ réalité ”, du “ vrai ”. En raison de sa nature relativement ouverte, le sujet proposé permettait d’aborder les problèmes principaux soulevés par la pièce de Williams, y compris les diverses dichotomies et rapports conflictuels qui sous-tendent la pièce (rêve / réalité, matérialité / spiritualité, objectivité / subjectivité, bestial / angélique, inclusion / exclusion, public / privé, poétique / prosaïque, réalité / fiction, historique / imaginaire, factuel / légendaire, pure / impure, raison / folie, etc.). Oppositions toujours à nuancer, étant donné qu’en dépit des apparences, la dramaturgie de Williams tend vers la subversion des catégories et des cloisons séparatrices. La vérité williamsienne serait ainsi à chercher au-delà des jeux duels, dans un entre-deux moins tranché mais non moins violent, qu'il s'agisse de la spatialité, de la temporalité, de la textualité, et bien évidemment de la sexualité. De ce fait et malgré le caractère limpide du sujet, le candidat devait se méfier de l'impression de simplicité et examiner attentivement les deux termes clef de manière à saisir les enjeux de pouvoir sous-jacents. Sans une réflexion préalable sur les acceptions et sur la polysémie des deux termes proposés, la composition risquait de manquer de souffle après un premier tour des personnages et des enjeux les plus explicites. De même, compte tenu de son caractère “ ouvert ” et de la pluralité des parcours analytiques qu’il est possible d’emprunter, les candidats devaient faire preuve de discrimination, notamment en délimitant le nombre de repérages possibles afin de parvenir à une véritable synthèse. Autrement dit, si c’est précisément pour rappeler la diversité des niveaux où il était possible de faire résonner le terme “ illusion ” que l'autre terme clef (“ pouvoirs ”) est conjugué au pluriel, les candidats devaient prouver leurs capacités à construire une démonstration solide autour des axes sélectionnés et solidement ancrés à la fois dans la pièce et dans le film. Il ne suffisait pas de proposer une liste de repérages textuels, dramaturgiques et/ou scéniques si ces repérages n'étaient pas incorporés dans une argumentation dynamique, convergeant vers une véritable conclusion. 24 Le risque majeur auquel n’ont pas su résister bon nombre des candidats consistait à se laisser impressionner par le jeu des personnages, renforcé par le magnétisme des acteurs (surtout Leigh et Brando). Trop de candidats se sont effectivement bornés à proposer soit une apologie soit une critique systématique de Blanche, vue comme une illusionniste perfide, s'acharnant à briser le bonheur conjugal de sa sœur (“ when she was young, very young, she had an experience that - killed her illusions ”, Sc 7, p. 189), ou bien comme une victime impuissante des aléas de la vie. Selon une logique analogue, Stanley pouvait constituer l’objet d’un réquisitoire aussi peu nuancé où l’homme se voyait réduit à un maître-bourreau, cherchant à imposer son autorité dictatoriale, inspirée par le Code Napoléon. (Plan limité à une simple inversion des termes du sujets autour de repérages centrés sur les personnages, du type : 1. Les pouvoirs de l'illusion [Blanche et la tromperie] ; 2. Les illusions du pouvoir [Stanley et l'autorité]). Il est évident que ce type de remise en place de manichéismes ne reflète qu'un aspect très limité de l'univers dramatique williamsien, ignorant totalement l'étonnante porosité des espaces, des genres, et des personnages qui le caractérise. Afin de capter les enjeux plus implicites, il fallait dépasser le niveau paraphrastique, refuser les portraits moralisateurs et / ou psychologisants, en examiner la frontière incertaine qui, chez Williams, sépare l'illusion de la réalité. Autrement dit, bien que le lecteur/spectateur de Streetcar soit souvent frappé par le réalisme ou le naturalisme de certaines scènes, la dramaturgie de Williams – reflétée par l'adaptation de la pièce à l'écran par Kazan – reste profondément marquée par le refus du réalisme. Par ailleurs, il ne fallait pas négliger les aspects ludiques du mot “ illusion ”, non seulement sur le plan des références métadramatiques aux divers jeux de scène, mais aussi par rapport au jeu de poker. Rappelons que Williams avait songé, pendant un temps, inscrire la pièce sous le nom d’un jeu de cartes (The Poker Night), soulignant ainsi l'importance du poker en tant qu’activité symbolisant le jeu social. Il n’était d’ailleurs pas intéressant d’observer à quel point Blanche, le personnage pivot de cette pièce ponctuée de références métatextuelle, ne cesse d’apparaître comme un joueur toujours potentiel (“ Could I kibitz? ”, Sc. 3, p. 145), car contrainte de “ cacher son jeu ” avant son éviction finale de la scène. Il est à noter que les orientations de lecture présentées ci-après ne sauraient en aucun cas constituer une proposition de plan. En effet, les frontières entre chaque partie sont, à l’évidence, perméables, et peuvent varier en fonction des approches et des perspectives adoptées. L’objectif des concepteurs du rapport est de proposer ici une charpente suffisamment générale, capable d’aider les futurs candidats. Ainsi, on ne manquera pas de constater la complexification croissante des entrées proposées. Non-exhaustifs, les repérages, pistes de lecture et mises en relation entre le texte et le film proposés ici ne prétendent évidemment pas former un ensemble susceptible de couvrir tous les cas de figures possibles. Proposer un tel document serait, en soi, une illusion! Par ailleurs, on ne s’attendait pas à ce qu'une seule copie contienne tous les points évoqués ci-après. Pour terminer, si les pistes pour l’analyse filmique sont aussi nombreuses, c’est pour fournir de la matière à réfléchir aux candidats qui auraient à se poser des questions similaires lors des concours suivants. En effet, parler de la transposition d’un texte littéraire à l’écran ne saurait se réduire à quelques rappels qualifiables de nature “ factuelle ” (ici le Sud, son histoire, le cinéma de Kazan, considérations biographiques sur T. Williams, etc.). Même si telle ou telle référence historique, géographique ou politique n’était pas à proscrire en soi, il fallait s’assurer que ce type d’évocation servait un but précis dans l’architecture générale de la composition. 1. Illusion et désillusion dans l’intrigue : les relations de pouvoir Antagonisme entre deux mondes, deux systèmes antinomiques (Vieux Sud / Nouveau Sud), emblématisés à la fois par les personnages, les espaces et les objets scéniques. Le fossé entre un univers référentiel révolu, une société figée dans des stéréotypes aux vertus médiévales (“ Belle 25 Rêve ”) et le nouveau monde conquérant. Le Vieux Sud légendaire des plantations vs les tenants d'une réalité matérialiste incarnée par Stanley et Stella. Tentatives de Blanche pour faire revivre le passé mythique, tout comme le souvenir d’Allan Gray, figure emblématique du Sud disparu. Dans ce combat pour l’influence au cours duquel prennent voix et forme différentes versions du passé (“ storytelling ” de Blanche vs. “ History telling ” de Stanley), Stella et Mitch représentent l'auditoire à séduire. Blanche : curieuse Belle du Sud (“ Southern Belle ”), être évanescent, jamais du côté du parfaitement démontrable, du totalement visible ou maîtrisable. Issue de légendes et de mythes hybrides plutôt que d'une histoire avec un “ H ” majuscule, Blanche échappe à toute catégorie unique, y compris sur le plan des représentations du féminin, et ceci malgré les tentatives d'étiquetage de Stanley qui mène une enquête acharnée sur le passé de sa belle-sœur pour connaître la vérité. Stanley : l'illusion d'un ordre patriarcal, inscrit sous un code unique (“ le Code Napoléon ”) ; le rêve, le phantasme d’une stabilité sociale immuable, contredite pourtant par ses emportements et sa sauvagerie non-maîtrisés. Impétuosité mimétique reflétée par Mitch, surtout une fois tombé son masque de héros chevaleresque (“ Rosenkavalier ”). Idéaux divergents corroborés par les attitudes différentes par rapport au support papier. Blanche : lampion en papier, lettres, poèmes, bouts de papiers contenant des messages, fragments d’histoire. Stanley : l'argent, la loi, le testament, et autres documents palpables, preuves tangibles. Positions ambiguës de Mitch et surtout de Stella, replacée dans un monde trépidant, dominé par les “ lumières colorées ” (“ coloured lights ”, Sc. 8, p. 199). Au halo nostalgique du passé, affectionné par sa sœur, Stella semble préférer les lumières de la ville et l'impulsivité virile, suggérées par le rythme peu harmonieux du tram. D Quelques mises en relation possibles avec le film : Contrastes entre les deux sphères ; cloisons séparatrices ; rencontres, souvent brutales (on pense à Stanley jetant violemment la radio par la fenêtre dans le film), avant la destruction finale de l'espace onirique et féerique de Blanche. Premiers effets de “ théâtre dans le théâtre ”, surtout lorsque Blanche apparaît dans l'intervalle des rideaux ; transformation de l’espace de l’Elysian Fields en un “ ailleurs ” (ex. Sc. 3 en salle de bal viennois). Paysages de rêve recrées par la magie de l'éclairage. Streetcar comme espace révélant la face cachée du Sud, dévoilant le mythe perverti. Projet initial de Kazan (“ openings ”): tournage des scènes extérieures envisagées puis écartées. Impression d'une prise au piège (“ entrapment ”) ; l'enfermement psychologique suggéré et renforcé par un enfermement spatial. Utilisation, au cours de sa transposition spatiale de Streetcar, de cloisons mobiles pour traduire l'impression de claustrophobie qui règne à la fin de la pièce ; l’étouffement de Blanche dans l'appartement des Kowalski: “ Caught in a trap. Caught in” (Sc. 10, p. 214). Seules “ ouvertures ” maintenues : la scène d'arrivée, la scène de bowling, la scène au bord du lac. L’apparition proléptique des premiers objets emblématiques (malle, miroir, etc.) ; l'étrange pouvoir d'allusion dont s'investissent les objets, chez Williams. Univers transposé, à l'écran, par le savoir-faire esthétique et technique de Kazan (surnommé “ Gadge ”). En effet, dans le film, les accessoires semblent participer au même jeu de dissimulation / révélation que les costumes et l'éclairage. (V. l’insistance de Kazan dans son Notebook for A Streetcar Named Desire, sur le terme de “ stylization ” et le “ réalisme poétique ”). Effets de miroir avec Gone with the Wind (1939), roman de M. Mitchell adapté au cinéma. 2. L’illusion et la désillusion dans le discours : le pouvoir du langage L’onomastique : blancheur, innocence, pureté, transparence, virginité suggérées par le prénom de Blanche, de même que par son signe astrologique (“ Virgo is the virgin ”, Sc. 5, p. 167). Attributs soulignés par la couleur des robes blanches, ou pastel (“ Della Robia blue ”). Contrastes avec l’apparition progressive d'espaces gris (Allan Gray), des “ souillures ”, marques de déshonneurs révélés par l'enquête de Stanley. Sont également à mettre en parallèle, la révélation des vices familiaux (“ improvident grandfathers and father and uncles and brothers exchanged the land for their 26 epic fornications ”, Sc. 2, p. 140) et la perte de la pureté, d'un état idéal. Par ailleurs, l’on voit Blanche œuvrer à recréer, dans un quotidien antagoniste, le “ beau rêve ” (“ Belle Rêve ?/ A great big place with white columns ”, Sc. 1, p. 119), une civilisation engloutie dont elle conserve la nostalgie, une culture qui n'existe plus qu'à travers son langage fleuri et ponctuellement bilingue (recours à la langue française qui semble constituer un écran, en même temps qu'une curieuse “ cachette linguistique ” que Blanche serait la seule à maîtriser), ou bien à travers ses manières outrageusement précieuses – un espace dont Blanche tâche, par la modification de son espace, de rétablir obstinément l'image. L'illusion de réalité produite dans un récit par les “ indices langagiers ”, notations factuelles et autres détails qui renvoient à la “ réalité ”, y compris à la société de consommation (“ lemon-coke ”, “ Southern Cheer ”, “ Luckies ”, etc.) Impressions renforcées par les noms de lieux et d'objets réels dont “ Desire ” – un tram ayant réellement existé dans la ville de la Nouvelle Orléans. Le mensonge : la mystification comme jeu paradoxal qui consiste à cacher, tout en prétendant au vrai. Tel un metteur en scène, Blanche se drape dans des robes vaporeuses, crée des décors aux éclairages tamisés, couvre les meubles d'étoffes décoratives, etc., mais affirme par ailleurs son attachement à la vérité, confessant des éléments de son passé (“ face the facts ”, “ laying the cards on the table ”, etc.). Une mise en scène de soi ; inscription du personnage dans un univers dramaturgique. Le jeu ambigu de Blanche se trouve contré par Stanley, qui le dénonce comme une tromperie criminelle qu'il faudra élucider, exposer au grand jour. Invitations répétées à la transparence (“ Now let's cut the re-bop! ”, Sc. 2, p. 137), transformées en mises en garde. Or, Stanley ment à son tour en niant la réalité du viol de Blanche. L’illusion qu’il crée remportera finalement l’adhésion de ses proches. Chez Stella, le basculement de la crédulité vers l'incrédulité semble plus progressif. Stella: “ It's pure invention! ”, Sc. 7, p. 187). Le doute final qui sonne comme un verdict (“I couldn't believe her story and go on living with Stanley ”, Sc. 11, p. 217). Les artifices rhétoriques : La maîtrise langagière de Blanche ; changements de rôles, de sociolectes, de registres linguistiques. Propos à tour de rôle poétiques et “ anthropologiques ” laissant entendre l’affiliation persistante entre l’homme et le singe (“ He acts like an animal, has an animal's habits! Eats like one, moves like one, talks like one! There's even something – sub-human – something not quite to the stage of humanity yet! ”, Sc. 4, p. 163). Par ailleurs, la volonté récurrente d'hiérarchisation des ethnies et des classes sociales (“ Polish, Irish… ”). - Dans le costume du “ Rosenkavalier ” Mitch semble, pour un temps, transcender l'animal, il est transformé non seulement en un “ dancing bear ” (Sc. 3, p. 151), mais en un “ loup ” (“ Is he a wolf? ”, Sc. 3, p. 146). À moins que le masque animalier ne soit l'un des multiples loups portés au cours de l'étrange bal masqué qu'est Streetcar. Mascarade au cours de laquelle Blanche, à la fois manipulatrice et victime, occupée par ses propres leurres et artifices, semble oublier le jeu animalier qui finit par la piéger “[T]his place is a trap !! ”, Sc. 11, p. 219). D Quelques mises en relation possibles avec le film : La transposition à l’écran, par Elia Kazan, des didascalies, souvent très poétiques et polysémiques, de Tennessee Williams qui demandent un véritable effort de traduction visuelle et auditive. Le recours au langage ambigu de la musique, de même qu’aux cris et autres bruits qui renvoient à divers pans de signification, de plus évident au plus implicite. La question des couleurs intenses, tranchées, entrechoquées de Van Gogh ; couleurs contrastées comme signes chromatiques de tourments inexprimés dans le texte et le choix de Kazan de tourner en noir et blanc (et non pas en version technicolor) la “ tragédie poétique ” de Williams. Le choix du noir et blanc permet de donner la pleine mesure aux jeux d’ombres et de lumière typiquement expressionnistes qui viennent redéfinir l’espace pour transposer visuellement l’ambiguïté des personnages. L'évolution des espèces relue par Williams et Kazan ; remises en scène de l'homme et de la femme sous leurs airs animaliers ; proies et prédateurs ; l’animalité des personnages mise en scène dans le film à diverses reprises (les exemples les plus notoires : le tee-shirt moulant maculé de taches de Stanley, son miaulement pour effrayer Blanche). 27 Censure et les autres tentatives de purification ; la pièce de Williams comme objet d' “ épuration ”, y compris au moment de son passage à l'écran. La censure a gommé non seulement la référence à l’homosexualité d’Allan Gray, mais tout particulièrement la dernière scène, en imposant une rupture définitive entre Stanley et Stella. Or, cette “ assainissement ” s'avère n'être qu'une illusion dans la mesure où le départ de Stella montant l'escalier rappelle montée puis la descente érotisée, accompagnée d'une musique caressante que Stella a déjà effectuée dans le film. Reprise, toujours possible, de l'union entre Stella et Stanley, imprégnée de tonalités animalières (“ Then they come together with low, animal moans ”, Sc. 3, p. 154). À noter également : les effets d’éclairage, l’utilisation des gros plans, tout comme la mobilité de la caméra de Kazan qui ne cesse de “ traquer les personnages ” dans un mouvement continu, capable d’évoquer les évolutions d'une bête en cage. 3. La dimension métathéâtrale de Streetcar Rappelons qu’il ne s’agissait pas de dénoncer la “ fausse ” ou “ perfide ” démarche de Blanche, à la fois ensorceleuse et manipulatrice (lecture purement moralisatrice, psychologisante). Le candidat devait, en effet, résister à la tentation d’entreprendre un éclairage complet sur le personnage central, tentative aussi vaine et stérile que celle de Stanley Kowalski pour dépouiller Blanche de tous ses artifices ! Il fallait également s’intéresser aux manières dont l’esthétique théâtrale de Kazan reproduit, en s’appuyant sur d’autres techniques et modes de représentation, les conflits au cœur du Streetcar. Il était, en effet, crucial d’élargir l’approche des “ pouvoirs de l’illusion ” aux stratégies théâtrales et techniques cinématographiques à travers l’examen des divers jeux mimétiques mis en évidence. Ainsi, on pouvait partir des passages précis du texte et du film pour les explorer à la lumière d’une esthétique moderniste et / ou expressionniste, afin de vérifier dans quelle mesure ils reflétaient la construction d’artifices au service de l'illusion théâtrale. Blanche: “ I don't want realism ” (Sc. 9, p. 203); “ I'll tell you what I want. Magic! […] I try to give that to people. I misrepresent things to them. I don't tell them the truth. I tell what ought to be truth. ” (Sc. 9, p. 204). Sans pouvoir présenter, dans le cadre de ce rapport, tous les prolongements possibles, notons simplement qu’il aurait été possible de poursuivre plus loin les parallélismes avec l'expressionnisme et d’autres courants de l'esthétisme moderne dans la dramatisation des souffrances et des névroses, chez Tennessee Williams. Ainsi que le soulignent les pistes proposées dans notre dernière partie, bien que marquées par des genres et des classifications formelles, les structures de surface cachent presque toujours des espaces contredisant l’impression première d’une surface lisse. Ainsi, au dire de Blanche, les genres et les (stéréo/)types de Streetcar seraient de nature hétérogène (“ Heterogeneous types ”, Sc. 1, p. 124), et les multiples “ effets du réel ” (Barthes) surtout au service de l'illusion. Comme pour les autres repérages, énumérés ci-dessus, les propositions suivantes ne constituent qu’une série de pistes non-hiérarchisées dont on auraient pu s’inspirer pour la construction d’une démonstration capable de rendre compte de certains enjeux plus implicites de Streetcar. En effet, bien qu’en abordant les deux facettes fondamentales de l'illusion – la face salutaire, source de l'enchantement, et la face destructrice et ravageuse, conduisant (éventuellement !) à l'aliénation et/ou à la démence – le candidat devait montrer sa capacité à déconstruire certains des mécanismes textuels et dramaturgiques mis à l’œuvre. Le théâtre des apparences ; Figure de l’artiste, Blanche à la fois comme comédienne et metteur en scène: “ I fib a good deal. After all, a woman's charm is 50% illusion but when a thing is important, I tell the truth. And this is the truth, I never cheated my sister, or anyone else on earth as long as I lived.” (dans le film uniquement). Artiste, illusionniste prise à son propre piège ; Blanche comme objet de mystification, mais également comme sujet, agent, personne pratiquant l'illusionnisme par des tours de prestidigitation, des artifices, des effets de scène. Présence (déjà constatée) du matériel d'illusionniste sur scène: la malle, le lampion / lanterne magique, voilages et autres accessoires de théâtre. Magicien 28 qui fait disparaître / apparaître des objets, mais qui se trouve finalement piégé par son propre jeu : “ I was caught in the centre…. People don't see you - men don't - don't even admit your existence unless they are making love to you.[…] ” ; “You've got to be soft and attractive. And I - I'm fading now! ” (Sc. 5, p. 169). Productrice effrénée d'images visuelles et langagières, Blanche représente (sur scène comme dans le film) la tentation d'un imaginaire qui tire l'individu d'une réalité en perte de créativité vers le spirituel et le re-créatif. Or, si l'imaginaire sert souvent de refuge à Blanche, il précipite aussi sa perte. Travestissements : Contradictions mises en évidence par l'effet de “ travestissement ” (déf. “ transformer en revêtant afin de prendre l'apparence de l'autre, y compris celle de l'autre sexe ”). Transformations imaginaires et / vestimentaires (“ The problem is clothes ”, Sc. 10, p. 209), tentatives de transgression d’une structure sociale clairement établie. Pourtant, si au cours des jeux de scène qui cherchent à subvertir la catégorie unique d'une féminité établie (recours répété aux diminutifs, “ pet names ”), Blanche s'implique dans un jeu de camouflage et de mascarade jusqu'à évoquer une “ dragqueen ” (après tout, les événements se déroulent à la Nouvelle Orléans!), Stanley Kowalski semble participer à un jeu similaire de dissimulation/révélation. Il s'enveloppe d'une sensualité qui vient remettre en question certaines de ses apparences rigoristes (“ an impressive judicial air ”, Sc. 2, p. 138). Revêt le pyjama en soie qu'il avait porté pendant sa nuit de noces; pyjama (“ brilliant silk pyjamas ” que Kazan imagine rayé, tel un habit de prisonnier (Sc. 10). Salle de bain, lieu privilégié de travestissement, seul espace d’intimité : espace hors scène que le dramaturge (contrairement au cinéaste) n'expose pas au regard du spectateur. Effets de porosité : Perméabilité entre le passé et le présent suggérée non seulement par la musique qui rappelle, de manière obsessionnelle, le traumatisme initial de Blanche (découverte brutale de l'homosexualité d'Allan Gray), la faisant revenir sur la scène du suicide de son mari, mais également par l’imperméabilité des murs qui ne semblent plus isoler du monde extérieur. Transparences à la fois sonores (les bruits du Vieux Carré, le “ piano bleu ” du bar voisin, les cris des vendeurs de rue, les voix des passants, etc.) et visuelles (effacement des limites d'un espace qui se voulait clos, ex. Sc.10, scène du viol: “Through the back wall of the rooms, which have become transparent, can be seen the sidewalk. A prostitute has rolled a drunkard. He pursues her along the walk, overtakes her and there is a struggle. A policeman's whistle breaks it up. The figures disappear ”, p. 213). Création – à la fois projection d'un avenir effrayant et / ou replay d'un passé odieux – d’un espace permettant une relecture de l'histoire de Blanche. Représentation auditive et visuelle d'un lieu paradoxalement de plus en plus claustrophobe, et s'ouvrant vers un espace autre. – Celui de la folie? Eunice : “ She couldn't stay here; there wasn't no other place for her to go. ” (Sc. 11, p. 224). Piste intertextuelle (Browning, Hawthorne, Poe, Shakespeare, Whitman, etc.) : intertexte comme “ masque ”, y compris dans le sens de l’ “ intertexte filmique ”. Effet de “ teasing ” lié au double jeu sur le plan référentiel. En effet, le langage poétique se lit, au moins, comme double. (Kristeva) – La question du vrai texte? – Autres effets de palimpseste : acteurs (surtout Leigh et Brando) qui ne s'effacent jamais complètement derrière les personae. D Quelques mises en relation possibles avec le film : Le féminin comme lieu Blanche incarne la “ Southern Belle ” par excellence, figure d'une féminité blanche sublimée dans le Sud ante-bellum, image de la perfection physique, esthétique, morale, femme maintenue sur un piédestal. Dès la première scène du film, Blanche apparaît comme une figure poétique en décalage avec le monde moderne: la femme incongrue (“ Her appearance is incongruous to this setting ”, Sc. 1, p. 117). Apparition diaphane, Blanche émerge d'un nuage de fumée dans la gare animée de la Nouvelle Orléans. La caméra de Kazan s’attarde sur les rails de chemin de fer, sur la valse des taxis, la foule pressée qui sort d'un train. Par opposition, l'apparition de Blanche isole le personnage de la réalité urbaine, et pose, d'emblée, la question de son statut réalite. Au cours de la rencontre avec Mitch, le traitement cinématographique dévolu à Blanche renvoie à la star Vivien Leigh. Blanche est en effet cadrée soit en plan rapproché soit en gros plan ; isolée par le cadre, elle s’offre à la fascination du spectateur. Le personnage illusoire créé par Blanche rejoint ici l’illusion du septième art et du cinéma classique, machine à fabriquer des rêves. 29 Le pouvoir mimétique des sons et de la musique : Espace scénique de Kazan : topoï de turbulence, traversé d'échos du passé (la Varsouviana, coup de feu) et du présent (bruits du train), autant d’occurrences compulsives et de signes de traumatismes insurmontables. Choc psychologique provoqué par la découverte de l'homosexualité d'Allan Gray et les scènes dont les retours sonores signent l'impossible effacement par l'oubli, de même que la manière arbitraire et capricieuse dont s'opère la re-constitution du passé par la mémoire (“ to re-member ”). Espace scénique et l'imaginaire spatial : Hors scènes à la fois comme espaces réels et prolongements imaginaires, oniriques. Création d'un univers carcéral à l'aide d'effets d'éclairage : jeux récurrents d'ombres et de lumières, “ zébrures ”, ombres portées sur les murs, (V. Williams dans “ Production Notes ” : “ The lighting in the play is not realistic. […] A free, imaginative use of light can be of enormous value in giving a mobile, plastic quality to plays of a more or less static nature” (SND, p. 231). Jeux de miroir, de doublure : la prostituée et l'ivrogne, doubles grotesques de Blanche et Stanley ? L'allégorie de Platon: les prisonniers qui prennent pour des objets réels les ombres qui défilent sur les parois de leur caverne. – Le cinéma comme lieu d’illusion per se ! Hollywood : lieu de fabrication de rêves et d'illusions, par excellence, fabrication/exploitation délibérée des fantasmes. Stanley: “ Some men are took in by this Hollywood glamour stuff and some men are not ”. (Sc. 2, p. 137). Le “ star-system Hollywoodien ” à la fois remis en place et subverti ? (On pense ici à la star Vivien Leigh acceptant de jouer une femme déchue au moment où le cinéma hollywoodien classique est en pleine mutation (V. aussi Sunset Boulevard de Billy Wilder). La désillusion de Mitch suggérée par la position inversée de la statuette de Mae West (didascalie Sc. 6, p. 175). III. Copie Voici, pour terminer ce rapport, une copie qui correspond aux principaux critères imposés à une composition en français. Nous attirons l’attention des futurs candidats au Capes externe d’anglais sur le fait qu’il s’agit d’un travail perfectible qui, par conséquent, ne devrait pas être pris pour modèle. Défauts Exemple de bonne copie 30 Qualités Affirmation péremptoire A Streetcar Named Desire est une pièce de théâtre, ce qui nous place d’entrée de jeu dans le contexte théâtral de la création artistique et de l’illusion dramatique. Si le problème des pouvoirs de l’illusion dans la pièce et dans le film d’Elia Kazan ne fait aucun doute, il convient cependant de nous interroger tout d’abord sur la signification même des termes “pouvoir” et “ illusion ”. Le pouvoir, c’est ce qui a une emprise, une influence sur, c’est donc ce qui peut modifier ce qui est établi comme vrai. Le pluriel “ pouvoirs ” indique que l’on s’attachera à comprendre la multiplicité de cette influence modificatrice. L’illusion—du latin “ lludere ”qui signifie “ se jouer de ”—dénote d’emblée, son étymologie nous le dit, le risque d’erreur que l’illusion contient. L’illusion est source d’erreur, donc, se joue de nous, mais elle participe également de l’imagination et du désir, car dans l’illusion nous voyons ce que la réalité ne nous donne pas à voir. Enfin, sans réalité, il n’y aurait pas d’illusion. Celle-ci s’oppose donc à la réalité, et par extension, à la vérité. Mais quelle vérité ? La vérité que nous appellerons “ factuelle ” (lieu, age, faits, actions réalisées) ou bien la vérité des sentiments du désir, de l’espoir ? Les différentes acceptions du terme “ vérité ” nous amènent donc à mettre en opposition illusion, réel et vérité, pour finalement nous poser la question des pouvoirs de l’illusion, du rôle de cette dernière pour les personnages. Que produit l’illusion, et à quelles fins l’utilise-t-on dans la pièce ? L’illusion, nous le verrons, n’a pas seulement une dimension négative liée au mensonge et à l’erreur. Ce cheminement analytique nous amène donc a l’élaboration du raisonnement suivant : nous verrons dans un premier temps comment l’illusion semble fonctionner dans la pièce. Dans un deuxième temps, nous observerons les limites des pouvoirs de l’illusion et la justification de Blanche quant à son ingénieuse utilisation de l’illusion. Enfin, en dernier lieu, nous verrons en quoi la pièce et le film utilisent l’illusion dramatique et cinématographique à des fins esthétiques. Le tout premier pouvoir de l’illusion, c’est celui de rendre la réalité plus belle, de tromper, de se jouer de l’autre. Ainsi Blanche, consciente de ce pouvoir, en use et abuse et se met en scène en créant une autre Blanche attirante, séductrice, aimée. C’est tout d’abord le jeu de séduction qu’elle effectue en tentant de dissimuler la vérité sur sa situation qui nous le montre. Cette séduction passe par l’exhibition de biens en apparence chers et luxueux et par l’exhibition d’un corps mensonger. Stanley, à la scène 2 de la pièce, sera victime de l’illusion que Blanche tente de créer à l’aide de ses nombreuses robes et bijoux bon marché. En effet, surpris de voir les possessions de Blanche dans sa cantine si bien fournie, l’époux de Stella doute d’emblée que Blanche soit aussi pauvre qu’elle l’a laissé entendre. Stanley est berné : l’illusion fonctionne. Elle fonctionnera aussi grâce aux clairs-obscurs de Kazan qui nous montre une Vivien Leigh aux traits purs et presque virginaux. Mitch, comme le spectateur, se laisse tromper par l’apparence sophistiquée et délicate d’une Blanche qui, par tous les moyens, tente de donner une image féminine de son être. C’est 31 Définition et mise en relation pertinentes des termes du sujet Approfondisseme nt de l’analyse. Questionnement menant à l’élaboration d’une problématique cohérente. (Questions rhétoriques toutefois à éviter.) Plan clairement annoncé Rapport élaboré par René Alladaye, Isabelle Labrouillère et Taïna Tuhkunen-Couzic. Nos remerciements à Agnès Roche-Lajtha, Benoît Depardieu, ainsi qu’aux autres membres du jury pour leurs conseils éclairés. 32 4.2 Commentaire dirigé en anglais La particularité du texte proposé aux candidats résidait dans son caractère abstrait : parce que les auteurs privilégient l’investigation conceptuelle, les faits de civilisation sur lesquels celle-ci est fondée restent hors-champ. Il appartenait donc au commentaire d’analyser non seulement l’évolution voire les aléas de l’interprétation du concept de crime organisé, mais encore de reconstituer la réalité de ses manifestations. La superposition de la représentation filmique du crime organisé, miroir déformant de cette réalité tout en étant nourri par elle, ajoutait un élément d’analyse supplémentaire. Les commentaires les plus réussis ont su rendre compte du texte sans pour autant tenter de restituer in extenso les faits de civilisation censés être présentés, ce qui leur a permis d’utiliser les films en éclairage toujours à propos, à l’aide d’un point de vue construit sur le rapport entre réalité et fiction. L’extrait lui-même n’a pas présenté de difficulté de compréhension majeure pour les candidats, à une exception près ; la phrase “law enforcement and politicians are not however the only players who have turned defining organized crime into an industry ” (l. 26-7), a fréquemment donné lieu à un contresens : la présence de ‘defining’ n’a pas été prise en compte et c’est donc ‘organized crime’ qui est transformé en ‘industry’, en lieu et place des définitions concurrentes élaborées par les politiques, les médias et les chercheurs et stigmatisées par les auteurs du texte. Le véritable obstacle à la rédaction d’un commentaire de texte solide s’est avéré être l’absence de maîtrise de la technique propre à cet exercice. Dans certains cas, le texte n’est mentionné qu’en introduction, pour ensuite complètement disparaître dans le développement. Dans d’autres cas, si le texte reste au centre, les candidats ne font guère plus qu’en effleurer la surface. A l’analyse se substitue une paraphrase, le plus souvent maladroite ; certains mots, prélevés dans le texte en dehors de tout contexte, donnent lieu à des échappées narratives vaguement historiques sans lien perceptible avec le texte étudié ; très souvent, le plan annoncé, statique, se contente de suivre le déroulement du texte sans tenter la moindre analyse ; la problématique, enfin, si elle existe le plus souvent, ne fait parfois qu’une brève apparition en début de parcours, sans être mise en œuvre dans le corps du commentaire. Il importe de rappeler que les candidats doivent procéder à une lecture attentive du texte pour y déceler les segments porteurs. La problématique du commentaire sera suggérée par cette lecture et se retrouvera dans la formulation du plan. Lors de la rédaction, il faudra se garder de toute tentation d’exhaustivité et ne sélectionner que les connaissances pertinentes parmi toutes celles absorbées au cours de la préparation afin d’illustrer des aspects spécifiques du texte et d’en éclairer les allusions ou l’implicite. L’introduction d’un commentaire comprend la présentation commentée du document. Elle tient compte de tous les éléments paratextuels fournis (auteurs, titre, source, date) qui permettent d’interroger l’environnement historique et social d’une citation et d’en effectuer une contextualisation aussi complète que possible. Celle-ci doit amener les candidats à dégager les grandes lignes du texte puis à énoncer la problématique adoptée. L’annonce du plan intervient à la fin de cette étape qui est suivie de la démonstration, laquelle s’appuie sur des éléments précis du texte, élucidés à l’aide des connaissances du candidat. La conclusion rassemble les divers arguments mis en avant dans le commentaire puis propose un élargissement de la problématique de départ. Il faut se garder de la tentation manichéenne et éviter de laisser ses propres jugements, voire le sens commun, prendre le pas sur une analyse raisonnée d’événements forcément complexes. 33 Le second obstacle à la rédaction d’un commentaire de texte de bonne tenue est celui de la langue, qui apparaît insuffisamment maîtrisée et dans certains cas déficiente. Il faut signaler, sans pour autant se livrer à une énumération aussi fastidieuse qu’improductive, que les erreurs récurrentes touchent à quatre domaines principaux : l’usage des déterminants, l’usage des temps, le lexique et l’orthographe. Dans le cas des déterminants, on note une confusion entre l’usage de ‘the’, ‘a’ et ‘ Ø’: *the organized crime, voire *an organized crime (Ø organized crime) ; *the President Hoover (Ø President Hoover).1 L’usage des temps laisse à désirer. Le présent est ainsi utilisé pour faire référence au passé, rendant les énoncés ambigus, voire incohérents pour le lecteur : ex. “ F.D. Roosevelt *is elected (was elected) in November 1932 ”. Le present perfect est soit absent, soit utilisé de façon erronée. Le “-s” final de la 3è personne du singulier ou la terminaison “-ed” du participe sont omis par de nombreux candidats, conduisant à nombre d’énoncés inintelligibles ; les verbes irréguliers semblent eux aussi fréquemment méconnus. Enfin, il faut rappeler que les formes contractées telles que “don’t ” (do not) ou “can’t ” (cannot), propres au registre oral, n’ont pas de place dans ce type d’exercice. Les erreurs de lexique touchent des mots d’usage courant ; ainsi, les confusions sont fréquentes entre policy/politics/politician/political ; economic/economical ; censor/censorship ; critic/criticism ; live/leave. L’usage des prépositions et des post-positions laisse à désirer : ex. the main reason *of (for) responsible *of (for). Les calques foisonnent : ex. to *precise (specify), *these *latters ( the former, the latter). Enfin, l’orthographe de certains termes qui appartiennent au lexique de l’argumentation est souvent déficiente. Les occurrences les plus fréquentes sont : *exemple (example), *developpement (development), *embodie/*embodiement (embody/embodiment) ; le redoublement des consonnes donne lieu à de nombreuses erreurs, telles que *prefered (preferred), *ennemy (enemy), *mentionned (mentioned). On note l’absence répétée de majuscules aux adjectifs de nationalité ainsi qu’aux noms de partis politiques ou de groupes religieux tels que *irish (Irish), *American (American), *democratic (the Democratic Party), *catholic (Catholic). Les mesures à prendre pour remédier à ces difficultés sont connues et éprouvées : la lecture attentive et régulière de textes de provenances variées de même que la pratique assidue de la langue écrite et orale permettront aux futurs candidats d’acquérir les automatismes indispensables à une expression correcte et fluide. Ces remarques ne doivent pas masquer la présence de nombreuses copies d’excellente tenue, dans lesquelles la lucidité et la clarté du commentaire dénotaient une parfaite maîtrise de la méthodologie, du sujet et de la langue. Ont contribué à ce rapport les membres du jury dont les noms suivent : MMES et MM. Achard, Agostini, Audous, Auer, Ben Barka, Boulard, Da Col Richert, Dunan, Dutertre, Espesset, Foessel, Goffart, Gouttefangeas, Héberlé, James, Lemaître, Manfrini, Nafissi, Peltzman, Selbach, StarfieldKupiec, Trouvé, Wattez. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. 1 Les formes erronées sont précédées d’un astérisque. La forme correcte est donnée entre parenthèses. 34 Bibliographie indicative Bernas C., Gaudin E., Poirier F., The Document in British Civilization Studies : Understanding, Analysis, Commentary, Gap, Ophrys, 1992. Charlot M., Halimi S., Royot D. Le commentaire de civilisation anglaise et américaine, Paris, Colin, 1982. Kober-Smith A., Whitton T., Le commentaire de texte par l’exemple, Nantes, Editions du Temps, 2003. Commentaire dirigé Analyze and assess the following text with reference to Scarface, Angels With Dirty Faces, The Asphalt Jungle and Force of Evil. Pay special attention to the historical and economic contexts and to the social representations of the gangster. Margaret E. Beare and R.T. Naylor, Major Issues Relating to Organized Crime within the Context of Economic Relationships, Law Commission of Canada, April 14, 1999. http://www.lcc.gc.ca/en/themes/er/oc/nathan/nathan_main.asp While most issues related to social control or moral regulation have a political aspect to them, discussions related to ‘organized crime’ are steeped in politics - from the creation of illegal markets in the first place, to the declarations of the size of the ‘threat’ and the passing into force of extraordinary legislation to attack the problem. The advantage of “organized crime” is that it can be whatever the speaker wants it to be - a massive threat, a theatrical legacy, or petty criminals (...). The lack of consensus around the term, the invisibility of much of the activity, and the natural links into the lives of the public for a large percentage of what are demand-driven commodities, allows for a sense of personal relevance and fascination. The complicity of the public through their support for many of these illegal goods and services mixes with evidence of the real, or in other instances exaggerated, violence initiated by some of these organized criminals to create an ambivalent and corruption-vulnerable environment. (...) The mention of the words ‘organized crime’ has the power to draw the press, win votes, acquire law enforcement resources, gain public support for various legislative or enforcement crackdowns. (...) Robert Merton (1967) argues that creating a concept is not a passive neutral act but rather an act with real consequences. To use the concept ‘organized crime’ means that this term and everything that is seen to fall under it is deemed to have certain characteristics. Like false statistics, a false or ambiguous ‘label’ can have serious policy and enforcement implications. The word takes on powers that may be totally irrelevant to the activities that fall under its sway. Researchers have been diligent in defending their claims that law enforcement [and politicians] over the years have preferred a particular version of organized crime. A monopolistic, highly sophisticated alien-conspiracy model was seen to both aid their resource needs and serve to provide a justification for why their enforcement actions were not having the impact that the public might expect from the resources gained. (...) Law enforcement and politicians are not however the only players who have turned defining organized crime into an industry. Researchers who have accused these other individuals of manipulating our understanding of organized crime for organizational or personal gain are equally guilty. Organized crime academic ‘experts’ have spent a disproportionate amount of time advancing their own perspective by arguing the deficiency of competing definitions. 35 The final group - the media - has a particular fondness for anything relating to organized crime and works together or against the other interest groups to define, dramatize, and deliver to the public the various interpretations of the threats posed by organized crime. While the term “organized crime” appears in the literature going back at least into the 1920's, the 1960's directly affected how we have come to see this concept. Six consultants worked on the 1967 US President's Organized Crime Commission to describe the structure and working of organized crime. The 1967 Commission served to solidify a vision or version of what ‘organized crime’ in North America was. (...) [Some hold it] responsible for an era of enforcement that targeted Italian criminals to the exclusion of other organized criminals and whose work justified an enforcement strategy that relied on a conspiracy interpretation of organized crime. The notion of an alien, all-controlling criminal monopoly, external to the larger society but sapping its wealth is an image that serves the media and law enforcement. In addition, the targeting on Italian-American conspiracies sets aside any accusation of political or police corruption. 36 Proposition de lecture N.B. : Loin d’être normative, cette proposition possibles du texte. doit être considérée comme l’une des approches Introduction : contextualisation du document2 Le texte à analyser est extrait d’un rapport intitulé Major Issues Relating to Organized Crime within the Context of Economic Relationships et préparé en 1999 pour un comité parlementaire canadien par Margaret E. Beare et R.T. Naylor. Le contexte législatif peut laisser supposer qu’il s’agit d’une audition d’experts préalable à l’élaboration d’un texte de loi, si bien que le texte tend à susciter d’emblée la confiance que l’on accorde à une opinion indépendante et fondée sur une recherche précise. Ce présupposé de neutralité objective est renforcé par la date de publication, largement postérieure à la période évoquée, “ the 1920’s ” l. 35, “ the 1960’s ” (l. 36), de même que par la provenance canadienne d’un document analysant des événements qui se sont déroulés aux EtatsUnis – deux caractéristiques qui évoquent la distance critique. L’origine canadienne indique également la pérennité de liens étroits et anciens entre le crime organisé qui se déploie aux EtatsUnis et au Canada. Le titre du rapport laisse entendre que l’approche privilégiée par les auteurs est de nature économique. Le champ lexical dominant dans le premier paragraphe confirme ce point : des formulations telles que “ markets ” (l.2), “ demand-driven commodities ” (l. 7), “ goods and services ” (l. 9), calquent des structures économiques sur l’activité criminelle. L’attente de neutralité suscitée par le contexte est cependant déçue puisque le ton de l’extrait est polémique à l’extrême. Les auteurs se livrent à une attaque en règle de toutes les interprétations du crime organisé qui ont précédé l’époque contemporaine ; ils portent notamment un jugement de valeur très sévère sur les politiques, les forces de l’ordre, les médias et les chercheurs, allant jusqu’à faire usage d’une terminologie juridique : “ researchers (…) are equally guilty ” (l. 28). Mais dans l’extrait qui nous est présenté la réalité historique du crime organisé sur le terrain n’apparaît pas : les multiples activités clandestines ne sont évoquées que de façon allusive. Nous sommes clairement dans le domaine de l’investigation conceptuelle, comme le prouve le choix des mots ‘concept’ (l. 13, 14, 30) ; ‘label’ (l. 15) ; ‘vision or version’, (l. 32) ; ‘interpretation’, (l. 28, l. 35) ; ‘model’ (l. 19). La typographie elle-même souligne, par l’emploi récurrent des guillemets, le contenu incertain du concept. Aussi l’approche des auteurs, loin d’être empirique, cherche au contraire à pointer les incohérences et les contradictions que recouvre le concept de crime organisé afin d’en dégager la portée idéologique, politique et culturelle. Problématique : Selon Beare et Naylor, le concept même de crime organisé est fluctuant ; l’absence de consensus (l. 6) sur sa définition tend à montrer qu’il s’agit d’une construction sociale ; celle-ci est le résultat d’une lutte pour le sens entre trois grands groupements d’intérêts : le milieu politique et les forces de l’ordre d’une part, les chercheurs en sciences sociales d’autre part et enfin les médias et le public. 2 Les intertitres ne sont inclus que pour des raisons méthodologiques et doivent bien évidemment être omis dans un devoir. 37 Les interactions multiples et contradictoires de ces trois grands groupements d’acteurs constitueront l’assise de ce commentaire. Nous étudierons les événements historiques dans leur relation avec la représentation qu’en donnent les médias de masse - le cinéma, par l’entremise des films de gangsters, ainsi que la presse. Nous nous intéresserons donc aux relations qu’entretiennent la réalité du crime organisé, sa conceptualisation et sa représentation filmique. La notion d’ambivalence semble essentielle à la compréhension de ces trois aspects, comme l’indiquent les auteurs lorsqu’ils évoquent “ an ambivalent (…) environment ” (l. 10). L’analyse, dans un premier temps, de l’ambivalence du public, de la classe politique et des médias vis-à-vis du crime organisé nous permettra d’élucider, dans un second temps, l’ambivalence qui informe la construction même du concept de crime organisé. Puis nous mettrons en évidence la façon dont se réduit l’ambivalence envers les diverses manifestations du crime organisé. I – Un environnement ambivalent 1a) L’ambivalence apparaît dans les conflits qui opposent les partisans de la Prohibition à la majorité de la population. Lorsque les auteurs mentionnent “ social control and moral regulation ” (l. 1), ils semblent faire allusion à la période précédant la mise en place de la Prohibition : ses partisans (temperance movements, the Anti-Saloon League) mènent une intense campagne en faveur de l’abstinence et obtiennent en 1919 la promulgation du Volstead Act, qui entre en vigueur au début de l’année 1920. La vente d’alcool devient illégale, tandis que sa consommation demeure licite. La Prohibition aboutit à la mise en place d’un marché parallèle pour l’alcool (“ the creation of illegal markets ”, l. 2), et donc au développement d’une importante économie souterraine, comme le dénote l’expression “ the invisibility of much of the activity ” (l. 6) ; parce que la demande d’alcool reste forte (“ demand-driven commodit[y] ”, l. 8), la distribution illégale d’alcool de contrebande commence presque immédiatement et donne naissance à de nombreuses activités criminelles, “ illegal goods and services ” (l.8) ; ‘services’ fait probablement référence aux speakeasies, ces bars prétendument clandestins mais connus de tous, où la consommation d’alcool de contrebande est florissante. Beare et Naylor soulignent l’impopularité de la Prohibition lorsqu’ils mentionnent “ the complicity of the public through their support for many of these illegal goods and services ”, (l. 8). Pour les auteurs, l’alcool fait partie intégrante des pratiques sociales (“ the natural links into the lives of the public ” l. 6), si bien que la vente illégale d’alcool crée un sentiment d’implication personnelle du public (“ a sense of personal relevance ”, l. 8) dû au caractère familier, quotidien de la consommation d’alcool. C’est la raison pour laquelle les tentatives de régulation de cette consommation sont d’abord ressenties comme des velléités de modification autoritaire des comportements par le pouvoir politique : “ issues related to social control (…) have a political aspect to them ” (l. 1). La Prohibition a ainsi été présentée par ses adversaires comme une grave atteinte aux libertés individuelles. L’ambivalence de la société vis-à-vis de la Prohibition est reflétée dans son rapport aux gangsters eux-mêmes. Al Capone, par exemple, est une personnalité célèbre. Conscient du soutien dont il bénéficie dans la population (“ a sense of fascination ” l. 8), il se pose en bienfaiteur public et finance des soupes populaires. Cette fascination transparaît dans le vif engouement que suscitent les films de gangsters, notamment Scarface, dont la trame narrative, informée par les pré-supposés du réalisme social, est fondée sur la biographie de Capone. Le film met simultanément en scène la rationalisation sanglante du secteur de la distribution illégale d’alcool (“ the (…) violence initiated by some of these organized criminals ” l. 9-10) et les tentatives d’ascension sociale de Tony Camonte. Bien que ridiculisées, celles-ci illustrent de façon saisissante l’interpénétration des univers légitime et illégitime. 1b) l’ambivalence de la classe politique et des forces de l’ordre : “ [a] (…) corruption-vulnerable environment ” (l. 10) La Prohibition ne remporte pas l’adhésion de la classe politique. Le maire républicain de Chicago, William Thompson, se vante de boire et déclare : “ I’m wetter than the middle of the Atlantic Ocean ”. De nombreux responsables politiques, jusqu’au président Harding lui-même, consomment ouvertement de l’alcool. L’ambivalence se retrouve à tous les niveaux de la vie politique. Ainsi, les machines politiques démocrates entretiennent des liens étroits avec le crime organisé, comme en témoigne le système de clientélisme mis en place à Tammany Hall. Lorsque les auteurs du rapport évoquent le pouvoir qui s’attache à l’expression de “ crime organisé ” (“ the power to (…) gain public support for various legislative or enforcement crackdowns ” l. 11-13), ils font probablement allusion à Thomas Dewey, procureur spécial, qui met en lumière en dix grandes enquêtes les liens entre machine politique et gangstérisme à partir de 1931, de même qu’à Samuel Seabury, dont l’enquête sur les rouages de la politique à New-York, publiée en 1932, discrédite Tammany Hall et permet, en 1933, l’élection de Fiorello La Guardia (“ win votes ”, l. 12). Ce dernier menace la corruption sans vraiment l’éradiquer, puisque la machine politique continue à fonctionner jusque vers la fin des années cinquante. Les travaux de la commission Wickersham (National Commission on Law Observance and Enforcement) sont publiés en 1931 ; très critiques des méthodes brutales employées par le Bureau of Prohibition, ils contribuent à la mise en place de mesures de moralisation des forces de l’ordre. La prise de conscience de l’ampleur du problème donne l’impulsion à toute une série de mesures législatives entre 1932 et 1934 (“ the passing into force of extraordinary legislation to attack the problem ”, l. 4). Les agents du FBI acquièrent ainsi le droit d’être armés et d’effectuer des arrestations ; d’une façon générale, ces mesures fournissent une légitimité et des moyens accrus aux forces de l’ordre (“ acquire law enforcement resources ” l. 12). De la même façon, policiers corrompus et incorruptibles coexistent au sein des forces de l’ordre. La loi est appliquée de façon inefficace dans la mesure où les fonctionnaires qui en sont chargés sont peu nombreux (3000) et que leur faible salaire les rend susceptibles de répondre favorablement aux tentatives de corruption (“ [a] (…) corruption-vulnerable environment ”, l. 11) ; la police municipale est gangrenée par sa collusion avec les criminels pendant toute la période de la Prohibition ; ainsi Michael McDonald, policier de Philadelphie, déclare que les services de police perçoivent des sommes allant jusqu’à cent cinquante mille dollars par mois pour fermer les yeux sur les activités criminelles. A l’opposé, Eliot Ness, soutenu par un groupement de hauts fonctionnaires fédéraux de la justice, the Citizens’ Committee for the Prevention and the Punishment of Crime, traque Al Capone et réussit à le faire condamner en 1931. L’ambivalence se traduit également, pendant la seconde guerre mondiale, par l’utilisation des gangsters par le gouvernement à des fins de propagande patriotique. Il en serait ainsi pour Lucky Luciano, dont les liens avec la Mafia sicilienne auraient fourni le renseignement nécessaire au débarquement des forces de Patton en Sicile en 1943 ; la coopération des dockers de New-York, où le crime organisé est très présent, avec les services de renseignement de la Marine (Office of Naval Intelligence) dès 1942 pour faire échec au risque de sabotage constitue un autre exemple de l’instrumentalisation du crime organisé par les instances politiques. Les films font de la corruption de la classe politique un ressort de leurs scénarios ; ainsi, dans Angels with Dirty Faces, les documents dérobés à Frazier par Rocky Sullivan sont à même de compromettre nombre de notables de la ville. Mais c’est un autre mode qui prévaut dans The Asphalt Jungle, où Ditrich, le lieutenant de police corrompu, est combattu par Hardy qui, lui, est intègre. Cependant, les méthodes prônées par ce dernier sont aussi brutales que celles des gangsters : “ Rip up the phone, smash up the furniture, knock up the witness ! Scaring works. ” Dans les deux cas, la 39 frontière entre légitimité et criminalité est ainsi rendue indistincte, contribuant au sentiment général d’ambivalence. 1c) Ambivalence des médias de masse (presse et cinéma) “The final group - the media - has a particular fondness for anything relating to organized crime” (l.3031) : l’usage du mot ‘fondness’, aux connotations affectives, dans ce contexte d’investigation conceptuelle indique clairement l’intention ironique des auteurs du rapport et la sévérité du jugement porté sur la presse et le cinéma. Le reste du passage “ [the media] works together or against the other interest groups” (l. 31-32) souligne d’une part que la presse est un groupement d’intérêts comme un autre et nullement, comme on pourrait le croire, une institution indépendante, et d’autre part que sa position “ for or against ” (l. 32), apparemment aléatoire, n’est pas dictée par la recherche de la vérité mais par la poursuite de ses propres intérêts. Le mot “ dramatize ”, enfin, (“ to define, dramatize, and deliver to the public the various interpretations of the threats posed by organized crime ” l. 32-33) par sa polysémie, puisqu’il se réfère à la fois à la mise en scène et à l’exagération spectaculaire, pointe du doigt les distorsions et les biais imposés à l’interprétation de la réalité par les médias. Ces interprétations, véritables constructions de la réalité sociale, influencent inévitablement la vision que le public peut avoir du crime organisé. Les journaux à sensation étalent en effet avec délectation les méfaits des gangsters tout en faisant mine de les critiquer ostensiblement. Le cinéma lui aussi s’attarde volontiers sur la violence des guerres de gangs, mais fait précéder ce festival de tueries de mises en garde moralisatrices. C’est la conséquence du code Hays, mis en place en 1930 pour tenter de réfréner l’engouement persistant du public pour les films de gangsters. D’autres campagnes menées par la Legion of Decency en 1933-34 et le Film National Estimate Board en 1934 aboutissent à un durcissement de l’opposition à cette catégorie de films, jusqu’au moratoire décidé en 1935 pour contrecarrer l’enthousiasme du public pour eux. Ainsi dans Scarface, les fusillades sont particulièrement violentes, mais les déclarations du préambule contre les gangsters sont là pour dédouaner le film de l’accusation de complaisance. D’autre part, une scène particulière met en abyme la nature du problème que pose la criminalité : un groupe de citoyens se rend en délégation auprès du directeur du journal et lui demande de ne plus mettre les gangsters à la ‘une’. Celui-ci réaffirme qu’il est nécessaire de parler des criminels pour s’en débarrasser et leur conseille le militantisme. Ce petit interlude, rendu nécessaire, il faut le préciser, par le code Hays, illustre parfaitement l’ambivalence généralisée ainsi que le dilemme auquel la presse est confrontée : à trop donner de publicité au crime, celui-ci risque de gagner en légitimité, mais c’est le risque que l’on doit courir pour tenter de l’éradiquer. Les acteurs eux-mêmes brouillent les frontières entre le légitime et l’illégitime et accentuent ainsi le sentiment d’ambivalence et d’ambiguïté. Ainsi, l’ancien gangster George Raft se reconvertit comme acteur dans les films de gangsters, tandis que J. Cagney (G-Men, 1935) , E. G. Robinson (Bullets or Ballots, 1936), ou encore Humphrey Bogart, qui joue le rôle de Frazier, l’avocat véreux dans Angels With Dirty Faces, passent du rôle de gangster à celui de policier entre 1929 et 1951. II – L’ambivalence de la société informe la construction du concept de crime organisé Aux côtés du public (“ the complicity of the public ”, l. 8), des politiques (“ law enforcement and politicians ”, l. 26) et des médias (“ the media ”, l. 31), les chercheurs en sciences sociales ont eux aussi contribué à faire du crime organisé un objet d’interprétations aussi multiples que contradictoires ( “ have turned defining organized crime into an industry ”, l. 26-27) tout en accusant les politiques d’instrumentaliser ou de manipuler le concept (“ Researchers have been diligent in defending their claims that law enforcement [and politicians] over the years have preferred a particular version of organized crime ”, l. 19-21). Les guillemets qui encadrent le mot “ ‘experts’ ” (l. 29), visent précisément à mettre en doute non seulement l’expertise de ces chercheurs, mais encore leur capacité à produire des études dépourvues d’idéologie. L’accusation de manipulation délibérée par les forces de l’ordre émise par les chercheurs et dénotée par le mot “ preferred ”, en italiques de surcroît, en est affaiblie d’autant. Lorsque les auteurs évoquent les définitions concurrentes du crime organisé (“ competing definitions ” l. 25), ils font sans doute allusion à un certain nombre de théories sociologiques ; il pourrait s’agir d’une référence aux théories de l’école de Chicago, représentée par Landesco, par exemple, pour lequel le criminel serait produit par son environnement, ou d’une référence aux théories de Merton, pour lequel l’adhésion aux gangs serait une façon de contrecarrer la diminution des possibilités de mobilité sociale, freinées par le ralentissement économique de la Dépression. Ces théories ont donné l’impulsion à des programmes de prévention de la délinquance juvénile, soumis par la suite à d’intenses critiques. Les auteurs insistent en effet sur le pouvoir des mots à non seulement représenter, mais encore à façonner la réalité : “ a false or ambiguous 'label' can have serious policy and enforcement implications. The word takes on powers that may be totally irrelevant to the activities that fall under its sway ” (l. 17-19). La citation de Merton, “ creating a concept is not a passive neutral act but rather an act with real consequences ” (l. 15) souligne encore davantage que les représentations sociales du gangster puis du crime organisé ont des répercussions bien tangibles dans le réel. L’imbrication des sciences sociales et du politique et par conséquent la responsabilité des chercheurs dans l’échec de la lutte contre le crime organisé sont ainsi mises en évidence. La construction sociale du concept de crime organisé n’est pas seulement le fait des chercheurs : “The advantage of “organized crime” is that it can be whatever the speaker wants it to be - a massive threat, a theatrical legacy, or petty criminals” (l. 4-5). Ce passage illustre sous une forme condensée trois interprétations différentes et cependant complémentaires de la nature du crime organisé mises en avant par les différents acteurs sociaux. Les trois interprétations contradictoires mises en exergue sont les suivantes : 2a) “ a massive threat ” (l. 5): les films de gangster mèneraient au délitement de la société : c’est la thèse des Payne Fund Studies (1933), condensées dans un ouvrage grand public, Our MovieMade Children, publié par le journaliste H.J. Forman en 1934. L’auteur y insiste sur le danger que représentent les films de gangster pour la société entière, mais surtout pour les enfants et les adolescents. La thèse de l’influence directe d’œuvres de fiction sur la réalité a donné lieu à des politiques de protection de la jeunesse et du public en général par la censure. Les films de gangsters intègrent dans leurs scénarios une critique implicite de la mise en scène de l’actualité qui contribue à gonfler l’importance du moindre incident. En d’autres termes, il y aurait collusion entre le crime organisé et les médias. Ainsi, au début de Scarface, le rédacteur en chef annonce au reporter que le crime a changé de paradigme avec l’arrivée du crime organisé : “ There’s a new crew coming in, it’s war, gang war ”. Le choix de ce mot très fort (war) de même que l’augmentation de la taille de la ‘une’ indiquent non seulement une prise de conscience de la remise en question de l’ordre ancien, mais encore la détermination du rédacteur en chef à y prendre part. L’épilogue de Angels with Dirty Faces fournit un exemple supplémentaire ; les gamins des rues (the Dead End kids) sont accablés par les titres de journaux affirmant que leur héros, Rocky Sullivan, est mort en lâche. Dans Force of Evil, enfin, la ‘une’ du journal annonce le tirage du 776 et la réussite de l’escroquerie, démontrant ainsi la complémentarité de l’activité criminelle et des médias. La presse, à la ville comme à l’écran, joue le rôle de caisse de résonance pour les activités criminelles – une fonction dont les gangsters ont parfaitement su tirer profit. 2b) “ a theatrical legacy ” (l. 5) : les auteurs font sans doute allusion à la conception du 41 gangster en tant que héros tragique élaborée par Warshow, qui en fait un symbole de modernité subversive, voire de conformité paradoxale et romancée à l’idéal de l’ascension sociale. Les films ont rendu, avec une force de persuasion qui a effrayé les censeurs et une partie du public, toute l’ambivalence de ces figures. A l’exception de Scarface, qui donne au héros une dimension comique dans les scènes impliquant son secrétaire, les films de gangster considérés ici ont en commun une approche novatrice du criminel : dans chacun d’entre eux, le metteur en scène donne accès à la conscience intime du gangster et à l’interprétation qu’il a de ses propres choix. Souvent, comme dans Force of Evil ou Angels With Dirty Faces, un parallèle est très clairement institué entre monde criminel et monde de la légalité, notamment politique, aboutissant à une critique sociale élaborée. La criminalité apparaît dans ces films, notamment dans The Asphalt Jungle, comme une mise en cause implicite du statu quo, donnant ainsi à la transgression le statut d’un acte de résistance et/ou de subversion vis-à-vis des déterminismes sociaux et transformant le gangster en portedrapeau de la modernité. 2c) “ petty criminals ” : les actes délictueux sont considérés sous l’angle individuel et non organisationnel. Les médias sont probablement visés par ce passage, dans la mesure où la presse tend à minimiser la dynamique du crime organisé et ses liens avec les institutions légitimes pour mettre en valeur des criminels individuels hauts en couleur. Par ailleurs, Beare et Naylor évoquent sans doute également ici les thèses du sociologue Daniel Bell, qui refusait d’accepter l’idée même de l’existence de crime organisé. Cette position était également celle de J. Edgar Hoover qui, à la tête du FBI, concentre son action sur les activités de bandits tels que Baby Face Nelson ou Dillinger tout en occultant complètement la possibilité même d’une organisation criminelle structurée, et ce jusqu’au moment où les travaux de la Commission Kefauver (mai 1950-51) imposent la thèse d’une criminalité issue de la communauté italienne. III – La réduction de l’ambivalence se dessine après-guerre Le concept de crime organisé tend en effet à perdre une partie de sa polysémie au moment où le sénateur Kefauver conclut à la fois à l’envergure désormais nationale et non plus locale du crime organisé et au rôle prépondérant de la Mafia italienne – une thèse reprise à la fin des années soixante par la commission présidentielle chargée d’enquêter sur la structure et le mode de fonctionnement du crime organisé : “ The 1967 Commission served to solidify a vision or version of what ‘organized crime’ in North America was ” (l. 38-39). Ce rétrécissement du champ conceptuel a des répercussions dans le champ politique et dans l’attitude des médias, notamment dans la vision cinématographique du gangster. 3a) répercussions dans le champ politique : L’élaboration de politiques de répression s’attache aux seuls Italiens : “an era of enforcement that targeted Italian criminals to the exclusion of other organized criminals” (l. 39-40), ce qui entraîne de multiples effets pervers. En effet, en désignant la seule Mafia à l’attention des autorités, ils stigmatisent les Italiens récemment installés sur le sol américain et contribuent à ancrer la thèse de la conspiration d’origine étrangère ; les conclusions du sénateur Kefauver se rattachent au discours nativiste anti-immigration, et renforcent les doutes sur la loyauté des “ hyphenated Americans ”. Ce passage énonce donc clairement que les formes de répression du crime organisé dépendent du modèle conceptuel choisi. Ces travaux fournissent les bases nécessaires à une interprétation ‘conspirationniste’ du crime organisé et de sa répression : “ an enforcement strategy that relied on a conspiracy interpretation of organized crime ” (l. 40-41). L’utilité de cette version du crime organisé est perceptible à tous les niveaux, comme l’indiquent Beare et Naylor : “ The notion of an alien, all-controlling criminal monopoly, external to the larger society but sapping its wealth is an image that serves the media and law enforcement. In addition, the targeting on Italian-American conspiracies sets aside any accusation of political or police corruption ” (l. 4144). Une telle interprétation, soutenue notamment par Cressey et déconstruite par Albini en 1971, permet de déresponsabiliser la classe politique ; elle fournit un bouc émissaire ; elle évacue également la possibilité de venir à bout du problème puisque l’ennemi est considéré comme tout-puissant. Beare et Naylor semblent laisser entendre que cette thèse, en masquant la réalité de l’implantation criminelle au sein même de la société, permet au crime organisé de prospérer et de nouer avec les politiques, les forces de l’ordre et les médias des relations d’interdépendance, voire d’osmose, à l’abri desquelles peut se perpétuer une corruption d’autant plus insidieuse qu’elle n’est pas identifiée. 3b) répercussions dans le champ médiatique (presse et cinéma) La réduction de l’ambivalence vis-à-vis du crime organisé se dessine dans les représentations sociales. Les campagnes de presse contre la criminalité et la corruption aboutissent au démantèlement de la machine politique de Tammany Hall. Le New-York Times publie ainsi annuellement une douzaine d’articles dénonçant le crime organisé tout au long des années cinquante. La diffusion télévisée des auditions réalisées par le sénateur Kefauver atteint des taux d’audience particulièrement élevés, mais cette fois la complaisance vis-à-vis des criminels est en net recul, de même que la connivence du public. En effet, en raison de l’intensification des activités du House UnAmerican Activities Committee en 1947, la question de la subversion passe au premier plan ; c’est dans ce contexte général qui assimile à la fois l’industrie cinématographique et le crime organisé à des activités subversives que la thèse du complot étranger (“ alien (…) criminal monopoly ”, l. 41 ; “ Italian-American conspiracies ”, l. 43) s’ancre dans les représentations sociales. La représentation filmique du gangster et de son activité évolue. On met en valeur son insertion dans le système économique du pays, notamment en insistant sur les similitudes entre la loterie clandestine (the numbers racket) et les pratiques entrepreneuriales légitimes. The Asphalt Jungle (1948) tente même de superposer les deux secteurs dans la célèbre réplique d’Emmerich , “ crime is only a left-handed form of human endeavor ” ; Force of Evil (1950) pousse encore plus avant la critique d’institutions telles que la Bourse et les monopoles industriels : les protagonistes (Doris, Joe Morse, Leo) sont broyés par l’économie de marché. Dans ces films, les méfaits des institutions légitimes ne le cèdent en rien à ceux du crime organisé. Conclusion L’exploration du concept de crime organisé dans sa dimension historique permet aux auteurs de percevoir les incohérences et les contradictions dans les interprétations qu’il suscite. La vision diachronique des auteurs les conduit à identifier puis à mettre en exergue certains des facteurs sociopolitiques qui jouent un rôle dans la formation du concept de crime organisé. Ce texte enfin permet de mettre l’accent sur l’insertion du crime organisé dans les structures profondes de l’économie. On peut en déduire que pour Beare et Naylor, il importe de mettre fin aux stéréotypes qui font du crime organisé un problème exogène et de mettre en lumière le fait que les structures légitimes comme les structures criminelles font partie intégrante d’un seul et unique système. Une telle approche permet d’abandonner les politiques de prohibition dont l’inefficacité a été démontrée et d’envisager, sinon l’éradication du crime organisé, du moins la mise en place de politiques ciblées de régulation et de contrôle. Viviane Serfaty 43 4.3 Epreuve de Traduction : Version et Thème L'épreuve de traduction consiste en un thème et une version. Dans l'une et l'autre des deux sous parties de cette épreuve, le candidat doit faire la preuve non seulement de sa maîtrise des deux langues, tant en compréhension qu'en expression, mais aussi des techniques de traduction. Ecrire implique des choix de la part de l'auteur, et le bon traducteur se doit, bien entendu, de les respecter et de les reproduire dans la langue cible, le plus fidèlement possible. Un certain nombre des remarques qui vont suivre peuvent à première vue sembler évidentes et simplistes. Cependant, les erreurs trouvées dans un grand nombre de copies montrent qu'il n'est pas superflu de faire quelques rappels. D'abord, nous n'insisterons jamais assez sur l'importance, pour les candidats qui veulent mettre toutes les chances de leur côté, d'un entraînement régulier à l’exercice de traduction dans les deux sens (version et thème), afin d'en maîtriser au mieux les techniques. De la même façon, nous ne saurions assez conseiller aux candidats d'approfondir leurs connaissances lexicales, afin d'éviter les trop nombreuses approximations, les évitements, voire les omissions. Ensuite, rappelons qu’il est impératif, avant de se lancer dans la traduction, de lire plusieurs fois le texte, afin de s'en imprégner, d'en avoir une vue d'ensemble. Le texte source fournit des indices essentiels, et une analyse stylistique est indispensable : repérage de la situation, du point de vue, de la syntaxe, du rythme, des figures, des images. Enfin, il faut absolument que les candidats apprennent à bien gérer les cinq heures qui leur sont allouées, afin de garder le temps suffisant à une relecture fine et efficace. Ils pourront ainsi veiller à la cohérence interne de la traduction qu'ils proposent (temps, déterminants, conjonctions, pronoms relatifs, etc.) et éliminer les non-sens, nombreux, qui sont trouvés dans les copies. Cela éviterait à de nombreux candidats, sans doute sous le coup de l'émotion, l’oubli de segments entiers du texte, qui pèse lourdement sur la note. Ajoutons qu'une meilleure gestion du temps et un soin particulier apporté à l’écriture permettraient aussi d’éviter de remettre une copie raturée ou illisible, difficilement acceptable à ce niveau. ÉPREUVE DE VERSION As if in answer to our secret impatience, Hensch strode decisively to his corner of the stage. Quickly the pale-haired assistant followed, pushing the table after him. She next shifted the second table to the back of the stage and returned to the black partition. She stood with her back against it, gazing across the stage at Hensch, her loose white gown hanging from thin shoulder straps that had slipped down to her upper arms. At that moment we felt in our arms and along our backs a first faint flutter of excitement, for there they stood before us, the dark master and the pale maiden, like figures from a dream from which we were trying to awake. Hensch chose a knife and raised it beside his head with deliberation; we realized that he had worked very quickly before. With a swift sharp drop of his forearm, as if he were chopping a piece of wood, he released the knife. At first we thought that he had struck her upper arm, but we saw that the blade had sunk into the wood and lay touching her skin. A second knife struck beside her other upper arm. She began to wiggle both shoulders, as if to free herself from the tickling knives, and only as her loose gown came rippling down did we realize that the knives had cut the shoulder straps. Hensch had us now, he had us. Long-legged and smiling, she stepped from the fallen gown and stood before the black partition in a spangled silver leotard. We thought of tightrope walkers, bareback riders, hot circus tents on blue summer days. The pale yellow hair, the spangled cloth, the pale skin touched here and there with shadow, all this gave her the remote, enclosed look of a work of art, while at the same time it lent her a kind of cool voluptuousness, for the metallic glitter of her costume seemed to draw attention to the bareness of her skin, disturbingly unhidden, dangerously white and cool and soft. Steven MILLHAUSER, The Knife Thrower, 1999 45 Spécificité de l'extrait / de l'oeuvre L'extrait est un passage essentiellement descriptif, qui donne à voir au lecteur, spectateur par procuration, une partie d'un spectacle de magie dans un cirque ou un théâtre. Le texte se divise en deux paragraphes : le premier est composé de phrases longues et complexes “she stood… upper arm” ; dans le second paragraphe, deux parties peuvent être identifiées, d'abord une succession de phrases courtes de type narratif traduisant une accélération du rythme du récit, puis de nouveau une partie descriptive, dont la dernière phrase est particulièrement riche et développée. Cette structure devait bien entendu être prise en compte et restituée en français. La situation, facile à appréhender, invitait les candidats à visualiser la scène, ce qui leur permettait d'éviter des choix lexicaux qui risquaient de mener à des non-sens, des incongruités, frôlant quelquefois le surréalisme. Les difficultés majeures de la traduction étaient liées au choix des formes aspectuo-temporelles et des pronoms. Le sens des mots qui posaient quelques difficultés pouvait en grande partie être inféré en s'appuyant sur l’intégration contextuelle et le simple bon sens. Les candidats devaient dès le début établir une deixis claire afin de situer les faits et les personnages dans le temps et dans l'espace. De même, il était indispensable de percevoir la focalisation du passage. Le lecteur devient le public/voyeur, ce qu'implique la narration à la première personne du pluriel : il voit et ressent. Le texte est donc essentiellement paratactique : il donne l'illusion d'une perception visuelle et de l'impact physique direct de cette perception. Il fallait respecter cette absence de filtre, ce dépouillement, cette quasi-brutalité du texte d'origine sans y ajouter de commentaires, d'élucidations, d'explicitations. Autrement dit, il s'agissait de limiter les étoffements au strict minimum. La scène se passe dans un décor dépouillé et dans un lieu clairement délimité, les mouvements des deux acteurs sont calculés. Toute dilution trahissait l'idée que nous assistons ici à un rituel, ce qui réduisait l'intensité et l'ambiguïté du texte : s'agit-il d'un rituel de mise à mort ? Le décentrage de la situation “as if, at first we thought… but, and only…did we realize”, invite le lecteur/spectateur à entrer dans un monde quasi irréel. Il s'agit des artifices du monde du spectacle auxquels se superposent les fantasmes des spectateurs, qui se délectent du frisson causé par l'anticipation fébrile d'une blessure, peut-être fatale. I. COMPRÉHENSION DU TEXTE I.1. Ponctuation L'étude de la ponctuation du texte à traduire doit permettre dans un premier temps au candidat de mieux en appréhender la structure. Elle peut souvent l'aider à lever les ambiguïtés. Ainsi, dans le groupe nominal “the remote, enclosed look…”, la virgule qui sépare les deux adjectifs épithètes indique bien qu'il y a accumulation et que leur ordre n'est pas pertinent. La virgule sera de préférence rendue en français par la conjonction de coordination et “ le caractère lointain et inaccessible ”. La virgule marque une pause, en particulier dans les phrases longues. Son omission risque donc d'entraîner une perte du sens ; son remplacement par un point transforme le rythme de la phrase voulu par l'écrivain. Les candidats ont tendance à attribuer au point-virgule une valeur équivalente à celle de la virgule. Rappelons qu'il sert essentiellement à relier deux propositions indépendantes dont le sens est lié. Le jury attend des candidats qu'ils fassent preuve de rigueur dans la maîtrise des règles de base de la ponctuation, comme par exemple l'obligation de mettre une majuscule derrière un point, entre autres signes de ponctuation forte. Un paragraphe sera consacré plus loin dans le rapport sur le thème à des remarques plus détaillées sur la ponctuation. I.2. Le lexique I.2.1. L'inférence Le passage ne présentait pas de difficultés lexicales majeures, et le sens des termes inconnus de certains candidats pouvait être déduit grâce à la situation et/ou au contexte. L'extrait consistant en la description d'un spectacle de lanceur de couteaux, imaginer la scène aidait beaucoup le candidat et lui permettait d'éviter les traductions aberrantes parce que hors champ sémantique ou en complet décalage avec la situation. Ainsi, l'analyse du texte en amont permettait d'inférer que leotard, inconnu de la majorité des candidats, renvoyait à un vêtement porté sous une robe. La situation interdisait toute traduction par nuisette ou déshabillé. Dans le cas des mots composés, l'analyse de la relation entre les termes, de leur ordre et de leur hiérarchie, permettait également de trouver le sens. Les “bareback riders” n'étaient donc pas des riders with bare backs, mais bien des riders on bare backs. De la même façon, le sens de “tight-rope walkers” (funambules), dans un contexte de spectacle de cirque, pouvait facilement être inféré. I.2.2. Insuffisance des connaissances lexicales On ne saurait trop conseiller aux candidats d'étoffer régulièrement leurs connaissances en matière de vocabulaire. La confusion entre blood et blade, entre lay et lie, entre cloth et clothes, l'ignorance de termes tels que work of art, spangled ou wiggle, la traduction de “spangled leotard” par léotard rayé révèlent les limites du lexique de certains candidats, ainsi que leur manque de recul critique. Par ailleurs, “gown”, mal connu des candidats, a parfois été traduit par des termes tels que peignoir ou robe de chambre. Ces traductions s'expliquent probablement par le fait que les candidats ne connaissent “gown” que dans le mot composé dressing-gown. Cependant, le simple bon sens et une meilleure intelligence de la scène décrite auraient dû exclure de telles erreurs. I.2.3. Le cas des "faux-amis" 47 Il est à remarquer que les quelques faux-amis disséminés dans le texte ont dérouté bon nombre de candidats, tels les mots “partition” à traduire par panneau ou “decisive” qui ne pouvait en aucun cas être traduit par décisifs. Ce type d'erreur peut entraîner, suivant les cas, des faux-sens, des contresens, voire des barbarismes, lourdement sanctionnés. I.3. Analyse syntaxique L'analyse syntaxique fine des phrases permet d'éviter de nombreux contresens. Ainsi, dans le segment “The pale yellow hair, the spangled cloth, the pale skin touched here and there with shadow”, l'absence de virgule entre “skin” et “touched” permettait de savoir que “touched” ne portait que sur “skin”. (cf. I.1.) De la même façon, il était indispensable de bien analyser la chaîne de substituts pronominaux. Dans le segment qui suivait, “all this gave her the remote, enclosed look […] voluptuousness”, le candidat devait repérer la relation grammaticale entre le pronom neutre it non mentionné juste avant et le pronom démonstratif “this” qui, lui même, renvoyait à l'ensemble du segment précédent, “the pale yellow hair […] shadow”, repérage encore facilité par la présence de “all”. I.4. Point de vue narratif Dans cet extrait, le personnage qui assiste à la scène se trouve être aussi le narrateur. Sa subjectivité se manifeste par la présence d'un certain nombre d'indices grammaticaux comme le possessif de la première personne du pluriel “our”, ou les pronoms personnels “we” et “us”. Le texte s'inscrivait donc bien dans le cadre d'une focalisation interne, ce qui devait amener le candidat à se montrer plus rigoureux dans la traduction de ces indices. Trop souvent, en effet, le jury a eu à déplorer une alternance presque aléatoire entre on et nous, parfois même à l'intérieur d'un même segment (on sentit dans nos bras). Pour respecter la focalisation interne de l'extrait, nous était le choix le plus judicieux et le candidat avisé devait s'y tenir. I.5. Cas particulier Beaucoup de candidats ont eu du mal à comprendre la signification du segment “Hensch had us now, he had us”. En effet, “now” donne une illusion de proximité temporelle, d'immédiateté. Le narrateur décrit la scène comme s'il était en train de la vivre. La traduction Hensch nous avait bien eus relevait donc du contresens, lourdement sanctionné, et il fallait traduire par : il nous tenait. Ajoutons une faiblesse fréquente dans la traduction de “had”, qu'il fallait étoffer, au lieu de s'en tenir au simple sens de avoir. II. RESTITUTION II.1. Orthographe Le jury ne saurait rester insensible aux trop nombreuses fautes d'orthographe qui émaillent certaines copies. Il est en effet normal d'exiger d'un futur enseignant qu'il maîtrise l'orthographe française. Il est fortement conseillé aux candidats de garder suffisamment de temps pour pouvoir effectuer une relecture efficace de leur production, qui leur permettrait d'éviter des erreurs grossières telles que *metalique ou *trappeze. Rappelons également que les accents, dans la langue française, ne sont pas accessoires et qu'on ne peut indifféremment les supprimer ou les confondre. L'accent circonflexe, en particulier, a été souvent omis, dans des mots tels que pâle, maître, bûche, fraîche. L'omission de l'accent grave, indice de discrimination d'homophones grammaticaux, entraîne de véritables contresens, dans des énoncés tels que son assistante à la chevelure pâle, à la hauteur de sa tête. Il permet également de distinguer l'article défini la de l'adverbe de lieu là dans çà et là, jusque-là… II.2. Lexique Trois types d'erreurs sont communément relevés dans le traitement du lexique. II.2.1. Mauvaise appréciation du sens des mots Les meilleures copies sont celles dans lesquelles les candidats ont su percevoir et transcrire la valeur la plus exacte possible des choix lexicaux opérés par l'auteur. Polysémie Parmi les différents sens possibles d'un mot, il est nécessaire de sélectionner, en fonction du contexte ou du niveau de langue de l'extrait, celui qui, en français, se rapproche le plus du sens voulu par l'auteur. Ainsi, dans le segment “the remote, enclosed look”, il était bien entendu indispensable de repérer que “look” était un nom et non pas un verbe. Parmi les différentes traductions possibles de ce mot, le contexte excluait, par exemple, le choix de la traduction par regard, le niveau de langue invitait à préférer les termes apparence ou aspect à celui de mine. De la même façon, à cause de la situation, la préposition “beside” est rendue différemment dans les énoncés “He raised it beside his head with deliberation” (il le leva au niveau de sa tête), et “a second knife struck beside her other upper arm” (un second couteau vint s'enfoncer contre son autre bras). Sous-traductions Les candidats n'ont pas toujours saisi la pleine entière du lexique employé dans le texte, ce qui les a parfois amenés à minimiser la portée sémantique de certains termes. Par exemple, “strode” n'est pas l'équivalent de went, et l'adjonction de l'adverbe “decisively” excluait la traduction Hensh alla vers. De la même façon, on ne pouvait se satisfaire de regarder pour “gaze”, au risque de perdre l'idée de fixité et de durée contenue dans ce terme. 49 Collocations Les collocations, qu'elles soient ou non figées, devraient être connues des candidats. Par exemple, l'expression tentes de cirque est difficilement acceptable en français pour rendre le groupe “circus tents”. Une bonne connaissance de la langue française permettait d'éviter des traductions maladroites, comme trancher un morceau de bois pour “chopping a piece of wood”, ou pléonastiques, comme elle adossa son dos pour “with her back against it”. II.2.2. Non-sens et barbarismes Une des premières sources d'erreur dans le choix du lexique est l'utilisation non réfléchie du calque. Certains mots ont été traduits rapidement par des termes pratiquement équivalents en français, sans qu'il y ait eu une véritable analyse du sens de ces mots dans chacune des deux langues. Ainsi, “partition”, qui renvoyait dans le texte au panneau noir contre lequel s'appuyait la jeune femme, renvoie en français soit à une séparation, soit à une composition musicale, mais le dernier sens ne pouvait bien entendu convenir ici. De même, “with deliberation” signifiait ici avec lenteur / avec mesure, et non de façon délibérée. D'autres termes ont été traduits dans leur sens premier et courant, là non plus sans véritable analyse de la situation et du contexte. Dans le segment “he had worked very quickly before”, par exemple, de nombreux candidats ont été tentés de traduire par il avait travaillé rapidement jusque là. Même s'il l'on peut considérer que le lanceur de couteaux est bel et bien en train de travailler, la focalisation, le fait que la scène est vue à travers les yeux d'un spectateur fasciné par ce qu’il voit et loin de toute idée de labeur, amène à préférer le terme œuvrer, moins marqué. Plus graves, certaines erreurs montrent un manque de bon sens et de logique. Ainsi, au delà des barbarismes (rappelons que le mot voluptuosité n'existe pas, il faut utiliser le terme volupté), certaines traductions montrent que le candidat, peut-être pressé, n'a pas pris le temps de bien relire ce qu'il avait écrit. Que penser, par exemple des bretelles qui glissent vers le haut des bras, de la peau éparpillée d'ombre, de la jeune fille qui gesticule des deux épaules, de “upper arm” rendu par bras supérieur, de “shoulder strap” traduit par bretelle d'épaule, etc.? Nul doute qu'avec une relecture plus serrée ce type d'erreur eût été facilement réparé. II.2.3. Stratégies d'évitement Au delà du simple oubli de mots, voire de segments entiers, le jury a parfois regretté certaines stratégies d'évitement qui ont pu mener à penser qu'il s'agissait pour certains de masquer leur faiblesse lexicale (recours à des périphrases, réécriture du texte, formulations approximatives, etc.). Dans le même ordre d'idées, certaines omissions ont été fréquentes, pour ne pas dire systématiques. Par exemple, l'adverbe “decisively”, au début du texte, a très souvent été omis, amenant les candidats à la sous-traduction que nous avons évoquée plus haut (II.2.1.). Dans l'énoncé “For they stood there”, l'idée de causalité exprimée par for a rarement été rendue, de même que “only as dans and only as her loose gown came rippling down”. L'énoncé “she stepped from the fallen gown” a souvent été traduit par elle fit un pas pour se dégager de sa robe, le terme fallen étant alors perdu. Rappelons que l'oubli ou l'omission d'éléments du texte sont très lourdement sanctionnés, et que les candidats ne sauraient considérer qu'ils peuvent se dispenser d'une relecture systématique et scrupuleuse. II.3. Grammaire Ce concours s'adressant à de futurs enseignants, les candidats se doivent d'avoir une bonne maîtrise de la grammaire française. Or de nombreuses erreurs ont été relevées dans les copies. II.3.1. L'ordre des adjectifs L'accumulation des adjectifs dans certains énoncés a parfois posé problème aux candidats. Aux deux adjectifs épithètes déjà présents dans “her loose white gown” devait s’ajouter en français l'adjectif longue pour qualifier robe, qui permettait de traduire le sens exact de “gown”. La lourdeur de la succession de ces trois termes a souvent gêné les candidats, lourdeur qui pouvait être évitée en antéposant l'un des termes et en ajoutant la conjonction et, afin de rétablir le rythme du segment : sa longue robe blanche et fluide. “First faint flutter” et “swift sharp drop” ont également été source de maladresses. Certains bons candidats ont tenté de conserver l'allitération, beaucoup d'autres ont trouvé difficile de rendre sans lourdeur la succession des termes. Dans le segment “swift sharp drop”, s'ajoutait la nécessité de traduire, sans redondance, des mots dont le sens était proche, les deux adjectifs exprimant dans ce contexte la même notion de soudaineté et de rapidité du mouvement, tout en conservant le sens de déplacement vers le bas. Le segment “remote enclosed look” a également donné lieu à de nombreuses erreurs, la plus surprenante étant la traduction de ce segment par l'air lointain et proche d'une œuvre d'art. S'agit-il d'un oxymore ? Nous pouvons aussi évoquer l'erreur d'accord fréquemment rencontrée dans les copies pour traduire “the pale yellow hair” (= les cheveux blond clair). Rappelons que les adjectifs de couleur déterminés par un nom ou un adjectif ne s'accordent pas. II.3.2. Les possessifs En anglais, si le possesseur est le sujet d'un énoncé actif, la règle veut que l'on emploie un possessif devant un nom désignant une partie du corps. Cela n'est pas systématique en français. Ainsi, on dit j'ai mal à la tête et non j'ai mal à ma tête. Dans l'extrait proposé, ce cas de figure revenait à plusieurs reprises : “she stood with her back against it” (= elle se tenait, dos…) ; “we felt in our arms and along our backs” (= nous ressentîmes dans les bras et le long du dos); “with a swift sharp drop of his forearm” (= d'un coup sec et précis de l'avant-bras). II.3.3. Le système verbal Le jury ne saurait trop recommander la consultation régulière, lors de la préparation du concours, d'une grammaire française ou à tout le moins d'un aide-mémoire de conjugaison, ce qui permettrait à de nombreux candidats d'éviter des erreurs grossières. En premier lieu, compte tenu du type de texte soumis aux candidats, il était indispensable de maîtriser les règles fondamentales d'emploi des temps de la narration en français. Une confusion entre imparfait et passé simple, induite par l'utilisation d'un seul temps en anglais, le prétérit, a souvent été constatée. L'emploi aléatoire de l'un ou l'autre temps, sans critère apparent, a même parfois été déploré. L'imparfait, dans un récit, permet de décrire un cadre pouvant présenter une valeur aspectuelle durative. Il était par exemple envisageable, pour traduire des énoncés du type “they stood before us” (= ils se tenaient devant nous), ou “all this gave her the remote [...] art” (= tout ceci lui donnait ), passages descriptifs non bornés dans lesquels l'action ne progresse pas. Tout au contraire, le passé simple, prédominant dans la traduction de ce texte, s'imposait afin de mettre en avant une succession 51 d'actions ponctuelles, de premier plan, accomplies et bornées. Ainsi, le segment “we thought of tight-rope walkers” ne pouvait se traduire que par nous pensâmes à des funambules. En effet, en raison de l'instantanéité de l'action, c'est bien le passé simple qui s'impose ici. Au delà du choix du temps à utiliser, il était essentiel pour les candidats de maîtriser la morphologie du passé simple. Il est en effet inquiétant, à ce niveau, de trouver certains solécismes (*nous nous sentâmes, *il se tena / tenit / teint, *elle le suiva) ou une ignorance totale de la différence entre indicatif passé simple et subjonctif imparfait, marquée par la présence ou par l'absence de l'accent circonflexe sur une troisième personne du singulier (fut / fût). Ajoutons à cela de nombreuses fautes d'accord, présentant les deux cas extrêmes de ce genre d'erreurs : l'accord systématique du participe passé avec le sujet, même quand l'auxiliaire est avoir et qu'il n'y a pas d'antéposition du complément d'objet direct, comme dans *les fines bretelles qui avaient glissées ; l'absence d'accord, comme dans *la lame s'était fiché dans le bois. II.3.4. La syntaxe De nombreux candidats ont été tentés, afin de contourner la difficulté posée par la longueur de certaines phrases de l'extrait, d'en modifier la syntaxe. Cependant, il convient de rappeler que traduire un texte ne doit pas aboutir à une déconstruction systématique, allant jusqu'à une réécriture abusive et forcément infidèle du texte source. Notons également des organisations syntaxiques défaillantes : *comme si pour répondre, *les jambes élancées et souriante, *de manière perturbante peu cachée. III. TRANSPOSITIONS La traduction littérale ne pouvant pas toujours suffire à restituer le texte d'origine, le recours à certains procédés de traduction s'imposait. III.1. Transpositions simples Il était parfois nécessaire d'opérer un changement de catégorie grammaticale, sans pour autant modifier le sens du message initial. Par exemple, “as if in answer” ne pouvait être traduit par comme si en réponse ; le recours à la reformulation avec un infinitif comme pour répondre s'imposait. De la même manière, le groupe nominal “with her back against it” produisait un meilleur effet de traduction grâce à la transposition en verbe conjugué, elle s'y adossa. II.2. Les étoffements Un certain nombre de passages devaient être étoffés dans cet extrait, en particulier pour éviter certaines ambiguïtés. La reformulation ne se limitait pas, dans ce cas, à un simple changement de catégorie grammaticale. Il était nécessaire d'ajouter un ou plusieurs mots français ne figurant pas dans le texte anglais, voire de modifier la structure grammaticale d'une phrase, en l'enrichissant notamment à l'aide de propositions subordonnées relatives. III.2.1. Les possessifs. La traduction en français des possessifs pouvait mener à une ambiguïté sur l'identification du référent nominal. Ainsi, dans le segment “he had struck her upper arm”, il était peu judicieux de se contenter de traduire le possessif par son, qui pouvait renvoyer aussi bien à Hensch, nom le plus proche, qu'à la jeune fille, mentionnée bien plus haut dans le texte, alors que le bras de son assistante permettait d'éviter toute confusion. Dans le segment “Hensch strode decively to his corner of the stage”, la traduction littérale son coin de la scène, sans être agrammaticale, ne rendait nullement l'idée, comme le contexte permettait de l'induire, de l'organisation préalable de l'espace scénique. L'étoffement par le coin de la scène qui lui était réservé restituait mieux cette idée. 53 III.2.2. Etoffement des prépositions L'étoffement des prépositions est souvent nécessaire comme le montrent les exemples suivants : “gazing across the stage at Hensch” ne pouvait être traduit par fixant Hensch à travers la scène, qui aurait signifié que le regard de la jeune fille rencontrait un obstacle et le traversait. La préposition “across” devait donc être perçue comme un indice de localisation de Hensch, et donc rendue par l'étoffement suivant : Hensch, qui se trouvait de l'autre côté de la scène. Dans le segment “figures from a dream”, la préposition “from” ne pouvait pas non plus être traduite de façon littérale : silhouettes de rêve s'apparentait en effet à un contresens. Dans la mesure où “from” prenait ici toute sa valeur circonstancielle de lieu, celle-ci était restituée par silhouettes sorties d'un songe. D'autres étoffements, plus stylistiques, permettaient aux meilleures copies de maintenir une cohérence dans le registre de langue utilisé. Par exemple, la traduction de “in a spangled silver leotard” par dans un justaucorps était (peut-être) acceptable, mais l'étoffement vêtue d'un justaucorps témoignait d'une meilleure maîtrise de l'expression française. IV. Modulation La modulation relève du changement de point de vue dans la formulation d'une même idée, en fonction de la perception particulière d'une langue et d'une culture. C'est ce que l'on peut constater dans la traduction de “blue summer days” par l'azur des ciels d'été. L'image évoquée est la même, mais le français, plus concret, ne peut se satisfaire de l'elliptique jours bleus d'été. CONCLUSION Malgré la difficulté de l'extrait, le jury a eu plaisir à lire d’excellentes copies, reflets d'un travail rigoureux, d'une bonne maîtrise des deux langues et des différents procédés de traduction. Les bonnes traductions font la preuve qu'une lecture attentive du texte d'origine est un préalable indispensable. Elles sont fines et intelligentes et montrent une capacité à prendre du recul pour restituer l'esprit et la lettre du texte source. Elles savent éviter sur-traductions et calques et résoudre les difficultés en utilisant les techniques de traduction aussi bien que le simple bon sens. Bibliographie BALLARD, Michel, La Traduction de l’anglais au français, 1987, Paris, Nathan, rééd.1991. CHARTIER, Delphine, LAUGA-HAMID, Marie-Claude, Introduction à la traduction.Méthodologie pratique, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1995. CHARTIER, Delphine, GIRARD, Geneviève, RIVOALLAN, Hervé, “ Les Amphis de la Cinquième ”, Nancy 2, Vidéoscop, 1998. CHUQUET, Hélène, PAILLARD, Michel, Approche linguistique des problèmes de traduction, Gap, Ophrys, 1989. CHUQUET, Hélène, Pratique de la traduction, Gap, Ophrys, 1990. RAFROIDI, Patrick, PLAISANT, Michèle, SHOTT, Douglas J., Nouveau manuel de l’angliciste, Gap, Ophrys, 1986. VRECK, Françoise, Entraînement à la version anglaise, Gap : Ophrys-Ploton, 2000. PROPOSITION DE TRADUCTION FAITE APR UN TRADUCTEUR Comme pour répondre à notre impatience inavouée, Hensch gagna, à grandes enjambées décidées, le coin de la scène qui lui était réservé. Sans tarder, son assistante à la chevelure pâle le suivit, poussant la table derrière lui. Elle fit ensuite glisser la deuxième table vers le fond de la scène, et revint se placer devant le panneau noir. Elle s'y adossa, les yeux rivés sur Hensch qui se tenait à l'autre bout de la scène, sa longue robe blanche et fluide maintenue par de fines bretelles qui lui avaient glissé sur le haut des bras. C'est à cet instant précis que nous ressentîmes dans les bras et le long du dos, un tout premier léger frisson d'excitation, car ils se tenaient là, sous nos yeux, le maître sombre et la jeune fille pâle, comme des silhouettes sorties d'un songe dont nous tentions de nous éveiller. Hensch sélectionna un couteau et le leva à la hauteur de sa tête avec une lenteur calculée ; nous nous rendîmes alors compte qu'il avait œuvré avec une grande célérité jusque là. D'un coup vif et rapide de l'avant-bras, comme pour fendre une bûche, il laissa partir le couteau. Il nous sembla tout d'abord qu'il avait touché l'assistante en haut du bras, mais nous vîmes ensuite que la lame s'était enfoncée dans le bois et venait appuyer contre sa peau. Un second couteau vint se planter contre son autre bras. Elle se mit à remuer les épaules, comme pour se libérer des couteaux qui la chatouillaient. Et ce ne fut que lorsque sa longue robe fluide glissa en cascade à ses pieds que nous comprîmes que les couteaux en avaient sectionné les bretelles. Hensch nous tenait maintenant, il nous tenait bien. Toute en jambes et souriante, elle fit un pas pour se dégager de la robe qui était à terre, et se tint devant le panneau noir, vêtue d'un justaucorps argenté à paillettes. Des images de funambules, de cavaliers montant à cru, de chapiteaux écrasés par la chaleur sous l'azur des ciels d'été nous vinrent à l'esprit. Les cheveux d'un blond pâle, le tissu pailleté, la peau si pâle caressée çà et là par l'ombre, tout ceci lui donnait l'aspect lointain et impénétrable d'une œuvre d'art, tout en lui conférant une forme de volupté détachée, car le miroitement métallique de son costume semblait souligner la nudité de sa peau, dévoilée de manière troublante, dangereusement blanche, fraîche et douce. EXEMPLE DE BONNE COPIE Comme en réponse à notre secrète impatience, Hensch rejoignit à grands pas, d’un air résolu, sa place sur la scène. Prestement, son assistante à la chevelure pâle le suivit, poussant la table derrière lui. Puis elle déplaça la deuxième table au fond de la scène et revint vers la cloison noire. Elle s’adossa contre celle-ci, son regard fixé sur Hensch de l’autre côté de la scène, son ample robe blanche retenue par de fines bretelles qui avaient glissé le long de ses bras. En cet instant nous sentîmes dans nos bras et le long de notre dos un premier tressaillement ténu d’excitation, car ils se tenaient là, devant nous, le sombre maître et la pâle jeune fille, telles des silhouettes échappées d’un rêve duquel nous tentions de nous éveiller. Hensch choisit un couteau et l’éleva lentement à hauteur de sa tête ; nous réalisâmes qu’il avait opéré très rapidement auparavant. Abaissant son avant-bras en un mouvement précis et rapide, comme pour couper un morceau de bois d’un coup de hache, il libéra le couteau. Tout d’abord nous crûmes qu’il avait touché le bras de la jeune fille, mais nous vîmes que la lame s’était fichée dans le bois et qu’elle frôlait sa peau. Un deuxième couteau se planta à côté de son autre bras. Elle se mit à remuer les épaules, comme pour se libérer des couteaux qui la chatouillaient, et ce ne fut que lorsque son ample robe ruissela jusqu’au sol que nous nous rendîmes compte que les couteaux avaient sectionné les bretelles. Hensch nous tenait en haleine, maintenant, il nous tenait pour de bon. La jeune fille aux longues jambes fit en souriant un pas hors de sa robe tombée sur le sol et se tint debout devant la cloison noire., vêtue d’un collant argenté parsemé de paillettes. nous pensâmes aux équilibristes sur corde raide, aux cavaliers montant à crû, aux chapiteaux de cirque en pleine chaleur sous le ciel bleu des jours d’été. Ses pâles cheveux blonds, le tissu pailleté, sa peau pâle, marquée çà et là de touches d’ombre, tout cela lui donnait l’air distant et inaccessible d’une oeuvre d’art, tout en lui conférant à la fois une sorte de froide volupté, car le scintillement métallique de son costume semblait attirer l’attention sur la nudité de sa peau dangereusement blanche, et froide, et douce, et qui ainsi dévoilée, nous rendait mal à l’aise. 55 ÉPREUVE DE THÈME Il y avait, surtout, le cinéma. Et c’était sans doute le seul domaine où leur sensibilité avait tout appris. Ils n’y devaient rien à des modèles. Ils appartenaient, de par leur âge, de par leur formation, à cette première génération pour laquelle le cinéma fut, plus qu’un art, une évidence ; ils l’avaient toujours connu, et non pas comme forme balbutiante, mais d’emblée avec ses chefs-d’œuvre, sa mythologie. Il leur semblait parfois qu’ils avaient grandi avec lui, et qu’ils le comprenaient mieux que personne avant eux n’avait su le comprendre. Ils étaient cinéphiles. C’était leur passion première ; ils s’y adonnaient chaque soir, ou presque. Ils aimaient les images, pour peu qu’elles soient belles, qu’elles les entraînent, les ravissent, les fascinent. Ils aimaient la conquête de l’espace, du temps, du mouvement, ils aimaient le tourbillon des rues de New York, la torpeur des tropiques, la violence des saloons. Ils n’étaient, ni trop sectaires, comme ces esprits obtus qui ne jurent que par un seul Eisenstein, Bunuel, ou Antonioni, ou encore – il faut de tout pour faire un monde – Carné, Vidor, Aldrich ou Hitchcock, ni trop éclectiques, comme des individus infantiles qui perdent tout sens critique et crient au génie pour peu qu’un ciel bleu soit bleu ciel, ou que le rouge léger de la robe de Cyd Charisse tranche sur le rouge sombre du canapé de Robert Taylor. Ils ne manquaient pas de goût. Ils avaient une forte prévention contre le cinéma dit sérieux, qui leur faisait trouver plus belles encore les œuvres que ce qualificatif ne suffisait pas à rendre vaines (mais tout de même, disaient-ils, Marienbad, quelle merde !), une sympathie presque exagérée pour les westerns, les thrillers, les comédies américaines, et pour ces aventures étonnantes, gonflées d’envolées lyriques, d’images somptueuses, de beautés fulgurantes et presque inexplicables, qu’étaient, par exemple – ils s’en souvenaient toujours –, Lola, la Croisée des Destins, les Ensorcelés, Ecrit sur du Vent. Ils allaient rarement au concert, moins encore au théâtre. Mais ils se rencontraient sans s’être donné rendez-vous dans ces petits cinémas de quartier, ces salles sans grâce, mal équipées, que semblait ne fréquenter qu’une clientèle composite de chômeurs, d’algériens, de vieux garçons, de cinéphiles, et qui programmaient, dans d’infâmes versions doublées, ces chefs-d’œuvre inconnus dont ils se souvenaient depuis l’âge de quinze ans, ou ces films réputés géniaux, dont ils avaient la liste en tête et que, depuis des années, ils tentaient vainement de voir. Georges PEREC, Les Choses, 1965. Présentation de l’extrait Le sujet proposé aux candidats cette année était un texte littéraire extrait du roman Les Choses, de Georges Perec, publié en 1965. L’auteur reçut le prix Renaudot pour ce roman. L’extrait sélectionné est narratif. La situation met en lumière le goût de personnages, non nommés et désignés par ils, pour le cinéma. Le passage se situe vers la fin du quatrième chapitre. Il met en scène des personnages (dont le nombre exact n’apparaît pas dans l’extrait), qui appartiennent clairement à l’époque de l’expansion du cinéma, c’est-à-dire les années 60. Cette expansion se retrouve dans les moyens linguistiques utilisés par l’auteur. Les longues phrases, les incises, les constructions parallèles sont autant d’éléments signifiants. Les personnages semblent être pris au piège de leur engouement, la syntaxe complexe étant le reflet de leur soif de tout connaître, de tout découvrir. Même s’ils ne connaissaient pas l’identité des personnages (Sylvie et Jérôme, un couple qui mène une vie estudiantine), les bons candidats ont su respecter les choix de l’auteur et n’ont pas hésité à conserver les phrases complexes et donc l’effet recherché. Les difficultés spécifiques à l’extrait Comme l’introduction à cette épreuve le rappelait, l’exercice de traduction proprement dit doit être précédé de plusieurs lectures attentives qui permettent au candidat d’appréhender l’atmosphère générale du texte, le ton du discours, le niveau de langue, son (ou ses) registre(s), et d’analyser les difficultés spécifiques. Les phrases longues et la syntaxe complexe constituaient une première difficulté. Une analyse précise des référents et une prise en compte fine de la ponctuation étaient essentielles pour comprendre l’organisation syntaxique du texte. La dernière phrase demandait une certaine vigilance. Il fallait repérer les conjonctions de coordination “ et ”, “ ou ”, et déterminer quels éléments sont coordonnés, sachant qu’il s’agit toujours de deux éléments de même nature. Ainsi dans le passage “ ces salles sans grâce, [...] que semblait ne fréquenter qu’une clientèle composite de chômeurs, d’algériens, de vieux garçons, de cinéphiles, et qui programmaient ”, “ et ” relie deux relatives, l’une introduite par “ que ”, l’autre par “ qui ”. Ces référents renvoient tous deux à “ ces petits cinémas de quartier ”, décrits par l’apposition “ ces salles sans grâce, mal équipées ”. Une lecture trop rapide et superficielle pouvait entraîner des fautes d’interprétation, ainsi la proposition erronée who showed pour “ qui programmaient ”, où who renvoie à “ une clientèle composite de chômeurs, d’Algériens, de vieux garçons, de cinéphiles ”. Un peu plus loin, “ ou ” coordonne deux types de films, “ ces chefs d’œuvre inconnus dont ” et “ ces films réputés géniaux dont ”. Une construction parallèle sous forme de subordonnées relatives introduites par “ dont ” (“ dont ils se souvenaient depuis l’âge de quinze ans ” / “ dont ils avaient la liste en tête ”) vient préciser encore ces films. Il est essentiel pour un futur enseignant de bien maîtriser l’emploi des référents. Rappelons que whose, qui renvoie traditionnellement à un animé, n’est de toute façon pas possible ici puisque la liste n’appartient pas aux films dont il est question. On attend donc ici, the list of which. La dernière relative “ que, depuis des années, ils tentaient vainement de voir ”, est coordonnée à la précédente, “ dont ils avaient la liste en tête ”. Une lecture attentive permettait de respecter la portée de l’incise, “ depuis des années ”, entre deux virgules. L’incise est, sans ambiguïté, le complément de “ ils tentaient vainement de voir ”, et non de “ dont ils avaient la liste en tête ”. Bien souvent les candidats, plutôt que de relever le défi posé par la spécificité syntaxique du texte, ont opté pour une simplification de celui-ci, notamment en transformant les subordonnées relatives en prépositions indépendantes. Non seulement on peut légitimement les soupçonner d’adopter une stratégie d’évitement, mais on peut leur reprocher de ne pas respecter le choix de l’auteur, donc de le trahir. 57 La ponctuation, dont on ne saurait trop souligner le rôle, donne tout son sens à une autre longue phrase : “ ils n’étaient, ni trop sectaires, comme ces esprits obtus qui ne jurent que par un seul Eisenstein, Buñuel, ou Antonioni, ou encore – il faut de tout pour faire un monde – Carné, Vidor, Aldrich ou Hitchcock, ni trop éclectiques, comme des individus infantiles qui ”. Une première lecture attentive permettait de repérer “ ni… ni … ” qui doit être traduit par neither… nor. A l’intérieur de chaque segment, la conjonction “ ou ” relie deux éléments de même nature, les noms des réalisateurs, et à la fin de la phrase, les exemples portant sur les effets de couleurs “ pour peu qu’un ciel bleu soit bleu ciel ou que le rouge... ”. Cet agencement syntaxique confère au texte un rythme caractéristique, qui est, encore une fois, un choix de l’auteur. A ce propos, quelques rappels s’imposent : dans les copies, la ponctuation est souvent réduite au minimum, elle est quelquefois même absente. Il convient d’utiliser les signes graphiques conventionnels : emploi de la virgule (,) et non du tiret (-), majuscules en début de phrase et aux adjectifs de nationalité (American), aux noms propres, et dans les titres à chaque mot sauf les mots outils (Written on the Wind). Les titres (d’œuvres cinématographiques, ici) en italique dans un texte imprimé, doivent être soulignés lorsqu’on les écrit à la main. Enfin, les abréviations, telles que & pour and, sont à proscrire. La compréhension du texte source, dont le lexique est pourtant d’un emploi courant, a constitué la deuxième difficulté. Si la précision et la sensibilité sont les qualités principales d’un bon traducteur, il est clair que, pour tirer profit de ces qualités, on doit obligatoirement maîtriser à la fois la langue source et la langue cible. Les contresens et les non-sens montrent que chez certains candidats le texte source n’est pas compris. La méconnaissance de termes tels que “ sectaires ”, “ éclectiques ” (rendu parfois par electric ou encore electrical), “ composite ” (confondu avec composé de), “ torpeur ” (confondu avec peur) a multiplié les fauxsens. De même, “ ils avaient une forte prévention contre ” (they were strongly biased / prejudiced against) a donné lieu à un calque * they had a strong prevention against. La portée de certains éléments n’a pas toujours été correctement analysée, ce qui montre à nouveau la nécessité de s’interroger sur l’ordre des mots dans le texte source et, comme nous venons de le rappeler, sur la ponctuation. La position postnominale de l’adjectif dans “ leur passion première ”, segment souvent compris et traduit comme leur première passion / their first passion, est à prendre en compte. Il fallait proposer their main passion. Il en va de même dans le segment “ le cinéma était, plus qu’un art, une évidence ”. En effet, le syntagme “ une évidence ” ne peut être interprété comme la fin d’une énumération et “ plus qu’un art ” est bien une incise. On remarquera au passage qu’évidence est un faux ami. Parmi les propositions intéressantes des candidats vigilants, on peut mentionner something obvious, a fact of life ou encore something taken for granted. Une lecture trop rapide de l’incise qui rapporte les paroles des personnages, “ mais tout de même, disaientils, Marienbad, quelle merde ! ”, a entraîné un contresens lorsque le candidat a fait porter “ mais tout de même ” sur “ disaient-ils ”, alors que ce segment va avec “ Marienbad, quelle merde ! ”. “ disaient-ils ” est une incise qui indique que ce qui précède et ce qui suit sont du discours rapporté même si les guillemets ont été omis. Un rétablissement de la ponctuation appropriée à un dialogue était envisageable. En anglais, on ne met pas de tiret avant les paroles de chaque interlocuteur, les guillemets sont notés “...” et entourent les propos effectivement prononcés. Ainsi : “But, still,” they would say, “what a load of shit Marienbad is!” Une lecture attentive permet également de ne pas omettre des nuances du texte. Si l’on traduit “ personne avant eux n’avait su comprendre ” par anyone before them had et non par anyone before them had been able to do, la notion de capacité disparaît et la traduction n’est donc pas acceptable. Lexique, constructions lexicales et tournures idiomatiques Lexique courant Une maîtrise du vocabulaire courant est indispensable. Le texte aborde le thème du cinéma, mais le lexique n’est pas technique, et n’aurait pas dû présenter de difficultés. Néanmoins, il importe de connaître les différences de sens, d’emploi et de registre du lexique de la langue cible. Les verbes recall et remind proposés pour traduire “ ils s’en souvenaient toujours ” et “ dont ils se souvenaient depuis l’âge de quinze ans ” ne conviennent pas, le premier pour des raisons de niveau de langue, le second pour des questions de syntaxe et de sémantique. Il s’agit en effet d’un verbe à double complémentation to remind somebody of something. Il faut aussi tenir compte du fait que, pour un même lexème, ici “ se souvenaient ”, on ne trouve pas systématiquement la même traduction. Si they had never forgotten them convient pour la première occurrence, on préférera pour la seconde which they had kept in mind since they were fifteen. La même remarque vaut pour les noms appointment, date et rendez-vous, qui ont chacun leur propre champ d’application, qu’il faut veiller à respecter. Pour traduire “ sans s’être donné rendez-vous ”, syntagme négatif, l’adverbe unexpectedly figurant dans certaines copies est une proposition intéressante, de même que they met by chance. La traduction de “ petits cinémas de quartier ” par nickelodeons ou those little neighbourhood cinemas, ou encore celle de “ exagérée ” par inordinate témoignent de l’intérêt de certains candidats pour le vocabulaire et pour la langue anglaise et d’un effort de mémorisation. L’abondance des adjectifs “ étonnantes ”, “ somptueuses ”, “ fulgurantes ” permettait aux candidats de mettre en valeur leurs acquis: astounding, amazing, striking, breathtaking, stunning, dazzling. Malheureusement certains se sont contentés de wonderful, great, ou encore beautiful. La présence de la métaphore “ et non pas comme forme balbutiante ” devait faire l’objet d’une analyse. Les choix lexicaux opérés font appel au bon sens. Les traductions comportant shape, fitness sont à écarter, de même que celles qui proposent stammering ou mumbling. A défaut d’avoir pensé à not in its early stages, ou not as a budding art form, une proposition du type not at its beginnings, même si elle représente une sous-traduction, aurait pu convenir. Les verbes qui se construisent avec une préposition (et ceux qui se construisent avec une particule adverbiale) doivent faire l’objet d’une révision sérieuse. Il fallait dans ce texte opérer une discrimination entre swear by / swear on / swear to (c’était swear by qui convenait ici), ainsi qu’entre belong to / belong with pour les prépositions et grow / grow up pour les particules adverbiales. Calques Les candidats disposant d’un lexique trop restreint ont eu recours à des calques irrecevables, those little *quarter cinemas mais aussi ravish pour “ ravissent ” (= enchant), *critic sens ou *critical senses pour “ sens critique ”(= sense of discernment), *cry to genius pour “ crient au génie ” (= hail genius), et swollen pour “ gonflées d’envolées lyriques ” (= filled with lyrical flights of fancy). A noter que “ gonflées de ” est distributif : il fallait lire “ gonflées d’envolées lyriques, (gonflées) d’images somptueuses, (gonflées) de beautés fulgurantes et presque inexplicables ”, d’où la traduction de “ beautés ” par un singulier générique with dazzling and almost inexplicable beauty. Autre source de calque, “ un seul ”, devant l’énumération de noms propres de réalisateurs, devait donner lieu à une transposition en utilisant un adverbe only swear by Eisenstein (souvent confondu avec Einstein!). “ Encore ” peut se traduire de nombreuses façons en fonction du contexte. Ici, dans “ ou encore ”, l’énumération se poursuit. Il fallait opter pour or even plutôt que or else ou or still. Ces choix relèvent de nouveau de la bonne compréhension du texte source. Quelquefois, les calques ont donné lieu à des barbarismes tels que cinephiles, les termes appropriés 59 étant movie buffs, movie addicts, ou encore cinema-goers. Des confusions sur des lexèmes phonétiquement et sémantiquement proches, comme owe / own par exemple, montrent combien une préparation rigoureuse est nécessaire, laquelle implique également une révision systématique des faux-amis. “ Sympathie ” ne pouvait être traduit par sympathy, qui dénote aujourd’hui la compassion : liking ou fondness convenaient mieux. De plus, la longueur de la phrase “ Ils avaient une forte prévention contre ” a fait perdre de vue à certains candidats que “ une sympathie presque exagérée ” est le deuxième complément du verbe “ avaient ”. Un étoffement du verbe était une manière élégante de relancer le rythme de cette phrase complexe : They were highly prejudiced against …and they harboured an almost excessive liking for. En revanche, il fallait respecter le choix de l’auteur et répéter “ Ils aimaient ” en traduisant chaque occurrence par They liked ou they loved. Ce choix s’intègre dans une énumération et contribue au rythme spécifique du texte. Parmi les choix de l’auteur figure également l’emploi d’un terme grossier, que certains candidats, par pudeur peut-être, ont choisi d’ignorer. Une traduction n’est pas un exercice de censure, et shit est recevable, puisqu’il correspond au registre de langue du texte source, à condition bien sûr de se souvenir qu’en raison de son caractère indénombrable, il faut le faire précéder du quantifieur complexe a load of . L’ignorance de l’équivalent idiomatique de l’expression “ il faut de tout pour faire un monde ” (it takes all sorts que quelques correcteurs ont tout de même eu le plaisir de rencontrer) n’est pas répréhensible en soi. Encore fallait-il que la solution envisagée fût grammaticalement correcte. De même, les titres de films non traduits n’ont pas fait l’objet d’une pénalité, mais une bonification a été accordée aux candidats qui les ont traduits avec bonheur, montrant ainsi un certain degré d’érudition cinématographique. Orthographe et détermination La rigueur du futur professeur se retrouve dans sa maîtrise de l’orthographe. Il se doit d’exiger de lui-même ce qu’il exigera de ses élèves. Chaque faute est pénalisée, et une accumulation peut se révéler préjudiciable. Les correcteurs regrettent d’avoir rencontré *somptuous, exagerated, gorgious, costumers (pour customers), equiped, loose, genious. “ D’emblée ” a suscité des traductions recevables mais posant problème quant à l’orthographe. Rappelons les formes correctes : straightaway (en un mot), right away (en deux mots), right from the beginning (doublement du n). Dès la première phrase de sa traduction, en proposant soit Above all there was the cinema, soit Above all there was the movies, le candidat révèle le choix qu’il a opéré entre anglais britannique et anglais américain. Il faut néanmoins que ce choix soit cohérent par la suite, notamment par l’orthographe de mots tels que theatre / theater, neighbourhood / neighborhood. The movies désigne un collectif, d’où there was, au singulier. Le pronom reprenant ce collectif sera it. De manière générale, les déterminants et les déictiques doivent faire l’objet d’une étude approfondie. La discrimination these / those / the doit être maîtrisée. Le déterminant the a été source d’erreurs dans “ ils aimaient la conquête de l’espace, du temps, du mouvement ”. To conquer était à proscrire, dans la mesure où le sujet “ ils ” ne participe pas à cette conquête. Par ailleurs, le terme “ conquête ” était ici proche de maîtrise. Y voir une notion d’invasion constituait un contre-sens. Les compléments du nom ne sont pas déterminés et renvoient à une notion. Il convenait donc de garder la structure the conquest of space, time and movement et non pas *the space, time and movement conquest. Notons que dans une énumération en anglais le dernier élément doit être coordonné aux autres par and, précédé d’une virgule. L’utilisation abusive des adjectifs substantivés a été préjudiciable. “ Ces esprits étroits ” (= those narrowminded people who only swear by Eisentein,) mais pas *those narrow-minded who où il y a incompatibilité entre la classe entière et ceux que l’on détermine à l’aide de those who. “ Une clientèle composite de chômeurs ” = a motley collection of unemployed people, et non *a collection of the unemployed, pour les mêmes raisons. D’autres candidats ont opté pour une extension pas toujours appropriée ou qui marque un changement de point de vue ; ainsi “ algériens ”devient dans plusieurs copies Muslims. Le candidat ne pouvait-il tenter Algerians ? Le déterminant the se retrouvait au niveau des couleurs dans “ le rouge léger de la robe de Cyd Charisse tranche sur le rouge sombre du canapé de Robert Taylor ”. Une bonne analyse de la portée des éléments permettait de constater que les génitifs Cyd Charisse’s light red dress et Robert Taylor’s dark red couch ne respectent pas le texte. L’accent est mis précisément sur ces couleurs. Il faut donc conserver la topicalisation the light red of Cyd Charisse’s gown... the deep red of Robert Taylor’s settee. Il en va de même pour every et each qui ont parfois posé problème lors de la traduction de “ “ Ils s’y adonnaient chaque soir, ou presque ”. Every et each sont tous deux suivis d’un singulier. Pour every la notion de totalisation apparaît après celle de parcours, alors que each renvoie à chaque élément séparé. On optera ici pour la totalisation they indulged in it almost every evening. Agencement syntaxique Si la mémorisation de listes de vocabulaire est conseillée, il est impératif d’y associer une maîtrise de l’emploi des termes acquis, des constructions et des collocations appropriées. Ainsi pour traduire “ Ils ne manquaient pas de goût ”, lack peut être construit de deux manières, they didn’t lack taste ou they weren’t lacking in taste. Il était préférable de respecter encore une fois le choix de l’auteur qui consistait à avoir recours à une forme négative pour exprimer une nuance supplémentaire. They had (good) taste est une sous-traduction. Les adjectifs et les adverbes Les adjectifs, et notamment les adjectifs composés, ont donné lieu à de surprenantes propositions. Rappelons que si l’adjectif en français peut occuper une position post- ou prénominale, en anglais l’adjectif épithète se place devant le nom et est invariable. Les adjectifs placés après le nom sont le plus souvent des participes passés suivis d’un complément. Une occurrence recevable illustre ce point : those films [which are] reputed to be great (et non *reputated), pour “ ces films réputés géniaux ”. Les candidats n’ont pas toujours eu la distance requise par rapport à la langue source pour veiller à la correction des constructions. De telles erreurs de syntaxe élémentaire se retrouvent dans la traduction de “ ces salles sans grâce, mal équipées ” (= those unattractive and ill-equipped places), sachant qu’un adjectif ne peut être modifié que par un adverbe comme dans ill-equipped ou badly-equipped et non *bad-equipped ; “ beautés fulgurantes et presque inexplicables ” (= dazzling and almost inexplicable beauty), et sachant que almost s’emploie à propos de ce qui n’est pas mesurable. Il s’impose également dans “ une sympathie presque exagérée ” (= an almost excessive liking) ; “ le cinéma dit sérieux ” (= the so-called serious cinema) où la construction de l’adjectif faisait appel à la fonction adverbiale de so. Le calque *the cinema said serious, auquel ont eu recours un grand nombre de candidats, était à exclure. Une périphrase du type the cinema which was qualified serious masquait mal une carence lexicale. Les correcteurs s’aperçoivent également que la construction du comparatif (et du superlatif) est méconnue. Dans “ leur faisait trouver plus belles encore les œuvres que ”, plus belles que doit être rendu par more beautiful than et non *beautifuller than. Soulignons le fait que than et non that permet de construire le comparatif comme dans more than an art form. Enfin, l’intensif too, nécessaire dans too sectarian et too eclectic n’est suivi du quantifieur much que devant un nom (comparez too much work / too tired / much too tired). Autre élément de la phrase mal maîtrisé, la place de l’adverbe. Elle dépend de la catégorie de celui-ci. Les candidats pourront se reporter utilement à une grammaire. Ainsi “ ils l’avaient toujours connu” (= it had always been there / they had always known it), “ il leur semblait parfois ” (= they sometimes felt / it sometimes seemed to them), “ ils allaient rarement au concert ” = they hardly ever went to concerts étaient recevables. Pour “ ils s’y adonnaient chaque soir, ou presque ”, la proposition they nearly indulged in it every evening signale une mauvaise lecture du texte et de la portée de l’adverbe. Conjonctions de subordination et pronoms relatifs Il importe que le candidat ait bien assimilé, au cours de sa préparation, les diverses formes et fonctions des conjonctions de subordination et des pronoms relatifs. De nombreux candidats ont préféré, à tort, un calque tel que *for little that, *for least that, *for less that pour rendre “ pour peu que ”. A défaut d’avoir pensé à as long as, ou whenever, les conjonctions if, if only, ou plus 61 simplement when, quoique représentant des sous-traductions, auraient pu convenir. Les pronoms relatifs associés à des prépositions sont souvent mal utilisés. Dans “ appartenaient à cette première génération pour laquelle le cinéma fut, plus qu’un art, une évidence ”, la tournure prépositionnelle exige for which ou for whom. Le génitif exprimé dans “ ces films réputés géniaux dont ils avaient la liste ” se construit comme suit : those films reputed to be outstanding, the list of which.... Il fallait en revanche se détacher de la relative “ qu’étaient, par exemple ”, qui introduisait les titres de films. Il s’agissait de prévenir que des exemples suivaient : such as est tout indiqué et ne trahit pas les choix syntaxiques de l’auteur. Like pose un problème de registre, *that were constitue un calque agrammatical. Une discrimination entre l’emploi de like et celui de as s’imposait pour traduire “ comme dans Ils n’étaient, ni trop sectaires, comme ces esprits obtus qui… ni trop éclectiques, comme des individus infantiles qui ”. La préposition “ comme ” exprime la comparaison, as peut être préposition mais signifie alors en tant que, ce qui ne convient pas ici. Les référents Identifier les référents est essentiel pour une bonne compréhension du texte, nous l’avons mentionné plus haut. Le choix des pronoms a également posé problème. “ Personne ” n’est pas traduit systématiquement par no one / nobody. Le groupe auquel ce pronom renvoie doit d’abord être identifié. Dans “ ils le comprenaient mieux que personne avant eux n’avait su le comprendre ” (= they understood it better than anyone before them had been able to, et non *they understood it better than no one / nobody before them had been able to), la comparaison établit un lien entre they et la classe anyone before them, qui comprend tous les autres cinéphiles. No one indiquerait que cette classe est vide. Enfin les agencements syntaxiques devaient tenir compte des constructions parallèles qui reflètent l’exhaustivité que Georges Perec cherche à rendre. Une analyse fine et une sensibilité au texte et à la langue source permettaient au traducteur de ne pas trahir le rythme qui résulte de l’attribution d’un complément à chaque substantif dans “ le tourbillon des rues de New York, la torpeur des tropiques, la violence des saloons ”. The bustle of the streets of New York, the languor of the tropics, and the violence of saloons respecte cet agencement tandis que the bustling streets of New York, the tropical torpor and the violence in the saloons le rompt. On remarque une autre construction parallèle dans “ qu’elles les entraînent, les ravissent, les fascinent ”. Il fallait proposer trois termes de même nature, soit trois verbes they carried them away, enchanted them and fascinated them, soit trois adjectifs they were captivating, enchanting and fascinating. Temps et aspect Le texte est écrit à l’imparfait, temps de la description dans le passé en français. Les faits sont ancrés dans le passé, mais donnent lieu à des interprétations sémantiques, l’itération en particulier. Il faut donc que le traducteur décide si l’imparfait a une valeur temporelle ou aspectuelle. Les adverbes toujours, parfois, rarement, les compléments de temps (chaque soir), les conjonctions (pour peu que), et le sémantisme des verbes appartenaient, aimaient, tentaient, indiquent qu’il s’agit d’un passé de type itératif qui peut s’exprimer soit par –ed, soit par would, soit par used to, mais pas indifféremment. La position du narrateur doit être prise en compte et permet d’éliminer used to. Le narrateur n’a pas la distance nécessaire par rapport au temps (time) des événements narrés pour insister sur une rupture totale avec le passé. En effet, son récit semble être un témoignage recueilli au moment des événements et non lorsque les personnages ont cessé d’agir. Remarquons au passage que certains candidats qui ont opté pour des solutions avec used to, seraient bien avisés de réviser la structure qui ne se construit pas *they used to going to concerts, *they used meet up without having planned to mais they used to go / they used to meet. La solution la plus économique était –ed. Il est absolument nécessaire que les candidats s’assurent qu’ils connaissent les verbes irréguliers, les fautes, malheureusement nombreuses dans les copies, étant inadmissibles à ce niveau. Would pouvait être utilisé, mais avec parcimonie. Là encore, il est indispensable de vérifier les constructions car *would went et *would met ont été rencontrés ! Il était possible, dans le cadre d’une vérité générale, d’utiliser le présent, par exemple dans le segment “ ces esprits obtus qui ne jurent que par… / … des individus infantiles qui perdent tout sens critique et crient au génie ”, car ces segments aoristiques relèvent de la définition. Le sémantisme des verbes est parfois à l’origine de l’exclusion d’un temps. C’est le cas de be + ing pour traduire l’imparfait de “ devaient, appartenaient, aimaient, comprenaient ”. Inversement, l’obligation d’utiliser le past perfect écarte certains verbes. C’est le cas pour le verbe “ se souvenir ”. “ Ils s’en souvenaient toujours ” pouvait être traduit par they had never forgotten them ou they still remembered them, “ toujours ” indiquant une continuité. Dans “ dont ils se souvenaient depuis l’âge de quinze ans ”, l’expression de la durée est incompatible avec le sémantisme de remember. Si l’on choisit un autre verbe, le past perfect et même une forme be + ing avec for (et non since) sont recevables : they had kept in mind / they had been thinking about / the existence of which they had been aware of / they had not forgotten. Conseils aux futurs candidats Toutes ces remarques montrent clairement qu’on ne peut pas se présenter à l’épreuve de traduction du CAPES sans une préparation sérieuse. En amont, l’apprentissage régulier de lexique en relation avec son agencement syntaxique, d’expressions idiomatiques, au fil des lectures (romans, presse) ou par le biais d’autres documents authentiques (radio, télévision, DVD), l’effort nécessaire de mémorisation, un intérêt pour la langue et pour la civilisation étudiées, devraient permettre à chaque candidat d’acquérir les connaissances requises. Au cours de cette préparation, le candidat doit consulter régulièrement grammaires et dictionnaires anglais et français. Une connaissance solide des caractéristiques de la langue source et de la langue cible permet d’appréhender l’exercice de traduction et d’éviter les calques. Le candidat devrait se convaincre de la nécessité de lire le texte très attentivement, et ce plusieurs fois avant de commencer à le traduire. Un entraînement régulier à l’épreuve garantit une meilleure gestion du temps imparti. En effet, dans un grand nombre de copies, les erreurs dues à des calques lexicaux ou syntaxiques se situent davantage vers la fin de la copie. De toute évidence, le candidat n’a pas eu le temps de se livrer à l’analyse requise pour une traduction réussie. Une bonne gestion du temps permet aussi une relecture attentive de la copie, ce qui limite le risque de fautes d’étourderie, d’oubli de certains segments, que ce soit lors de la traduction ou lors du recopiage, 63 et permet de traquer les fautes de grammaire et les incohérences, en particulier pour ce qui concerne l’accord des pronoms utilisés dans une même phrase. Si, lors de la relecture, le candidat s’aperçoit qu’il lui faut apporter des corrections, il doit impérativement le faire en s’assurant qu’il remettra une copie sans ratures, non surchargée de blanc correcteur, et écrite lisiblement. Le futur professeur d’anglais doit faire preuve de rigueur et d’organisation afin d’être un bon modèle pour ses élèves. Bibliographie sommaire AYME, Claude ; Auzac de Lamartine, Evelyne ; Lagayette, Pierre ; Thomson, Jean-Max ; Waddle, Robin ; La Traduction orale et écrite, Paris : Editions du Temps, 1998. CHUQUET, Hélène et Paillard, Michel; Approche Linguistique des problèmes detraduction, Paris : Ophrys, 1987. DUBOS, Ulrika ; L'explication grammaticale du thème anglais, Paris : Nathan, 1990. GRELLET, Françoise ; Initiation au thème anglais : The Mirrored Image, Paris :Hachette, 1994. GROUSSIER, Marie-Line ; Groussier, Georges ; Chantefort, Pierre ; Grammaireanglaise : Thèmes construits, Paris : Hachette, 1994. HOLSTEAD, John & Thomson, Jean-Max ; Thème(s) d'aujourd'hui, Paris : Vuibert, 1997. HOLSTEAD, John & Thomson, Jean-Max ; Anglais, Thèmes suivis , Paris : Vuibert, 1999. JOLY, André & O'Kelly, Dairine ; Thèmes anglais : lexique et grammaire, Paris : Nathan, 1993. PAILLARD, Michel ; Lexicologie contrastive anglais -français : formation des mots et construction du sens, Paris : Ophrys, 2000. RUNCIE, Moira, Oxford Collocations Dictionary for Students of English, Oxford : Oxford University Press, 2003. VAN ROEY, Jacques, Dictionnaire des faux amis, Paris : Duculot, 1991 Proposition de traduction faite par un correcteur : Above all, there was the cinema. And it was probably the only field in which their sensitivity had learnt everything. For this, they owed nothing to outside influences. They belonged, due to their age and training, to that first generation for whom the cinema was less an art form than a fact of life; they had always known it, not in its early stages, but straightaway with its masterpieces and myths. They sometimes felt that they had grown up along with it, and that they understood it better than anyone before them had been able to. They were cinema-goers. The cinema was their main passion; they indulged in it almost every evening. They loved the images, as long as they were beautiful, as long as they carried them away, enchanted and fascinated them. They loved the conquest of space, time and movement, they loved the bustle of the streets of New York, the languor of the tropics, and the violence of saloons. They were neither too sectarian, like those narrow-minded people who only swear by Eisentein, Bunuel or Antonioni alone, or even – for it takes all sorts – by Carné, Vidor, Aldrich or Hitchcock, nor too eclectic, like immature individuals who lose all sense of discernment and hail genius whenever a blue sky is sky blue, or the light red of Cyd Charisse’s gown stands out against the deep red of Robert Taylor’s settee. They did not lack taste. They were highly prejudiced against the so-called serious cinema, which led them to be even more enthusiastic about movies which were not uninteresting despite having this label (but, still, they would say, what a load of shit Marienbad is!), and they harboured an almost excessive liking for westerns, thrillers and American comedies, and for those amazing adventures filled with lyrical flights of fancy, with lavish images, with dazzling and almost inexplicable beauty, such as, for instance – and they had never forgotten them – Lola, The Bad and the Beautiful, Bhowani Junction and Written on the Wind. They hardly ever went to concerts, and even less often to the theatre. But they would run into each other unexpectedly at those little local cinemas, those unattractive and ill-equipped showrooms, whose only patrons seemed to be a motley crowd of unemployed people, Algerians, old bachelors, and cinema-goers, and which screened appallingly-dubbed versions of those unknown masterpieces they had kept in mind since they were fifteen, or those films reputed to be outstanding, the list of which they knew by heart, and which they had been trying to see for years in vain. Exemple de bonne copie : There was, above all, the cinema. And it probably was the only realm in which their sensitivity had learnt everything. For that matter they owed nothing to models. Due to their age and background, they belonged to this first generation for which the cinema was, more than an art, something obvious; they had always known it, and not as an incipient medium, but from the start, with its masterpieces and its mythology. They sometimes had the impression that they had grown up together and that they understood it better than anyone else before them had ever been able to. They loved movies. It was their main passion and they indulged in it every evening, or almost so. They loved pictures, provided they were beautiful, provided they carried them away, ravished them, fascinated them. They loved the conquest of space, of time, of movement; they loved the bustling streets of New York, the torpor of the tropics, the violence of the saloons. They were neither too biased, like those narrow-minded people who dismiss everyone but the one Eisenstein, Bunuel or Antonioni, or else – the world needs a variety of tastes – Carné, Vidor, Aldrich or Hitchcock, nor too eclectic, like some childish people who lose every ounce of critical sense and hail somebody as a genius merely because a blue sky is sky blue or because the light red of Cyd Charisse’s dress sharply contrasts with the dark red of Robert Taylor’s sofa. They did not lack good taste. They were strongly biased against so-called serious cinema, so that they found even more beautiful the works which, despite this qualifier, were still valuable (but then, all the same, they said, Marienbad, that is real crap!) ; they had an almost inordinate liking for westerns, for thrillers, for American comedies and for these baffling adventures, teeming with lyrical speeches, gorgeous pictures and transient and almost unexplainable beauties, such as, for instance – they still remembered them – Lola, la Croisée des destins, les Ensorcelés, Ecrit sur du vent. They hardly ever went to concerts, even less to the theatre. But they would meet, without having planned it, in those small round-the-corner cinemas, those plain, ill-equipped rooms, which seemed to welcome but a heterogeneous group of unemployed people, Algerian people, bachelors and cinema lovers, and which showed, in horrendous non-original versions, those unknown masterpieces which they had remembered since the age of fifteen, or else those allegedly great movies of which they bore the list in mind and which for years, they had been striving to watch, in vain. Rapport rédigé conjointement par Shirley BRICOUT, Félicie PASTORE, Nathalie PIERRET et Bertrand RICHET 65