Facteurs prédictifs d`envahissement du curage
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Facteurs prédictifs d`envahissement du curage
Université de Rennes 1 Année universitaire 2007 / 2008 Mémoire pour l’obtention du Diplôme Interuniversitaire de Sénologie et Pathologie Mammaire Facteurs prédictifs d’envahissement du curage axillaire en cas de ganglion sentinelle métastatique et évaluation du score prédictif de Tenon : étude rétrospective de 472 patientes Présenté par Véronique THOMAS Directeur de mémoire : Professeur Jean LEVEQUE Centre Régional de Lutte Contre le Cancer Eugène Marquis – Rennes Introduction Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers de la femme – 49 814 nouveaux cas par an en France en 2005 (36,7 % des nouveaux cas de cancers)- et la première cause de mortalité par cancer chez la femme - 11 201 décès par an en France en 2005 (17,7 pour 100 000) - [1]. Le statut des ganglions axillaires est un facteur pronostique majeur du cancer du sein [2] : le curage est la référence pour apprécier leur envahissement, mais au prix d’une importante morbidité [3, 4]. La technique du ganglion sentinelle (GS), décrite en 1993 par Krag et al. [5] et qui consiste en un repérage du premier relais ganglionnaire de drainage axillaire, a une morbidité inférieure à celle du curage [6-8]. Indiqué dans les cancers invasifs de petite taille et classés N0, le GS a pour but d’évaluer le statut ganglionnaire et d’éviter un curage inutile s’il est négatif. Actuellement, il est recommandé, en cas de GS métastasique, de réaliser un curage axillaire. Or, dans 40 à 70 % des cas de ces situations [9-11], les ganglions non sentinelles (GNS) ne sont pas métastatiques, seul le GS est atteint. C’est pour éviter ces 40 à 70 % de curages inutiles, que de nombreux auteurs ont cherché des facteurs prédictifs d’envahissement des GNS lorsque le GS est positif. Certains ont donc proposé des scores [12, 13], dont celui de Tenon auquel nous nous sommes intéressés [14, 15], qui permettraient d’identifier des patientes dont le risque d’envahissement du GNS serait très faible malgré le GS positif et pour lesquelles le curage pourrait alors être évité. Le but de notre étude est de mettre en évidence des facteurs prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastasique, puis de tester le score prédictif proposé par l’équipe de Tenon, sur les données des patientes opérées d’un ganglion sentinelle dans notre service (validité externe du score). 1 Matériel et méthodes La population Notre étude s’est déroulée de manière rétrospective et a repris, de décembre 2003 à décembre 2006, 472 dossiers de patientes chez qui a été pratiquée la technique du GS, dans le Centre Régional de Lutte Contre le Cancer Eugène Marquis de Rennes. Nos critères d’exclusion ont été les suivants : - tumeur mesurée cliniquement ou radiologiquement > 20 mm en pré-opératoire - tumeur inflammatoire - tumeurs multiples - N+ cliniquement - thérapie néo-adjuvante (chimiothérapie ou radiothérapie) - antécédent de chirurgie mammaire ou axillaire homolatérale - femme enceinte ou diabétique - allergie connue - refus de la patiente Toutes les patientes ont eu un diagnostic de cancer prouvé histologiquement, en préopératoire par micro- ou macro-biopsies. La technique du GS et les indications du curage axillaire La technique du GS utilisée était basée sur la double détection : traceur isotopique et colorant bleu. Le traceur isotopique, le sulfure colloïdal technétié (Tc 99m), était injecté la veille de l’intervention en péri-aréolaire et une lymphoscintigraphie était réalisée 2 heures après l’injection afin de localiser et quantifier le(s) GS. Sous anesthésie générale, en début d’intervention, une injection intra-dermique de 2 mL de Bleu Patenté était réalisée en péri-aréolaire, aux points cardinaux de l’aréole. Un massage doux du sein était ensuite réalisé pendant 5 minutes. L’incision était réalisée sur le même trajet que celle d’un curage axillaire, en regard du signal maximal détecté par la sonde isotopique. Les GS ont été repérés par leur couleur bleue et conjointement par la sonde qui détecte leur radioactivité. Nous avons extrait tous les ganglions radioactifs (chauds) et/ou bleus puis nous 2 avons vérifié le creux axillaire : aucun ganglion ne doit être palpé et l’activité résiduelle radioactive doit être égale au bruit de fond. Les GS prélevés ont été analysés immédiatement en extemporané, à l’état frais, par le médecin anatomopathologiste. La technique utilisée était celle des appositions sur lame (technique des « empreintes cytologiques »). Si au moins un des GS présente une métastase, un curage axillaire était systématiquement réalisé dans le même temps opératoire. De même, en cas d’échec de détection du GS, un curage axillaire était réalisé. Une analyse anatomopathologique définitive était ensuite réalisée en différé (par coloration HES et si HES négatif, par immunohistochimie à la recherche de micrométastases et de cellules tumorales isolées) et pouvait donc conduire à une indication de curage axillaire dans un 2ème temps opératoire. Les critères étudiés Les critères relevés pour chaque patiente ont été : l’âge, la localisation de la tumeur primitive, le type de chirurgie (tumorectomie ou mammectomie), la taille histologique de la tumeur, le type histologique (carcinome canalaire infiltrant, carcinome lobulaire infiltrant, autre), la présence d’emboles lymphatiques ou vasculaires, le grade tumoral histopronostic de Scaff Bloom et Richardson (SBR), le statut des récepteurs hormonaux (aux oestrogènes et à la progestérone), le nombre de GS prélevés, le nombre de GS positifs, ces deux dernières variables permettant le calcul d’un ratio (nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés), la présence d’une macrométastase, d’une micrométastase ou de cellules tumorales isolées dans le GS, ainsi que le nombre de GNS prélevés, leur envahissement, et le caractère immédiat ou différé du curage axillaire éventuel. De plus, le score de Tenon a été calculé pour chaque patiente ayant au moins un GS positif, selon la méthode indiquée par ses auteurs [14, 15] : - - taille histologique de la tumeur primitive o ≤ 10 mm : 0 point o 11-20 mm : 1.5 point o > 20 mm : 3 points présence de macrométastase(s) dans le(s) GS o non : 0 point o oui : 2 points ratio [nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés] o < 0,5 : 0 point o 0,5-1 : 1 point o = 1 : 2 points 3 Le total du score est donc compris entre 0 et 7. L’analyse statistique Chaque variable a été testée individuellement afin de mettre en évidence une association significative entre sa présence et l’envahissement des GNS. Nous avons utilisé le test du Chi 2 ou le test exact de Fisher lorsque les conditions de validité du Chi 2 n’étaient pas réunies. Les résultats des tests ont été considérés comme significatifs lorsque la valeur du p était inférieure à 0,05. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS® (SAS Institute Inc, Cary, USA). 4 Résultats Caractéristiques clinico-pathologiques de la population Quatre cent soixante douze patientes ont été incluses dans cette étude. L’âge moyen était de 56.3 ans avec des extrêmes de 29 à 84 ans. Pour 429 patientes (90.9 %), le traitement de la tumeur était conservateur (tumorectomie). Les 43 autres (9.1 %) ont subi une mammectomie. La taille histologique de la tumeur primitive était inférieure à 11 mm pour 257 patientes (54.5 %), comprise entre 11 et 20 mm pour 176 patientes (37.3 %) et supérieure à 20 mm pour 39 (8.3 %). Le type histologique (donc post-opératoire) de la tumeur primitive était un carcinome canalaire infiltrant pour 369 patientes (78.2 %) et un carcinome lobulaire infiltrant pour 58 patientes (12.3 %). Dans 89.5 % des cas, il n’a pas été retrouvé d’embole lymphatique ou vasculaire. Cent quatre vingt douze patientes (43.7 %) avaient un grade histologique SBR égal à 1, 40.3 % des patientes un grade égal à 2 et 12.5 % des patientes un grade égal à 3. Trois cent quatre vingt onze patientes, soit 82.8 %, avaient des récepteurs positifs aux oestrogènes et 70.5 % des patientes avaient des récepteurs positifs à la progestérone. Le tableau 1 résume les caractéristiques cliniques et pathologiques de la population. 5 Caractéristiques Nombre de patientes Localisation de la tumeur QSE ou UQE 187 QSI ou UQS ou UQI 170 QII ou UQI 49 QIE 30 Rétro-aréolaire 19 Traitement chirurgical Tumorectomie 429 Mammectomie 43 Taille histologique de la tumeur primitive < 11 mm 257 11- 20 mm 176 > 20 mm 39 Type histologique de la tumeur primitive CCI 369 CLI 58 Présence d’embols lympho-vasculaires Oui 46 Non 390 Grade histologique SBR 1 192 2 177 3 55 Récepteurs aux oestrogènes Négatifs 81 Positifs 391 Récepteurs à la progestérone Négatifs 139 Positifs 333 GS positif Non 329 Oui 143 Pourcentage de patientes 39,7 % 36,1 % 10,4 % 6,4 % 4% 90,9 % 9,1 % 54,5 % 37,3 % 8,3 % 78,2 % 12,3 % 10,5 % 89,5 % 43,7 % 40,3 % 12,5 % 17,2 % 82,8 % 29,5 % 70,5 % 69,7 % 30,3 % Tableau 1 : caractéristiques cliniques et pathologiques des 472 patientes QSE = quadrant supéro-externe, UQE = union des quadrants externes, QSI = quadrant supéro-interne, UQS = union des quadrants supérieurs, UQI = union des quadrants internes, QII = quadrant inféro-interne, UQI = union des quadrants inférieurs, QIE = quadrant inféro-externe CCI = carcinome canalaire infiltrant, CLI = carcinome lobulaire infiltrant 6 Caractéristiques histo-pathologiques des GS et des GNS Au moins un GS a été prélevé chez 463 des 472 patientes ayant bénéficié de la procédure : le taux de détection du GS était donc de 98 % dans notre série. En moyenne, 2.7 GS ont été prélevés par patiente, avec des extrêmes de 1 à 9. Pour 143 patientes (30.3 %), au moins 1 GS a été considéré comme positif, dont 58.7 % de macrométastases, 38 % de micrométastases et 3.3 % de cellules tumorales isolées. Le ratio (nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés) moyen était de 0.17 par patiente (compris entre 0 et 1). Sur les 143 patientes ayant au moins un GS positif, 110 ont bénéficié d’un curage axillaire complémentaire : 52.8 % dans le même temps opératoire (examen extemporané positif) que la détection du ganglion sentinelle et 47.1 % dans un second temps (examen extemporané négatif mais résultat anatomopathologique définitif positif). Le nombre moyen de GNS prélevés était de 9,4 ganglions par patiente, avec des extrêmes de 1 à 24. Parmi les 110 patientes ayant eu un curage, 23 (20.9 %) avaient un envahissement métastatique de celui-ci. Parmi elles, 12 patientes avaient un seul GNS positif et 11 avaient au moins 2 GNS positifs. Analyse uni-variée : relation entre les variables et l’envahissement du curage (parmi les 110 patientes ayant au moins un GS positif et ayant eu un curage) Chaque variable a été analysée séparément afin de mettre en évidence une association significative avec l’envahissement ou non du curage. Le tableau 2 rapporte ces résultats. 7 Variable étudiée Curage non envahi Nombre de patientes (et pourcentage) 87 Nombre de patientes Age ≤ 50 ans 34 (39.1) > 50 ans 53 (60.9) Taille histologique de la tumeur (mm) ≤ 10 28 (32.9) 11 - 20 52 (61.2) > 20 5 (5.9) Type histologique de la tumeur Canalaire 76 (87,3) Lobulaire 22 (25,3) Grade histologique SBR 1 34 (40) 2 36 (42.3) 3 15 (17.6) Récepteurs aux œstrogènes Négatifs 10 (11.5) Positifs 77 (88.5) Récepteurs à la progestérone Négatifs 19 (21.8) Positifs 68 (78.2) Présence d’emboles lympho-vasculaires Non 31 (60.8) Oui 20 (39.2) Présence de macrométastases dans le GS Non 36 (41.4) Oui 51 (58.6) Nombre de GS métastatiques 1 73 (83.9) ≥2 14 (16.1) Ratio (Nb de GS + / Nb de GS prélevés) < 0.5 33 (38.8) 0.5 – 1 31 (36.5) 1 21 (24.7) Curage envahi Nombre de patientes (et pourcentage) 23 p 0.26 12 (52.2) 11 (47.8) 0.032 4 (19) 12 (57.1) 5 (23.8) 0,38 20 (87) 4 (17,4) 0.85 7 (33.3) 10 (47.6) 4 (19) 0.27 3 (13) 20 (86.9) 0.22 5 (21.7) 18 (78.3) 0.26 7 (63.6) 4 (36.4) 0.08 6 (26.1) 7 (73.9) 0.002 12 (52.2) 11 (47.8) 0.0014 2 (9.5) 11 (52.4) 8 (38.1) Tableau 2 : relation entre les variables et l’envahissement du curage Validation du score de Tenon Le cut-off proposé par l’équipe de Tenon pour son score est de 3,5. Afin de valider ce score, nous avons établi le tableau 3, qui nous a permis de calculer les valeurs de sensibilité, spécificité, valeurs prédictives positive et négative. 8 Curage envahi Nombre de patientes Curage non envahi Nombre de patientes Total Score > 3.5 14 31 45 Score ≤ 3.5 9 56 65 Total 23 87 110 Tableau 3 : tableau permettant le calcul de la sensibilité, spécificité, valeur prédictive négative et valeur prédictive positive du score de Tenon sur 107 des 110 patientes GS+ et ayant eu un curage. Sensibilité = 14/23 = 60,9 % Spécificité = 56/87 = 64,4 % Valeur Prédictive Positive (VPP) = 14/45 = 31,1 % Valeur Prédictive Négative (VPN) = 56/65 = 86,1 % Dans le tableau 4, nous avons analysé les dossiers des 9 patientes correspondant aux fauxnégatifs du score dans notre étude, c’est-à-dire les 9 patientes qui ont un score négatif et dont le curage est pourtant envahi : Nombre de patientes (sur les 9) Facteurs de mauvais pronostic Age < 35 ans Taille histologique > 3 cm Récepteurs hormonaux négatifs SBR = 3 Ki67 élevé HER 2 +++ 1/9 2/9 1/9 0/9 2/9 1/9 Patientes n’ayant pas eu de CT, malgré leur statut GNS + 4/9 - 3 pour absence de bénéfice de la CT, aucun facteur de mauvais pronostic -1 pour mauvais état général, contreindication à la CT Patientes qui ont eu une CT, pour une autre raison que le statut des GNS 4/9 - 3 pour facteurs de mauvais pronostic (âge, taille de la tumeur primitive, Ki67 élevé) - 1 pour indication d’un traitement par Herceptin (toujours associé à la CT) Tableau 4 : tableau résumant les caractéristiques des 9 patientes faux-négatifs du score de Tenon appliqué à notre population. CT = chimiothérapie 9 Discussion Dans le cadre de cette étude, nous avons montré que seulement 20,9 % de nos patientes avaient un envahissement du curage lorsqu’elles avaient un GS métastatique. Nous avons mis en évidence que la taille histologique de la tumeur primitive, le nombre de GS métastatiques et le ratio (nombre de GS métastatiques / nombre de GS prélevés) étaient des facteurs prédictifs statistiquement significatifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastasique. Enfin, l’évaluation du score de Tenon sur notre population a retrouvé une valeur prédictive négative à 86,1 %, c’est-à-dire un faible taux de faux négatifs. Nous allons reprendre chacun de ces points afin de les discuter et les confronter à la littérature. Taux d’envahissement des GNS en cas de GS métastasique Les taux d’envahissement des GNS, lorsque le GS est positif, relevés dans la littérature sont très variables : de 13 % [16] à 66 % [17]. La plupart des auteurs rapporte un taux compris autour de 40 % [18-20]. Notre pourcentage de 20,9 % est donc plus faible que celui rapporté par la majorité des études. Ceci peut s’expliquer par les divergences entre les études dans les critères d’inclusion et d’exclusion : certains auteurs par exemple pratiquent la technique du GS alors qu’un ganglion axillaire est palpable cliniquement ce qui n’est pas le cas dans notre pratique [21], ou d’autres pour des tumeurs allant jusqu’à 3 cm cliniquement [17]. Facteurs prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastasique • Taille histologique de la tumeur initiale Comme dans notre étude (p=0,032), la taille histologique de la tumeur est retrouvée comme facteur prédictif d’envahissement des GNS dans la majorité des études : Barranger et al. rapportent un risque d’envahissement des GNS de 0 % si la tumeur mesure moins de 10 mm, un risque de 17 % si elle mesure entre 11 et 20 mm et un risque de 67 % si elle mesure plus de 20 mm [14]. Nos et al. rapportent également comme facteur prédictif d’envahissement des GNS une taille tumorale supérieure à 20 mm [21], comme de nombreux autres auteurs [17, 18]. Dans notre étude, 12,5 % (4/32) des patientes ayant une tumeur inférieure à 11 mm avaient un envahissement des GNS, 18,5 % (12/64) si la tumeur a une taille comprise entre 11 et 20 mm, et 50 % (5/10) si la tumeur dépasse les 20 mm. 10 • Présence d’emboles lympho-vasculaires Dans notre étude, la présence d’emboles lympho-vasculaires n’apparaissait pas comme un facteur de risque indépendant d’envahissement des GNS. Les résultats retrouvés dans la littérature sont divergents : si Chu [18], Houvenaeghel [16] par exemple avaient des résultats identiques aux nôtres, plusieurs études, dont celle de Viale [20] et celle de Sachdev [11] rapportaient la présence d’emboles lympho-vasculaires comme un facteur de risque indépendant d’envahissement des GNS. • Caractéristiques cliniques L’âge de la patiente n’apparaissait pas comme un facteur prédictif d’envahissement des GNS dans notre étude, ce qui était concordant avec la grande majorité des études. La localisation tumorale, variable non étudiée dans notre étude, n’a jamais été rapportée dans la littérature comme un facteur de risque indépendant d’envahissement des GNS. • Autres caractéristiques histologiques Le type histologique de la tumeur primitive n’a été retrouvé comme facteur prédictif d’envahissement des GNS ni dans notre étude ni dans la littérature : il ne semble donc pas y avoir plus d’envahissement des GNS en cas de carcinome lobulaire infiltrant. Le grade SBR et le statut des récepteurs hormonaux ne sont pas apparus dans notre étude comme des facteurs prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastatique. Ces données sont concordantes avec celles retrouvées dans la littérature. Seuls Goyat et al. ont retrouvé une association significative entre le garde SBR et l’envahissement des GNS [22]. De même, l’expression de l’antigène Ki 67 et l’expression du récepteur HER-2, variables non étudiées dans notre étude, n’ont jamais été mis en évidence dans la littérature comme facteurs de risque d’envahissement des GNS. • Présence de macrométastases dans le GS La taille de la métastase dans le GS est un facteur prédictif d’envahissement fréquemment retrouvé dans la littérature : pour Barranger et al. [14] une patiente dont le GS est envahi par une micrométastase a un risque de 14% d’envahissement des GNS, contre 40% si le GS est envahi par une macrométastase. Nombreux sont les auteurs, tels que Yu [17], Chu [18] et Viale [20], qui rapportent les mêmes résultats. Pour Nos et al., le volume de la métastase dans le GS est un des principaux facteurs prédictifs d’envahissement des GNS [21]. Chu allait 11 même jusqu’à proposer de surseoir au curage axillaire chez les patientes dont la tumeur est classé T1 et dont le GS est envahi par des micrométastases [18]. Cette donnée, quasi unanimement reconnue, n’a pas été mise en évidence de façon formelle dans notre étude, du fait d’une puissance trop faible, mais nos résultats étaient toutefois proches de la significativité (p=0,08). Nous n’avons retrouvé que 5 études qui ne mettent pas en évidence d’association significative entre la taille de la métastase dans le GS et l’envahissement des GNS [16, 23-26]. Il semble donc que ce facteur soit intéressant à prendre en compte. • Nombre de GS métastatiques Plusieurs études montrent que le nombre de GS métastatiques est corrélé au risque d’envahissement des GNS [17]. Pour Zavagno et al. [27], la présence de 2 GS métastatiques ou plus augmentaient significativement le risque de métastases dans le GNS, par rapport à un seul GS envahi. De même, dans l’étude de Barranger et al. [14], 18 % des patientes ayant un seul GS métastatique avaient un envahissement des GNS, contre 50 % des patientes ayant au moins deux GS envahis. Nos résultats étaient très proches : dans notre étude, le taux d’envahissement des GNS lorsque seul un GS est métastatique était de 16,4 % alors qu’il était de 44 % pour 2 GS métastatiques ou plus (p=0,002). • Ratio (Nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés) Nous avons calculé ce ratio, car il est décrit et retrouvé comme facteur prédictif d’envahissement des GNS dans l’étude de Barranger et al. [14]. Nous avons retrouvé dans nos résultats la même notion, de manière significative (p= 0,0014) : le risque d’envahissement des GNS était de 5,7 % (2/35) pour un ratio inférieur à 0,5 ; il était de 26,2 % (11/42) pour un ratio compris entre 0,5 et 1 et de 38 % pour un ratio égal à 1. De manière indirecte, nous l’avons retrouvé aussi dans plusieurs études de la littérature : Farshid et al. [24] ont montré que la proportion de GS métastatiques et le nombre de GS prélevés au total étaient des facteurs prédictifs d’envahissement des GNS ; Goyal et al. [22] ont montré que si le nombre de GS métastatiques était supérieur au nombre de GS indemnes (ce qui correspond à un ratio > 0,5), le risque d’envahissement des GNS était accru. 12 Score de Tenon et autres scores prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastasique Dans notre étude, presque 80 % des patientes présentant un GS positif n’avaient pas d’envahissement des GNS : ces patientes n’ont donc tiré aucun bénéfice à avoir un curage axillaire. Il est donc logique de vouloir rechercher des facteurs prédictifs de nonenvahissement des GNS, lorsque le GS est métastatique. Constatant qu’un seul facteur prédictif de non-envahissement des GNS (taille histologique de la tumeur inférieur à 10 mm, absence de macrométastase, nombre de GS métastatique égal à 1, ratio (nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés) inférieur à 0,5) pris isolément serait insuffisant pour recommander désormais de ne pas réaliser de curage axillaire complémentaire, l’équipe de Tenon a donc proposé de mettre en place un score, comme nous l’avons décrit plus haut [14]. Celui-ci, en associant 3 critères hautement significatifs (la taille histologique de la tumeur, l’existence de macrométastases dans le GS et le ratio (nombre de GS positifs / nombre de GS prélevés)), permettrait de prédire de façon encore plus fiable le risque d’envahissement des GNS en cas de GS positif et d’éviter certains curages axillaires inutiles chez les patientes. Les auteurs à l’origine de ce score ont retrouvé une VPN très élevée : selon leurs résultats une patiente pour laquelle le score de Tenon était inférieur ou égal à 3,5 avait 97,3 % de chance que ses GNS ne soient pas envahis, le taux de faux négatifs (2,7 %) était donc faible [14]. Plus récemment, une étude prospective et multicentrique menée sur 26 patientes a validé ce score et les auteurs retrouvaient une VPN à 95,8 % [15]. Nos résultats étaient un peu moins élevés : la VPN calculée sur nos patientes était de 86,1 %, ce qui veut dire que presque 14 % des patientes ayant un score inférieur à 3,5 avaient quand même des GNS envahis. Cette différence de résultats s’explique probablement par le fait que la VPN décroît avec la prévalence du test positif dans la population étudiée. Or la prévalence du test positif (ici, score > 3,5) était de 41 % (44/107) dans notre population et de 50 % dans celle de l’équipe de Tenon. Cette différence peut s’expliquer également par le fait que nos résultats n’identifiaient pas la présence de macrométatastases comme facteur pronostique significatif, or celui-ci fait partie du score. Notre VPN était donc moins bonne, mais néanmoins reste correcte. Il nous a semblé intéressant d’analyser plus précisément les faux-négatifs du score dans notre étude : les 9 patientes pour lesquelles le score est négatif alors qu’elles ont un curage positif. Le tableau 4 nous montre qu’il s’agit d’une population à pronostic globalement favorable et que pour 88% (8/9) d’entre elles, la valeur du score de Tenon ne modifierait pas en réalité la prise en charge ultérieure. Ces patientes devraient avoir de la CT (pour GNS envahis) mais ne 13 l’auraient pas eu car classées faux-négatif du score ; or on voit que 44 % (4/9) auraient eu une CT de toute façon (pour une autre raison) et 44 % (4/9) n’en auraient de toute façon pas eu (absence de bénéfice). Donc seuls 1,5 % des patientes, pour lesquelles la prise en charge ultérieure serait modifiée, sont des réels faux-négatifs du score dans notre étude. L’intérêt du score de Tenon nous semble donc désormais évident, même si sa validation définitive ne pourra venir que d’un essai prospectif randomisé et multi-centrique. D’autres auteurs ont proposé des scores prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS positif : Van Zee et al. [13] ont proposé un nomogramme (MSKCC nomogramm) reprenant 8 variables (le type histologique et le grade SBR, l’existence d’une invasion lympho vasculaire, le caractère multifocal et la taille de la tumeur primitive, le statut des récepteurs aux oestrogènes, le nombre de GS non métastatiques et la méthode de détection des métastases dans les GS). Degnim et al. [12] ont proposé un nomogramme reprenant 5 variables (la taille de la métastase du GS, la taille histologique de la fraction invasive de la tumeur, le nombre de GS indemnes, le nombre de GS métastatiques et l’âge de la patiente). Contrairement au score de Tenon, le nomogramme de Degnim n’a été évalué par aucune étude prospective et l’utilisation en routine du nomogramme de Van Zee ou de celui de Degnim apparaît complexe. 14 Conclusion Selon notre étude et les données retrouvées dans la littérature, au moins 70 % des patientes ayant un cancer du sein et chez qui le GS est positif, n’auront pas d’envahissement des GNS et auront subi un curage axillaire inutile. Nous avons pu mettre en évidence l’existence de facteurs prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastatique : la taille histologique de la tumeur primitive, le nombre de GS métastatiques et le ratio (nombre de GS métastatiques / nombre de GS prélevés). De plus, la taille de la métastase dans le GS semble être également un facteur prédictif intéressant, il est mis en évidence dans de nombreuses études. Depuis plusieurs années, plusieurs auteurs ont proposé des scores prédictifs d’envahissement des GNS en cas de GS métastatique. Parmi eux, le score de Tenon [14, 15] a le mérite d’être simple d’utilisation, car il est basé sur 3 variables (la taille tumorale, la présence de macrométastases et le ratio (nombre de GS métastatiques / nombre de GS prélevés)). Reproductible, fiable et validé de façon multicentrique et prospective [15]. Le score de Tenon semble donc supérieur aux autres nomogrammes proposés dans la littérature. Cependant, il est souhaitable de poursuivre son évaluation, avant de pouvoir le valider et l’intégrer définitivement à la stratégie de prise en charge des patientes ayant un cancer du sein. En attendant, un curage axillaire complémentaire reste recommandé en cas de GS positif. 15 Nous tenons à remercier le Département d’Information et d’Evaluation Médicale du Centre Eugène Marquis de Rennes, en particulier Madame Habiba Mesbah et Docteur Philippe Porée. Bibliographie 1. Belot A, Grosclaude P, Bossard N, Jougla E, Benhamou E, Delafosse P, et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique. 2008 Jun;56(3):159-75. 2. Carter CL, Allen C, Henson DE. Relation of tumor size, lymph node status, and survival in 24,740 breast cancer cases. Cancer. 1989 Jan 1;63(1):181-7. 3. Hoe AL, Iven D, Royle GT, Taylor I. Incidence of arm swelling following axillary clearance for breast cancer. The British journal of surgery. 1992 Mar;79(3):261-2. 4. Petrek JA, Heelan MC. Incidence of breast carcinoma-related lymphedema. Cancer. 1998 Dec 15;83(12 Suppl American):2776-81. 5. Krag DN, Weaver DL, Alex JC, Fairbank JT. 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