Joséphine Matamoros - footsteps
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Joséphine Matamoros - footsteps
Joséphine Matamoros tomcarr VISUALISATION DE LA PENSEE | VISUALIZATION OF THINKING 1 Du leporello comme utopie créative à la conceptualisation de l’espace Nous sommes une journée d’octobre à Sant Quirze en Catalogne. 2 tomcarr tistes qui ont une pensée sans cesse en mouvement et qui éprouvent le besoin de traduire leurs réflexions dans l’immédiat, à travers leurs écrits esquissés et leurs utopies. VISUALISATION DE LA PENSEE | VISUALIZATION OF THINKING Commence alors une promenade intellectuelle, dense et riche de contenu autour de l’œuvre conceptuelle de Tom Carr. La réflexion ne porte pas exclusivement sur son travail mais s’ouvre constamment sur des thématiques qui touchent à la philosophie, la sociologie, la politique, la société, l’art, la littérature, la musique, la culture au sens large : éléments qui nourrissent en continu l’œuvre complexe, raffinée et puissante de cet artiste catalano-américain, modeste et discret par nature. Il se révèle en permanence, dans une créativité foisonnante de projets, d’une justesse et précision surprenante qui se traduisent par une remarquable puissance de vision et d’intégration dans l’espace. De la définition de leporello au concept spatial… Le terme de leporello définit une technique de pliage en accordéon qui rappelle la forme du paravent. Tom Carr emploie depuis de nombreuses années cette curieuse méthode qui sert de support à sa réflexion. Assis à sa table de travail, méthodiquement, l’artiste avec agilité et rapidité, découpe des bandes de dix-huit centimètres de hauteur par un mètre de longueur et forme alors un pliage très précis de 18x12.5cm de papier de fort grammage, qui constitue la base de son travail préparatoire à tous les projets. Il prépare à l’avance d’une manière artisanale et avec une grande exactitude un grand nombre de leporellos qui lui permettront en tout lieu, atelier, train, avion, salles d’attente… de fixer ses idées sous forme de petits dessins esquissés avec exactitude et qui ont la particularité de développer une idée par page. Le leporello est utilisé d’un seul côté afin de pouvoir le visualiser d’un seul coup d’œil à son ouverture ou dépliage, rarement il inscrit quelques notes en anglais au dos. Dans son atelier, plusieurs boîtes façonnées par lui-même au bon format, contiennent la totalité de sa réflexion, ces archives dessinées retracent la pensée plastique de l’artiste depuis de longues années. Tom Carr travaille planche après planche, en suite continue de dessins et de notes. Cette grande technique de dessins à la japonaise lui permet une utilisation optimale dans la rapidité de la réalisation, et donne une perception presque baroque du concept même de l’idée en cours de gestation. Cette expression très riche rappelle le foisonnement des dessins de Léonard de Vinci, mais aussi celle des ar- Il dessine pour fixer ses idées, comme autant de notes de musique sur une partition musicale qui s’écrit au rythme de la composition, comme autant de réflexions qui au fur et à mesure des pages du leporello, s’affirment, prennent corps et se retrouveront plus tard sur des projets définitifs. Chaque leporello peut être défini comme un carnet de réflexion mais aussi de voyage, facile à glisser dans une poche, il inscrit sur chacun d’entre eux le lieu et la date du projet développé, autant de titres et dates qui jalonnent ensuite ses pensées et ses réalisations. La naissance des leporellos commence par une réflexion intense au niveau conceptuel, ensuite Tom Carr a la faculté de traduire ses réflexions sous forme de visions en plusieurs dimensions, et à l’échelle, il les traduit par une série de dessins qui redonnent dans l’immédiateté la vision mentale de l’idée en gestation. Commence alors l’élaboration complexe d’un travail mental spatial, qu’il faut traduire et situer dans l’espace par une infinité de dessins. Matisse, l’été 1905 à Collioure, a réalisé une centaine d’aquarelles, exactement comme s’il s’agissait de notes, qui lui ont permis de mieux comprendre les réflexions qu’il était entrain d’élaborer mentalement, et qui ont conduit à l’avènement du fauvisme. Auguste Herbin dans ses carnets, dessinait la pièce géométrique qu’il imaginait et dans chaque élément géométrique qui constituait son alphabet, il inscrivait la couleur qu’il voyait clairement dans sa tête, ainsi la composition de l’œuvre lui apparaissait clairement sans tâtonnement et dans sa plus grande diversité. Ces méthodes de traduction de la pensée par des dessins clarifient considérablement les idées et permettent d’avancer avec justesse dans l’espace. Après ce voyage «initiatique» en quelque sorte, aussi bien l’artiste que le lecteur s’en trouvent profondément changés et de surcroît avec une acuité d’une extrême sensibilité. Ainsi ce procédé hautement intellectuel voire intellectualisé, permet à l’artiste de trouver un chemin qui le conduira ensuite vers l’élaboration de l’œuvre finale et juste, par rapport à un espace environnemental. Les œuvres de Tom Carr permettent de se confronter à la création conceptuelle, qui ne nous laisse pas sans questionnement, elle s’immisce au plus profond, jusqu’à arriver à entrer soi-même dans une sorte d’initiation, et trouver seul la voie qui nous conduit à entendre et comprendre le cheminement intellectuel de l’artiste et le fonctionnement de l’œuvre finale. 3 Du leporello comme utopie créative à la conceptualisation de l’espace 4 Nous sommes une journée d’octobre à Sant Quirze en Catalogne. Le leporello substrat et matière. Et là commence le plaisir… Le leporello élaboré par Tom Carr continue à vivre par lui-même. Constamment, l’artiste améliore les données conceptuelles, matérialise et affine sans cesse son i dée. Ensuite il se rend dans le site ou il souhaite installer son travail. Il voyage ainsi à travers le monde et s’installe pour des périodes plus ou moins longues, qui lui permettent d’appréhender l’espace dans le lieu, la ville ou la campagne choisie (choisis ?). Il vit sur place et s’imprègne de l’atmosphère, de l’histoire, de la vie quotidienne à travers un travail visuel intense, dont le support en est la photographie. Tom Carr évoque avec délectation les divers plaisirs intenses qu’il éprouve. L’angoisse de la feuille blanche et de la maîtrise du temps face à un nouveau projet qui très vite se transforme en plaisir de la trouvaille, de la solution attendue. Il réalise alors des centaines de photographies numériques. Il prend infiniment de clichés d’un même lieu, la plupart du temps sous forme de photos panoramiques. Ces images photographiques lui servent uniquement de béquille pour imaginer l’espace avec exactitude. C’est ainsi qu’il arrive à comprendre et saisir l’espace matériel et immatériel du lieu, l’esprit particulier qui s’en dégage. Mais il s’attache aussi à comprendre le fonctionnement d’une ville ou d’un site, ses problématiques, et trouver alors l’espace exact de l’intervention. L’artiste ne se fie pas uniquement à ses notes dessinées, lorsqu’il n’arrive pas à trouver le bon chemin, il a besoin parfois de visualiser l’espace sous forme de maquettes en trois dimensions, voire de travailler sur plans, ce qui a été le cas pour l’agora au siège de la Société Générale à la Défense à Paris, pour la pièce : Seed and Helix. C’est en dessinant directement sur les plans qu’il a pu trouver la solution adéquate, qui pour cette œuvre précise, devait s’inscrire dans une architecture bâtie et déjà existante. L’atelier : lieu de transformation. L’atelier joue un rôle de passeur, passeur de leporellos du petit format 18x12.5cm au grand format 30x22cm, où les dessins prennent plus d’ampleur, où les projets prennent corps. C’est également sur les écrans des ordinateurs ultra sophistiqués de l’atelier, que la magie de l’image s’opère et que l’artiste avec délectation promène la souris d’un écran à l’autre, faisant glisser les images, les agrandissant, utilisant toutes les techniques de l’informatique pour montrer les villes, les quartiers à l’échelle, avec des vues panoramiques vertigineuses et surprenantes. A travers ces images réelles, le projet final s’élabore et la compréhension de l’idée esquissée dans l’utopie du leporello prend alors sa dimension réelle. Elle vous surprend, vous séduit et vous entraîne alors dans le paysage en une inscription parfaite, tout en finesse. Commence alors une nouvelle écriture poétique, sensuelle, d’un geste maîtrisé qui garde et traduit l’essence même de l’idée plastique de la réflexion philosophique de l’artiste. Plaisir également de passer d’un projet à un autre dans un même laps de temps. Délectation lorsque le projet prend corps à l’atelier et qu’enfin il devient lisible et juste. Plaisir de l’installation définitive au centimètre près lorsque la résonance optimale avec l’œuvre prend corps et trouve sa place. Puis le retrait et la prise de possession par le public, l’œuvre n’appartient plus à l’artiste, il devient alors voyeur de son propre travail, et les échanges entre public et artiste sont autant de traits d’union, de dialogues qui amènent une autre forme du voir, vers une nouvelle histoire, celle de l’œuvre face à son propre destin. Joséphine Matamoros tomcarr tistes qui ont une pensée sans cesse en mouvement et qui éprouvent le besoin de traduire leurs réflexions dans l’immédiat, à travers leurs écrits esquissés et leurs utopies. VISUALISATION DE LA PENSEE | VISUALIZATION OF THINKING Commence alors une promenade intellectuelle, dense et riche de contenu autour de l’œuvre conceptuelle de Tom Carr. La réflexion ne porte pas exclusivement sur son travail mais s’ouvre constamment sur des thématiques qui touchent à la philosophie, la sociologie, la politique, la société, l’art, la littérature, la musique, la culture au sens large : éléments qui nourrissent en continu l’œuvre complexe, raffinée et puissante de cet artiste catalano-américain, modeste et discret par nature. Il se révèle en permanence, dans une créativité foisonnante de projets, d’une justesse et précision surprenante qui se traduisent par une remarquable puissance de vision et d’intégration dans l’espace. De la définition de leporello au concept spatial… Le terme de leporello définit une technique de pliage en accordéon qui rappelle la forme du paravent. Tom Carr emploie depuis de nombreuses années cette curieuse méthode qui sert de support à sa réflexion. Assis à sa table de travail, méthodiquement, l’artiste avec agilité et rapidité, découpe des bandes de dix-huit centimètres de hauteur par un mètre de longueur et forme alors un pliage très précis de 18x12.5cm de papier de fort grammage, qui constitue la base de son travail préparatoire à tous les projets. Il prépare à l’avance d’une manière artisanale et avec une grande exactitude un grand nombre de leporellos qui lui permettront en tout lieu, atelier, train, avion, salles d’attente… de fixer ses idées sous forme de petits dessins esquissés avec exactitude et qui ont la particularité de développer une idée par page. Le leporello est utilisé d’un seul côté afin de pouvoir le visualiser d’un seul coup d’œil à son ouverture ou dépliage, rarement il inscrit quelques notes en anglais au dos. Dans son atelier, plusieurs boîtes façonnées par lui-même au bon format, contiennent la totalité de sa réflexion, ces archives dessinées retracent la pensée plastique de l’artiste depuis de longues années. Tom Carr travaille planche après planche, en suite continue de dessins et de notes. Cette grande technique de dessins à la japonaise lui permet une utilisation optimale dans la rapidité de la réalisation, et donne une perception presque baroque du concept même de l’idée en cours de gestation. Cette expression très riche rappelle le foisonnement des dessins de Léonard de Vinci, mais aussi celle des ar- Il dessine pour fixer ses idées, comme autant de notes de musique sur une partition musicale qui s’écrit au rythme de la composition, comme autant de réflexions qui au fur et à mesure des pages du leporello, s’affirment, prennent corps et se retrouveront plus tard sur des projets définitifs. Chaque leporello peut être défini comme un carnet de réflexion mais aussi de voyage, facile à glisser dans une poche, il inscrit sur chacun d’entre eux le lieu et la date du projet développé, autant de titres et dates qui jalonnent ensuite ses pensées et ses réalisations. La naissance des leporellos commence par une réflexion intense au niveau conceptuel, ensuite Tom Carr a la faculté de traduire ses réflexions sous forme de visions en plusieurs dimensions, et à l’échelle, il les traduit par une série de dessins qui redonnent dans l’immédiateté la vision mentale de l’idée en gestation. Commence alors l’élaboration complexe d’un travail mental spatial, qu’il faut traduire et situer dans l’espace par une infinité de dessins. Matisse, l’été 1905 à Collioure, a réalisé une centaine d’aquarelles, exactement comme s’il s’agissait de notes, qui lui ont permis de mieux comprendre les réflexions qu’il était entrain d’élaborer mentalement, et qui ont conduit à l’avènement du fauvisme. Auguste Herbin dans ses carnets, dessinait la pièce géométrique qu’il imaginait et dans chaque élément géométrique qui constituait son alphabet, il inscrivait la couleur qu’il voyait clairement dans sa tête, ainsi la composition de l’œuvre lui apparaissait clairement sans tâtonnement et dans sa plus grande diversité. Ces méthodes de traduction de la pensée par des dessins clarifient considérablement les idées et permettent d’avancer avec justesse dans l’espace. Après ce voyage «initiatique» en quelque sorte, aussi bien l’artiste que le lecteur s’en trouvent profondément changés et de surcroît avec une acuité d’une extrême sensibilité. Ainsi ce procédé hautement intellectuel voire intellectualisé, permet à l’artiste de trouver un chemin qui le conduira ensuite vers l’élaboration de l’œuvre finale et juste, par rapport à un espace environnemental. Les œuvres de Tom Carr permettent de se confronter à la création conceptuelle, qui ne nous laisse pas sans questionnement, elle s’immisce au plus profond, jusqu’à arriver à entrer soi-même dans une sorte d’initiation, et trouver seul la voie qui nous conduit à entendre et comprendre le cheminement intellectuel de l’artiste et le fonctionnement de l’œuvre finale. 5 6 Le leporello substrat et matière. Et là commence le plaisir… Le leporello élaboré par Tom Carr continue à vivre par lui-même. Constamment, l’artiste améliore les données conceptuelles, matérialise et affine sans cesse son i dée. Ensuite il se rend dans le site ou il souhaite installer son travail. Il voyage ainsi à travers le monde et s’installe pour des périodes plus ou moins longues, qui lui permettent d’appréhender l’espace dans le lieu, la ville ou la campagne choisie (choisis ?). Il vit sur place et s’imprègne de l’atmosphère, de l’histoire, de la vie quotidienne à travers un travail visuel intense, dont le support en est la photographie. Tom Carr évoque avec délectation les divers plaisirs intenses qu’il éprouve. L’angoisse de la feuille blanche et de la maîtrise du temps face à un nouveau projet qui très vite se transforme en plaisir de la trouvaille, de la solution attendue. Il réalise alors des centaines de photographies numériques. Il prend infiniment de clichés d’un même lieu, la plupart du temps sous forme de photos panoramiques. Ces images photographiques lui servent uniquement de béquille pour imaginer l’espace avec exactitude. C’est ainsi qu’il arrive à comprendre et saisir l’espace matériel et immatériel du lieu, l’esprit particulier qui s’en dégage. Mais il s’attache aussi à comprendre le fonctionnement d’une ville ou d’un site, ses problématiques, et trouver alors l’espace exact de l’intervention. L’artiste ne se fie pas uniquement à ses notes dessinées, lorsqu’il n’arrive pas à trouver le bon chemin, il a besoin parfois de visualiser l’espace sous forme de maquettes en trois dimensions, voire de travailler sur plans, ce qui a été le cas pour l’agora au siège de la Société Générale à la Défense à Paris, pour la pièce : Seed and Helix. C’est en dessinant directement sur les plans qu’il a pu trouver la solution adéquate, qui pour cette œuvre précise, devait s’inscrire dans une architecture bâtie et déjà existante. L’atelier : lieu de transformation. L’atelier joue un rôle de passeur, passeur de leporellos du petit format 18x12.5cm au grand format 30x22cm, où les dessins prennent plus d’ampleur, où les projets prennent corps. C’est également sur les écrans des ordinateurs ultra sophistiqués de l’atelier, que la magie de l’image s’opère et que l’artiste avec délectation promène la souris d’un écran à l’autre, faisant glisser les images, les agrandissant, utilisant toutes les techniques de l’informatique pour montrer les villes, les quartiers à l’échelle, avec des vues panoramiques vertigineuses et surprenantes. A travers ces images réelles, le projet final s’élabore et la compréhension de l’idée esquissée dans l’utopie du leporello prend alors sa dimension réelle. Elle vous surprend, vous séduit et vous entraîne alors dans le paysage en une inscription parfaite, tout en finesse. Commence alors une nouvelle écriture poétique, sensuelle, d’un geste maîtrisé qui garde et traduit l’essence même de l’idée plastique de la réflexion philosophique de l’artiste. Plaisir également de passer d’un projet à un autre dans un même laps de temps. Délectation lorsque le projet prend corps à l’atelier et qu’enfin il devient lisible et juste. Plaisir de l’installation définitive au centimètre près lorsque la résonance optimale avec l’œuvre prend corps et trouve sa place. Puis le retrait et la prise de possession par le public, l’œuvre n’appartient plus à l’artiste, il devient alors voyeur de son propre travail, et les échanges entre public et artiste sont autant de traits d’union, de dialogues qui amènent une autre forme du voir, vers une nouvelle histoire, celle de l’œuvre face à son propre destin. Joséphine Matamoros 7 indoorart 9 wood helix 1997 painted wood variable size 10 11 aqua et tempus 1997 painted wood permanent installation museu d’art modern de tarragona 12 13 studio work 2007 wood and string 14 15 letters on wall 2003 wood and string 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33